Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/anthropologie17pari
L'ANTHROPOLOGIE
CONDITIONS DE LA PUBLICATION
L'Anthropologie paraît tous les deux mois.
PRIX DE L'ABONNEMENT ANNUEL :
Paris, 25 fr. — Départements, 27 fr. — Union Postale^ 28 fr.
Prix du numéro : 5 fr.
Angers. — Imprimerie A. Blhoin et C'
MATERIAUX POUR L'HISTOIRE DE L'HOMME
REVUE D'ANTHROPOLOGIE— REVUE D'ETHNOGRAPHIE
RÉUNIS
L'ANTHROPOLOGIE
Paraissant tous les deux mois
RÉDACTEURS EN CHEF
MM. BOULE — VERNEAU
PRINCIPAUX COLLABORATEURS
MM. ALBERT GAUDRY — BREUIL — CARTAILHAC — COLLIGNON
DÉCHELETTE — DENIKEK — HAMY — LALOY — MONTANO
SALOMON REINAGH — Pkingb ROLAND BONAPARTE — TOPINARI)
Bulletin bibliographique, pak M. UENIKKH
X03VIE: IDIX:-SEF»XIEIVEE
ANNÉE 1906
PARIS
MASSON ET O', EDITKUHS
LIB II AIRES DE l'aCADÉMIB DB MBUBCINK
i20, BOUI. BVAKD SAINT-OHKMAIW
/
L'ANTHROPOLOGIE
MÉMOIRES ORIGINAUX
LES PREMIERS GAULOIS
PAR
Le D"^ E -t. HAMY
Membre de l'iustitiit et de l'Académie de Médecine,
F'rofesseur au Muséum d'Histoire Naturelle.
Les nombreuses fouilles exécutées depuis quelques années dans
les tumulus de nos départements orientaux ont été particulièrement
fructueuses pour l'étude des antiquités nationales (1). Les objets
que recelaient ces grossiers monuments, interrogés avec sagacité
par des archéologues érudits et prudents, ont fourni des indications
précieuses et une certaine lumière a pu se répandre sur quelques-
uns des points les plus obscurs de notre elhnogénie.
On sait maintenant, grâce aux travaux de Saulcy, de Flouesl,
d'Alexandre Bertrand, etc. qu'à une époque antérieure de plusieurs
siècles à Tère chrétienne, une population nouvelle s'est implantée
dans l'Est de notre pays et qu'elle y a apporté avec elle des mœurs,
des coutumes, des industries jusqu'alors inconnues.
Ces nouveaux venus se montrent alliés de près aux tribus établies
vers le même temps à Torient de la Gaule dans les hautes vallées
(1) F. DK Saulcy, Note sur la nécropole gauloise de Brully... et sur celle du Bois de
la Perrouse, dépendant d\4uvenay {Hev. Arch., Nouv. Sér.,t. IV, p. U0,1S6I); —In.,
Fouilles des tumulus dans les Vosges et dans la Côte-d'Or (Ibid., t. XVI, p. 418, 1867) ;
— Bru/ard, Fouilles du tumulus de Genag (Bull. Soc. Se. Hisl. et Xal. de Se77iur, t. V,
p. 38, 1868) ; — Ed. Flouest, Notespour servir à l'élude de la haute antiquilé en Bour-
gogne (/6id.,t. VIII, p. 281, 1871; t. X, p. 68, 1873; t.\ll,p.41, 1875) ; —Al. Bertrand,
Archéologie Celtique et Gauloise, Paris, 1876, iu-8o, p. 272-333;— Etc.
L'AiNTUROPOLOOlE. — T. XVK. — 1906. 1
2 D' E. T. IIAMV.
danubiennes ou sur les bords du Pô, do l'Elbe et de l'Oder, avec
lesquelles ils ont en commun un certain nombre de caractères ethno-
graphiques plus ou moins importants.
Leurs restes, qui gisent, plus ou moins profondément enfouis
sous des amas de pierrailles quelquefois fort volumineux, sont
accompagnés assez habituellement de longues épées de fer à soie
plate et à rivets, dont le tranchant est double et dont la pointe est
mousse, ou encore de rasoirs de bronze en demi-lune ou d'anneaux
plus ou moins dilatés. Parfois on a découvert à côté des corps
d'autres objets, situles et vases de bronze, terres cuites peintes,
caractéristiques de l'art étrusque.
Ce sont bien nos premiers Gaulois, ceux qui au iv*^ siècle avant
notre ère, ravageaient la Haute Italie et en rapportaient les dé-
pouilles, que nous retrouvons ainsi ensevelies au voisinag-e de
leurs squelettes.
Qu'étaient ces premiers Gaulois, au point de vue de leurs carac-
tères physiques? C'est ce qu'un examen minutieux de leurs osse-
ments pourrait nous apprendre, dans une certaine mesure. Malheu-
reusement les restes que l'on retrouve dans les tumulus sont très
rarement intacts et depuis trente ans que j'appelle l'attention des
archéologues sur leur conservation, je n'en ai reçu qu'un très petit
nombre qui se prêtassent à des mesures multiples et précises, à des
descriptions détaillées.
Les pages qui suivent renferment le résultat de cette enquête
prolongée. On y retrouvera d'abord un peu plus développées les
notes que j'ai autrefois consacrées aux restes osseux des tumulus
d'Auvenay (1) ; j'y ai ajouté des détails inédits sur ceux de Méloisey,
de Magny-Lambert, de la forêt de Châtillon, enfin j'ai fait connaître
les pièces découvertes dans la plaine lorraine, dans les Vosges, etc.
On trouvera à la suite des deux chapitres où sont coordonnées ces
descriptions, une comparaison méthodique des crânes tirés des
tumulus avec ceux de plusieurs nécropoles de date postérieure
rencontrées dans la même contrée. Ce parallèle démontrera Tiden-
tité de race de nos premiers Gaulois avec les autres barbares qui se
sont succédé pendant une longue suite de siècles dans nos contrées
occidentales jusqu'au début du Moyen Age. Je me propose de dé-
montrer que ces derniers dont nous connaissons la morphologie
(1) E. T. Hamy, Noie sur les ossements humains des tumulus du bois de la Perrouse
à Auvcnay {Côle-d'Or) {Bull. Soc. Se. liist. et Nal. de Semur, t. XII l, p. 61, 1876).
LES PREMIERS GAULOIS. 3
ethnique de la manière la plus complète ne diffèrent point de leurs
devanciers des tumulus du premier âge du fer.
Chapitre l''^ — Ossi<:mknïs des tumulus du Beaunois.
1° Tumulus d'Auvenay.
Les premières recherches véritablement scientifiques, que Ton ait
pratiquées au fond de ces tumulus dans notre pays, sont celles aux-
quelles M. F. de Sanlcy, membre de l'Institut, président de la Com-
mission de Topographie des Gaules, s'est livré en 1861 au bois de
la Perrouse, à Auvenay, canton de Nolay, arrondissement de Beaune .
Ces fouilles ont été sommairement décrites dans le numéro de
décembre 1861 de la Revue archéologique et la Société des
sciences historiques et naturelles de Semur a publié une seconde
édition de ce récit quelque peu modifiée et à laquelle est jointe une
belle lithographie qui représente les objets les plus intéressants
que M. de Saulcy y ait découverts (1). On sait par ces deux descrip-
tions que la nécropole du bois de la Perrouse se composait de
deux grands tumulus de 4 mètres de hauteur, de 70 a 80 mètres
de circonférence et d'un certain nombre de tumulus plus petits
placés en arrière des premiers ; que tous ces monuments étaient
de véritables galgals formés de pierres de dimensions médiocres
« placées avec un soin évident les unes sur les autres de manière à
former une masse compacte, dont la durée devait braver l'action
des siècles « ; que les pierres, en se tassant, avaient malheureuse-
ment écrasé en grande partie les corps des personnages qu'elles
étaient destinées à protéger; que, par suite, les squelettes et le
mobilier funéraire qui les accompagnait étaient en fort mauvais
état, au moment où ils revirent le jour.
Le grand tumulus de droite ne renfermait que les restes, en très
petite quantité, d'un sujet presque complètement détruit, avec des
débris de bracelets de bronze, et un gros rasoir de fer à lame très
convexe. Dans le grand tumulus de gauche un squelette gisait
pareillement, en fort mauvais état, accompagné d''un double rasoir
de bronze, avec tige de suspension terminée en anneau, et d'une
grande épée de fer, mesurant encore 0"*,93 de longueur, à la
pointe obtuse, à la soie large et plate, rivée de bronze, à la lame
(1) F. DE Saulcy, Note sur les fouilles des tumulus du bois de la Perrouse à Au-
venaij {Céle-d'Or) {Ibid., p. 57).
4 Df E.-ï. IIAMY.
échancrée au dessous de la poignée cl s'élarg-issant vers son milieu ,
et qui devait avoir atteint un mètre au moins dans son intégrité.
Plusieurs autres sujets furent exhumés des tumulus secondaires;
près de l'un d'eux gisait une petite coupe en bois de cerf. Quelques
mauvais fragments de poterie et des débris de fer indéterminables
se sont également rencontrés çà et là dans la fouille.
M. de Saulcy a recueilli attentivement tout ce qui pouvait jeter
quelque jour sur les sépultures d'un type jusqu'alors inconnu qu'il
venait de découvrir. Les ossements, si brisés qu'ils fussent, furent
rassemblés avec soin et adressés au laboratoire d'anthropologie du
Muséum, en même temps que les objets archéologiques provenant
de la fouille allaient enrichir le nouveau Musée des Antiquités
Nationales. Ces débris humains, dont j'ai publié une première
description en 1876 dans le Bulletin de Semur, ont appartenu à
cinq sujets au moins, trois hommes adultes, une femme et un
enfant de quatre ou cinq ans.
Deux d'entre eux (n^" 1 et 2), moins incomplets que les autres,
gisaient sous deux des tumulus secondaires; le n° 3, extrêmement
mutilé, provient d'un des grands tumulus; le plus jeune enfin a
la même origine que les deux premiers adultes. Il a été possible de
reconstituer, non sans peine, à l'aide des nombreux petits fragments
de crânes ramassés pendant la fouille, quatre voûtes de crânes
incomplètes.
N* 1. — La première^ restituée à l'aide d'une trentaine de petits
morceaux^ patiemment juxtaposés, comprend le frontal, moins
son quart inférieur gauche, les pariétaux presque entiers, l'écaillé
occipitale, deux fragments du temporal gauche et la portion
mastoïdienne du temporal droit. La voûte incomplète, ainsi recom-
posée, est mince (6 mm.) et de densité moyenne. Elle a la forme
d'un ovale très allongé (d. a. p. 198 mm.) et très régulier, et offre
des dimensions considérables (cire, horiz. 550 mm.).
Le frontal, au-dessus de sinus fortement accusés, monte presque
droit d'abord, puis s'inQéchit assez rapidement,, tout en continuant
à s'élever jusqu'au bregma, distant de plus de 140 mm. de la racine
du nez. Ce développement exceptionnel dans le sens de la lon-
gueur, coexiste avec une amplitude remarquable de l'os dans le
sens transversal. Le diamètre frontal minimum est de 103 à 104 mm.
et le maximum en dépasse 125. La vaste surface osseuse ainsi cir-
conscrite ne présente pas de détails anatomiques spéciaux à relever ;
on n'y constate ni voussure médiane, ni bosses bien accusées. La
LES PREMIERS GAULOIS. o
portion temporale est relativement petite et légèrement bombée.
Les pariétaux sont de longueur moyenne (123 mm.) mais large-
ment étalés. Leur diamètre transverse n'a pas moins de 145 mm.,
et Tindice céphalique qui se lire de la comparaison de ce diamètre
avec Tantéro-postérieur, égale 73,23. Les bosses sont mal circons-
crites et les courbes qui limitent la fosse temporale se distinguent
à peine.
Reliés au frontal par une suture assez simple, en arrière de
laquelle ils se dessinent légèrement, surtout au voisinage du plan
médian antéro-postérieur, les pariétaux développent d'ailleurs avec
beaucoup de régularité des courbes sans aucun ressaut. Tout ce
que l'on y trouve à signaler, c'est un enfoncement peu marqué de
la suture sagittale, fort compliquée dans ses dentelures et tendant
à s'oblitérer au lieu d'élection de la synostose commençante.
L'écaillé occcipilale, triangulaire, longue et large tout ensemble,
prolonge, sans changement de courbure, les deux pariétaux, de
manière à donner au crâne postérieur une convexité très accusée.
La bosse occipitale est saillante, la protubérance externe se montre
à peine indiquée, les lignes courbes et les insertions musculaires
n'offrent rien d'exceptionnel. Les bosses cérébelleuses formentdeux
saillies bien distinctes et les angles externes sont légèrement dépri-
més.
L'apophyse mastoïde, projetée quelque peu en dehors du tempo-
ral, est particulièrement robuste.
iN° 2. — La deuxième voûte crânienne de la Perrouse, recom-
posée à l'aide de vingt-cinq fragments, est formée des trois quarts
du coronal, du pariétal et du temporal gauche, presque entier,
d'une partie des mêmes os du côté droit et de l'occipital à peu
près complet. Elle a aussi appartenu à un individu ayant un peu
dépassé l'âge adulte et dont la synostose se présente à peu près la
même que celle du sujet n^ 1.
Les différences les plus frappantes que montre cette pièce com-
parée à la précédente, se tirent des inflexions plus brusques de la
voûte, qui donnent au profil quelque chose de plus mouvementé et
de plus anguleux, et surtout de la descente rapide des pariétaux en
arrière, qui a pour résultat de diminuer d'un centimètre la long-ueur
du crâne (d. a. p. 188 mm.), la largeur demeurant à peu près la
même (d. tr. max. 144 mm.) et de faire monter l'indice céphalique
de 73,23 à 76,59.
L'exagération des courbures a pour [conséquence l'accentuation
6 D' K.-T. (lAMY.
dos bosses qui, aux pariéUiux ol surloul au frontal^ présonlenl des
reliefs assez bien circonscrits.
La bosse occipitale est, au contraire, moins accusée, quoique
l'os du même nom montre un profil plus indépendant du reste
de la voûte que celui du crâne n° 1. La protubérance externe fait
saillie en manière de crochet, les lignes courbes et les autres impres-
sions musculaires sont assez bien marquées. Les bosses cérébel-
leuses sont saillantes, la base de l'os se renfle même assez pour que
les condyîes viennent occuper un plan un peu inférieur à celui des
aphophyses mastoïdes, ce qui fait monter à 136 mm. le diamètre
basilo-bregmatique.
N'^ 3 — Il ne s'est retrouvé du crâne n'* 3 qu'un anneau osseux,
comprenant une moitié du frontal et des pariétaux correspondant
à la courbe transverse, les deux temporaux moins le rocher et la
moite supérieure de Técaille gauche, enfin la protubé rance et la por-
tion cérébelleuse de Toccipital. C'est encore le crâne d'un homme,
moins avancé en âge et plus robuste que les autres. L'épaisseur
maxima, qui n'était que de6 à7 mm. sur les deux premiers_, s'élève
sur le troisième à 9 mm. L'apophyse mastoïde, très développée,
est fortement rejetée en dehors; la crête temporale postérieure est
des mieux accusées; la protubérance occipitale se montre très
épaisse (17 mm.) et les empreintes des muscles de la nuque sont
vigoureusement dessinées. Les formes générales indiquent une
dolichocéphalie à peu près intermédiaire à celle des deux crânes
précédents. Ce qui reste de la courbe antéro-postérieure rappelle
le nM .
N° 4. — Il ne s'est rencontré aucune parcelle de crâne du sujet
féminin que nous avons désigné sous le n° 4.
N» 5. — Le n° 5 est un crâne d'enfant âgé d'environ quatre ans.
Autant que l'on en peut juger par les os qu'il nous en reste, le fron-
tal et le pariétal droits, tous les deux incomplets, ce crâne devait
être plus ou moins brachycéphale. On ne s'étonnera point de trou-
ver cette brachycéphalie enfantine juxtaposée à une dolichocéphalie
qui donne chez les hommes l'indice moyen 75 environ. Des varia-
tions semblables se manifestent dans toutes les races, de l'enfance
àTâge adulte, et les Crania Ethnica^n fournissent maints exemples.
Les faces étaient plus écrasées encore que les crânes, et M. de
Saulcy n'a pu recueillir que de petits fragments de maxillaires supé-
rieurs et des parties plus importantes de mâchoires inférieures.
o
LO 'M ^ ~^ ro c3
^ ^^ ^» _ ^j >.t
b
oo -* ~ c =
a
en
o
&i
u
o
es
a:
^
x;
o
TS
C3
T3
^
ï^.
•» ---t :'^ 00 O c; r-
OO --T" fM = tM o c;
o
C!
u
o
b
00 î,-> î,0 -* CO iO o
3
lo a fM >* CM co
^ « 3 ' ■ *-
S...35Sa3^ ..2
.-H -^ rt .-< .i3 (D — "^ "^ »-' 3 3
33oi3 13 ?f • x> s^ • ■ a =^iH
•S a -2 .2 g .2 ë ° o = -5 15 .ts -g
I s I M I ' i ! .2 g I __ , ,-,
fit- aj o t, , fc. o
S8j;9a3 131(3
saqjnoQ
saoïpni
8 D-^ E.-T. H A. M Y.
Les premiers, au nombre de trois, appartiennent lous au côté
gauche de l'arcade dentaire. L'un de ces débris, que je suppose
appartenir au crâne n*^ 1, décrit plus haut, porte l'incisive externe,
la canine et les deux prémolaires, toutes assez usées, pour que le
collet des dents ne soit plus sur les prémolaires qu'à 4 ou 5 mm. de
la couronne. Un lég-er bourrelet marque seul la racine de la canine,,
la fossette incisive est à peine indiquée et la fosse canine n'a rien
d'exceptionnel. La direction générale de la face antérieure de Tos
correspond à un orlhognathisme très décidé, et ce qui reste de la
face palatine indique une voûte profonde relativement étroite et
allongée.
Les mêmes indications peuvent se tirer de Texamen du deuxième
fragment, que je rapporte au crâne n'' 2, dont les dents, encore en
place, canine et première prémolaire, ne sont pas moins usées que
sur la pièce que je viens de décrire. Le bord de l'orifice nasal se
laisse voir en partie et semble correspondre à une ouverture pyri-
forme relativement étroite.
Le troisième fragment, appartenant probablement au crâne n" 3,
ne diffère morphologiquement des deux autres que par une saillie
beaucoup plus accusée du bourrelet canin et l'excavation plus pro-
fonde de la fossette incisive. Les dents, canine et première prémo-
laire, y sont bien moins usées
Des trois portions de maxillaires inférieurs, celle qui convient
le mieux au crâne n° 1 , est à peu près complète, du côté droit,
auquel il ne manque que l'apophyse coronoïde. Sa forme est parabo-
lique,la branche horizontaleest haute, massiveet robuste, labranche
montante est relativement fine, quoique solidement établie. La face
externe est assez mouvementée, les attaches musculaires y sont for-
tement empreintes. Le menton triangulaire est un peu relevé, et son
profil donne un angle de 72° ou environ. Le bord inférieur de l'os
est épais, l'arcade loge quatre dents, deux prémolaires et deux
molaires de taille moyenne et assez usées pour que le fût dentaire
ne mesure que 5 mm. environ au-dessus du collet. La face interne
montre, plus encore que l'externe, des insertions musculaires bien
accusées; les apophyses géni y sont très fortes et les lignes myloï-
diennes très nettement découpées. La branche montante, haute de
51 mm. n'en a que 33 de large, et sa largeur oblique l'emporte un
peu (34 mm.) sur sa largeur transverse.
La deuxième mandibule diffère de la première par ses propor-
LES PREMIERS GAULOIS. 9
lions, sans en différer par ses tormes. Elle est un peu moins forte;
les détails analomiques y sont moins accentués et l'usure dentaire
s'y montre un peu moins avancée.
Il ne reste de la troisième mandibule qu'un tout petit fragment,
que ses dimensions nous empêchent de rapporter au crâne n» 3 de
la description précédente. Ce fragment a appartenu à un sujet
adulte, mais beaucoup plus faible et plus jeune que ceux dont il
vient d'être question, et probablement féminin. C'est notre n« 4,
dont nous aurons plus loin quelques autres pièces à faire connaître.
TABLEAU H. — Mesures des maxillaires inférieurs.
LA PERROL'SF,
MAGNY-
N° 1 Cf
No 2 cr'
N'o 4 9
lambertc/'
Diamètre bicondylien
108?
89?
0
»
— bigonial
100?
86?
»
105
Écart, des 2es molaires ....
48?
40?
))
47
— des canines
24?
20
))
25
Distauce angul. syraph
8S
82
»
87
/ hauteur
Branche \
I i transverse .
mont. j largeur <
\ ( oblique . .
51
33
34
ol
31
36
»
1)
33
30
/ ( symph. .
l hauteur <
Branche l ( 2^ mol. .
34
32
33
29
))
28
o3
32
horizont. ] i symph. .
/ épaisseur <
( ( 2e mol. .
14
13
14
14
»
13
15
14
Angle mandibulaire
1120
118"
1)
»
— alvéolo-mentonnier . . .
720
70°
»
y,
Les os du tronc sont en petit nombre et en fort mauvais état,
ainsi qu'il arrive presque toujours. Ce sont les débris de six ver-
tèbres, quelques fragments de côtes, une clavicule brisée, une apo-
physe coracoïde et deux fragments d'épine d'omoplate, enfin une
portion d'os iliaque droit.
Trois des vertèbres sont des lombaires, et semblent provenir
d'un des sujets les plus âgés. La clavicule est remarquable par Texa-
10 Di- E.-T. IIAMY.
gération de sa courbure; l'apophyse coracoïde est volumineuse et
les gouttières sous-épineuses des omoplates sont profondes. Enfin
ce qui reste de l'iliaque droit indique un sujet d'une laille et d'une
vigueur peu communes.
Les membres supérieurs sont représentés dans l'exhumation du
bois de la Perrouse par une tête d'humérus droit, qui paraît provenir
du sujet n" 4 dont nous avons plus loin examiné un fragment de
mandibule; par la diaphyse humérale droite et la moitié inférieure
de rhumérus gauche d'un homme robuste; enfm par une tête de
radius droit, sans aucun caractère spécial.
Les deux portions de bras du sujet masculin m'ont paru corres-
pondre à une longueur de 0°',33 environ, ce qui donnerait pour la
taille l",7o à l™,76. Le corps de l'os, mesuré au niveau du trou
nourricier est large de 20 mm. à droite et de iS^'^'jO à gauche, épais"
de 22 mm. à droite et à gauche de 19. L'extrémité inférieure est
relativement aplatie et assez large; son épaisseur, prise au-dessus
de la fosse olécranienne, est de 18 mm. et sa largeur maxima en
atteint 61.
Il reste des membres inférieurs deux paires de fémurs incomplets,
deux paires de tibias dont un seul est intact^ un calcanéum droit
brisé et le quatrième métatarsien gauche auquel manque son extré-
mité phalan^iennes.
Des deux paires de fémurs, la première est remarquablement
robuste et grande. On ne saurait évaluer la taille du guerrier
auquel elle a appartenu au-dessous de l'",76 ou l"",??, puisque
les dimensions des parties qui en subsistent, correspondent
à des fémurs de 0°',47 au moins. Le caractère le plus frappant de
leur morphologie se tire de la saillie et delà largeur considérables
de leur ligne âpre. Cette saillie est assez forte pour donner à Tos
une épaisseur de 34 à 35 mm. tandis que la largeur, au même
niveau, c'est-à-dire au point le plus étroit de la diaphyse fémorale
est seulement de 30 à 31. La ligne âpre est en même temps fort
large, puisque, de l'une de ses lèvres à l'autre, on mesure 9 à 11 mm.
Les mêmes caractères se remarquent sur la deuxième paire de
fémurs, un peu plus courts que les premiers; les pièces qui
la composent correspondent à des fémurs de 0'",4S, ce qui donne
pour ce second sujet une taille de 1™,70 à 1™,71. La largeur
maxima de ces fémurs est de 28 mm. pour le gauche, de 25 pour le
LES PREMIERS GAULOIS. 11
droit. L'épaisseur, au même niveau, est pour l'un et pour l'autre
de 30 mm. Les condyles mesurent 74 et 75 mm.
A la première paire de fémurs, semblent répondre deux frag-
ments de diaphyses de tibias très robustes, bien triangulaires, et
dont le moins brisé mesure 28 mm. de largeur et 37 d'épaisseur.
Le tibia gauche intact, qui fait partie de la seconde paire de tibias,
provient vraisemblablement du sujet féminin n*" 4, auquel apparte-
naient la mandibule et la tête d'humérus mentionnées précédem-
ment. Il mesure 33'""^S et indique par conséquent une taille de
i°',54. La largeur de cet os, au niveau du trou nourricier est de
21 mm., l'épaisseur correspondante atteint 32 mm. Le tibia droit
est épais de 34 mm. et large de 22 au même niveau. Le rapport
centésimal de la largeur à l'épaisseur est de 65, tandis que sur le
sujet masculin il atteint 75. Cette diminution d'indice est en rapport
avec un certain degré de platycnémisme.
Les deux os du pied n'offrent rien d'exceptionnel. La saillie du
calcanéum est de 37 mm., ce qui n'a rien d'insolite, et le métatar-
sien, large et fort, mais de longueur ordinaire, paraît en avoir
atteint 65 environ (1).
2° ïumulus de Méloisey.
Les tumulus de Méloisey à cinq kilomètres à l'ouest de Beaune
ont été explorés à deux reprises par M\L de Saulcy et Alex. Ber-
trand en 1864, par M. de Sauley seul trois ans plus tard. Le groupe
funéraire qu'ils composent est situé au lieu dit le Cingle. Il est
formé de six gros tumulus reliés entre eux par de longues traînées
de pierres et constitués essentiellement de laves posées à plat, non
sans un certain soin, les unes sur les autres.
Le premier tumulus, celui que Bertrand désigne par la lettre
A dans le carnet de fouilles qu'il a bien voulu me communiquer,
renfermait un certain nombre de sépultures secondaires, dont les
fouilles de la Perrouse n'avaient pas montré de vestiges. C'est une
de ces sépultures, surajoutées beaucoup plus tard à la nécropole, qui
renfermait le crâne brachycéphale, dont Broca a longuement parlé
devant la Société d'Anthropologie, en janvier 1865 (2).
(1] Les restes osseux des tumulus de la Perrouse sont conservés dans la collection
du Muséum.
(2) P. Brocv, Crânes de Méloisy (pour Méloisey)^ [Bull. Soc. cVAnllirop. de Paris,
t. VI, p. '23 el suiv. 1865). — Ce crâne, dit Broca, « se réduit à une calotte qui s'arrête
en avant vers le tiers inférieur de l'écaillé du frontal, en arrière vers le tiers
12 D' E.-T. [lAMY.
Les autres crânes de Méloisey sont franchement dolichocéphales.
Par malheur, des trois sujets de ce type conservés dans les collec-
tions de la Société d'Anthropologie, deux sont réduits à des voûtes
très incomplètes, dont on peut seulement constater l'allongement
et l'étroitesse. Le troisième présente un certain degré de plagiocé-
phalie posthume; Broca l'a cependant mesuré et lui attribue un
indice céphaliquo de 7i,4 (d. a. p. 0"',18G; d. Ir. max. 0'",14l). La
circonférence horizontale s'élèverait à 0",o33, la courbe occipito-
frontale totale, prise de la sulure fronto-nasale au bord postérieur
du trou occipital atteindrait 0'",377, le diamètre frontal minimum
mesurerait 0"\I06.
Le sujet, masculin, est dans toute la force de l'âge ; ses dents
blanches et saines sont cependant déjà passablement usées^ sui-
vant le type déjà décrit plus haut. Ce caractère se retrouve cons-
tamment sur toutes les autres mâchoires de Méloisey, il est parti-
culièrement accentué sur deux sujets, l'un d'apparence masculine,
l'autre d'aspect plus féminin, qui portent l'un et l'autre des inci-
sives dont le fût coupé à plat est raccourci de j>rès d'un tiers. La
mandibule féminine dont les molaires sont tombées, est remar-
quable par l'inclinaison tout à fait exceptionnelle de ses incisives
démesurément prognathes. La saillie que ces dents accusent est à
la fois osseuse et dentaire, la portion alvéolaire de la symphyse se
recourbant en même temps que les dents qu'elle loge, tandis que
le reste de Tos se projette en sens inverse en un court tubercule men-
tonnier. Les branches de l'os sont épaisses et vigoureuses, toutefois
la branche montante est étroite et Tapophyse coronoïde est raccour-
cie.
L'autre maxillaire inférieur se fait remarquoH' par son menton
supérieur de l'écailIe de l'occipital, on ne peut donc pas connaître le diamètre
antéro-postérieur; le diamètre transversal maximum ne peut pas être déterminé non
plus. Toutefois il est facile, à la simple inspection, de reconnaître que ce crâne est
brachycéphale. Ce qu'il présente de plus singulier, c'est l'épaisseur extraordinaire de
ses parois. Cette épaisseur, partout très considérable s'élève à 10 millim. au niveau du
frontal. » Le crâne de Méloisey est d'ailleurs parfaitement sain. « Les deux tables
compactes ont leur minceur ordinaire, continue Broca; c'est le tissu spongieux du
diploë qui forme la presque totalité de Tépaifseur des os ; ce tissu n'est ni plus poreux
ni plus dense qu'à l'état normal. 11 est donc permis de croire qu'il ne s'agit pas ici
d'une hypertrophie et que ce crdne est parfaitement normal. » « J'ai déjà observé
plusieurs fois, dit encore Broca, sur des crânes très anciens, un épaississement
analogue, quoique moins considérable, et j'ai lieu de croire que les crânes très épais
étaient plus communs dans les temps préhistoriques qu'ils ne le sont aujourd'hui »
{loc. cit., p. 24).
LES PREMIERS GAULOIS. 13
triangulaire, échancré par dessous, ses branches horizontales forte-
ment divergentes et ses angles mandibulaires singulièrement
extravasés.
CHAPrrRE IL — Ossements des tumulus du Chatillonnais,
Beaucoup plus nombreux que les tumulus du Beaunois, ceux du
ChàLillonnais sont aussi bien plus intéressants. Groupés en une
masse compacte dont la grande forêt de Châtillon est le centre, ils
s'étendent du nord-ouest, depuis les confins du canton de Baigneux-
les-Juifs jusque vers Montigny-sur-Aube et de la forêt de Jailly
à l'ouest jusqu'à Montmorot à l'est.
Les groupes principaux sont ceux de Magny-Lambert, de Minot
et de la Grande-Forêt.
1° Tumulus de Majyiiy -Lambert.
Monceau- Milon. — Il existait naguère encore sur le territoire de
Magny-Lambert, suivant le témoignage de M. Gaveau, maire de
celte commune^ « une immense quantité de tumulus » formant
« une véritable nécropole ». Le plus considérable de tous ces
tumulus, désigné sous le nom de Monceau-Milon, avait été rasé
pour servir à l'empierrement d'un chemin vicinal, et on y avait
recueilli un poignard en bronze très bien conservé, de nombreux
anneaux du même métal, enfin une tête humaine presque complète,
qu'on peut voir aujourd'hui dans le cabinet de M. le docteur Bru-
lard, à Saint-Marc-sur-Seine.
Grâce à l'obligeance de cet aimable confrère, j'ai eu cette pièce
intéressante en communication à mon laboratoire. En voici la des-
cription qui la place à peu près à égale distance des deux crânes
d'Auvenay, dont il vient d'être question.
Il nous reste de ce crâne masculin une voûte presque entière,
frontal en partie mutilé, surtout à droite, pariétaux et occipital
presque entiers, temporal gauche intact avec un fragment du sphé-
noïde, portion du temporal droit. L'ensemble constitue un ovoïde
régulièrement allongé (d. a. p. 19o mm.) très dolichocéphale (ind.
céph. 73,3; cire, horiz. 540 mm.) avec un font plus fuyant et Toc-
ciput moins détaché que ceux que nous venons de voir. Toutes les
sutures sont effacées à l'intérieur, à l'extérieur elles ne sont plus
guère apparentes que sur la lambdoïde, exfoliée d'ailleurs en partie
dans la région.
U D' I^:. T. UAMY.
La face esl composée des deux mâchoires seulement; la supé-
rieure comprenant la voiite palatine presque entière, toute la région
intermaxilliaire et une bonne partie de la branche monlanle droite;
rinférieure privée de ses branches montantes. On voit encore en
place en haut la canine et la première prémolaire gauche, l'une et
l'autre usées assez fortement en dedans; en bas les traces d'usure
se montrent assez accentuées. Ces dents sont d'ailleurs robustes et
saines; toutefois plusieurs de celles qui manquent, la canine droite,
It's deuxièmes prémolaires et toutes les molaires supérieures étaient
prématurément disparues. Je remarque, en passant, que la pre-
FiG. 1. — Crâne du tumulus de Magny-Lambert (Coll. du D' Brulard).
Vu d'en haut. 1/3 grand, nat.
mière grosse molaire de la mandibule est plus forte que la seconde,
et que toutes ces dents présentent régulièrement quatre tubercules
symétriques.
On trouvera ci-dessous (1) les mesures que j'ai pu relever sur
ces restes osseux. 11 ressort de leur examen que l'arcade zygoma-
tique était écartée, le nez leptorhine, la voûte palatine étroite en
avant. Nous retrouvons sur la mandibule la plupart des caractères
de forme et de proportions du n" 1. Toutefois le diamètre bigonial
est plus grand, accentuant une saillie plus considérable de l'angle
(1) Mesures faciales du crâne du Monceau-Milou. D. bizygom. 134 ou 135 mm. (?) ;
long. raax. sup. 42, largeur à l'incisif, 24; haut, de l'intermaxill., 23; larg. max.
ouverture uasalf, 24 ou 25.
LES PREMIERS GAULOIS.
15
mandibulaire, le menton triangulaire est aussi sensiblement plus
pointu.
Monceau-Laurent, •— Quatre autres grands tumulus ont été
fouillés avec un soin très particulier en 1872, par Flouest et
Abel Maître (1). Le Monceau-Laurent, vaste amoncellement de
32 mètres de diamètre sur. près de 6 m . de haut, contenait vers sa base
une sorte de caveau en grande partie éboulé, où gisait un squelette
tout brisé, accompagné d'une épée de fer en plusieurs morceaux,
d'un rasoir de bronze, d'une grande puisette à anse, d'une petite
coupe et d'une volumineuse situle du même métal.
Fi<;. 2 — Crâne du tumulus de Magny-Lambert (Coll. du D' Brulard).
Vu de profil. 1/3 grand, nat.
Ce personnage, ainsi caractérisé par un mobilier typique, était
malheureusement en si mauvais état que c'est à bien grand'peine
que j'ai pu reconstituer avec vingt-cinq fragments environ sauvés
par Maître, une voûte très développée, dont la longueur actuelle
dépasse déjà 20 centimètres et qui était certainement dolicho-
céphale, comme celles dont il vient d'être parlé.
Tous ces fragments sont plus ou moins profondément altérés par
(1) Cf. Les tumulus gaulois de la commune de Magny-Lamberl {Câte-d'Or), fouilles
faites sous le patronage de la Commission de la topographie des Gaulois^ ap. Alex.
Bertrand, Archéologie Celtique et Gauloise. Mémoires et documents relatifs aux premiers
temps de notre histoire nationale, p. 272 et suiv., pi.
te Dr E.-T. iiAMV.
les agents atmosphériques, les deux tables sont entamées, l'os est
même parfois à jour; toutefois l'épaisseur primitive était normale
(7 mm.).
Les sutures sont toutes fermées et presque effacées, sauf vers
l'angle lambciatique, et le long des écailles temporales.
Un seul petit fragment de maxillaire supérieur, sauvé de la des-
truction, corresporid à la seconde prémolaire et à la première grosse
molaire du côté gauche; Tusure oblique de ces deux dents est
assez prononcée, pour dépasser en dedans le collet lorsqu'en dehors
il demeure 5 à 6 millimètres d'émail.
Une branche montante du maxillaire inférieur atteste pas son
étroitesse et son obliquité la sénilité du sujet.
Deux diaphyses incomplètes des humérus et une partie de l'épi-
physe supérieure d'un fémur, d'ailleurs sans aucun caractère
exceptionnel, correspondraient par voie de proportion à une taille
moyenne de r",78. L'étude parallèle de deux tibias imparfaits
donne le chiffre de 1"',80.
Les squelettes des deux derniers tumulus, dits Combe Bernard et
Combe à la Boiteuse^ qu'il eût été intéressant de pouvoir étudier,
en raison de certaines particularités révélées par la fouille de ces
sépultures, ont résisté à toute tentative de reconstitution. Le pre-
mier était féminin, d'après les accessoires qui l'entouraient, et
avait été brisé très menu tout en demeurant bien en place. Du
second, masculin, un fémur mesuré par Maître s'est trouvé ne pas
dépasser 0",47 de longueur, ce qui correspond à une taille de 1°',77
ou environ.
Vie de Bagneiix. — Il y avait aussi au centre du gros tumulus de
la Vie de Bagneux avec une épée de fer et un rasoir de bronze, un
squelette écrasé sous le poids des pierres sèches qui composaient la
sépulture anciennement effondrée (1). Toutes les pièces en étaient
fortement décomposées, les tables osseuses des os plats, l'externe |
surtout, profondément rongées, montraient à nu le diploé. On y a
trouvé de nombreuses traces de dents de petits rongeurs dont les
restes abondaient d'ailleurs dans le fond du tumulus.
J'ai pu reconstituer à l'aide de ces fragments une partie de la
voûte d'un crâne comprenant presque tout le frontal et une partie
(Ij L. Maîthe, ap. Alex» BER^BA^D, op. cit., p. 276.
LES PREMIERS GAULOIS. 17
des deux pariétaux ; c'est un crâne d'homme, à en juger par ce
qu'il reste de l'arcade surcilière droite, bien développée et cou-
vrant des sinus frontaux assez vastes. Les sutures, en partie visibles
encore, sont remarquablement simples. L'ensemble est allongé
d'avant en arrière et le type est d'une dolichocéphalie numérique-
ment indéterminable, mais bien manifeste.
Une diaphyse fémorale, qui figure parmi les débris du squelette
n'offre rien de bien spécial ; je n'y trouve à noter qu'un léger méplat
supérieur et externe.
2° Tumulus de Minot.
Bangcs. — M. Henry Corot (1), archéologue à Savoisy, a entre-
j)ris depuis quelques années des recherches intéressantes dans les
tumulus delà commune de Minot, canton d'Aignay (Gôte-d'Or), et
je tiens de lui un squelette assez bien conservé, recueilli dans une
sépulture de l'un des tumulus qu'il a fouillés dans un bois au N.-E.
de la métairie de Banges.
Le crâne de ce sujet est tout à la fois vigoureux et fin et présente
très accentués la plupart des caractères déjà relevés dans les descrip-
tions qui précèdent. Sa dolichocéphalie qui correspond à l'indice
73,1 est encore plus prononcée. Elle est due tout à la fois à l'allon-
gement des dimensions en longueur (d. a. p. O^'jlQO) et au rétrécis-
sement des mesures transversales (d. tr. max. 0°',139).
Le diamètre basilo-bregmatique, inférieur seulement de 3 mm.
au transverse, fournit des indices verticaux de 71,0 et 97,8 (2).
Les arcs surciliers sont bien dessinés, mais d'un relief assez
médiocre, la suture médio-frontale apparaît toute grande ouverte,
ainsi que toutes les autres sutures crâniennes, sans exception; une
chaîne wormienne assez large (18 à 28 mm.), occupe les deux
branches de la suture lambdoïde et se prolonge le long de la sagit*
taie jusqu'au delà des trous pariétaux.
Les bosses frontales et pariétales sont presque effacées, mais
l'occipital accentue en arrière la courbe du profil^ jusque-là fortrégu-
lière. L'écaillé est fort convexe, la ligne âpre est de force moyenne.
La base est bien accentuée et les détails morphologiques s'y des-
sinent sans brulalité, mais toutefois d'une façon fort nette.
(1) Cf. H. Corot, Notes pour servir à l'étude de la haute antiquité en Bourgogne. —
Les tumulus de Minot; La Buge es Clauzels et Dessous le Breuil, Gbàtilloa-sur-SeiDej
1895, br. iQ-80, 3 pi., 1 cart.
(2) On remarquera dans le tableau ci-joiut que ces rapports vont de 72,34, 72,82
et de 94,44 à 99,30 daas les autres observations recueillies.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 2
18 D' E. T. IIAMY.
La face est de proportions moyennes (d. bizygom. 130 ; haut.
fac(^ 87; ind. 66,9) et l'indice nasal, leptorhinien, est de i7, (larg.
max. ouv, 24, liant. 51).
L'orbite est un peu bas pour sa largeur, et l'indice orbitaire ne
dépasse pas 8i,5.
Les dents, toutes saines et bien plantées commencent seulement
à s'user un peu en avant (incisives et canines).
La mandibule est remarquable par sa forte arcade terminée par
un menton triangulaire robuste et massif.
Ce type se retrouve sur un second sujet, provenant d'un deuxième
tumulus de la même localité. Réduit à son frontal, à ses pariétaux
et à son occipital, tous quatre bien mutilés, que séparent des su-
tures remarquablement simples et grossières, ce crâne accuse
néanmoins une dolichocéphalie très exceptionnelle dont un seul de
éléments est mesurable, le diamètre antéro-postérieur, qui atteint
194 mm.
Les arcs surciliers sont bien prononcés, la saillie occipitale se
montre considérable avec un tore volumineux et grossier. Ce qu'il
reste des bosses frontales et pariétales est fort effacé.
Par contre un autre sujet, de date plus ancienne, et vraisembla-
blement néolithique présente un aspect bien différent. Ce dernier
dont la tombe située à la base du tumulus consistait en une sorte
de coffre en pierres brutes provenant du voisinage et mesurant assez
exactement 1 mètre carré gisait dans l'attitude repliée et apparais-
sait sous la forme de la lettre Z suivant l'expression de M. Corot (1).
Les charbons, mêlés à la terre, étaient plus abondants au voisinage
de la tête et sur la poitrine reposait un couteau en silex taillé, de
65 mm. de longueur, qui paraissait avoir subi l'action du feu.
Ce troisième crâne de Ranges qui est conservé au Muséum avec
les deux autres (2) a appartenu à un sujet du sexe féminin, dans
toute la force de l'âge et oii la synostose crânienne est encore à ses
débuts. La voûte est d'épaisseur moyenne et de structure assez
dense, mais altérée en quelques points par un certain état patholo-
(1) Oa observera que M. Bruzard, décrivant le squelette de Genay près Semur, se
servait de la même comparaison {Rapport sur le tumulus de (le7ia>j {Côte^d'Or) près
Semur, suivi d'une Note sur les ossements humains trouvés dans ce tumulus, par
M. E. T. Hamy, Semur, 1861, br. in-S», p. 9).
(2) Cf. E. T. Hamy, Sur une sépulture néolithique découverte par M. II. Corot sous
un tumulus à Minot [Côte-d'Or),
LES PREMIERS GAULOIS. 19
gique assez mal défini ; les pariétaux et l'écaillé supérieure de
l'occipital sont quelque peu boursouftlés au voisinage du lambda et
les sutures sagittale et lambdoïde dessinent en creux leurs
méandres. C'est presque Télat natiforme dont parlait jadis Parrot.
Je n^oserais pas toutefois chercher dans ces traces d'une inflamma-
tion locale qui se caractérise en outre par l'aspect chagriné de la
table externe des os, une manifestation de quelque affection spéci-
fique, si curieux qu'il puisse être de faire remonter aussi haut les
origines d'un mal dont on voulait naguère encore trouver la source
unique et relativement récente chez les Américains.
Quoi qu'il en soit, le crâne ainsi modifié est de forme à peu près
cuboïde; raccourci^ élargi, quelque peu surélevé tout ensemble à
la façon de ceux que Robert, Plessier, Fr. Lenormant, et quelques
autres ont trouvés, soit sous l'allée couverte de Marly-le-Roy, soit
au pied du menhir de la Pierre qui Tourne, soit dans une des
chambres de pierre de Fontvieille-lès-x\rles (1). Le mauvais état
des os interdit malheureusement de donner des chiffres positifs :
on peut toutefois estimer sans trop de chances d'erreur l'indice
céphalique de ce crâne de Banges inférieur à 86 environ.
La face correspondante devait être courte et large, à en juger par
ce qu'il reste de l'un des zygomas et des deux arcades dentaires.
D'une part, en effet, l'axe zygomatique se trouve fortement déjelé
en dehors en même temps que les angles mandibulaires s'écartent
de plus de 120 mm. D'autre part les symphyses sont respectivement
réduites : la supérieure à 12 mm. l'inférieure à 32 mm. et la dis-
tance entre le plancher des fosses nasales et le sommet du triangle
mentonnier ne dépasse pas 57 mm.
Avec ce crâne se trouvaient divers débris des ossements provenant
de quatre sujets en tout. J'ai examiné spécialement un fragment de
mâchoire inférieure masculine, remarquable par ses dimensions en
hauteur et l'épaisseur de ses branches horizontales; une canine
supérieure, longue de 3 cm. et coupée à 5 mm. de la pointe par un
de ces sillons transversaux oii Magitot croyait reconnaître l'action
d'un trouble de nutrition causé par une convulsion ; une paire de
fémurs robustes mais courts (0",445, taille correspondante l™,6o)
portant une ligne âpre de saillie médiocre (2) mais large de près de
(i) Cf. E. T. Hamy, Note sur mie sépulture néolithique de Fonlvieille-lès-Arles [Bull.
du Mus. d'Hist. Nat., t. VII, p. 8-11, 1902).
(2) Largeur du fémur : 29 mm.; épaiss., 28; rapport, 103,3. Le rapport moyen est
d'après Broga, 104,8.
20 !)*• E.-T. HAMY.
8 mm. ; une diaphyse de tibia extrêmement aplatie (ind. platycn.,
<)4,7); enfin, des portions de péronés remarquables par leur forme
quadrilatère.
Les autres pièces osseuses étaient trop mutilées pour pouvoir
donner lieu à des observations utiles. Je n'y ai d'ailleurs rien noté
d'exceptionnel. Tous ces derniers ossements étaient compris dans
la tombe quadrilatère où quelques débris d'une poterie grossière se
sont également rencontrés.
Les Vendues de Verroilles. — Le type brachycéphale, dont la
sépulture profonde de Banges vient de nous offrir un spécimen tout
à fait typique, apparaît dans nos contrées vers la fin des temps
paléolithiques. J'ai déjà dit plus haut qu'on l'avait trouvé aux temps
néolithiques à Choisy-le-Roi, à la Pierre qui Tourne, à Fontvieille-
lès-Arles. A Bauges il ne s'est rencontré que sous un des tumulus
fouillés par M. H. Corot, mais aux Vendues de Verroilles et à
Montmorot, dans la même commune de Minot, il a survécu sur
place et sa présence est tout à fait certaine en pleine période gau-
loise^ au milieu des dolichocéphales qui prédominaient alors dans
le Châtillonnais.
Le tumulus des Vendues de Verroilles élait l'un des plus appa-
rents de cette région, et M. H. Corot, de Savoisy, qui s'est atlaché
à fouiller complètement cet important monument funéraire en 1897,
n'y a pas rencontré moins de six tombes, dont quatre appartenaient
certainement au premier ou au second âge du fer. La plus superfi-
cielle était caractérisée par la présence d'un bracelet de bronze et
d'un coutelas de fer semblable à ceux que Morel a recueillis dans
les cimetières de la Marne (1); la plus profonde montrait à côté du
squelette la longue épée de fer de Hallstatt. Or c'est dans une des
sépultures intermédiaires que se retrouve notre brachycéphale avec
tous ses caractères. C'est un sujet adulte masculin, avec sutures
assez simples et toutes ouvertes, mais avec des dents déjà bien
usées, suivant le type habituel. Le sujet est vigoureux, mais de
faible taille (2); sa voûte est de volume médiocre (cire, horiz.
0,525; cire, transv. tôt. 0,437; cire, ant.-post. 0,500) et ne se signale
par aucune particularité morphologique. Il mesure 0™,i80 de lon-
(1) L. Morel, La Champagne souterraine, pi. 2, flg. 1 ; pi. 24, fig. 1. Châlons-sur-
Marne, d87o-l&77, f°.
(2) Le seul os long intact, l'huniérus gauche, mesure 0,323 de longueur maxima,
ce qui correspond à une taille de 1™,60.
LES PREMIERS GAULOIS. 21
giieur, 0"',152 de largeur, et son indice'céphalique s'élève par con-
séquent à 84,4.
Les dimensions générales de la face ne s'écartent guère des
moyennes de Broca, seulement les orbites sont relativement un peu
étroits et leur indice monte à 86,8. L'orifice nasal est allongé et
rétréci (long. 53, larg. 25), aussi l'indice correspondant descend-il
à 41,5. Les pommettes sont bien accusées, les fosses canines sont
profondes; le prognathisme est tout à fait nul; enfin la mandibule,
relativement robuste, se termine par un menton triangulaire et
pointu.
Les Vendues de Montmorot. — Ce même type caractérise une
autre tête de femme adulte extraite en 4898 par M. H. Corot de la
sépulture K du tumulus des Vendues de Montmorot, autre lieu dit
de la même commune de Minot. Ce monument funéraire, qui avait
au moment de la fouille 3°", 75 de hauteur et 13 mètres de diamètre,
ne renfermait pas moins de 10 tombes, dont 7 bien caractérisées au
point de vue archéologique. La femme, dont le crâne est conservé
au Muséum portait au poignet gauche (1) un bracelet ouvert en fer.
Un peu moins volumineux, mais de même indice que celui de Yer-
roilles (d. a. p. 0,175, d. tr. max. 0,148; ind. céph. 84,5); il est
surtout plus déprimé dans le sens vertical. La voûte, un peu basse,
est large et lisse et surmonte une face dont les dimensions géné-
rales s'écartent assez peu de celles du sujet masculin dont il vient
d'être question.
Seulement les orbites, qu'il est malheureusement impossible de
mesurer avec exactitude, sont plus larges, mais surtout plus hauts,
tandis que le nez est un peu plus court et sensiblement plus dilaté.
L'arcade dentaire est un peu plus saillante en avant, et les dents
qu'elle porte, saines et bien rangées, présentent, quoique à un
degré moindre, celte même usure à plat que l'on rencontre si sou-
vent chez les individus des deux sexes dans les temps préhisto-
riques (2).
Je connais un nouvel exemple de brachycéphalie moins accentué
toutefois, sur un troisième crâne de Minot, que conserve l'École
d'Anthropologie, et qui provient d'une fouille faite au lieu dit Sous-
leBreuil, à l'ouest du village.
(1) Les os de cet avant-bras avecle bracelet en place sont an Musée des Antiquités
nationales de Saint-Germain-en-Laye.
(2) Cf. E. T. Hamy, Les tumulua des Vendus de Verroilles et de Mo7i(morol, à Minot
{Côle d'Or), [BuU. du Muséum, 1902, t. VIII, p. 178-181).
22 D' E.-T. IIAMY.
Soffs-ic-Breif?/, — Le cn\ne de Sous le Breuil est un assez gros
crAne d'homme avancé on âge; il alleint 0"*,528 de circonférence
horizontale, et ses diamètres antéro-postérieur et Iranverse mesurent
0,185 et 0,148 avec un indice céphalique de 80, et difïère principa-
lement de celui de Verroilles par un certain degré de projection en
arrière de l'occipital. On trouvera les autres mensurations que j'ai
pu prendre sur cette pièce fort maltraitée par le temps, dans le
tahleau suivant ou j'ai coordonné les cliilTres relatifs aux crânes de
Banges^ de Verroilles, de Montmorot, de Sous le Breuil, en y joi-
gnant ceux de Savoisy et de la Forêt de Châtillon dont il me reste
à dire quelques mots.
8® Tumuhis de Savoisy.
Les crânes de Savoisy ou plutôt de laBouchaille sont au nombre
de deux, l'un et Tautre tranchement brachycéphales. Le premier qui
fait aussi partie des collections de l'Ecole d'Anthropologie, qui le
doit à M. Corot, gisait à 0^,50 de la surface du sol dans une tom-
belle de 1",80 de hauteur, et de 12 mètres de diamètre dont la
fouille est demeurée incomplète (1).
Il est représenté par une voûte de crâne brachycépliale à 83,3
(d. a. p. 0,174; d. tr. max. 0,145) et qui ne diffère de celles de
Verroilles et de Montmorot que par une minime augmentation
d'épaisseur (8 mm. aux pariétaux) et un notable rétrécissemement
de la base du frontal (fr. min. 100 mm.). Les dents de ce sujet sont
usées à plat et son maxillaire inférieur est identique, à très peu de
chose près, à celui du crâne de Verroilles.
Le deuxième crâne de la Bouchaille vient d'un monticule beau-
coup plus important (haut. l'",50, diam. 20 mètres) et se trouvait
tout à lait à la base, jdans une chambre faite de ces pierres plates
qu'on nomme laves en Bourgogne el qu'en l'absence de toute espèce
de mobilier caractéristique, M. Corot est cependant disposé à rap-
procher de celle de Banges dont'elle reproduit tout l'aspect.
Ce second crâne de la Bouchaille est remarquable à la fois par
son raccourcissement antéro-postérieur et sa dilatation transversale.
Les diamètres sont indéterminables, dans l'état de mutilation où
il se trouve, mais on n'en saurait évaluer l'indice à moins de 86,
c'est-à-dire qu'il offre des proportions égales à celles du brachycé-
(1) Celle voûte de cràae fait partie des collections de l'École d'Anthropologie
(E.T. Hamy, ihid., p. 180-181).
LES PREMIERS GAULOIS. 23
phale de Banges qu'il rappelle d'ailleurs d'une manière générale. Sa
circonférence atteint 525.
Le sujet est adulte, ses os crâniens ne présentent aucune singu-
larité; toutes les sutures sont encore visibles à la face externe, mais
s'effacent par contre vers l'intérieur. Les dents s'usent comme à
l'ordinaire.
Les os longs sont ceux d'un homme robuste et bien musclé, d'une
taille un peu supérieure à la moyenne. Un fémur dont j'ai pu, non
sans peine, rassembler les débris, mesure 432 mm., ce qui corres-
pond environ à l^'jGS de taille.
J'ai noté, sur les autres débris d'os longs, la largeur de la ligne
âpre du fémur, un certain degré de plactycnémie, enfin et surtout
la forme carrée des péronés.
Les deux os de l'avant-bras droit'avaient été brisés par une frac-
ture qui s'était consolidée vicieusement. Les fragments inférieurs
ayant basculé en dedans et en avant, un large cal s'était étalé à plat
d'un fragment à l'autre de chaque os. Mais les deux cals étaient
restés indépendants, et une sorte de poulie de glissement s'était
formée au contact des os, permettant des mouvements limités (1).
4° Tumulus de la grande forêt de Chàtillon.
Un dernier exemple de brachycéphalie relative m'est fourni par
un crâne des tumulus de la forêt de Chàtillon qui m'a été commu-
niqué par M. Lorimy. Ce crâne, réduit à sa voûte (2) épaisse et
solide est un crâne d'homme robuste et dans toute la force de
l'âge. Ses trois diamètres égalent respectivement 0'",175, 0'",144 et
0°',135 et les indices correspondants sont représentés par 82,8, 77,7
et 93,7.
Un fragment de mâchoire supérieure est orné de prémolaires et
de molaires bien saines qui commencent seulement à s'user très
légèrement. La mandibule se recommande par sa robustesse, et
son menton reproduit fort exactement le profil du sujet masculin de
Monceau-Milon.
Tous les autres crânes tirés des nombreux tumulus fouillés par la
(1) Cf. E. T. Hamy, Le tumulus de la Bouchaille à Savoisy {Côle-d'Or) (Ibid., 1902,
t. Vlll,p. 085-589).
(2) Encore manque-t-il tout l'espace interorbitaire jusqu'au dessous de l'ophryon.
Les sinus frontaux, tout ouverts, sont très développés en tous sens.
INDICES
r- r- O
COUHBKS
DIAMKTRKS
CfQ
OQ
Il II
c
Coq
-3
B
a-
o
<-»
o
I
a;
o
D
CIQ
Cl.
C
O
c
o
o
•5'
H>
rc
? P
■-!
D a.
O 1
1
1
1 1 1
VI 1
P 1
1
1
1 1 1
<! O
n '
cr
U) o
Bi
CD VI
C«
— O
•-s
cr tzTD-
b -3
1
O
tem
auri
mas
Ce
«-^ o T3
^^
E R
3
2: E2
en' ^' ""
c 5
5 p»
S-f"
UJ
X
X
xj •
C o
to rvi< <o o .(.-^ oî ro
CJ CT3 Ckî -J *« C5 i-J
:^
>
c:
2
CD
en
(D
O
•1
P>
p'
CD
m
P'
Ci
ET
P»
Savoisy.
-»■ «^ -^ ce it>> tvS Oï
tst tvS «o — oî u5 ro
o ro •.-- w ce co oï
co-»-oro"*hs*-oîoo
Verroilles.
o ^^
Oî co
OO Oï
Montmorot.
OO
Soiisle Breuil.
Grande Forêt.
INDICES VOUTE PALAT. HAUT. FACE
NEZ
ORBITE LARG. FACE
«c *~ ce Oî
co oc ce O-i
*- tO oc tvS ►^
c lO —i — co
lO ts2 -^ —
*- — -^ c-.-
:;?
Savoisy.
c; *» OO
-J IvS o
•^ tsO se 1"^ 1.^
►^ ~j o <:o ïo
Verroilles.
Montmorot
Sous le Breuil.
Grande Forêt.
LES PREMIERS GAULOIS. 25
Société archéolog'ique étaient dolichocéphale'^. Je citerai ceux du
Bouchot-Bouchard à Ghamisson, de Vanvoy, de Yillers-le-Dnc dont
nous ont parlé sans détails le D*" Boutequoy et M. G. Lapérouse,
qui nous ont également appris que les débris osseux des sept sujets
du Val Thibaut ont appartenu à des individus de grande taille, que
les péronés du Fourneau de Veuxhaules étaient cannelés, et que
sur les restes de crânes de Bois-Bouchot l'épaisseur des pariélaux
était considérable (I).
(1) Cf. Boutequoy, Rapport.,, sur une série d'os provenant du Val Thibault et de la
Tête de Maisey {Bull. Soc. Arch. du Châtillonnais, l^e série, p. -40-45 ; — G. Lapérouse,
Tumulus du Bouchot-Bouchard à Chamisson {Ibid., p. 159, 166); — In., Les tumulus
de la Grande forêt de Châtillon (Ibid., p. 457-473). — Etc.
[A suivre.)
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE
IX (1)
LE CHEVÊTRE
ET LA SEMI-DOMESTICATION DES ANIMAUX AUX TEMPS PLÉISTOCÈNES
PAR
ÉD PIETTE
(premier article)
Représentations des chevêtres a l'âge glyptique.
L'homme avait, dès les temps glyptiques, maîtrisé les Équidés et
savait les conduire. Cela ne peut être mis en doute. Le chevêtre
était un licol formé de courroies ou de cordelettes enveloppant la
tête de l'animal et se rattachant à l'oreille. Une lanière ou une
ficelle passant sur le nez servait à le diriger. Le chevêtre a fait
place à la bride quand le mors a été inventé. Cette invention est
relativement récente. Pendant plus de dix mille ans, pendant pro-
bablement plus de vingt mille, le chevêtre a été exclusivement en
usage (2). De nos jours, certaines peuplades s'en servent encore
pour conduire les chevaux, les ânes et les rennes.
(1) Voir l'étude n» 8 dans U Anthropologie^ t. XVl, p. t.
(2) Le nombre de dix mille ans est certainemeat trop faible. Dans mon article
intitulé Les écritures glyptiques {L'Anthropologie, t. XVI, fascicule de janvier-février
1905;, j'ai évalué à onze mille ans le laps de temps écoulé depuis la fin du Pléistocène
jusqu'à nos jours. Je n*ai pas dissimulé que ce nombre n'avait rien de certain. Les
uns l'ont trouvé trop fort, ce sont peut-être les plus sages; les autres, en beaucoup
plus grande quantité, se sont récriés. A leur avis il était dérisoirement Irop faible.
Je suis porté à croire que celui de neuf ou dix mille ans approcherait plus de la
vérité, car il permettrait de relier les temps pléistocènes aux époques proto-histo-
riques sur lesquelles des inscriptions nous ont laissé de trop rares documents. La
stratigraphie ne peut donner que des dates relatives. Telle assise de quelques cen-
timètres de hauteur a mis des milliers d'années à se former. Telle autre de plusieurs
l'anthropologie. — T. XVII. — 1'J06.
28 ED. PIETTR.
Ce harnais fut le principal instrument de la civilisation primitive.
Avec son aide l'homme domptales Equidés ; il les éleva en troupeaux
pour leur chair. Désormais sur de la nourriture du lendemain il eut
des loisirs et put les employer au perfectionnement de son outil-
lage. Les hommes glypliques ont fait du chevêtre de nombreuses
représentations. J*cn ai publié quelques-unes en 1891. Depuis lors
M. Mascaranx en a trouvé une beaucoup plus belle dans l'assise des
gravures à contours découpés de la caverne de Saint-Michel
d'Arudy. Elle mérite une mention particulière ; c'est un document
précieux pour la préhistoire; je l'ai figurée dans L'Anthropologie
(voyez tome V, Notes pour servir à l histoire de l'art primitifs p. 139,
fig. 9 et 9 a). Je l'ai représentée encore dans l'album de Cart pendant
rage du renne (voyez planche XCII, fig. 4 et planche XCIII). Je
reproduis ici ces figures sous les numéros 1 et 2 du présent article.
Un jour un de mes amis qui s'occupe avec ardeur des temps
pléistocènes vint me voir pour visiter mes collections.
— J'ai lu, me dit-il, votre étude intitulée : Notions nouvelles sur
rage du renne, placée à la fin du volume de M. Alexandre Bertrand,
La Gaule avant les Gaulois. J'y ai remarqué des figures bien inté-
ressantes, représentant des têtes de chevaux enchevêtrées. Pour-
riez-vous m'en montrer les originaux? — Très volontiers, répondis-
je. Je vois que vous avez compris l'importance du chevêtre aux
temps glyptiques. Commençons par le chevêtre de Saint-Michel
d'Arudy.
Les figures que j'en ai données sont faites d'après l'original que
son propriétaire m'a confié. Je le lui ai rendu, mais j'en possède
mètres d'épaisseur est l'œuvre d'un très petit laps de temps. Aussi tous dos chro-
nomètres géologiques ont-ils été la source de nombreuses erreurs. A leur emploi
j'ai préféré l'évaluation du temps nécessaire à l'humanité pour accomplir les progrès
qu'elle a réalisés pendant chacune des époques qui se sont succédées. C'est cette
méthode que j'ai employée pour obtenir le nombre d'années écoulées depuis la fm
des temps pléistocènes jusqu'à nos jours. C'est elle qui m'a donné le nombre de
onze mille que j'ai réduit ensuite à dix mille. Elle ne fournit que des résultats hypo-
thétiques, mais pour mener à bien la tâche que je m'étais donnée, j'avais d'abord
les dates certaines de l'histoire, puis en remontant le cours des âges, celles de la
préhistoire, celles des papyrus et des inscriptions. J'arrivais ainsi, d'un pas ferme, dans
les époques voisines du commencement du Néolithique, dansl'Arisien, dans l'Asylien
en me basant sur des faits certains pour me guider. Au temps écoulé depuis la
fia du Pléistocèoe jusqu'à nos jours, il faut ajouter la durée tout entière de l'âge
glyptique, pour savoir dans quel lointain remonte l'invention du chevêtre. Cette
durée ne peut être moindre de dix mille ans et peut-être ce nombre d'années est-il
insuffisant pour exprimer le temps pendant lequel se sont réalisés les progrès
accomplis pendant l'âge glyptique.
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
29
un excellent moulage que M. Mascaraux a fait exprès pour moi ».
Je lui montrai le moulage. Il le prit, l'examina et me dit :
— Il est bien conforme à la figure que vous avez donnée. Il y a
de nombreux préhistoriens, vous le savez sans doute, qui ne veulent
pas admettre l'existence des clievêtres à l'âge du Renne.
FiG. 1 et 1 a. — Tète tl'équidé eachevetrée. Saiat-iMichcl d'Arudy.
— Ils n'ont sans doute pas vu cette gravure.
— Il y en a qui l'ont vue; ils restent récalcitrants.
— Et vous partagez leur manière de voir?
— Assurément non; la gravure de Saint-Michel d'Arudy est cer-
tainement celle d'une tète d'équidé enchevêtrée.
30 ED. IMETTR.
— Ce chevèlreest très complexe. Examinons les diverses parties
dont il se compose. 11 y en a trois principales : la cordelette nasale,
la pièce rig-ide et le filtage. i° La cordelette nasale (AA) qui est
quelquefois remplacée par une lanière ou par une courroie, passe
sur le nez et sous la lèvre inférieure. C'est la pièce essentielle du
chevêtre. Elle permet de retenir et de diriger l'équidé. 2° La pièce
rigide (BB), placée dans notre gravure immédiatement au-dessus
de la bouche, est ce rectangle orné de chevrons que vous voyez
encadré de cordeaux. Elle aboutit en avant à la cordellette nasale
et se relie en arrière à Toreille par des ficelles. Faite de bois, de
ramure de renne ou d'une autre substance dure, elle sert à fixer
les courroies, les ficelles et les lanières. Les rênes pouvaient
être attachées à l'une de ses extrémités. 3° Le filtage (CC) est une
série de fils grossiers ou de fines ficelles unissant entre elles les
cordelettes du chevêtre. Il est représenté sur notre gravure par de
nombreuses lignes parallèles obliques, au-dessus de la pièce
rigide. Il fait du chevêtre une sorte de vêtement de la tête de Téquidé
destiné à la garantir de la piqûre des mouches. Outre les trois
parties sur lesquelles je viens d'attirer votre attention, ce harnais
se compose de nombreuses cordelettes qui en forment en quelque
sorte le bâti DD. On distingue encore, sur cette figure, une bande
EEallantdela pièce rigide vers l'oreille. Elle fait l'office d'un filtage
flottant destiné à écarter les insectes. On y voit aussi une cordelette
F contournant l'oreille à sa base et servant à assujettir le chevêtre.
— A-t-on d'autres représentations du chevêtre de ce type?
— Oui, le chevêtre de Brassempouy. Il est représenté ici par les
figures 2 et 2 « et dans l'album de L'art pendant l^âge du renne par
les figures 3 et 3 « de la planche LXXVllL En voici le moulage.
— Encore un moulage.
— Oh! rassurez-vous. Il est si ressemblant à l'original que le pro-
priétaire de la gravure s'y est laissé tromper. Un antiquaire le lui
emprunta pour le faire mouler, et le malicieux emprunteur, au lieu
de le lui restituer lui rapporta un moulage si bien peint que le pro-
priétaire trop confiant le prit pour l'original. C'est le moulage que
je mets sous vos yeux.
— Le chevêtre de ce moulage a, comme celui de Saint-Michel
d'Arudy, une lanière nasale, une pièce rigide ornée de chevrons et
un filtage. Le filtage est même plus complexe que celui de la gravure
de M. Mascaraux. Je vois deux traits qui partent de la lanière nasale
et aboutissent à l'œil. Pourriez-vous me dire ce qu'ils signifient
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
31
— J'ai été moi-même longtemps à me le demander. Ce ne peut
être des courroies ; elles léseraient l'œil. Il faut que se soit quelque
chose de doux et de souple, des bandes en peau de chamois ou en
une sorte de tissus. Je pense que ces bandes avaient pour but de
préserver Tanimal de la piqûre des mouches. Avez-vous remarqué
qu'en été, quand les chevaux sont au pâturage, on voit une nuée
de mouches voler autour de leurs têtes et se poser près de leurs
yeux? Un jour j'ai vu un malheureux âne, noir de mouches autour
des yeux et sur une ligne se prolongeant jusqu'aux naseaux. Ces
bandes œillères sont en quelque sorte le prolongement du filtage.
Elles protègent Tanimal
contre les insectes.
— En examinant ces
deux gravures je fais à
propos de chacune d'elles
une même remarque : Ni
l'une , ni l'autre n'est
achevée du côté de l'o-
reille. Il en est de même
des dessins de chevêtre
gravés au revers de ces
pièces.
— Votre réflexion est
très juste.
— Cela n'ébranle nul-
lement ma conviction ; je
regarde ces quatre gra-
vures comme des repré-
sentations de chevêtres
d'un même type, seule-
ment je constate un fait.
— Nous aurons encore l'occasion de le constater souvent, si vous
voulez bien me suivre dans l'examen des représentations de che-
vêtres insérées dans cet article. Voici figures 3 et 3 a (pi. XVllI,
fig. 2 et 2 « de l'album), une gravure de tête d'équidé provenant de
la caverne des Espélugues de Lourdes.
Elle a été dessinée d'après l'original que M. Nelli m'avait confié.
Le nez est brisé; il manque. L'oreille est incomplète. Le chevêtre
représenté est un licou formé de courroies. Les courroies de cuir
bien préparé, quoique suffisamment souples et s'adaptant bien à la
Fig. 2 et 2 a.
Tête d'éqaidé enchevêtrée. Brassempouy.
32
ED. PlETTE.
têle étaient alors, comme aujourd'hui, assez rigides pour rendre
iiuililes des pièces de matière plus solide. Vous ne voyez donc pas
de pièce rigide ornée de chevrons dans les figures 3 et 3 «. La
figure 3 est mieux gravée et plus complète que la figure 3 a. On y
remarque une courroie allant d'un trou de suspension voisin de
Toreille au commencement de la barbe de l'équidé et passant sous
la mâchoire. Sur celte courroie s'embranchent les bandes œillières,
contournant les yeux et une lanière ou seconde courroie plus étroite
tenant lieu de pièce rigide. Celle-ci aboutit à la lanière nasale dont
une cassure a fait disparaître la partie supérieure. Des lignes
obliques parallèles indiquent le filtage. L'œil est un simple trou
ovale.
— Ce chevètre quoique fait de courroies et dépourvu de pièce
rigide est en réalité du même type que les précédents; celui de
Brassempouy a deux lanières étroites et souples réunies par un
FiG. 3 et 3 a. — Tête d'équidé enchevêtrée. Caverne des Espélugues à Lourdes.
filtage s'avançant horizontalement vers les yeux, les contournant
et aboutissant probablement à une cordelette non dessinée, située
près de l'oreille. Dans la figure 3, ce ne sont pas des courroies qui
contournent l'œil; elles auraient pu le blesser ; ce sont des bandes
qui paraissent faites de fils. Elles sont obliques et parlent de la
courroie appliquée sur la joue en un point situé plus bas que celui
où devaient aboutir les lanières du chevètre de Brassempouy.
— J'incline à croire que vous avez raison. Ce sont probablement
des bandes faites en fil qui contournent les yeux de l'équidé dans
le chevètre de Lourdes.
La figure 3 a représente un chevètre incisé au revers de l'os
gravé sur lequel est le chevètre de la figure 3. 11 est beaucoup plus
négligemment exécuté que celui-ci.
ÉTUDES D'ETHiNOGRAPHlE PRÉHISTORIQUE.
33
La grotte du Mas-d'AziL a fourni beaucoup de gravures de têtes
d'équidés enchevêtrées. Les clievêtres représentés sont beaucoup
plus incomplets que ceux dont nous venons de nous occuper. Les
plus remarquables ont été dessinés dans la planche LXl de l'al-
bum de l'art. Plaçons les originaux à côté des figures pour les exa-
miner. Voici un os sur lequel sont gravées deux têtes. Il y en avait
trois; mais l'os a été cassé anciennement; il ne reste presque rien
de la troisième. Elles sont unies les unes aux autres par deux petits
traits (figure 4). Chacune de ces têtes me paraît symboliser un
équidé. Leur ensemble représenterait une suite d'équidés unis
les uns aux autres par un trait de cuir.
— Oh ! les jolies petites têtes. Elles sont manifestement enche-
vêtrées. Elles ont la lanière nasale entourant le nez et la lèvre infé-
FiG. 4. — Têtes d'équidés enchevêtrées. Mas d'Azil.
jieure, la pièce rigide ornée de dents de loup et une courroie allant
de cette pièce à l'oreille. La pièce rigide est à peu près en prolon-
gement de la bouche au lieu d'être un peu plus bas comme dans les
gravures que nous venons de voir; la courroie de la joue n'est pas
dessinée jusqu'à l'oreille ; sur la partie supérieure de la lanière
nasale, on voit deux petites lignes signalant le point d'attache des
bandes qui devaient contourner l'œil, mais qui ne sont pas dessi-
nées. Pas de filtage; mais le filtage n'est pas une pièce essentielle
du chevêtre. Le dessin est très bon. Quoique les chevêtres soient
très incomplets, il est impossible de les méconnaître.
Les figures o et o a (figures 1 et j a de la planche LXI de l'album)
représentent aussi une tête d'équidé enchevêtrée. Le chevêtre est
plus incomplet que les précédents. Les bandes qui contournent les
yeux sont à peine indiquées par quelques petits traits au-dessous
d'eux. La courroie de la joue est incomplète. La pièce rigide n'est
L'AMTHnOPOLOdlE. — ï. XVII. — 1906. 3
34
ED. PIETTE.
Fio. 5 et 5 a. — Tête d'équidé
enchevêtrée. Mas d'Azil.
ligurée que par deux traits horizontaux ; celle de la ligure 5 a est pla-
cée plus haut que la bouche ; celle
de la ligure S est au-dessous. La
lanière nasale ne contourne que
le nez; elle se relie en décrivant
un angle, à l'extrémité antérieure
de la pièce rigide. Une autre la-
nière part de cette extrémité et
coupe obliquement la lèvre infé-
rieure. Deux petits traits parallèles
fixés à la lanière nasale indiquent
le départ d'une bande qui n'est pas
figurée.
— Si mauvais que soit le dessin,
on devine l'intention de graver un
chevètre. Toutes ses parties essen-
tielles sont indiquées. Il y a même
des traces de filtage. Il est fâ-
cheux que tout cela soit si mal fait.
11 y a une modification de la lanière nasale qu'il eût été intéressant
d'étudier.
La figure 6 et 6 a (7 et 7 a de
la même planche dans l'album),
représentent une tête d'équidé
enchevêtrée provenant comme
la précédente du Mas d'Azil. Le
chevètre de la figure 6 a est in-
complet. La lanière nasale
passe sur le nez et sous la lèvre
inférieure. Une courroie des-
cendant de l'oreille s'appliquant
sur la joue aboutit à la place où
devrait se trouver la pièce ri-
gide. Celle-ci manque. Cour-
roie de la joue et lanière nasale
sont les deux seules choses in-
diquant la présence du che-
vètre. La figure 6 représente,
au revers de l'os gravé, un che-
,,". • • 1 i •! 1 I^'G. 6 et 6 a. — Tête d'éauidé enchevêtrée.
vetre moins incomplet; il a la Mas d'Azil.
ETUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
35
lanière nasale, la courroie de la joue qui est seulement ponctuée
et aboutit un peu trop bas, et une pièce rigide légèrement arquée,
ornée de chevrons.
— Toujours des chevêlres incomplètement représentés! toujours
des parties de chevêlres appliquées sur la tête de l'animal à la
place qu'elles doivent occuper dans le harnais . Vraiment on ne peut
pas prendre cela pour desimpies ornements. Je suis de votre avis;
les gravures glyptiques prouvent incontestablement la connaissance
du chevêtre à l'âge du renne. Vous pouvez abréger votre démons-
tration.
— Je ne vous en fais pas grâce. Vous
êtes venu pour élucider une question.
Il faut que vous me suiviez jusqu'au ^^'
bout. Voici une tête d'animal sculptée
en ronde bosse, sur un côté de laquelle
est gravé un chevêtre seulement indiqué
par la bande qui contourne l'œil et par
la pièce rigide ornée de dents de loup.
Voyez figures 7,7 a^l b (figures 5 et 5 «
de la planche LXI de l'album).
— Cette tête a un collier.
— Non, ce n*est qu'une fallacieuse
apparence. De quel usage pourrait être
un collier placé derrière la nuque, sur
le haut du cou ? Vous voyez d'ailleurs
qu'il n'entoure pas complètement le
cou ; le bas en reste libre. Pour com-
prendre cette partie du harnais, il faut
que je vous montre une autre figure.
Passons aux figures 8 et 8 « (planche
XXIX et planche XXVII, figure 5 de
l'album); prenons, pour comparer, l'original d'après lequel elles
ont été dessinées. Au revers de la palme sur laquelle la femme au
renne est figurée, est une tête d'équidé avec le cou, l'épaule et une
partie du dos; elle est enchevêtrée. Vous voyez enveloppant l'oreille
et descendant le long du masseter une partie de chevêtre que nous
n'avons pas encore vue dessinée ailleurs, car les gravures de tèles
que nous avons étudiées n'avaient pas le cou ; l'oreille elle-même
manquait presque toujours. Cette partie du chevêtre fixée à l'oreille,
s'appnyant en arrière contre la nuque et la mâchoire, était destinée
FiG. 7, 7 a, 1 b. — Tête d'animal
enchevêtrée. Mas d'Azil.
36 ED. PIETTE.
à assujellir ce harnais sur la tête. Maintenant reconnaissez-vous ce
8 a.
FiG. 8
et 8 a. — Partie antérieure d'une tête d'équidé enchevêtrée.— La figure 8 est
dessinée d'après Formant; la figure 8 a a été faite d'après Pilloy.
Laugerie-Basse.
que vous avez pris pour un collier dans la figure 7 ?
— Oui, c'est bien la même pièce de harnais; mais une objection
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
37
A ,
se présente à mon esprit. Etes-vous bien sûr que cette lêle soit
enchevêtrée ? Il y a sur le nez une quantité de lignes droites presque
parallèles que Ton peut vouloir faire passer pour des lanières nasales,
mais leur rectitude et leur multitude même prouvent qu'elles ne
sont rien de semblable. Ce qu'on pourrait être tenté de prendre
pour une pièce rigide n'est que le dessin des dents du cheval.
— Cette gravure comme beaucoup d'autres présente en grande
quantité des rayures inutiles qui ne se rapportent en rien au sujet
gravé. Les traits parallèles du nez que vous me signalez sont de ce
nombre. Mais il y a une cordelette nasale contournant le nez et la
lèvre inférieure; elle est indi-
quée par ces petits traits fins,
obliques, parallèles au moyen
desquels les glyptiques figu-
raient les cordes.
— Oui, je la distingue.
— Quant à la pièce rigide,
elle existe incontestablement;
elle est rectangulaire, bordée
de cordelettes comme celle de
Saint-Michel d'Arudy, ornée de
lignes parallèles qui ne repré-
sentent nullement des dents^
car elles-mêmes sont formées
de petits traits fins parallèles Fig. 9 et 9 a. — Tête d'équidé enchevêtrée.
et horizontaux, superposés. Mas d'Azii.
D'ailleurs qu'y aurait-il d'é-
trange à ce qu'un graveur ait pris des dents d'équidé pour sujet d'or-
nement d'une pièce rigide placée en prolongement de la bouche? Mais
quand vous dites que ces dents sont celles de Téquidé représenté,
songez-vous à ce que vous avancez? Les dents molaires du cheval
vu de profil ne sont pas visibles en arrière de la bouche à moins
qu'il ne soit dépouillé et décharné. Or nous n'avons pas sous les
yeux une pièce de boucherie ; notre équidé a l'attitude de la vie; il
a les yeux grands ouverts; il est vivant, bien vivant.
— Vous avez raison. La présence d'un chevêtre est incontes-
table. Je ne m'obstine pas; je ne cherche que la vérité.
— Reportons-nous à la planche LKI de l'album. On y voit sous
les n°* 3 et 3 « une tête d'équidé enchevêtrée que je reproduis ici
sous les n°^ 9 et 9 a. Cette gravure a été trouvée dans la grotte du
33
ED. PIETTE.
Ma*^ (l'Azil, sur la rive droite de l'Arise. La cordelette nasale et la
pièce rigide sont seules gravées sur les deux côtés de l'os. Celle-ci
paraît percée d'une rangée de petits trous destinés à attacher les
lanières du chevêtre. En outre, dans la figure 9 «, la courroie
appliquée sur la joue est très sommairement indiquée.
— Vous omettez de mentionner une rangée de petites virgules
accouplées deux à deux à la partie supérieure du nez de l'équidé
au chanfrein. On dirait de? ornements.
— Je crois plutôt que c'est
quelque chose, comme ce que
l'on voit au même endroit dans
le chevêtre de Saint -Michel
d'Arudy. Reportez-vous à la
figure 1 et comparez. Il me
sembleque,dans cette figure, ce
sont d'étroites bandettes unis-
sant deux cordes dont Tune
située de l'autre côté de la tête
ne peut être vue.
— C'est possible.
Les figures 10 et 10 â; (fig. 6 et
6 a de la planche LXI de l'al-
biim) représentent une tête d'é-
quidé enchevêtrée dont le che-
vêtre est très imparfaitement
dessiné. La lanière nasale est
bien gravée. Il n'en n'est pas de
même de la pièce rigide. Le
troglodite auteur du dessin a
eu l'intention de la figurer; une
ligne horizontale indique sa
limite supérieure. Il a pensé
que la rangée de traits obliques et parallèles figurant la barbe fai-
sait connaître suffisamment sa limite inférieure. Quatre ou cinq
rangées de petites hachures représentant le filtage sont au-dessus
de la pièce rigide et attiennent à l'extrémité antérieure de celle-ci.
Dans la figure 10, on remarque deux lignes verticales à l'extrémité
postérieure de la pièce rigide. Dessinent-elles une courroie passant
sous la ganache? C'est possible. Ne représentent-elles pas plutôt
une seconde pièce rigide perpendiculaire à l'autre s'y adaptant à
Fig. 10 et 10 a. — Tête de cheval enchevê
trée. Grotte du Mas d'Azil, rive droite.
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE
39
angle droit à laquelle était attaché le cordeau? Si cette dernière
interprétation était conforme à la vérité, l'élément solide du che-
vêtre représenté par la figure 10 devrait être rapproché de celui
du chevêtre représenté par
la figure 11 (fig. 6 « de la
planche XVI de l'album).
Celui-ci qui provient de la
caverne du Placard fait par-
tie de la collection de M. Fer-
mond. C'est un type parti-
culier de pièce rigide. Il
consiste en deux branches
terminées en boule formant
presque un angle droit.
A leur point de rencontre
est un trou circulaire des-
tiné à recevoir la courroie
ou la cordelette dirigée vers
l'oreille et celle qui passe
sous la ganache.
La lanière nasale
était attachée au
bout de lagrande
branche. Au bout
de la petite bran-
che et retenu
également par
une boule était
fixé le cordeau.
Quand on le li-
rait, l'extrémité
de la branche
s'abaissait, tirant elle-même la lanière nasale et forçait l'équidé à
aller à droite, à gauche, ou à s'arrêter. Cette pièce rigide et angulaire
de chevêtre fonctionnait comme le support d'un fil de fer de sonnette.
Quand on tire le cordon attaché à Tune des branches du support
l'autre branche tire le fil de la sonnette, et la fait tinter.
Passons aux figures 12 et 12 a (fig. 3 et 3 ^ de la planche XVKl
de l'album).
— Oh ! cette fois il y a des ornements et je ne vois pas de chevêtre^
Fig. 11. — Pièce rigide de chevêtre. Caverne du
Placard (Roche Bertier).
40
ED. PIETTE.
— Vous paraissez triomphant; mais est-ce que j'ai jamais dit
quelque part que les artistes glyptiques n'ornaient jamais les têtes
de leurs équidés?
— Non, vous n'avez jamais dit cela. Aussi je n'en conclus rien
contre l'existence du chevêtre à l'âge du renne. Jeconstate seulement
que parfois Tartisle ornait la tête du cheval et non le chevêtre. Ici
les ornements paraissent être
des symboles ou des caractères
d'écriture ; ils consistent en un
petit trait placé entre deux plus
grands divergents et bifurques.
Ce signe est répété trois fois sur
un des profils et deux fois sur
l'autre.
— Je voudrais que vos amis
qui n'admettent pas les chevê-
tres à l'âge du renne vous enten-
dissent parler de symboles et
d'écritures glyptiques. Ils per-
draient sans doute toute con-
fiance en vous.
— Cela m'est bien égal, si ce
que je dis est vrai. Je hais
le paradoxe. Lorsqu'on me
prouve que j^ai tort, je ne sou-
tiens pas mon opinion. Je ne
cherche que la vérité.
— Je pense que les bandes
de chevêtres étaient très pro-
pres à recevoir des symboles ou
des ornements de fantaisie. On
ne voit pas pourquoi les artistes
se seraient abstenus d'orner les bandes^ puisque certainement ils
ornaient les pièces rigides de chevrons, de dents de loup, de trous
alignés et ds lignes parallèles.
— Oui; mais ici il n'y a pas de bandes; on ne voit même pas de
chevêtre.
— Je reconnais qu'il n'y a pas de bande; s'il y en avait, le gra-
veur on a fait abstraction ; mais il y a un chevêtre.
— Où est-il?
FiG. 12 et 12 a. — Tète d'équidé enchevêtrée
Caverne des Espélugues à Lourdes.
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
41
— C'est une simple lanière qui contourne le nez.
— Je vois une ligne qui contourne le nez, mais pas de chevêtre.
— Si le cheval avait un mufle, une semblable ligne limiterait son
nez du côté du front ; mais le cheval n'a pas de mutle ; rien ne sépare
son nez du front. Celte ligne ne peut donc être que la représenta-
tion d'une lanière nasale. Au surplus dans la figure 10 a, la ligne
est double, indiquant ainsi la largeur de la lanière.
— Vous avez réponse à
tout.
— Les figures 13 et 13 «
(fig. 4 et 4 « de la planche
XVIII de l'album) sont
encore des représenta-
tions de têtes d'équidés
enchevêtrées. Le chevêtre
de la figure i3 a a. une
courroie nasale angu -
leuse, une pièce rigide et
un rudiment de courroie
appliquée contre la joue.
Le chevêtre de la figure
13 a n'a qu'une courroie
nasale anguleuse et quel-
ques bandes obliques te-
nant lieu de filtage reliant
des cordelettes qui ne sont
pas dessinées.
— C'est votre imagina-
tion qui vous fait voir tant
de choses. Pour moi vos
bandes obliques sont de
simples ornements. Vous
ne pouvez prouver le con-
traire avec des figures si mal faites. Vous voulez tout expliquer.
Laissez-moi au moins le faible avantage de croire à des ornements
de fantaisie.
— Ces dernières figures sont si mauvaises que je ne veux pas sou-
tenir une hypothèse certainement hasardée. Je vous concède donc
les ornements de fantaisie puisque vous y tenez. Je le fais sans
grande conviction ; mais je ne suis pas plus convaincu du contraire.
Fig. 13 et 13 a. — Tête d'équidé enchevêtrée.
Caverne des Espélugues à Lourdes.
42 ED. PIETTE.
— Cela n'ébrèche en aucune façon votre démonstralion de Texis-
tonce du chevèlre îi l'âge g-lyptique ni les faits sur lesquels vous
vous appuyez.
— Vous me paraissez ignorer que c'est moi qui ai le premier
émis l'hypothèse d'ornements sur la tête des équidés, en un temps
011 je n'avais pas encore trouvé de représentalion de chevêtre
indiscutable. J'ai donné cette explication à propos d'un os gravé,
trouvé à Lorthet dans l'assise des gravures à contours découpés,
représenté par les figure 4 et 4 « de la planche X de l'album de
l'art pendant l'âge du renne. Il y a de cela bien longtemps. Voici la
description que j'ai faite de cette gravure. « Os gravé sur les deux
faces. Il représente une portion de lêLe d'équidé dont la mâchoire
inférieure a été détachée. La peau de la mâchoire supérieure et des
naseaux semble avoir été enlevée. Les dents sont à découverts sur
la chair mise à nu. Celui qui a dépecé l'animal a fait des incisions
représentant des lignes de chevrons comme font parfois nos bou-
chers sur les bêtes qu'ils écorchent. L'artiste paraît donc avoir voulu
représenter une pièce de boucherie préhistorique. Cependant il est
souvent arrivé aux graveurs glyptiques de couvrir des portions
d'animal de chevrons ou d'autres lignes géométriques, par pure
fantaisie, sans que l'animal fut écorché pour cela. L'œil est petit et
simplement gravé sans aucun relief. Comme on le voit, il s'agissait
d'une pièce de boucherie. Depuis que j'ai trouvé des représenta-
tions de chevêtres indéniables, j'ai abandonné cette explication.
Elle figurait encore avec la planche X de l'album, lors du Congrès
de Pau de 1871, auquel assistait M. Cartailhac. Mais j'avais alors
déjà reconnu mon erreur et je soutins au Congrès contre M. Car-
tailhac qu'il y avait sur cet os gravé une représentation de chevêtre.
Je fis circuler l'album parmi les assistants.
— Je ne connaissais pas cette circonstance.
— Sur cette pièce de boucherie a été évidemment gravé un che-
vêtre. La cordelette nasale est très visible. Surlafig. 4, il y a deux
lignes dechevrons;une deces deux lignesornementela pièce rigide ;
la seconde qui est au-dessus ornemente le fîltage; sur la figure 4 a,
il n'y a qu'une ligne de chevrons; elle couvre la place du filtage.
Les artistes figuraient le chevêtre non seulement sur le vivant,
mais sur les équidés abattus. Ceux-ci avaient le plus souvent
encore la tête enchevêtrée, car on les emmenait loin du troupeau
pour les tuer. Ils gravaient aussi le chevêtre sur les pièces de bou-
cherie. La gravure de Lorthet n'en est pas le seul exemple. Il a été
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
43
représenté sur une tête sculptée d'équidé écorché provenant du
Mas d'Azil rive droite. Voici la représentation de cette tôle (fig. 14)
L'existence de la corde nasale est indéniable; il y a en outre une
corde partant de l'oreille et aboutissant à la corde nasale.
FiG. 14. — Tête d'équidé écorchée et enchevêtrée. Mas d'Azil, rive droite.
Je crois devoir donner ici la figure d'une tête d'équidé abattu ayant
encore le chevêtre. C'est une sculpture trouvée sous l'abri de Ray-
monden à Chancelade. J'en ai déjà donné une figure dans Classifica-
tion des sédiments formés dans les cavernes pendant Vàge du renne ^
fig. 4, L'existence du chevêtre a été contestée sur cette pièce; mais
il me semble que c'est à tort. La cordelette nasale est peut-être in-
FiG. 15. — Tête d'équidé enchevêtrée sculptée. Abri de Raymonden à Chancelade.
Assise des sculptures en ronde bosse.
diquée d'une manière insuffisante sur notre figure. Elle appartient au
type anguleux ; la pièce rigide est incontestable, elle est percée de
quatre petit trous et surmontée de saillies triangulaires semblables
à des dents de requin. Elle se prolonge au delà de l'œil comme une
mâchoire mise à nu. Une courroie se dirigeant de l'œil vers la barbe
a été omise sur notre figure; l'œil est bien celui d'un animal mort.
Au surplus parmi les gravures et les sculptures, où je crois voir un
chevêtre, s'il y en avait quelques-unes au sujet desquelles je ferais
erreur, ma démonstration n'en serait pas moins fondée. Celles-ci
44
ED. PIETIE.
seraient en très petit nombre, elles n'infirmeraient en rien mes con-
clusions.
— Dans toutes les gravures à contours découpés que nous venons
d'examiner, même dans celles oti le chevêlre est fidèlement figuré,
les têtes d'équidés sont très mal représentées, tantôt trop longues,
tantôttrop courtes, celles-ci presquecylindriques, celles-là informes.
— C'est très vrai. Ceux qui les ont faites choisissaient un os plat
ayant la forme d'une tête d'équidé. Celte ressemblance était très
imparfaite; il fallait pour l'admettre beaucoup de bonne volonté.
Pour eux elle était indéniable. Ils en coupaient l'extrémité, recti-
fiaient à peine la silhouette, indiquaient le bas de l'oreille par deux
traits, la bouche par un seul, le nez par une ligne arquée, l'œil par
un cercle ou plusieurs raies quand ils n'omettaient pas de le gra-
ver. Puis ils figuraient le chevêtre.
— Je crois devoir mettre sous vos yeux quelques-uns de ces os
plats (fig. 16, 17, 18 et 19).
Fro. 16. — Os utilisé pour faire des représentations de lète d'équidé enchevêtrée.
L'os (fig. 16) a reçu un commencement de gravure. L'oreille et
une partie de l'œil ont été dessinées.
L'extrémité antérieure de Tos (fig. 17) porte plusieurs traits de
scie verticaux destinés à le raccourcir.
Sur la figure 18, une fente naturelle figure la bouche. Sur l'os de
la figure 19, la saillie de l'oreille a été ménagée.
Vous remarquerez que les os gravés à contours découpés ont
presque tous un trou de suspension. J'imagine que les gardiens de
troupeaux les portaient suspendus au cou comme des amulettes.
Ils les faisaient sans doute eux-mêmes. N'étant pas artistes, ils ne
réalisaient que des à peu près. Cela leur suffisait. Quelques-uns
s'attachaient à figurer le chevêtre qui, à leur point de vue, était la
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
4o
•partie la plus importante de la gravure. On ne peut contester que le
chevêtre deSaint-Michel d'Arudy n'ait été gravé avec un véritable
talent.
Le mors que nous mettons dans la bouche du cheval l'empêche
Fifi. n. — Os destiné à recevoir une gravure de tête d'équidé enchevêtrée.
de manger. Le chevêtre, quand la lanière nasale n'était pas trop
serrée, le laissait libre de brouter. Les pasteurs pouvaient donc
laisser ce harnais à la tête des équidés trop indépendants; ils saisis-
saient plus facilement ces animaux quand ils étaient enchevêtrés.
— Ceux qui ont gravé ces
chevêtres les ont en quelque
sorte schématisés.
— Oui; et cela révèle une
tournure d'esprit particu -
lière. Parmi les chevêtres
dont l'homme glyptique nous
a laissé la gravure, il y en
avait de savamment compli-
qués. Il les figurait rarement
entiers : il n'en dessinait le plus souvent que la partie essentielle :
la pièce rigide et la lanière nasale. Cela lui suffisait pour se les
représenter complets. Il réalisait des images conventionnelles. On
comprend facilement qu'avec ce penchant à simplifier ses dessins,
à écarter les détails accessoires, il dut naturellement arrivera créer
des symboles. De la représentation incomplète d'un objet, par un
assemblage de quelques traits, au symbole sacré, il n'y a qu'un pas
bien vite franchi quand il s'occupait de choses excitant son admira-
tion, son respect ou sa crainte. Le symbole est une figure ou une
image employée comme signe d'une chose. Il a été en réalité le
premier rudiment d'écriture. Ainsi cette tendance à simplifier le
dessin, qui semble une imperfection au premier abord et qui fut
Fio. 18. — Os destiné à recevoir la gravure
d'une tête d'équidé enchevêtrée.
46
ED. 1>IETTE.
FiG. 19. — Os destiné à recevoir une gravure
de tête d'équidé enchevêtrée.
certainement une défectuosité au point de vue de l'art, a été féconde'
en grands résultats. Elle a été l'un des plus puissants leviers de
la civilisation. Il était nécessaire de la signaler pour comprendre la
mentalité de l'homme glyptique.
— La tendance à simplifier les images est mise nettement en
lumière par Tétude que nous venons de faire des représentations de
chevètre. En ce temps, l'homme était irrésistiblement poussé par le
désir d'ajouter à la langue parlée, la langue écrite. Tout tournait
au symbole. Le symbolisme a été la caractéristique de l'âge glyp-
tique; qui ne voit pas que
l'humanité était alors pous-
sée invinciblement vers le
symbolisme ne comprend
rien à l'âge du renne ni à la
mentalité de l'homme glyp-
tique.
— Nous avons vu une gra-
vure de tête d'équidé à con-
tours découpés dont le che-
vètre figuré par une simple
ligne était réduit à la lanière
nasale. Ne pensez-vous pas que cette lanière ait été le chevêlrc pri-
mitif et que la ligne entourant le nez en soit la représentation et
non l'image simplifiée d'un chevètre compliqué, semblable à ceux que
nous venons de voir?
— Oui, la ficelle ou la lanière de cuir enroulée autour du nez a
du être le chevètre primitif. Ce chevètre rudimentaire était certai-
nement encore en usage aux temps glyptiques. Les troglodytes de
la grotte des Espélungues d'Arudy ont dû fréquemment l'employer,
si l'on en juge par le nombre de gravures où il est représenté,
trouvées dans les sédiments de cette caverne. 11 a pu y avoir d'autres
formes de cet élément de harnais intermédiaires entre cette
lanière primitive etle chevètre compliqué de Saint-Michel d'Arudy ;
mais dans la série des figures qui viennent d'attirer notre attention,
il y a très peu de gravures que l'on puisse rapporter à ces formes
intermédiaires; presque toutes sont manifestement des simplifica-
tions de chevêtres du type compliqué de Brassempouy et de Saint-
Michel.
— Par conséquent vos conclusions relatives à la mentalité de
l'homme glyptique ne sont nullement infirmées. C'est aussi mon
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
47
opinion. La lanière nasale a peut-être été connue avant l'âge glyp-
tique; il y a des gisements antérieurs à l'étage papalien, oii l'on
rencontre beaucoup d'ossements d*équidés.
— Ma collection ren-
ferme encore quelques
figurations de têtes d'é-
quidés enchevêtrées.
Je vais les mettre sous
vos yeux.
— Je vous en fais
grâce ; je suis convain-
cu; je ne demandais
rien de plus.
— Il faut que vous
me suiviez jusqu'au
bout, dût cela vous en-
nuyer . Il n'est pas
indifférent qu'on ait
trouvé quelques vesti-
ges de représentations
de chevêtre ou qu'on
en ait recueilli une
grande quantité. Il
n'est pas indifférent non plus qu'il y ait eu quelques chevêtres sché-
matisés ou qu'il y en ait eu en
grand nombre.
Je me résigne.
— Je me contenterai de vous
en faire voir huit.
Je vais donner le numéro 20
à la première.
Elle a la lanière nasale très
nettement dessinée; mais il est
difficile d'affirmer que les autres
éléments de chevêtre aient été re-
présentés. Cependant il semble
quedans lafigure20dz,on ait voulu
dessiner la bande œillère ; d'au-
lx, «. , „, rr-, j.- ... très traits peuvent être interprétés
tiG. 21 et 21 a. — Tcte d equide ^ ^
enchevêtrée. comme représentant le filtage. Une
FiG. 20 et 20 a. — Tête d'équidé enchevêtrée.
48
ED. PIEtTE.
ligne franchement accusée au-dessus de la barbe semble avoir été
faite pour indiquer la pièce rigide. Tout cela est fort mal figuré.
Le clievêtre de la figure 21 a est assez complet; il a la corde nasale,
la pièce rigide percée de trous, la bande œillère s'embranchant
sur la corde nasale, le filtage et une courroie partant de l'extrémité
postérieure de la pièce rigide et se dirigeant vers l'oreille. Cette
courroie n^est indiquée que par deux traits parallèles, à son point
de départ. La figure 21
est beaucoup moins bien
dessinée. Au premier
abord, il semble que le
chevêtre ne soit pas re-
présenté; mais si l'on fait
bien attention, on voit
qu'il y a des traces de la
corde nasale, de la pièce
rigide et de la bande œil-
lère.
Les chevêtres des figu-
res 22 et 22 a sont assez
complets : la courroie
nasale y est bien figurée;
lapièce rigide est indiquée
à son extrémité antérieure
dans la figure 22; il n'est
pas certain qu'elle soit
figurée dans la figure 22fl.
Le filtage est indiqué très sommairement par une série de traits; la
bande œillère est incontestablement représentée.
Dans les figures 23 et 23 a, le chevêtre est assez complet. La corde
nasale de celui de la figure 23 fait trois fois le tour du nez. Le
filtage est indiqué suffisamment. Il n'en est pas de même de la pièce
rigide qui fait défaut dans la figure 23 et qui dans la figure 23 a n'est
indiquée que d'une manière très contestable. Il n'y a pas de bande
œillère.
Dans les fig. 24 et 24 a^ le chevêtre est très incomplètement
figuré. La lanière nasale est représentée par une simple ligne
verticale dans la fig. 24, par deux lignes verticales dans la fig. 24 a.
La pièce rigide est plus incomplètement représentée dans la fig. 24
et il est douteux qu'elle le soit dans la figure 24 a. Dans la figure 24
Fig. 22 et 22"a. — Tête d'équidé enchevêtrée.
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
49
une courroie indiquée par deux petits traits passe sous la ganache ;
elle fait défaut dans la fi-
gure 2i «.Trace de filtage.
Une corde du bâti est gra-
vée dans la figure 24 a.
Dans les figures 25 et
25 a le chevêtre est en-
core plus mal indiqué que
dans les figures précé-
denles. On peut prétendre
même que la tête de la fig.
25 a n'en a pas, quoiqu'il
semble bien que le gra-
veur en ait commencé un.
La tète de la figure 25 en
a incontestablement un,
puisqu'elle a la lanière na-
sale. Cette tète est si mal
aite que je m'abstiens d'en
interpréter les autres traits.
En revanche celui des
fig. 26 et 26 « quoiqu'elles
ne soient que des repré-
sentations d'un fragment
FtG. 23 et 23 a. — Tête d'équidé enchevêtrée.
Fio. 24 et 24 a. — Tête d'équidé enchevêtrée.
l'aNTHROPOLOSIK. — T. XVII. — 1906.
de gravure est incon -
teslable. La figure 26
montre une courroie na-
sale, une bande œillère
et une courroie descen-
dant sous la ganache .
Dans la figure 26 «, il y a
la bande œillère et une
courroie allant dans la di-
rection de l'oreille.
Les figures 27 et 27 a
ne représentent aussi
qu'un fragment de gra-
vure, mais la courroie na-
sale y est profondément
50
ED. PIETTE.
incisée et elle est reliée au bâli du chevêtre par une autre courroie.
— Je vous ai laissé exposer votre opinion sur toutes ces gra-
vures sans vous interrompre, non par mauvaise liumeur; mais parce
que je partage votre manière de voir. Presque toutes se rapportent
au type de Saint-Michel d'Arudy simpliQé, c'est-à-dire symbolisé.
— Les figurations de têtes d'équidé enchevêtrées, rares dans les
couches à sculptures sont en grand nombre dans l'assise des gra-
vures à contours découpés; elles sont moins abondantes dans les
autres assises à gravures. L'é-
quidé de Lourdes, qui a Tal-
lure des asinés, puisqu'il tient
le cou horizontalement , en
prolongement de l'échiné, a été
représenté par une très jolie
statuette d'ivoire dont la tête
porte un chevêtre à peine in-
diqué par une cordelette nasale
et une pièce rigide, fig. 28
(planche XI, fig. 2, planche XII
et planche XIII de l'album).
Nous avons vu aussi qu'une
autre tête sculptée en ronde
bosse, représentée fig. 7, 7 a,
7 b porte aussi un chevêtre in-
diqué par la pièce rigide, la
bande entourant l'œil et une
pièce de harnais placée der-
rière l'oreille destinée à fixer
le chevêtre. La fig. 15 est aussi
celle d'une sculpture d'une
tête d'équidé enchevêtrée. Ainsi dès le début de l'âge glyptique
les chevêtres représentés sont déjà complexes. Il est probable,
comme vous le dites, que le chevêtre primitif consistant en une sim-
ple lanière nasale était connu antérieurement. Lorsque l'homme
eut reconnu l'avantage qu'il pouvait retirer de la lanière nasale, il
lui fallut du temps pour perfectionner le chevêtre et l'amener au
degré de complication des chevêtres de Brassempouy, de Laugerie-
Basse et de Saint-Michel d'Arudy.
— Je ne veux pas vous tenir plus longtemps, cependant j'ai
encore quelques explications à vous demander. L'un de mes amis
FiG. 25 et 25 a. — Tête d'équidé
enchevêtrée.
ÉTUDES D'ETHiNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE.
51
prétend que ce que vous prenez pour des représentations de che-
vêtre n'est ni un harnais, ni un ornement. Il fait remarquer que
certains os et certains muscles
font saillies surla figure du cheval,
et que ce sont ces saillies que les
graveurs glyptiques ont voulu
représenter.
FiG. 26 et 26 a. — Tête d'équidé
enchevêtrée.
FiG. 27 et 27 a. — Tête d'é-
qaiué enchevêtrée.
— En remarquant que les os font des saillies sur la figure de
Téquidé, votre ami a fait une bien belle découverte. Je ne sache pas
— Asiné enchevêtré? Caverne des Espélugues-Lourdes.
que personne ait jamais fait imprimer cela. Je me garderai donc
d'y répondre de peur de prêter à votre ami des opinions qui ne sont
52
ED. PIETTE.
pas les siennes. Je ferai seulement observer que le clievetre étant
Fio. 29 et 29 a. - Bois de renne ornementé que M. Pigorini a rapporté à une pièce
rigide de chevêtre.
un vêtement de la têle de l'équidé, il en suit tous les contours, et
les saillies servent à l'assujettir plus sûrement.
— Encore un mot. Pourriez-vous me montrer Tobjet que M. Pi-
gorinis à rapporté à une pièce rigide de chevêtre?
ÉTUDES D'ETHNOGRAPHIE PRÉHISTORIQUE. 53
— Bien volontiers; je donnerai le numéro 29 et 29 « à la figu-
ration de cette pièce.
— Elle n'est pas semblable aux représentations de ce harnais
aux temps glyptiques.
— Non, mais de nos jours les pièces rigides de chevêtre sont en
bois. II est probable qu'il en était de même à l'âge du Renne. Le
bois, le cuir les cordes ont disparu par l'effet du temps. On peut
admettre qu'il y avait des chevètres d'apparat dont les pièces rigides
étaient plus soignées. Celles qui étaient en ramure de renne et en
ivoire se sont conservées jusqu'à nos jours sous l'abri des cavernes.
L'objet de M. Pigorini rapporté à un chevêtre devait être une
pièce d'apparat. Il y en a d'autres, mais leur examen nous mène-
rait trop loin. Ce premier article n'a pour but que de faire connaître
les représentations de ce harnais aux temps glyptiques. Les bois
de renne ornementés que Ton prend pour des portions de chevêtre
seront décrits dans un second article.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES
DANS L'EUROPE CENTRALE
PAR
HUGUES OBERMAIER
SECONDE PARTIE (1)
DÉCOUVERTES FAITES EN ALLEMAGNE.
L'Allemagne possède beaucoup moins de stations quaternaires
que l'Autriche- Hongrie ou la France, ses voisines, et ce phénomène
s'explique facilement par la situation de ce pays entre deux centres
glaciaires, c'est-à-dire, entre les glaciers du Nord et ceux des Alpes.
Les stations situées en plein air appartiennent pour la plupart à
l'époque des steppes, et se trouvent dans le loess ; cependant nous
connaissons plusieurs gisements, avec industrie du Paléolithique
inférieur ( « moustérienne » ) ou de Tâge du Renne (u magdalénienne >: )
en dehors des cavernes. Ceux-ci n'appartiennent en aucun cas au
loess, mais à d'autres formations géologiques, par exemple le gise-
ment de Taubach (Moustérien) à des tufs, celui de Schussenried en
Wurtemberg (Magdalénien) à une couche tourbeuse, entourée de
graviers tluvioglaciaires, celui d'Andernach (Magdalénien) à des
dépôts volcaniques.
Les autres stations se trouvent dans des cavernes.
Quant à leurs dépôts archéologiques, les stations du loess, qui
sont du reste pour la plupart très pauvres, se rattachent aux gise-
ments du loess en Autriche, avec une industrie (« solutréenne ») de
chasseurs des Mammouths.
Les autres gisements appartiennent en partie au Paléolithique
inférieur, et renferment, comme je l'ai exposé il y a peu de
(1) Voir : L'Anthropologie, XVI, 1905, p. 385.
Liste des abréviations employées au cours de ce mémoire .M. A. G. Mitteilungen
der anlhropologischen Gesellschaft in Wien; A. F. A. Archiv fuer Anthropologie
(Brunswick); Z. E. Y. Zeitschrift fuer Ethnologie (Berlin), Verhandlungen der Ber-
liner Gesellschaft fuer Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichie; Corr. Correspon-
denzblalt der deutschen Gesellschaft fuer Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte
(Munich).
l'anthropologie, — T. XVII. — 1906.
.% HUGUES OBERMAIER.
loinps (I), OU un Mouslt^rien à faune froide ou un Moustérien à
faune chaude. Les stations à industrie de Renne sont les plus
récentes. Ce fait résulte de l'analogie complète qui existe entre les
trouvailles faites en Autriche et en Suisse, et aussi directement de
la stratigraphie. Dans la caverne de Bockstein (en Wurtemherg),
une couche à industrie de chasseurs des Mammouths (qui a donné
entre autres une grossière pointe en feuille de laurier) a été trouvée
sous une couche à industrie pure du Renne.
En ce qui concerne la faune^ les deux industries les plus récentes
ne diffèrent guère l'une de l'autre.
L'Allemagne du Nord proprement dite (y compris la Pologne),
nous fournit des renseignements intéressants pour la chronologie
géologique.
En effet, les stations du Paléolithique inférieur, qu'on a décou-
vertes dans les cavernes du Harz (Ruebeland), à Taubach et
à Wiérzchow, dans les collines jurassiques près de Cracovie, se
trouvent toutes à Tintérieur de la limite extrême de la plus grande
extension des glaciers du Nord (anciennes moraines) et en dehors
des moraines récentes (moraines baltiques). Il est remarquable,
que des blocs erratiques aient été rencontrés dans le Harz (2) et
dans les montagnes près de Cracovie (3), au-dessus des cavernes
en question. Si celles-ci avaient été ouvertes, on les trouverait
remplies de graviers ou de boues morainiques, ou si elles avaient
été antérieures à la plus grande époque glaciaire, elles auraient été
complètement remaniées. Or ceci n'a pas eu lieu, et les couches
moustériennes s'y trouvent dans un lehm intact; il en résulte que
le Moustérien est, dans le Harz et en Pologne, postérieur à la plus
grande époque glaciaire, que je considère comme contemporaine
de la troisième époque glaciaire des Alpes, qui était ici également
la plus développée. Taubach serait en ce cas peut-être encore plus
récent, ainsi que certainement les gisements de Tiede-Westeregeln
(situées entre Hannover et Magdeburg) qui appartiennent au dernier
loess, en dehors du Flaeming et de la zone des moraines terminales
baltiques.
(1) H. Obermaier, L'Anthropologie, Paris, XVI, 1903, p. 18.
(2) Voir : K. A. Lossen, Geognoslische Vehersichtskarle des Harzgebirges .
(3) Dr St. Zareczny, Atlas geologiczny galicyi (vol. III, avec texte). (La caverne de
Wiérzchow est à 351-400 mètres d'altitude ; on trouve encore des blocs erratique
entre Lgota et Ostreznica à 445 naètres).
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 57
Nous avons ainsi comme stations, ayant donné des restes
humains certainement quaternaires :
I. Moiistérien chaud (atypique) :
Station de Taubach.
II. Magdalénien froid :
Gisement d'Andernach.
Restes humains sùreiuent qua(ernaire!<.
Les l'esté s humains de Taubach.
La station de Taubach (près Weimar) est bien connue et j'ai eu
moi-même l'occasion d'en parler récemment dans cette revue (1).
C'est pourquoi je ne donne ici que la série générale des couches, à
laquelle je dois ajouter quelques renseignements supplémentaires.
La base du gisement de Taubach était formée par des graviers et
des sables, en partie d'origine glaciaire. Au-dessus, des tufs subaé-
riens renfermaient la faune connue à Elephas aniiquus et Rhinocéros
Mercki dans les parties inférieures avec un dépôt archéologique (à
instruments moustériens, pour la plupart atypiques, des os cassés
et brûlés et des foyers). Les parties supérieures de ces tufs conte-
naient déjà une faune froide (avec Elephas primigenius, Rhinocéros
tichorhinus et Rangifer tarandus, mais sans traces de la présence de
l'Homme) (2). La dernière couche était formée par du loess typique.
M. A. Weis (3) en 1892 a trouvé lui-même dans la couche archéo-
logique (à 5°°, 25 de profondeur) une dent d'enfant dont l'authenti-
cité ne peut être mise en doute (4). A. Nehring (5) a aussi parlé
d'une molaire d'adulte provenant de la même couche; mais le Pro-
(1) H. Obermaier, L'Anthropologie, XVf, 1905, p. 22.
(2) Je dois cette communication intéressante à M. le D^ E. Wuest, qui m'écrit
que l'état de conservation des restes des trois dites espèces met hors de doute qu'ils
proviennent aussi des tufs. Néanmoins on ne peut les placer que dans les parties
supérieures, qui forment une couche de transition à l'époque du loess.
(3) 0. SCHOETKNSACK, Z. E. F., XXVII, 1895, p. 92.
(4) A. Nkfjring. Nalurwissenscha/U Wockenschrifl., Berlin, X, ,1895, p. 369. ; Id.,
Z. E. V., XXVII, 1895, p. 338, 425, 513.
(5) A. Nehring, Naturwiss. Wochemchrift, Berlin, X, 1895, p. 371.
58 HUGUES OBKRMAIER.
fesseiir Klopftleiscli ne Ta pas retirée personnelleinent, il l'a reçu
d'un ouvrier. Je n'ose la considérer comme sûrement quaternaire,
d'autant plus que des fraudes ont eu lieu à Taubach dès le com-
mencement des fouilles. Comme les savants montraient un vif inté-
rêt pour les ossements humains, on a bientôt présenté un crâne,
(jue R. Virchow (i) a reconnu provenir très probablement d'une
station néolithique, située dans la même localité, et nullement du
gisement paléolithique. On a aussi vendu à des amateurs des silex
néohthiques comme de provenance quaternaire, ainsi que des fos-
siles de carrières des environs sous la même fausse étiquette.
Le gisement à! Andernach (2).
La station d'Andernach est un gisement en plein air situé à 20 km.
environ au Nord de Coblenz, sur une terrasse à 30 mètres au-dessus
du niveau actuel du Rhin. La couche archéologique se trouvait
dans un lehm recouvrant une coulée de lave, dont les parties supé-
rieures étaient déjà bien désagrégées. Les instruments en quartzite,
qu'on y a recueillis, représentent les types connus du Paléolithique
supérieur; à côté d'eux on a trouvé de nombreuses pointes et
ciseaux, des aiguilles et harpons en os et bois de Renne, en partie
décorés. La faune se composait de : Equin- cabaiias, Rangifer
taranduSy Bos prhnigenius, Canis lagopiis, Cervus elaphusy Lagopus
albiis, Lepus varmbilis, etc. ; en outre on a recueilli quelques débris
humains : deux incisives d'enfant et sept fragments de côtes. Leur
âge quaternaire est certain, car tout le gisement était en quelque
sorte scellé par les produits d'une éruption de pierres-ponces posté-
rieure, formant une couche d'une épaisseur de 5 à 6 mètres, sur
laquelle reposait la terre végétale.
Les trouvailles d'Andernach sont conservées au Provinzial-
Museum à Bonn.
II
Indications a écarter co>iMi<: erronées, douteuses ou insuffisantes.
a) Bavière.
Les restes kumain'i de la « Raûherhoehle » [pi^ès Ratisbonne) (3).
(1) R. Virchow, Z. E. T., 1872, p. 260 et 279; 1877, p. 27; A. Gok.tzb, Z. E. F., 1892,
p. 371.
(2) H. ScHAAFFHAUSEN, Ja^rôwec/ier des Vereins von Aller tumft freunden im Rheinlande.
Bonn, 1888, Heft. LXXXVI, p. 1 ; in , ^. f. A. 1881, p 516; 1d., Verhandlqn des
naturhisl. Vereins zu Bonn. 188.3, p. 39 et 63 ; Id., Corr., 1883, p. 121, et 1884, p. 144).
(3) K. ZiTTEL, A. f. A., V, 1872, p. 325; Id., Corr., 1873, p. 53 ; 0. Fraas, Schwae-
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 59
Cette caverne est à 8 km. environ à l'Ouest de Ratisbonne, dans
la vallée de la Nab, non loin du lieu où cette rivière se jette dans
le Danube. Elle a été fouillée en 1871 par 0. Fraas, Ch. de Zittel et
F. de Guembel, qui y rencontrèrent une couche néolithique avec
faune récente et un niveau inférieur quaternaire (avec restes de
Hyaena spelaea^ Ursus spelaeus^ Eqiiiis cahallus. Rhinocéros ticho-
rhiniis^ Elephas pi^imigenius, Rangifer larandus^ Antilope saïga,
Cervus elaphus, Cervus capreolus). On ne peut nier que des remanie-
Nota:
Localité avec des
restes humaine
sûrement quaternaires
RUSSIE
/i" ffof^f^^/^ <^«'l-
FiG. 1
ments considérables n'aient été produits plus tard par THomme ou
par des animaux, parce que des ossements quaternaires se trouvaient
assez fréquemment dans la couche néolithique et inversement. Je
n'ai pu retrouver les rares instruments quaternaires en os ou en
bois de Renne, dont Ch. de Zittel a parlé, ni au muséum de Munich,
ni à Ratisbonne, ni à Londres, où une partie des objets a été trans-
hische Chronik. 1871, p. 3623; J. Ranke, Beitraege zur Anthropol. u. Urgeschichte
Bayerns, II, 1879, p 198 ; J. Dahlem, Das mitlelaltert.-roemische Lapidarium etc. zu
St Ulrich in Regenshurq. Regeusburg, 1890, p. 25; (Anonymus, Corr., 1871, p. 92, et
1879, p. 85).
60 HUGUES OBEKMAIKR.
portée. De même tout ce qne j'ai pu voir en fait d'instruments en
silex, n'était que des éclats atypiques, à fractures et couleurs rela-
tivement fraîches, sans aucun des types que contiennent ordinaire-
ment tous les gisements paléolithiques même les plus pauvres. Dans
ces conjonctures je n'ose pas admettre l'existence d'une station
paléolithique dans la « Raiiberhoehle am Schelmengraben ». Quoi
qu'il en soit, on ne peut song^er, vu les remaniements considérables,
à déterminer l'âge d'un jeune individu, dont quelques fragments de
crâne ont été trouvés dans la caverne.
La caverne de GaUenreiith (1).
Les cavernes jurassiques de Franconie ont été maintes fois
fouillées pendant les siècles passés, surtout pour récolter 1' « ebur
fossile, » nom, sous lequel on a vendu les ossements des animaux
quaternaires, qui ont servi pour la fabrication de remèdes fort
appréciés.
Dès le xvni® siècle le curé F. Esper organisa des recherches ins-
pirées par un intérêt scientifique; il recueillit dans la caverne de
Gailenreuth un crâne, une mâchoire et une omoplate humains, qui
se trouvaient, d'après son rapport clair et net, dans une couche
intacte de lehm, associés à des os de l'Ours des cavernes, de TOurs
gris, du Glouton, etc. Fsper en tira la conclusion logique, que les
restes humains et ceux des animaux devaient être de même âge.
Mais le règne des opinions de Cuvier commença bientôt à devenir
trop absolu, pour qu'on pût admettre cette opinion, établie et
défendue par la science moderne. On considérait les objets comme
provenant d'une sépulture plus récente et on ne s'en occupa plus.
La caverne (TOfnet (2).
La caverne d'Ofnet se trouve dans la montagne jurassique de la
(( Rauhen Alb )),non loin de la ville de Noerdhngen. Les premières
fouilles y furent entreprises par 0. Fraas (en 1875 et 1876) qui
trouva une couche quaternaire avec des restes de : Elephas primi-
(1) F. EsPEB, Description des Zooiithes nouvellement découvertes d'animaux qua-
drupèdes inconnus et des cavernes qui les renferment, de même que de plusieurs
autres grottes remarquables, qui se trouvent dans le margraviat de Bareith, au delà
des monts. Trad. de l'allemand par I. F. Isenflam.m. Nuremberg, 1774 (p. 21) ; I. Ranke,
Der Mensch. Leipzig, 1894, 11, p, 394.
(2) 0. Fraas, Corr., 1876, p. u7, et 1886, p. 33 ; J. Ranke, Beitraege zur Anthropolo-
gie und Urgeschichte Bayerns, 1879, p. 198; 1d., Der Mensch, Leipzig, 1894, II, p. 453
et 465; M. Schlossi-r, Beitraege zur Anlhrop. u. Urgesch. Bayerns, XIII, 1899, p. 58.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 61
genius^ Rhinocéros tichorhinus^ Hyaena spelaea, Ursus spelaeiis,
Equus caballus, Equus hemioniis, Cermts elaphiis, Cerviis ynegaceros,
Rangifer tarandiis. Elle renfermait aussi des instruments en silex
de type magdalénien et quelques rares instruments en os ou bois
de Renne, enfin des traces d'oligiste, etc. Malheureusement on a
omis de séparer nettement les niveaux, de sorte que des restes
plus récents, comme des fragments de poterie, une pointe de flèche
néolithique, etc., sont cités à côté des objets certainement paléoli-
thiques. Dans ces circonstances on ne peut utilement aborder la
question de l'âge des squelettes de trois individus que 0. Fraas a
trouvés. 11 en est de même de quelques autres fragments humains,
que J. Munk a recueillis plus tard tout isolés dans un sol qui avait
été^ du moins en partie, aussi remanié.
h) Wurtemberg.
Je tiens à donner seulement deux indications d'un certain intérêt
historique. D'anciens rapports (1) mentionnent un crâne humain,
trouvé en 1833 dans la « Schillerhoehle » près WittHngen, et un
second, découvert en 1834 dans la « Erpfînger ou Karls-Hoehle ».
Nous ne possédons aucun renseignement stratigraphique ou paléon
tologique sur ces cavernes, pas plus que sur les crânes en question.
Heppenloch (2).
Le « Heppenloch » près Gutenberg se divise en plusieurs cavités.
Ce n'est que dans la première, que M. Hedinger rencontra des
restes humains, en même temps que des traces d'un foyer et des
fragments de vases. La trouvaille n'est donc en aucun cas quater-
naire. La seconde cavité, o\x M. Hedinger a trouvé les restes si in-
téressants de Vlnniius sueoicus et Aceratherium incisivum n'ont
rien fourni en fait d'ossements humains.
Le squelette de la Rocksteinhoehle (3).
Le Bocksteinhoehle, située dans la vallée de la Lone, non loin de
(1) ECKER, A. F. A, 1812, p. 487.
(2) A. Hedinger, Corr., 1891, p. 9 et 20; Id., Jahreshefle des Vereins fuer valerlaend.
Naturkunde in Wurltemberg^ 1891 ; Id., Neues Jahrbuch fuer Minéralogie, etc., I,
1891 ; Id., Wûrttemberg, naturvnssensch. Jahreshefle, LXVII, 1891, p. 1.
(3) N. BuEHOER, Festgruss zur XXIII. Versammlg. der deutschen anlh?'opoL Gesell-
schaft in Ulm. 1892 ; Id., Corr. 1892, p. 107 ; 0. Fraas, Corr., 1884, p. 9 et 1886, p. 37 ;
Dr V. HoRLDER, Ausland, LVllI, 1885, p. 285 et 779.
62 HUGUES OBERMAIER.
Bissingen, a été touillée en 1882 et 1883 parle D' Loscli, N. Buerger
et 0. Fraas. Le lehm quaternaire, recouvert par des couches
(l'éboulis récents, contenait deux niveaux archéologiques, que
0. Fraas a su bien distinguer. Le dépôt inférieur donna des lames et
pointes en silex de grandes dimensions, une grossière pointe en
feuille de laurier, des pointes et spatules en os, corne et ivoire,
mêlées avec des os de Hyaena spelaea^ Ursits spelaeiis, Caiiis lago-
piis^ Capra [ibex seu rupicapra)^ Sus scrofa^ Rangifer tarandus,
Cerviis dama^ Equus caballus, etc.). Dans la couche supérieure on
recueillit des instruments en silex beaucoup plus fins, des pointes
en os et bois de Renne, des coquilles perforées, etc., accom-
pagnées de restes de Hyaena spelaea^ Ursus spelaeuSy Felis spelaea,
Eleplias primigenius, Rangifer tarandus^ Cerviis megareros^ Bas
bison, Equus caballus, Rhinocéros tichorhinus. Il résulte clairement
des rapports des dits savants, que des remaniements avaient eu lieu
en quelques endroits, de sorte qu'on a aussi trouvé des fragments
de poterie dans la couche supérieure magdalénienne.
Les restes humains de cette caverne firent beaucoup de bruit.
Buerger avait trouvé à une profondeur de 0™,87, au niveau de la
couche magdalénienne, le squelette d'une femme, et auprès d'elle les
restes d'un enfant né à terme. Schaaniiausen, qui attribuait une
importance exagérée à plusieurs particularités du crâne féminin (à
son grand prognathisme, à son processus frontalis squamae tem-
poralis, etc.), soutint avec Buerger l'âge quaternaire du squelette,
que J. de Iloelder combattit vivement.
La question fut définitivement résolue, lorsqu'on trouva une note
dans un ancien registre paroissial d'Oellingen (i), qui établit bien
clairement qu'il s'agissait du corps d'une personne qui s'était
suicidée en 1739, et qui pour cette raison, ne fut pas enterrée au
cimetière, mais dans la caverne voisine de Bockstein.
La caverne du Hohlefels (2).
A vingt minutes de Schelklingen, près Blaubeuren, dans la vallée
de TAch, se trouve la grotte du Hohlefels. Elle a été examinée par
0. Fraas et. T. Hartmann en 1870 et 1871. Le lehm quaternaire
jaune, qui était couvert de terre végétale moderne et d'éboulis, ren-
(1) Corr., 1900, p. 40.
(2) 0. Fraas, .4. F. A., 1872, p. 173 ; Corr., 1871, p. 38 ; Corr., 1886, p. 36 ; N. Escher,
Verhaiidlgn der schweizer. nat. Gesellsch. zu Frauenfeld, 1872, p. 228 ? J. Ranke, Der
Mensch, Lepzig, 1894, II, p, 448.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 63
fermait avec une faune quaternaire [Ursiis spelaetis^ Elephas primi-
geniiis, lihinoceros lichorhinus^ Raiigifer tarandus, Equus cabalhis^
Ovibos moschatiis^ Bison priscus, Felis leo^ Cervus elaphus^ Lepiis
variabilis, Cygrivs mitsfciis) des foyers avec de nombreux os de
Renne cassés, beaucoup d'instruments en silex et environ vingt
instruments en os et en bois de Renne. 0. Fraas mentionne aussi
le fragment d'un fémur humain, qui aurait l'air d'avoir été broyé
par un Ours des cavernes. Malheureusement les fouilles dans le
Hohlefels ont eu lieu à une époque oii on ne savait pas toujours
séparer les divers niveaux; 0. Fraas même parle des fragments de
poterie qu'il a rencontrés dans la couche magdalénienne, sans
vouloir les présenter comme provenant de cette époque. La liste
paléontologique révèle une composition certainement due à des
remaniments locaux. 11 est donc hors de doute, qu'il y avait dans
la Hohlefels une station de l'âge du Renne, mais l'âge du dit fémur
n'est pas incontestablement établi, on ne saurait affirmer qu'il
provient des couches restées intactes^ et qu'il soit quaternaire.
Le crâne de Cannstatt (1).
La provenance du crâne de Cannstatt (près Stuttgart) est tout à
fait obscure. En 1700, le duc Eberhard-Louis de Wurtemberg, fit
faire des fouilles dans un oppidum aux environs de Cannstatt. Elles
donnèrent beaucoup d'objets romains et, à la base, des ossements
fossiles quaternaires, notamment de d'Ursus spelaeus, &' Elephas
primigeniiis, âiHyaena spelaea, qui furent transportés au Cabinet
d'histoire naturelle de Stuttgart. Ils y excitèrent le plus grand
intérêt et furent l'objet d'une série de publications. Il est bien
remarquable que le médecin aulique, le docteur Salomon Reissel(2)
qui fit le premier rapport des fouilles l'année môme de leur exécu-
tion et qui était un bon ostéologiste, insiste sur l'absence complète
de restes humains, qu'il avait recherchés avec beaucoup de soin.
Le second savant qui parle des trouvailles de Cannstatt, le docteur
(1) Dr V. HoELDER, Covr.y 1873, p. 89; Id., ihid., 1892, p. 88 ; (iôirf., 0. Fraas et
R. ViRCHOw) ; Id., A. f. A. II, 1867, p. 82 ; 0. Fraas, Wuerle7nberg, naturwissensch.
Jahreshefte, XVII, 1861, p. 112 ; De Quatrefagrs et Hamy, Crania ethnica. Paris, 1882 ;
0. Fraas, SchwaebJche Chronik, 1887, p. 422 ; Id., Cor^r., 1887, p. 123; E. d'Azy,
V Anthropologie, Paris, l, 1890, p. 722; E. Fkaas, Corr., 1892, p. 117; J. Ranke, Der
Mensc/i, Leipzig, 1894, H, p. 492; E. T. Newton, Palaeolithic man. Nature, 1898,
p. 354 ; G. et A. de Mortillet, Le Préhistorique, Paris, 1900, p. 249.
(2) Salomo Reissel, Unicornu seu ebur et ossa fossilia Canstadiensia. Rapp. de
1700.
64 HUGUES OBERM.VIER.
Spleissius (i), déclare également qu'on n'a trouvé aucun os qu'on
pourrait comparer à des os humains, Les rapports ultérieurs du
xviu^ siècle ne sont pas moins négatifs, car les découvertes de 1700
ont été encore décrites avec détails dans un catalogue entre 1723
et 1735; il n'y est non plus fait mention du fragment de crâne
humain. Enfin un autre médecin aulique, le docteur Albert Gess-
ner (2) affirme par deux fois, en 1749 et 1753, que ces fouilles
n'ont pas donné de restes humains.
Au xix'' siècle (1812), Cuvier (3) ne connaissait qu'une mâchoire
humaine sans crâne ; il a écrit : « On sait que le terrain fut rema-
nié sans précaution et que l'on ne tint point note des diverses
hauteurs où chaque chose fut découverte ». Ce n'est qu'en 1835,
c'est à-dire, 135 ans après les fouilles, que le paléontologiste
F. Jaeger (4) déclare avoir rencontré, dans une vitrine du musée
de Stuttgart, une portion de crâne à côté de quelques vases romains
recueillis en 1700. Sans en donner une description il le présente,
sur la simple foi de ce voisinage, comme provenant des fouilles de
Cannstatt, faites sur les ordres du duc Eberhard Louis.
Je me borne à ajouter à ces notes, dont les premières, les plus
importantes, sont dues à des savants autorisés, la conclusion du
docteur de Hoelder, qu'il est absolument certain que le crâne de
Cannstatt n'a pas été trouvé lors des fouilles de 1700. On ne sait
d'où il vient, ni à quelle époque il a été placé dans la vitrine. 11
n'est peut-être pas sans intérêt de dire ici qu'on a trouvé plus tard
à Cannstatt, dans le voisinage de TUllkirche, où on avait fouillé en
1700, un cimetière romain et du commencement du moyen âge.
On y a découvert aussi en 1816 un tombeau collectif néolithique.
Ce tombeau, qui se trouvait dans le tuf, aurait été décoré de
défenses fossiles de Mammouth. On voit avec quelle facihté on
peut attribuer à ce crâne l'origine que l'on désire!
(1) D' Spleissius, Oedipus OsteolithoLogicus seu disseriatio kislorico-physica de cor-
nibus et ossibus-fossilihus Canstadiensibus, Schaffouse, 1701.
(2) A. Gessneb, Nachrichl von dem Kansladter Salzwosser, Stuttgart, 1749 ; Id.,
Selecta physico-oeconomica, II, Stuttgart, 1753.
(3) J. Cuvier, Recherches sur les ossements fossiles, Paris, 1812, I, p. 83.
(4) F. Jaeoer, Die fossilen Sauegethiere, neelche in Wuertemberg gefunden worden
sind. Stuttgart, 2 sections, 1835 et 1839, p. 126 et 141.
LES RESTES IIL'MAIiNS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 65
c) Bade. — Hesse.
Les découvertes de restes humains à Moosbach, Mannheim, et
Seligenstadt.
H, de Mayer (1) signala en 1839 la découverte d'ossements
humains à Moosbach près Wiesbaden, sans donner aucun rensei-
gnement sur leur âge.
Les deux crânes de Monnheim (2) ont été trouvés, d'après
H. Scliaaiïhausen, à 6 mètres de profondeur dans le gravier quater-
naire du Neckar, tout près du lieu où il se jette dans le Rhin. Le dit
anthropologiste les a considérés comme quaternaires, parce qu'ils
n'étaient éloignés que de quelques pieds des dents de Mammouth
et qu'ils présentaient le même aspect. L'un d'eux n'a pu être
conservé, le second est petit et d'une capacité de 1320 cm^
Il en est de même du crâne de Seligenstadt (3) en Hesse. Appar-
tenant à un squelette, il gisait sous les alluvions modernes et sur
le gravier quaternaire, à 2 mètres de profondeur.
Les objets correspondant à ces deux dernières découvertes ont
été certainement déposés par des crues dans le gravier. Des con-
clusions fermes sur leur âge sont impossibles.
Les restes humains de Lahr (4).
Ami Boue, en 1823, recueillit dans le loess de la plus inférieure
des terrasses qui borne la rive droite de la Schutter en amont de
Lah\ les os de près de la moitié d'un squelette humain, savoir : le
fémur, le tibia, le péroné, des côtes, des vertèbres, des os méta-
tarsiens et autres, mais il n'y avait pas de crâne. Ces os se trouvaient
dansuneposition presque horizontale, non disposés, toutefois, comme
s'ils avaient fait partie d'un corps enseveli en cet endroit. Le loess
qui les enveloppait était solide ; les couches placées immédiatement
au dessous des os contenaient quelques silex et, encore plus bas,
des pierres roulées de grès et de gneiss de la Forêt Noire. Au
niveau des os, on a aussi recueilli des coquilles des genres
(1) H. DE Mayer, Neues Jahrbuck fuer Minéralogie, etc. Pablié par Lbonhard et
Bp.onn, Vil, 1839, p. 79.
(2) H. Sghaaffhau?en, Corr., 1880, p. 132; Id. Gaea, 1881, p. 642.
(3) H. ScHAAFFHAUSKN, Corv., 1880, p. 131.
(4) Ami Roué, A/m. Sciences nat. 1829, XVllI, p. 150 ; Id., Bull. Soc. géol. de
France., I, 1830-31; F. Sandberger, Co/v., 1873, p. 13; Cii. Lyell, L'ancienneté de
Vhomme, Paris, 1864, p. 354 ; appendice, p. 28.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906, 5
66 HUGUES OBERMAIER.
Lipunaca, Pupa, Hélix, Physa, ClausUia, Cjjclosloma. Ces ossements
lïireul montrés à Guvier, au Muséum de Paris, qui déclara que,
dans son opinion, ils venaient d'un cimetière et qu'ils étaient siLns
valeur scientifique; c'est pourquoi ils ont été négligés et furent
égarés, avant qu'on put les décrire.
Ami Boue retourna à Lalir en 1829; il est bien possible que le
groupe d'ossements, exhibés actuellement au Muséum de Paris,
et attribués à Lalir, datent de sa seconde récolte.
En tout cas, nous ne possédons aucun renseignement stratigra-
pliique suffisant sur ces dernières trouvailles, dont l'authenticité
même est douteuse, sans parler des remaniements et intrusions, qui
devraient être pris en considération au cas on l'on aurait des don-
nées historiques plus précises.
d) Alsace.
Le crâne d'Egishehn (1).
S'il est presque arbitraire de qualifier de quaternaire le crâne de
Cannstatt, la même conclusion peut s'appliquer à celui d'Egisheim
(canton de Winzenheim).
On trouva en 1865 (d'après Faudel) dans le loess « normal » d'un
vignoble, à une profondeur de 2°", o les fragments d'un crâne humain.
Les os d'animaux, dispersés en plusieurs endroits de la même
couche géologique appartenaient au Cheval, au Bœuf^ au Cerf et
au Mammouth. Leur état de conservation était le même. 11 n'en est
pas moins vrai que ces indications ne peuvent pas être considérées
comme ayant une valeur absolue. On sait que le loess peut donner
accès insensiblement à des objets beaucoup plus récents, et que les
os qui ont séjourné un certain laps de temps dans la terre, perdent
leurs matières organiques et qu'ils deviennent alors, en ce qui
concerne leur composition anorganique, identiques à ceux qui
depuis longtemps déjà gisaient dans le même milieu. M. Schu-
(1) FAUDiiL, Note sur la découverte d'ossements de fossiles humains, etc. Bull, d,
/. Soc. dliist. nat. de Colmar, 1865-68 (VJ-VIII), p. 283; [Ibidem, Sclieurer-Kestner,
p. 295. Voir : F. Sandberger, Corr., 1873, p. 13.]; Fauoel, C. R. de VAcad. d. se,
LXIII, p. 689; 1d., Bull. Soc. géol. de France (2), XXIV, p. 36; E. Schumacher.
MilleUgn der geol. Landesanstalt von Elsass-Lothringen, II, p. 290; 1d., MilLeilg7i
der philoynalli. Ges. in Els.-Lothr,, V, 1897, H. 3; Gutmann, Mitieilgn de?' Gesellsch.
fuev ErhaUung der gesckichll. Denkmaeler im Elsass (2), XX, 1899, p. 1-87;
G. ScHWALBE, Milteilgn der naturhislor. Gesellschaft in Colmar. N. F. IV, 1898, p.
119; 11)., Beitraege zur AnUiropologie Els.-Lotlir. Strassburg, 1902. H. 3; IIertzoo,
Corr., 1901, p. 126 ;Id., Mitieilgn der naturhist. Gesellsch. in Colmar. N. F., VJ, 1902,
p. 227.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 67
mâcher a abordé de nouveau la question de l'âge du crâne
d'Eg-isheim. Il a fini par déclarer que, d'après le rapport de Faudel,
le crâne devait se trouver à la limite du loess ancien et du récent,
mais il n'en dissuade pas moins de le considérer comme quater-
naire; des découvertes à venir dans ce môme endroit et dans les
mêmes couches apporteraient peut-être la solution définitive.
En fait, les recherches de M. Gutmann semblent promettre de
nouvelles lumières sur ,1a question. M. Gutmann en effet à trouvé
en novembre 1893, dans un champ aux environs de la même colline,
un crâne isolé (et un os du bras), qui offrent une très grande simi-
titude avec le crâne de 1865, et que M. Schwalbe attribue à une
race de (aille moyenne (150-151 cm.). A cela s'ajoute au même
endroit la découverte de quatre tombeaux néolithiques (avec des
haches polies et des vases du type de Hinkelstein) qui également
révèlent un très petite race, deux squelettes ayant seulement 150 et
152 cm. et le troisième 120-125 cm. de hauteur. La ressemblance
du crâne d'Egisheim avec ces dernières découvertes rend très
vraisemblable leur contemporanéité^ mais je tiens à faire remarquer
que la même colline contient aussi des tombeaux échelonnés depuis
l'époque néolithique jusqu'à l'époque des Francs.
Les squelettes de Bollmeiler (1).
En 1869, dans une fouille près de BoUweiler (Bollviller), canton
de Soultz, on enleva du lehm, pour exploiter le gravier vosgien
sousjacent. Dans sa partie inférieure on trouva sept squelettes
humains, plus ou moins complets, deux squelettes de marcassins
et de nombreux fragments de poterie. Des traces de tranchées
anciennes attesteraient, d'après M. Hertzog,le séjour de l'Homme en
ce lieu^ qui aurait été peut-être un atelier de potier^ en raison des
briques de lehm à demi calcinées, pouvant représenter les restes des
parois du four.
Parmi les ossements le docteur Gollignon a voulu reconnaître des
crânes, qui se rapporteraient à la « race de Gannstatt » ; un autre se
rapportant à celle « de Furfooz », de plus des péronés cannelés,
des olécrânes à cavités perforées, etc.
La poterie est en partie à pâte très grossière, en partie plus fine
et faite au tour, — elle date donc probablement de diverses époques
préhistoriques et, en tous cas, postquaternaires.
(1) Bleichbr et MiEG, Bail, de la Soc. d'hist. nat. de Colmar, 1886-88. Coimar, 1888»
p. 202; Delbos et Gollignon, iîeyue d'anthrop. (2), III^ p. 385-413»
68 HUGUES OBERMAIER.
Les squelettes de Tagohheim.
Les quatorze squelettes de Tagolsheim (canton d'Allkirch), que
MM. Bleiclieret AJiogont décrits en 1888(4), proviennent de tombes
creusées symétriquement dans le lelim normal. Ils n'étaient accom-
pagnés que d'un très pauvre mobilier funéraire, comprenant seu-
lement des fragments de pots ou de vases, à cuisson incomplète,
placés au cbevet des morLs. On ne peut évidemment pas les con-
sidérer comme quaternaires, et je crois qu'il faut leur joindre un
crâne, que Collignon a décrit déjà en 1882 (2), en lui attribuant
les caractères principaux de la « race de Cro-Magnon ». lia été
découvert, enterre de2'",50 dans le lehm à Tagolsbeim, au chemin,
dit <( Wiedenhag-Weg, « presque à la même place, où Ton trouva
plus tard les susdits quatorze squelettes, et il était également
accompagné de poteries grossières.
e) Province du I\hin-Wesfphalie.
Le gisement de Steeten-sur-Lahn (3).
Aux environs de Steeten sur la Lahn (province du Rhin) se trou-
vent deux cavernes, celle de Wildscheiier et celle de Wild/iaus. La
première, à 12 mètres au-dessus du niveau de la vallée, pénètre
dans la montagne jusqu'à 22 mètres. Devant son entrée s'étendait
autrefois un grand amas d'éboulis, dont les parties inférieures con-
tenaient un foyer, avec fragments de poterie et des ossements
d'Homme et d'animaux. La partie supérieure du tas était toute
récente et renfermait, elle aussi, parmi de nombreux instruments
en silex et des restes de Mammouth, des ossements humains. D'après
l'opinion de Cohausen et Schaaffhausen ce seraient les déblais de
l'intérieur de la caverne, qu'on y avait déposés lors des fouilles
de 1844. 11 est donc clair que beaucoup des instruments en silex
et en os, qu'on y a trouvés ultérieurement, sont quaternaires, mais
il n'est pas permis, d'être aussi affirmatif au sujet des restes
(1) Bleichek et MiEG, Bull, de la Soc. dhist. nat. de Colmar, 27-28-29^ années, 1886-
88. Colmar, 1888, p. 192 et 199.
(2) R. CoLLiGNON, Ibidem, années 1881-82. Colmar, 1882, p. 4 et planche I.
(3) A. V. CoiiAusF.N, Annalen des Vereins fuer nassauische AUevtumskunde u. Ges-
chichtsforschwig, XIII, 1874, p. 380; Id., Corr., 1875, p. 23 et 1882, p. 23; Id., Z. E. V.,
VI, 1874, p. 173; H. Schaaffiiausen, Coi^r., 1877, p. 136 ; Id., /l. /". /!., XI, 1878, p. 148;
H. ScHAAFi-HAUSEN et A. VON CoHAUSEN, Annaleti, etc. {ni supra), XV, 1879, p. 305;
A. Nehhlnh, Corr., 1879, p. 57.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 69
humains, qui appartiennent au moins à huit individus. Leur âge
est incertain, parce que nous no connaissons pas les conditions
dans lesquelles ils étaient ensevelis dans la caverne de Wildscheuer
même. Celle-ci donna une industrie de l'âge du Renne et des restes
de : Ursus spelaeuSy Hyaena spelaea, Rangifer tarandus^ Equus
caballus^ Equiis asiniis (?), Canis lagopus, Cermts elaphus, Cerviis
alces, Ovibos moschatiis (?), Myodes lemmus^ Elephas primigeniiis^
Rhinocéros tichorhiims^ Lagopus albiis^ Lagopus alpimis. Une fente
tout au fond de la grotte a encore livré une sépulture relativement
récente avec une urne à côté du corps.
La caverne voisine de Wildhaiis ne contenait pas de véritables
couches, mais seulement des dépôts irréguliers d'éboulis. On y a
découvert des restes de l'époque paléolithique, néolithique et des
métaux, et aussi des ossements humains^ complètement dispersés
un peu partout; il n'est pas possible d'en établir l'âge en l'absence
de toute stratigraphie sérieuse.
V homme de Neandertal (1).
x\ucune découverte n'a été aussi discutée que celle de Neandertal.
(1) Je me borne à ne donner que les premières et les dernières publications prin-
cipales sur ce sujet :
a) Anciennes publications :
G. FuHLROTT, Verhaudlgn des naturhistorischen Vereins der preussischeu Rheinlande
und .Westfalens, XIV, 1857. Correspondenzblatt, p. SO; Id., Menschliche Ueberreste
aus einer Felsengrotte des Duesselthals. Ibidem, XVI, 1859, p. 131 ; Id., Der fossile
Mensch aus dem Neanderthal. Zwei Vorlesungen. Duisburg, 1865; Id., Ueber die
Kalksteiuschichten des Neanderthals und den sog. Homo Neanderthalensis. Corres-
pondenzblatt des naturh. Vereins der preussischen Rheinlande und Westfale?is., XXV,
1868, p. 62; Id., Die Hoehlen und Grotten in Rheinland-Westphalen. Iserlohn, 1869,
p. 60; H. V. Deghen, dans : Staiislik des Regierungsbezirkes Duesseldorf von 0. v.
Muehlmann, 1864, p. 106; H. Scuaaffhausen, Verhandlgn des naturhistor. Vereins d.
preussischen Rheinlande und Westfalens., XIV, 1857. Correspondenzsblatl., p. 50;
Id,, ibidem., XXII, 1865. Sitzungsberichte der niederrheinischen Gesellschaft, p. 75;
Id., ibidem, XXIII, 1866. Silzungsber., p. 14; Id., Zur Kenntnis der aeltesten Ras?en
schaedel. Joh. Muellers, Arcliiv fuer Anatomie, Physiologie, ^ic. 1858, p. 453; Id., Der
Neanderthaler F und. Festschrift zur XIX. Allgemeinen Versammlung der deutschen
anthropol. Gesellschaft in Bonn. Bonn, 1888; Gn. Busk, Nat. hist. Review, 1861, p.
155; Cu. Lyell, Antiquity of Man, 1863, p. 75; W. Boyd Dawkins, Die Hoehlen und
die Ureinwohner Europas. Traduit par Spengel. Leipzig, et Heidelbcrg, 1876.
b) Dernières publications sur la stratigraphie et Vdge géologique de l'homme du
Neanderthal :
C. Koenen, Zum Verstaendnis der Auffindung fossiler Saeugetier-und Menschenreste
im Neanderthal. Milteilungen des naturwissenschaftl. Vereins zu Duesseldorf,
1892, 2. Heft. p. 55; Id., Ueber das Neanderthal, etc. Verhandlgn des nalurhist.
Vereinsd. preussischen Rheinlande u. Westfale7îs.,XL]X, 1892. Correspondenzbl.,i).M ',
70 HUGUES OBERMAIER.
La derni('rc polriniquc a eu lieu entre les géologues C. Koenen et
II. Rauiïe. Ce dernier a publié trois études, qui utilisent magistra-
lement tous les renseignements qu'on peut tirer des documents pri-
mitifs et de nos connaissances géologiques actuelles. Après m'en
être occupé moi-même, je suis arrivé aux mêmes conclusions
que M. Rauff. Il me suffira donc de rapporter ses constatations.
La vallée de « Neander » , qui doit son nom à un théologien du
moyen âge, renferme une partie du cours de la Duessel, qui, à cet
endroit, se fraye près d'Erkrath et Ilochdahl, à Test de Duesseldorf,
un passage à travers le calcaire dévonien. Creusée à 60 m. environ
de profondeur, cette vallée recelait de nombreuses cavernes. C'est
dans Tune d'elles, nommée la « petite Feldhofer-Grotte », qu'on a
découvert en 1856 les restes de 1' « Homme de Neandertal ». La
caverne était située sur le versant de gauche, environ à 25 m.
au-dessus de la rivière actuelle. Elle formait une cavité de voûte
assez régulière, qui se terminait en forme de coin. Près de l'ouver-
ture sur la vallée elle avait 3 mètres de large et 2", 5 de hauteur;
l'ouverture elle-même était en forme de ceinture^ peut-être trop
petite pour laisser passer un corps humain. Elle était élevée un
peu au-dessus du sol de la grotte et conduisait sur un plateau exté-
rieur proéminent, de surface inégale^ qui était au même niveau que
le bord inférieur de l'ouverture. Jusqu'à ce point (c'est-à-dire :
jusqu'à une hauteur de 2 mètres) la caverne était remplie de lehm,
dans lequel gisaient à 0"',6 de profondeur les ossements de l'homme
de Neandertal. Le docteur C. Fuhlrott en a sauvé la calotte
crânienne, les deux fémurs, les deux humérus, les deux cubitus (à
Id., Die erste Spur des Meuschen im Rheinlande. Rheinische Geschichtsblaetter, 1894,
1, p. 96 et 454; Id., Gefaesskunde iû den Rheinlanden. Bonn, 1895, p. 3; le, Zur
Altersbestimmung der Neanderthaler-Menscheuknocbenfunde, etc. Sitzimgsberichte
d. Niederrbein. Gesellschaft fuer Natw.-u. Heilkunde zu Bonn, 1901. Section A., p.
64 ; Id., Funde palaeolitbischer Steingeraete, etc., ibidem. ^ 1902. Section A, p. 1 ; Id.,
Ueber Eigeuart und Zeitfolge des Knochengeruestes des Urmenschen, ibidem. 1903.
Section A, p. 19; 0. Rautert, Ueber Homo Neanderthaleiisis. Festschrift zur 70,
Versammlg der deutschen N a turf or se lier u. Aerzte, dargeboten v. d. wissenschafél,
Vereinen Duesseldorfs, 1898, p. 95 (p. 85.) ; Id., Verhandlgn der Gesellschaft deutscher
Naturf. u. Aerzte. 70. Versammlung zu Duesseldorf, 1898. Leipzig, 1899, 2, Teil. 1.
Haelfte, p. 188; II. Rauff, Zur Altersbestimmung des Neanderthaler Menschen.
Sitzungsberichte der Niederrhein. Gesellschaft fuer Natur-und Heilkunde zu Bonn,
1903. Section A, p. 3S; Id., Ueber die Altersbestimmung des Neandertaler Menschen
und die geologischen Grundiagen dafuer. Vernandlungen der naturhistor. Verêins der
pi^eussischen Rheinlande, West/alens, etc., LX, 1903, p. 11-90; Id., Ueber die
Neandertalfrage. Sitzungsberichte der Niederrhein. Ges. fuer Natur.-u. Heilkunde.
zu Bonn, 1904 (Sitzung vom 7. Dezember, 1903).
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 71
peu près entiers), le radius droit, la moitié gauche du bassin (os ilia-
que), un fragment de Fomoplate droite, cinq fragments de côtes, et la
clavicule droite presque entière. Ce même lehm contenait en outre
des rognons épars de silex (« hornslein ») de la grosseur d'une noix.
Voilà tout ce que nous savons sur le lieu et le contenu de la
Feldhofer- Grotte. Aucun homme compétent n'a jamais vu le
squelette humain in situ. Lorsque Fuhlrott^ qui en a fait la décou-
verte, arriva, les ouvriers, qui démolissaient la caverne, avaient
déjà jeté au dehors le lehm et les os, et les avaient précipités en partie
du parvis dans le ravin. On se trouvait ainsi réduit à leurs indications.
On ne sait pas et on n'a jamais su si l'on avait alTaire à un squelette
complet ou non, combien d'os et lesquels s y trouvaient primiti-
vement, et comment ils étaient assemblés, soit dans un ordre ana-
tomique,soit au hasard. On n'a jamais examiné sérieusement le lehm
de la grotte au point de vue pétrographique; on n'a jamais étudié
exactement l'intérieur de la caverne même, les fentes qui faisaient
communiquer la grotte avec la surface du plateau supérieur, et les
matériaux qui remplissaient vraisemblablement ces fentes.
Les recherches récentes et approfondies de M. Rauiï ont montré
que les silex du Neandertal sont d'origine éocène (marine). Comme
d'autre part il est aujourd'hui établi que des couches tertiaires
n'existent pas sur le Dévonien dans toute la contrée, mais que toute
la surface est quaternaire, le lehm dans la caverne parle en tous cas
contre Vâge tertiaire du squelette; il en ressort de même que les
silex s'y trouvaient à l'état remanié et par conséquent ne peuvent
fournir aucune indication chronologique. Quant aux dépôts qui
remplissaient la grotte et qui ne consistaient qu'en lehm et en
silex, mns aucun débris paléontologique, M. Rauiï conclut avec
raison qu'ils ont pu être produits avant, pendant, ou après la for-
mation du loess, qui couvre les graviers au-dessus du calcaire sur
les plateaux de toute la contrée. Si ces dépôts se sont produits avant
la formation du loess, c'est pendant la longue période qui s'est
écoulée entre la formation des anciens graviers quaternaires et
celle du loess, dont l'âge exact est encore inconnu dans la province
du Rhin. S'ils se sont produits au contraire après la formation du
loess, les os pourraient être néanmoins plus anciens que le loess,
ou contemporains ou plus récents, car il n'est pas impossible que,
par suite d'une invasion postérieure des eaux dans une des fentes
de la caverne, la couche du loess n'ait été détruite à cet endroit à
une époque postglaciaire.
12 HUGUES OBERMAIER.
Du reste, il n'est pas sûr que les silex et les os humains aient
pénétré en même temps dans la caverne. 11 se peut qu'une ou plu-
sieurs des fentes se soient remplies de silex et de lehm au commen-
cement des dépôts de graviers, qui se trouvèrentpeu à peu projetés
dans la grotte; plus tard, après l'élargissement des fentes d'autres
matériaux purent facilement s'introduire. Les os ont pu parvenir
par ces mêmes fentes ou par d'autres plus récentes dans l'intérieur
de la caverne.
11 n'est pas établi que les fentes fussent assez larges pour laisser
passage aux ossements. Fuhlrott Ta nié au début, mais il changea
finalement d'opinion (1865), sous l'influence de Lyell, qui au cours
d'une visite rapide constata l'existence d'une large fente, qui con-
duisait à la surface supérieure. Fuhlrott cependant se crut obligé
de rétrécir beaucoup cette fente dans le dessin qu'il en fit d'après
le croquis de Lyell ; il crut seulement être arrivé à la certitude, lors-
qu'en 1868, il trouva, dans le dernier tiers encore subsistant de la
grotte, une fissure qui était irrégulière, mais cependant suffisam-
ment large.
Si l'on admet que la Feldhofer- Grotte fut remplie par l'orifice
latéral et non par les fentes du haut, on doit supposer (ce qui
n'est pas impossible) que les rognons de silex seraient tombés d'en
haut sur le petit plateau devant la caverne et qu'ils se seraient
introduits de là dans l'intérieur. Mais nous ne savons si cet orifice
était assez large pour permettre aussi l'accès à un corps humain.
Fuhlrott écrit en 1859, qu'un homme eut pu seulement en rampant
s'y introduire, il rejeta en J868 cette opinion. Quoi qu'il en soit,
la question reste ouverte. C'est ainsi que je terminerai mes
remarques sur l'homme de Neandertal. 11 résulte avec cerlitude
que son âge n'est aucunement défini géologiquement et stratigra-
phiquement.
Note.
La plupart des savants attribuent aux fragments humains de
Neandertal, pour des raisons anatomiques, l'antiquité des 5^^/e/e^^^s
de Spy et parlent d'un âge moustérien de ces derniers restes
Pour ma part, je considère comme très problématique que ceux-
ci appartiennent au Moustérien. L'intérieur de la grotte de Spy,
qui a été si mal fouillée par Rucquoy, contenait une couche mous-
térienne, sur laquelle se trouvait superposé un niveau moyen, qui
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 73
rappelle d'une façon frappante le « Solutréen» de Menton, et qu'on
doit placer au commencement de cette époque (comme « Présolu-
tréen >î).La terrasse au-devant de la grotte ne contenait aucune couche
moustérienne, mais à la base les squelettes humains, au dessus des-
quels se trouvait la dite couche présohitréenne que recouvraient
encore des vestiges d'un Paléolithique plus récent. L'étude des
niveaux démontre que la vallée actuelle d'Orneau était déjà à peu
près complètement formée, lorsque la couche inférieure de la ter-
rasse qui renfermait les squelettes, se déposait. Ceux-ci étaient accom-
pagnés d'une pointe moustérienne et d'une lame en grès lustré; plu-
sieurs autres lames et trois pointes moustériennes gisaient encore
non loin d'eux, comme MM. Fraipont et de Puydt ont bien voulu me
l'assurer à Liège Comme on trouve encore une quantité de pointes à
main au niveau moyen (ancien Solutréen) de la terrasse, il n'est pas
impossible que nous soyons à Spy en présence de sépultures du
commencement du Solutréen et non du Moustérien. Les sépultures
de Menton et de Predmost en seraient des parallèles frappants.
Le a Homo neandertalensis, N^ S ».
M. Rautert, Klaatsch et Koenen ont doté la science d'un « Homo
neandertalensis n° 2 », dont l'âge serait beaucoup plus récent que
celui du n" 1, déjà décrit. Cette découverte est des plus probléma-
tiques.
On trouva récemment dans le loess tjui couvre le plateau supé-
rieur de la contrée, à une profondeur de 0™,5 et à une distance
d'environ 250 mètres, à l'ouest de la grotte de Neandertal, des restes
humains, malheureusement sans crâne. D'après M. Rautert ce loess
remplissait le reste d'une caverne détruite ; il n'y a donc aucun
doute qu'il y ait été apporté postérieurement parles eaux, soit avec
les restes humains, soit que ceux-ci y aient été ensevelis plus tard.
Le rapprochement qu'on a fait de ces os humains et des restes
d'animaux trouvés dans le loess à des endroits tout différents de la
contrée, est purement arbitraire. Il faut en dire autant de deux
éclats de silex qui furent trouvés en un troisième lieu, et que M. Koe-
nen a attribués au Moustérien, M. Klaatsch (t) à l'homme de Nean-
dertal n° 1 et au Chelléen.
(1) II. Kla.\tsch, Ergebnisse der Anatomie u. Entwicklungsgeschichte. Red. von
Merkel u. Bouaet. Wiesbaden, IX, 1899, p. 440.
■î^ HUGUES OBERMAIER.
Je me vois obligé, (rempècher de telles lég-endes de s'accréditer
dans les milieux scientifiques.
La caverne de Buchenloch (i).
Les fouilles dans le « Buchenloch », caverne située près de Gerol-
stein dans l'Eifel, commencées en 1879, ont mis au jour des objets
de l'époque des métaux et une riche faune quaternaire, parmi
laquelle E. Braclit et H. SchaalTliausen ont voulu distinguer des
foyers et des os intentionnellement brisés. Mais A. Nehring- a vigou-
reusement combattu l'âge quaternaire d'une vertèbre humaine et
R. Virchow Ta fait également pour les découvertes archéologiques.
En fait, môme la plus profonde couche contenait encore à coté de
quelques éclats de silex quatorze fragments de poterie, de sorte
que nous pouvons tout au plus même à ce foyer attribuer un âge
néolithique.
La caverne de « Raûberhoehle » près Letmathe (2).
Cette grotte a été démolie par des ouvriers inexpérimentés. Le
contenu, envoyé à H. Schaaiïhausen, se composait d'os d'animaux,
d'instruments de fer et des restes de trois individus. On manque de
toute indication certaine sur l'âge des derniers, de même que sur
celui d'un squelette^ que M. Hosius a trouvé devant la caverne. Le
fait que des restes d'animaux quaternaires faisaient complètement
défaut, exclut en tout cas une antiquité très élevée des squelettes,
intéressants par plusieurs particularités des os.
La caverne de Balve (3).
La grotte de Balve sur la Iloenne a été explorée depuis 1843 et
1844 par E. Fuhlrott, v. Dueckers, etc. Leurs rapports établissent
que les parties inférieures du lehm contenaient à côté des restes
àHJrsus spelaeiiSy Elephas primigenins^ Rhinocéros tichorhinus^ Hip-
popolamus sp., Eqiius caballiis, Rangifer tarandus, des os humains,
des fragments de poterie, des instruments en silex, des « côtes
(1) E. Bracfit, Corr., 1880, no^ 1 et 2 ; Id., Die Ausgrabungen des Buchenlochs,
etc. [Festschrifl zum XIV, allgemeinen Anihropologejicongress in Trier), Trier, 1883;
H. ScHAAFFHAUSEN, Corv., 1880, p. 128 ; R. Virchow, Z. E. V. (XV), 1883, p. 492 ; A. Xehring
(voir : Festschrifl., 1883).
(2) H. SCHAAFFHAUSEN, Corr., 1880, p. 129; N. Hosius, Corr., 1890, p. 89.
(3) Voir.: A. f. A., IV, 1871, p. 357 ; R. Virchow, Z. E. F., i870,p. 358 ; B. Virchow
ET A. Nehring, Z. e. V., 1879, p. 12 et 69 ; N. Hosius, Corr., 1890, p. 89.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 75
polies » etc. Malheureusement il est impossible de porter un juge-
ment sur les relations clironologiques de ces restes évidemment
mélang-és. Les fouilles magistrales de R.Virchow au même lieu ne
mirent au jour aucun os humain de la couche quaternaire.
Z^s « Bilstein-Hoehlen » (l).
Les cavernes de Bilstein sont situées près de Warstein et forment
trois cavités, qu'on a examinées depuis 1887. Les restes humains
qu'on y a trouvés gisaient pèle môle dans les couches inférieures
et supérieures et appartenaient, selon R. Yirchow, à des individus
(dont un géant) et à des époques différents. Les ossements présen-
tent des fractures de différents aspects, qui ont fait supposer des
remaniements anciens et récents. Aussi A. Nehring déclare que les
os qu'on lui a envoyés étaient de divers âges, de même qu'il y
avait aussi des animaux tout récents à côté de restes de Renne.
f) Thuring^ie (2).
Poessneck (3).
Près de Poessneck affleure une couche de gypse qui contient une
brèche conglomérée. M. Zimmermann a cru à l'existence d'une
grotte ancienne, qui aurait été complètement remplie par la dite
brèche. Les restes d'animaux que Nehring a examinés, appartenaient
aux espèces suivantes : Eqitus cahalhiSy Rhinocéros tic/iorhiniis.
Cerviis maral^ Rangifer tarandus, Bos bison, Alactaga jaculus,
Spermophihis riifescens, Hyaena spelaea. M. Goetze cite de la
même fente ossifère aussi des restes humains et un bois de Renne
travaillé, mais sans que ses rapports permettent une conclusion
certaine sur l'âge quaternaire ou non des premiers.
(1) Voir : Z. E. F., 1888, p. 325; 1889, p. 329 ; E. Carthaus, Die Bilsteinhoehlen bel
WarsteiD. Feslschrift zum XXI. Antliropologencongress zu Muenster in Westfnlen.
Maenster, 1890 ; R. Virchow, Corr., 1890, p. 165 ; In., Z. E. F., XXVH, 1895, p. 680 ;
A. Nehring, Z. E. V., XXVII, 1895, p. 683.
(2) Schlolheim et Sternberg se sont montrés si avares de détails sur les restes
humains découverts dans les brèches de Koestritz^ qu'on ne peut en tirer aucun
parti.
(3) A. Nehring, SitzunqsherichLe der Gesellschafl natur forschender Freunde, Berlio,
Juni, 1899, p. 99 ; Schroeder, Jahrbuch der geologischen Landesanstalt fue)\ 1899,
p. 286; ZIMMER.MANN, Ibidem, 1901, p. 302; A. Goetze, Z. E., XXXV, 1903, p. 490.
76 HUGUES OBERMAIEH.
g) Brandenliourg".
Le crâne de Wxdorf.
Rixdorf (jue ses découvertes paléontologiquesont rendu célèbre,
a aussi donne un crâne humain, que M. Krause (i) a tenu pour
sûrement quaternaire, M. E. Friedel (2) a eu le mérite de démontrer
qu'il s'agit de restes du commencement de l'époque historique.
TROISIÈME PARTIE
Découvertes faites en Suisse.
Les gisements paléolithiques qu'on a constatés en Suisse sont
sans exception de Tâge du Renne, c'est-à-dire du Solutréen (Kess-
lerloch) et du Magdalénien (toutes les autres stations). Les
recherches de MM. Penck et Rrueckner ont montré que l'homme
n'y a fait son apparition que longtemps après le maximum de la
dernière (quatrième) époque glaciaire. En ce qui concerne les rap-
ports de ces stations avec les diverses phases de la retraite des
glaciers aux altitudes actuelles, nous ne possédons pas d'indications
géologiques suffisantes. MM. Penck (3) et Meister (4) supposent
que la station du Kesslerloch (près Thayngen) aurait été habitée
pour la première fois vers l'oscillation d'Achen; la station du
Schweizersbild en revanche, dont la faune arctico-alpine se trans-
forme régulièrement jusqu'à devenir celle du climat des forêts
actuelles, devrait être attribuée à la phase de Buehl, qui était plus
froide et plus récente.
Les cavernes de Freudenlal et de Kesslerloch ont seules donné
des restes humains quaternaires.
(1) p. Khause, a. f. A., XXll, 1894, p. 30.
(2) E. Friedel, Brandenburgia, 1895, n" 6, p. 162.
(3) Voir : L'Anlhropologie, t. XV, 1904, p. 25.
(4) J. Mkistku, Da^ Kesslerloch bel Thayogen. Vortrag. Sc/iweizerische nalurforschende
Gesellscfiaft in WinterUiur. ( Wiiiterthur), 1904.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DANS L'EUROPE CENTRALE. 77
Restes humains sûrement quaternaires.
La caverne de Freiidenta' (Ij.
Cette grotte, située tout près de SchalTliouse, a été fouillée par
le docteur H. Karsten en 1874. Il trouva au-dessous d'une couche
d'éboulis et de tufs récents un niveau de frai^ments de calcaire
jurassique (40 à 60 cm. de profondeur) qui fit place plus bas à un
niveau de lebm brunâtre. Ces deux derniers niveaux donnèrent les
restes de : Hanrjifer tarandus^ Ursus prisais^ Ursus arctos, Cervus
alces, Eqims cahallus^ Crapaibex^ Cervus elaphus, Cervus capreolus^
Elephas primigenius et autres ; le mobilier magdalénien était très
riche. H. Karsten rencontra aussi des restes humains, dont la
position stratigraphique ne laisse , d'après cet auteur , aucun
doute, et qui appartiennent aux couches magdaléniennes de la
caverne, non remaniées. C'est le fragment d'un os pariétal, qui
gisait au milieu d'un foyer, non loin d'une mâchoire inférieure d'un
individu de 16 à 19 ans; en surplus une série d'autres fragments
de crânes, mâchoires et mandibules, et de bassins.
11 serait très à désirer que les objets de cette caverne, en posses-
sion de la famille Joos à Schaffhouse et un peu oubliés, fussent
l'objet d'une nouvelle monographie.
La ca'veme de Kesslerloch (2).
Je n'ai pas à parler ici de l'importance paléontologique et archéo-
logique de cette station, qui est dans le voisinage immédiat du vil-
lage de Thayngen et à 8 kilom. au iNord-Ouest de la ville de Schafî-
house, et' qui a été magistralement fouillée en 1874 par K. Merk,
(1) H. Karsten, Mittelluiv^en der antiquarischen Gesellschafl in Zuerich, 1874,
t. XVIII, N-^ 6, p. 139 ; L. Ruetimeyer, A. f. A., VII, 1874, p. 135 ; 0. Fraas, Corr.,
1874, p. 21.
(2) K. Merk, Der Hoeklenfund im Kesslerloch bei Thayngen, Zuericb, 1875; A. Heim,
Milteilgn der antiquar. Gesellschafl in Zuerich, XVIII, 1874, No 5 ; H. Karsten, Leonh.
Jahrbuch, 1874, p. 265; C. Mayer, Vierteljahrschrift der nalurforschend. Gesell-
schafl in Zuerich, 1874, p. 318; L. Ruetimeyer, A. f. A., VII, 1874, p. 135 et 1875,
p. 124 ; Id., Abhandiungen der Schweizer palaeonlolog. Gesellschafl, II, 1875 ; C. Merk,
Excavations of the Kesslerloch, Londoa, 187C (16 plates); J. Nuesch, Cor/\, 1899,
p. 142 et 1903, p, 152; J. HeiERLr, Urgeschichle der Schweiz, Zuerich, 1901, p. 37;
J. Nuesch (Th. Studer et 0. Schoeteosack), Das Kesslerloch. etc. Neue Deukschrifteu
der allgemeinen schweizerischea Gesellschaft fuer die gesammten Naturwissenschaf-
ten, XXXIX, 2, Zuerich, 1904.
78 HUGUES OBERMAIER.
puis depuis 1893 par M. J. Nuescli, et enfin depuis 1903 par
M. J. llcierli. La faune quaternaire consistait en : Felis leo, Felis
maniil (ou catiis), Lyncus lynx, Canis lagopus, Gido borealis, Mu-
stela maires, Ursus arctos, Lepiis variabilis, Arctomys marmottay
Spermophilus giittatits, Spermophilus rufescenSy Myodes torquatus^
MyoxHs glis, Elephas primigenius, Rhinocéros tichorhiniis, Eqiiiis
caballus, Equus liemioniis, Sus scrofa, Rangifer tarandiis, Cervus
elaphus^ Capella rupicapra, Capra ibex, Ros priscus, Ros primige-
nius, La go pus albus et «//?z?«î^s, etc. Les instruments en silex étaient
extrêmement nombreux, de môme que ceux en os ou en bois
de Renne (harpons, bâtons troués, etc.), en partie sculptés ou
gravés. Ils caractérisent bien nettement le niveau solutréen, cepen-
dant (comme toutes les stations solutréennes des Pyrénées) sans
la pointe en feuille de laurier et la pointe à cran typique. Quant
aux restes humains, K. Merk remarque expressément qu'il n'a ren-
contré dans la couche de l'âge du Renne qu'une seule clavicule
d'un jeune individu; un squelette d'enfant, qui était à 0™,06 au-des-
sous de la surface des éboulis modernes, ne peut entrer en question.
Vu ces rapports anciens mais très exacts, il est surprenant que
M. J. Nuesch ait trouvé il y a quelques années au Muséum de la ville
de Schaflhouse un squelette (d'un individu d'environ 2.5 ans et de
très petite taille, car le fémur n'a que 28 cm.) qui proviendrait,
selon une ancienne fiche, du Kesslerloch et qui aurait été complète-
ment oublié pendant quelques dizaines d'années. Puisqu'on a trouvé
à côté des ossements de Cerf, de Porc et des fragments de poterie,
on ne peut le considérer en aucun cas, comme quaternaire, il
appartient plutôt au groupe des soi-disant « pygmées » du Schwei-
zersbild, dont j'ai à parler maintenant.
II
Indications à écarter.
La station du Schweizersbild (1).
Ce célèbre abri près de SchafThouse a donné à M. J. Nuësch vingt-
(1) J. N ucscii, Z)as Sc//?x'eize/'56i/rf, etc. Neue Deakschriften der allgemeinea schwei-
zer. Gesellschaft fuer die gesaintea Naturwisaenschaftea. (Avec des contributious de
Baechtold. Frueh, Fatio, GutzwiUer, lîediager, Kollmaau, Meister, Nehriag, Penck,
Schoetensack, Studer), l^e édition, t. XXX, 1896; 2^ éd. t. XXXV, 1902 ; M. Boule,
La station quaternaire du Schweizersbild. (Nouvelles archives scieatif. et littéraires).
Paris, 1893.
LES RESTES HUMAINS QUATERNAIRES DAiNS L'EUROPE CENTRALE. 79
deux tombeaux, qui renfermaient les restes de vingt-sept personnes,
dont quatorze adultes, et treize enfants au-dessous de sept ans.
Parmi les derniers il faut rayer d'avance trois squelettes comme
évidemment tout récents, parce qu'ils se trouvaient tout en haut et
dans des strates récemment remaniées; il reste donc encore les
squelettes de dix enfants^ datant d'une époque plus reculée. L'ana-
tomiste M. Kollmann attribue ces anciens restes humains à deux
races, dont Tune, qui serait représentée par neuf individus adultes^
aurait eu une grandeur moyenne de 1600 mm. et au-dessus, et
l'autre (représentée par cinq individus) aurait été d'une taille
moyenne de J 380 à 1 420 mm . 11 les considère par conséquent comme
de véritables « pygmées ». Mais je tiens à remarquer, qu'il faut tou-
jours prendre et les maxima et les minima; ce procédé ne donne
pour le Schweizersbild que des hommes de très petite taille, comme
de celle des boshirnans, mais pas des nains.
M. Nuësch écrit que tous ces « anciens squelettes » datent à peu
près de la même période, ce qui ne me semble pas suffisamment
observé et constaté d'après le manuscrit inédit du docteur Haiisler
(à Zuerich) et d'après les communications d'autres savants com-
pétents, qui ont assisté assez souvent aux fouilles du Schweizersbild.
Quoi qu'il en soit, il était toujours facile de constater, même pour
ceux des squelettes qui reposaient profondément dans les couches
paléolithiques de l'abri, que des remaniements locaux postérieurs
avaient lieu lors de l'enterrement des corps, qui reposaient en partie
simplement dans des couches de cendres, ou qui étaient en partie
entourés de dalles de pierre. Le mobilier funéraire se composait
d'instruments en silex, d'anneaux de Serpules, ou de griffes de
fauves; des ossements de Cerf et de Sanglier se trouvaient souvent
immédiatement à côté des restes humains. Je me raUie pour ces
raisons à l'opinion de M. Nuësch qu'il s'agit en partie de sépul-
tures du commencement de l'époque néolithique. M. A. Penck (1)
par contre voudrait les attribuer à l'Azylien (Tourassien), mais il y
manque complètement tous les types (harpons plats en bois de
Cerf, galets plats utilisés ou même coloriés), qui caractérisent cette
phase. De même pour le soi-disant «< Campignien » toutes les indi-
cations nécessaires (pics, tranchets etc.) font défaut.
L'opinion émise par M. Nuësch est confirmée par une décou-
(1) A. Pbnck et E. Brueckner, Die Alpen ini Eiszeitalter, Leipzig, 1902, livraison 4,
p. 424.
80 HUGUES OBERMAIER.
verte qu'on a faite aux environs immédiats du Schvveizersbild. Le
docteur de Mandach rencontra en 1874, dans la caverne de Dachsen-
bucl (1), (jui est à trois quarts d'heure de Scliaffliouse, un tombeau
régulier qui contenait les squelettes d'une femme de très petite
taille et d'un grand individu, ensuite les restes dispersés de six
autres personnes, c'est-à-dire de trois grands et d'un petit adulte
et de deux enfants. Ils étaient accompagnés d'un collier de perles
en pierre, d'une dent perforée de Sanglier, d'un lissoir en os, des
os ou bois polis ou cassés de Cerf et de Bœuf; les dépôts quater-
naires faisaient complètement défaut dans cette caverne. Les res-
semblances anthropologiques nous semblent bien permettre d'attri-
buer ces restes à la môme population néolithique qui a enterré une
partie de ses morts sous l'abri du Schweizersbild.
(1) J. NucsCH, Der Dachsenbiiel, eine Hoelile ans fruehneolithischer Zeit bei Herb-
litigen, Canton Schaffhausen . Zuerich, 1902; Id., Corr.^ 1899, p. 145; v, Mandach,
Miiteilungen der antiquarischen Gesellscliaft in Zuerich^ XVIII, n° 7, p. 165
LE CHRISTIANISME
ET
LES INDIEiNS DE U RÉPUBLIQUE DE L'ÉQUATEOH
PAR
LE DOCTEUR RIVET
Médecin de la Mission géodésique française de l'Kquateur (1;.
(Planches I et II)
Le christianisme en Equateur, et sans doute dans une grande
partie de l'Amérique latine, a subi, au cours des siècles, dans ses
manifestations extérieures, une série de transformations^, qui, en
quelque sorte, ont adapté la religion au pays où elle s'implantait, à
rintelligence et aux idées des nouveaux adeptes qu'elle y faisait,
les Indiens ; et rien n'est plus curieux que le spectacle de cérémonies
cultuelles où apparaissent dans toute leur ingénuité les concessions
que se sont faites, sans bien s'en rendre compte, maîtres et dis-
ciples.
Grâce à cette espèce de tolérance réciproque, la religion est
devenue, et restera longtemps encore, le seul terrain d'entente de
deux races opposées, ennemies, qu'une longue existence côte à
côte n'a ni mêlées, ni réconciliées. En effet, en dehors de l'Eglise,
l'Indien est et demeure le vaincu dompté ou résigné, mais non sou-
mis, dont les anciens instincts d'indépendance ne font que som-
meiller, prêts, à la première occasion, à de terribles réveils. U n'a
rien oublié. Le nom d'Atahuallpa provoque toujours en lui, mal-
gré le temps, malgré l'ignorance où il est de l'histoire et des mal-
heurs du roi infortuné, comme un frisson inconscient de révolte,
évoque en son àme obscure le souvenir d'une antique injure non
(1) Je tieas à remercier tout particulièrement mon excellent ami, le capitaine
Giacometti, officier équatorien, adjoint à la Mission, pour les précieux renseigne*
ments qu'il m'a fournis pour cette étude.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 6
82 D"- RIVET.
vengée, d'une injustice fort ancienne dont lui et sa race portent
encore le poids douloureux. L'Indien garde très vivacele sentiment
de la spoliation qui a fait de lui un serviteur, sinon un esclave,
obligé de travailler le sol dont ses pères furent autrefois et si long-
temps les maîtres et les possesseurs légaux. Dans tout soulèvement
indien, il n'y a pas seulement la représaille de l'exploité contre
l'exploiteur brutal ou injuste, il y a aussi un mouvement général
de haine contre l'envahisseur, le Blanc, et une tentative de retour
vers un passé non oublié, défiguré et grandi par la légende et par
les traditions. La grande ombre des Incas plane tutélaire au dessus
de ces malheureux, et il semble qu'ils cherchent pour soutenir la
hardiesse de leur geste un appui et un secours dans leurs anciens
Rois-Dieux, sous le pouvoir desquels ils connurent si longtemps la
paix et le bonheur dans la prospérité.
Ce n'est que sur le terrain religieux que le peuple conquis et le
peuple conquérant sont entrés en contact intime. Cette entente,
paradoxale de prime abord, s'explique facilement si l'on étudie de
près la religion incasique et la religion chrétienne telle qu'elle fut
introduite parles Espagnols en Amérique du Sud.
Primitivement la religion incasique, alors que les souverains du
Cuzco n'avaient pas encore agrandi par une série de conquêtes leur
empire, ne reconnaissait comme Dieu que le Soleil : « Inti ». Mais
au fur et à mesure que les Incas soumirent les peuplades indé-
pendantes qui les entouraient, avec une tolérance admirable, dont
les Romains donnèrent aussi un magnifique exemple, ils laissèrent
au vaincu ses divinités particulières, tout en lui imposant leur
Dieu propre, et, dans les provinces nouvellement acquises, le
temple luxeux du Soleil voisinait avec les temples plus humbles
destinés aux cultes locaux. 11 en résulta que. peu à peu, la religion
indienne s'élargit, s'amplifia, se généralisa à tout ce qui dans la
nature est force mystérieuse, bienfaisante ou hostile, à tout l'uni-
vers visible. Pour l'Indien, les plantes à vertus secrètes, l'arbre
qui protège sa maison de son ombre doucement tutélaire, les ani-
maux utiles ou redoutables, le lama, les serpents, le fauve qui
guette les troupeaux, les pierres précieuses et rares, la montagne
qui abrite les champs de culture ou les couvre de lave, le ruisseau
qui les arrose ou les inonde, les lagunes mobiles et changeantes
comme des yeux où passerait tour à tour du rêve et de la joie,
souriantes sous le ciel bleu par les clairs soleils, ou attristées et
frissonnantes par les matinées brumeuses et les nuits sans étoiles,
LE CHRISTIANISiME EN EQUATEUR. 83
les cavernes où l'ombre se peuple de mystère, la lune et les astres
aux influences occultes, le soleil, qui fait germer la graine ou brûle
les récoltes, source inépuisable de vie et de fécondité, l'arc-en-ciel,
l'éclair, le vent, la terre et la mer, tout était Dieu (1 ). Cette religion,
qui parlait merveilleusement à l'imagination^ s'adaptait non seule-
ment à la race primitive qui la pratiquait, mais au pays même oii
elle était née. Aucune région du monde peut-être n'otfre un résumé
aussi splendide de ce que la nature présente sous toutes les lati-
tudes de beautés monstrueuses, élégantes ou terribles; nulle part
ailleurs les forces physiques n'ont de manifestations aussi variées
dans leur forme, aussi brutales dans leur dérèglement, aussi impres-
sionnantes dans leur soudaineté et leur puissance.
Sur la côte et dans les régions basses comprises entre la Cordil-
lère et le littoral, s'étendent, impénétrables et mystérieuses, les
forêts vierges, peuplées d'animaux étranges, hideux ou redoutables,
vaste temple inviolé on l'être humain se perd au milieu des mille
complexités de forme d'une faune infinie, d'une végétation exubé-
rante, folle et comme déréglée, nature d'oia la mort semble bannie
et apparaît comme une transformation de la vie éternelle et triom-
phante. La terre y est chaude d'une chaleur moite d'être vivant,
faite de fermentations incessantes et de mille putridités fécondes.
Des fleuves, aux sources ignorées, dont les flots charrient les pail-
lettes d'or et les pierres précieuses, après avoir déroulé leurs
méandres paresseux parmi l'immensité verte des forêls, vont se
perdre dans l'immensité bleue du Pacifique, dans cet inHni au bord
duquel la terre semble se terminer et où chaque soir, parmi des
nuées illuminées en teintes fondues de reflets d'or, de rubis, d'éme-
raude et d'améthyste, le soleil sombre dans les flots ensanglantés,
en une apothéose féerique de couleurs harmonieuses, de rayons
irradiés et de lumière décomposée. Là, des ouragans subits fauchent
en un instant des arpents d'arbres séculaires et gigantesques,
comme un moissonneur une brassée d'épis; les pluies torrentielles
de l'hiver succédant brusquement aux longues sécheresses du prin-
temps (2) transforment les plaines naguère arides et désertes en
immenses marécages, d'où s'exhalent les miasmes mortels, au
(1) Federico Gonzalez Suarez. lîistoria gênerai de la Republica del Ecuadoi\iomç, I,
chap. IV. Quito, Impreuta del Clero Carrera de Chile, numéro 14, 1890.
(2) En Equateur, on distingue deux saisons : la saison sèche et froide, le prin*
temps (verano) de juin à décembre ; la sûson humide et chaude, l'hiver (iuvierno)
de janvier à mai.
84 Dr RIVET.
milieu de floraisons rares et luxuriantes écloses en une nuit; des
montag^nes s'écroulent; des rivières changent de cours; rien n'est
fixe, rien n'est stable ; tout se meut et se mue comme en un vertige
de transformation hâtive et inlassable.
Dans les hauts plateaux de l'intérieur, ce sont les pics neigeux
bordant d'une dentelle capricieuse une des plus hautes chaînes qui
soit au monde : le Gumbal, qui s'élève au nord comme une forte-
resse crénelée bâtie pardes Titans; le Chiles, gigantesque mamelle
dressée vers le ciel oii perlerait le lait ; le Cotacachi où la neige
dessine une selle immaculée semblant attendre quelque cavalier
surhumain; le Gayambe, dont la cime trilobée émerge très haut,
immense fleur de lys perdue dans l'infini; l'Antisana; l'iliniza
lançant dans l'azur ses deux flèches délicates et resplendissantes ;
l'Altar dont le cratère écroulé vers l'Ouest livre le secret de son
intérieur de glaciers, et dont la silhouette, délicieusement dentelée,
semble artificielle, ciselée dans un marbre pur par quelque artiste
génial; enfin le Chimborazo, le colosse, le roi des Andes, énormité
blanche, qui garde par delà les nuages, au-dessus des tempêtes,
le mystère et l'orgueil de sa cime inviolée (J).
Ce sont les volcans : le Pichincha, le Sangay, le Tunguragua, et
le plus beau, le plus redoutable de tous, le Colopaxi, ruisselant de
lumière éclatante, étincelant sous son manteau d'hermine semé de
diamants, refléchissant les rayons du soleil aux milles facettes de
ses glaciers et de ses neiges, et tout à coup effroyablement terrible,
secouant la terre comme une bète fauve en furie les barreaux de sa
cage, vomissant des gerbes de feu, engloutissant des régions
entières sous des torrents de boue, couvrant toute la plaine de sco-
ries, de cendres brûlantes^ et de roches incandescentes, supprimant
la vie de son haleine empoisonnée, puis sa fureur passée, rentrant
soudain dans le calme, reprenant sa beauté sereine, majestueux,
indiilérent et superbe au dessus des ruines accumulées à ses pieds,
tel Néron couronné de laurier, vêtu de pourpre et d'or, chantant
impassible devant Rome embrasée par son ordre.
Là, la nature indocile semble ignorer toute règle; les climats
s'enchevêtrent et se pénètrent, les tristes graminées alpines voi-
ci) M. Edward Whymper est le seul qui ait accompli cette redoutable ascension.
E. Whymper, Travels an the great Andes of the Ecuador. Londres, 1892. Je dois
ajouter que dans le pays on se montre généralement très sceptique au sujet du
succès complet de l'ascension de M. Wliymper. — D'après Wolf, l'éminent géo*
graphe de l'Equateur, le Chimborazo a 6.310 mètres d'altitude.
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR. 83
sinent avec les plantes tropicales. Le voyageur étonné passe en
quelques heures des « paramos » déserts, incultes et glacés, aux
plages sablonneuses et brûlantes du Chota, du Jubones, du Gualla-
bamba, du Gatamayo, et, le soir, son regard fatigué des immensités
grises et des tonalités ternes se repose à contempler les taches
vert-clair d'une fraîcheur printanière que font sur les rives de ces
tleuves les « Canaverales » (champs de canne à sucre). Au fond de
vallées profondes, comme taillées intentionnellement à travers le
haut plateau interandin et les Cordillères éventrées, des torrents,
ruisseaux limpides dont les flots laissent voir le lit caillouteux tout
proche, serpentent au milieu des champs fertilisés par leurs eaux
bienfaisantes, et, quelques heures plus tard, roulent en mugissant,
dans un nuage d'écume volatilisée, d'énormes quartiers de roches,
des troncs d'arbres arrachés à leurs rives, inondent et dévastent,
ruinent et détruisent. Là, la terre jeune a des soubresauts de bête
indomptée, et en quelques minutes, un de ses tressaillements trans-
forme la ville florissante en un monceau de ruines et de décombres.
Pour l'Indien, toutes ces beautés indilférentes ou redoutables,
tous ces phénomènes, toutes ces forces aux manifestations impré-
vues et irrésistibles, avaient une âme mystérieuse. Vivant en pleine
nature, il était en contact constant et intime avec ses divinités tuté-
laires ou hostiles. Pour lui, vraiment, l'univers était un temple
peuplé de symboles, et Timmense vallée interandine, comme une
galerie magnifique, quelque Parthénon gigantesque où il rencon-
trait à chaque pas l'image de ses dieux (1).
Telle était au moment de la conquête espagnole la religion
indienne, toute de poésie, d'imagination, religion objective parlant
bien plus aux yeux qu'au cœur, religion panthéiste excluant toute
idée de bonté et même de justice chez les divinités qui en étaient
l'objet, et vénérant surtout en elles la force et la puissance.
Le catholicisme, qui fait surtout consister la religion dans l'ado-
ration intime d'un être souverainement charitable, juste et indul-
gent, ne pouvait être compris, présenté sous cette forme, de ces
peuples primitifs; et la réponse d'Atahuallpaau prêtre, qui essayait
dans sa prison de lui faire comprendre le dogme chrétien : « Mon
Dieu à moi est le Soleil et à ce Dieu les hommes ne peuvent faire
aucun mal, comme vous me dites qu'ils l'ont fait avec le vôtre, en le
(1) t< L'iudien, où quil se trouvât, ne se croyait jamais seul; mais au contraire
se croyait accompagné par tous les objets qui l'entouraient et entrait en communi-
cation avec eux tous ». Gonzalez Suarez, loc. cit., tome I, chap. iv, page 140.
86 D' RIVET.
I liant » (1). — Cette réponse empreinte (rironique mépris aurait été
la réponse invariable de tout Indien aux premiers missionnaires.
Mais le catholicisme arriva en Améri(jue modifié par le génie
propre du peuple conquérant; l'Espagnol a toujours par tempé-
rament aimé les cérémonies pompeuses et magnifiques, et sa foi
s'est toujours manifestée bien plus en actes extérieurs qu'en prières
balbutiées dans la solitude et le recueillement. Sa piété ne s'exalte
qu'en des décors fastueux. L'anthropomorphisme a eu son foyer
chez ce peuple poète, imaginatif, réalisant en images concrètes,
brillantes et colorées, ses pensées et ses sentiments, les matériali-
sant par un besoin instinctif de sa nature. Cette tendance de la
race était encore exagérée chez les individus qui firent la conquête,
riches d'énergie mais frustes d'intruction (Pizarre ne savait ni lire
ni écrire), fils des héros naïfs de l'amour et de la foi du xiv*' et du
xv^ siècles, chevaliers errants de l'aventure, croisés audacieux et
grossiers, tout imprégnés encore des préjugés, des traditions et des
croyances moyenâgeuses. Par tempérament, par nécessité aussi,
ils s'attachèrent, dans leur apostolat sanglant, bien plus à la lettre
qu'à l'esprit de la religion. Ils étaient, en réalité, eux-mêmes plus
fétichistes et superstitieux que réellement pieux. De plus, hommes
d'action avant tout, ils croyaient davantage au pouvoir de la force
qu'à la puissance de la persuasion, et n'avaient ni le temps, ni peut-
être l'idée de s'attarder à prêcher la vraie morale évangélique faite
de charité et d'amour du prochain, morale avec laquelle leurs actes
étaient en complet désaccord. Leur conception du christianisme
était plus simpliste, moins sentimentale, et aussi plus facilement
conciliable avec leur vie de pirates. Ils croyaient de bonne foi pou-
voir commettre les pires atrocités pourvu que ce fût au nom de
Dieu ; souvent ils tuèrent sans motif, mais après le massacre inu-
tile se confessaient et communiaient dévotement. Ils pillaient sans
scrupule les pays conquis, mais pensaient sincèrement que Dieu
les approuvait, était avec eux, si sur le butin une part était prélevée
pour élever quelque église ou oiïrir quelque statue à la Vierge et
aux saints. « Le temple de Caranqui, dit naïvement un chroniqueur,
fut mis à sac et démoli en l'honneur de saint Barthélémy » (2).
Ce Dieu complaisant , peu scrupuleux quant aux moyens employés
(1) Gonzalez Suahez, loc. cit , tome II, chap. vi, page 122. Quito, 1891.
(2) Capitaa Gonzalo Feruaudez de Oviedo. llistovia natural y rjeneral de las Indias,
tome IV, 3^ partie, chap. xix du Livre VI. Ouvrage publié par les soins de l'Aca-
démie royale d'histoire de Madrid.
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR. 87
pour lui conquérir des fidèles, sensible aux offrandes, redoutaI)le
mais accommodant, ressemblait plus au Dieu indien qu'au Dieil du
cbristianisme. Quant aux prêtres qui accompagnaient au début les
« Conquistadores » et dont l'influence aurait pu contrebalancer
celle de leurs rudes compagnons, ils étaient, eux aussi, bien plutôt
des soldats que de véritables apôtres : leur vraie croix était la
poignée d'une épée.
Kn matérialisant le christianisme, en apportant en Amérique
leur goût pour la pompe extérieure, les Espagnols, sans le savoir,
hâtèrent et facilitèrent la conquête évangélique des nouveaux
royaumes. L'Indien fut attiré vers une religion qui lui rappelait
celle de ses pères, par le faste de ses cérémonies, le luxe des orne-
ments sacerdotaux, la splendeur de ses fêtes et de ses processions,
la poésie simple et un peu puérile de son culte, et surtout par une
conception peu diiïorente de la divinité. Il accourut à ces spectacles
religieux où se complaît le génie espagnol avec le même esprit
qui le faisait accourir aux fêtes du Soleil. Les parois des temples
païens démolis servirent à édifier les églises du nouveau culte; des
statues presque semblables aux idoles détruites en ornèrent les
murs. La religion chrétienne comme la religion des Incas apparut
intimement unie à la vie journalière (1). Les prêtres catholiques,
comme les prêtres du Soleil, étaient soumis aux mêmes règles de
chasteté et d'abstinence. Ils mirent au cqu des nouveaux catéchu-
mènes des chapelets qui leur rappelaient leurs amulettes et les
remplacèrent sans changer de caractère; ils leur montrèrent des
gravures où des têtes de saints rayonnaient sous l'auréole dorée
comme l'image du Soleil sur les parois des sanctuaires anciens.
Sur les montagnes, où quelque représentation idolàtrique (huaca)
avait existé, une croix fut plantée et il n'y eut guère que substitu-
(1) Eacore actuellement il est impossible de séparer en Equateur la vie religieuse
et la vie sociale. Les moindres actes de l'existence chez ce peuple foncièrement
croyant revêtent un caractère religieux. La formule de salutation de llndien est
une louange à Dieu : « Alabado el Santisimo Sacramenlo,oii la Sanlisima Virgen, ou
Jesu-Cristo. » : « Que le Saint-Sacremeut, ou la très-Sainte Vierge ou Jésus-Christ
soit loué »; et le Blanc répond par un vœu pieux : « Por siempve a/abadol », « cju'il
soit loué à jamais ! » — Une croix s'érige sur le faîte de la plupart des maisons.
Sur la porte d'entrée, souvent une petite pancarte collée indique que la maison est
placée sous la protection du Sacré-Cœur de Jésus. Le palier de l'escalier principal
est orné d'une gravure ou peinture de la Vierge. Autrefois, la coutume était de
s'agenouiller devant cette image et de prier un instant avant d'entrer. Les tableaux
qui garnissent les murs du salon représentent le plus souvent des scènes religieuses
ou mystiques. — Il serait facile de multiplier les exemples à ce sujet.
88 Dr RIVET.
lion dt' symbole. L'esprit tutélaire de chaque individu (cunchur,
clianca ou conopa) (i) changea de nom, s'appela ange gardien.
Autour du Dieu suprême, comme autrefois autour d' u Inti )>, le
Soleil, vint graviter un peuple de quasi-divinités secondaires, plus
facilement abordables, plus accessibles aux hommages humains et
capables elles aussi de protéger les mortels, la théorie des anges et
des saints, dont les fêtes sont encore célébrées actuellement par
les Indiens avec plus de splendeur que les fêtes religieuses princi-
pales; et lorsque le jeune néophyte chanta les cantiques et les
psaumes chrétiens, d'une poésie si ardente et imagée, traduits en sa
langue pittoresque (2), il put croire adorer toujours sous une forme
différente les diverses forces de la nature, et que Marie n'était que
le nom nouveau de Tétoile protectrice qu'il vénérait jadis.
Les Indiens ne vinrent pas seulement avec leurs idées païennes
à peine modifiées aux nouvelles églises; il y apportèrent aussi leurs
coutumes, leur mode spécial de célébrer leurs dieux, et, de l'aveu
même que je tiens d'un missionnaire expérimenté, « en se conver-
tissant au christianisme, transportèrent dans le culte chrétien toutes
leurs habitudes de culte idolâtrique » (3) ; et les prêtres de l'époque,
peu psychologues et peu clairvoyants, méconnurent la portée de
cet acte; ils ne virent dans la présence à leurs fêtes des nouveaux
adeptes bizarrement déguisés qu'un moyen de rehausser l'éclat de
la solennité, d'en augmenter la splendeur par l'étrangeté et l'origi-
nalité du spectacle inattendu et inédit qui s'y ajoutait. Ainsi, peu à
peu, le christianisme, par une tendance naturelle de ceux qui le
(1) Gonzalez Suarez, loc. cit., tome I, chap. iv, page 142.
(2) Une des caractéristiques de la langue quichua est sa richesse en mots expres-
sifs et colorés se rapportant au monde extérieur, en même temps que sa pauvreté en
mots s'appliquant aux idées abstraites. L'Indien est de par son idiome un poète aux
comparaisons brillantes et concrètes; tous ses sentiments, toutes ses pensées se tra-
duisent en images d'un réalisme parfois délicieux. Au cours d'un voyage, je recom-
mandais à un petit guide indien de me réveiller de grand matin. Il me répondit qu'il
se lèverait « sitôt que les oiseaux commenceraient à prier ». N'est-ce pas pour ces
âmes simples un hymne d'adoration vers le Créateur qui s'élève des bois et de la
campagne au lever du soleil? — Une Indienne dont la fille était morte répétait au
milieu de ses larmes : « Elle était si jolie que si le ciel s'était déchiré on aurait pu
le raccommoder avec ellel » — « Cielo lliquirigpica, payhuan sirashpa jambinami
carca! » Le Père Solano signale encore cette phrase touchante d'une Indienne qui
avait perdu son fils : « Chaupipunchapi tutayarca », « au milieu du jour, la nuit s'est
faite pour moi ». {Obras de Fray Vicente Solano. 3 vol. Barcelone, 1892, tome I.
Note 1 de la page 477.)
(3) Ils y introduisirent même parfois subrepticement leurs idoles que les prêtres
trouvèrent cachées sous l'autel ou dans le socle des statues de saints. Arriaga, Extir^
pacion de la idolatria delPéru. Lima, 1621.
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR. 89
prêchaient, se laissa pénétrer de paganisme , et même aujourd'hui,
après trois siècles, alors même que beaucoup d'Indiens semblent
avoir accepté et compris la religion catholique dans son essence,
certaines cérémonies, malgré l'opposition du clergé éclairé, rappel-
lent cette ancienne alliance, l'étrange compromis qui en un temps
mêla de si curieuse manière le dogme chrétien et les pratiques
païennes. Daudet a dit que deux personnes vivant sans cesse côte
à cote en arrivent à se ressembler ; cette remarque pourrait dans le
cas s'étendre aux religions.
Cette observation a dû être faite par tous les voyageurs qui ont
parcouru l'Amérique latine. Dans son livre intitulé « Die Vulkan-
berge von Ecuador » (1), M. Alfons Stûbel décrit avec détails le
déguisement des danseurs indiens qu'il vit à Riobamba, lors de la
Fête-Dieu, se livrer par la ville à des ébats chorégraphiques. Un
peintre, M. Troya fit un tableau de la scène (2).
Parmi les accessoires du costume se trouvent un plumet et une
chasuble (fig. 1). A ce sujet, M. Stiibel dit très justement : « 11 est
loin de l'esprit de l'Indien, lorsqu'il associe le plumet et la chasuble
dans son déguisement de vouloir commettre une profanation...... .
Mais le fait qu'il n'a jamais appris à faire de différence entre le
sacré et le profane, montre bien en tous cas le médiocre résultat
que le clergé a pu obtenir ici en plusieurs siècles. Il est encore
bien plus caractéristique de voir que la population tout entière
des villes et de la campagne, sans excepter le clergé, n'est nulle-
ment choquée de l'interprétation que l'Indien donne aux usages de
l'Eglise, dans ses fêtes, et même s'y intéresse avec plaisir, à un
degré plus ou moins grand H y a lieu de se demander si, au
cours des siècles, l'Indien n'est pas devenu beaucoup moins chré-
tien que ceux qui avaient cherché à le christianiser ne sont deve-
nus indiens ».
Qu'un grand nombre d'Indiens soient restés intimement païens,
il n'y a pas de doute à ce sujet. Dans toutes les provinces de
l'Equateur, on peut noter des pratiques qui en sont la preuve indis-
cutable : des montagnes, comme le Ghimborazo et le Tunguragua
sont encore invoquées comme des divinités sexuées : le Chimbo-
(1) Alfoas Stûbel, Die Vulkanberge von Ecuador. Berlin, 1897. Imprimerie A. Asher
et Ci^ page 306.
(2) Ce tableau figure sous le n" 171 dans la collection de dessins et tableaux rap-
portée par MM. Reiss et Stiibel de leur voyage en Amérique et donnée par eux au
« Muséum fur Yôlkerkunde » de Leipzig,
90
Dr RIVET.
razo est le dieu mâle (taita) ; le Tunguragua le dieu femelle (mama) .
Certaines cordillères, oii le mauvais temps est fréquent, ont une
personnalité véritable, hostile et irrita])le. La montag-ne se fâche,
si une personne la gravit, a El pâramo esta bravo », — u le pdramo
est méchant, est en colère » — est une expression courante parmi
les Indiens (i). Dans les passages dangereux ou difficiles, le voya-
geur trouvera le long du chemin de grands tas de pierres déposées
une à une par les Indiens pour qu'aucun accident ne leur arrive.
Ces tas de cailloux existent au point culminant de la route qui de
FiG. 1. — Indiens danseurs de la Fête-Dieu à Latacunga, d'après une carte postale
illuslrée équatorienne.
Cuonca va vers le Nord, au passage redouté de TAzuay appelé
« Très Cruces » ou « Quimsa-Cruz », et sur le chemin de Cuenca à
Maranjal. à l'endroit connu sous le nom de « Cajas ». A coté des
cailloux, il y a aussi de petites croix faites avec la paille du
« pâramo » ; la pratique païenne s'est, pour ainsi dire, christianisée,
mais l'intention qui guide le geste est restée la même. Dans la
province du Carchi, je vis un muletier qui m'accompagnait, avant
(i) Pendant un séjour de trois mois que nous fîmes sur la cime du « Mirador »,
hayte montagne de la Cordillère orientale, dans la province du Carchi, le mauvais
teAps fut persistant dans la vallée, et les Indiens l'attribuant à la colère du « pâramo »
importuné de notre présence, menacèrent de venir nous en chasser par la force.
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR.
91
de passer un gué dangereux du rio Bobo, se mouiller le front de
l'eau de la rivière, puis faire le signe de la croix; il répondit à ma
question que de cette façon il passerait le gué sans difficulté. Dans
la province de l'Azuay, lorsque se produit une éclipse de lune, les
indigènes croient qu'un ours dévore Tastre et, pour l'effrayer,
poussent des cris stridents, font un tapage infernal que vient encore
augmenter le hurlement des chiens épouvantés. Les Indiens de
Ganar redoutent l'arc-en-ciel (cuychi) dont le contact produit une
maladie grave appelée par eux u cuychijapishca » (1). Ils croient
FiG. 2. — Indiens « danzantes » de la province de i'Aznay (2).
(1) Littéralement « pris par l'arc-en-ciel » ; japishca vient da verbe « japina »
« prendre ».
(2; Je dois ce dessin, copie d'une photographie, à l'amabilité de mon ami,
M. Rafaël Real de Cuenca.
Ainsi qu'il est facile de s'en rendre compte en comparant cette figure à la figure 1,
les Indiens « danzantes » de la province de l'Azuay diffèrent sensiblement de leurs
similaires de Riobamba ou de Latacunga. Leur costume se compose d'une espèce de
tunique étroite de percaline rouge qui descend un peu plus bas que les genoux;
par dessus le pantalon sont ajustées des jambières de cuir ou de gros drap, où sont
fixés une série de grelots qu'ils font sonner au rythme de la musique. Sur la tunique
va un ample « poncho » de toile de coton, toujours de couleurs vives et souvent
orné de fleurs. Le cou est entouré d'un foulard rouge qui remonte presque jusqu'à
la lèvre inférieure. Ils portent en outre une perruque dont les cheveux tombent
jusque sur la poitrine et, comme coiffure, une espèce de casque ordinairement de
cuir ou de carton, imitant une tête de géuisse et peint de dessins capricieux. Dans
le dos, ils ont comme ornement un bâton tranversal auquel sont suspendus de
nombreux rubans et deux mouchoirs drapés, de couleurs voyantes. Le costume est
complété par un ou deux chapelets de grains colorés, passés autour du cou, un
bâton dans la main droite, une clochette dans la main gauche.
92
D' RIVET.
aussi à Texistence d'un nain, maître des montagnes, a urcuyaya ))(!),
qui, la nuit, attaque et tue ceux qui osent s'aventurer dans ses
domaines. Dans certaines régions de l'Azuay, quand des pluies
persistantes compromettent les récoltes, les Indiens montent sur
les collines environnantes, en criant : « Masho ! masho! » (2) pour
faire apparaître le soleil Sur le territoire de la paroisse de Paccha
(province de l'Azuay) existe la caverne de Guritaqui (3) habitée par
un génie appelé « Mamahuaca », dont l'attribut est un épi de maïs
en or tenu à la main, et qui en écbange de l'offrande du premier- né
d'une famille donne à celle ci la richesse et l'abondance. Jusqu'à
présent, cette tradition barbare persiste, et de temps à autre, un
enfant est trouvé abandonné au seuil de l'antre du dieu.
11 serait facile de multiplier ces exemples de pratiques qui
remontent aux temps antérieurs à la conquête et dont on retrouve
l'indication dans les relations des chroniqueurs espagnols. xMais
ces superstitions existent en dehors de l'Église, qui les ignore sou-
Ces « danzantes » sont accompagués de deux ou trois musiciens qui jouent de la
flûte et du tambour et, enfin, d'un individu déguisé en nègre (veste noire, pantalon
noir à bande rouge orné de grelots, toque noire en peau de mouton) qui n'a pour
attributs que deux bâtons noueux et recourbés qu'il frappe en cadence pendant le
bal.
Voici, à titre de curiosité, notée aussi exactement que possible, la musique mono-
tone et originale qui accompagne inlassablement la danse sacrée :
%A<>(i-\HJt; *
^'i ri ' ^
^
j^
J^ Ti 1 1-, M I n
<y.
'^àn)»wt /.' -^ ^l,n rr
f./'<J'
S
^„^ ,v'«t ^/),/r/Lf.^/'r/.,Y./:./r/i'/, ,yi
3^33
tof=*
W
N '-y I ri .f> I ^ r^l
-i y
^
^r^^
3=
""'S^^
0*M^ lof < ""
V r<ji Sej <^e a <1)
i/a rn<j n
=SÇ
Le véritable nom quicbua du « danzante » est « chuqui ».
Je dois ajouter que cette coutume tend à disparaître de la province de l'Azuay
et qu'il est impossible déjà de l'observer dans les villes, en raison d'ordres formels
donnés par l'administrateur apostolique de ce diocèse. D'autre part, le gouvernement
équatorien a récemment pris des mesures énergiques pour empêcher à l'avenir ces
exhibitions.
(1) De « urcu » montague, et « yaya » maître.
(2) « Masho », chauve-souris.
(3) De et curi », or et « taqui » grenier.
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR. 93
vent, et à l'insu du prêtre qui cherche en vain à les faire disparaître.
Autrement intéressantes sont les cérémonies oii apparaît Funion
curieuse du paganisme et du christianisme. J'ai déjà sig^nalé les dan-
seurs de la cérémonie de la Fête-Dieu, danseurs que nous retrou-
vons dans la province de TAzuay (fig 2). La fête des Morts et la
fête du vendredi-saint en offrent deux autres exemples frappants.
Dans la province du Carchi, dès les derniers jours d'octobre^ les
Indiens s'apprêtent pour le « dia de finados », le jour des défunts.
Ils préparent des comestibles divers : viandes de toutes sortes, en
particulier de la viande de porc, cochons d'Inde, poules, des pommes
de terre, des fèves, des « ocas » (Oxalis tuberosa) de la « masa-
morra » (sorte de marmelade faite de maïs moulu et de cassonade
de canne à sucre (rapadura)), des fruits, des boissons, lait, chicha
de maïs ou d' « achupallas » (1), eau-de-vie, et enfin de petites
figurines en pain imitant la forme humaine ou représentant des
animaux domestiques variés. Le 2 novembre, ils se rendent à
l'ég-lise chargés d'une partie de ces provisions qu'ils y déposent
sur des tables préparées à cet effet : c'est l'offrande au curé de la
paroisse pour qu'il célèbre l'office des morts. Pendant la célébra-
tion de celui-ci, chacun reste agenouillé ayant devant soi une
chandelle allumée et un pot d'eau bénite fournie par le prêtre, et
durant toute la cérémonie verse peu à peu Teau dans le creux de
sa main de façon à ce qu'elle s'écoule goutte à goutte. L'Indien
pense qu'il donne à boire aux âmes altérées. Après la messe, il se
rend au cimetière et là, prosterné devant la tombe de ses parents,
toujours muni de sa chandelle et de son pot, répète les mêmes
actes pendant que le prêtre ou le sacristain, le premier payé en
argent, le second en nature, récitent quelques prières pour chaque
mort en particulier.
Le soir, tous retournent à leurs maisons. Une table ornée de
quatre lumières y est installée, chargée de comestibles et de bois-
sons, en particulier de ceux qui furent chers au défunt. La porte
reste ouverte toute la nuit, et la famille veille, tenant compagnie aux
âmes qui mangent (velorio). Dès sept heures du soir, des bandes
d'enfants parcourent le village et les environs; munis d'une clo-
chette, ils s'en vont de maison en maison sonnant et criant :
(1) L'achupallas [Tillandsia gigantea) est une plante commune dans les parainos du
Nord. Les Indiens du Carchi suceat la partie centrale de la tige qui est légèrement
sucrée. Ils en extraient aussi le suc, qui, par fermentation, donne une chicha
remplaçant, pour les pauvres, la chicha de mais.
94 D'^RIVET.
« Angeles sornos, ciel cielo bajamos, pan qucremos )),u nous sommes
les anges, nous venons du ciel, nous demandons du pain ». A cet
appel, les habitants apparaissent sur le seuil. Ils demandent aux
dits anges de réciter un « Pater » et un « Ave » pour le défunt
dont ils indiquent le nom et le degré de parenté et, la prière finie,
leur remettent un peu des vivres de la table. Toute la nuit passent
ainsi de nouvelles bandes, toujours accueillies et gratifiées de
cadeaux, en échange d'oraisons. Enfin, à cinq heures du matin,
la famille se met à manger les restes du repas des âmes : la veillée
de deuil se termine par un festin qui dégénère le plus souvent en
orgie.
A Pasa (province du Tunguragua),les préparatifs sont identiques ;
mais les habitants de ce village étant en général riches, il y a abon-
dance de vivres, de figurines de pain^ et de « masamorra morada »,
masamorra dont la teinte violette est obtenue grâce à une plante
appelée parmi les indigènes : « ataco morado » (1). Dès la veille de
la lète, les Indiens, qui vivent disséminés dans la campagne, des-
cendent au village avec une partie de ces provisions : c'est à qui se
hâtera d'arriver le premier, car, le jour des morts, si un parent du
défunt fait sonner en l'honneur de celui-ci, la cloche de l'église,
l'âme prisonnière au purgatoire s'envole au paradis. Chacun, dans
un sentiment pieux, veut libérer les âmes en peine des siens, et
sur la place du village, c'est une foule pittoresque et bruyante,
grouillant, se bousculant, et gesticulant, une houle humaine qui
ondule, d'où partent confus et mêlés des cris, des appels, des pro-
testations, des prières, d'où émergent des bras tendus désespéré-
ment vers la corde de la cloche. Celui qui ne peut s'en approcher
paie celui qui la tient pour qu'il donne quelques volées au nom de
tel ou tel mort. Toute la nuit et tout le jour, c'est un tintement
monotone, ininterrompu, qui « fait mourir les vivants pour honorer
les morts ».
A l'intérieur de l'église, le spectacle n'est pas moins curieux.
Indiens et Indiennes se tiennent agenouillés devant des corbeilles
où se trouvent rangées les figurines de pain et des chandelles allu-
mées en nombre égal à celui des morts de la famille. Un pot de
masamorra est à côté d'eux. Tant que dure la messe, et tant que
brûlent les chandelles, les âmes mangent. Pour les aider, de temps
à autre les vivants prélèvent un morceau de pain, le trempent dans
(l) Amaranthus caudatus, ou variété.
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR. 95
lamasaniorra et gravement le dégustent. A la sortie de l'office reli-
gieux, chacun se rend au cimetière avec tous les vivres apportés la
veille et fait réciter pour ses morts une prière particulière soit par
le prêtre, soit par le sacristain, soit par toute autre personne, pourvu
qu'elle soit de la race blanche. Le premier est payé en espèces, les
autres en nature jusqu'à épuisement des bourses et des provisions.
11 y a encore quelques années, dans la province de l'Azuay, la
même coutume existait à peine différente. Chaque famille, le jour des
morts apportait des fruits, du pain^ une bouteille de chicha quelle
rangeait soigneusement sur des linges, avec les indispensables chan-
delles, soit au cimetière, soit sur la grande place du village. Dès
l'aurore, tous les fidèles se trouvaient réunis. La cérémonie reli-
gieuse terminée, le prêtre sortait de l'église, et devant chaque
ofTrande récitait ou chantait, moyennant paiement, quelques prières
pour le mort qu'on lui signalait, et dont l'âme, suivant la croyance
indienne était attirée par les vivres exposés. Durant la récitation,
les parents brassaient fruits et pain et répandaient la chicha. Les
âmes, pendant ce temps, mangeaient et buvaient ce qui leur avait
plu pendant la vie. Finies ces oraisons, qui duraient au moins une
demi-journée, tous recueillaient soigneusement les fruits meurtris
et les pains réduits en miettes par les manipulations qu'ils avaient
subies et toute la famille se les partageait, pensant consommer les
reliefs du repas des âmes; puis ce devoir rendu aux disparus, cha-
cun retournait à sa maison pour le festin et la beuverie préparés à
l'avance.
Sous des modalités diverses, ces pratiques ont évidemment une
origine commune, la croyance en une autre existence avec les
mêmes besoins physiques, les mêmes nécessités matérielles que
ceux de la vie sur terre, croyance qui explique la présence dans les
sépultures des aborigènes d'ustensiles en poterie, d'armes, d'orne-
ments (1), conception bien différente de la conception chrétienne
de la résurrection des âmes, et cependant adoptée ou tolérée dans
ses dernières manifestations par les représentants de l'église.
Quant à la procession du Vendredi-Saint, j'ai eu l'occasion d'y
assister en avril 1902, dans la petite ville de Tulcan, située tout
(i) Je dois les deux belles photographies ci-jointes (fig. 3 et 4) à M. Gonnes-
siat, directeur de l'observatoire astroaomique de Quito, à l'amabilité duquel je n'ai
jamais fait appel en vain et à qui je suis heureux de manifester publiquement ma
très affectueuse reconnaissance.
96
Dr RIVET.
au nord de la Répuhlicjue de l'Equateur, près de la frontière colom-
bienne. Du fait de son isolement, cette ville a conservé plus intactes
que les cités du centre les coutumes primitives. Cependant les pho-
tographies que reproduisent les planches I et II, prises à Quito à
la même date, prouvent qu'en plein cœur de la République, malgré
l'opposition du clergé éclairé, dans certaines paroisses suburbai-
nes, persistent les mêmes pratiques dans toute leur originalité (1).
La procession est préparée quelques semaines à l'avance. On y
travaille dans la maison du Blanc, comme dans la case de l'Indien.
De gré ou de force, chacun doit y collaborer.
Les autorités publiques y veillent (2). Le com-
missaire municipal notifie à chacun son rôle et
a le droit d'imposer des châtiments aux retar-
dataires, ou à ceux qui feraient preuve de mau-
vaise volonté. Les propriétaires de débits de
boissons doivent fournir chacun un Indien sous
peine d'une amende de 20 sucres, les employés
civils quatre chevaux appareillés avec leurs orne-
ments. Quant aux Indiens et métis (cholos) qui
vivent dans les annexes de la paroisse, ils doivent
se vêtir en « turbantes » sous peine de 15 jours
de prison et de cinq sucres d'amende.
La procession qui devait parcourir les rues
de la ville sortit de l'église à neuf heures du soir.
Une double haie chargée d'encadrer le cortège
sacré se forma de chaque côté de la rue ; en tête
venaient les « turbantes x, c'est-à dire des in-
dividus entièrement vêtus de blanc avec des ju-
pons et des camisoles de femme, coiffés d'un
grand chapeau conique fait d'une carcasse de
joncs recouverte de toile blanche, enrubanné de
noir, et orné à son extrémité recourbée, en ar-
FiG.^. — \ju turbanle [3).
rière, d'un pompon de laine ou d'un gros nœud de ruban (fig. 3).
(1) A Pasa, on place eucore près du mort la corde de cuir (huasca) avec laquelle
il attachait sa paire de bœufs, son assiette et sa cuiller, et, s'il était chef, le « churu »,
corne de bœuf, avec lequel il appelait les Indiens placés sous son autorité.
(2) Ceci se passait, je le répète, en avril 1902. Depuis lors, grâce à l'influence
libérale du gouvernement du général Léonidas Plaza, président de la République
de l'Equateur, l'intervention des autorités a officiellement cessé; j'en dirai autant
de la participation de la troupe en formation à ces manifestations religieuses.
(3) Ce dessin et les cinq suivants ont été faits par M. le capitaine Lallemand, à
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR.
97
Tous tenaient à la main une espèce de lanterne faite grossièrement
de papier, dont les parois étaient maintenues rigides par de petits
bâtons, 011 brûlait une chandelle; seuls les deux qui ouvraient la
marche, le chef orné de « turbantes » plus hauts^ portaient une
lampe en cuivre fixée entre les deux branches d'une fourche à long
manche. Des adultes, des enfants défdent ainsi vêtus, chacun avec
un chapeau proportionné à sa taille et à ses ressources (0°',50 à
3 mètres de hauteur.
Derrière eux, venaient successivement les enfants des écoles, les
adultes non déguisés, Indiens, Gholos et Blancs mélangés, tous por-
tant à la main une lumière comme les « turbantes »,
les Indiennes avec de modestes chandelles de suif,
les « Choies » avec des bougies, les femmes blanches
avec de coûteux cierges de cire blanche, tous et
toutes psalmodiant des prières d'une voix machi-
nale et hâtive comme celle d'un enfant récitant une
leçon trop bien apprise. La garnison, arme sur
l'épaule, musique et colonel en tête, suivie de la
foule bruyante, plus amusée que recueillie, avide
de voir le spectacle offert à sa curiosité, fermait la
procession.
Entre cette double haie s'avançait le cortège
sacré ; en tête, venait F « Aima Santa ». L'individu
qui la représentait était vêtu de blanc, emprisonné
depuis la taille dans un « turbante » de douze
mètres de hauteur, dont les quatre bâtons longi-
tudinaux de bambou (I), soutiens des cerceaux
transversaux de jonc (2) de la pesante armature, étaient solidement
attachés à sa ceinture. L'immense carcasse de bois était doublée de
toile blanche et ornée de rubans bleus, rouges et jaunes en spires
alternées. Une traîne blanche large de trois mètres environ et longue
de vingt-cinq mètres complétait le costume. Quatre hommes armés
de perches maintenaient en équilibre l'instable et bizarre appareil
(fig.i). Derrière r « AlmaSanta» huit individus, les « Saints hommes»
appartenant, paraît il, à la race blanche et à la meilleure société de
FiG. 4. — « Aima
Santa. »
qui je dois de sincères remerciements, d'après des croquis pris sur place par notre
malheureux camarade, le soldat du génie Roussel, qui devait mourir si tristement
quelques mois plus tard au signal de Troya.
(1) Bambusa anguslifolia.
(2) Saccharum contraclum.
l'anthropologie. — T. XVI. — 1906. T
98
Dr RIVET,
Tulcan, par conséquent figurants dévots et volontaires, habillés
entièrement de blanc comme les « turbantes », vêtus d'une aube de
curé, la taille ceinte d'une grosse corde, la tète couverte d'un voile
blanc en forme de cagoule de pénitent, où deux trous étaient mé-
nagés pour les yeux, d'une main soutenaient l'encombrante traîne,
de l'autre- portaient une chandelle allumée (fig. o). •
Puis venaient des enfants (garçons et filles) de race chola, à peu
près nus, seulement recouverts d'une « cushma » (chemise de laine
sans manches) couleur calé, et portant les attributs de drame du
calvaire; six avaient une petite croix sur l'épaule, d'autres étaient
FiG. 5. — Uu « Saint Homme ».
Ffg. 6. — ChaDteur.
couronnés d'épines ou avaient dans les mains de gros clous, des
marteaux, des tenailles, des clefs, etc. Un ange, puis saint Jean
passaient portés par des Indiens, et Marie- Madeleine portée par
des Indiennes suivies d'un individu de race blanche disparaissant
sous les plis d'une bannière noire avec bande blanche médiane,
de 6 mètres de large sur 8 mètres de long.
Un groupe de « pénitentes . était formé par les fillettes de dix à
douze ans, demi-nues, sous une petite jupe très courte descendant
jusqu'aux genoux et un petit c< poncho » rejeté en arrière, laissant
la poitrme et les bras à découvert, une couronne de fleurs sur la
tête et une petite croix de bois noir sur l'épaule. Une manière de
catafalque ou de grande caisse dorée, illuminée par plus de cin-
LE CHRISTIANISME EN EQUATEUR.
99
quante bougies et portée par des hommes toujours vêtus de jupons
et camisoles blanches, la tête couverte d'une toque de même cou-
leur (fig. 6), chantant d'une voix aigre et monotone avec accompa-
gnement de flûte, représentait le Saint-Sépulcre.
Puis venaient deux jeunes garçons portant une grande et lourde
croix, des brûleurs d'encens, les soldats de César, la plupart enfants
de JO à 13 ans, fils d'employés et de notabilités de la ville, vêtus
sensiblement à la façon de l'armée équatorienne, armés de iusils et
de carabines Mauser, masqués et bariolés, tous colonels et généraux,
divisés en deux groupes, dont chacun était commandé par un
homme déguisé en soldat et armé d'un « machete » (fig. 7).
Fig. 7. — Chef des soldats romains.
FiG. 8. — Commissaire.
Un brancard orné de nombreux cierges, avec le cadavre de Dieu,
suivi d'une escorte d'Indiens, la Vierge Marie à genoux et en
larmes au pied d'une croix de toile bleue illuminée intérieurement;
trois autres brancards avec des poupées joufflues, disproportion-
nées, vêtues de noir, les trois femmes Véroniques, disait-on, pleu-
rant derrière le Christ, tous portés par les « Saints hommes » déjà
décrits, et enfin quatre chevaux semblables, avec des mors dorés,
un tapis noir à frange d'argent sur le dos, des étoiles dorées col-
lées à même le poil, la queue peinte, les sabots recouverts de papier
d'argent, terminaient dans cet ordre le cortège allégorique.
L'organisation générale de la procession était dirigée par cinq
commissaires habillés très correctement de jaquettes ou de redin-
gotes, coilTés d'une calotte de velours brodée, ornée de perles,
VARIÉTÉS
La XI It Session du Congrès international
d' Antliropologie et d' Archéologie préhistoriques (1).
La session qui vient de se tenir à Monaco a pleinement justifié nos
prévisions, tant au point de vue du nombre des souscripteurs que sous
le rapport des communications : cinq cents adhérents avaient répondu
à l'appel du Comité d'organisation et plus de cent communications,
parmi lesquelles de très intéressantes, étaient inscrites à Tordre du jour.
Pour ma part, je regrette même qu'un aussi grand nombre de mémoires
aient été présentés au Congrès, car il est devenu matériellement impos-
sible de les lire tous et, par suite, de les discuter. Parfois il a fallu se
contenter d'un simple dépôt et d'un renvoi à la Commission de publica-
tion. Or, ce qui fait l'intérêt de nos Congrès internationaux, ce sont
précisément les discussions auxquelles donnent lieu les communica-
tions. Lorsque les savants les plus qualifiés peuvent exposer leurs vues
et apporter des faits pour confirmer ou contredire une opinion émise
par un auteur, il y a des chances pour qu'il en résulte un progrès dans
nos connaissances. Il est donc désirable, selon moi, qu'à l'avenir le
Comité d'organisation n'inscrive au programme qu'un petit nombre de
questions bien choisies el que les membres des sessions futures se pénè-
trent de cette vérité élémentaire que plus un sujet est traité à fond, plus
la science progresse.
Le Prince Albert 1" avait fait les choses avec cette largesse dont il
est coutumier. Une immense salle du Musée océanographique avait été
préparée pour nos séances. Le plafond était caché par des oriflammes
et les murs disparaissaient sous des trophées de drapeaux de toutes
les nations. Au pied de la tribune, de magnifiques plantes en fleurs
venaient réjouir l'œil et de moelleux tapis cachaient entièrement le
ciment appelé à supporter bientôt le parquet. Peut-être les hygiénistes
eussent-ils déploré tout ce luxe, mais je suis convaincu que les char-
(1) Je me suis efforcé, dans ce compte-readu, de donner un aperçu fidèle de la
session de Monaco. Cependant des erreurs ont pu se glisser dans mon résumé, car
les notes des secrétaires sont en général d'un laconisme exagéré, et, d'autre part,
les auteurs à qui j'ai réclamé leurs manuscrits n'ont pas tous répondu à mon appel.
Aussi publierai-je volontiers, dans un prochain numéro de U Anthropologie, les rec-
tifications qui pourraient m'ôtre adressées.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
104 VARIETES.
mantes personnes du beau sexe qui ont assidûment suivi nos séances
ont hautement apprécié les attentions du souverain de Monaco, et je
n'ai pas entendu un seul congressiste se plaindre d'avoir à marcher sur
de somptueux tapis.
Dans l'atrium, M. Feuillerade, l'actif directeur des travaux publics
de la Principauté, avait construit et aménagé en quelques jours un cabi-
net pour le président et le secrétaire général, un autre cabinet pour
les secrétaires, une salle de correspondance, un vestiaire, des lavabos,
etc. De grandes vitrines y étaient disposées pour recevoir les objets que
les membres du Congrès voulaient mettre sous les yeux des assistants,
et elles ont été constamment remplies de pièces intéressantes. Les murs
étaient garnis de photographies, de dessins, d'estampages, et de con-
fortables sièges permettaient aux congressistes de se reposer au milieu
des plantes vertes et des fleurs disséminées partout.
Le lecteur me pardonnera ces quelques détails, qui semblent bien
étrangers à l'anthropologie et à l'archéologie préhistoriques. Mais, par-
tisan convaincu de l'influence du milieu sur les êtres vivants, je suis
tenté d'attribuer en partie à la disposition des locaux les tendances
conciliantes de chacun et la cordialité qui n'a cessé de régner entre les
savants de tous les pays. Cependant un nuage sombre a plané sur le
Congrès pendant toute sa durée : le Prince Albert V% qui se promettait
d'assister à toutes nos séances et de prendre part à nos excursions, a
dû s'aliter la veille de l'ouverture de la session. Il n'a pas cessé, néan-
moins, de s'intéresser à nos travaux et souvent il m'a fait appeler au-
près duiit sur lequel le tenait cloué la maladie pour avoir des rensei-
gnements sur la marche de la XÏIl® session.
Par suite de cette cruelle maladie, notre Protecteur s'est vu contraint
de faire lire, à la séance d'ouverture, par le Prince héritier le discours
qu'il se proposait de prononcer lui-même et dont voici le texte :
« Mesdames, Messieurs,
« Je me félicite de ce que mes efforts pour le développement de l'An-
thropologie m'aient permis de réunir, sur ce point de l'Europe où les
vestiges de l'humanité primitive remplissent la terre, une assemblée
comme la vôtre, choisie entre les savants de plusieurs pays avancés.
Je suis certain, d'ailleurs^ que votre Congrès laissera au domaine scien-
tifique des notions importantes sur l'histoire de notre espèce, car les
travaux tout récents de MM. Boule, Verneau, Cartailhac, de Villeneuve
suffisent à lui constituer un monument.
« L'Anthropologie mérite une part de plus en plus grande dans nos
préoccupations, si l'on songe combien il est irritant pour l'homme
d'avoir fait produire à son cerveau tant de progrès intellectuels et d'être
devenu le maître du monde, sans rien savoir encore de ses origines, de
sa descendance ni de ses parentés au milieu de la foule vivante. Il est
VARIÉTÉS. 105
désirable qu'une vérité scienlifique remplace la légende qui raconte aux
hommes, sous tant d'aspects différents et pour satisfaire une mentalité
obscure, la genèse de leur formation.
« Devant les œuvres de l'Évolution, de cette puissance qui, dans le
cours des âges, a modifié les organismes en les adaptant aux milieux
divers et aux conditions successives de notre planète, l'Anthropologie
gagne un intérêt capital puisqu'elle cherche à démêler notre propre fil
dans un écheveau compliqué de générations.
(( Elle s'élève davantage quand elle étudie le développement du cer-
veau humain, de l'organe qui porta notre espèce depuis le modeste
système des êtres inférieurs jusqu'au premier rang de la hiérarchie ani-
male, et qui transforma l'instinct brutal en une intelligence créatrice
du droit, de la justice, du savoir.
« L'Anthropologie, maîtresse de faits reconnus et de formules exactes,
guidera, un jour, vers des lois meilleures la morale des sociétés hu-
maines encore flottante parmi les variétés des religions et les sugges-
tions d'une barbarie atavique. Elle renferme un peu de la lumière qui
montrera la vanité des haines entre les races, des compétitions territo-
riales et des guerres suscitées par l'ignorance; un peu de la raison qui
fera substituer, dans le gouvernement des peuples, un esprit plus sain
aux mirages stérilisants de l'ambition politique.
« En effet, si l'on songe à la similitude des éléments constitutifs de
tous les êtres et à la simplicité de leur origine commune; si l'on se
représente la rusticité de l'espèce humaine aux temps préhistoriques
et le spectacle que donnait l'homme des cavernes confondu parmi les
animaux avec lesquels il luttait pour sa vie, on ne s'étonne pas que des
esprits attardés soient encore la proie de l'individualisme, gardien
aveugle d'influences lointaines.
« Mais la Science, qui renferme toute lumière et toute vérité, est une
force qui rapprochera les hommes quand elle régnera sur leurs institu-
tions. Ne devient-elle pas la source principale de leur bien être et de
leur sécurité en facilitant leur existence et en maintenant la constante
évolution de leurs sociétés à l'abri des révolutions brutales?
« Enfin, Messieurs, grâce à vos études qui mettront à sa véritable
place le rôle de l'homme dans l'histoire de la vie, une philosophie ration-
nelle dissipera les nuages formés dans la conscience humaine par l'ac-
cumulation rapide de ses connaissances.
« C'est dans le Palais de la mer que l'Anthropologie trouve accueil
aujourd'hui; et l'union de toutes les sciences alliées contre l'ignorance,
contre la principale cause des maux répandus sur les hommes s'affirme
d'autant plus légitimement ainsi, que l'Océanographie peut déjà relier
certaines conquêtes de la Science. Car l'étude des lois physiques et
chimiques de la mer conduit à l'explication des remaniements géolo-
giques de notre planète et des luttes successives entre les continents et
106 VARIÉTÉS.
les mers. Les progrès de la Biologie et de la Zoologie marines permet-
tent d'utiliser les révélations de la Paléontologie pour constituer l'échelle
des transformations infiniment nombreuses par lesquelles une force
que nous appelons la vie a fait passer la matière organique. Et la Météo-
rologie, si intimement liée avec l'Océanographie par des rapports inces-
sants, nous aide à comprendre les fluctuations, les migrations et la
distribution géographique des êtres, y compris celles de l'homme.
(( Parmi les Congrès précédemment réunis ici même, il en est un,
celui de la Paix, dont j'évoquerai le souvenir aujourd'hui, parce que la
Science et la Paix sont inséparables et que l'Anthropologie, comme
toutes les sciences, doit contribuer au bien-être des hommes.
« Depuis ce Congrès, les symptômes d'une réaction généreuse contre
les folies de la guerre se fortifient et la plus noble tâche qu'une élite ait
jamais entreprise ouvre déjà l'avenir au progrès social qui, seul, peut
justifier dans l'âme humaine un sentiment de lierté : la scission de
deux peuples Scandinaves vient de se faire suivant des règles conformes
àla vraie civilisation; et le Conseil des Nations qui s'est tenu en Espagne
a résolu avec l'autorité du droit, dans la plus belle expression de la
culture moderne, une controverse internationale semée de problèmes
dangereux.
« Par l'influence d'une politique soumise à l'évolution des idées,
quatre peuples, cent millions d'hommes échappent ainsi aux calamités
de la guerre, de ce fléau révoltant pour le cœur et pour l'intelligence
et qui portait, hier encore, chez des peuples orientaux les excès de sa
tyrannie humiliante. De toutes les parties du monde une assistance
anxieuse a pu comparer les deux moyens et réfléchir sur la meilleure
façon de régler un conflit.
« Puisse votre Congrès, inspiré par le trésor que notre pays livre à
l'investigation de votre pensée comme à la discussion de tous les savants,
servir largement pour la conquête de l'inconnu, la seule conquête
digne des aspirations de l'esprit moderne. »
D'enthousiastes applaudissements ont démontré que les Congressistes
partageaient la manière de voir du Prince de Monaco sur le rôle de la
Science dans les sociétés modernes.
D'autres discours, très applaudis, ont été prononcés à la séance d'ou-
verture par S. E. M. Olivier Ritt, Gouverneur général de la Principauté;
par M. Bayet, Directeur de l'Enseignement supérieur au Ministère de
l'Instruction publique de France, que le Ministre avait délégué avec
M. Mejean, Chef du Cabinet, pour le représenter au Congrès; par M. le
professeur Hamy, membre de l'Institut, Président du Comité d'organi-
sation, qui allait être élu, dans la même séance. Président de la
XlUe session; par M. le professeur G. Capellini, le seul survivant des
fondateurs du Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie
VARIETES. 107
préhistoriques, qui, avec beaucoup d'humour, a raconté de quelle façon
la création d'une réunion internationale périodique avait été décidée à
la Spezzia; enfin par Sir John Evans et par M. Valdemar Schmidt au
nom des délégués. M. Verneau, Secrétaire général^ a rendu compte des
opérations du Comité d'organisation et des résultats auxquels étaient
arrivés les savants qui avaient assumé la charge de préparer le Congrès
de Monaco.
A la suite de cette première séance, les congressistes ont visité le
Musée d'Océanographie et le Musée d'Anthropologie où sont réunies et
méthodiquement classées les richesses provenant des fouilles exécutées
par le Prince Albert tant aux Baoussé-Roussé que dans différentes
stations néolithiques et romaines de la région.
Je dirai plus loin quelques mots de la magnifique réception qui a eu
lieu le soir au Palais et des fêtes qui ont été organisées en notre hon-
neur. Ces fêtes, pas plus que les multiples attraits qu'offre la Côte
d'Azur, n'ont fait perdre de vue les motifs qui nous avaient réunis
dans la Principauté, et on peut dire que jamais les séances de notre
Congrès n'ont été suivies avec autant d'assiduité. Le fait mérite d'être
signalé, car nos séances ont été longues et leur nombre s'est élevé à
dix, en y comprenant celle de clôture. J'y vois, pour ma part, la
preuve de la faveur de plus en plus grande dont jouissent nos études
et j'en tire un heureux présage pour le succès des réunions futures.
Noire Revue a publié le programme élaboré par le Comité d'organi-
sation (Voy. V Anthropologie, 1905, p. 237). Il comprenait deux parties :
Pune, consacrée au Préhistorique de la région de Monaco, l'autre, ré-
servée aux questions générales. Conformément au droit que lui confère
le règlement général, le Conseil s'est empressé d'accueillir des commu-
nications qui n'avaient pas été prévues par les organisateurs. Dans ce
rapide compte-rendu, je suivrai l'ordre du programme, et je classerai,
dans une troisième partie, les mémoires acceptés la dernière heure
par le Conseil.
1"^' Partik. — Le Préhistorique dans la région de Monaco.
1" Grottes des Baoussé-Roussé. — La question des grottes des
Raoussé-Roussé paraît définitivement résolue. La discussion de cet im-
portant sujet a été précédée d'une visite aux grottes elles-mêmes. En
face du témoin laissé en place par M. le chanoine de Villeneuve dans la
Grotte du Prince, MM. Boule et L. de Villeneuve ont fait un exposé
lumineux de la stratigraphie et de la faune des différents niveaux. A la
Rarma Grande, M. Verneau a rapidement rappelé ses observations.
Dans la Grotte des Enfants, MM. Boulb, Cartailhac, Verneau et de
Villeneuve ont montré tout l'intérêt des fouilles qui y ont été pratiquées
et résumé les conclusions qu'on en peut tirer.
108 VARIKTES.
Après cette excursion, chacun était en mesure d'émettre une opinion
raisonnée. L'accord a, d'ailleurs, paru unanime entre les spécialistes
et tous semblent avoir accepté sans rélicence les idées qui ont été expo-
sées dans la séance suivante par ceux à qui le Prince de Monaco a con-
fié la tâche d'élucider le problème. On m'a dit qu'un savant persistait
à regarder comme néolithiques les sépultures des Baoussé-Roussé ; mais
il n'a exprimé sa manière de voir qu'en présence d'un nombre très
restreint de personnes et en dehors de la salle des séances. J'aurais
donc pu me dispenser de mentionner cette dissidence, puisque Tanthro-
pologiste auquel je fais allusion n'a pas cru devoir exposer publique-
ment les raisons sur lesquelles il [)ase son opinion.
Les renseignements stratigraphiques donnés par M. le chanoine de
Villeneuve ne peuvent guère se résumer. A part les couches superfi-
cielles, toutes les assises étaient nettement stratifiées et qu'elles n'avaient
pas subi le moindre remaniement. On sait avec quel soin et quelle cons-
cience de M. Villeneuve a conduit les fouilles, aidé dans sa tâche par un
préparateur aussi modeste que zélé, M. Lorenzi. Aussi n'est-il venu à
l'idée de personne de mettre en doute les divisions qu'il a établies.
Pour compléter les renseignements déjà fournis lors de l'excursion
aux Baoussé-Roussé, M. M. Boule donne le résumé et les conclusions
du mémoire qu'il a écrit sur la stratigraphie et la paléontologie des
grottes de Grimaldi.
Ce mémoire, actuellement à rimpression_, fait partie de l'ouvrage ré-
digé en collaboration avec MM Gartailhac, Verneau et de Villeneuve. Il
est divisé en trois parties.
Dans la première, intitulée Géologie et Stratigraphie, l'auteur décrit
la géologie des environs de Grimaldi, les caractères physiques des
grottes, leur mode de formation et de remplissage. Puis il établit la
stratigraphie des dépôts de chacune d'elles au moyen de coupes dessinées
à lechelle et basées sur des données numériques très précises. Ghaque
couche est examinée séparément, tant au point de vue de ses caractères
physiques que de son contenu paléontologique.
Les principales conclusions de cette première étude sont les sui-
vantes :
Les dépôts de remplissage des grottes de Grimaldi, du moins de celles
qui ont été fouillées par les soins du Prince Albert, remontent tous aux
t«mps quaternaires ou pléistocènes.
On constate partout, mais principalement dans la Grotte du Prince,
la superposition de deux faunes très différentes : une îd.une chaude,
caractérisée par l'Éléphant antique, l'Hippopotame, le Rhinocéros de
Merck, etc., et une faune froide avec le Renne, espèce que l'auteur a
été le premier à signaler dans les gisements des Baoussé-Roussé.
VARIETES. 109
Il faut, de toute nécessité, rapporter au Pléistocène inférieur les dé-
pôts les plus anciens à faune chaude et les paralléliser avec les couches
de Chelles, bien qu'on trouve dans ces dépôts non une industrie chel-
léenne mais une industrie moustiérienne. La contemporanéité de cette
industrie avec la faune chaude est un résultat nouveau des plus impor-
tants.
Toutes les couches qui, dans la Grotte du Prince, surmontent les
dépôts inférieurs à faune chaude, doivent probablement être rapportées
au Pléistocène moyen.
C'est également au Pléistocène moyen qu'appartiennent les couches
de la Grotte des Enfants aux squelettes de Négroïdes. Ceux-ci seraient
donc sensiblement contemporains des crânes de Spy en Belgique. Le
Pléistocène supérieur paraît être beaucoup plus développé dans la Grotte
des Enfants que dans celle du Prince; il faut lui rapporter toutes les
couches supérieures à partir de la sépulture moyenne.
La deuxième partie intitulée Paléogéographie débute par une étude
détaillée des formations marines de la Grotte du Prince qui sont anté-
rieures à tous les autres dépôts de remplissage et contemporaines de la
faune chaude à Éléphant antique. Elle montre que, pendant le Pléistocène
inférieur, la topographie de la région devait être assez différente de la
topographie actuelle. La mer a dû se retirer assez loin pour laisser,
entre elle et les escarpements calcaires des Baoussé-Koussé, une zone
littorale propre aux évolutions des grands Pachydermes.
L'auteur a ensuite passé en revue les phénomènes du même genre
qui ont été signalés ou décrits sur divers points du pourtour du bassin
méditerranéen. En rapprochant tous ces faits il cherche à se faire une
idée des changements géographiques qui ont marqué, dans les contrées
méditerranéennes, les temps quaternaires; il essaie d'établir des rap-
ports entre ces changements, les phénomènes glaciaires et les phéno-
mènes de creusement et d'alluvionnement des vallées; il tente d'expli-
quer par eux les changements de faunes et leur passage du continent
européen au continent africain, etc.
La troisième partie est exclusivement consacrée à la Paléontologie.
Après avoir donné, dans les chapitres relatifs à la stratigraphie, les
listes, couche par couche, des animaux fossiles, l'auteur les étudie au
point de vue zoologique. Jusqu'ici on ne savait que peu de chose sur
la faune pléistocène de Grimaldi, les travaux de M. Rivière se réduisant
à de simples énumérations. D'ailleurs les fouilles antérieures à celles
du Prince n'avaient livré que des pièces très incomplètes. Les documents
rassemblés au Musée de Monaco, d'une conservation exceptionnelle,
permettent non seulement d'apporter plus de précision dans les déter-
minations, mais encore de faire une étude plus serrée des espèces com-
posant la faune quaternaire de la Côte d'Azur.
L'auteur a décrit ces espèces une à une et a fait reproduire par l'hé-
110 VARIETES.
liograviire les parties les plus caractéristiques de leur squelette. 11
s'est attaché à rechercher les liens de parenté de ces espèces avec celles
qui les ont précédées et avec celles qui les ont suivies, c'est-à-dire avec
les animaux actuels. 11 a donné, pour beaucoup d'entre elles, leur aire
de répartition dans le temps, c'est-à-dire leur répartition stratigraphique
et leur aise de répartition dans Tespace, c'est-à-dire leur aire de répar-
tition géographique.
M. Verneau résume les résultats anthropologiques auxquels l'a con-
duit l'étude des sépultures et des ossemenls humains qu'elles ont
fournis. Ces résultats sont, d'ailleurs, publiés à l'heure actuelle; l'au-
teur offre au Congrès un fascicule du luxueux ouvrage édité par les
soins du Prince Albert P*" sur « Les Grottes de Grimaldi », qui contient
Texposé détaillé de ses recherches.
Grâce aux documents paléontologiques, il est démontré que toutes
les sépultures sont de l'époque quaternaire. La double sépulture infé-
rieure de la Grotte des Enfants remonte même assez haut dans cette
époque, car elle surmontait immédiatement les couches à faune chaude.
Or, dans la Grotte des Enfants, comme dans la Barma Grande, des
faits précis (petites cistes en pierre, dalles dressées le long de la colonne
vertébrale, traces de fosses, etc.) prouvent de la façon la plus nette
que les morts étaient entourés de soins par leur famille ou leurs amis.
On ne saurait donc plus contester que, pendant les temps quaternaires,
les corps des défunts reçussent la sépulture. Les découvertes des Baoussé
nous font même connaître en partie les rites qui étaient usités alors^
rites qui variaient d'ailleurs suivant les sujets.
Les restes humains recueillis dans la Grotte des Enfants nous ren-
seignent sur les types ethniques qui se sont succédé à Grimaldi. Les
deux squelettes des couches inférieures offrent^ dans la face, des carac-
tères négroïdes des plus accusés. Le crâne n'est pas sans rapport avec
le crâne de beaucoup de Nègres modernes; le bassin de la vieille femme
est un bassin nigritique; les proportions des membres et la saillie du
talon rapprochent aussi les deux sujets des races noires actuelles. Et
ces deux individus ne peuvent être considérés comme des êtres anor-
maux, exceptionnels; ils représentent un type ethnique qui a laissé
ses traces à l'époque néolithique et dont les caractères essentiels se
reproduisent encore par atavisme dans la vallée du Rhône aussi bien
que dans le nord de l'Italie.
A ce type négroïde succède le type de Cro-Magnon, qui est largement
représenté aux Baoussé-Houssé. Presque toujours les caractères du vieil-
lard de la Vézère se montrent légèrement modifiés : l'inion et les bosses
pariétales, notamment, font un peu moins de saillie, mais l'ensemble
des traits céphaliques est foncièrement le même, et les os longs offrent
les caractères bien connus de tous les anthropologistes.
• VARIÉTÉS. 111
Tandis que les Négroïdes mesuraient de 1"\56 à l'^jOO, les sujets du
type de Gro-Magnon atteignaient l'n,87 environ. Le bassin de ceux-ci,
un peu rétréci d'avant en arrière, s'étale largement en travers comme
chez les Européens modernes. Cependant certaines particularités cépha-
liques (dysharmonie entre la face et le crâne, méplat pariéto-occipital,
forme des orbites) conduisent à se demander s'il n'existe pas quelque
parenté entre la seconde race et la première. Cette hypothèse se justi-
fierait, dans une certaine mesure, par la comparaison des proportions
des membres qui, chez les sujets du type de Cro-Magnon, tiennent le
milieu entre les proportions des Nègres et celles des Blancs.
La race la plus récente, représentée aux Baoussé-Roussé par le sque-
lette des niveaux supérieurs de la Grotte des Enfants, nous achemine
vers le type dolichocéphale néolithique; mais elle a conservé quelques
traits de la race de Gro-Magnon.
En sommes, nous assistons, à Grimaldi, à une évolution des carac-
tères physiques qui nous conduit graduellement d'un type encore bien
inférieur au type qui se réalisera complètement à l'époque de la pierre
polie.
M. Cartailhac signale, à la base des dépôts, un niveau moustérien à
faciès tant soit peu spécial; puis vient un horizon magdalénien qui se
prolonge jusqu'en haut et dans lequel on pourrait néanmoins distinguer
un niveau à pointes en os à base fendue. Les poinçons en os ont un
aspect presque néolithique. Il appelle l'attention sur les grandes lances
en silex qui font partie du mobilier funéraire et sur les traits gravés
qui ornent certains objets de parure. La présence de l'ocre dans les
sépultures et l'existence de blocs circonscrivant certaines tombes ont
été constatées dans les sépultures néolithiques des environs de Gênes.
On comprend donc que certains auteurs aient rajeuni les restes humains
des Baoussé-Roussé. Mais aujourd'hui la question est tranchée, et il
faut simplement conclure des dernières observations faites dans les
Grottes de Grimaldi que certains usages, regardés auparavant comme
caractéristiques de l'époque de la pierre polie, ont une origine plus
ancienne et remontent aux temps quaternaires.
M. J. DE Baye estime que les sépultures à ossements colorés en rouge
caractérisent une civilisation rayonnant autour de la Méditerranée Par
les voies fluviales^ elle a parfois gagné l'intérieur des terres. Les tu-
mulus de la Russie méridionale, du gouvernement de Kief, de la mer
Noire et de la mer d'Azof, les sépultures dolméniformes du Kouban
renferment des ossements humains enfouis dans une couche de subs-
tance rouge. Dans le nord de l'Afrique, on a également rencontré des
ossements teints en rouge. M. de Baye exprime le vœu qu'on relève avec
soin l'extension géographiquede cette pratique funéraire.
112 VARIETES.
M. le l)"" Obermaier cite le cas du squelette de Brunn (Moravie) qu'on
a prétendu avoir été peint en rouge après un décharnement préalable.
Cette hypothèse est inadmissible, car certaines pièces du mobilier funé-
raire sont teintes en rouge par places, tout comme les ossements hu-
mains. Le cadavre avait été couché sur un lit d'ocre et il avait été
recouvert de la môme substance, qu'on retrouve dans le lœss, proba-
blement postglaciaire, qui entourait le squelette.
M. PiGORiNi est d'avis qu'il faut diviser les ossements peints en deux
catégories. Quand le squelette est entier et que les os ont conservé
leurs connexions anatomiques, comme c'est le cas en Ligurie, les cada-
vres ont été ensevelis au milieu de substances rouges, et on ne saurait
admettre que le mort ait été préalablement décharné. Ailleurs, il en est
tout autrement. A Sgurgola, par exemple, la face seule d'un crâne était
colorée au moyen de cinabre; il est évident qu'on a peint cette face
après le décharnement.
M. A, IsSEL partage l'opinion de M. Pigorini; mais il pense que la
coloration rouge des ossements peut provenir aussi d'une peinture
appliquée sur le cadavre avant l'ensevelissement. Les cachets en terre
cuite semblables aux Pintaderas du Mexique, de l'Amérique centrale et
des Canaries, qui ont été rencontrés en grand nombre dans les sépul-
tures néolithiques de la Ligurie, ont pu servir à cet usage.
M. le D"" A. GuÉBHARD croit que les ossements humains et les autres
objets poreux ont pu être colorés en rouge par la simple dissolution
des sels de fer auxquels beaucoup de rochers doivent leur teinte spé-
ciale et leur nom de Baous-Hous.
M. Salomon Reinach commente une lettre de saint x\mbroise à sa
sœur, lettre dans laquelle il est questions de deux squelettes décapités
découverts à Milan en 384, devant le porche d'une basilique en cons-
truction. Pour saint Ambroise, il s'agissait de martyrs chrétiens, et,
de la coloration des ossements, il conclut que les inhumés avaient été
décapités et que leurs corps avaient été couverts de sang. D'après sa
description même, il est évident que la sépulture de Milan doit être
regardée comme une sépulture préhistorique. C'est la plus ancienne
découverte de ce genre dont on ait conservé une mention.
Sir John Evans rappelle que, dans un poème de Schiller, il est ques-
tion de l'enterrement d'un sauvage auprès duquel on a déposé des cou-
leurs pour qu'il puisse se peindre dans l'autre monde.
M. Gaston Buchet a rencontré auprès de Tanger, dans un dolmen à
demi enfoui dans un sol marneux blanchâtre, des ossements colorés
en rouge. Leur teinte était due à un lit épais d'argile très ferrugineuse,
qui avait été, sans aucun doute, déposé intentionnellement dans la
sépulture, car dans des tombes voisines et analogues, les ossements ne
présentaient pas de coloration rouge.
M. Verneau n'admet pas le décharnement préalable pour les cadavres
VARIETES. H3
des Baoussé-Roussé. Cette hypothèse ne lui paraît pas soutenable, car,
à part un sujet rencontré par M. Rivière et dont quelques ossements
étaient déplacés — ce qui peut s'expliquer d'une façon très simple —
tous les squelettes avaient leurs os daas leur position naturelle.
D'un autre côté, il a constaté nettement à la Barma Grande l'existence
d'une fosse remplie de peroxyde de fer, qui ne se rencontrait pas au-
delà. H en conclut que les morts étaient eusevelis au milieu d'une
couche ocreuse, qui s'est trouvée en contact avec les ossements lorsque
la putréfaction eut accompli son œuvre, et qui leur a communiqué la
teinte rouge observée sur beaucoup d'entre eux. Quelques cadavres
n'ont pas été soumis au même rite funéraire et leurs os n'offrent aucune
coloration artificielle.
M. Albert Gaudry regarde comme tout à fait invraisemblable le
décharnement préalable des cadavres découverts aux Baoussé-Roussé.
Pour que les ossements aient été rencontrés dans leurs connexions
anatomiques, il eût fallu que nos ancêtres fussent des anatomistes expé-
rimentés, ce que personne ne saurait admettre. Les morts étaient donc
ensevelis avec leurs chairs, sur les foyers mêmes des grottes qui ser-
vaient d'habitations, malgré l'incommodité qui pouvait en résulter pour
les vivants.
M. Déchelette demande quelle était, dans les grottes de Menton, la
relation entre les foyers et les sépultures?
M. le chanoine de Villeneuve répond que toutes les sépultures fouil-
lées par lui étaient associées et superposées à des foyers. Dans le cas
des Négroïdes, les cendres avaient été écartées pour asseoir sur le sol
argileux une petite ciste en pierre qui recouvrait les tôles, mais les
corps reposaient sur la couche cinéritique elle-même.
M. Salomon Reinacïï demande comment les populations qui inhu-
maient leurs morts sur les foyers de leurs cavernes pouvaient suppor-
ter l'infection qui résultait de ce voisinage. Ne faut-il pas admettre
que vraiment les corps n'étaient déposés sur les foyers qu'à l'état de
squelettes, après avoir été décharnés ailleurs à l'air libre?
M. Gartailhac pense que la question du décharnement préalable des
cadavres est très difticile à trancher en ce qui concerne les Baoussé-
Roussé. Au Mas d'Azil, cette pratique a été sûrement en usage. Mais
ce qui ne parait pas contestable, c'est que les vivants supportent par-
fois les odeurs les plus nauséabondes sans en paraître incommodés.
Qu'on se rappelle l'infection des huttes des Eskimos! D'après M. Siret,
en Espagne, des inhumations ont eu lieu dans les habitations elles-
mêmes à l'époque néolithique. A Madagascar, on retourne les morts en
pleine décomposition dans les chambres funéraires. D'ailleurs, à Gri-
maldi, les grottes n'ont pas été habitées sans interruption. L'existence
de couches stériles démontre qu'elles étaient parfois abandonnées pen-
dant un temps assez long.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906, 8
114 VARIÉTÉS.
M. Verneau revient sur ce qu'il a dit des sépultures. Du moment que
les morts étaient enterrés, leur voisinage était beaucoup moins incom-
mode pour les survivants.
M. le lieutenant Desplagnes dit que dans l'Ouest africain les chefs sont
enterrés dans des cases que Ton continue à habiter.
M. Albert Gaudry, à propos des squelettes des Baoussé-Roussé, rap-
pelle qu'il a étudié la dentition du jeune sujet de la double sépulture
de la Grotte des Enfants et qu'il lui a trouvé des caractères qui la rap-
prochent de celle des Australiens. 11 est donc naturel de se demander si
l'Homme n'aurait pas apparu sur le continent austral.
Or les magnifiques collections de fossiles rapportées dernièrement
de Patagonie ont montré qu'il y a eu dans cette contrée un arrêt dans
l'évolution des Mammifères. 11 en est de même à Madagascar où, comme
dans l'Amérique australe, aucun Mammifère n'est devenu Pachyderme,
Ruminant, Solipède, Proboscidien ou Singe anthropomorphe. L'Aus-
tralie rentre dans le même cas. En revanche, dans l'hémisphère boréal,
le progrès a été continu. C'est sans doute dans cet hémisphère que
l'Homme, qui représente le progrès suprême, a évolué. A un certain
moment, il a gagné les continents austraux, où il a dû subir un arrêt.
Ainsi s'explique qu'en Australie il se trouve encore dans le même état
que l'Homme de la double sépulture de la Grotte des Enfants.
2° L'époque néolithique dans la région de Monaco. — La deuxième
question qui figurait au programme élaboré par le Comité d'organisa-
tion comportait l'étude de « L'époque néolithique dans la région de
Monaco ». MM. l'abbé Janin et le chanoine de Villeneuve n'ayant pas
terminé leurs recherches, renoncent à en exposer les résultats. Aussi
la question n'a-t-elle pas été traitée avec l'ampleur que nous aurions
désirée. Cependant MM. le D"" Johnston-Lavis et le colonel Thierry de
Ville d'Avray ont apporté au Congrès des observations intéressantes.
Auparavant, M. l'abbé Gardon est venu parler de ses fouilles dans
L'abri sous roche du Cap Roux. Les recherches, dans cette station pré-
historique, avaient été abandonnées en 1872; M. l'abbé Cardon les a
reprises en 1905 et elles lui ont fourni un grand nombre d'ossements,
de silex et de coquilles qui mériteront une étude détaillée. Les plus
anciens foyers, situés dans le sous-sol de la route nationale n° 7, parais-
sent intacts; ils peuvent, par conséquent, donner d'importants résul-
tats, de même qu'une caverne située au même endroit.
La communication de M. Johnston- Lavis a porté sur Une plateforme
néolithÀque à Beaulieu [Alpes-Maritimes) . Elle lui a livré deux pointes
de flèches grossières, un grattoir, de nombreuses lames et quelques
éclats sans forme déterminée. Des coquilles provenant de mollusques
VARIÉTÉS. il5
comestibles s'y rencontraient en abondance. Il existait aussi un tas
de petits morceaux de calcaire sphériques, qui ont pu servir de pierres
de fronde. Mais la découverte la plus curieuse fut celle de poteries
appartenant à deux types distincts : les unes, très grossières, ont cer-
tainement été façonnées à la main, tandis que les autres paraissent
avoir été faites à l'aide du tour. M. Johnston-Lavis n'hésite pas, cepen-
dant, à regarder les deux types comme contemporains et il en conclut
qu'il s'est trouvé en présence d'une station « d'une période néolithique
tardive ou de transition, pendant laquelle nos ancêtres avaient déjà
découvert le tour du potier ».
M. le lieutenant-colonel Thierry de Ville d'AvRAY a parlé des Décou-
vertes préhistoriques de la région de Cannes. Cette région, il la prolonge
jusqu'à Grimaldi, car dans sa note il est question d'objets trouvés aux
Baoussé-Roussé par M. Rivière et que celui-ci a donnés au Musée de
Cannes. Dans les régions voisines de cette ville, des fouilles ont été
faites dans des stations néolithiques (S. Cézaire, S. Vallier), de Tàge du
bronze (Plans de Noves), « celto-ligures » (Cassien), gallo-romaines
(Mougins) et massaliotes (S. Barthélémy, Estérel). M. Thierry de Ville
d'Avray énumère les principaux objets qu'ont fournis ces diverses sta-
tions et qui ne nous apprennent rien de bien nouveau, sauf peut-être
un galet roulé portant une rainure circulaire et une inscription. L'au-
teur de la communication le regarde comme un poids massaliote;
nous sortirions donc des époques préhistoriques, et nous n'avons pas à
insister sur cette pierre, si curieuse qu'elle soit.
3° Les enceintes dites ligures. — La question des enceintes dites
ligures a été l'objet de communications plus nombreuses et a donné lieu
à de longues discussions.
M. Paul Goby décrit avec soin les Enceintes à gros blocs de la région
de Grasse, qu'il connaît si bien et dont il devait faire visiter un certain
nombre aux congressistes quelques jours plus tard. Il a exposé toute
une série d'objets trouvés dans les retranchements des environs de
Grasse et un très beau plan d'une importante enceinte à double muraille,
plan qui a permis de se faire une bonne idée de ces curieuses construc-
tions. Mais M. Goby n'ose se prononcer ni sur l'origine ni même sur
la destination exacte des murs à gros blocs dont il nous a entretenus.
M. Ch. Cotte a fait, sur Les Enceintes dites ligures, une intéressante
communication. Pour lui, si on élimine les oppidums à industries
mélangées, qui ne peuvent être d'aucune utilité au point de vue de la
classification, on constate que' ces enceintes sont plutôt protohisto-
riques que préhistoriques. La majeure partie appartient à l'âge du
bronze et à l'âge du fer; certaines sont gallo-romaines, et il en est même
qui ont été construites après l'ère chrétienne; aucune n'est sûrement
116 VARIÉTÉS.
néolithique. En tous cas, le nom de « ligures » ne leur convient guère.
Quant à leur destination, M. Cotte n'hésite pas à y voir des camps
retranchés, dans lesquels les tribus du voisinage se réfugiaient tem-
porairement en cas de panique.
M. Pillard d'Arkaï a lu un travail intitulé Synchronismes archéologi-
ques su7^ les enceintes dites ligures. Il pense que la région où on les ren-
contre fut occupée antérieurement par les Ibères, mais que ceux-ci
n'en furent pas les constructeurs. D'après M. Pillard, l'appareil des en-
ceintes dénote qu'elles sont antérieures au gallo-romain et postérieures
au « cyclopéen ». Elles ont été élevées dans un but « hiératique et
féodal » ; le peuple auquel elles sont dues a été représenté sur les bas-
reliefs égyptiens : ce sont les « Hyksos-Ligures ». Les Araméens en ont
construit de semblables en Orient. Ces « Enceintes et Béthyles d'Orient
ressemblent trop aux Enceintes et Béthyles d Occident pour que les uns
comme les autres ne soient pas d'origine araméenne » ; telle est la con-
clusion du mémoire de M. Pillard d'Arkaï.
M. MiiLLER souligne une réserve faite par M. Cotte dans son travail.
Celui-ci a déclaré que, dans les enceintes en pierres sèches de la
Provence, on rencontre parfois des poteries exotiques importées par
des navigateurs, qui sont venues se mélanger à la céramique indigène.
Or tel est le cas d'un petit cheval recueilli par l'abbé Arnaud d'Agnel
dans le Castellas de Vitrolles. M. Arnaud d'Agnel l'avait présenté au
Congrès de l'Association française tenu à Grenoble en 1904 comme
faisant partie du mobilier archéologique du Castellas; mais deux ans
plus lard, il acquit la certitude qu'il avait été acheté dans un bazar
d'Alger par une personne qui était venue passer quelques jours à
Vitrolles.
M. J. DE Saint- Venant a étudié, dès 1894, de nombreuses enceintes
en pierres sèches dans le Gard. Elles rappellent entièrement par leur
construction celles de la Provence. Les poteries qu'elles ont livrées
sont, les unes grossières, les autres ornées. Les autres objets qu'on y
a rencontrés se rattachent tous aux diverses périodes de La Tène. Or,
dans les vitrines de M. Goby, à côté de poteries qu'on pourrait attribuer
aux fabriques d'Arrezzo du ii^ siècle avant notre ère, M. de Saint-
Venant a remarqué une perle en verre bleu et une agrafe de ceinturon
en fer qui rappellent entièrement l'industrie de La Tène. 11 en est de
même de curieux crochets en fer et de petites fourches à dents recour-
bées. Par suite, on peut conclure que, des deux côtés du Rhône, les
Celtes ont séjourné dans les enceintes en pierres sèches.
MM. G. Carrière, Trutat, de Baye, Vasseur et Imbert ont apporté,
dans la discussion, des faits nombreux. Il semble ressortir de toutes les
observations présentées au Congrès que les enceintes dites « ligures »
ne sauraient être attribuées au peuple ligure, puisqu'on les retrouve
VARIETES. 117
identiques, avec le même mobilier archéologique, assez loin de la Pro-
vence. Il faut les regarder comme de véritables camps retranchés qui
ont été construits à des époques diverses et dont plusieurs paraissent
avoir été occupés pendant un long espace de temps. Les plus anciens
dateraient de l'âge du bronze ; beaucoup ne remontent qu'aux différentes
périodes de La Tène.
A la question des enceintes en pierres sèches, se rattache celle des
castella. M. de GérIiN-Ricard a envoyé au Congrès la liste de ceux des
environs de Marseille, d'Aix et de Saint-Maximin, dont il a indiqué la
situation sur une carte à 1/320.000.
M. A. IssEL a fait une communication intitulée : Un exemple de sur-
vivance préhistorique. Il s'agit encore de constructions en pierres sèches
qui sont désignées sous le nom de cabanons dans les Alpes-Maritimes,
sous celui de cabanne dans la province de Gênes, et sous ceux de caselle,
casui ou casoni à Porto Maurizzio. Ces constructions ne sont pas sans
analogie avec les trulli de l'Italie méridionale et avec les nuraghi de la
Sardaigne. Quand elles sont plaquées contre les parois des rochers et
qu'elles contiennent des anfractuosités naturelles, il est difficile de ne
pas y voir une dérivation des abris sous roche et des cavernes néoli-
thiques. M. Issel regarde les cabanons comme dénotant une influence
étrangère, partie du Sud et du Sud-Ouest et qui se serait fait sentir en
Ligurie à l'époque de la première introduction des métaux.
M. GuÉBHAnD n'est pas loin de partager l'avis de M. Issel sur le carac-
tère de survivance préhistorique de ces édicules car des fouilles pra-
tiquées dans de vieux cabanons effondrés des environs de Grasse
ont fourni des objets semblables à ceux des grottes préhistoriques ou
des castelars voisins, c'est-à-dire de la transition de la pierre polie au
bronze.
MM. SoMMKRviLLE, Vasseur, Imbert, Trutat signalent des cabanons,
comme ceux décrits par M. Issel dans les Alpes-Maritimes, aux environs
d'Arles, dans la Dordogne, dans le Tarn, le Tarn-et-Garonne et la région
orientale des Pyrénées.
M. Cartailhac rappelle que tous ces faits ont déjà été publiés par
M. Castanier.
M. Flamand dit qu'il convient d'y ajouter les cabanes cyclopéennes des
Berbères, qui sont intermédiaires entre les constructions préhistoriques
et protohistoriques.
TP Partie. — Questions générales.
1° Étude des pierres dites utilisées ou travaillées aux temps pré-
quaternaires. — En tête de la seconde partie du programme élaboré par
ns VARIÉTÉS.
le Comité d'organisation figurait la question des Pierres dites utilisées
ou travaillées aux temps pré quaternaires, en d'autres termes, des éolithes.
Beaucoup s'attendaient à une vive discussion; mais il soufflait un vent
de concorde, et la discussion a été ce qu'elle devait être dans un milieu
scientifique.
M. le D"" H. Obermaier ouvre le feu en répondant aux objections que
lui ont faites MM. Rutot, Ilahne etVerworn.il montre que les retouches
des photographies qu'il a publiées n'existent pas, que les « carica-
tures » d'éolithes placées à côté des figures des pierres de Mantes sont
de simples calques des dessins de M. Kutot et que les ressemblances
entre les deux catégories d'objets sont des plus frappantes. Il maintient
donc ses premières conclusions.
M. RuTOT déclare que pour étudier la question des éolithes, il faut
aller à Bruxelles C'est en Belgique, en eff'et, qu'en 1865 la question
des industries rudimentaires a pris naissance et c'est dans ce pays
qu'existent à l'heure actuelle les plus imposantes collections d'éolithes.
M. Rutot a d'abord été très sceptique; à maintes reprises, il a cru
« avoir mis le doigt sur l'argument définitif, irrésistible, qui devait faire
rentrer le Mesvinien dans le néant», mais il a dû se rendre à l'évidence.
11 comprend que d'autres préhistoriens passent par la phase de doute
où il a passé lui-même et cherchent l'argument qui renversera la doc-
trine éolithique. Cet argument, ils ne l'ont pas trouvé, car il faut autre
chose que « les cailloux fracassés sortant des agitateurs mécaniques
des fabriques de ciment » pour ébranler ses convictions. Il invite les
congressistes à aller étudier les matériaux bien choisis, réunis dans le
musée de Bruxelles, avant d'émettre une opinion. Il espère qu'après
cette visite beaucoup se rangeront à son avis.
M. Marcellin Boule dit qu'il ne veut pas laisser clore la discussion sur
les éolithes sans exposer les raisons qui l'ont porté à combattre sans
relâche, depuis vingt ans, certaines théories ne lui paraissant pas repo-
ser sur des bases scientifiques sérieuses.
Quand il s'agit des éolithes recueillis dans les terrains quaternaires la
question n'offre pas une grande importance au point de vue philoso-
phique. Tous les préhistoriens expérimentés, ou simplement instruits,
savent depuis longtemps qu'on rencontre, dans les mêmes couches géo-
logiques, avec les beaux instruments paléolithiques, des silex plus
frustes, des formes naturelles, portant ou paraissant porter des traces
de travail ou, si l'on veut, d'utilisation. Cela paraît si évident qu'ils
n'ont pas jugé utile d'écrire de volumineux mémoires pour le démon-
trer. Mais ils savent aussi la difficulté pratique, souvent l'impossibilité,
qu'on éprouve à distinguer les eff'etsd'un travail intentionnel rudimen-
taire des effets d'agents naturels.
VARIETES. 119
La question est autrement grave quand il s'agit d'objets provenant
de terrains tertiaires où l'on n'a jamais rencontré le moindre fossil®
humain. Il faut alors redoubler de prudence et bien s'assurer au préa-
lable que des pierres ayant tous les caractères des éolithes ne peuvent
pas être façonnées par des agents naturels.
M. Boule rappelle les raisons d'ordre géologique qui l'ont toujours
rendu sceptique. On rencontre des éolithes dans toutes les alluvions
torrentielles, quel que soit leur âge, pourvu que ces alluvions renferment
des cailloux de silex. Il résume les observations qu'il a faites dans la
fabrique de ciment de Guerville près de Mantes et dont l'exposé détaillé
qu'il a publié dans L'Anthropologie (t. XVI, p. 257) a eu pour effet,
non-seulement d'affermir ses convictions personnelles, mais encore, ce
qui est plus précieux, de mettre fin à l'hésitation de beaucoup d'archéo-
logues un moment ébranlés par les théories à la mode dans certains
milieux. 11 a distribué très largement sa brochure et il en tient des
exemplaires à la disposition des membres du Congrès.
L'auteur a eu le regret de constater que, pour répondre à un travail
rédigé d'une façon des plus sérieuses et des plus courtoises, certaines
personnalités d'un pays voisin, oii la doctrine des éolithes est particu-
lièrement prospère, n'ont pas craint d'employer à son égard des pro-
cédés de polémique indignes de véritables hommes de science. C'est
ainsi qu'on lui a adressé de Belgique un journal où l'épithète de faus-
saire était accolée à son nom. M. Boule ne saurait s'abaisser à recher-
cher l'auteur de cette injure anonyme. Il se contente d'en appelé" aux
membres du Congrès. On l'a accusé d'avoir truqué les photographies
des pièces figurées dans son mémoire. Il a apporté à Monaco les silex
de Mantes; il les a exposés dans une des vitrines du Musée où se
tiennent les séances. Tout le monde pourra les voir, les étudier, les
comparer avec les représentations photographiques, retouchées ou non,
et se rendre compte que les échantillons sont bien plus démonstratifs
que les figures en faveur de la thèse qu'il soutient à savoir :
Que, des pierres toutes pareilles aux éolithes pouvant être produites
en dehors de l'intention humaine, les éolithes recueillis au sein de
couches tertiaires ne sauraient suffire à démontrer l'existence de l'Homme
tertiaire. Cette existence est possible ; elle est même probable mais nous
n'avons pas, scientifiquement, le droit de l'affirmer. L'opinion contraire
ne peut être, dans l'état actuel de nos connaissances, qu'une opinion
de sentiment.
M. Hamy rappelle qu'à l'époque où Boucher de Perthes multipliait ses
appels en faveur de l'authenticité des silex d'Abbeville, même des
silhouettes animales ou humaines, le géologue Cordier en causait un
jour avec A. de Quatrefages dans une allée du Jardin des Plantes. Cordier
se baissant brusquement ramassa un caillou et le montrant à son inter-
120 VARIÉTÉS.
locuteur : « Vous verrez, s'écria-t-il, qu'un jour ou vous dira que ce
caillou a été travaillé par l'homme ».
Il ne faudrait pas donner raison au vieux géologue, il est vraiment
nécessaire d'apporter quelque tempérament à ce déterminisme exagéré
qui nous envahit et proscrire de nos séances ces lusi naturw qui nous
ramènent si loin en arrière et nous font perdre inutilement un temps
précieux.
M. l'abbé Breuil constate qu'à Saint-Acheul les éolithes sont plus
rares qu'à Moutières, qui marque cependant une phase plus récente de
l'industrie humaine. Cela lient à ce que, dans la première localité, les
graviers correspondent à un haut niveau, déposé par une eau calme,
tandis que les bas niveaux de Moutières se sont déposés à une époque
de courant très vif. L'abondance des éolithes est donc en rapport avec
la vitesse du courant.
Sir JonN Evans n'est pas partisan de la théorie des éolithes. Quand
on étudie l'action de la mer sur les silex, on constate qu'elle les casse,
qu'elle les roule ou qu'elle leur imprime l'aspect d'éclats retouchés.
D'ailleurs, on parle beaucoup de l'usage des éolithes, mais on ne
montre pas la moindre preuve de leur utilisation.
M. Ray Lankester dit que, sous le nom d'éolithes, on range des
silex bien différents par leur origine et par leurs caractères. Les silex
taillés des hauts plateaux du Kent décrits par Prestwich n'ont rien de .
commun avec les soi-disant éolithes recueillis depuis, pas plus qu'avec
ceux de Mantes.
M. l'abbé Breuil, qui a étudié l'année dernière la collection Prest-
wich, a constaté sur tous les objets de nombreuses traces ferrugineuses
provenant d'instruments aratoires ; ils ont donc été recueillis à la sur-
face et ne peuvent entrer en ligne de compte pour la question des
éolithes.
M. RuTOT ne peut admettre, avec M. Ray Lankester, qu'il y ait éolithes
et pseudo-éolithes et que les seuls éolithes vrais soient ceux du Kent.
Ces derniers sont même inférieurs à ceux de Belgique. Pour résoudre le
problème, il ne faut faire aucune distinction entre les éolithes belges,
anglais, français et allemands : ou bien ils sont tous des jeux de la
nature ou bien ils représentent l'industrie humaine primitive.
En somme, aucun argument nouveau n'a été apporté. Toutefois les
personnes qui ont bien voulu se donner la peine d'étudier les pièces
de Mantes exposées par MM. Boule et Obermaier et faire part de leurs
impressions à nos confrères se sont déclarées convaincues ou converties :
les « éolithes » des fabriques de ciment de Manies sont aussi beaux que
ceux regardés comme ayant été utilisés par l'Homme.
VARIÉTÉS. 121
2" Classification des temps quaternaires au triple point de vue de
la stratigraphie, de la paléontologie et de Tarchéologie. — Celte
question a été abordée au cours de diverses discussions.
M. l'abbé Parât fait quelques observations sur la méthode employée
par les préhistoriens pour dater les restes trouvés dans les couches
antérieures à la période actuelle. Pour les grottes de la Basse-Bour-
gogne en particulier, il estime que les évaluations de M. G. de Mortillet
sont très exagérées : la parfaite conservation des os rend inadmissible
la longue période de temps que l'on suppose s'être écoulée depuis leur
enfouissement. Dans les grottes de la vallée de l'Yonne et de la Cure
qu'il a étudiées, les couches vont du Moustérien au Magdalénien, for-
mant au total une épaisseur de 5°^, 50; elles sont séparées par une
couche d'alluvions.
M. PiGORiNT parle des fouilles effectuées récemment à Capri. Des
outils chelléens ont été trouvés à une profondeur de près de 9 mètres.
Ces instruments étaient accompagnés d'ossements d'animaux éteints :
éléphant, hippopotame, rhinocéros. Ils sont en quartzite, roche qui
n'exite pas dans l'île. Au-dessus de la couche argileuse où ils furent
découverts, s'étendait un lit de matières éruptives de près de
3 mètres. S'appuyant sur un texte de Suétone, M. Pigorini suppose
que les anciens, au temps d'Auguste, ont connu l'existence de restes
d'animaux gigantesques dans l'île de Capri.
M. BouRLON communique au Congrès les intéressantes observations
qu'il a faites lors de ses fouilles au Moustier, lia pu suivre l'évolution
de l'industrie, dans cette station, depuis le commencement du mousté-
rien jusqu'au solutréen. Les couches sont bien stratifiées et les foyers
sont séparés par des lits de sable ou de cailloux roulés, A la base, existe
un gisement d'outils moustériens très grossiers en forme de pointes,
rappelant les coups de poing chelléens. Le second et le troisième foyer,
à partir du fond, renfermaient un très grand nombre d'objets mousté-
riens typiques (M. Bourlon en a récolté plus de deux mille). Ces outils,
outre les pointes et les disques signalés par les auteurs, comprennent
des scies, des râcloirs, des instruments avec coches, des coupoirs, des
grattoirs convexes et convaves, des perçoirs. L'industrie était donc très
spécialisée dès cette époque. Le travail est fin et soigneusement exé-
cuté; les bords de certains objets (scies, coupoirs) sont retouchés à
petits éclats.
L'industrie du quatrième foyer est d'un type très inférieur : les
grandes pièces amygdaloïdes disparaissent, pour faire place à des ins-
truments de petite taille, grossièrement travaillés, qui rappellent les
pièces chelléennes.
Ce type de fabrication n'est pas particulier au Moustier, ainsi que le
122 VARIÉTÉS.
fait remarquer M. l'abbé Breuil. Oq a trouvé des gisements semblables
à Chatelperron (Allier) et aux Eyzies.
Le même fait se rencontre en Belgique; M. Rutot décrit l'évolution,
dans ce pays, de Toutil dit coup de poing. Né dans le Strépyien, ils se per-
pétue à travers le Chelléen, l'Acheuléen, le Moustérien et peut-être
même pendant la première partie du Solutréen (niveau du Trou
Magrite), pour disparaître définitivement.
M. GiROD, qui reconnaît l'existence du coup de poing dans les niveaux
moListériens supérieurs de plusieurs cavernes françaises fouillées par
lui, se demande si on n'aurait pas simplement utilisé d'anciens silex
taillés.
M. Cartailhag rappelle que de semblables apports ont sans doute été
constatés, mais que cela ne prouve rien contre les faits établis par les
précédents orateurs. La dernière couche du Moustier est constituée par
des objets présolutréens. La partie inférieure contient un outillage qui
a encore les formes moustériennes, mais dont bien des pièces sont
retouchées sur les deux faces, et qui, de plus, contient un grand
nombre depointesplus sveltes, pluslégères.Le grattoir devient beaucoup
plus fréquent et plus fini; le burin fait son apparition. La partie supé-
rieure est franchement pré-solutréenne : la pointe et le râcloir ont
complètement disparu et ont fait place à des objets retouchés sur tout
le pourtour : ce sont le grattoir simple ou double, le burin, des pièces
à étranglement, enfin des grattoirs très épais, presque nucléiformes.
M. Breuil remarque que ces grattoirs carénés, ainsi que les pièces à
encoche latérale, indiquent le niveau dit « Aurignacien », qui renf^erme
des objets analogues aux coups de poing attardés dont il a été ques-
tion; nous suivons donc, au Moustier, l'évolution complète jusqu'au
présolutréen. Ce fait avait déjà été observé par MM. Peyrony et Capi-
tan à la Ferrassie (Dordogne).
L'Époque présolutréenne fait l'objet d'une communication de
M. l'abbé Breuil. Le niveau présolutréen, autrefois signalé par MM. Lar-
tet et Hamy, est caractérisé par une faune bien plus riche en espèces
anciennes que le niveau magdalénien et même solutréen. Les types
d'outils sont des plus nets : on y voit des survivances de formes mous-
tériennes et même acheuléennes (Chatelperron). L'outillage en os, abon-
dant, est d'une technique différente de celle des objets magdaléniens;
on commence même à y trouver des statuettes féminines, rares, il est
vrai. A Solutré, à la Ferrassie, à Brassempouy, le solutréen est superposé à
ces assises du vieil âge du renne, qui sont répandues depuis la Belgique
jusqu'aux Pyrénées et dont le groupe de Menton est une variante locale.
M. Girod fait remarquer qu'il est impossible de distinguer les silex
acheuléens de Tilly de ceux trouvés dans d'autres stations présolu-
tréennes; il croit à une utilisation des anciens silex.
VARIETES. 123
M. Breuil répond que l'apport de silex plus anciens ne peut expliquer
la présence dans les stations du niveau dont il s'agit d'un grand nombre
d'autres objets, caractéristiques du Présolutréen. Les objets acheuléens
ont une patine spéciale qui permet de les reconnaître facilement et qui
ne se trouve pas, par exemple, sur les outils recueillis par M. Bourlon
au Moustier. Il ne s'agit toutefois pas d'un retour à TAcheuléen^ mais
d'une reviviscence de certaines formes.
M. Salomon HEiNAcn demande si la désignation de Présolutréen, qui
implique seulement l'antériorité, n'offre pas d'inconvénients; peut-
être vaudrait-il mieux diviser le Solutréen en étages et distinguer les
étages par des numéros d'ordre (Solutréen.!, II, III).
M. l'abbé Breuil croit ce procédé contraire à l'usage, bien qu'il soit
admis pour l'époque de La Tène. D'ailleurs, on ne peut confondre le
Présolutréen avec le Solutréen; il en diffère autant que ce dernier dif-
fère du Magdalénien. Il faut un nouveau nom; après entente avec
MiM. Cartailhac et Rutot, il propose l'adoption pour ces assises, du
terme « Aurignacien ».
iM. Rutot se déclare satisfait de voir une lacune comblée dans la
classification, par l'adoption d'une époque intermédiaire entre le Mous-
térien et le Solutréen. Il y a près de quarante ans que M. E. Dupont,
■directeur du Musée Royal d'Histoire Naturelle de Bruxelles en avait
senti la nécessité; il avait proposé le nom de niveau de Montaigle.
L'étude de nouvelles collections a montré que le Présolutréen
comprend, en Belgique, deux niveaux : celui d'Hastière, et celui de
Montaigle. On y trouve un outillage à aspect moustérien un peu évolué.
Dans le niveau d'Hastière, les objets d'os commencent à apparaître; ils
deviennent plus abondants au niveau de Montaigle, où on trouve aussi
des pointes d'Aurignac, des sifflets en phalanges de renne, des lissoirs,
etc. Les habitants des cavernes présolutréennes de laBelgique évoluèrent
plus lentement que ceux du midi de la France : on ne trouve nulle part,
en Belgique, de statuettes d'ivoire dans ces niveaux ; de plus, l'emploi des
lames était inconnu. M. Ed. Dupont, et après lui M. Rutot, pour expliquer
le fait, admet que les Présolutréens belges sont des essaims des peuples
du midi de la France ; alors que l'industrie évoluait sur place dans cette
dernière région, elle restait stationnaire chez les émigrés. M. Rutot se
déclare disposé à accepter le mot « Aurignacien » pour désigner l'en-
semble des niveaux présolutréens.
MM. J. BouYSSONiE^ A. BouYSSONiE et L. Bardon présentent une étude
sur la Grotte de la Font-Robert^ près Brive {Corrèze), fouillée par les
soins de M. le comte et de M™« la comtesse de Thévenard. Toute trace
de la faune avait disparu. On a trouvé seulement, en dehors des silex
taillés, des galets et des pierres plates, dont aucune ne portait de gra-
vures, des ocres et une pendeloque en quartz blanc. L'outillage était,
124 VARIÉTÉS.
suivant les auteurs, à un des niveaux présolutréens supérieurs. On doit
cependant remarquer qu'il n'a été découvert aucune sculpture et que
les auteurs ne signalent pas d'objets en os.
M. Debrugk a envoyé un mémoire sur la station quaternaire d'Ali-
Bacha, à Bougie. Il y distingue deux parties très différentes : une station
d'habitat, située sur le plateau, et une grotte sépulcrale. La stratigra-
phie et la faune de ces deux places diffèrent peu. La couche superfi-
cielle renfermait des ossements d'oiseaux et de mammifères d'espèces
actuellement vivantes, ainsi qu'un grand nombre de coquilles marines.
Au-dessous, existait une couche riche en foyers dénotant un long séjour,
où l'on a trouvé des silex moustériens en abondance; ils étaient
accompagnés d'un grand nombre de coquilles d'hélix, dont la plupart
ont subi les atteintes du feu. Les silex sont purement moustériens; pas
d'industrie de l'os, ni de poterie. Plus bas, à 2'", 80 de la surface, on a
rencontré d'autres outils moustériens faits de silex, de quartzite et de
calcaire siliceux.
La grotte funéraire avait été déjà fouillée en 1902, et le matériel qui
y avait été trouvé avait permis de croire à la grande antiquité de
l'homme dans celte région. Des ossements humains recueillis alors,
M. le D"" Delisle avait conclu à l'existence d'hommes de la race de
Cro-Magnon, dans cette partie de l'Algérie. Les dernières fouilles de
M. Debruge ont amené la découverte d'un crâne d'homme et de frag-
ments de crânes provenant d'un autre homme et d'un enfant. M. le
D' Delisle a restauré la pièce principale, et il l*a étudiée : l'individu
auquel il appartenait n'avait aucun caractère néanderthaloïde; il faut
le rattacher à la race de Cro-Magnon, peut-être avec mélange de sang
nigritique, mais c'est douteux en l'absence de prognathisme. Le crâne
ressemble beaucoup, en tout cas, à celui des Berbères actuels.
3° Documents nouveaux sur l'art des cavernes. — M. l'abbé
Breuil retrace l'évolution de la peinture et de la gravure murales. 11
classe les manifestations artistiques en deux séries parallèles : A. Figures
feintes [1) linéaires noires ou rouges; 2) monochromes modelées,
surtout noires; 3) monochromes en teintes plates, noires, rouges ou
brunes ; 4) polychromes; 5) figures non zoomorphiques, plus ou moins
azyliennes]; B. Figures gravées [1) Tracé très profond, profil absolu,
figures très raides; 2) tracé moins profond^ profil plus normal, plus
vivant, détails plus soignés; 3) tracé fin, mais linéaire, détails très
soignés, dessins de plus petite taille; 4) tracé très peu creusé, simples
graffiti ; les contours se décomposent en poils, en hachures discontinues ;
5) plus d'images d'animaux]. Les deux séries doivent être superposées,
et les divisions de l'une correspondent à celles de l'autre. Les peintures
VARIÉTÉS. 125
se recouvrent et se détruisent entre elles ; elles recouvrent des gravures
ou sont détruites par elles. Cette évolution, à de faibles détails près, se
retrouve dans les grottes du Périgord, des Pyrénées françaises et de
Cannstadt.
M. l'abbé Breuil communique ensuite le résultat de ses recherches
sur la Stylisation des dessins à l'âge du renne. L'art décoratif dériverait
de l'art figuré : il en découlerait par voie de dégénérescence, de sim-
plification ou de stylisation. M. Breuil présente trois séries de têtes
vues en raccourci, se rapportant au cheval, aux bêtes à cornes (cervidés,
caprins, bovidés) et aux animaux à longues oreilles sans crinière
(biches) où le tracé va en se simplifiant de manière à devenir tota-
lement inintelligibles dans ses derniers termes. Il faut noter des alté-
rations du tracé, dues parfois à une réinterprétation arbitraire d'un
tracé incompris, d'autres fois à un sentiment esthétique, à un désir
d'augmenter la valeur décorative du motif. De tels procédés ont été
signalés, dès longtemps, par les savants qui se sont occupés de l'origine
de l'écriture ou de celle de l'ornement chez les peuples primitifs.
La théorie exprimée par M. l'abbé Breuil est admise, en principe, par
M. Salomon REiNAcn ; il croit que cette extrême stylisation des motifs
naturels, qui les rend incompréhensibles, appuie l'hypothèse suivant
laquelle ces motifs auraient une signification religieuse.
M. Arturo Issel pense que les dérivations étabUes par M. l'abbé
Breuil sont tout à fait exactes; il est arrivé au même résultat par
l'étude des calques, des gravures de bovidés tracées sur les rochers des
Alpes-Maritimes, calques qui ont été effectués par M. Bicknell.
M. Deniker accepte également ces conclusions, et rappelle les ré-
sultats des investigations de M. Haddon sur l'art du dessin des « pri-
mitifs » océaniens. Il observe que chez ces peuples la préoccupation
ornementale tient une place au moins égale à celle de la religion.
MM. Gapitan, Breuil et Peyrony présentent des Dessins de félins^ de
proboscidiens et d'ursidés copiés sur les parois de grottes ornées. Ils
insistent sur la variété des figurations animales et sur la rareté des
représentations de certaines espèces. Parmi les figures qu'ils mettent
sous les yeux des congressistes se trouvent des mammouths, deux
félins, une peinture de Rhinocéros tichorhinus, avec ses deux cornes
et ses longs poils, une peinture et deux gravures se rapportant à des
canidés — probablement des loups — , enfin trois gravures d'ours.
M. Gapitan présente ensuite la Photographie d'une défense de mam-
mouth ouvrée trouvée à Gorge d'Enfer avec un burin et un grattoir-
burin. Deux rainures obliques sont profondément creusées dans l'ivoire
et étaient destinées à détacher une grande esquille en forme de poi-
gnard. Gette pièce est intéressante parce qu'elle montre le procédé
126 VARIÉTÉS.
qu'employaient les Préhistoriques pour débiter l'os, la corne ou l'ivoire.
A cet effet, ils se servaient uniquement de burins, et lorsqu'ils avaient
tracé des rainures assez profondes, ils éclataient le morceau qu'ils
voulaient utiliser.
MM. Capitan, Breutl, Clergeau et Peyrony montrent au Congrès toute
une série de Gravures sur os et sur pierre qu'ils ont découvertes dans
riiumus noir provenant des foyers préhistoriques de la Grotte des
Eyzies. Ces gravures, d'une grande finesse, ont été exécutées avec de
petits instruments en pierre offrant une très grande variété.
MM. Cartailhac, Capitan, Breuil et Peyrony font ressortir que les
Figurations humaines sur les parois des grottes ornées n'ont aucun air de
parenté avec les belles représentations d'animaux. Les figures humaines
ressemblent à celles qu'exécutent nos enfants; elles sont remarquables
par la longueur du nez et la forme en museau de la face. Peut-être
s'agit-il de figurations fétichistes
4'' Études des temps intermédiaires entre le Paléolithique et le
Néolithique. — M. Nuesgh a cru trouver la preuve du passage d'une
période à l'autre dans la stratification du Schweizersbild et du Kessler-
loch, cavernes des environs de Schaffhouse. Le sol en serait constitué
par une moraine provenant de la dernière glaciation; puis viendrait
une couche contenant des restes de lemming et de renne, puis une
couche d'une trentaine de centimètres, renfermant des ossements de
renne.
Les conclusions de M. Nuesch supposent, suivant M. Boule, une
.formation régulière des couches, et c'est pourquoi il ne peut l'accepter.
M. Obermaier fait remarquer que ce gîte ne renferme (au contraire
de ce que pensait M. Penck) aucune assise « tourassienne » ou « azy-
lienne » et qu'une grande partie des sépultures de M. Nuesch ne sont
pas néolithiques.
M. le baron de Loë signale un nouveau gisement de l'industrie tarde-
noisienne qui, suivant lui, comble Vhiatus entre le paléolithique et le
néolithique. C'est la grotte de Remonchamps, où la faune du renne
accompagne l'industrie tardenoisienne.
On a découvert en Danemark des restes d'une industrie antérieure à
celle des kj ôkkenmôd dings . Les stations paraissent avoir consisté en
des sortes d'iles flottantes établies sur des lacs desséchés. M. Sarauw,
du Musée de Copenhague, a observé plusieurs de ces singuliers
radeaux au fond d'un lac de l'île de Seeland. M. V. Schmidt qui com-
munique ces découvertes, dit que les outils en pierre et en os retrouvés
dans ces stations sont d'une forme très primitive et que la faune qui
les accompagne semble être plus ancienne que celle des kjokken-
môddings.
VARIETES. 127
De nouveaux documents sur la période de transition ont été décou-
verts en Normandie. M. G. Poulain a trouvé dans l'abri du « Mam-
mouth » à Métreville (Eure) des pièces qu'il croit pouvoir attribuer à
un niveau antérieur au Campignien. Ces pièces étaient comprises dans
un niveau intercalaire entre une couche renfermant un ossement de
mammouth et une autre contenant des objets d'un type nettement
néolithique. Les objets, comprenant un certain nombre de tranchets,
appartiennent à l'industrie des kjôkkenmôddings et sont, par conséquent,
antérieurs au Campignien.
M. Léon Coutil signale des objets de la même époque dans le Calvados
et dans TEure.
5° Origine de la civilisation néolithique. — Les questions relatives
à l'origine de la civilisation néolithique font l'objet d'une importante
communication de M. L. Siret. Cet auteur a étudié les restes préhisto-
riques du sud de l'Espagne (l'ancien pays des Turdétans). Il a constaté
que l'industrie de la pierre éclatée néolithique (industrie des kjôkken-
môddings) continue sans interruption l'industrie quaternaire. Elle serait
à la fois contemporaine de l'industrie magdalénienne et de celle de la
pierre polie. Les objets en pierre polie sont d'un travail parfait et
confectionnés avec des matériaux souvent apportés de fort loin. M. Siret
en conclut à l'importation des objets polis, ou plutôt au contact de
deux civilisations, l'une faisant usage de la pierre éclatée, l'autre de la
pierre polie. La civilisation qui apporta le polissage, l'art de l'agricul-
ture et celui du tissage serait venue de la partie orientale de la Méditer-
ranée vers le 3« millénaire^avant notre ère.
Cette vue est appuyée par M. Pigorini. 11 fait remarquer que les haches
polies italiennes sont en pierres vertes, que les Paléolithiques et les pre-
miers Néolithiques italiens ne travaillaient pas. En même temps que les
haches polies, la poterie apparaît brusquement. Il est donc probable
que la civilisation de la pierre polie est étrangère à l'Occident de l'Europe.
M. MoNTÉLius croit aussi que la période néolithique doit avoir débuté
en Orient à une époque très reculée. En se basant sur la stratigraphie
des fouilles de Suse, on peut faire remonter ce début à 20.000 ans.
D'après l'épaisseur des couches néolithiques Cretoises, qui est moindre
que celle des couches susiennes, M. Arthur Evans croit pouvoir ad-
mettre 14.000 ans pour les débuts du Néolithique dans la mer Egée ;
par conséquent les chiffres de M. Siret lui paraissent trop faibles. Il
pense aussi que le monde ibérique doit être considéré comme un
monde à part du monde égéen et qu'il ne faut pas négliger les rapports
de l'Espagne avec le Portugal et l'Ouest de la Gaule.
M. Siret s'^st longuement étendu, dans son mémoire, sur la céramique
néolithique, qu'il croit d'origine orientale, opinion qui est partagée par
M. PiGORTNI.
128 VAHIÉTb:S.
M. HoERNES cherche, lui, à mettre un peu d'ordre dans le classement
de ces poteries et à marquer leurs rapports avec les différentes périodes
du Néolithique. L'auteur reconnaît, dans la poterie ornée néolithique,
deux principes différents d'ornementation : 1° le principe de la déco-
ration périphérique; 2° le principe de la décoration tectonique. Ces
fabrications différentes accompagnaient des conditions économiques,
industrielles, etc., dissemblables : bref, elles appartenaient à deux
groupes ethniques distincts. Les premiers immigrants de l'Europe
centrale seraient venus du Sud et auraient appartenu à la race médi-
terranéenne : ils apportèrent avec eux la céramique périphérique. Ils
auraient été refoulés par les pasteurs du Nord de l'Europe (appartenant
peut-être à la race indo-européenne), qui apportèrent un nouveau style.
Q° Les civilisations protohistoriques dans les deux bassins de la
Méditerranée. — M. Arteur Evans expose au Congrès le résultat de
ses recherches sur les civilisations protohistoriques du bassin oriental
de la Méditerranée et discute l'emploi des termes : Égéen, Minoen et
Mycénien. Le mot « Égéen » est une appellation naturellement plus
générale, mais ne s'applique pas à une civilisation homogène. Les pre-
mières périodes de la culture néolithique dans la Grèce continentale et
insulaire du Nord sont insuffisamment connues. En Crète, au contraire,
on a pu suivre une longue évolution de la pierre polie : à Knossos, le
Néolithique remonte à une époque très reculée (14.000 ans au moins).
Le faciès de cette civilisatisn présente quelque ressemblance avec celui
du Néolithique d'Asie Mineure, mais celui-ci est encore trop peu connu
pour qu'on puisse en tirer des conclusions fermes. Le nord delà civili-
sation égéenne appartenant à la fin du Néolithique, présente un autre
aspect : on y voit apparaître la poterie coloriée avec ornementation de
spirales. Cette civilisation paraît se rattacher à celle d'une vaste pro-
vince s'étendant de la Thessalie à la Crimée. En cette région, le Néoli-
thique s'est attardé; il y règne encore (ainsi que dans les Cyclades et
en Troade), alors que la Crète travaille déjà les métaux. C'est à cette
civilisation, qui fut d'abord particulière au monde crétois, qu'il faut
réserver le nom de Minoen : ses commencements seraient contempo-
rains des premières dynasties égyptiennes. Dès les débuts de l'époque
minoenne, on reconnaît des indices de relations avec l'Egypte protody-
nastique et, probablement, avec la Libye : on trouve des vases de
pierre égyptiens, des sceaux, des statuettes semblables à celles de
Nagadah. La culture minoenne paraît être fortement influencée par Ips
éléments africains (égyptiens et libyens), surtout au point de vue de la
céramique. Par sa poterie, elle contraste avec la civilisation de la Grèce
continentale et des Cyclades : alors qu'en ce dernier lieu, les vases déri-
vent de deux types primitifs (l'outre et la courge), la poterie minoenne
tire ses modèles des vases de pierre de la très ancienne Egypte. Plus
VARIÉTÉS. 129
tard, la civilisation du Nord réagit sur celle du Sud ; mais la culture
Cretoise déborde sur sa voisine, envahissant d'abord les Cyclades, puis
le continent. Le « Mycénien » n'est qu'un rejeton attardé du Minoen.
La Grèce propre a cependant conservé quelques traits de sa civilisation
indigène : ils apparaissent à Mycènes même, dans la forme de la maison
(surtout du Megaron). Il en résulte un faciès spécial qui finit par pré-
valoir contre le pur type minoen. Ce type mycénien se répand à son
tour sur les îles et précède directement l'introduction de la civilisation
dorienne.
On sait que M. Siret croit que la civilisation néolithique du Sud de
l'Espagne est d'origine égéenne. Il compare la poterie et divers usten-
siles plats en pierre, qu'il qualifie d' « idoles », avec ceux trouvés à His-
sarlik, mais il ne saurait dire que ce soit le bassin occidental de la
Méditerranée qui ait fourni au bassin oriental sa civilisation; aussi
admet-il que la civilisation de la pierre polie fut importée d'Orient.
On sait aussi que M. A. Evans refuse d'accepter cette théorie, parce
qu'elle rabaisse trop les commencements de l'époque néolithique dans
le bassin oriental de la Méditerranée. La civilisation néolithique de la
Turdétanie s'est développée indépendamment de la civilisation
égéenne.
M. Siret fait cependant des rapprochements intéressants, par exemple
entre les tombes à coupoles voûtées par encorbellement de Los Millares
et celles d'Orchomène et d'autres tombeaux mycéniens. Peut-être, en
effet, une influence s'est-elle fait sentir mais à une époque très tardive.
M. Vasseur parle des Poteries ibéro-mycéniennes \ il dit que l'appré-
ciation de M. P. Paris, d'après laquelle elles remonteraient au xii« siècle
avant notre ère est certainement exagérée. M. Pottier les considère
comme étant du viu^ au x^ siècle et M. Camille JuUian les fait descendre
jusqu'au v^ Dans une fouille faite par M. Vasseur au Baou-Roux (envi-
rons de Marseille) il a trouvé des poteries ibériennes dans des couches
appartenant au v^ et au vi^ siècle avant notre ère.
70 Géographie des civilisations d'Hailstatt et de La Tène. — M. L. de
Marton communique un mémoire des plus importants à ce sujet : il
traite de \d^ Répartition des objets de fer en Hongrie. La répartition de
la culture hallstattienne est très irrégulière ; on peut cependant consi-
dérer, à ce point de vue, la Hongrie comme formant trois districts. Le
premier de ces districts est constitué par la région transdanubienne, oiJ
la première civilisation du fer a un caractère hallstattien bien marqué;
la deuxième comprend la région montagneuse du nord, qui renferme
une culture de transition se rattachant à l'âge du bronze; enfin la troi-
sième est forméepar la partie orientale du royaume, où l'outillage a subi
l'anthropologie. — T. xvii. — 1906. 9
130 VARIETES.
rintluence croisée des Balkans et de la Scythie. Cette dernière influence
se manifeste surtout dans la forme des poignards trouvés dans les
sépultures, et remet à l'ordre du jour l'hypothèse de Reinecke, suivant
laquelle se serait développée, parallèlement à la civilisation de Hallstatt,
une civilisation scythique. Pour l'époque de La Tène, la répartition est,
au contraire, très égale, sauf en Transylvanie où les objets du second
âge du ter n'arrivèrent que mélangés d'éléments romains. De plus les
objets de La Tène hongrois ne présentent pas de formes locales.
^f. l'abbé Parât signale la présence d'objets de l'époque de Hallstatt
et de La Tène dans les vallées de l'Yonne et de La Cure.
M. Olivier Costa dk Bëauregaro parle de La distribution des objets
d'or préromains sur le sot de la Gaule. A l'époque hallstattienne, nous
en connaissons deux groupes (qui sont d'ailleurs d'âge différent) : le
groupe bourguignon, purement hallstattien, et le groupe toulousain,
d'un faciès spécial et qui date de la fin de l'époque. A la période de La
Tène I, les objets d'or sont tous concentrés vers la Marne. iM. Costa de
Beauregard fait remarquer combien l'or est plus rare à cette époque
que pendant l'âge du bronze.
M. le D" M. Hoernes fait une description complète de la nécropole de
Hallstatt et donne quelques indications importantes sur la répartition
des restes du premier âge du fer. Hallstatt se trouvait dans une situa-
tion en quelque sorte privilégiée ; elle était placée dans une région inter-
médiaire, entre les centres de population de la Haute Italie d'une part et
ceux de l'Europe septentrionale d'autre part. Ce fut surtout l'Italie qui
fournit des modèles à Hallstatt. Cependant la civilisation de cette partie
de l'Europe centrale est bien originale et elle ne doit pas être considérée
comme un faciès spécial d'une culture italienne, encore moins hellé-
nique, comme le croyait Ingrar Undset.
M. le D^ M. Hoernes, dans une seconde communication accompagnée
de projections, montre les différents types de sépultures de la nécro-
pole de Hallstatt. il les divise en quatre grands groupes : 1<^ et 2», tombes
d'hommes anciennes et récentes; 3° et 4°, tombes de femmes anciennes
et récentes. Pour chaque groupe, il décrit les types primitifs et les types
secondaires et il arrive à des résultats nouveaux sur leur âge relatif. Une
particularité dont on doit faire grand état est la suivante : à Hallstatt,
les deux rites de l'incinération et de l'inhumation furent en usage dans
chacun des quatre grands groupes. Dans les tombes dont la détermi-
nation est sûre, l'incinération paraît prévaloir; cette prédominance est
moindre pour les sépultures de femmes que pour celles d'hommes. Elle
paraît aussi décroître vers la fin du premier âge du fer. M. Hoernes
'
VARIÉTÉS. ^31
croit que la nécropole servit jusqu'au v^ siècle avant notre ère, comme
le prouve la trouvaille de fibules du type de la « Certosa ».
M. Olivier Costa de Beauregard compare des cuirasses de bronze
trouvées à Fellinges (Haute-Savoie) et des cnémides de même métal
rencontrées à Roquefort (Alpes-Maritimes) avec les pièces de même
nature déjà connues et avec les cuirasses grecques d'Olympie. Il s'oc-
cupe ensuite spécialement des cw2m55e^e^cnémifi^esrfe/'e/909'Me deHallslatt
et montre combien fut grande l'extension de ces armures dans l'Europe
occidentale, puisqu'on en a rencontré depuis Klein-Glein (Styrie) jus-
qu'à Saint-Germain de la Plaine (Saône-et-Loire).
MM. HoEBXES et Arthur Evans signalent des découvertes nouvelles de
cuirasses et de cnémides de l'époque de Hallstatt à Klein-Glein et à
Enkomi (Crète).
M. Déghelettë fait remarquer que toutes les pièces présentées par
M. Costa de Beauregard sont synchroniques de la Tomba del Guerriero,
mais qu'il y a désaccord entre les archéologues sur la date de cette
tombe, que M. Mo.vtélius place au x' siècle, alors que plusieurs autres
persistent à lui attribuer le xiii® siècle comme date.
M. Saloaïon Bëinagh prie M. Montélius de donner son avis sur cette
question. Celui-ci répond que toutes les découvertes corroborent son
opinion et que la Tomba d'il Guerriero date bien du x« siècle avant
notre ère.
M. Peroinaxo Rey a exposé des considérations sur les Pénétrations de
Hallstalt et de la Tèn'^, en Côte-d'Or et spécialement dans le Gtiàtillonais ;
il croit que les pénétrations hallstattiennes ont eu lieu dans l'est de la
France plus tard qu'on ne l'admet d'ordinaire.
M. DE Saint-Venant présente des épées trouvées aux environs de
Nevers et dont le type diffère notablement de celui des épées de la
Tène. Elles appartiennent bien^, cependant, à cette époque, mais rappel-
lent tout à fait celles trouvées en Bolième par le D"" Pic. Il suppose
qu'elles furent apportées en France par les Boïens exilés par César.
8° Les iniustrios de la pierre en Asie, en A.frique et en Amérique.
— L'étude de l'âge de la pierre dans les parties du monde autres que
l'Europe donne lieu à un certain nombre de communications.
MM. Capitan et Boudy décrivent des instruments en pierre recueillis
par le second, aux environs de Gafsa, dans des poudingues très durs.
On y distingue, de bas en haut, une industrie acheuléenne grossière, puis
une autre plus fine, surmontée d'une assise moustérienne, d'une assise
magdalénienne et d'une assise néolithique.
132 VARIÉTÉS.
Au Redyel, on trouve, à la surface du sol, un bel aclieuléen avec
des pièces moustériennes, mais sans néolithique. Une grotte de la ré-
gion a fourni des débris humains associés à une industrie magdalé-
nienne avec nombreux fragments d'œufs d'autruche. Il s'agit sans
doute d'objets de la fin du Paléolithique ou du commencement du
Néolithique.
M. V. Arnon a envoyé un manuscrit sur des pointes lithiques de
flèches et de lances du Sahara. La portion du Sahara dont il est ques-
tion est celle qui forme le sud du département d'Oran, aux environs
d'Ouargla. L'auteur conclut à la supériorité relative des silex algériens
sur ceux d'Europe au point de vue du fini de la taille et de la diversité
des formes.
M. Raquez expose le résultat de ses études sur des silex trouvés au
cours de fouilles pratiquées dans les environs de Luang-Prabang et
dans la haute région du Laos.
M. DE Gérin-Ricard appelle l'attention sur les silex qui se trouvent
en grande abondance dans les sacs de fèves importées d'Asie Mineure.
Etant donnée Torigine de ces fèves (la Lydie, où le silex naturel est
abondant), il croit que nous avons là des objets provenant d'une ancienne
industrie locale,
M. RuTOT signale un fait analogue observé dans les sacs de céréales
importés des ports de la Mer Noire en Belgique ; il attribue la présence
des silex au fait que le dépiquage des céréales est opéré à l'aide
d'objets en silex.
M. Arturo IssEL est complètement de cet avis; il dit que l'existence
d'instruments aratoires garnis de silex a été signalée en Italie même
par M. Giglioli.
M. Hamy décrit un tribulum garni d'éclats de silex, qu'il a reçu au
Musée du Trocadéro; il provient des environs d'Adabazar (Btthynie)
c'est-à-dire d'un lieu proche de celui d'oij viennnent les fèves silicifères
dont a parlé M. de Gérin-Ricard.
M. MoNTANÉ présente quelques Objets précolombiens de l'île de Cuba.
11 fait remarquer combien ils ressemblent aux objets néolithiques de
l'Europe et rappelle l'opinion du regretté Th. Wilson, suivant lequel
l'industrie de la plupart des Indiens d'Amérique était une industrie
néolithique. Il expose ensuite le résultat des fouilles pratiquées dans
une grotte à Sancti-Spiritus. On y a trouvé des squelettes et des
crânes, disposés sur un lit de cendres reposant sur le plancher stalag-
mitique de la grotte; au-dessous de ce plancher on a rencontré d'autres
osserùents humains et une série de pierres plates, déprimées au centre
VARIETES. 133
et qui ont dû servir de moulin (analogue au metlall mexicain). A côté,
se trouvent des cailloux roulés qui ont dû servir de percuteurs. Les
crânes n'appartiennent pas à un seul type anthropologique : les uns
sont négroïdes, les autres d'un aspect nettement mexicain.
M. LE D'" Hamv appelle particulièrement l'attention sur une des pho-
tographies présentées par M. Montané et où se trouve représentée une
hache dont la pierre et le manche sont d'une seule pièce. Ce type d'ins-
trument est propre aux Antilles, et M. Hamy en montre les diverses
variétés recueillies aux Bahamas, à Haïti et à Cuba. Ce type n'a été
trouvé qu'une fois sur le continent.
IIP Partie. — Questions diverses non comprises au
programme.
En dehors des questions proposées par la commission du programme,
beaucoup de communications ont porté sur dessujets divers. Plusieurs
avaient un caractère général.
M. MuLLER expose rapidement le résultat des Recherches fréhisio-
riques dans la région de Grenoble. Il ressort des fouilles méthodiques
pratiquées depuis une vingtaine d'années que l'industrie de la vallée
de l'Isère était d'un type spécial; les objets extraits des grottes offrent
une différence appréciable avec ceux provenant des stations en plein
air. Le fait le plus important que signale M. Muller est la découverte
d'objets magdaléniens, à 4 kilomètres de Grenoble.
M. LE D'^ Froehlicher communique une note sur Quelques monuments
néolithiques et gallo-romains de la partie de l'Aisne située entre Sisso)ine
et Marchais.
C'est à la demande de S. A. S. le prince de Monaco qu'il a entrepris
ses fouilles, qui lui ont permis notamment d'observer de curieuses
particularités de construction dans un monument mégalithique. La
chambre funéraire était précédée d'un vestibule dont elle était séparée
par deux grandes dalles verticales se rejoignant au centre. La commu-
nication entre les deux pièces se faisait au moyen d'une ouverture
entaillée moitié dans une dalle et moitié dans l'autre. Le fait le plus
singulier est l'existence de rangées de pieux verticaux alignés à l'inté-
rieur de la chambre sépulcrale. Cette particularité n'avait pas été
signalée jusqu'ici. Le dolmen contenait une grande quantité d'osse-
ments humains qu'il ne sera possible d'étudier qu'après leur avoir fait
subir une restauration complète.
A peu de distance de ce monument mégalithique, M. Frœchlicher a
découvert deux tombes néolithiques contenant des restes gallo-romains.
On sait qu'on a souvent fait usage d'anciens tombeaux pour des inhu-
mations nouvelles.
134 VARIÉTÉS.
M. Bidault de Grésigny présente des objets trouvés par lui dans la
vallée de la Saône, principalement à Solutré et à Gevrey-Chambertin
et qui appartiennent à diverses époques; c'est cependant à la période
intermédiaire entre le paléolithique et le néolithique, ainsi qu'au
néolithique pur que se réfèrent le plus grand nombre de ces objets.
M. Bidault de Grésigny mentionne la présence fréquente de silex dans
les tombes mérovingiennes de ce district.
M. LE Baron de Baye fait remarquer que ce dernier fait n'est pas excep-
tionnel : Frédéric Moreau Ta souvent signalé dans les tombeaux de l'Aisne
qu'il a fouillés; lui-même a vu des cas analogues dans laMarne.Il suppose
que ces silex étaient usités comme amulettes. On ne doit pas confondre
ces silex anciens authentiques avec les pierres à briquet, fréquentes
dans les sépultures franques.
L'étude de la période néolithique fait l'objet de plusieurs communi-
cations.
M. Carrière expose les résultats des Explorations dans les Cévennes.
On a récolté, dans les grottes sépulcrales et les dolmens, 38 crânes
néolithiques. Ces crânes sont en grande majorité dolichocéphales,
leptorhiniens et microsèmes; ils présentent une grande ressemblance
avec ceux découverts aux environs de Lausanne et décrits par le
D"" Schenck.
M. LE D"" G. Lalanne présente une Contribution à l'étude des populations
néolithiques du Bas-Médoc. A cette époque, le Bas-Médoc consistait en
un archipel d'îlots, peut-être reliés entre eux par d'étroites langues de
terre. Les stations les plus proches de l'Océan sont purement néoli-
thiques : pas de traces de paléolithique ni d'industries postérieures à
l'époque de la pierre polie. Les objets sont trouvés en place et dans les
couches superficielles. Les outils, de petite dimension, étaient faits avec
le silex local; quant aux grandes pièces, elles étaient importées, proba-
blement du Périgord.
M. Ch. Cotte rappelle les résultats donnés par VExploration de la
Provence centrale et occidentale. Les stations de cette région ne présen-
tent ni magdalénien, ni tourassien, ni campignien; elles contiennent
un Néolithique ancien^, mais moins vieux que l'industrie de Campigny.
Il subdivise les stations provençales en trois groupes : 1° stations sous
abris, à industrie fruste; 2" campements en plein air et sépultures se
raccordant avec la civilisation de l'âge du bronze; 3° rares gisements à
billes polies.
M. Louis SiRET cherche à établir la Chronologie du Néolithique espa-
gnol. On a vu plus haut qu'il en attribue l'origine à des peuples d'ori-
VARIÉTÉS. ^35
gine orientale. L'ensemble de la période se subdiviserait en trois
parties : 1" une période très ancienne où l'industrie locale est encore
d'aspect paléolithique, mais où des objets de pierre polie (importés)
commencent à apparaître. A cette époque correspondent les kjakhen-
môddings portugais; 2° l'industrie précédente se modifie, sous l'in-
fluence des étrangers importateurs de la pierre polie; les objets polis
abondent ; on voit apparaître les poteries très ornées. H y a de grandes
ressemblances entre les produits de cette période et ceux des deux
premières villes d'Hissarlik; 3» apparition de la belle industrie du
silex et aurore de l'âge des métaux.
Les recherches de M. l'abbé Hermet lui ont fourni une quatrième
série de Statues men kir s, qu'il communique au Congrès. Cette série
comprend quatre de ces curieux monuments, dont trois ont été trouvés
dans l'Aveyron et le quatrième dans le Tarn.
M. Ulysse Dumas décrit La grotte des Fées^ sise dans la commune de
Thasaux (Gard). Elle a fourni un matériel appartenant à l'époque de
transition entre le Néolithique et les premiers âges des métaux. A la
vérité, la pierre était beaucoup plus représentée que le métal, car on
n'a retrouvé que trois objets en cuivre.
MM. Henri et Louis Stret ont envoyé un résumé de leur ouvrage sur
Les premiers âges du métal dans le Sud-Est de V Espagne. A l'époque de
transition on trouve quelques incinérations. A l'époque que des auteurs
nomment « argarienne » on ne trouve plus que des inhumations. Le
bronze et la connaissance de la métallurgie ont été importés dans le
Sud-Est de l'Espagne par un peuple qui brûlait ses morts. Ce peuple
serait aryen et apparenté aux tribus doriennes, alors que les néolithi-
ques étaient méditerranéens. Mais bien avant l'époque assez rapprochée
où eut lieu cette invasion, dès l'an 4000 avant notre ère, les indigènes
avaient découvert la métallurgie de l'argent.
M. Déchelette ne peut admettre une relation quelconque entre l'in-
vasion de la Grèce par les tribus doriennes et l'introduction du bronze
en Espagne. On sait, au contraire, que le mouvement de peuples, qui
s'opéra vers le xii^ siècle, coïncide avec la fin de l'âge du bronze et l'ap-
parition du fer dans le bassin oriental de la Méditerranée.
M. le baron de Loë retrace ce qu'a été L'âge du bronze en Belgique,
Contrairement à certaines assertions, il croit qu'il y a eu dans ce pays
un véritable « âge » du bronze. On n'a pas seulement trouvé des objets
isolés, mais encore des groupements très significatifs, tels que des
cachettes de marchands ou de fondeurs. La forme des objets, aussi
bien que la composition des bronzes, rattache la civilisation belge de
136 VARIETES.
cette époque au groupe dit « méditerranéen » et en particulier à la
France, d'oij proviennent presque tous les types. Le bronze ayant été
introduit par le commerce, la Belgique a conservé pendant toute cette
période ses populations néolithiques.
M. PiGORiNi expose les résultats des fouilles opérées par MiM. Rtdola
et QuAGLiADi dans la Nécropole à incinération de Timmari^ datant de la
fin de l'âge du bronze. Cette nécropole appartient à la même civilisa-
tion que la terramare découverte aux environs de Tarente. Les popula-
tions terramaricoles de la vallée du Pô seraient donc descendues jus-
qu'à la mer Ionienne.
M. Léon Coutil fait V Inventaire des objets de l'âge du cuivre et du
bronze découverts en Normandie; le nombre total de ces objets est d'une
vingtaine de mille. Les pièces en cuivre sont très rares : on n'en pos-
sède que six. Les haches à bords droits sont aussi très rares, on n'en
connaît que 41 exemplaires.
M. DÉCHELETTE parle de la Distribution géographique des cachettes de
bronze en France et se sert des données qu'elle fournit pour esquissor
l'évolution de l'industrie du bronze dans notre pays.
M. Salomon Reinach demande à M. Déchelette s'il n'estime pas que,
pour discuter le problème de l'origine du bronze en France, on doive
tenir compte des trouvailles d'objets en élain faites dans les palaffittes
de Suisse.
M. Déchelette dit que ces objets d'étain sont de la fin et non du com-
mencement de l'âge du bronze. 11 considère, avec M. Pigorini, qu'en
France comme en Italie, certaines cachettes ont dû avoir un caractère
votif.
M. J, DE Saint-Venant a présenté au Congrès une suite de dessins
représentant des Sphéroïdes de Cdge du bronze. Il a rappelé les hypo-
thèses suscitées par l'usage de ces objets et ne s'est pas prononcé pour
l'une ou l'autre de ces suppositions; d'ailleurs, ils ont pu servir à des
usages divers.
Sir John Evans a hasardé l'hypothèse que les sphéroïdes auraient pu
servir à la parure des cheveux des femmes.
M. Arturo Issel fait remarquer que, sur des figurines trouvées par
M. Bicknell en Ligurie, on voit des objets à lame courbe^, portée par
une hampe présentant des renfiements; peut-être ces renflements
étaient-ils produits par les sphéroïdes en question.
M. le baron de Loë communique au Congrès la Reproduction d'un
objet en or trouvé récemment à. Arlon (Belgique) et qui est d'une époque
VARIÉTÉS. 137
incertaine. Il a rappelé qu'on a trouvé à peu de distance d'Arlon des
croissants d'or analogues à ceux qui sont si fréquents dans les sépul-
tures irlandaises de l'âge du bronze.
M. Olivier Costa de Beauregard montre que l'or est beaucoup plus
abondant en Gaule durant l'âge du bronze que plus tard; presque tous
les objets en or de l'époque du bronze ont été trouvés en Bretagne.
Beaucoup des types sont communs à rArmori({ue et à l'Irlande; il en
est de même des objets de bronze.
M. G. Carrière signale des Instruments en fer, d'usage inconnu, qui
furent trouvés à Voppidum du mont Menu, près Eyguières (Bouches-du-
Rhône), ainsi que des poteries et des vases de pierre taillée trouvés au
même lieu.
M. PiGORiNi communique une note de M. le D' R. Paribeni sur une Né-
cropole préromaine découverte à Gênes. Elle se compose de tombeaux à
incinération des iv^ et m^ siècles avant J.-C, avec des objets importés
d'Etrurie, de Campanie et d'Apulie.
Des Poteries provençales, grecques et indigènes, sont présentées par
M. Vasseur : il désigne les pièces de céramique fabriquées sur le sol
provençal par le nom de u poteries ligures ».
M. Déghelette fait remarquer combien il faut-être prudent dans l'ap-
plication de tels qualificatifs ethniques.
Certaines questions d'un intérêt spécial, et se rapportant par quel-
ques points à des questions plus générales ont été traitées. Nous les pré-
senterons dans un ordre aussi logique quepossible, sans prétendre à
établir un lien entre elles.
M. Taté lit une note de iM. le D'" H. Martin relative à la superposition
de deux tailles sur un même silex. Les silex proviennent de la station de la
Quince (Charente). Ils montrent, par deux patines très différentes, que
des silex moustériens anciens, peut-être même acheuléensou chelléens,
ont subi une retaille à une époque moustérienne récente.
M. l'abbé Breuil cherche à prouver que les théories qu'il a émises sur
la stylisation des figures de l'âge du Renne trouvent leur application
dans l'étude des décorations peintes des vases néolithiques et énéo-
lithiques de Suse et de Tépé-Moussian (Perse), recueiUis par M. de
Morgan. Il montre plusieurs séries de motifs décoratifs issus : i° du
torse humain; 2° de la tête de bœuf; 3° de l'oiseau volant; 4" de l'oi-
seau marchant.
Une longue discussion sur les Inscriptions rupestres du Nord de r Afri-
que a eu lieu. Elle a eu pour point de départ une communication de
138 VARIETES.
M. Flamand. Des gravures, qui appartiennent à l'époque néolithique,
sont taillées en plein grès. L'auteur étudie quelques figures et en tire la
conclusion que certaines inscriptions libyques remonteraient à un mil-
lier d'années avant notre ère.
M. Salomon Rktnach fait remarquer quel intérêt il y aurait à conserver
ces restes d'une vieille civilisation dans nos colonies de l'Afrique du
Nord et émet, à ce sujet, un vœu qu'il soumet au Congrès. H montre, de
plus, l'importance des résultats qui ressortent des études de M. Fla-
mand sur les écritures libyco-berbères et rappelle que M. Arthur Evans
a comparé ces signes avec ceux de la mer Egée et de la Crète.
M. A. Evans confirme ses premières comparaisons, que les nouvelles
études de M. Flamand permettent d'asseoir sur des bases plus solides,
en même temps qu'elles fourniront le point de départ d'une chronologie.
Les nouvelles découvertes Cretoises montrent, d'ailleurs, que la grande
île de la iMéditerranée orientale a eu de nombreux rapports avec le nord
de la Libye.
M. Flamand croit qu'il faut faire des distinctions dans les écritures
libyques : les plus anciennes sont les lettres ti/inagh; les lettres ponc-
tuées sont plus récentes.
M. le lieutenant M. Desplagnes compare certains des monuments
pictographiques du Nord de l'Afrique à des sculptures sur pierre des
régions nigérienne et éthiopienne.
M. L. Jacquot décrit les Peuples troglodytes modernes du Djebel Aurès,
en Algérie; leurs habitations, qui rappellent celles des cleff-dwellers
d'Amérique, font l'objet d'une étude détaillée.
Les données historiques sur La race alpine sont discutées par M. le
D"" WiRTH. D'arguments linguistiques, il déduit la parenté du peuple
ancien de l'Étrurie avec les modernes Basques et Géorgiens : « Le Bas-
que est le cousin du Géorgien », dit-il. Il y a une Ibérie (ou mieux une
Ivérie^ Imérie) au Caucase ; les noms patronymiques, les noms géogra-
phiques se retrouvent les mêmes en ces deux pays. Donnant à la race
alpine une étendue inconnue jusqu'ici, il conclut à l'existence, à une
certaine époque, d'une race s'étendant du Tibet aux Pyrénées. 11 com-
pare l'industrie de la pierre, les sépultures et surtout les grands vases
décorés.
M. l'abbé Hermet rappelle l'existence de vases semblables dans
l'Aveyron.
Pour M. DE Baye certains de ces rapprochements ne sont pas valables;
on ne peut par exemple comparer les sculptures et les vases de l'Avey-
ron avec les Kamennaiahaha de la Russie. Ces derniers monuments
seraient d'ailleurs plus anciens qu'on ne le croit d'ordinaire.
M. MoDESTOV recherche si Les Osques appartenaient à la race aryenne.
VARIÉTÉS. 139
Ce ne seraient pas, en réalité, des Indo-Européens mais des auto-
chtones de la Campanie. Ils auraient subi de bonne heure l'influence
grecque et auraient connu l'écriture à l'époque de l'invasion des Sam-
mites. La conclusion est qu'ils appartiennent à la population ligure,
descendant des peuples néolithiques de cette région de l'Italie, et la
langue d'affinité sabellique que nous fait connaître les inscriptions ne
serait pas l'ancien idiome des Osques.
M. Ad. Bloch fait une communication sur L'origine des Russes et de
leur nom. Le nom « Twç », que leur ont donné les Grecs de Constanti-
nople signifie rouge. Les Russes étaient donc des peuples à cheveux
roux; ils appartenaient à la même race que les Scandinaves et que les
Germains des Reihengrdber.
M. le baron de Baye fait remarquer qu'il faut éviter de confondre les
Varègues, populations Scandinaves du sol russe, avec les populations
slaves du même pays. Ces Varègues n'ont jamais formé qu'une minorilé
guerrière.
M. Tabariès de Grandsaignes présente au Congrès des observations
sur La navigation •primitive en Europe. On trouve des pirogues mono-
xyles dès l'époque néolithique, mais il est invraisemblable que de telles
embarcations aient servi à la navigation sur mer. H fait de nombreuses
comparaisons avec les engins de navigation des « incultes » modernes.
A l'occasion de cette communication, M. le Di" E.-T. Hamy fait obser-
ver que si l'on commence à avoir quelques notions exactes sur les pre-
miers bateaux, on sait bien peu de chose encore sur les propulseurs
qui les mettaient en marche. Il dit quelques mots de la rame néoli-
thique, inspirée de la patte du palmipède, et montre que cette genèse
de la rame se retrouve chez un certain nombre de tribus de la Côte de
Guinée.
M. G. Fr. Kunz communique une notice sur La collection de jades
Bishop du Musée métropolitain des Arts, de New-York ; il décrit l'ou-
vrage dans lequel cette collection a été publiée.
Deux communications ont eu pour objet l'anthropologie anatomique.
M. le Prof. Gaudry attire l'attention sur la valeur du caractère connu
sous le nom de Prognathisme inférieur. Il compare les maxillaires infé-
rieurs d'un Français moderne, de l'homme des Baoussé-Roussé et du
Dryopithèque. Il montre que l'épaisseur de la mâchoire et le grand
développement des dents du Dryopithèque laissaient peu de place à la
langue et ne permettait pas à celle-ci d'émettre des sons articulés.
Déjà, chez l'Homme négroïde de Grimaldi, le langage articulé est rendu
possible par une moindre épaisseur de la mâchoire et par le moindre
développement des dents; chez le Français moderne, la langue joue
140 VARIETES.
encore plus librement. Le prétendu prognathisme inférieur, loin
d'être un signe d'arrêt de développement, est, au contraire, une preuve
d'évolution.
M. le D'" Verriku signale V Imforlance des caractères pelviens au point
de vue de la détermination des races.
M. le D»" Papillault a eu Theureuse idée de profiter de la présence à
Monaco des anthropologistes les plus qualifiés pour proposer de s'en-
tendu sur les meilleures mesures anthropométriques utiles à la science.
Dans la première séance, une commission internationale a été nommée ;
elle a travaillé sans relâche et elle est arrivée à une entente complète.
Avant de se séparer, les congressistes ont approuvé le rapport que
M. Papillault leur a présenté au nom de cette commission.
En raison de l'importance des décisions prises, L'Anthropologie
publiera in- extenso le rapport de la Commission d'unification des
mesures anthropométriques dans son prochain numéro.
Hors séance, deux conférences, accompagnées de nombreuses projec-
tions, ont été faites au Congrès. M. le Prof. Oscar Montelius avait bien
voulu nous parler de Vâge du bronze en Suède. La grande compétence
du conférencier, sa clarté d'exposition lui assuraient à l'avance un réel
succès. Les applaudissements qu'il a recueillis ont dû lui montrer avec
quel intérêt il avait été écouté. C'est toujours une bonne fortune d'en-
tendre un homme de la valeur du savant suédois résumer une question
qu'il connaît à fond, et beaucoup de congressistes se sont félicités
d'avoir acquis, sans recherches fastidieuses, des notions précises sur un
sujet qui ne leur était pas familier.
La seconde conférence a été faite par M. le D^" Capttan, En débarquant
du train, après avoir franchi d'une traite lesl.l02kilomètresqui séparent
Paris de Monaco, le D^" Capitau a parlé pendant une heure et demie de
VArt des cavernes. Grâce aux documents que lui avaient gracieusement
prêtés plusieurs explorateurs, il a pu mettre sous les yeux des audi-
teurs une centaine de projections. 11 a été facile ainsi de se familiariser
avec les curieuses gravures et peintures qui décorent les parois de
maintes grottes préhistoriques. Le conférencier s'est efforcé de mettre
la question au point, et les applaudissements ne lui ont pas été plus
ménagés qu'à M. Montelius.
Le Congrès a adopté plusieurs vœux qui lui ont été présentés. En
voici le texte :
L — Le Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie pré-
historiques, réuni à Monaco, exprime le vœu qu'une plus grande exten-
tion soit donnée dans tous les pays à l'enseignement de l'Anthropolo-
VARIETES. 141
gie. H estime que tous les établissements de Hautes-Études, sous
quelque forme qu'ils se présentent, devraient être dotés d'un enseigne-
ment officiel de cette science, dont l'utitité n'est plus à démontrer.
II. — Il serait désirable qu'il fût fait à chaque session un rapport de
nature à faire connaître l'état de la science et son évolution depuis la
session précédente. A cet effet, chaque nation désignerait un rappor-
teur.
IH. — Le Congrès émet le vœu que toutes les pierres écrites ou gra-
vées préromaines du Nord de l'Afrique soient estampées ou moulées et
que les estampages ou moulages de ces documents soient exposés dans
un dépôt public de l'Algérie.
J'ai sommairement rendu compte plus haut de l'excursion qui a eu
lieu aux Baoussé-Houssé. Une autre visite a été faite aux enceintes des
Mules et du Mont Bastide, fouillées en partie par le chanoine de Ville-
neuve. En passant, les congressistes ont jeté un coup d'œil sur les
recherches entreprises, par la Société française des fouilles archéolo-
giques, au pied de la Tour d'Auguste, à la Turbie. Le Comité de cette
Société avait délégué plusieurs de ses membres qui ont obligeamment
fourni aux excursionnistes des explications sur les travaux en cours et
les découvertes faites jusqu'à ce jour.
Cette halte a retardé l'arrivée au Mont Bastide, où M. de Villeneuve
a pu cependant faire un résumé de ses recherches, montrer les ruines
imposantes des murailles, signaler les emplacements des habitations et
indiquer les voies qui existaient à l'intérieur de l'enceinte. Les collec-
tionneurs ont eu la satisfaction de ramasser des tessons de poteries de
diverses époques et l'un d'eux a même découvert une monnaie de
potin.
I/excursion dans la région de Grasse a été des plus réussies, grâce à
M. Paul Goby qui en avait minutieusement réglé les détails. Tous les
dolmens, les tumulus et les enceintes qui figuraient au programme ont
été visités. En face de chaque monument, M. Goby a fourni des rensei-
gnements sur les fouilles qui y ont été pratiquées, sur les objets qui y
ont été découverts et sur les publications auxquelles il a donné lieu.
Le déjeuner servi à Saint-Cézaire, dans un cadre des plus pitto-
resques, a donné satisfaction à tous. A 5 heures l/'2, les congressistes
arrivaient au plus beau camp de la région, près de Saint-Vallier de
Thiey, où le D"" A. Guébhard avait fait dresser un magnifique buffet,
trop largement approvisionné.
L'excursion au lac de Varese n'a pas eu le même succès, car, malgré
les réclamations incessantes du secrétariat, les bons de réduction sur
les lignes de chemins de fer italiennes ne sont arrivés que lorsque la
plupart des membres du Congrès avaient déjà quitté Monaco. Cepen-
dant, M. le sénateur Ponti, maire de Milan et propriétaire du lac, avait
142 VA Kl ETES.
préparé aux congressistes une réception dont les quelques favorisés qui
se sont rendus à Varese garderont le souvenir. Retenu à Milan par
l'ouverture de l'exposition, il avait délégué M. Poinpeo Castelfranco
pour le remplacer; c'est ce sympathique savant qui a fait aux excur-
sionnistes les honneurs du Musée et qui leur a fait visiter les tranchées
ouvertes à leur intention. C'est lui également qui a présidé le banquet
préparé pour soixante personnes et auquel une dizaine de congressistes
ont pris part. 11 est vraiment regrettable que l'indolence de la direction
des chemins de fer italiens ait privé nombre de nos adhérents d'effectuer
un voyage plein de charme et d'intérêt.
J'aurais voulu dire deux mots de la brillante représentation de
Mépkistophélès au théâtre de Monte-Carlo, du beau concert classique
qui nous a été offert, et remercier M. le Gouverneur général de la
Principauté de la gracieuseté qu'il a eue de mettre, pendant toute la
semaine, sa loge à la disposition des membres du Congrès; mais ce
compte-rendu a pris des proportions inusitées. Je ne puis cependant
pas passer complètement sous silence la merveilleuse réception au
Palais de Monaco. Le Prince Albert, cloué sur son lit par la maladie,
avait chargé le Prince héritier de recevoir les invités, et celui-ci s'est
acquitté de sa tâche avec une bonne grâce qui lui a conquis toutes les
sympathies. Les grands appartements présentaient un aspect féerique ;
partout les plus belles plantes étalaient leur verdure et leurs pétales.
La salle du trône, la salle à manger, transformée en buffet et où des
milliers d'œillets dissimulaient les tables, soulevaient tout particulière-
ment l'admiration.
En résumé, la XllP session a complètement réalisé, à tous les points
de vue, les espérances des organisateurs. Elle comptera, sans aucun
doute, parmi celles qui auront le plus contribué à la solution de pro-
blèmes encore obscurs et de questions très controversées à l'heure
actuelle.
La prochaine session se tiendra à Dublin, en 1909.
R. Verneau.
VARIETES.
14.^
Nouvelles découvertes dans les cavernes de la province
de Santander,
Une récente publication (1) nous annonce que des faits nouveaux,
très importants, concernant les cavernes habitées par l'homme quater-
naire du Nord de l'Espagne, viennent d'être mis en lumière par les
soins d'un Espagnol, M. H. Alcalde dél Hio, Eveillé aux études pré-
historiques par le bruit des récentes découvertes de cavernes ornées
dans le sud de la France, l'auteur vint observer les procédés de
recherches scientifiques dont M. Gartailhac et moi nous sommes servis
en octobre 1902 dans notre étude d'Altamira; plusieurs brochures que
je lui adressai le mirent au courant de la méthode stratigraphique qui
doit être employée dans les fouilles. Après notre départ, il reprit l'exa-
men de la grotte d'Altamira et fît de nouveaux relevés des figures que
nous venions d'étudier; il fît aussi des fouilles assez considérables dans
le sol archéologique situé au voisinage de l'entrée, et
sous-jacent à des masses rocheuses effondrées. Ce sol
n'est formé que d'une seule couche, de 0"™,80 à l^'j^O d'é-
paisseur, présentant pourtant des différences dans son
épaisseur : \)^en bas^ elle est plus argileuse et pétrie de dé-
bris calcaires, riche en gros débris osseuxetenboisdecerf
entiers, les silex taillés y sont abondants et assez fins; par-
mi eux, M. A. del R. signale des pointes à crans typiques,
semblables à celles de la Dordogne dont il donne trois
FiG. 1. — Poiûte
à cran typique ;
couches infé-
rieures d'Alta-
tnira, d'après M.
dessins concluants (fîg. 1); les os travaillés sont moins
abondants que plus haut; 2) au-dessus, dans une terre
plus légère et ardoisée, criblée de coquilles marines, et
contenant beaucoup d'instruments en os et corne, parmi
lesquels des baguettes à section cylindrique ou demi- Alcalde del Rio.
ronde, ornées de dents de loup, de lignes sinueuses etc. ; ^^^^ '-^^^^ ^^
trois os plats de ce niveau présentent des figures de biches ^^^^ ^^^'
gravées identiques à celles qui se trouvent représentées
sur les murailles (fig. 2 p. 141); M. A. del R. conclut avec raison à leur
contemporanéité. En somme, comme il le pense, la base du gisement est
(1) Hbrimilio Algaldk del Rio. Las Pinturas y Grabados de las cavernas prehisto-
ricas de la Provincia de Santaader : Altamlra, Govalaaas, Horaos de la Pena, Cas-
tillo. — Santauder, 1906, 90 p. ; X pi.
144
VARIÉTÉS.
solutréenne, le sommet, magdalénien, et j'ajouterai solutréenne supé-
rieure et magdalénien inférieur. — M. A. del R. ne dit presque rien de
la faune, pensant qu'elle ne saurait, en Espagne, servir à distinguer
les niveaux; c'est une chose qui serait à vérifier, car si les différences
doivent être moins tranchées que plus au Nord, il se peut que certaines
espèces prédominent à des niveaux différents, correspondant à des ré-
gimes climatériques distincts : des Rongeurs des steppes, si je ne ne me
trompe, ont été découverts jusqu'en Portugal, et pourraient exister à
Santander. Je ne suivrai pas notre auteur dans le détail de sa descri-
ption d'Altamira; beaucoup de ses remarques sont excellentes, il a su
retrouver la plupart des figures que nous avions reconnues, mais les
dessins qu'il reproduit son vraiment assez médiocres et souvent inexacts :
par exemple, les propor-
tions de la grande biche du
plafond sont fausses : elle
est plus allongée que sur
son dessin; les bandes sca-
liformes du diverticule sont
à peine reconnaissables, et
en réalité beaucoup moins
régulières qu'il ne le mon-
tre . Je crains qu'il n'ait
voulu trop tirer de certains
assemblages de traits inin-
telligibles, où il voit des
Oiseaux ; à noter qu'il a re-
connu nos êtres humains à têtes d'animaux (il croit que ce sont des
têtes d'oiseaux) (1) et aux bras levés, ce qui lui donne Toccasion de rap-
porter qu'il existe encore une mascarade, en certains coins de la pro-
vince, où l'on se revêt entièrement de peaux d'animaux en se livrant à
mille excentricités. Nous reviendrons à nos conclusions sur certains
autres points.
M. A. del R. a découvert de nouvelles cavernes ; en avril 1903, à
Reocin, près de Barcenaciones, il découvre un riche gisement paléoli-
thique, mais sans gravures murales. En septembre de la même année,
avec le Père Sierra, professeur à Limpias, il découvre une gpotte pro-
fonde ornée de peintures, à Covalanas ; cette grotte, située dans les
hauteurs calcaires entre Ramales et le « pueblo » de Lanestosa, pré-
sente deux corridors profonds (60 à 80 m.) qui ont tous deux de nom-
breux traits noirs; dans l'un d'eux, près du fond, se trouve un ensemble
de peintures rouges: bœufs, biches, cheval dont le contour est simple-
KiG. 2. — Gravure sur os plat (demi-grandeur).
Couches supérieures d'Altamira; d'après M. Al-
calde del Rio.
(1) Ce qu'il prend pour une tête humaine barbue est celle d'un beau Bouquetin
mâle : M. A. del R. n'a pas vu que la corne continuait.
VARIÉTÉS.
145
ment tracé en traits rouges, tantôt continus et plus ou moins larges,
tantôt simplement indiqués par un pointillé (1). Il n'yani figure de bison,
ni gravures incisées ; l'ensemble est très grossier. Le sol de cette grotte
n'a presque rien donné, mais tout à côté se trouve un vaste abri^ à
sol très remanié, très riche en débris d'os et de silex.
En octobre 1903, M. A. del R. fit une nouvelle découverte à Hornos
de la Pena, ayuntamiento de San Felice de Buelna, à 3 kil. du village
de Mata; c'était une grotte s'ouvrant par un large vestibule, en partie
comblé par des débris de cuisine dont l'agglomération avait obstrué,
jusqu'à une date assez récente, l'entrée basse d'un étroit corridor qui
lui fait suite ; après 20 m. très surbaissés, il donne dans une série de
petites salles humides, dont les plus profondes laissent voir sous des
concrétions, des traits noirs, et surtout des lignes gravées, dans les-
quelles on a démêlé des figures de chèvres, de chevaux (2), de bison, et
d'homme ou de singe, semblables aux graphites d'Altamira. Près de
IIIWI
/rr^rr7r^ ïkrmni
5X7
FiG. 3. — Figures peiates ea rouge de la civ.irae de Gistillo, d'après M. Alcalde del
Rio. Tous les sigaes de la moitié de gauche et plusieurs de droite (au dessus de
la main) sont des dérivés de figures tectiformes.
l'entrée, il y a des traces de dessins profondément incisés, dont une
biche.
La plus importante trouvaille due au zèle de M. A. del R. est celle
de la grotte de Castillo, en novembre 1903; cette caverne, située à
Puente-Viesgo est de très grandes proportions ; après avoir franchi en
se baissant une étroite entrée, on tombe dans un petit vestibule qui
donne accès dans une énorme salle de 60 m. de long sur 25; dans la
(1) Il en existe d'analogues, également à tracé pointillé, dans la caverne du Kout-
de-Gaume, parmi les plus anciennes figures.
(2) A Altamira et à Hornos delà Pefia, M. A. del R. croit reconnaître, à la tête de
plusieurs chevaux, des indices de domestication (courroie autour des naseaux) ; je
considère ce détail du dessin comme l'indication d'une particularité du pelage, ce
trait séparant la région blanche de la bouche et des nasaux du reste de la tète très
foncé: les chevaux polychromes d'Altamira et de Marsoulas, au mufle clair et à la
tête rouge, renforcent mon interprétation.
l'ambropoloqie. — T. xvrr. — 1906. 10
146
VARIETES.
paroi de droite, s'ouvrent d'autres issues vers des salles communiquant
entre elles et aboutissant à un corridor unique qui pénètre à 230 m. de
l'entrée. Dans toutes ces salles, les murailles sont ornées de peintures
(fig. 3) et de gravures : dessins monochromes, noirs ou rouges, de che-
vaux, biches et bisons, fresquespolychromes de bisons rappellant celles
du grand plafond d'Altamira, jusque dans certaines attitudes contrac-
tées; nombreuses mains humaines, non pas imprimées en rouge, mais
cernées d'une masse rouge qui en délimite la
silhouette (1); points rouges, petits, moyens, ou
larges comme de gros disques, en assemblages sim-
ples ou compliqués; figures rouges complexes, faites
de bandes scaliformes et de lignes droites ou courbes
associées, étroitement apparentés aux figures ana-
logues d'Altamira, mais plus variées encore (2) ;
images en forme d'écussons renversés, peut être de
boucliers, qui forment un groupe tout nouveau;
nombreux dessins incisés, souvent indéchiffrables,
où il y a des biches, des Capridés, comme àAltamira;
petits traits noirs nombreux, sans forme fixe appré-
ciable comme à Altamira, que M. A. del R. rappro-
ché de semblables tracés publiés par Gongora y
Martinez en 1868 et reconnus dans des cavernes
d'Andalousie (3).
M. Alcalde del Rio a fait une fouille dans le ves-
tibule de la caverne de Gastillo ; sous un recou-
vrement superficiel de 0™,30 avec débris humains
et céramique grossière, se trouvait une première
couche archéologique, qui a montré un foyer
circonscrit avec de grosses pierres ; il contenait,
d'après l'auteur des fouilles, de nombreux poin-
çons en os, ainsi que des baguettes subcylindriques
en corne, des silex en forme de couteaux, de burins, de grattoirs, mais
surtout trois beaux harpons à un seul rang de barbelures (fig. 4), por-
tant, à leur base, au lieu d'un tubercule (saillie d'arrêt), un petit anneau ;
FiG. 4. — Harpons bar-
belés, des couches
paléolithiques supé-
rieures de Gastillo.
Demi-grandeur, d'a-
près M. Alcalde del
Rio.
(1) Fait tout nouveau, rappelant les mains des cavernes australiennes et califor-
niennes. Elles f*ont ici plus anciennes que la plus grande partie des autres figures
qui les détruisent.
(2) Je les considère toutes comme des variantes et dérivées de nos figures "tecti-
formes » de la Dordogne et de Marsoulas, et non comme des claies ou des radeaux,
comme le pense M. A. del R. ; il n'y a pas de doute que c'est là un ensemble uni-
voque.
(3) GoNGOKA Y Ma\{t\nez. Anliffuededades Prehisto7'icas de Andalucia; il cite des docu-
ments inédits de 1783 oii M. Lopez de Cardeuas raconte la découverte de ces dessius
avec croquis à l'appui, dans un rapport adressé au comte de Floridablanca, ministre
de Charles III.
VARIÉTÉS. 147
cet ensemble est magdalénien, mais M. A. del R. le dit associé à de menus
débris de céramique, et à des pointes de flèche en silex, à ailerons, du
plus pur type néolithique. En Espagne, où tout est à découvrir, cette
association peut être réelle ; en France, nous savons qu'elle serait l'indice
d'un remaniement ayant mêlé les restes de deux époques distinctes —
M. A. del R., en continuant ses fouilles, devra bien mettre en lumière
s'il n'y a pas eu certains mélanges fortuits, très facilement réalisables,
de l'assise superficielle et du niveau à harpons, qui pourraient avoir été
le fait, soit de l'homme néolithique qui a établi le dépôt funéraire dont
il reste des traces au-dessus, soit de quelque animal fouisseur. La faune
de ce niveau comprend des vertèbres de gros poissons, des os de cerf,
de chèvre, de cheval, d'oiseaux.
A peine séparé du précédent par une veinule d'argile, se montre
un second niveau, plus riche en silex ; ces deux niveaux ensemble
mesurent au plus O^'jSO d'épaisseur. Plus bas, sous 0"»,25 d'argile, il
trouva une nouvelle assise, qu'il sonda jusqu'à 1™, 25 de sa surface sans
en trouver la base : formée de cendres légères, noires, riche en débris
de chevaux et de ruminants, elle a donné des baguettes ornées d'inci-
sions, à base en biseau, rappelant les objets recueillis à la partie supé-
rieure du gisement d'Altamira (1).
En plus d'un point de son exposé, l'auteur que j'analyse insinue
quelques idées sur la chronologie des œuvres d'art qu'il décrit, j'y aurais
fait mainte objection si je ne m'étais réservé pour critiquer ses conclu-
sions synthétiques auxquelles je m'empresse d'arriver.
M. A. del R. reconnaît quatre périodes d'occupation des cavernes :
1) le Solutréen (base d'Altamira); — 2) le Magdalénien (Altamira supé-
rieur, et base de Gastillo); — 3) Transition du paléolithique au néoli-
thique (niveau supérieur de Gastillo avec harpons et flèches à ailerons) ;
— 4) Néolithique (couches superficielles et céramique de la grande
salle de Gastillo). Je n'y fais d'autre observation que les réserves déjà
mentionnées sur la possibilité de mélange en 3, qui en ce cas, serait
simplement du Magdalénien supérieur.
Pour les ornementations des murailles, qu'il parallélise aux trois
dernières phases de l'occupation des cavernes, il pense qu'elles doivent
se ranger en trois phases : 1. Figures surtout animales, particulièrement
de Bisons. — 2. Décadence des figures d'animaux^ nombreuses figures
géométriques. — 3. Graphiques purement symboliques, disparition des
figures d'animaux. — Pour ce classement, il ne se base pas, et il a bien
(1) M. A. del R. signale des débris de céramiques recueillis dans la grande salle,
qui présentent des bandes cordées et des zones ondulées ; je crois qu'il a tort de
chercher à les mettre en synchronisme avec une partie des peintures ; dans toutes
nos grottes de Dordogne qui se sout trouvées accessibles, l'homme a péuétré à tou-
tes les époques et y a laissé des débris de céramiques et de cuisine sans relations
avec les dessins des murailles.
148 VARIÉTÉS.
raison, sur la conservation plus ou moins bonne de ces œuvres d'art,
régie par des conditions toutes locales; une seule fois, il fait intervenir
la destruction mutuelle des figures, en remarquant, à Caslillo, que les
mains « inscrites » de rouges, sont plus anciennes que la plupart des
autres fresques, qui les recouvrent souvent. Il se base uniquement sur
le caractère de Tœuvre d'art, considérée dans son graphique, et se
laissa guider par la théorie bien connue qu'un art est d'abord natura-
liste, puis conventionnel, puis purement symbolique et géométrique.
On sait que cette théorie est très souvent vérifiée en archéologie et en
ethnographie, mais quand on peut substituera ce procédé « hypothé-
tique » un contrôle plus matériel, comme la constatation de la super-
position, de la destruction mutuelle des figures, il n'y a pas à hésiter;
or c'est ce qu'avec M. Cartailhac, j'ai fait à Altamira, et depuis, en
France, et les nombreux cas de superposition que j'ai constatés ici et là
me donnent des conclusions très différentes, et souvent toutes con-
traires à celles de M. A. del R. Évidemment, à Altamira, il n'a pas vu
les nombreux cas de destruction mutuelle, dont cependant notre article,
ici paru, et que M. A. del R. cite, donnait quelques indications pré-
cises. C'est ainsi que les petits signes noirs de galeries profondes d'Alta-
mira, que M. A. del R. range dans la dernière période, sont antérieurs
aux figures gravées, qui, en deux cas, recoupent nettement leur tracé
(fig. 7 et 8 de notre article : Anlh. 1904), et appartiennent par con-
séquent à une phase plus ancienne.
Les dessins d'animaux simplement dessinés au trait rouge ou noir,
que M. A. del Rio croit être l'œuvre d'un art en voie de dégénérescence,
sont ceux d'un art primitif dont la technique est encore élémentaire ;
en effet, à Altamira, les dessins noirs au trait sont détruits ou recou-
verts : 1° par des figures rouges dont M. A. del R. ne dit rien_, et qui
sont elles-mêmes toujours sous-jacentes aux polychromes et incisées
par des gravures aux traits ; 1^ par les polychromes eux-mêmes (1). Il
suit de là que les figures d'animaux que M. A. del R. range dans sa
seconde période sont toutes antérieures à la plupart de celles qu'il
range dans la première période, qui est le point culminant de l'évolu-
tion déjà avancée de l'art quaternaire.
11 y a pourtant certaines indications qui me paraissent justes, dans
ce tableau synthétique : \e grand développement des figures tectiformes
doit appartenir à une période très avancée de l'art quaternaire; en
France ils sont contemporains, ou un peu plus récents que les poly-
(t) Pour préciser : Le bison 14 de la planche II de M. A. del R. détruit avec sa
queue rarrière-train d'un petit bœuf simplement tracé en noir; la biche 19 a ses
pieds peints sur les figures rouges triangulaires ; sur le côté opposé de la salle,
où les peintures sont moins belles, il y a de nombreux cas de superposition de
rouge plat sur noir au trait et noir modelé, et de polychrome plus ou moins
nachevé sur rouge plat et sur gravures incisées.
VARIETES. 149
chromes. Je croirais aussi volontiers qu'une partie des figures symbo-
liques formées de gros points, et aussi certains autres à forme nette-
ment conventionnelle, en forme d'écusson, de triangle plus ou moins
arrondi, de Castillo, appartiennent à une période plus récente que les
figures animales ; on sait qu'a Marsoulas aussi, nous avons des fresques
non zoomorphiques en surcharge sur toutes les autres et dont les rapports
avec les galets coloriés aziliens ne sont pas dus au hasard.
Pour paralléliser le développement de l'art avec les assises archéolo-
giques, il y a, à AUamira, un point fixe, dont la connaissance est due
à M. A. del R., c'est l'identité des figures de biches gravées sur les
murailles et de celles gravées sur os : cela indique que les graffitis,
et les polychromes qui leur sont superposés, sont contemporains de la
partie supérieure des couches du remplissage, et permet d'induire,
contrairement à l'indication risquée par l'auteur espagnol, que tout le
reste : figures noires au trait des galeries, zoomorphiques ou non,
dessins et fresques rouge monochromes du grand plafond, figures noires
modelées, sont contemporains de la base du gisement et non d'une
période voisine du Néolithique ou de cette dernière époque (1). ATépoque
de transition, peut-être, se relient les points groupés et d'autres gra-
phiques conventionnels et stylisés qui existent à Castillo, mais peu ou pas
àAltamira.
Les critiques indiquées ci-dessus sont basées principalement sur mes
observations d'Altamira et celles de M. Cartailhac, mais elles sont ren-
forcées par les multiples observations concordantes que nos grottes
françaises m'ont permis de faire avec MM. Capilan et Peyrony, et dont
j'ai récemment donné, à l'occasion du Congrès préhistorique de Péri-
gueux, un court aperçu.
J'ai librement formulé mes critiques, elles ne doivent pas faire oublier
l'importante contribution positive qui résulte de ce beau travail; il est
le fruit d'une recherche courageuse, passionnée, vraiment scientifique_,
que de magnifiques découvertes ont vite récompensée. C'est avec
bonheur que nous voyons qu'en Espagne, où les préhistoriens étaient
si rares et si peu actifs, on se met à la besogne d'une façon qui nous
fait espérer d'importants et prochains résultats. Je souhaite bonne
chance, et des encouragements de toutes sortes à M. Alcalde del Rio.
(1) D'ailleurs aucune trace d'une époque plus récente que le Magdalénien ancien
n'est restée dans la grotte d'Altamira, qui, je crois, s'est fermée dès le Quaternaire.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER
RioGEWAY (W.). The origine and influence of the thoroughbred Horse (L'origine
et le rôle du Cheval de sang). 1 vol. 8° de 538 p. Cambridge, University Press, 190.o.
Le problème de l'origine et de la conquête de notre Cheval domes-
tique ou plutôt de nos Chevaux domestiques est un de ceux qui pas-
sionnent divers catégories de chercheurs, zoologistes, paléontologistes,
préhistoriens, archéologues classiques, historiens. La question est ainsi
abordée de tous côtés, par ses aspects les plus différents, et, malgré sa
très grande complexité, il semble qu'elle commence à s'éclaircir sans
qu'on puisse dire qu'elle soit résolue ou qu'elle sera résolue définitive-
ment à bref délai.
L'étude des textes ou des monuments de l'antiquité classique ne
peut nous éclairer que sur la fin de l'histoire de la plus noble con-
quête de l'Homme. Dès l'origine des temps historiques l'écheveau est
déjà très embrouillé. Les figurations dues aux artistes préhistoriques,
notamment aux artistes des temps quaternaires, figurations dont le
nombre a beaucoup augmenté dans ces dernièresannées, apportent des
données beaucoup plus précieuses. Théoriquement, c'est la paléontologie
qui devrait résoudre le problème, mais il lui faudrait une masse de docu-
ments bien plus considérable que celle dont elle peut disposer et sur-
tout il lui faudrait des pièces plus complètes. Tandis que toutes les col-
lections d'objets quaternaires renferment à foison des dents isolées ou
des morceaux de mâchoires, ou des os longs plus ou moins bien con-
servés, les crânes complets d'Equidés quaternaires sont encore raris-
simes et ce n'est qu'avec des crânes ou des squelettes complets qu'on
pourrait travailler en toute sécurité. Enfin les zoologistes ont fait des
prodiges d'analyse pour arriver à distinguer les formes actuelles, sau-
vages ou domestiquées, et, malgré de nombreux désaccords, leurs
travaux présentent quelques conclusions importantes acceptées par
tous.
C'est en sa qualité d'archéologue que M. Ridgeway a abordé le pro-
blème et nos lecteurs ont déjà appris par un compte rendu de M. Salo-
mon Reinach [LAnthr., XÏV, p. 200) à quels résultats est arrivé le savant
professeur de l'Université de Cambridge. Sa thèse est la suivante : On
a généralement cru que l'Arabie est le pays d'origine du Cheval de
sang. De nombreux textes anciens, tirés de la Bible, d'Hérodote, de
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 151
Strabon, montrent que cette assertion n'est pas fondée. Jusqu'à l'ère
chrétienne, les Arabes n'élevaient pas de Chevaux. Ils n'ont eu de
bonnes montures que lorsqu'ils eurent conquis l'Afrique du Nord qui
est le pays d'origine des purs-sang. On sait d'ailleurs que les Chevaux
furent en honneur en Libye dès l'aurore de l'histoire. Quand à l'origine
de Cheval arabe, barbe, ou libyen [Ëquus caballus libyens) il faut la
chercher en Afrique, bien que ce continent ne possède actuellement, en
fait d'Équidés sauvages, qu'un Ane et des Zèbres. D'après l'auteur le
Cheval libyen, ancêtre de tous les Chevaux de sang actuels, dérive d'une
forme autrefois zébrée.
Le présent ouvrage est consacré au développement de cette thèse.
Les premiers chapitres, pour la rédaction desquels l'auteur a eu l'assis-
tance de deux savants zoologistes, le Professeur Ewart et M. Pocock,
traitent de l'histoire naturelle du Cheval d'une façon très suffisante. Le
reste du volume comprend un très long chapitre sur les Chevaux dans
les temps préhistoriques et historiques, une étude sur l'origine du
Cheval libyen et une curieuse annexe sur le développement de l'équita-
tion. Le volume est parfaitement illustré, presque exclusivement avec
des reproductions photographiques, ce qui lui donne une haute valeur
documentaire.
De la première partie, nous retiendrons seulement les diagnoses
des espèces chevalines que l'auteur considère comme fondamen-
tales : 1" VEquus caballus typicus, qui est le Poney Scandinave ;
2» VEquus caballus celticus, défini par le Professeur Ewart (1); le Poney
d'Islande et des Hébrides ; 3^ VEquus Przewalskii, le Tarpan ou Cheval
sauvage; 4° VEquus caballus typicus, le Cheval barbe, ou arabe et tous
ses dérivés. Les trois premiers ont en commun un certain nombre de
caractères : taille petite, forte tête, crinière courte, queue dégarnie à la
base, robe brune, foncée, avec taches noires. Ils sont d'un tempéra-
ment difficile et ont dû être employés d'abord comme bêtes de trait ou
de charge plutôt que comme montures.
Le quatrième type, Barbe ou Arabe, présente un contraste frappant
avec les premiers ; il s'agit ici d'une forme grande ; la tête est fine,
allongée, au profil sinueux, aux narines saillantes; la crinière et la
queue sont longues et touffues ; leur robe est bai, avec souvent des
taches blanches. 11 y a, en a^ant de l'orbite, une dépression caractéris-
tique (souvenir ancestral de la dépression lacrymale de certains
Equidés fossiles?); ils paraissent avoir été employés dès l'origine
comme montures et avoir été soumis au moyen d'un simple chevêtre.
La plupart des Chevaux européens actuels ont du sang de Cheval
arabe mais le type ne parait prédominer que dans les purs-sang.
Le chap. lll, le plus long du volume, traite des Chevaux dans les
(1) Voir L'Anthropologie, t. XVI, p. 322.
152 ^ MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
temps préhistoriques et historiques. C'est un travail d'érudition qui ne
saurait être analysé mais qui devra être lu et toujours consulté par
les personnes qui s'intéressent à l'histoire du Cheval. Il ne peut être
comparé, à ce point de vue, qu'à l'ouvrage de notre savant compatriote
M. Piètrement. On y trouvera une revue de toutes les races anciennes,
modernes ou actuelles de Chevaux et en particulier d'intéressants
détails sur les races britanniques. Les conclusions de ce chapitre sont
au nombre de 19 qu'il serait trop long de rapporter ici mais qu'on peut
résumer en disant qu'elles sont à l'appui de la thèse de l'auteur sur
l'importance et la suprématie de la race libyenne.
L'origine de celle-ci fait l'objet du chap. IV. On sait déjà que l'auteur
n'hésite pas à la regarder comme une espèce distincte dérivée de
formes zébrées. Les arguments en faveur de cette manière de voir ne
sont pas sans valeur et si iM. Ridgeway avait été plus familiarisé avec
les travaux de langue française, il y aurait trouvé des faits à l'appui
de sa manière de voir. C'est ainsi par exemple que M. Piette a fait un
mémoire sur les Chevaux zébrés du Quaternaire de France, d'après des
œuvres d'art de Tâge du Renne ; j'ai moi-même essayé de montrer, d'un
côté, que VEquus Stenonis devait avoir été zébré et d'un autre côté,
que certains Chevaux quaternaires avaient pu dériver directement du
Cheval de Sténon pliocène.
M. Boule.
Manuel de recherches préhistoriques, publié par la Société préhistorique de
France. 1 vol. petit in-8° avec 205 fig. Paris, Schleicher frères, 1906.
Cet ouvrage est une des premières manifestations de la Société pré-
historique de France. Il est dû à la collaboration d'un certain nombre
de ses membres réunis en une commission dont iM. Edmond Hue était
le secrétaire. On ne peut que louer cette initiative.
Le volume renferme une grande quantité de renseignements dont
beaucoup seront fort utiles aux débutants. Il est divisé en deux parties.
La première, intitulée Technique générale, traite du matériel nécessaire
aux recherches préhistoriques, de la recherche, de la reconnaissance
et de l'occupation des gisements, de la législation des fouilles, de la
récolte et de la conservation des objets, de l'installation et du range-
ment des collections, des classifications préhistoriques, etc. La seconde,
consacrée à la technique spéciale, envisage successivement les stations,
ateliers, fonds de cabanes, stations lacustres, grottes, abris sous roches,
monuments mégalithiques, etc. Comme cet ouvrage est destiné au
grand public, les auteurs ont cru utile d'ajouter en annexe un vocabu-
laire des principaux termes et noms employés en préhistoire.
M. B.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 153
G. Steinmann. Die palâolithische Renntierstation von Munzingen am Tuniberge,
etc. (La station paléolithique de Tàge du renne de Munzingen sur le mont Tuni,
près de Fribourg en Brisgau). Bevichle der nalurforschenden Gesellschafl zu Frei-
burg i. B. t. XVI, 1906, p. 67 (53 fig.).
Le lœss récent du Tiiniberg atteint une épaisseur de 12 mètres. 11
comprend une couche inférieure régulièrement stratifiée, dont la base,
nommée par l'auteur zone de récurrence, présente des cailloux roulés,
et renferme des restes de Cheval, Mammouth, Rhinocéros, Renne, Cerf
et Chevreuil. La couche supérieure au contraire est un dépôt non stra-
tifié et ne renferme ni Escargots ni Mammifères. La station de Munzin-
gen se trouve exactement à la limite des deux couches.
Cette disposition du lœss s'observe dans tout le haut pays de Bade;
ses deux divisions correspondent au limon hesbayen et au limon bra-
bantien des géologues belges. Les couches inférieures se sont formées
sous l'influence d'un climat humide : les masses de lœss ancien étaient
entraînées par les eaux et déposées dans les vallées. La végétation était
abondante et permettait aux grands Mammifères de prospérer. Peu à
peu ces conditions se sont modifiées, le climat est devenu plus sec et
les parties supérieures du lœss sont d'origine exclusivement éolienne.
C'est au début de ce régime steppien que IHomme vivait à Munzingen.
Le lœss récent adonné, en Basse-Autriche, Bohême, Moravie, Hon-
grie, etc , toute une série de stations paléolithiques où dominent le
Mammouth et le Cheval ; à Munzingen on ne rencontre en revanche
que du Renne. Cette station serait donc un peu plus récente que les
stations situées plus à l'Est. La sécheresse progressive du climat a pro-
voqué le départ des grands Mammifères ; seul le Renne a persisté encore
quelque temps. Encore aujourd'hui cet animal trouve sa subsistance
dans l'extrême Nord et dans les steppes jusqu'au 52^ parallèle. En
somme il résulte de l'étude de la station de Munzingen qu'il est tout à
fait erroné de parler d'un « âge du Renne » comme d'une période pré-
historique déterminée. On peut se représenter de la façon suivante les
variations de la faune pendant le Quaternaire. Pendant certaines pé-
riodes, par exemple dans celle de récurrence du lœss récent, tous les
grands Mammifères ont coexisté au même endroit. A mesure que le
dessèchement faisait des progrès, et que la végétation se raréfiait, ils
ont émigré ; mais le Renne a persisté plus longtemps que les autres. Au
début de la dernière période glaciaire, celle de Wiirm (\o\v VAnthrop.,
t. XV, 1904, p. 25 et 55), la flore est redevenue plus riche, les Mammi-
fères sont revenus, le Renne peut-être avant les autres. De pareilles
modifications ont eu lieu à l'époque postglaciaire à la suite de varia-
tions climatiques plus faibles, de sorte qu'en une même localité on peut
rencontrer à plusieurs reprises une faune riche comprenant le Mam-
mouth, le Cheval, le Rhinocéros, le Renne et une faune pauvre repré-
sentée presque exclusivement par ce dernier. La faune seule ne permet
154 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
donc pas de déterminer r:\ge relatif des trouvailles archéologiques. Les
stations dites de l'ùge du Renne peuvent appartenir à des époques très
différentes. Dans le sud-ouest de l'Allemagne on peut distinguer dès à
présent deux « Ages du Renne » ; le plus ancien correspond à Tintergla-
ciaire de Riss-Wurm, le plus récent est postglaciaire et est représenté
par le Schweizersbild et Schussenried. Tous les deux succèdent à une
période à faune riche comme le montre le tableau reproduit plus loin.
11 va de soi que M. Steinmann rejette absolument les expressions
comme éburnéen, équidien^, tarandien, cervidien, qui d'après lui ne
peuvent conduire qu'à des conclusions fausses.
L'auteur passe ensuite à la description des objets trouvés. Nous n'en
retiendrons que les faits suivants. Des pierres de couleur rouge ont
été recherchées par les Paléolithiques, à 1 km. de la station, à cause de
leur teneur en ocre. On admet en général que l'ocre ou le manganèse
servaient aux préhistoriques à se peindre le corps ou à décorer les
parois des grottes. M. Steinmann ajoute un autre mode d'utilisation
possible. Les Tehuelches conservent les peaux de guanacos en les en-
duisant sur leur face interne avec un mélange de graisse et d'ocre ou
de terre riche en alun. Les Paléolithiques employaient peut-être un
procédé analogue.
Les instruments sont relativement peu nombreux (environ 300 pièces)
et indiquent qu'une horde de quelques individus seulement s'est établie
en cet endroit pendant une période assez courte. Ils sont de la variété
de silex qui se trouve sur les lieux mêmes, et appartiennent au type de
Solutré. Il y a concordance absolue, au point de vue de l'industrie,
entre Munzingen et les stations de Basse-Autriche, Moravie et Bohême.
Les pièces caractéristiques sont les pointes de Solutré, les pointes à
cran, les petits ct)uteaux, enfin les grattoirs nucléiformes. On se rap-
pelle que M. Schœtensack avait tenté de rattacher Munzingen au Mag-
dalénien. M. Steinmann fait remarquer que les pointes à cran manquent
dans les stations magdaléniennes, et que les pointes de Solutré y sont
rares et peu caractérisées. D'autre part on ne retrouve pas à Munzingen
les pointes fines ni les instruments bordés d'encoches, si communs à
Tépoque de la Madeleine et qui ressemblent à des lames de scie. Les
instruments en os sont très rares à Munzingen , aucun ne rappelle
l'industrie si développée à la Madeleine.
En résumé la station de Munzingen est bien du type solutréen ; mais
elle appartient en même temps à un âge du Renne. 11 y a là une contra-
diction apparente. Car on admet en général que toutes les stations à
Renne sont postglaciaires. La chronologie de l'époque paléolithique est
donnée par le développement relatif de l'industrie de la pierre et de
celle de l'os. A ce point de vue Munzingen est bien antérieur à toutes
les stations postglaciaires du type magdalénien. Il semble que dans
l'Europe centrale les termes intermédiaires de la série font défaut ; la
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
155
population aurait émigré, d'après Hoernes, parce que le climat était
devenu défavorable. Penck fait remarquer que la couche supérieure de
Solutré, avec son industrie lithique très développée et ses instruments
en os déjà avancés, constitue un terme de passage. Elle est certainement
plus récente que les stations du lœss, mais plus ancienne que toutes
les stations magdaléniennes typiques; elle coïncide avec le début ou
l'apogée de la dernière période glaciaire. Munzingen appartient au Solu-
tréen moyen, de même que plusieurs des stations du lœss, situées plus
à l'Est.
Si le lœss du Rhin supérieur était postglaciaire, comme on l'a
admis, on devrait y rencontrer l'industrie magdalénienne, comme à
Schaffhausen, Schussenried, Istein. Comme il n'en est pas ainsi, on est
conduit à admettre qu'il est interglaciaire. Les stations paléolithiques
de la région se classent de la façon suivante :
Époques géologiques
Stations
MaMiMIFÈRES
Industrie
Schweizersbild
Cerf, Chevreuil, ,
(couche grise).
Mouton, Chèvre. '
1
> Tourassien
Isteiu.
Cerf, Chevreuil.
\
Postglaciaire
Kessierloch ?
Mammouth, Cheval,'
Schweizersbild
Renne, Bos primig.
(couche jaune) ?
Renne, Cheval.
Renne. .
^ Magdalénien
Dernier glaciaire
Solutré ?
Renne, Mammouth.^
1
(Wurmien)
(supérieur).
Cheval, Bos primig.
1
l Loess réceut
.MuDzingeu.
Renne.
a. s
)
Egisheim.
Mammouth, Cheval.
> Solutréen
'3 te
Solutré (inférieur).
Renne. |
Q
f
Zone de
Achenheim.
Cheval, Mammouth,^
récarrence
\
Vôklinshofen.
Rhinocéros, Renne,
Bos primigenius.
1
) Moustérien
Avant-dernier glaciaire
(Rissien)
;
D' L. Laloy.
156 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
K. Gorjanovic-Krambehgek. Der paliiolithische Mensch und seine Zeitgenossen,
etc. (L'Homme paléolitliique et ses coDtemporaÏQS du diluvium de Krapioa en
Croatie) (i) Milleilungen der anthropologisclien Gesellschaft inWien, t. XXXV, 1905,
p. 197(3 PI.).
Des fouilles récentes dans la caverne de Krapina ont donné de nou-
veaux restes humains : deux frontaux avec les bourrelets sus-orbitaires
caractéristiques, deux fragments de mandibules d'adultes, des débris
de doigts, de côtes et de calotte crânienne. On a trouvé en outre un
crâne presque entier d'un Rhinocéros Mercki adulte et la partie anté-
rieure d'un individu jeune. Des foyers, des instruments de pierre et
un instrument en bois de hêtre ont également été relevés, mais ne font
pas l'objet d'une description dans ce mémoire. La coupe du gisement a
pu être complétée. Elle a montré qu'il y a eu une succession d'inon-
dations et de périodes de sécheresses; c'est pendant ces dernières que
THomme fréq-uentait la caverne. Ce n'est qu'après la dernière inon-
dation qu'il s'y est établi à demeure.
La Croatie n'a jamais été soumise à la glaciation. Aussi est-il difficile
d'établir un parallèle entre ses formations quaternaires et celles
d'autres parties de l'Europe. On y distingue un niveau inférieur à
couches inclinées, avec Rhinocéros Mercki et un niveau supérieur
horizontal, à Rh. antiquitatis. Il y a eu d'autre part des dislocations
importantes entre ces deux divisions du diluvium : tous les dépôts
pliocènes, et les sédiments quaternaires anciens, y compris ceux de Kra-
pina ont été plissés. M Penck a constaté dans les Alpesdes plissements
datant de l'invasion glaciaire la plus ancienne, mais n'a pas rencontré
de dislocations plus récentes. Il est impossible d'établir une corrélation
entre ces plissements anciens des Alpes occidentales et les plissements
plus récents constatés en Croatie. La comparaison des dépôts quater-
naires de Croatie et de Slavonie permet d'établir la stratigraphie
suivante :
I a. Étage de Krapiua : Homo primîgenius, Rhinocéros Mercki, Ursus spelœus,
C 6. Terrasses fluviatiles récentes (Brezovica),
II < c. Loess f Homo sapiens, Elephas primigenius,
( d. Dépôts fluviatiles S Rhinocéros anliquitalis.
Plissements des formations pliocènes et postpliocènes.
e) Étage de Bedekoucina: Argiles non fossilifères, peut-être synchrones,
de l'étage de Krapina. Il est probable qu'on peut synchroniser la
station de Krapina avec celle de Taubach, qui lui est très analogue au
point de vue paléontologique, et qu'il convient de les rapporter toutes
deux à l'interglaciaire de Gûnz-Mindel ou à celui de Mindel-Riess,
d'après la terminologie de Penk {L'Anthrop., t. XV, 1904, p. 25 et 55).
Après avoir donné les mesures relevées sur les divers ossements
(1) Voir l'article de M. Obermaier [UAnthrop., t. XVI, 1905, p. 13).
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 137
humains trouvés à Krapina, M. Gorjanovic-Kramberger établit de la
façon suivante les caractères de cette race^ dont il fait d'ailleurs une
espèce autonome, comprenant les squelettes de Neanderthal, Spy et
Krapina. La reconstruction du crâne de Krapina, corrigée par l'auteur,
donne un indice brachycéphale, d'environ 82, au lieu de 85,5. Cet
indice est à rapprocher de celui de Spy H, 81,1. Rappelons que celui
du Neanderthal est de 79 et celui de Spy I, 74,4. Ces différences
d'indice céphalique n'allèrent cependant pas le type général de ces
crânes; car leur indice de hauteur de calotte se maintient chez tous
entre 40,4 et 44,3 et est l'expression d'un front fuyant (Schwalbe,
VAnthrop,, t. XII, 1901, p. 440).
Dans le sens vertical le crâne de THomme quaternaire était également
soumis à quelques variations. De sorte qu'il est parfaitement légitime
d'admettre avec Schwalbe l'existence de races distinctes. La configu-
ration de l'apophyse crista-galli et de la lame cribreuse est différente
de celle de l'Homme actuel. L'apophyse est plus basse et raccourcie en
avant, la lame cribreuse est inclinée en arrière et en bas. Ces deux
organes sont situés plus bas que chez l'Homme actuel. Mais même
sur les crânes de Krapina on observe des variations à ces points de vue.
Ces particularités tiennent à la configuration du front.
Le développement plus fort des maxillaires a produit toute une
série d'adaptations : la forme spéciale de la fosse glénoïde, Tépaissis-
sementdutympanique, alors que l'apophyse mastoïde est peu développée.
Chez l'Homme de Krapina il y a une apophyse post-glénoïde telle qu'on
la rencontre chez les Anthropoïdes.
La mandibule présente, à l'époque paléolithique, de remarquables
différences. Tantôt elle est à peu près aussi haute au niveau de la
deuxième molaire qu'à la symphyse ; tantôt, comme sur la mâchoire de La
Naulette, la hauteur antérieure est bien plus grande qu'en arrière. Dans
cette mandibule la hauteur au niveau de la seconde molaire n'est
que 74 0/0 de la hauteur symphysienne; sur Spy I cette proportion est
de 86,8 et sur Krapina IV, de 92,1. Toutes les autres mandibules de
Krapina ont des valeurs inférieures à 86. Il n'y a pas de relation entre
ces différences et la grandeur de l'angle symphysien.
La forme de la mandibule du Krapina III est extrêmement remar-
quable : les incisives et les canines décrivent une ligne droite; les au-
tres alvéoles forment avec cette ligne un angle de 114^. Cette forme
anguleuse de l'arcade dentaire rappelle les mandibules des Carnassiers;
elle est peut-être individuelle et due à l'atavisme ; car elle ne se retrouve
pas sur les autres mandibules de même provenance.
On rencontre parfois à la place des apophyses géni une excavation
sublinguale. Sur la mâchoire de La Naulette il y a dans l'excavation
deux fossettes pour le génioglosse; il en est de même sur celle deChipka.
Sur Spy I et sur la mandibule de Babska il y a un bourrelet médian
158 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
qui divise rexcavation en deux. Au cours de l'évolution les fossettes
sont devenues de moins en moins profondes. On y trouve d'abord,
comme sur les mâchoires de Krapina, des saillies rugueuses qui sont
l'indication des apophyses géni. Celles-ci, caractéristiques de l'Homme
actuel, sont déjà en voie de développement sur les mandibules quater-
naires les plus anciennes, tandis que chez les Anthropoïdes les génio-
glosses sont insérés dans une excavation. 11 y a chez les Paléolithiques
toutes les formes de passage entre la conformation pithécoïde et l'état
de choses actuel.
L'auteur rapporte à l'Homme actuel [Homo sapiens fossilis)\es crânes
trouvés dans le loess de Brunn, la mâchoire de Goyet, Predmost, les
crânes du lœss du Vukovar et du diluvium supérieur de Brod. Mais cer-
tains de ces crânes ont des caractères qui rappellent Homo primigenius.
Depuis le Quaternaire inférieur il n'y a pas eu de lacunes dans l'évolu-
tion de l'Homme. Il n'y a pas sur le squelette d'Homo primigenius de
parties non-adaptatives qui rompraient la continuité de son évolution
vers la forme Homo sapiens. Au contraire on observe sur celui-ci des
atavismes qui rappellent l'Homme quaternaire et démontrent la conti-
nuité de cette évolution.
D^ L. L.
D. M. Bl\nkknhoi\n. Die Steinzeit und die Feuersteiaartefakte in Syrien-Palastina
(L'âge de )a pierre et les iastraments de silex eu Syrie-Palestine). Zeitschrift
fur Ethnologie, t. XXXVII, 1905 {VerhandL), p. 447 (17 fig.).
Les lecteurs de U Anthropologie ont eu la primeur des recherches de
Zumoffen sur la préhistoire delà Phénicie (t. VIII, 1897, p. 272 et 426).
M. Boule a d'autre part signalé (t. XI, 1900, p. 608), l'ouvrage de
M. Zumoffen sur le même sujet. Le travail de M. Blankenhorn vient
compléter et, sur quelques points, rectifier les conclusions fournies par
les études de M. Zumoffen.
L'âge du fer a commencé, en Palestine, avec l'arrivée des Philistins,
vers 1250 avant notre ère. Mais auparavant il y a eu une période du
bronze et un âge de la pierre sur lesquels nos connaissances sont assez
restreintes. Nous n'avons encore aucune donnée sur l'âge de la pierre
dans la Syrie septentrionale. Ce que nous allons dire s'applique donc
spécialement à la Syrie moyenne ou région du Liban et à la Palestine.
Les trouvailles rentrent dans cinq groupes distincts :
lo La surface des plateaux ou des versants des montagnes, qui ren-
ferme naturellement des débris de silex. Les trouvailles qu'on y fait
appartiennent surtout au Paléolithique ancien ;
2° La plaine côtière donne des débris paléolithiques et néolithiques;
3° Les vallées renferment des restes paléolithiques récents ainsi que
du Néolithique ;
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 1S9
4° Les cavernes et les grottes donnent du Paléolithique et du Néoli-
thique ;
5° Le sous-sol des tells ou de localités encore habitées aujourd'hui
renferme des ruines de slations qui vont du Néolithique à lïige du fer.
Quant aux sépultures elles ont donné peu de chose pour l'âge de la
pierre. Elles commencent à l'âge du bronze. L'auteur fait une revision
de tous les gisements préhistoriques de Syrie dans le détail de laquelle
nous ne pouvons entrer. Contentons-nous de donner, d'après M. Blan-
kenhorn, un résumé de la préhistoire de la Syrie. Elle comprend
10 phases dont 6 appartiennent à Tâge de la pierre, 4 à celui des
métaux.
1° L'auteur admet une période éolithique pendant le Pliocène supé-
rieur et le Quaternaire inférieur. A cette époque la vallée du Jour-
dain était occupée par un grand lac et la mer recouvrait toute la plaine
littorale. L'existence de l'homme est plus que douteuse et n'est en
tous cas démontrée par aucune trouvaille incontestable. Ce n'est que
sur les plateaux situés à l'Est du Jourdain et dans le désert syrien,
qu'on peut avoir chance de rencontrer des éolithes.
Dans la discussion qui a suivi, M. E. Krause fait remarquer que les
éolithes sont souvent difficiles à distinguer des instruments paléoli-
thiques et néolithiques Les formes éolithiques reparaissent dans les
périodes subséquentes; car au cours de leur fabrication, les instruments
même les plus parfaits passent par ces formes rudimentaires, et d'autre
part, on se contentait pour certains travaux, même aux époques
récentes de l'âge de la pierre, d'instruments tout à fait primitifs. C'est
pour la même raison qu'on ne peut toujours distinguer un instrument
paléolithique d'un néolithique. Le premier rôle dans cette diagnose
doit revenir à la stratigraphie.
2" Paléolithique ancien ouChelléen au sens large. Ce n'est qu'à cette
époque que l'homme s'est avancé vers l'Ouest, peut-être jusqu'à la côte.
On doit y rapporter probablement l'atelier d'Akbije sur la côte phéni-
cienne, peut-être aussi la station de la caverne d'Adlun, et en tous cas
une grande partie des trouvailles faites en Judée, sur les hauteurs situées
à l'Ouest du Jourdain, ainsi qu'à l'Est de ce fleuve, au mont Hor, enfin
quelques trouvailles du pays de Moab et d'Ammon.
3 Paléolithique moyen ou Moustérien, et Solutréen inférieur, corres-
pondant au dernier interglaciaire d'Europe. Dans cette période, favo-
risée par son climat, l'homme a pénétré dans les vallées et s'est répandu
le long des rivages de la mer. La plus grande partie des stations paléo-
lithiques de Phénicie appartient à cette période. Parmi les instruments
les types du Moustier prédominent; on rencontre aussi quelques types
solutréens, les instruments en os, aiguilles, etc., font leur appari-
tion. La faune comprend Rhinocéros tic/iorhinus, Bison priscus, Bos pri-
migenius {?), Cervus dama var. mesopotamicus, C. elaphus, Capreolus
160 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
pj/gargus, Capra primigenia, C. beden, Antilope dorcas. Sus scrofa,
Equus caballus, Ui'sus syriacus. Felis sp.
40 Paléolithique récent ou Magdalénien, correspondant à la dernière
extension des glaces. La seule station de cette époque est celle de la
caverne de Nahr Antelias, qui a donné de nombreux instruments en
os, ainsi que des ossements humaines qui semblent être le reste de
repas de cannibales. La faune était la même que dans la période pré-
cédente, mais on n'a trouvé ni f^os primigenius ni llk'moceros. En
revanche elle comprenait le Buffle et quelques Carnassiers nouveaux.
50 Néolithique ancien, ne correspond pas au Néolithique d'Allemagne
mais àla période de transition entre le Paléolithique et le Néolithique.
Apparition des instruments en pierre polie et delà céramique; celle-ci
est sans décor. Sur la côte on trouve des ateliers à l'embouchure du
Nahr Zaharani et sur le Ras Beirout, une station sur le Ras el Kelb.
Dans le Liban, brèches osseuses de Dschaita sur le Nahr el Kelb et de
Harajel sur le Nahr Salib. Dans la Galilée méridionale Chan Lubije, et
à l'Est du Jourdain le mont Nebo ont donné des objets de cette période.
La faune est exactement la même que pendant le Paléolithique; elle
comprend même le Rhinocéros tichorhinus (!?).
6^ Néolithique récent. Débuts de l'agriculture et de l'élevage. Instal-
lations fixes dans les vallées. Les habitations sont creusées dans le sol
ou dans les parois rocheuses; on a aussi élargi les grottes naturelles
au moyen d'outils en pierre. Des murs de terre entouraient les habita-
tions. Instruments en os et en pierre : couteaux prismatiques, scies,
grattoirs, haches polies, burins, faucilles. Celles-ci étaient emman-
chées dans une monture en bois qui en épousait la courbure; toute la
partie du silex qui n'était pas ainsi protégé a acquis sous l'influence de
l'usage un magnifique poli. Les animaux domestiques étaient le
Mouton, la Vache, le Porc, la Chèvre et peut-être l'Ane. Les morts sont
incinérés. Il y a des monuments mégalithiques dans les vallées et sur
les plateaux; ce sont des menhirs non taillés, des dolmens, des crom-
lechs, des cairns; il y a aussi des pierres à cupules. Certaines villes
(Gebal,Sidon, Gezer, Tyr, Hebron, Damas, etc.), datent de cette époque.
Elle paraît avoir duré de 4000 à 2000 avant notre ère et est déjà en
quelque sorte historique, car la race, probablement hamitique, qui
vivait alors a reçu de ses voisins plus civilisés diverses dénominations.
70 L'âge du bronze va de 2000 à 1250 avant notre ère. Il est caracté-
risé par l'apparition des Sémites qui ont précédé les Israélites : Amo-
rites, Phéniciens, Ghananéens et par celle des Héthites surtout à partir
de 1500. Au milieu d'eux vivent encore les restes des populations pré-
cédentes, qui n'ont été définitivement anéanties que parles Israélites :
ce sont les Rephaïm, Enakim, Emim, etc. On observe dans la civilisa-
tion des influences égyptiennes, babyloniennes et égéennes. Instru-
ments en bronze, en cuivre, en pierre et en os. Poteries gravées et
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 161
peintes, colonnes de pierres taillées et disposées en rangs, qui consti-
tuent des temples rudimentaires, sacrifices humains, culture de la
vigne et de l'olivier. On continue à élever des menhirs, des dolmens,
des cercles de pierres. Les stations les plus riches sont celles de Tell el
Hasi et Tell Ta'annek dans leurs couches profondes.
8<^ Débuts de l'âge du fer, 1250 à 1050. Deuxième couche de Sémites :
Philistins, Edomites, Israélites, Moabites et Ammonites. Le bronze
domine encore, et le silex est encore très répandu. Influences phéni-
ciennes.
9<* Avec le royaume Israélite, de 1050 à 600 nous pénétrons dans le
domaine historique. Mais ce n'est qu'à la 10^ période, de 600 à notre
ère qae le fer devient réellement prédominant, le bronze étant réservé
aux ornements.
D' L. L.
0. ScHOF.TENSACK. Tasoianische Steininstrumente (Instruments de pierre de Tas-
manie). ZeiLscfivift fiir Ethnologie, t. XXXVII, 1905 {VerfiandL), p. 362 (1 fig.).
L'auteur décrit des instruments en pierre trouvés en Tasmanie. Ce
sont des disques de fort petites dimensions, tranchants sur tout leur
pourtour. Leur épaisseur maxima varie de 12 à 22 millim. L'une des
faces est conchoïde, l'autre taillée à facettes. D'après les récits des pre-
miers colons, ces instruments n'étaient pas emmanchés; les indigènes
choisissaient pour chaque travail la partie du tranchant qui leur parais-
sait la plus convenable. Ils s'en servaient pour percer dans les troncs
d'eucalyptus, des échancrures qui leur servaient à y grimper, pour
préparer des peaux, pour écorcer du bois, etc. Cet instrument universel
est en somme une sorte de couteau rond.
Il est très répandu dans le Paléolithique. M. Schweinfurth l'a trouvé
dans le diluvium de Thèbes, M. Rutot a figuré (L'Anthrop., t. XI, 1900,
p. 720), un de ces disques provenant de l'horizon dit reutélien de
Belgique. On trouve ces disques même dans le Solutréen, alors que les
instruments de pierre étaient déjà très spécialisés. M. Schoetensack
fait remarquer que l'usage prolongé pendant des périodes très longues,
d'instruments non emmanchés, a dû contribuer à donner à la main de
l'homme l'habileté dont elle jouit.
D^L. L.
C. Mehi.is Neue nôolithiscbe Funde, etc. (Nouvelles trouvailles néolithiques de la
région du Rhin moyeu), Archiv fur Anthropologie, t. III, n° 4, 1905, p. 282
0 fig.).
La station néolithique en question est située à Wallbohl entre Neu-
stadt-an-der-Hardt, Hassloch et Spire. Elle a fourni un fragment de
meule et divers autres objets, entre autres une hache longue de
l'aNTHROPOLOGIK. — T. XVII. — 1906. 11
K2 MOUVEMENT SClENTIKlQUfc:.
20 cent., large de 3 à 5,5, épaisse de 1 cent. Le tranchant a 3 cent, de
large. Ces haches très plates avaient été considérées comme des rabots
ou des ciseaux pour le bois; elles portent en Allemagne le nom de
« Schuhleistenkeil » (haches en empeigne de soulier). M. Mehlis fait
remarquer qu'elles ont plutôt dû servir de bêches; l'expérience a prouvé
qu'elles se prêtent fort bien à ce genre d'utilisation. Une autre hache
de pierre n'a que 5 cent, de long, 2 à 3,5 de large, 1 à -4 millim. d'épais-
seur; elle a dû servir de pioche pour le jardinage.
La situation de cette station est intéressante : elle est placée sur une
barre diluviale qui domine une dépression creusée autrefois par le
Speyerbach. Les habitants se livraient à la pêche, comme le prouve un
harpon de silex. Sur le rivage à l'abri des inondations, ils faisaient de
la culture et de l'élevage; on a trouvé des os de Bœuf et de Cochon.
Toutes les autres stations néolithiques entre Spire et Neustadt occupent
des situations analogues sur les rives élevées des cours d'eau et dans
le voisinage immédiat de l'eau. Sur l'autre rive du Rhin on trouve,
entre Heidelberg, Ladenburg et Mannheim, des stations néolithiques sur
les bords du Neckar, toujours sur des points élevés, et non loin des
prairies et de l'eau. Ces régions favorisées ont continué à être habitées
pendant les époques du bronze et du fer, ce qui tient sans doute au voi-
sinage de la plaine où se pratiquaient la pêche, la culture et l'élevage,
et de la montagne où on pouvait se livrer à la chasse.
Au point de vue archéologique la période néolithique se divise de la
façon suivante dans le bassin moyen du Rhin : 1° céramique à bande
anguleuse ancienne, ou type de Monsheim ; 2° céramique à bande angu-
leuse récente ou type de Rôssen; céramique à bande spirale ou type de
Flomborn.
D'après les recherches récentes de Bartels, les deux derniers types
correspondent à un changement de population. Avec la céramique de
Rôssen on rencontre des crânes mésocéphales, à face haute et étroite;
avec celle de Flomborn, la dolichocéphalie est plus accentuée, la face
est basse et large, et il y a tendance à la prognathie. La céramique de
Wallbôhl appartient tout entière au type à bande en spirale; mais on
n'a pas encore trouvé de sépultures, de sorte qu'on ne sait rien sur le
type physique des habitants de la station.
C'est du sud vers le nord que s'est avancée la civilisation du type de
Flomborn. D'après M. Mehlis il s'agirait d'une onde de Ligures, qui a
refoulé la population primitive de la région. Une partie de celle-ci a
remonté les vallées du Main et du Neckar, ce qui explique les mélanges
de style que l'on constate à Heilbronn, et la rareté de la céramique à
spirale. Le reste a dû descendre dans la vallée moyenne du Danube et
passer dans la haute Italie par le Brenner.
B' L. L.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 163
0. ScHOETKNSAGK. NeoUthische Tongeâssscherben des Perm-livlândischen Typus und
Kieselartefakte von Palkino (Tessons de poteries néolithiques du type pormo-livo-
nien et instruments de silex de Palkino, gouvernement de Perm). Zeilsclirift fur
Ethnologie, t. XXKVIl, 1905 [Verhandl.], p. 357 (2 fîg.)-
Les objets en question ont été trouvés à Palkino, près d'Ekaterinbourg,
sur le versant oriental de l'Oural. Les tessons de poterie, nettement
néolithiques, ont une ressemblance frappante avec ceux trouvés en 1877
près du lac Burtneck en Livonie. Non seulement les décors sont sem-
blables mais môme la matière de ces vases présente une similitude
remarquable. Dans les deux cas elle renferme des fragments de
coquilles, probablement à'Unio. Si l'on considère que ces deux stations
sont éloignées de plus de 2.000 kilomètres et que des vases aussi fra-
giles n'ont pu être transportés de l'une à l'autre, il faut admettre que
le peuple qui possédait cette civilisation se livrait à des migrations
étendues entre l'Oural et la Baltique. Il serait intéressant de voir si
l'on fera des trouvailles analogues dans le territoire intermédiaire.
La couleur des tessons de Palkino est un jaune-grisâtre clair. La
forme des vases ne peut être reconstituée; mais d'après la courbure
des tessons, leur diamètre ne devait pas être inférieur à 15 centimètres.
L'épaisseur est de 6 à 19 mm. Le bord n'est marqué que par une faible
convexité. Les ornements sont en creux; on remarque des cordons
droits ou brisés, des zigzags, des croix obliques placées en rangs, des
ornements en T, des cavités arrondies, des rangées de triangles, etc.
Virchow avait déjà signalé {Zeitschrift, 1877) sur les tessons de Livonie
les particularités de ce décor, qui font de cette céramique un type
spécial.
En Livonie on n'avait trouvé avec les poteries que des instruments
en os. Les tessons de Palkino étaient en revanche accompagnés d'instru-
ments en silex. Ce sont des couteaux à section triangulaire ou tra-
pézoïde, des pointes de flèches à cran, dont quelques-unes sont créne-
lées. Ou n'a malheureusement pu déterminer si ces pièces proviennent
d'une sépulture ou d'une station.
Dr L. L.
W. Pekedolski. Eine bildliche Darstellung des Menschen, etc (Figuration de
l'homme sur un vase de terre néolithique). Archiv fur Anthropologie, vol. III,
fasc. 4, 1905, p. 289 (1 pi.).
Le vase en question a été trouvé en 1901 dans une station néolithique
située sur les rives du lac Ilmen, en Russie. On se rappelle que dans
l'ouvrage d'Ouvarov paru en 1881, cet auteur n'indiquait aucune trace
de l'âge de la pierre entre Novgorod et l'Ilmen. Novgorod, berceau de
la nation russe, apparaissait effectivement comme une ville neuve fon-
dée en pays vierge, par des Ariens venus d'Asie. Cette théorie arienne
164 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
reçut un premier ébranlement en 1882 lorsque Inostrantsev eut décrit
les restes de rûge de la pierre trouvés près du lac Ladoga. En 1886
Peredolski découvrit à l'embonchure du Volchov, près de Kolomza, une
grande station néolithique, qui a donné plusieurs milliers d'objets. La
nature du gisement prouve qu'il date au moins de la seconde époque
glaciaire; la station de Kolomza est située exactement à la limite méri-
dionale du glacier russo-scandinave le plus récent.
La station trouvée en 1901 par l'auteur, est située à 2-3 kilomètres
de Kolomza; elle date de la même période que la précédente. Elle est
caractérisée par des pointes de lances et de flèches très soignées. Mais
en môme temps on trouve des pointes du type de Saint-Acheul et du
Moustier et même des débris ressemblant aux silex tertiaires de The-
nay. Ce fait confirme ce qui a toujours été dit ici, à savoir que l'âge
d'une trouvaille n'est pas donné par le type des instruments, mais par
la stratigraphie.
Les grattoirs sont très nombreux, ce qui prouve que les habitants de
la station étaient chasseurs et s'occupaient de la préparation des peaux.
Beaucoup d'armes sont polies : elles sont en schiste. Or cette roche
n'existe pas dans la région de Novgorod et, comme le nord de l'Europe
était à cette époque recouvert de glace, cette matière ne peut provenir
que de l'Oural. Elle en était apportée à l'état brut, ou seulement ébau-
chée, car un grand nombre de pièces ne sont pas terminées. On a d'ailleurs
trouvé deux pierres à aiguiser, qui servaient à achever les instruments.
Il faut noter également un objet assez fréquent dans les stations du
lac Ilmen : ce sont les pierres à cupule. Près du village de Desiétino, il
y a un bloc de granit de près de 2 mètres cubes, dont la surface porte
sept dépressions arrondies disposées comme les étoiles de la Grande
Ourse. Près d'Erounovo, un bloc porte huit rangées de dépressions en
croissant. Une autre pierre, située près de la Verenda, affluent de
rilmen, est entièrement couverte de demi-lunes. Toutes ces pierres
datent du début de l'époque néolithique.
La station de Kolomza n'est visible que lorsque les eaux de l'ilmen
sont basses; elle forme une couche sombre entre l'argile bleue déposée
lors de la première extension des glaces et le limon rouge supérieur,
qui ne renferme aucune trace de l'homme. 11 est probable que le dépôt
de ce limon reconnaît la même cause que celle qui a forcé l'homme à
abandonner la région : la fusion du second glacier russo-scandinave et
l'inondation du pays. La couche néolithique est actuellement située plus
bas que le niveau moyen du lac.
C'est dans cette couche qu'ont été trouvés les tessons qui font le sujet
de cet article. Us ont permis de reconstituer un vase haut de 70 cent.,
épais de 12 millim., en terre bien cuite. Il est de forme sphérique, noir
à l'intérieur, jaune clair à l'extérieur. La face interne porte des impres-
sions qui peuvent faire penser qu'on s'est servi, pour faire le vase, d'un
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 165
noyau en herbages noués ensemble. Sur la face externe se trouvent des
ornements constitués par six bandes parallèles au bord supérieur; cha-
cune d'elles est large de 7 cent., et formée de séries de sillons verti-
caux. Ces bandes ont visiblement été produites par l'application de
rubans tissés en herbages. Au dessus se trouvent cinq figures animales
et une figure humaine qui semblent avoir été effectuées par le même
procédé. Les animaux sont tous tournés du même côté; on distingue
un corps, un long cou et une tête, mais pas de membres. La figure
humaine a un corps et quatre membres représentés chacun par une
rangée de dépressions; la tête est figurée par un cercle; elle porte deux
traits divergents qui peuvent figurer des plumes. A l'aisselle des bras se
voient deux petits prolongements qui représentent peut-être les seins.
Il s'agirait donc d'une femme nue et stylisée. Comme jusqu'à présent on
ne connaissait pas de figure humaine datant de l*époque néolithique,
il était intéressant de signaler celle-ci, malgré son caractère rudimen-
taire. D'autre part il est bien curieux de noter que c'est dans cette région
même de Novgorod, d'où date le développement historique de la Russie,
que nous apparaît, dès le retrait des glaces, la civilisation néolithique.
D-- L. L.
F. DouMERfiUE. Nouvelles contributions au Préhistorique de la province d'Oran
m Bull. Soc. Géogr. et Archéol. Oran, t. XXV, fasc. CV (oct.-déc. 1905)
pp. 399-412.
Dans ce travail (qui est un complément à celui qui a été publié in
A. P . A. S., 1898), M. Doumergue mentionne 85 stations dont la plupart
encore inconnues. En général les trouvailles faites dans ces stations se
bornent à des silex de facture grossière sans cachet bien défini et à la
découverte de débris de haches polies.
A Aïn Guettara, M. D. a récolté à la surface deux haches chelléennes.
A Tafaraoui, il a observé un foyer assez étendu d'où il a extrait des
débris de Gazelle, des Hélix et des silex de petite taille. Dans plusieurs
localités l'auteur a signalé des tumulus où il serait désirable de faire
les fouilles. Enfin à Tit Mokrani M. D. a remarqué de curieux amoncel-
lements de pierres ayant la forme de colonnes ou de pyramides qui lui
paraissent être des monuments mégalithiques.
Les découvertes de M. D. viennent augmenter très sensiblement le
nombre des stations déjà signalées dans le département d'Oran et nous
félicitons très vivement cet observateur pour le zèle dont il fait preuve
dans ses recherches.
P. Pallary.
HoBBNEs (D^ Moritz). Die Hallstattperiode (La période de Hallstatt). Arc/iiv fiir
Anthropologie, t. 111, 1905, q» 4.
Une vaste monographie critique sur la période de Hallstatt était
16(> MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
depuis longtemps désirée par les préhistoriens, dont aucun nignorait
la très grande difficulté d'une semblable tache. Il appartenait à
M. Iloernes, le savant professeur de préhistoire à l'Université de Vienne,
plus compétent que personne en cette matière, de répondre à cet appel.
Nous le félicitons de l'article important, qu'il vient de publier, et que
suivra bientôt, nous l'espérons, un grand ouvrage.
Le Hallstattien est divisé en général en deux phases, une première,
de longue durée, pendant laquelle dominait le style européo-géomé-
trique, et une plus récente et plus courte, pendant laquelle prévalait
le style oriental et plus tard hellénique. La première finit, d'après les
uns, vers 700, d'après les autres, vers 600à 500, avant J.-C. La civilisation
hallstattienne est essentiellement continentale et constitue un phéno-
mène retardataire. Elle ne s'est répandue d'une façon plus importante
ni vers la Méditerranée, ni vers la mer de Nord ou vers l'Océan. Elle a
eu au Sud de l'Europe son épanouissement, elle n'a pas dépassé le Nord
de ce continent, elle s'est terminée et restreinte à l'Ouest à l'époque
des Celtes. M. Hoernes ne se perd pas dans les hypothèses ethnogra-
phiques, actuellement à la mode, surtout chez les savants allemands,
d'après lesquelles les Germains_, descendants de la grande famille indo-
européenne, auraient alors dominé l'histoire de l'Europe; il critique ces
rêveries prématurées et il préfère se borner à une exposition scienti-
fique des connaissances positives actuelles sur la civilisation hallstat-
tienne, en renonçant à toute discussion stérile sur les races, les peuples
ou les nationalités.
Les habitations de l'époque de Hallstatt n'offrent rien de nouveau par
rapport à celles de l'âge de la pierre polie ou du bronze; elles sont
encore véritablement « préhistoriques » et ne présentent jamais des
pierres d'appareils ou des tuiles. Les villages, hameaux, etc. se trouvent
pour la plupart sur les hauteurs et sont souvent fortifiés par des rem-
parts ou fossés. Les constructions mêmes sont tantôt des huttes qua-
drangulaires, reposant sur des terrasses aplanies, ou complètement
artificielles, tantôt des cabanes creusées. Les « fondi de capanne » de
ritalie supérieure prouvent que ce pays aussi étaitencore '.< hallstattien »
même vers la domination des Étrusques (400 avant J.-C). Il en fut de
même jusqu'à 700 avant notre ère pour l'Italie moyenne et en partie
pour ritalie inférieure. Les urnes singulières, en forme de petites mai-
sons, qu'on rencontre aussi bien au Sud qu'au Nord de l'Europe (sauf
l'Allemagne du Sud) appartiennent au commencement du Hallstattien,
mais M. Hoernes n'ose pas tirer des conclusions précises de cette répar-
tition particulière.
Quant aux sépultures on rencontre, à notre époque, des tumulus et
des sépultures simples^ des incinérations et des inhumations. Les tumu-
lus et l'incinération sont simplement la suite de ceux de l'âge du bronze
et continuent pendant toute l'époque nouvelle, mais l'inhumation ne
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 167
fait défaut à aucun moment. Cette dernière est néanmoins quelque chose
de nouveau dans l'Europe moyenne, importée du Sud par l'influence
grecque et orientale. Le Nord de l'Europe a usé de l'incinération jus-
qu'à Tépoque romaine, k Hallstatt même il n'y a pas de doute que les
tombeaux les plus anciens contiennent exclusivement des incinérations
et leur mobilier funéraire est plus riche. Les « sépultures mixtes »,
dans lesquelles se présentent des parties de corps humains incinérés
et d'autres inhumés, sont encore une énigme. M. Hoernes ne nie pas
que des mœurs particulières étaient quelquefois la cause de cette sin-
gularité, mais il est convaincu qu'il s'agit souvent seulement de plu-
sieurs tombeaux successifs et de mode différente, où des remaniements
secondaires ont nécessairement eu lieu.
C'est surtout le petit mobilier, très abondant dans les tombeaux, qui
nous permet de classer exactement les différentes phases hallstattiennes.
Le rôle du bronze touche à sa fin; il ne sert plus que pour les
bijoux, les parures, etc. Quant au fer, on peut distinguer trois étapes :
la première, où le fer n'est qu'un métal de luxe, plus précieux que le
bronze, la seconde, où il remplace le bronze aussi pour les bijoux, la
troisième, où il est le métal usuel, qui domine d'une façon absolue
pour la fabrication des outils et des armes. M. Hoernes croit, que
c'étaient des forgerons voyageurs qui ont donné le branle aux indus-
tries locales du fer^ qui n'ont systématiquement commencé qu'assez
tard, mais alors avec beaucoup d'activité. En aucun cas nous ne possé-
dons des indications de migrations de peuples remarquables à cette
époque, auxquelles on pourrait rapporter cette nouvelle civilisation.
L'or est très rare, encore plus l'argent; le plomb, le cuivre et l'étain
servent surtout pour la fabrication du bronze.
Les types hallstattiens diffèrent de ceux de l'âge du bronze par une
variété considérable; en général, tous les bijoux en fer sont indigènes,
ainsi que la plupart des armes et des outils en fer_, les bronzes et les vases
en terre cuite, soit de style simple, soit imitations; évidemment sont en
général étrangers tous les types méridionaux trouvés isolément,
ensuite toute la poterie faite au tour, les objets en verre ou en émail et
les bronzes estampés très fins. Il est certain que la grande porte d'en-
trée pour la civilisation hallstattienne fut le Nord de la mer Adriatique,
le pays des Illyriens, dont les stations d'Esté, SantaLucia, Saint-Michael,
Watsch. etc. sont fort célèbres. Cette province adriatique (ou celle de
l'Est des Alpes), à laquelle appartiennent le groupe d'Esté, de Novilara,
la Dalmalie, la Croatie et la Bosnie, est d'une importance capitale. Le
Hallstattien de l'Europe centrale forme : a) un groupe du Sud-Est,
(entre la mer Adriatique et la Drave) ; b) un groupe moyen (le Nord de
la Carinthie et de la Styrie, l'Ouest de la Hongrie, la Haute et la Basse
Autriche, le Sud de la Bohême et de la Moravie) ; c) un groupe du Nord-
Est (le Palatinat supérieur, le Nord de la Bohême et de la Moravie, la
1H8
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
es
w
s
^ O
os
o •
o
o rn
jj -q:i
®^
«^
>M
es
P-
a
o
o
0
08
©
I— (
eS
H
ÙE)
u
Q
ad
o.
o
o
a o
•SI
Phase des épées
hallstattieunes
en hroDze
en
-a)
-S
en c-c
-a d
en <U
0)
en
Phase des
poignards hallstat-
tiens à anteunes;
apoiiée de la
céramique
polychrome
Transition à
l'époque de
La Tène
Première et
seconde étape
de La Tène
«^.§ëSa
.2 o- o !=) 2
^ïaS-S^
:2dg-§5cd
|ë-^a5^
^ eu ■£
-cd
z
u
>-
s H
o ^-^
ce
a t- O cti o
._ »<D a T! «=
S "" 2 * —
n ._ 3 g
.2 "^ c d o
03 a P s- ^
■OJ 3 çd o o
a "^ ,5;- P^o
O a3 O o^
^ .«3 Ci.
<u d'
a^ ^
H
en
â
s
m
Q
C
O
c5
d
d oo
o
C/2
«doc
*j - —
5<1
S-?
hJ 0
cd io
(M
A
0
03
>
'en'
.^4 d
O
i 1
«3 .2
5 1
'en
0.2
d ™
•S a
td 3
2 tf .
2 0 o; ^
'2 .. a.2 0
«t3^ oj 0
a en N i-i
d g a> Qm
C
— do
1 <M ^— .
d o!2
o td o
-T< a jo
09 CQ —
112
2 ce c=>
QC en I
0-0
:§0^
cr 0
Étapes
(eu chiffres
approximatifs).
os '
1.
-it3
O
<=>
05
0
c>
an
-«3
0
<=>
>*
-cd
0
<=>
20
0
0
(N
'Cd
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 169
Silésie et la province do Posen); d) un groupe d'Ouest (l'Allemagne du
Sud et de l'Ouest, le Nord de la Suisse et l'Est de la France).
Nous aurons l'occasion de discuter les types concordants et discor-
dants de ces divers groupes, quand M. Hoernes aura publié son grand
livre détaillé. Voici le tableau comparatif, que le savant auteur a
ajouté (comme essai préliminaire) à son important travail.
D»" H. Obermayer.
Joseph Hampel. Alterluemer des fruehen Mittelalters in Ungarn (Antiquités du
commeucement du moyeu âge en Hongrie). 2 volumes et 1 atlas. F. Vieweg et
flls, Brunswick, 1905.
L'histoire primitive de la Hongrie s'étend jusqu'à 1.000 après J.-C. et
ses dernières époques, à partir de la période romaine jusqu'au roi saint
Etienne, ne sont pas moins importantes que les phases purement pré-
historiques de ce pays intéressant. Car la Hongrie fut de tout temps un
milieu de transition pour les peuples reliant TOrient et le sud-est de
l'Europe à la partie centrale du continent. Cette position centrale y
amassa, surtout après la destruction de Tempire romain, des trésors
uniques de l'antiquité classique mourante et des barbares, dont nous
trouvons les vestiges même dans les traditions héroïques et dans l'his-
toire d'Allemagne. De cette manière nous y rencontrons non seulement
des antiquités des peuples germaniques, mêlées à des produits carolin-
giens et langobardiens, mais avant tout de riches trésors de l'époque
païenne hongroise, où se reflètent la civilisation et l'art byzantins, sas-
sanides et orientaux.
Seul un savant, comme M. le D'" J. Hampel, professeur à l'Université
et directeur du musée national de Budapest, pouvait entreprendre de
décrire ce monde nouveau, jusqu'ici presque inconnu des savants, qui
ne pouvaient lire les ouvrages en langue hongroise. L'œuvre de toute
sa vie comprend deux volumes, dont le premier compte 851:) pages avec
2.359 figures, le second 1006 pages avec un nombre à peu près égal
d'illustrations, et un Atlas comprenant 539 tableaux. Ces indications
suffiront à donner au lecteur une idée des matières que le maître de
l'archéologie hongroise a traitées d^une façon remarquable.
Les changements fréquents de la population ont créé en Hongrie une
véritable mosaïque de peuples, de sorte que M. Hampel se voit amené
à diviser les antiquités de ce pays en quatre grands groupes :
a) Le premier groupe, pourvu de riches trésors et de découvertes
faites dans les sépultures, a pris naissance sous l'influence antique; on
lui attribue le nom de groupe germanique. Il s'étend du iv« au ix^ siècle
(jusqu'à la chute de l'empire des Avares).
b) Encore plus influencé par l'extrême civilisation romaine et par celle
des pays à l'est de la Méditerranée, fut le groupe des Sarmates, qui va
no MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
également du iv« jusqu'au tx*' siècle. La plupart de ses restes se trouvent
dans la grande plaine hongroise et sur le terrain pannonien.
c) Le troisième groupe est extrêmement mêlé; on l'appelle groupe des
Avares, peuple qui a joué un rôle dominant depuis la seconde moitié
du vi^ siècle jusque vers le ix*" siècle. L'immigration des Slaves en Hon-
grie a eu lieu probablement avant le vi'' siècle; à cette même époque,
les Avares conquirent le pays et y dominèrent jusqu'à la fin du viir siècle,
pour céder la place aux Francs, avec lesquels les Bajuvares, Lango-
bardes, etc., ont également pénétré dans les parties occidentales. Néan-
moins M. Hampel conclut avec raison que, quoique les Avares aient été
maîtres du pays, l'industrie contemporaine doit être attribuée, comme
celle de tous les peuples équestres, aux indigènes assujettis.
d) Le groupe hongrois est surtout déterminé par des monnaies du ix°
et X' siècle; il va jusqu'au xii«.
C'est à travers ce kaléidoscope de peuples qui nous ont laissé heureu-
sement des traces archéologiques innombrables, que M. Hampel con-
duit les savants, en exposant et discutant les divers groupes d'antiqui-
tés. Le chapitre intéressant sur les forteresses et les habitations est
suivi d'autres non moins importants sur les tombeaux (ornés de sym-
boles chrétiens et païens), sur les outils (haches, marteaux, couteaux),
et sur les instruments de la vie quotidienne (surtout les meules, les
fuseaux, les clefs, les objets de toilette). D'un extrême intérêt est le
chapitre sur les vases en terre cuite et en métal (surtout en or et en
argent), ceux sur les armes (flèches, lances, poignards, épées, sabres,
étriers et brides). Je citerai encore de savants exposés sur les vêtements
et sur la bijouterie (fibules, diadèmes, boucles d'oreilles, aiguilles,
bagues, perles, etc.). L'archéologie, qui s'occupe de l'histoire de l'art
et de l'ornementation comparée, étudiera avec plaisir la seconde partie
relative aux ornements (ornements plats, en relief, ornements végé-
taux, etc.).
Le second volume donne la description détaillée des découvertes
archéologiques des quatre groupes à la fois. M. Hampel consacre au
premier 70 pages (avec beaucoup d'illustrations dans le texte) auxquelles
correspondent 63 planches dans l'Atlas. Au second groupe sont réser-
vées 260 pages de texte et 195 planches, au troisième 97 pages et
63 planches, au quatrième 247 pages et 106 planches. Je voudrais atti-
rer l'attention des lecteurs parmi les 98 planches du supplément sur-
tout sur celles où sont splendidement reproduits les olifants primitifs.
Cet exposé ne donne qu'une insuffisante idée des richesses traitées
dans l'ouvrage. Il n'y a guère de question d'ethnologie ancienne, d'ar-
chéologie, d'histoire de civilisation et de Fart hongrois, qui ne se
trouve ici largement traitée et souvent définitivement résolue. M. Ham-
pel a produit une œuvre fondamentale, digne d'être mise à côté du
manuel d'archéologie allemande de M. Lindenschmidt : Handbuch der
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 171
deutscken Altertumskunde. Pas un savant s'occupant de la fin des
époques primitives en Europe, ne pourra s'en passer à l'avenir.
D^ H. 0.
L. Manouvbier. Crânes de l'époque mérovingienne. Bull. Soc. Anlhrop., n»* 5-6,
1905.
Le D»" L, Manouvrier présente à la Société d'Anthropologie cinq crânes
recueillis par M. Boulanger (2 au cimetière mérovingien de Cléry et
3 au cimetière mérovingien de Maurepas, dans la Somme). Ces crânes
sont trop peu nombreux pour pouvoir servir à caractériser un type
ethnique, mais l'un d'eux se trouve être individuellement très remar-
quable. Son aspect général, son prognathisme très accentué, la forme
en U de ses mâchoires, lui donne une allure australoïde assez nette,
seulement corrigée par les caractères de la région nasale. 11 ne faudrait
pas, daprès l'auteur, attribuer pour cela à ce crâne une origine ethnique
particulière. Ce serait à son avis le mélange d'un certain nombre de
caractères crâniens du Néanderthal et de Spy avec un prognathisme
très accusé et les marques d'une polistesse squelettique générale qui
aurait donné à ce crâne son aspect spécial.
Si on rapproche ce cas de ceux dans lesquels on a déjà trouvé des
ressemblances avec certains crânes exotiques, on ne peut s'empêcher,
dit M. L. Manouvrier, de voir dans ces réalisations morphologiques un
argument en faveur de l'hypothèse monogéniste.
R. Anthony.
L. Capit>n et Papillault. L'identification du cadavre de Paul Jones et son
autopsie, 113 ans après sa mort. Bull. Soc. Anlhrop.., nos 5.5^ 1905.
Chacun se rappelle sans doute qu'au cours de Tannée dernière (1905)
le gouvernement des Etats-Unis envoya en France une mission spéciale
qui avait charge de ramener en terre américaine le cadavre de l'amiral
Paul Jones, le fondateur de la marine américaine.
Paul Jones était, par le fait de circonstances spéciales, mort à Paris
en 1792 et avait été enterré au cimetière des protestants étrangers, rue
Grange-aux-Belles. Ce cimetière ancien est aujourd'hui couvert de mai-
sons, et on ignorait dans quelle partie du cimetière pouvait être son
cercueil. Tout ce que l'on savait, c'est que Pillustre marin avait été
inhumé dans un cercueil de plomb; mais cela était bien insuftisant
comme renseignement. Sous une maison on trouva un cercueil sem-
blant répondre assez bien au signalement; on le transporta à l'Ecole
pratique de la Faculté de Médecine, et ce fut là que son ouverture fut
pratiquée, il contenait un cadavre en bon état de conservation, por-
tant une chemise sur le devant de laquelle était une marque formée
d'un J et d'un P associés en un seul chiffre. Il y avait donc déjà de très
fortes présomptions pour que ce fût là le cadavre de Paul Jones, mais
172 MOUVEMENT SCIENTfFIQUE.
ridentitlcation basée sur les caractères physiques pouvait seule tran-
cher la question d'une façon définitive. MM. Capitan et PapillauU
étaient charités de cet important et délicat travail. Ils n'avaient pour
cela, à leur disposition, que deux sources de documents : quelques
détails historiques sur Thabitus extérieur de l'amiral et deux bustes du
personnage attribués à Houdon. On savait que Paul Jones était mort à
45 ans, qu'il avait les cheveux bruns et une taille de i°^,10. L'examen
du sujet fut d'accord avec ces données.
Des deux bustes précités, un seul fut utilisé par les anthropologistes,
celui qui appartient au Musée de Philadelphie et dont il existe un mou-
lage au Trocadéro. Au point de vue descriptif pur, les anthropolo-
gistes purent se rendre compte que sur le buste et le cadavre le mode
d'implantation des cheveux, la forme du front, celle des os malaires, de
la racine du nez, du menton, de l'oreille étaient identiques; Tun et
l'autre présentaient le même prognathisme général de la face et le
même prognathisme particulier de la mandibule.
Outre cela, MM. Capitan et PapillauU purent relever 6 mesures sen-
siblement identiques. La coïncidence de tous ces détails si précis
mettait hors de doute l'incontestabilité de ce fait, que le cadavre en
question était bien celui de Paul Jones.
L'anatomie pathologique vint encore corroborer ces résultats déjà
si certains, et le professeur Cornil a pu reconnaître sur des coupes des
différents viscères de l'amiral les lésions histologiques correspondant
aux maladies dont il avait souffert pendant son existence.
A la suite de la lecture de cet intéressant travail à la Société d'An-
thropologiC;, le professeur L. Manouvrier, tout en déclarant que pour
lui l'identité du cadavre de Paul Jones ne faisait aucune espèce de doute,
regrette que MM. Capitan et PapillauU n'aient pas songé à faire mouler
en entier la tète du cadavre après en avoir disposé la chevelure comme
elle l'est sur le buste de Houdon.. Sur une épreuve de ce moulage un
anatomiste expérimenté, assisté d'un sculpteur habile, aurait pu essayer
d'effacer autant que possible les altérations des traits d'origine cada-
vérique ; et le document ainsi obtenu aurait pu être exposé dans un
Musée d'Amérique.
On ne peut que trouver excellente l'idée de L. Manouvrier qui, si
elle eût été mise à exécution, eut eu l'avantage d'éviter aux Américains
le moindre doute sur l'identité de leur grand homme.
R. A.
A. IvA^ovsKl. Ob antropologuitcheskom sostavié naselenia Rossii (Sur les éléments
constitutifs de la population de la Russie). Bulletin de la Soc. Imp. des Amis des
se. natur., d'anthrop. et d'ethnographie auprès de iVniversité de Moscou, t. CV,
1904, p. 1-287.
Les études relatives aux caractères anthropologiques des populations
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 173
de la Russie sont de date assez récente. C'est, en effet, à la deuxième
moitié du siècle dernier que remontent les travaux concernant Torga-
nisation physique des différents peuples habilant la Russie; des données
précises, des études anthropologiques proprement dites, dues aux
efforts des savants russes aussi bien qu'à ceux des étrangers, sont plus
récentes encore. Il est curieux de remarquer que les peuplades habi-
tant les provinces baltiques, la Sibérie, le Caucase, l'Oural... ont attiré
surtout l'attention des anthropologistes, de sorte que l'étude des habi-
tants de la Russie centrale, des Russes proprement dits, laisse encore
beaucoup à désirer. Quoi qu'il en soit, les matériaux relatifs à l'anthro-
pologie de la Russie sont à l'heure actuelle déjà tellement considérables
qu'un certain classement des données acquises dispersées dans toutes
sortes de publications, qu'une systématisation et une étude compara-
tive des caractères anthropométriques des différents peuples de la Rus-
sie, s'imposaient d'une manière pressante. C'est celte tâche, très aride,
mais d'une importance indiscutable, que s'est donnée M. Ivanovski, et
l'œuvre qu'il nous fournit est d'une grande valeur, non seulement pour
ceux qui désireraient se mettre au courant de l'état actuel de la ques-
tion, mais aussi pour les travailleurs futurs qui y trouveront une
bibliographie très riche, comprenant même des travaux inédits.
Les caractères anthropologiques qui servent de base à la classifica-
tion de M. Ivanovski sont les suivants ; 1) la couleur des cheveux et des
yeux, 2) la taille, 3) l'indice céphalique, 4) l'indice facial, 5) l indice
nasal, 6) la hauteur du crâne, 7) la longueur du tronc, 8) le périmètre
thoracique,9)la longueur des bras et 10) la longueur des jambes.
Certes, on pourrait reprocher à l'auteur d'avoir laissé dans l'ombre
plusieurs autres caractères différentiels du type physique, mais il ne
faut pas oublier que le choix de ceux-ci était forcément limité par la
nature des travaux existants, et qu'il n'a pu utiliser que les mensurations
faites par divers auteurs, chez les différents peuples de la Russie, de la
manière la plus uniforme et la plus explicite.
Notons tout d'abord que l'étude anthropologique de M. Ivanovski
s'étend à 84 groupes ethniques russes. De nombreux tableaux, des
cartes etc., en facilitent l'exposé.
1. Le type blond a très peu de représentants dans la population de la
Russie (13 0/0); la grande majorité appartient au type mélangé (25 0/0)
et surtout au type brun (62 0/0). Un coup d'œil jeté sur la carte de la
Russie européenne accompagnant le mémoire met en évidence que le
type blond est plus répandu à l'est qu'à l'ouest, et qu'il est plus clair au
nord qu'au sud. Au Caucase, il n'y a que 5 0/0 de blonds, les éléments
autochtones sont surtout du type brun (75 0/0). Ce dernier type a plus
de représentants encore en Sibérie (85 0/0) et surtout en Asie moyenne
(89 0/0).
2. D'après la taille, les peuples de la Russie sont répartis dans les
174 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
4 catégories classiques : petite taille, taille au-dessous de la moyenne,
etc. Les représentants du premier groupe sont surtout nombreux en
Russie orientale, ceux du dernier, en Russie occidentale. Les habitants
du Caucase sont caractérisés par leur haute stature ; ceux de la Sibé-
rie sont de petite taille. D'une manière générale, 45 0/0 de la popula-
tion de la Russie sont de petite taille ; 28 0/0 ont la taille au-dessous de la
moyenne; 17 0/0, au-dessus de la moyenne, et, enfin, 23 0/0 sont de
haute taille; c'est-à-dire que le nombre de représentants de petite taille
est égal à celui des sujets de haute taiUe.
3. Les données relatives à l'indice céphalique des divers peuples de
la Russie sont relativement les plus nombreuses chez les auteurs, ce
qui a permis à M. Ivanovski de recueillir un nombre de chiffres consi-
dérable. La population de la Russie est surtout brachycéphale ; en effet,
on y trouve 5 0/0 de dolichocéphales, 10 0/0 de sous-dolichocéphales,
17 0/0 de mésocéphales, 33 0/0 de sous-brachycéphales et 35 0/0 de
brachycéphales. Il en est à peu près de même au Caucase; en Sibérie,
la proportion de brachycéphales est encore plus considérable. — 11 est
curieux de remarquer que la mésocéphalie est surtout accentuée chez
le type blond, et que plus un peuple appartient au type brun, plus y
est considérable la proportion de dolichocéphales et de brachycé-
phales.
4. Les données relatives à la hauteur du crâne sont beaucoup moins
nombreuses. Les hypsicéphales sont plus répandus à Test de la Russie
qu'à l'ouest ; au nord, le nombre de chamœcéphales est un peu moins
grand, et celui des hypsicéphales plus grand qu'au sud. D'une manière
générale, il y a en Russie 61 0/0 de chamsecéphales, 18 0/0 d'orthocé-
phales et 21 0/0 d'hypsicéphales. Notons que la proportion de chamaecé-
phales est surtout élevée chez les peuples dolichocéphales. Les peuples
du type blond sont exclusivement chama^céphales.
5. Voici les chiffres relatifs à lindice facial : il y a en Russie
(européenne et asiatique) 8 0/0 de leptoprosopes, 61 0/0 de mésopro-
sopes et 31 0/0 de chamœprosopes. La proportion de leptoprosopes
est surtout marquée chez les peuples dolichocéphales ; chez les bra-
chycéphales, ce sont les chamieprosopes qui prédominent.
6. Quant à l'indice malaire, malgré son importance en anthropologie,
il a dû être laissé de côté par M. Ivanovski, car les chiffres rapportés
par divers auteurs à ce sujet sont souvent contradictoires, ce qui tient
aux méthodes différentes de mensuration dont ils se sont servis.
7. Dans les tableaux des indices nasaux, l'auteur se sert de la classi-
fication de Deniker, d'après laquelle, chez les platyrhiniens, l'indice
dépasse 85; il n'est donc pas étonnant que la grande majorité des popu-
lations russes soient indiquées comme leptorhiniens, que la proportion
de mésorhiniens soit peu élevée et celle des platyrhiniens tout à fait
insignifiante.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 175
8. Relativement à la longueur du tronc (distance entre Tacromion et
le raphé périnéal) les données rapportées par l'auteur sont assez peu
nombreuses : elles montrent cependant que la plupart des peuples de la
Russie sont caractérisés par un tronc d'une longueur relativement
considérable; il n'y a, en effet, que les Ossètes, les Oudis, et surtout
les Bachkirs qui aient un tronc court. La longueur du tronc est surtout
prononcée dans le type brun et dolichocéphale.
9. Le pourtour de la poitrine est plus grand chez les peuples blonds
que chez les bruns. D'une manière générale, les peuples à poitrine
moyenne dominent; ceux à poitrine large sont peu nombreux; la
poitrine étroite n'a presque pas de représentants.
10. Quant à la longueur du bras (distance entre l'acromion et l'extré-
mité du doigt médian), la plupart des peuples russes sont caractérisés
par de longs bras ; ceux à bras courts sont exceptionnels. Notons que
plus la poitrine est étroite, plus les bras sont courts; par contre, chez
les peuples à large poitrine, les bras longs sont beaucoup plus fréquents.
11. Les chiffres relatifs à la longueur des jambes comparés à ceux con-
cernant d'autrescnractères anthropométriques ont fourni certains détails
intéressants; ainsi, la proportion des sujets à longues jambes est surtout
grande chez les peuples à tronc court; chez les peuples à poitrine
étroite, les sujets à jambes courtes forment la majorité ; et, enfin, les
peuples à jambes courtes sont aussi caractérisés par des bras courts.
Le mémoire de M. Ivanovski se termine par un chapitre très intéres-
sant intitulé : Essai d'une classification anthropologique de fa popula-
tion de la Russie. C'est une sorte de classement comparatif et synthé-
tique des peuples d'après le plus grand nombre de caractères physiques
analogues qu'ils présentent. En combinant de la sorte différents
peuples suivant le degré d'analogie (I, il, III), l'auteur a pu établir
plusieurs groupes anthropologiques, dont voici les principaux :
• Le groupe slave, comprenant les Grands Russiens, les Blancs Russiens,
les Petits Russiens (1), les Polonais^ les Lithuaniens, les Tatares de
Kazan, les Bachkirs. Les Kalmouks d'Astrakhan sont voisins de ce
groupe. Il est bien entendu que les caractères anthropologiques de ce
groupe varient dans des limites assez larges.
Les Juifs forment un groupe distinct, bien défini, appartenant surtout
au type brun, brachycéphale, mésoprosope, à longs bras, à longues
jambes, à poitrine peu développée.
Au nord de la Russie, les Lapons se sont isolés en un groupe parfai-
tement distinct, caractérisé par leur petite taille, parla brachycéphalie,
par un tronc très grand relativement à la taille; la poitrine accuse un
développement plus grand que chez tous les autres peuples de la Rus-
sie.
Les Samoyèdes font partie du groupe mongol. Les Lettons, les
(1) Les Petits Russiens du gouvernement de Kief forment un groupe isolé.
180 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
5 ayant un nez aqiiilin. Quand on visite les quartiers juifs d'Alger, de
Constaiitine et de Tunis on ne larde pas à remarquer la rareté de cette
forme du nez.
A. Drzewina.
R. Lehmann NiTscHir. Les lésions bregmatiques des crânes des îles Canaries, et
les mutilations analogues des crânes néolithiques français. Bull. Soc. Anthrop.,
5<= série, t. VJ, fuscicule 3, 1905.
Dans cette courte note, M. R. Lehmann Nitsche, à propos du rappro-
chement qu'il avait fait en 1903, dans le Bulletin de la Société d'Anthro-
pologie de Paris, entre les lésions du crâne néolithique de Menouville,
décrites par L. Manouvrier et celles qu'on trouve fréquemment sur les
crânes anciens des Canaries, cite le témoignage de Fray Juan Abreu
Galindo (1632) et de Fray Alonso de Espinosa (1594). Ces auteurs donnent
de précieux renseignements sur la chirurgie et la médecine des Guanches.
Lorsqu'ils souffraient de douleurs, dit Fray Juan Abreu Galindo, ils
se faisaient des scarifications sur la peau de la partie malade avec leur
couteau en silex appelé tabonas; en cas de sufïocation, ils employaient
la saignée qu'ils pratiquaient avec des lancettes de silex. Ils pansaient
ensuite la blessure avec de la graisse de chèvre bouillante.
Cette indication, maintes fois rapportée avant M. Lehmann Nitsche est
très précieuse, et, on conçoit aisément qu'un traitement pareil appliqué
sur la tête d'un individu ait pu produire des lésions analogues à celles
observées et décrites par L. Manouvrier sur des crânes néolithiques.
L'explication qu'il en a donnée trouve dans les citations des deux anciens
auteurs espagnols un nouvel et puissant argument en sa faveur.
R. Anthony.
SciiuLTz-LoREMZEN. — Eskimoemes Indvandring i Grônland (L'arrivée des Eski-
mosau Groenland). Meddelelser om Grônland, vol. XXVI, no VI, pp 291-330. Copen-
hague, Reitzel, 1904, in-8.
On croit généralement que les Eskimos du Groenland constituent une
race homogène ; tout concourt à entretenir cette opinion : l'uniformité de
la langue parlée sur la côte ouest, la ressemblance apparente de la
civilisation, le caractère sédentaire des habitants de la grande terre
polaire. La découverte de la tribu d'Angmagsalik n'a guère modifié
l'avis des savants sur ce point : les habitants du Groenland oriental
étant restés à l'abri du contact des Européens, out conservé l'ancienne
civilisation groenlandaise ; la différence qu'on observe entre leur langue
et celle de la côte ouest s'explique parle fait de leur isolement.
M. Schultz-Lorentzen, par des études sur place et par la comparai-
son des textes ethnographiques, établit plusieurs divisions de la race
groenlandaise : les Eskimos de la côte occidentale proviendraient de
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 181
plusieurs vagues successives d'envahisseurs, ceux de la côte orientale
ne seraient qu'une branche alliée à l'une des tribus de l'Ouest. Les
recherches ont été guidées par la constatation de différences dialec-
tales chez les Groenlandais occidentaux. M. Thalbitzer avait déjà cons-
taté l'existence de plusieurs dialectes, indépendamment de M. Schultz-
Lorentzen qui était alors au Groenland; mais ce dernier ajoute une
observation critique dont l'importance n'échappera pas aux ethno-
graphes : ce qui a créé l'illusion d'une langue groenlandaise unique,
c'est la réduction opérée par les missionnaires danois des divers dia-
lectes à une langue écrite : les différences phonétiques ont été effacées,
en apparence, par l'adoption d'une transcription uniforme ; mais les
Eskimos des différentes régions ont conservé la prononciation tradi-
tionnelle, etl'w, s'il est prononcé ow par les habitants du district d'Hol-
stensborg, sonne comme un i dans la bouche des indigènes de Julia-
nehaab.
La construction du kayak, celle de la maison, la forme des vête-
ments, le tatouage montrent qu'il existe de grandes différences entre
les habitants des diverses latitudes du Groenland occidental. Mais la
démonstration de M. Schullz-Lorentzen devient réellement intéressante
lorsqu'il parle de la direction des voyages que font les Groenlandais et
qu'il analyse les raisons qui déterminent cette orientation. Il constate
que les Eskimos du Sud voyagent beaucoup plus que ceux du Nord ;
leurs voyages s'effectuent toujours vers le Nord et pour des rai-
sons traditionnelles : un homme va où a été son père, et son fils l'y
suivra. Toutes les légendes recueillies chez les Groenlandais des envi-
rons du cap Farvel parlent de voyages dans la direction du Nord; ces
déplacements ont lieu en été et tendent à reporter peu à peu la popu-
lation vers des sites plus septentrionaux. Au contraire, tous les voyages
des habitants de la côte Est s'effectuent vers le Sud, comme s'ils vou-
laient se rapprocher de la pointe de la grande île. Nous ne suivrons pas
M. Schultz-Lorentzen dans le détail de ses explications; ses conclusions
sont les suivantes : le Groenland a été peuplé par trois flots successifs
d'immigrants, le premier a passé par le détroit de Smith, a contourné
le Groenland par le Nord et est descendu le long de la côte orientale;
les Eskimos du Sud-Ouest étaient en avant-garde; ils doublèrent le
cap Farvel et s'établirent dans le riche district qu'ils habitent aujour-
d'hui; l'arrière-garde occupa, au cours des siècles, la côte est à diverses
latitudes; cette côte est aujourd'hui presque déserte; à l'exception de
la tribu d'Angmagsalik, tous les habitants ont été se fondre avec leurs
frères de la côte ouest. La seconde vague, après avoir^, elle aussi, fran-
chi le détroit de Smith, se glissa entre la côte et le glacier de Humboldt
et envahit le Groenland par le Nord; les tribus qui habitent aujour-
d'hui la partie moyenne de la côte occidentale du Groenland tenaient
la tête; celles qui occupent le district de Disko fermaient la marche.
182 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Peut-être la tribu d'Upernavik provient-elle d'un troisième flot d'immi-
i^rants. En 1379, l'avant-garde du second flot atteignit le district de
Godthaal) et se heurta aux Scandinaves, qui étaient alors les seuls habi-
tants de cette contrée — cet épisode est raconté dans le Hàukshôk.
Les deux groupes de la côte occidentale restèrent distincts jusqu'à
l'arrivée des Européens au xv!!*" siècle, et môme encore aujourd'hui on
peut constater quelques différences entre eux.
H. Beuchat.
Garl Lumholtz. Décorative Art of the Huichol Indians (L'art de la décoration
chez les Indiens Iluichols). Memoirs of the American Muséum of Natural History,
Anlhropologij, vol. 11,3. New-York, 1904, pp. 279-326, 169 fig., 14 pi. in-4.
M. Lumholtz nous donne ici les résultats de ses recherches sur les bro-
deries des Huichols ; la plupart des motifs qu'il reproduit existent sur les
pièces de textiles rapportées par M, Diguet et qui figurent au Musée du
Trocadéro. Cette circonstance en facilitera l'étude pour nos lecteurs et
donne à ces pièces un grand intérêt.
Mais c'est surtout par ce que l'on nous dit de la valeur que les
Huichols attachent à ces dessins que le travail est intéressant. Les
généralités de M. Lumholtz, quoiqu'elles soient quelquefois contre-
dites par le texte, ne manquent pas de donner sujet à la réflexion.
Nous y voyons que tous les motifs décoratifs ont une origine religieuse ;
cependant, il résulte des explications mêmes de l'auteur que les Huichols
ne sont pas très sûrs de la valeur qu'il faut attribuer aux figures déco-
ratives dont ils font usage (voir, par exemple, pp. 451 et 465). Nous
sommes tout à fait d'accord avec M. Lumholtz lorsqu'il remarque la
relation qui existe entre les choses de même forme des ceintures et les
rubans sont des représentations de serpents, animaux qui sont associés
avec le dieu de la pluie, et, par suite, sont des prières pour la pluie) ;
c'est là de la sympathie pure ; et nous pouvons nous étonner qu'il
n'insiste pas davantage sur le fait remarquable de la représentation du
serpent sur les ceintures. En figurant ces animaux producteurs de
pluie sur des objets qui, dans l'esprit des Huichols, sont déjà efficaces
pour cet objet, on obtient ainsi un charme des plus puissants; et
c'était, pour l'auteur, une bonne occasion pour nous parler de la forme
que prend, dans l'esprit d'hommes aussi « primitifs » que les Huichols,
la représentation d'un phénomène naturel et de sa cause.
Les conclusions de M. Lumholtz sont peut-être trop absolues en ce
qui concerne le but (plus ou moins conscient) poursuivi par les Huichols
dans la fabrication de leurs objets décorés ; l'esthétique tient, certes,
une grande place dans leurs préoccupations, et on nous dit, d'ailleurs,
que les motifs sont assemblés pour obtenir le maximum d'effet. De
plus, la forme des dessins, même de ceux qui sont le plus employés,
n'est pas très bien fixée, et suit l'inspiration de l'exécutant.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 183
Il est digne de remarque que, contrairement à ce qui a été avancé
par des théoriciens mal informés, les motifs floraux soient indigènes.
Nous ne saurions adopter l'avis de M. Boas (p. 287, note 1) sur Torigine
espagnole de l'aigle bicéphale des broderies huicholes : M. Diguet nous
a donné des renseignements verbaux qui infirment cette opinion. Nous
serions cependant tout disposé à voir une influence espagnole dans la
forme de certains motifs, qui s'inspirent vraisemblablement de l'art
héraldique européen.
H. B.
G. A. DoRSEY and A. L. Kroeber. — Traditions of the Arapahos (Les Traditions des
lûdiena Arapahos). Field Colwnbian Muséum. Anthropological séries, vol. V. Chi-
cago, octobre 1903, in-8, 475 p. (parvenu en 1905).
Ce recueil des mythes, contes et légendes des Arapahos a toutes les
qualités et tous les défauts de ce genre de travaux. La collection des
textes a été faite avec le plus grand soin, les détails sont abondants;
mais le classement des traditions est aussi imparfait que dans les autres
livres de folklore. Les traditions sont classées suivant les « thèmes »
qu'elles renferment, et d'après l'affinité de ces thèmes entre eux. Pour
commode qu'elle soit, cette méthode ne rend pas exactement compte de
la nature des faits exposés; elle est cependant préférable à celle qui
classe les traditions d'après les « phénomènes naturels » qui inter-
viennent dans les récits. Les auteurs ont rendu un grand service aux
ethnographes en joignant aux textes l'interprétation qu'en ont donnée
leurs informateurs; ces commentaires nous enseignent ce que les Ara-
pahos voient dans leurs contes : certains leur apparaissent sous un
aspect purement moral; d'autres sont considérés comme de véritables
mythes, expliquante nature ou l'origine des choses et des institutions;
d'autres encore sont de simples « contes de bonne femme », auxquels
on attache peu de valeur.
Ce que les auteurs n'ont pas mis en lumière, et qui possède pourtant
une importance de premier ordre, c'est l'esprit général de ces contes;
c'est l'élément proprement « primitif » qui entre dans leur composition ;
ce sont les circonstances particulières dans lesquelles agissent tous les
personnages qu'ils présentent. Ces conditions sont, naturellement, très
différentes de celles dans lesquelles se meuvent les héros de la litté-
rature européenne (nous parlons de la littérature proprement dite, et
et non du folklore) ; elles nous montrent quel est le processus dé
l'association des idées chez les peuples inférieurs, et, à ce titre, elles
méritent d'être mises en relief. Les actions humaines, et même natu-
relles, ne sont pas distinguées suivant les catégories d'espace et de
temps, mais suivant les quartiers du monde dans lesquels elles ont
lieu. Les rites religieux, par exemple, pour être valables, pour acquérir
IS4 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
le caractère d'universalité nécessaire à leur bon fonctionnement, doi-
vent être répétés aux quatre points cardinaux. Ces directions ne
sont d'ailleurs pas les nôtres : elles correspondent au nord-est, au nord-
ouest, au sud-est et au sud-ouest de notre compas. Les traditions nous
montrent que d'autres nombres sacrés déterminent les actions : le 5 et
surtout le 7.
La plupart des actes que narrent les traditions se passent dans un
temps mythique, placé avant le temps banal. C'est alors que vivaient
les ancêtres des clans, qui se confondent à la fois avec les animaux et
avec les dieux. Aussi est-il très difficile — pour ne pas dire impossible —
de décider, lorsque l'on parle d'un personnage à nom animal, si c'est
de cet animal qu'il est question, ou bien d'un humain. Le nom, chez
les primitifs, représente la chose_, mais la représente d'une façon beau-
coup plus réelle que chez nous : on peut dire que le no)n et la chose qu'il
représente se confondent. On comprend alors qu'un homme nommé
Loutre, participe de la nature de cet animal jusqu'à être un individu de
son espèce. Mais, et il est nécessaire d'insister sur ce point, cette notion
n'est plus chez les Arapahos qu'une survivance. Ils en sont à ce stade
de l'évolution intellectuelle oij les hommes cherchent à s'expliquer les
légendes dans lesquelles il est question d'ancêtres à forme animale :
ils supposent alors que les hommes peuvent prendre le « vêtement » de
tel ou tel animal et le déposer quand bon leur semble. Cette explication
peut sembler puérile, mais paraît être la mieux adaptée à l'esprit des
hommes arrivés à ce degré d'intelligence ; elle est générale dans l'Amé-
rique du Nord.
L'influence des Européens se manifeste de plusieurs façons : elle paraît
avoir agi puissamment sur l'association des idées chez les Arapahos :
dans une légende (p. 7), qui a certainement un fond ancien, les événe-
ments s'enchaînent suivant les lois de la logique européenne; on pour-
rait dire, si les deux mots ne juraient pas, que c'est un mythe ratio-
naliste. Ce rationalisme se reconnaît encore dans l'interprétation de
plusieurs traditions.
Les thèmes sont ceux que l'on trouve chez les autres peuples des
Prairies : faits extraordinaires accomplis par des gens qui diffèrent de
leurs concitoyens par quelque trait particulier (gens très sales, très
paresseux, enfants abandonnés, etc.) ; subsistances placées miraculeuse-
ment sur la route d'une jeune fille ; conception et naissance miracu-
leuse ; plongée sous la glace effectuée à l'aide de certains rites, « fuite
magique », etc.
Certains mythes méritent de retenir notre attention : ce sont ceux
qui racontent la création du monde et le déluge. Le créateur de la terre
est tantôt « Pipe-plate », tantôt un homme qui possède cette merveil-
leuse pipe. La Terre est pêchée au fond des eaux par la Tortue. Le
déluge est produit par un artifice magique; la terre est repêchée
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 185
au fond des eaux, comme il est raconté dans les mythes de création.
Il n'est pas question de traditions de clans; par contre, MM. Dorsey
et Kroeber nous donnent une précieuse collection de légendes sur l'ori-
gine des sociétés secrètes. 11 faut encore signaler, comme possédant un
intérêt spécial, une courte légende qui raconte la vie du Christ, sous
un aspect presque méconnaissable ; il est intéressant de voir la forme
prise par l'histoire du Messie des Chrétiens chez un peuple qui fut en
proie il y a une dizaine d'années, à une crise messianique.
Nous pouvons encore glaner dans ce volume plusieurs indications
ethnographiques. Bien qu'il ne soit question nulle part de totémisme,
nous en trouvons partout des souvenirs : les noms animaux abondent;
les espèces animales jouissent chacune de pouvoirs magiques spéciaux :
certains de ces animaux ont concédé leurs pouvoirs à des individus
qui sont peut-être, — mais c'est là une pure hypothèse — des ancêtres
de clans. Partout il est question des sociétés secrètes et de leur action ;
nous apprenons à connaître leur hiérarchie traditionnelle, et nous voyons
qu'elles constituent le cadre politique et religieux de la société arapaho.
Les renseignements mythologiques abondent : « Pipe-plate », « Le Jeune-
Bison blanc », jouent un rôle important, mais ISiha^ça^ envahit
tout : c'est un personnage énigmatique, qui apparaît parfois comme
une véritable divinité, mais qui nous est présenté le plus souvent par
la tradition comme un être malfaisant ou ridicule ; il tient la place
occupée par le Coyote dans la mythologie des autres peuples des Prai-
ries.
H. B.
H. R. VoTH. — The Oraibi Oaqôl ceremony (La cérémonie d'Oaqôl à Oraibi). Field
Columbian Muséum « The Stanley Mac Cormick Expédition », vol. Vl, n» 1. Chi-
cago, 1903, ia-8, 46 p. 28 planches.
La cérémonie de rOa<7o/ ou Owakûl est accomplie par une société reli-
gieuse de femmes; elle est originaire du pueblo de Mishongnovi et fut
introduite à Oraibi par une femme appartenant au clan du Sable. Tous
les clans d'Oraibi sont représentés dans la société de VOaqôl, cepen-
dant, les gens du clan du Sable prédominent. Les transports de culte
d'un pueblo à l'autre ne sont pas rares; toutes les cérémonies sont
d'ailleurs composées de rites semblables, arrangés de façons différentes,
et possèdent un même symbolisme : il suffit que quelque membre d'une
société secrète change de village pour que le culte de cette société
s'étende.
La cérémonie dure neuf jours, comme toutes les grandes fêtes des
Hopis; les rites sont ceux accomplis d'ordinaire par les indigènes de
cette partie de l'Amérique : fabrication de bahos ou bâtons de prière,
ablutions avec de l'eau puisée à certaines sources, construction d'un
autel où l'on attache les symboles des dieux et des éléments, sau-
186 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
poudrage avec de la farine sacrée, prières aux points cardinaux,
etc. Ces rites ne sont pas publics (seuls les membres de la société et
ceux attendant l'initiation peuvent y assister); ils s'accomplissent dans
une kiva (chambre souterraine); les danses n'impliquent pas l'emploi
de masques (il en est ainsi pour toutes les cérémonies qui ont lieu
entre les mois de juillet et de février). On doit noter que certains chants
sont en une langue autre que le hopi.
H. B.
James Mooney. — Myths of the Cherokee (Les mythes des Cherokees). Extrait du 19th
Annual Report of the bureau of American Elhnology. — Washington, Government
preuting olfice, 1902, 576 p. in-4, 20 pi., 1 carte (Parvenu en 1905).
Cet ouvrage était attendu avec impatience. Nous croyions même y
trouver la totalité des résultats fournis par le dépouillement des nom-
breux textes cherokees recueillis par l'auteur. Sur ce point, notre
attente a été déçue; nous ne pouvons cependant pas nous plaindre, car
M. Mooney nous donne une moisson abondante de légendes qu'il fait
précéder d'un résumé substantiel de l'histoire de la tribu, qui vient
heureusement compléter les renseignements autrefois fournis par
M. C. C. Pvoyee. Nous n'insisterons pas sur cette partie de l'ouvrage, plus
historique qu'ethnographique; nous nous contenterons de dire qu'elle
constitue une excellente introduction à l'étude des mythes.
Venons à l'objet spécial de l'ouvrage. M. Mooney nous retrace, en
quelques pages, la physionomie des conteurs d'histoires, qui ont la
garde des traditions tribales, écrites dans les caractères cherokees
inventés, il y a environ un demi-siècle^ par le chef Sequoya : ce sont,
en général, des Indiens éduqués, souvent même ceux qui remplissent
auprès de leurs compatriotes le rôle d'évangélisateurs. A côté des
fonctions qui leur sont confiées par les Européens, ils perpétuent, sous
une forme plus savante peut-être, les croyances traditionnelles de la
tribu. La contradiction entre ces deux fonctions n'est qu'apparente :
il est tout naturel que des hommes recouverts d'un caractère sacré par
des gens qui, comme étrangers, ont un caractère spécial, conservent les
choses sacrées de la tribu ; il est naturel aussi que ce soient eux les
médecins et les magiciens du groupe auquel ils appartiennent.
Les traditions sont fort mélangées et le titre général de mythes est à
peine justifié. Il faut en accuser le vague dans lequel flotte la termino-
logie des ethnographes américains plutôt que l'auteur lui-même.
On ne peut guère considérer comme de véritables mythes que les
textes relatifs à la création du monde ou à l'origine des corps naturels,
tant animés qu'inanimés. Les « histoires merveilleuses » que nous
narre M. Mooney, pas plus que ses (^ légendes historiques » ne peuvent
en aucune façon, rentrer dans la catégorie des mythes.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 187
Les traditions les plus importantes sont naturellement les traditions
cosmogoniques. II est surprenant de voir que, même à l'époque où
M. Mooney a observé les Cherokees, ces mythes aient été aussi effacés
dans la mémoire de ce peuple. L'unique version de la création qui nous
soit rapportée est bien analogue à celle que les anciens auteurs ont
récoltée chez les autres tribus iroquoises. Cependant les nouvelles ver-
sions que publie M. J. N. B. Hewitt pourront modifier, peut-être, notre
opinion à cet égard. Pour tout le reste, la tradition cherokee est extrê-
mement prolixe. On s'y perd un peu : on aperçoit bien, vaguement,
que les choses sont classées ; par suite de l'influence européenne la
fantaisie individuelle s'y est largement donné carrière, probablement à
une époque assez récente.
Les divisions adoptées dans plusieurs chapitres du livre paraissent
être les mêmes que celles des Cherokees : les animaux quadrupèdes
d'une part, les reptiles et les insectes de l'autre, les oiseaux d'autre part
forment des classes, identiques et correspondantes^ à celles qu'on avait
en France à la fin du xvii^ siècle. Mais cette classification est peut-être
d'origine récente; dans bien des mythes, nous voyons transparaître
l'imprécision qui caractérise les « primitifs » : la nature humaine, la
nature animale, même la nature inerte s'y confondent souvent.
Peut-être faut-il attribuer à une époque encore plus récente la
vaste synthèse qui attribue au règne animal l'origine des maux et au
règne végétal la puissance thérapeutique. Sous une forme aussi stable,
et fixée par une écriture nationale, cette synthèse aurait pu fournir
un système pseudo-scientifique, analogue à celui des médicastres et
astrologues du Moyen-Age. A plusieurs reprises, M. Mooney a insisté sur
le rôle que jouait la science botanique chez les Cherokees. Il a
montré combien cette science, analogue à celle de nos rebouteux
paysans, et qui, comme celle-ci, repose sur l'expérience « journalière »
des puissances « naturelles », est inférieure; il a démontré que la thé-
rapeutique qu'on en tire est plutôt basée sur des associations d'idées
traditionnelles que sur les résultats d'expériences bien conduites.
Les « mythes » cherokees ont un aspect très supérieur (supérieur
même au folklore européen). Ils représentent un niveau assez élevé de
l'évolution de l'intelligence. Par un point, ils sont spécialement inté-
ressants. Ces traditions ont été recueillies dans une tribu à organisation
supérieure, qui s'est systématiquement tenue à l'écart des Européens.
Néanmoins, l'influence de ces derniers s'est manifestée d'une façon spé-
ciale, et presque unique : elle a amené l'invention du syllabaire de
Séquoya, produit artificiel qui a eu une influence, d'une espèce impos-
sible à déterminer actuellement, sur les Cherokees : cette écriture est
le produit du contact avec les Blancs et a amené une modification de la
mentalité de ceux qui l'ont employée : 1° elle a donné plus de fixité à
leurs idées, partant a produit des synthèses; elle a en même temps
188 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
écarté beaucoup d'éléments imaginalifs et traditionnels ; 2° elle a donné
plus de stabilité aux traditions; 3" elle a introduit des éléments euro-
péens sous une forme insoupçonnable pour ceux qui l'employaient.
Le livre de M. Mooneydoit être lu et surtout rélléchi. il nous présente
une nation en voie de transformation; bizarre mélange d'archaïsme
artificiel, obtenu à l'aide d'un système européen (la fixation des
léi^endes, par l'écriture), et d'évolution anormale (développement
extraordinaire des idées rationnelles des classifications). Et il faut
remarquer que ce peuple extraordinaire se meurt!
H. B.
P. Earle Goddard. — The morphology of the Hupa language (La morphologie de
la langue hupa). Universily of California American. Archseology and Etlinology,
vol. lll. Berkeley, University Press, juin 1905, iu-8, 344 p.
Le hupa appartient à la famille des langues athapaskanes ; il était
complètement inconnu avant la publication des Hupa texls, recueillis
par l'auteur de ce volume et dont nous avons rendu compte l'année
dernière. Il n'est pas possible d'analyser ici un livre de linguistique
d'une telle étendue ; nous nous bornerons à exposer les principales
caractéristiques de la langue hupa, en insistant plus spécialement sur
les traits qui intéressent les ethnographes.
Phonétique : le hupa abonde en consonnes sourdes; les sons soufflés
sont très abondants, comme dans toutes les langues de la partie occi-
dentale de l'Amérique du Nord; le système des voyelles est assez res-
treint.
Lexicologie : les racines substantives sont, pour la plupart, monosyl-
labiques ; elles sont assez peu nombreuses ; par suite, les termes des-
criptifs abondent : ils sont formés par l'adjonction de pronoms ou d'af-
fîxes dépourvus de sens. Le hupa possède trois genres : singulier,
duel et pluriel. Le système numérique paraît être décimal, au contraire
de ce qui existe dans les langues athapaskanes du Nord (groupe Dènè-
dindjié), où les nombres sont composés à partir de 6 ; à partir de 10,
le système est le même dans les langues Dènè-dindjiées et en hupa.
Morphologie : la partie du discours la plus importante est le verbe :
il est formé d'un monosyllabe auquel on affixe d'autres monosyllabes
pour indiquer les modes et le temps; les pronoms (objet et sujet) sont
incorporés dans le verbe, en telle sorte que la sentence forme parfois
un seul mot.
Il existe, dans cette langue, deux particularités intéressantes pour
les ethnographes : les pronoms possessifs sont différents suivant qu'ils
qualifient un Hupa ou un étranger ; la forme employée pour les Hupas
peut cependant s'appliquer aux étrangers s'il s'agit de gens très
âgés. L'autre particularité est la suivante : les termes de parenté ne
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 189
forment pas leur pluriel d'une façon régulière : on se sert de mots par-
ticuliers suivant qu'il s'agit d'un ou de plusieurs parents d'un degré
donné; le fait est d'autant plus remarquable que les Hupas n'ont pas
encore abandonné complètement la nomenclature de parenté par
groupes.
L'ouvrage de M. Goddard complète la monographie qu'il a entre-
prise ; il reste encore bien des points obscurs, mais grâce à ces travaux,
les Hupas sont aujourd'hui les mieux connus de tous les Indiens de la
Californie.
H. B.
G. Byrûn Gordon. — Chronological séquence in the Maya ruins of Central Ame-
rica (La continuité des dates fournies par les monuments ruinés de l'Amérique
Centrale). University of Pennsylvania. Transactions of the Department of Arckaso-
logy. Vol. 1, pp.^ei à 66). Philadelphie, 1904, in- 8.
M. Gordon résume, dans ces quelques pages, ses travaux publiés
dans Y American Anthropologist. Il expose les résultats obtenus dans
les tentatives de lecture des dates sur les monuments mayas de l'Amé-
rique Centrale, résultats fournis par l'application de la méthode de Good-
man. Les dates les plus anciennes auraient été trouvées à Copan,
viendraient ensuite celles qu'on lit sur les monuments du Guate-
mala et de la Vera-Paz; la dernière serait inscrite sur une stèle de
Chichen-Itza, au Yucatan. La civilisation maya aurait donc suivi une
route est-ouest; pour aller du Honduras au Yucatan, elle n'aurait mis
que trois siècles. Ces prétendus résultats soulèvent bien des questions;
mais nous préférons rester dans l'expectative : nous pensons, avec
M. Cyrus Thomas, que les signes interprétés par MM. Goodman etByron
Gordon ne représentent pas des dates, au sens français du mot.
H. B.
Casimir SroLYHWO. Crânes péruviens. Bull. Acad. Se. de Crocavie, fév. 1906.
L'étude de M. Casimir Stolyhwo porte sur 92 crânes péruviens dont
75 appartiennent au Musée Broca de Paris, 11 au Cabinet zootomique
de l'Université de Varsovie et 6 au Musée de l'Institut anatomique de
la même ville. Sur les 92 crânes, 83 appartiennent à des adultes et 9 à
des enfants. L'auteur n'a pas examiné les centaines de têtes du Pérou
que possède le Muséum de Paris.
L'étude de M. Casimir Stolyhwo constitue un document intéressant.
On pourrait toutefois faire à l'auteur deux reproches : V il a donné
à son mémoire un aspect de catalogue schématique qui en rend
la lecture sinon difficile, du moins fastidieuse. Il semblerait qu'une
autre méthode d'exposition lui eût permis de mettre mieux en relief
les caractères généraux des crânes qu'il a étudiés ; 2° au début de son
190 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
travail, l'auteur annonce qu'il n'emploiera pas les moyennes qui, dit-il,
« ne font qu'obscurcir les caractères typiques de la race ». Il emploie
pour l'exposé et la généralisation de ses résultais la méthode de la
sériation. Il est incontestable que la méthode de la mise en séries est
excellente, mais nous regrettons toutefois que parallèlementà elle
M. Stolyhwo n'ait pas employé celle des moyennes. Sa série de 83 crânes
adultes lui eût largement permis de le faire. Le travail se divise en trois
parties. Dans la première partie sont étudiés les caractères morpholo-
giques qui ne peuvent être exprimés en chiffres; la deuxième est con-
sacrée à l'examen des mesures qui n'entrent pas dans la sphère des
indices (quantités absolues, souvent sans grand intérêt); la troisième
enfin est consacrée aux indices.
Les principaux résultats énoncés au cours de la première partie sont
les suivants :
Les crânes des Péruviens sont généralement déformés et le type de
déformation le plus fréquent chez l'adulte est celui dans lequel le front
est plus aplati que l'occiput ; chez l'enfant ce serait l'inverse.
La plagiocéphalie s'observe à peu près dans la moitié des cas.
En résumant les observations sur le degré de complication des diffé-
rentes sutures, on voit que chez les adultes c'est la suture lambdoïde
qui montre le plus de tendance à se compliquer ; viennent ensuite les
sutures sagittales, coronales, temporales ; chez les enfants, l'ordre serait
le suivant : sagittale, lambdoïde et coronale.
L'os des Incas se trouve chez 21,99 0/0 des sujets.
Les os wormiens sont, d'une façon générale, relativement fréquents
sur les adultes : 62,200/0 des sujets en possède. Chez les enfants le
rapport est inverse, ce qui tendrait à prouver que le nombre des os
wormiens s'accroît avec l'âge. Les os wormiens sont surtout fréquents
dans la suture lambdoïde. Chez les adultes, on constate en général la
saillie des parties suivantes : arcades sourcilières (78,31 0/0), crêtes
temporales (79^27 0/0), crête demi-circulaire de la nuque (80,72 0/0),
menton (97,50 0/0).
Les résultats que donne l'auteur relativement à l'état des sutures au
point de vue de la synostose ne peut avoir grand intérêt étant donnés
que les crânes étudiés étaient nécessairement de différenls âges et que
ces âges ne pouvaient être connus.
Nous n'insisterons pas sur les résultats énumérés au cours de la deu-
xième partie. Les dimensions absolues auxquelles ils ont trait ne nous
paraissent pas avoir un grand intérêt.
Dans la troisième partie, enfin, les résultats obtenus sont les suivants :
Au point de vue de l'indice céphalique, c'est la brachycéphalie qui
est la plus fréquente (85,55 0/0). Comme le fait remarquer l'auteur, cette
fréquence de la brachycéphalie est, sans aucun doute, en rapport avec
la coutume de déformer les crânes. Les indices céphaliques de 92 et 93
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 191
sont les plus fréquents. L'hypsicéphalie se rencontre dans 75 G/0 des
sujets adultes (ind. vertical : basion-bregmaX 100). L'indice orbitaire
est aussi généralement élevé (hypsiconchie).
De même la leptorhinie et la leptostaphylie sont fréquentes.
Relativement à Tindice de prognathisme, c'est la mésognathie qui
l'emporte.
il nous semble que la déformation crânienne artificielle doit être consi-
dérée comme jouant un rôle important dans la morphologie générale
de ces crânes péruviens. L'auteur a signalé son action plus que pro-
bable sur l'indice céphalique. 11 y aurait lieu, à notre avis, d'étendre la
remarque à tous les autres indices, mais dans une mesure variable
naturellement.
H. Anthony.
NoKDENSKiôLD (E.)- Bôitrâge zur Kenntnis einiger Indianerstamme des Rio Madré
de Dios-Gebietes (Contribution à i'étade de quelques tribus indiennes de la région
du rio Madré de Dios). C/r î?ne/', tidskrift utgifven af Svenska sâllskapet for Anlro-
pologi oc Geofjra/i, 1905, p. 1-48.
Id. Exploration scientifique au Pérou et en Bolivie. La Géographie. 1905,
p. 289-296.
Dans son mémoire, ainsi que dans la note présentée à la Société de
Géographie, M. Nordenskiôld étudie avec détails quelques tribus
indiennes voisines des Quichuas (voir l'analyse ci-dessous) et habitant les
forêts vierges entre le rio Inambari et le rio Tambopata, au pied des
Andes. Les Quichuas et les Blancs qualifient habituellement du nom
de « Ghunchos » — sauvages — les tribus en question; les renseigne-
ments à leur sujet étant fort peu nombreux, M. N. a pu recueilllir plu-
sieurs documents inédits.
Les Indiens sauvages Tamb-Guarayos qui habitent le cours moyen
du rio Tambopata parlent un dialecte tacana; les Arasas^ demeurant
sur le rio Marcapata se servent du même dialecte. Les Yamiacas, sur
les bords du rio Inambari, parlent le dialecte pano, mélangé de tacana ;
les Tuyoneiris, sur le cours moyen de ce fleuve, ont un idiome spécial.
Enfin, les habitants des forêts vierges, les Atsahuacas, qui n'ont jamais
vu de Blancs avant M. Nordenskiôld, parlent également le pano, sans
mélange toutefois de mots tacanas.
Toutes ces tribus ne comptent qu'un petit nombre de représentants :
25, 30, jusqu'à 100. Quant à leurs caractères physiques, l'auteur ne
fournit que peu de données : notons qu'ils ont une peau très claire et
que l'on rencontre parfois parmi eux des types à cheveux et à yeux
brun-clair.
Les guerres, ayant pour cause le rapt ou le pillage, sont fréquentes ;
mais des relations amicales entre tribus voisines ne sont pas rares non
plus et consistent dans l'échange de cadeaux et même de femmes.
192 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Les peuplades eu question sont toutes nomades et vivent principale-
ment des produits de Tagriculture, de la chasse et de la pêche : on
cultive surtout des bananes de plusieurs espèces, les yucas, le maïs, la
canne à sucre, etc. Les outils sont en fer; on se les procure par voie
d'échange avec d'autres clans, ou par vol; les haches en pierre ont com-
plètement disparu. La pêche se fait soit à l'hameçon, soit à la main,
soit au moyen de l'arc et des flèches ; les Atsahua?as capturent le pois-
son en empoisonnant les cours d'eau. Les Qletsde pêche sont inconnus.
Les produits des champs, rapportés dans les huttes, sont propriétés
privées; par contre, les produits de la chasse et de la pèche appar-
tiennent à la communauté.
L'auteur donne de nombreuses figures des arcs et des flèches dont se
servent ces tribus; ce sont d'ailleurs les seules armes qui leur soient
connues. Les flèches ne sont jamais empoisonnées.
Les habitations sont différentes suivant fa tribu : ce sont tantôt des
huttes abritant plusieurs familles à la fois, tantôt, comme chez les
Atsahuacas, de petites cabanes en feuilles de palmier, ne servant qu'à
une seule famille. La monogamie est de règle ; les femmes et les enfants
(1 à 3 par famille) sont bien traités.
l^es aliments sont rôtis ou cuits dans des ustensiles en bambou ou en
argile^ très simples, sans ornementation aucune, fabriqués par des
femmes. Le vêtement est très peu compliqué ; c'est une sorte de che-
mise sans manches, faite en coton ou en écorce battue, souvent peinte
en rouge; les femmes enroulent un morceau d'étofTe autour de leurs
hanches. Tous, hommes et femmes, ont des pendeloques suspendues à
la cloison du nez. Des colliers de dents de singe, des touffes de plumes
et des peaux d'animaux sont portés comme trophées. Ils ne pratiquent
pas le tatouage, mais se peignent, en rouge ou en bleu, la figure et le
corps. Du reste, ils n'ont aucune connaissance du dessin, comme ils ne
connaissent aucun instrument de musique non plus. Ces tribus, très
hospitalières, honnêtes, propres, ont acquis toute la sympathie de l'au-
teur.
Notons pour terminer que M. Nordenskiôld a fait des fouilles archéo-
logiques dans les régions explorées ; les objets funéraires proprement
dits sont rares dans les tombeaux ; ces derniers sont élevés au-dessus
du sol et ont souvent la forme de caisses en pierre. Des ruines de
temples, de grands édifices... n'ont pas été rencontrées; cependant,
dans la vallée de Sina, quelques grosses pierres, dont l'auteur donne
la photographie, sur lesquelles sont sculptées des figures d'animaux
(jaguars, poissons, serpents) sont peut-être les vestiges d'un grand bâti-
ment.
A. Drzkwina.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 193
NoRDENSKiôLD (E.) . Ueber Quichua sprechende Indianer an den Ostabhiingen der
Anden, etc. (Des ludieus parlant le quichua sur le versant oriental des Andes,
entre le Pérou et la Bolivie). Globus, t. LXXXVIII, 1905, p. 101.
L'exploratioQ scientifique des régions du plateau péruvien-bolivien
(année 1904-1905) a donné à M. Nordenskiôld l'occasion d'étudier plu-
sieurs trilKis indiennes habitant le territoire compris entre le rio Tam-
bopata et le rio Inambari, affluents du rio Madré de Dios, tributaire
lui-même du rio Madeira. Les Indiens parlant le quichua habitent le ver-
sant oriental des Andes ; la langue quichua se propage de plus en plus
vers la limite des forêts vierges et y supplante les idiomes lapachu, rica-
rica et autres, de sorte que plusieurs tribus indiennes parlant actuelle-
ment le quichua appartiennent en réalité à des groupes ethniques diffé-
rents.
Les Indiens des vallées montagneuses vivent principalement des pro-
duits de l'agriculture et de Pélevage du bétail: c'est là la raison prin-
cipale du fait qu'ils n'ont pas empiété jusqu'à présent sur les régions des
forêts vierges. Leurs cultures sont des plus variées : pommes de terre,
bananes, yucas, maïs, riz, canne à sucre, tomates, café, coton, etc. Le
travail de la terre est très primitif : la plupart des outils, quoiqu'on fer,
n'ont pas changé de forme depuis la « conquête » . La chasse et la pêche
ne se font qu'exceptionnellement, à la limite des forêts vierges. D'ail-
leurs, de nombreux Indiens travaillent comme journaliers dans les
factoreries de gomme ou dans les usines d'or. Les ustensiles de ménage
sont en argile ; ils ne les fabriquent pas eux-mêmes, mais les achètent
chez des tribus voisines. Les vêtements sont en laine de mouton ou
de lama; les coiffures présentent souvent des motifs décoratifs variés,
empruntés surtout au règne végétal. Les habitations sont, suivant les
climats, soit des cabanes en pierre, soit des huttes 2w bambous.
Les Indiens Quichuas sont tous chrétiens, leurs pratiques religieuses
cependant rappellent souvent des coutumes païennes : ainsi, dans les
fêtes qu'ils organisent en l'honneur des saints, les hommes dansent
avec des soleils en carton sur la tête.
La population est, en général, pauvre. Adonnés à l'ivrognerie, pas-
sionnés pour le coca, qu'ils mâchent tous, hommes et femmes, et sur-
tout exploités d'une manière révoltante par les Blancs, ces Indiens
mènent une vie misérable.
A. D.
W. VoLz. Zur Keaatûiss der Meutawei-Inseln (Les habitants des îles Meutawei).
Archîv fur Anthropologie, t. IV, 1906, p. 93 (14 fig. et 3 pi.).
Les îles Mentawei sont situées seulement à 150 kilomètres au sud-
ouest de Padang, la ville la plus importante de Sumatra. Elles sont
cependant entièrement isolées du reste du monde, grâce à la mer
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 13
19i
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
toujours agitée qui les entoure, et leurs habitants ont conservé leurs
mœurs primitives sans avoir été influencés ni par la culture hindoue
ni par l'islamisme ou la civilisation européenne. Le fer est encore très
rare parmi eux; les lances ont généralement une pointe en bois et les
flèches sont rarement armées d'une pointe en fer. Les instruments de
pierre sont totalement inconnus.
Pendant un court séjour dans ces îles, l'auteur a pu faire quelques
observations anthropologiques. Le type physique des insulaires est
mongoloïde : ils ressemblent de tous points aux Dayaks. Leur taille
estdel"^,50 à l'^jGO chez les hommes, l"s45àl"\50 chez les femmes. La
peau est d'un jaune-olive assez clair; elle est notablement plus claire
sur les parties couvertes. Les cheveux sont ondes, noirs avec un reflet
brun; les cheveux entièrement noirs sont très rares, les yeux sont
moins foncés que ceux des Malais; ils sont en amande et présentent
presque toujours le repli mongolique. Le nez est assez saillant, à dos
droit ; il n'est jamais aplati. 11 y a une légère prognathie; le maxillaire
inférieur est très développé, large et épais, les pommettes sont sail-
lantes, les mains et les pieds sont larges et courts.
M. Volz a pu mesurer 19 hommes et 6 femmes. Il compare ses
chiffres à ceux relevés par Luschan sur 9 crânes provenant des îles
Mentawei. Je résume dans le tableau suivant les résultats obtenus, en
ne tenant pas compte des cas extrêmes et isolés.
Diamètre aatéro-postérieur . . . .
— transverse
Hauteur sus-auriculaire
Diamètre frontal minimum . . . .
Hauteur faciale supérieure . . . .
Diamètre bizygomatique
Distance des angles de la mâchoire .
Céphalique . .
Hauteur-loûgueur
' Facial supérieur . .
Frontal-bizygomatique
9 CRANES O^
113-182
134-141
116-120
9i-9T
69-76
121-127
95-101
75-79
63-69
52-57
70-78
19 TÊTES q'
186-192
151-157
122-130
94-100
66-70
138-142
101-112
77-82
64-69
47-48
67-74
6 TKTES 9
174-179
141-144
121-123
83-92
64-70
124-131
101-107
78-82
66-70
50-56
69-73
Le type est très homogène, et il y a une concordance remarquable
entre les mesures prises sur le vivant et celles relevées sur le crâne.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 19o
Les tatouages des habitants de l'archipel Meatawei sont remar-
quables. Ils sont plus développés chez les hommes que chez les femmes,
qui portent plus de vêtements que les premiers. Ils présentent des
variations locales et individuelles. Tout indigène ne porte pas néces-
sairement le tatouage complet de son clan. En effet, après chaque expé-
dition'guerrière heureuse, le père a le droit de compléter le tatouage
de ses enfants. Le type général de ces tatouages peut être qualifié d'ana*
tomique. Ils suivent les contours généraux du corps, limitent et font
ressortir chacune de ses régions. Ceci est surtout remarquable sur les
fesses et les cuisses. A la main le tatouage a tendance à devenir pure-
ment décoratif, et les relations anatomiques sont moins évidentes. Chez
les femmes, la poitrine, le haut du ventre, les fesses et les cuisses sont
couverts par les vêtements; ces parties ne portent pas de tatouages.
Ceux des épaules, des mains, de l'ombilic sont constitués d'après les
mêmes principes que les tatouages des hommes. Au nombril, par
exemple, il y a des lignes transversales correspondant aux plis nor-
maux de la peau.
Hommes et femmes se déforment les dents antérieures en les travail-
lant au marteau et au burin^ de façon à détacher les angles et à les
rendre pointues. Ce traitement commence vers la puberté. Ces indi-
gènes pratiquent en outre l'épilation du creux axillaire et du pubis;
dans certaines localités ils s'arrachent aussi les cils et les sourcils. L'épi-
lation a lieu dans les deux sexes.
Le vêtement des hommes consiste en une ceinture longue de 2 mètres,
roulée autour des hanches et passée entre les cuisses. Celui des femmes
comprend une ceinture frangée, roulée autour de la taille, et une autre
bande à franges courtes passée sous les bras et enserrant la poitrine
ou se croisant en avant et en arrière. Ces objets sont en fibres de feuilles
de bananier; ils sont remplacés progressivement par des étoffes euro-
péennes.
M. Volz a observé d'intéressants dispositifs pour protéger les noix
de coco. Les cocotiers portaient au-dessous de la couronne, à plusieurs
mètres au-dessus du sol, des armatures formées de lattes de bambous
pointus ou des lances de bambous disposées de façon à tomber sur
celui qui tenterait de monter à l'arbre.
D"" L. Laloy.
Paul et Fritz Sarazin. Versuch einen Anthropologie der Insel Celebes, I. Die
Toala-Hûhlen von Lâmontjong (Anthropologie de Tile de Célèbes, I. Les
cavernes des Toala de Lamontjoug). WiesbaJeu, Kreidel, 1905, gr. in-8"^ (avec
6 pi.).
Ce mémoire forme le tome V, première partie, des Materialien zur
Naturgesckichte der Insel Celebes. Les Toala, qui habitent le district
de Lâmontjong, constituent une population primitive, de petite taille, à
196 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
peau foncée, et à cheveux ondes, qui est actuellement fortement mé-
langée d'éléments Bougi. Il y a des races analogues dans la péninsule
sud-est_, par exemple les Tomuna et les Tokea ; enfin on rencontre
dans le centre de Célèbesdes individus ou des familles esclaves appar-
tenant à cette race primitive, qui est certainement apparentée aux
Wedda de Ceylan et aux Senoï de Malacca.
Les auteurs avaient souvent entendu dire par les Toala qu'ils habi-
taient autrefois des cavernes et couchaient sur le sol. C'est ce qui les
a engagés à entreprendre des fouilles dans les grottes, actuellement
inhabitées, si nombreuses dans le district de Lamontjong.
Dans cinq d'entre elles ils ont trouvé des traces d'anciennes stations.
Toutes sont situées à une grande hauteur au-dessus du fond de la
vallée. Les fouilles ont donné une industrie de la pierre extrêmement
remarquable par la similitude d'un grand nombre de pièces avec celles
du Paléolithique d'Europe, tandis que d'autres appartiennent à des
types nouveaux. H y a également des instruments en os, en dents et en
bois ; un seul tesson de poterie a été trouvé. Le silex est très rare dans
la région, on n'a rencontré que deux pointes de flèche en cette matière.
La substance la plus communément utilisée est une quarlzite qui ne se
prête pas à une fabrication aussi régulière que le silex. L'abondance
des éclats informes et l'absence de nucléus prouvent qu'on brisait
grossièrement les pierres, qu'on choisissait les rares fragments utili-
sables et qu'on rejetait tous les autres. On se servait également d'une
andésite noire, dont certaines variétés plus fines présentent le bulbe de
percussion. Le calcaire des montagnes où sont creusées les grottes a
lui-même été employé pour faire des couteaux et des pointes.
Les couteaux sont d'ordinaire à deux tranchants ; ceux à un tran-
chant étaient peut-être emmanchés par le dos. Les grattoirs présentent
souvent des retouches très nettes. Les pointes sont de dimensions
variables : les plus grandes ont servi à armer des lances, les plus petites
sont des pointes de flèches; leur forme est très variable et montre
qu'il n'y avait pas de technique précise pour les fabriquer; elles sont
dues à un hasard heureux, à un coup bien porté. Certaines ont été
rétrécies par des retouches, de façon à constituer une pique ou un
poignard. L'une d'elles a deux ailerons à crochets; malheureusement le
bulbe de percussion se trouve du côté de la pointe. On reconnaît comme
l'ouvrier a cherché en vain à aiguiser celle-ci. Celte pièce que le hasard
avait fait si bien venir est restée inutilisable. D'une façon générale,
l'industrie de ces Toala est rudimentaire, la moindre difficulté les
arrête.
Ce sont les pointes de flèches qui constituent l'élément vraiment
caractéristique de celte industrie. Elles sont presque toutes caractéri-
sées par leurs bords dentés en scie. Cependant leur forme est toujours
très primitive et dépend absolument de celle de l'éclat enlevé à la
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 197
pierre. Le but de ces indentations était de retenir la flèche dans la
plaie; lorsqu'on a exceptionnellement réussi à produire des ailerons à
crochets, les dents des bords de la pointe sont petites ou tout à fait
absentes. Les auteurs ont pu se convaincre expérimentalement que la
production de ces dents est très facile. Lorsque, sur le tranchant d'un
éclat de quartzite ou d'andésite, on frotte l'arête d'un autre éclat, à la
façon d'un archet sur un violon, il se détache un fragment. Rn répétant
l'opération à intervalles réguliers on obtient des dents de scie. Celles-
ci peuvent être considérées comme le premier stade des retouches.
En eff'et, si on les fait tomber, qu'on retourne la pointe et qu'on opère
comme précédemment sur l'autre face, celle-ci perdra à son tour de
petits éclats conchoïdes, le bord reculera et deviendra plus épais^,
jusqu'à ce que l'épaississement progressif du milieu de la pièce rende
ce travail impossible.
Les deux uniques pointes de flèches en silex ont été traitées avec un
soin tout particulier. Leurs dents sont très longues, leur pointe est
grêle, et cependant la forme générale est disymétrique et tordue.
Certaines pointes de flèches sont très petites et ont dû servir à la
chasse aux oiseaux et aux Chéiroptères. Parfois on a essayé de faire
des ailerons à crochets; l'extrémité postérieure de la pièce se termine
alors par une dépression semi-lunaire au milieu de laquelle venait
s'insérer la tige.
L'existence de ces nombreuses pointes de flèches prouve celle de
l'arc, ce qui est intéressant, car l'arc fait actuellement presque entiè-
rement défaut à Célèbes ; on ne le trouve plus que comme jouet dans
le centre de l'île, ou sous la forme d'imitations en bois destinées à des
usages rituels. La sarbacane est ignorée des Toala actuels et semble en
régression à Célèbes. 11 n'est pas certain que ce soit elle qui a amené
la disparition de l'arc.
On n'a trouvé ni scies, ni perçoirs véritables. Le bois et l'os étaient
travaillés exclusivement au couteau. Il y a, en revanche, des éclats de
forme générale quadrilataire, dentelés sur un, deux ou trois de leurs
bords ; le bord le plus épais est toujours inerme et devait être emman-
ché. Les massues actuelles des Toala sont garnies de pièces de fer
souvent dentelées sur leurs bords. Il est probable que les éclats de
pierre en question servaient de même aux Toala primitifs pour armer
leurs massues. Celles-ci servent aussi d'armes de jet, ce qui permet de
comprendre comment cette armature peutfaire des blessures profondes.
Les points de flèches en os sont fusiformes et ont une face convexe
et une face concave. Elles devaient être emmanchées à la façon des
flèches sud-américaines : le corps de la flèche est attaché à la tige de
façon que l'une des pointes regarde en avant^ l'autre obliquement en
arrière comme un crochet de harpon. Les Toala utilisaient également
des dents de sanglier taillées d'une façon analogue. Ces pointes fusi-
198 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
formes sont de tons points comparables à celles des stations paléoli-
thiques d'Europe. On a trouvé enfin la pointe d'un poignard en os. On
peut admettre que cet instrument est le type primitif qui a donné
naissance aux pointes de flèches d'abord, aux aiguilles ensuite. Celles-
ci ne sont pas représentées à Gélébes tandis que nos stations préhisto-
riques donnent la sériation continue du poignard à l'aiguille. En
revanche le Toala avait les mômes sifflets en os de phalanges que nos
Paléolithiques, seulement ils sont de dimensions moindres et ne donnent
qu'un son très élevé.
On a trouvé des amulettes pourvues d'un trou de suspension et
taillées dans des crânes humains. L'une d'elles, paraissant provenir
d'un sternum, porte des lignes gravées en creux et disposées en
chevrons. Aux îles Andaman, les cadavres sont déterrés après un
certain temps, on nettoie les os, on les brise en petits morceaux, dont
on fait des amulettes qui sont distribuées aux parents et aux amis en
souvenir du mort. Cette coutume peut servir à expliquer l'origine des
pendeloques en os humains chez les Toala et dans nos stations préhis-
toriques. Leur présence ne permet pas en tous cas de conclure à
l'existence de l'anthropophagie.
Une coquille de Cyprsea, dont le dos a été enlevé, servait également
de pendeloque et prouve que les Toala entretenaient des relations avec
la côte. Ils collectionnaient aussi des fossiles, ce qui les rapproche
encore des troglodytes d'Europe. Parmi les autres objets recueillis dans
les grottes, citons un bâton pointu devant servir à déterrer les racines
alimentaires et des fragments de tissus dont les fils sont noués à peu
prèsà la façon des mailles d'un filet. Les Australiens fabriquent encore
actuellement des sacs d'après ce procédé.
L'unique représentant de la céramique des Toala primitifs est un
tesson en terre grossière, portant une bande horizontale saillante
ornée d'empreintes de doigts espacées régulièrement. Son aspect est
tout à fait néolithique. Comme les Toala actuels ne connaissent pas la
céramique, mais achètent leurs vases aux Bougi, il est hors de doute
que cette pièce n'a pas été fabriquée par eux, mais acquise par voie
d'échange. Il ne faut pas oublier que les Toala sont, comme les Wedda,
des chasseurs qui grillent au feu de la viande et des racines alimen-
taires et qui se passent fort bien de poterie.
Il n'est guère possible d'identifier l'industrie des Toala avec l'un de
nos âges de la pierre. Si son aspect général est paléothique et rappelle
spécialement le Magdalénien, il ne faut pas oublier que, d'après Hœrnes,
les chasseurs de rennes ne possédaient pas l'arc et que les pointes de
flèches à base découpée et à ailerons sont caractéristiques du Néolithique.
Rappelons que des pointes de flèches à bords dentelés en scie ont été
trouvés dans le Magdalénien de Bruniquel. (/l/^^/irop.XlV,1903,p. 134).
Les grottes des Toala n'ont pas donné de haches de pierre. On en
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 199
rencontre cependant dans toute File et il est certain qu'une période
néolithique caractérisée par ces haches s'est étendue à tout l'archipel
malais. Avant la découverte de l'industrie toalienne, ces haches et des
burins étaient les seuls instruments de pierre qu'on eût rencontrés dans
l'archipel. Il y a également eu un âge du bronze, de sorte que cette
région a parcouru, à une époque relativement récente, tous les stades du
Préhistorique d'Europe.
Le Paléolithique de Célèbes peut, sans hésitation, être attribué aux
ancêtres des Toala actuels, La petitesse des instruments et leur gros-
sièreté indiquent une race de petite taille et de faible développement
intellectuel. Les ossements humains trouvés dans les grottes se rap-
portent bien à cette race. Sa civilisation néolithique a été apportée par
des tribus malaïques, les Toradja, dont font partie les Bougi. Elles
s'établirent sur la côte en refoulant les Toala vers l'intérieur ou en se
croisant avec eux. Le fait intéressant établi par les recherches des
Sarasin est que Célèbes, et vraisemblablement tout l'archipel malais, a
eu pour première population une race semblable aux Wedda de
Ceylan et dont l'industrie se rapproche du Paléothique d'Europe.
Les foyers des grottes sont remplis de nombreux ossements plus ou
moins brisés et carbonisés. Il n'y a que des animaux sauvages :
Phalanger, Babiroussa, Anoa depirssicornis, Paradoscure, Pteropus
alalo, Macacus maurus, des rongeurs, des oiseaux, des restes de python,
des coquilles de mollusques. Aucun animal domestique ; le chien lui-
même n'est pas représenté. Cette faune ne diffère de la faune actuelle
de Célèbes que par l'absence du cerf et la présence du Babiroussa.
Celui-ci a disparu grâce à la destruction des forêts par les Bougi. Le
cerf, introduit depuis une centaine d'années, remplace partout Anoa
depressicornis. L'étude de cette faune des grottes ne permet pas de
dater avec précision l'époque où elles étaient habitées.
Dans quelques grottes, on a trouvé des ossements humains brisés,
mais sans trace de calcination. Il s'agit probablement d'individus morts
dans la grotte; celle-ci a été de nouveau habitée lorsque la décompo-
sition et les animaux sauvages ont fait disparaître le cadavre. Ces
restes piétines dans le sol de la grotte avec les os des animaux servant
de nourriture sont en trop mauvais état pour permettre une étude
anthropologique approfondie. Un humérus à peu près intact a cepen-
dant permis de calculer une taille approximative de 1^,56. La moyenne
de 'H Toala actuels est de l'",57. Les premiers métatarsiens ont, l'un
0'",050, l'autre O'^jOSl de longueur. Chez 6 Wedda cette mesure varie
entre 0™,056 et 0™,64. Tous les os sont grêles avec des crêtes et des
rugosités peu développées; ils ressemblent à ceux des Wedda et des
Senong, et rien ne s'oppose à admettre que les Paléolithiques des
grottes de Lamontjong sont les ancêtres directs des Toala actuels.
D'^ L. L.
200 MOUVEMENT ^SCIENTIFIQUE.
E. Fischer. Anatomische Unlersuchungen an den Kopfweichteilen zweier Papua
(Etude auatomique des parties molles de la tête chez deux Papous). Correspon-
denz-Blatt der deulsclien Gesellschaft jiir Anthropologie, t. XXXVI, IQGî), p. 118.
Nos connaissances sur les parties molles des races exotiques sont
encore bien défectueuses. C'est ce qui a décidé M. Fischer à étudier à
ce point de vue deux têtes de Papous conservées dans le formol. Ce
travail est à rapprochei" de celui de Birkner sur les Chinois {Anthrop.,
XVI, 1905, p. 701) et des recherches de Kollmann sur la reconstitution
de la physionomie {ibid., iX, 1898, p, 692). M. Fischer a employé la
même méthode que ces deux auteurs, l'enfoncement d'aiguilles cou-
vertes de noir de fumée. Il a constaté qu'à la racine du nez l'épaisseur
des parties molles est bien plus faible que chez les Européens et, à
plus forte raison que chez les Chinois. En revanche, à la pointe du nez
la peau des Papous est plus épaisse. Au sommet de Tos malaire les
téguments sont plus minces chez les Papous que chez les Européens et,
à plus forte raison, que chez les Chinois. A la région maxillaire infé-
rieure, ils sont plus épais que chez les Européens et même parfois que
chez les Chinois. Sur le masséter également, la peau est très épaisse.
L'examen des muscles de la face a montré que le peaucier échange,
plus souvent que chez l'Européen, des fibres avec d'autres muscles, tels
que le carré des lèvres, le zygomatique, le triangulaire et le menton-
nier. Chez l'un des Papous, le peaucier monte jusqu'à l'orbiculaire des
paupières, sous forme d'une couche mince formée de fibres en partie
isolées. C'est là une conformation toute primitive, qui est de règle chez
les Lémuriens et chez certains Singes. Il y a peu de différenciation entre
les muscles du pourtour de l'œil et de l'espace situé entre l'œil et la
bouche. L'orbiculaire des paupières et le zygomatique forment une
masse unique. Le carré de la lèvre supérieure se relie non seulement à
l'orbiculaire des paupières, mais au frontal.
Les muscles de la calotte crânienne présentent une conformation
encore plus primitive. On sait que, d'après Huge, ils constituent chez les
formes inférieures un revêtement uniforme qui a plus tard été dissocié
grâce au développement du crâne cérébral, et dont les restes constituent
les muscles frontal, auriculaire et occipital. Comme trace de l'état pri-
mitif on trouve assez souvent chez l'Européen des fibres qui remontent
plus haut qu'à l'état normal. Chez le fœtus, des fibres de l'auriculaire
se dirigent en avant et atteignent parfois l'orbiculaire des paupières.
Il en est ainsi chez l'un des Papous. Chez l'autre, il y a du côté gauche
un orbito-auriculaire tout à fait semblable à celui des Lémuriens et des
Singes. Le frontal, l'orbiculaire, les auriculaires antérieur et supérieur
forment une seule lame musculaire. Forster avait déjà constaté ce fait
sur des nouveàu-nés Papous; il' est plus intéressant de le rencontrer
chez l'adulte.
D^ L. L,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 201
R. PôGH. Fâlle von Zwergwuchs unter den Kai (Cas de nanisme chez les Kai de la
Nouvelle-Guinée allemande. Milleilungen der ani h^opologischen Gesellschaft in
Wien, t. XXXV, 1905, p. 40.
Les Kai habitent actuellement Tarrière-pays de Finschhafen; ils ont
été refoulés de toutes parts par les Yabim. Au nord se trouve un
peuple qui leur est apparenté, les Poums ; à l'ouest leur territoire
paraît s'étendre très loin à l'intérieur des terres. D'après leur distribu-
tion, leur langue et leurs mœurs, on peut penser que les Kai sont
venus de l'ouest dans leur territoire actuel.
l.a taille moyenne de 50 adultes mâles pris au hasard est de 1™,525,
celle de 12 femmes l'",435. M. Pôch a trouvé deux hommes dont la
taille n'était que de 1°^,33 et 1"",35; 4 individus de 1"',36 à l'",40; 6 de
4™,41 à l'i^,45 ; 14 de 1"\46 à l^^^SO; 14 de l"i,51 àl"i,55; 13 de i'^.^G à
l^SeO ; 2 de l"s61 à 1°^,66. Parmi les femmes, la taille variait de l'",38 à
1™,48. Certains de ces chiffres sont inférieurs à la moyenne des races
pygmées : Weddahs (1™,42), Negritos des Philippines (1™,37), Akkas
1"\34). Ces Kai de petite taille sont bien proportionnés, de sorte qu'on
peut affirmer qu'il s'agit de nanisme vrai, non pathologique. De plus, ce
phénomène n'est pas rare chez eux; car sur 300 hommes adultes, l'au-
teur en a trouvé 9, soit 3 0/0 dont la taille était inférieure à l'",40.
On ne peut guère dire qu'il s'agit là de variations individuelles nor-
males. Il est plus probable que les Kai se sont mélangés avec une race
de Pygmées, qui occupait autrefois leur pays actuel ou celui d'où ils
sont venus. Il faut donc s'attendre à trouver dans la Nouvelle-Guinée
ou les îles adjacentes les restes d'une population pygmée.
D-- L. L.
R. Pôcii, Ueber den Hausbau der Jabimleute, etc. (La construction des maisons chez
les Jabim de la côte orientale de la Nouvelle- juiuée allemande). ZeiLschrift fur
Ethnologie, t. XXXVII, 1905, p. 514 (4 fig.).
Les habitations des Jabim sont construites sur pilotis, quoiqu'en
terre ferme. Quatre pieux supportent le plancher et sur celui-ci se
trouvent quatre parois en planches qui n'atteignent pas jusqu'au toit
et ne le supportent pas Celui-ci est placé sur quatre piquets placés à
côté des précédents, mais sans lien avec eux ; ils traversent le plancher
de la maison sans aider à le soutenir. Devant la maison se trouve un
perron en bois supporté par quatre pieux; on y accède au moyen d'une
poutre à encoches, placée obliquement. On passe de là dans la maison
par un orifice silué dans le haut d'une des parois. La maison n'est
éclairée que par cet orifice et par la fente située entre les murs et le
toit. Celui-ci est garni de feuilles de palmier. Au milieu, il recouvre direc-
tement l'intérieur de la maison; vers les pignons, il en est séparé par
202 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
des planchers intermédiaires. Il n'y a pas de cloisons limitant des
chambres.
Les bâtiments pour les assemblées sont bien plus grands que les mai-
sons d'habitation. Ils s'en distinguent parce qu'il y a deux étages. Au-
dessous de la partie supérieure, identique au modèle de celles-ci, il y
a un plancher supporté à une faible hauteur au-dessus du sol par un
troisième système de quatre pieux. Cet étage inférieur est ouvert sur
les côtés. On accède à la salle supérieure par deux portes percées sur
les petits côtésdu quadrilatère; on arrive à ces orifices au moyen d'une
perche à encoches, reposant sur une poutre saillante du plancher. A
l'extrémité de celle-ci est suspendu un ornement en bois qui a été
taillé dans la poutre et qui s'articule avec elle comme les anneaux d'une
chaîne. La grande salle de ce bâtiment sert de dortoir aux jeunes gens
non mariés, mais nubiles et circoncis; on y conserve aussi les instru-
ments qui servent à la circoncision. Les femmes n'ont pas le droit d'y
pénétrer; les étrangers de passage y reçoivent l'hospitalité.
D^ L. L.
Reports of the Cambridge anthropological expédition to Torres Straits. Vol. V.
Sociology, magie and religion of the Western Islanders (Rapports de Texpédition
anthropologique de Cambridge au détroit de Torre?. Vol V. Sociologie, magie et
religion des insulaires occidentaux). Cambridge, University Press, 1904, 378 p.,
in-4, 84 fig. 22 planches.
Ce volume des rapports de l'expédition due à l'initiative de M. Had-
don, expose les résultats des observations de ce dernier et de ses
collaborateurs, MM. W. H. Rivers, C. G. Seligmann et A. Wilkin.
La besogne des investigateurs anglais a été considérablement faci-
litée par l'assistance d'indigènes éduqués : le chef Waria, de Mabuiag,
qui, de sa propre initiative, envoya à M. Haddon des notes, écrites de
sa main^ sur la généalogie des gens de sa tribu, et des contes; Pasi, de
Dauar, qui écrivit pour M. Ray, linguiste de l'expédition, des frag-
ments de légendes; Gizu, de Mabuiag, qui dessina la plupart des figures
qui illustrent le livre.
Une telle instruction des peuples placés entre les Papous et les
Australiens, doit naturellement nous mettre en garde contre le caractère
« primitif » des faits recueillis; ces îles sont très travaillées depuis
trente ans par les missionnaires protestants, et M. Haddon lui-même
constate que, sauf quelques très vieux hommes, tout le monde y parle
anglais et que la vie sociale originale s'altère très rapidement. Ce-
pendant, les résultats sont considérables et, si les coutumes anciennes
commencent à perdre la valeur de lois, elles ont encore suffisamment
de vogue pour régler les détails de la vie journalière : la famille con-
serve son ancienne nomenclalure, la magie primitive est encore floris-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 203
santé et, occasionnellement, on célèbre de grandes fêtes religieuses.
Les îles du détroit de Torres ont été divisées en deux groupes; bien
que la technologie soit uniforme dans tout l'archipel, les coutumes
sociales et les croyances religieuses présentent des différences mar-
quées dans le groupe oriental et dans le groupe occidental.
Les îles dont il s'agit sont peu étendues, ont une végétation pauvre
et sont mal irriguées. Les observations ont surtout porté sur celles de
Mabuiag, de Saibai, de Muralug, de Tutu et de Yam.
La population est peu dense; elle est d'origine papoue, fortement
imprégnée d'éléments mélanésiens et même australiens (de la presqu'île
d'York). Le métissage entre les deux groupes d'insulaires du détroit
de Torres est assez considérable; de plus^ ces gens se marient souvent
avec des Mélanésiens et même des Polynésiens et des indigènes de la
Nouvelle-Guinée.
Les divisions en groupes sociaux sont assez nettes : en fait, chaque
île forme une tribu ou, comme M. Haddon préfère avec juste raison
l'appeler, un « groupe. » Chacun des groupes diffère de son voisin,
souvent par la possession d'un sous-dialecte particulier et de coutumes
spéciales : telle coutume conservée ici a disparu là; telle institution a
évolué là et est restée ici en état de stagnation. Mais ces différences sont
purement locales, et M. Haddon a peut-être bien fait de ne pas donner
à ces divisions géographiques le nom de tribus, car elles ne comportent
pas les fonctions de la tribu proprement dite; peut-être aurait-il dû,
pour être complètement exact, ajouter au mot groupe l'adjectif « local ».
L'organisation des groupes est à l'heure actuelle un peu trouble :
on aperçoit bien une ancienne constitution en clans, mais elle se super-
pose aujourd'hui à une organisation territoriale : les gens de villages
différents se groupent cependant ensemble suivant le totem de clan
qu'ils possèdent. Autrefois les gens d'un même totem habitaient une
même localité (p. 159). On nous parle de clans différents portant un
même totem. Ils paraissent avoir formé autrefois deux sections diffé-
rentes, celles du « grand » et du « petit » totem : l'une comprenait les
totems terrestres, l'autre les totems aquatiques. Les recherches faites
par les auteurs prouvent que cette division ne correspond pas à la divi-
sion en deux phratries qui existe en Australie. Théoriquement, il est
encore interdit à un homme de se marier dans son totem, qui est
aujourd'hui celui de son père; cependant, certains hommes y joignent
celui de leur mère ; d'autres signes montrent que la descendance fut
autrefois suivant la ligne féminine.
L'organisation familiale semble avoir subi de profondes modifications
quant à sa constitution extérieure; cependant, les nomenclatures de
parenté et les généalogies fournies par les indigènes, et en particulier
par le chef Waria, nous permettent de conclure à l'état très rudimen-
taire de la famille avant l'arrivée des Européens. Sa forme répond à
204 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
peu près à ce que L. H. Morgan appelait « le type hawaïen de la
famille classificatoirn ». Il n'y a pas trace de promiscuité ni d'inceste;
le père, l'oncle paternel, Toncle maternel portent des noms dilTé-
rents. Le système de nomenclature montre cependant des particularités
intéressantes : les termes par lesquels certains parents se nomment sont
réciproques; par exemple^, le même terme [baba) est usité par le frère
qui s'adresse à sa sœur ou par la sa^.ur qui s'adresse à son frère ; mais
si c'est un frère qui s'adi'esse à un frère, ou une sœur à une sœur, le
mot employé est différent {tnkoiab). L'oncle et le neveu se servent
aussi de termes réciproques. Autre particularité curieuse : un homme
ne peut parler à ses beaux-frères ni à son beau-père ; une femme à sa
belle-mère ni à ses belles-sœurs.
Ces noms différents ne sont pas de pure étiquette : ils supposent des
droits et des devoirs; le degré de parenté qui confère le plus de droits
est celui d'oncle maternel [ivadwam]; le neveu lui doit obéissance,
même en temps de guerre.
On a coutume de prendre femme dans certains clans déterminés. Il
arrive souvent qu'un groupe de frères d'un certain clan épouse un
groupe de sœurs d'un autre clan. A la mort d'un homme, sa veuve se
remarie fréquemment dans le clan de son mari défunt. Le mariage peut
être rompu pour cause d'infidélité ou de stérilité; la femme est rendue
à ses parents et peut se remarier.
Le droit successoral nous apprend peu de choses : à la mort d'un
homme, ses enfants se partagent ses biens; on pourrait cependant dis-
poser d'une partie de ses biens en faveur d'étrangers (p. 286).
La constitution politique des insulaires du détroit de Torres était de
la nature la plus simple : bien qu'il n'y eut pas, à proprement parler^
de classes d'âge, les gens obéissaient à une sorte de conseil des vieil-
lards. Il y avait dans chaque île, qui constituait ainsi un groupe poli-
tique, un chef dont l'autorité nous est mal connue.
La propriété de certaines choses était indivise dans les clans; à
Mabuiag, les canots appartenaient à la famille; la propriété de la terre
n'était pas soumise à des règles fixes; on s'en débarrassait volontiers.
Les règles morales n'étaient pas très strictes ; elles étaient inculquées
aux jeunes gens lors de leur initiation; la moralité domestique et
sexuelle était bonne. L'homicide ne devenait meurtre qu'à l'intérieur
du clan; les assassinats entre gens de clans différents se réglaient par
le combat d'un clan contre l'autre. Les étrangers qui, autrefois, abor-
daient sur ces îles étaient presque toujours mis à mort.
La guerre, lorsque sa cause n'était pas l'assassinat d'un membre
d'un clan, avait surtout pour but la récolte des crânes, « pour acquérir
ainsi de la gloire et l'approbation des femmes » (p. 298). Les guerriers
ne paraissent pas avoir reçu d'éducation spéciale; ils comprenaient tous
les gens d'un village, sauf certains individus très pacifiques qui étaient
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 205
d'ailleurs épargnés par les ennemis. On nous décrit des danses de
guerre, mais nous ne savons pas si elles avaient lieu avant une expédi-
tion. Les têtes des ennemis tués étaient gardées dans une maison spé-
ciale.
Le commerce avait lieu non seulement entre les îles du groupe,
mais encore avec la Nouvelle-Guinée et le cap York. Il se faisait par
échange; il n'existait aucune unité de valeur. Les insulaires de Saibai
étaient les intermédiaires entre les insulaires et les gens de la Nou-
velle-Guinée. Toutes les flèches venaient de ce pays; les harpons à
dugong étaient fabriqués à Muralug et les tambours à Saibai.
La religion de ces peuples est encore suffisamment conservée pour
qu'on ait pu faire de bonnes observations. Les totems paraissent avoir
eu une'grande importance religieuse, bien que M. Haddon dise qu'on
ne leur rend pas de véritable culte. Certaines fêtes ayant pour but la
reproduction du gibier sont cependant de véritables cérémonies toté-
miques, semblables à V Intichiuma des Australiens du Centre. Comme
cette dernière, ces cérémonies sont accomplies par les clans portant le
nom de l'animal dont il s'agit d'obtenir la reproduction; toute la tribu
profite du rite accompli par ce clan. On doit faire rentrer dans la même
catégorie les rites de production de la pluie, faits par les clans qui
ont pour totem des animaux aquatiques. D'autres actes religieux ont
peut-être aussi un rapport avec le totémisme : tels sont ceux qui ont
pour but de désacraliser certains animaux (dugong, tortue), lorsqu'on
prend le premier de la saison. Ces cérémonies consistent surtout en
danses, où les personnages portent des masques représentant les ani-
maux. Les fêtes agraires consistent aussi en danses, exécutées par des
hommes porteurs de masques et personnifiant des esprits stellaires.
Les rites d'iniation des jeunes gens lors de la puberté ont ici, comme
en beaucoup de pays, de grands rapports avec les rites agraires.
Les cultes funéraires ont disparu en 1898. mais M. Haddon avait pu
les observer dix ans auparavant. Il existait des cultes ancestraux, sous
forme de danses accomplies par des hommes masqués qui représen-
taient les morts. Ceux-ci étaient censés se réunir dans une île, où ils
vivaient, mais quelquefois ils venaient rôder autour du lieu de leur
ancienne vie et s'y comportaient à la façon des vampires.
En dehors des âmes des morts, existaient de nombreux esprits; les
classes les plus importantes étaient celles des dôgai, esprits féminins
agissant parfois à la façon de succubes, et les mûri. Les personnages
mythiques les plus importants étaient les héros, et surtout l'un deux,
Kicoiarrij qui était l'objet d'un culte considérable.
Les observations sur la magie ont pu être excellentes, principalement
en ce qui concerne l'initiation du sorcier et le matériel magique. Les for-
mules qu'on apu recueillir sontpeu nombreuses. Un homme quelconque
peut devenir magicien en suivant un entraînement sous la conduite
206 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
(l'un autre mai,ncien. Il est remarquable de voir que certains rites
magiques ne peuvent ôtre accomplis que par les gens de certains
totems (p. 321). Les rites employés n'ont rien d'original.
H. Beuchat.
A. Kraemek : Der Haus- und Bootbau auf den Marshallinseln (La construction des
maisons et des bateaux dans les lies Marshall). Arcliiv fur Anthropologie, t. 111,
fasc. 4, 1905, p. 295 (2 PI. et 13 flg).
La maison des habitants des îles Marshall ou Ralik-Ratak est consti-
tuée essentiellement par un toit posé sur quatre poteaux peu élevés.
Ceux-ci supportent un cadre quadrangulaire qui est recoupé par des
poutres transversales et longitudinales, servant de squelette à un plan-
cher. Celui-ci présente en son milieu une ouverture carrée qui permet
de pénétrer dans l'habitation proprement dite située dans le toit, et
deux ouvertures rondes placées aux extrémités, qui servent à introduire
les aliments. Le toit est recouvert de feuilles de pandanus cousues sur
des bâtons qui reposent sur les chevrons. L'espace situé sous le plan-
cher est ouvert sur les côtés; il est recouvert de nattes, comme le plan-
cher lui-même, et juste assez haut pour qu'on puisse s'y tenir accroupi.
Les villages sont en général situés au bord de la lagune; les maisons
sont éparses à l'ombre des cocotiers et des arbres à pain. 11 faut noter
d'ailleurs que ce type d'habitation a été presque partout remplacé par
des maisons modernes dénuées de tout caractère.
Les bateaux des Ralik-Ratak sont des canots à rames employés sur
la lagune ou de grandes barques à voiles et à balancier, tenant bien la
mer. Le bois est fourni par l'arbre à pain. Les embarcations sont faites
de planches ajustées avec soin et cousues ensemble. Elles ne sont pas
calfatées, mais dans les fentes on enfonce des feuilles de pandanus et
dans les trous des coutures des fibres de coco. Ces planches étaient
autrefois taillées avec des haches faites en coquille de Tridacne; actuel-
lement on n'emploie que des haches de fer. Les petits canots sont
formés d'une quille et de quatre planches, deux pour les côtés, deux,
anguleuses, pour les extrémités. Ils sont également pourvus d'un balan-
cier.
Les grands bateaux ont 4 à 10 mètres de long. Leur construction est
très compliquée et ne peut être décrite en l'absence de figures. 11 faut
noter leur quille très élevée, se rattachant à la coque par deux planches
obliques. La coque est asymétrique, son côté tourné vers le balancier
est régulièrement convexe, l'autre presque vertical. La raison de cette
disposition est incertaine, car elle n'existe pas dans d'autres embarca-
tions à balancier, par exemple aux îles Gilbert. La plate-forme déborde
largement la coque à l'extérieur; elle se prolonge sur une partie du
balancier. Les poutres qui constituent celui-ci traversent la coque et se
MOUVEMEiNT SCIENTIFIQUE. 207
recourbent à l'autre extrémité sur le flotteur. La voile est triangulaire
et portée par deux vergues. Sur le pont se trouvent de très petites
cabines demi cylindriques, recouvertes en feuilles de pandanus.
Dr L. Laloy.
Dr Fabio Frassetto. Studi sulle forme del cranio umano (Étude sur les formes du
crâne humain). AiiaLomischer Anzeigei\ XXVII Band. 1905.
Dans cet opuscule sont traitées un certain nombre de petites ques-
tions isolées ayant trait à la forme générale du crâne et des trois os
(frontal, pariétaux, occipital) qui entrent dans la constitution de sa
voûte. Ces questions sont les suivantes : a) Diagnose différentielle des
variétés ellipsoïdale et pentagonale; 6) Variété et sous-variété ovoidale;
c) Diagnose différentielle des sous-variétés ellipsoïdale, ovoidale et
pentagonale; d) Sur l'indépendance des trois os de la voûte du crâne
au point de vue du développement de la forme; e) Révision des formes
crâniennes eurafricaines proposées par Sergi.
Nous n'insisterons pas davantage sur ce travail. Il est conçu, ainsi
que le seul énoncé de ses paragraphes permet de s'en rendre compte,
d'après les conceptions crâniologiques spéciales ayant cours en Italie
et que n'admettent généralement pas, avec raison à notre avis, les
anthropologistes français. Ces termes d'ovoïdal, d'ellipsoïdal, de paral-
lélipipédoïdal, de pentagonoïdal, de rhomboïdal, etc. (on pourrait les
multiplier à l'infini) servant à caractériser des formes crâniennes ne
nous apprennent pas beaucoup plus que l'indice céphalique, et^ ils
sont si peu précis qu'entre l'un et l'autre type on peut trouver tous
les intermédiaires.
R. Anthony.
F. G. Parsons and C. R. Box. The relation of the cranial sutures to âge (Rapport
entre les sutures crâniennes et l'âge). Journal of the Anthropotogical Institule of
great Britain and Ireland.^ vol. XXXV, 1905, p. 30.
Les anciens anatomistes croyaient pouvoir déterminer l'âge d'un crâne
d'après l'oblitération plus ou moins avancée des sutures crâniennes.
Des recherches plus récentes [Boston Medic. a. Surgic. Journ. ; vol. CXXII)
à ce sujet ont permis à Dwight d'établir certains faits qui sont en
désaccord avec l'opinion généralement admise. Ainsi, d'après Dwight,
il arrive souvent que les sutures commencent à s'oblitérer avant l'âge
de 30 ans; entre 30 et 40, l'ossification fait des progrès considérables;
elle commence presque invariablement par la face interne du crâne;
la partie postérieure de la sagittale et le bord inférieur de la coronale
sont atteints en dernier lieu. Dans le cas où la synostose se produit de
bonne heure, la coronale est fermée avant la lambdoïde; dans les vieux
208 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
crânes cependant, du moins à la face externe de ceux-ci, la lambdoïde
est oblitérée avant la coronale.
MM. Parsons et Box apportent de nouveaux détails sur cette question
intéressante, non seulement au point de vue de l'anthropologie, mais
encore à celui de.la médecine légale. Ces auteurs ont étudié 82 crânes
dont l'âge précis est noté dans tous les cas.
Les auteurs admettent, avec Dwight, que les sutures peuvent s'obli-
térer avant l'âge de 30 ans, mais cela est relativement rare, de sorte
que l'absence des oblitérations internes permet de fixer l'âge du crâne
au-dessous de 30 ans. Après 30 ans, les sutures sagittale et coronale
sont partiellement oblitérées sur leur face interne; après 50 ans dans
la majorité des cas, et après 60 ans dans la totalité des cas, toutes les
sutures endocrâniennes sont oblitérées. Les sutures ectocrâniennes, par
contre, présentent trop de variations individuelles pour qu'il soit pos-
sible de déterminer d'après celles-ci l'âge du crâne.
Contrairement à l'opinion de Dwight et de plusieurs autres auteurs
qui prétendent que l'ossification apparaît en premier lieu àl'obélion,
Parsons et Box croient qu'elle commence par la moitié inférieure et
interne de la suture coronale et qu'elle est bientôt suivie de l'oblité-
ration externe delà même suture au-dessous du stéphanion. La suture
sagittale semble s'oblitérer tout d'abord sur la face interne vers la
région de l'obélion; la partie postérieure de la suture en question peut
parfois rester ouverte tandis que tout le reste est oblitéré. L'opinion de
Picozzo que, chez le mâle, l'obélion s'oblitère en premier lieu, et, chez
la femelle, la portion médiane de la suture saggitale, ne semble pas se
confirmer.
La suture lambdoïde se ferme généralement après la coronale et la
sagittale; il parait que cela tient à sa structure dentelée, l'oblitération
étant d'autant plus précoce que la suture est plus simple. L'oblitéra-
tion de la suture en question commence à mi-chemin, entre le lambda
et l'articulation occipito -mastoïdienne; sur la face externe du crâne
l'oblitération est, comme de règle, plus tardive. Cela s'applique égale-
ment à la suture métopique, laquelle, dans certaines conditions, est la
dernière à se souder.
D'accord avec Picozzo, les auteurs admettent que les crânes mâles
s'oblitèrent un peu plus tôt que les crânes femelles. D'habitude l'obli-
tération est aussi avancée du côté gauche que du côté droit du crâne ;
dans les rares cas où elle est en quelque sorte unilatérale, les auteurs cons-
tatent qu'elle commence plus tôt dans la moitié gauche du crâne. Ce
fait est en contradiction avec une constatation plus ancienne de Sau-
vage [Bull, de la Soc, d'Anthrop,, 1870) qui prétend que les sutures
lamboïde et coronale se ferment plus tôt du côté droit du crâne que du
côté gauche.
A. Drzewina.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 209
Da Costa Febreira. La capacité crânienne chez les criminels portugais.
Bull. Soc. Anthrop., 1905.
Ce travail est surtout constitué par un ensemble de considérations
assez banales, à tout prendre, sur le crime et les criminels. Nous n'y
insisterons pas. Il comporte aussi, toutefois, quelques conclusions pré-
cises qui sont les suivantes :
1» Les criminels portugais possèdent généralement une capacité crâ-
nienne plus grande que celle des normaux;
2° Les premiers sont également plus corpulents que les seconds;
3° La corpulence doit être le facteur principal de l'élévation de la
capacité crânienne chez les criminels;
4° L'on trouve, aussi bien chez les homicides que chez les voleurs,
des crânes d'une capacité égale à celle des normaux:
5° Les limites de la variation s'écartent encore plus chez ceux-là que
chez ceux-ci;
6° 11 est impossible de définir le type du criminel d'après la capacité
crânienne.
Cette dernière conclusion résume les précédentes : elle est négative;
on pouvait s'y attendre. Ce que Ton doit retenir, c'est que si la capa-
cité crânienne est souvent considérable chez les criminels, et surtout,
parmi eux, chez les homicides, cela semble tenir uniquement à leur cor-
pulence généralement forte, indice d'une constitution robuste, laquelle
est si fréquente chez les criminels, surtout chez les assassins, et semble
comme une des conditions de l'exécution pratique de leurs crimes.
L'augmentation de la capacité crânienne doit donc être, comme d'ail-
leurs tous les autres caractères qui ont été proposés, rejetée en tant que
stigmate de la criminalité.
Ce travail de M. Da Costa Ferreira est uniquement basé sur les
recherches de M. le D' Ferraz de Macedo et sur les chiffres recueillis
par ce dernier auteur, dont tout le monde connaît l'habileté et la com-
pétence en matière d'anthropométrie.
R. Anthony.
G. Walcher. — Ueber die Enstehung von Brachy- und Dolichocephalie etc. (L'ori-
gine de la brachycépbalie et de la dolichocephalie par des actions intentionnelles
sur le cràoe infantile). Correspvndenz-Blalt der deuLschen Gesellsch. fur Anlhrop.,
t. XXXVl, 1905, p. 43 (1 fig.)
L'auteur a fait une expérience curieuse. Étant donnés deux jumeaux
nouveau-nés, de même sexe et de ressemblance parfaite, il a habitué
l'un à être couché sur le côté, l'autre sur le dos. Le premier est devenu
dolicho, le second brachycéphale. La position de l'enfant dans les pre-
miers mois de la vie, la mollesse ou la dureté du coussin sur lequel
repose la tête, ont une grande iuQuence sur la forme que prend le crâne.
l'anthropologie, — T. xvir. — 1906. 44
210 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Ce fait expliquerait pourquoi certaines populations qui, par tous leurs
caractères, se rapportent au type dolichocéphale, ont cependant la tête
courte, ou vice versa. Si on couche un nouveau-né sur un coussin mou,
les côtés de celui-ci se relèvent, et pour pouvoir respirer l'enfant porte
sa face en haut. Si au contraire on le met sur un support dur, la tête n'est
en équilibre qu'à condition d'être couchée sur le côté. De simples diffé-
rences dans le mode de couchage des nouveau-nés peuvent donc modifier
la forme du crâne et, j usqu'à un certain point, contrebalancer l'influence
de la race. C'est ce que l'auteur se propose de prouver par des expé-
riences faites sur de nombreux nouveau-nés.
D-" L. Laloy.
AuREL VON TÔRÔK. Versuch einer systematischen charakteristik des Kephalindex
(Essai de caractérisation systématique de Tindice céphalique). Archiv fur Anthro-
pologie, t. IV, 1906, p. no.
M. de Tôrôk montre que l'indice céphalique ne renseigne pas réelle-
ment sur la forme du crâne; car il peut avoir pour facteurs des chiffres
très divers, et des crânes effectivement longs peuvent avoir cependant
un indice brachycéphale, ou réciproquement. Ces considérations ont
engagé M. de Tôrôk à rechercher quelles étaient les variations de la
valeur des différentes dimensions, sur un très grand nombre de crânes
appartenant aux races les plus diverses. La longueur maxima varie de
143 à 2'24 mm. soit 82 unités. En prenant trois des groupes dont
l'étendue de variations soit égale au tiers de ces 82 unités on obtient
pour les crânes courts 143 à 169 mm ; pour les moyens 170 à 196 et
pour les longs 197 à 224. De même pour la largeur maxima, dont les
variations sont comprises entre 101 et 173 mm. (73 unités), les crânes
étroits vont de 101 à 125, les moyens de 126 à 149 et les larges de 150
à 173 La hauteur totale de Virchow varie de 102 à 157 (56 unités);
les crânes bas vont de 102 à 120, les moyens de 121 à 138 et les hauts
de 139 à 157.
A l'aide de ces chiffres il est possible de caractériser un crâne quel-
conque au point de vue de ses trois dimensions. Soit un crâne de lon-
gueur 197, de largeur 162 et de hauteur 148. Il est long, large et haut.
Son indice céphalique est de 82, 23, ce qui le range dans la même
catégorie qu'un crâne dont les dimensions seraient : longueur 147,
largeur 121 et l'indice 82, 31. Cependant ce dernier crâne est remar-
quablement court. Il est donc nécessaire de caractériser les crânes par
leurs dimensions et non par leur indice seul. M. de Tôrôk propose
d'indiquer à côté de l'indice la catégorie dans laquelle rentre chacune
des mesures en utilisant la notation suivante : g, grand, m moyen,
k petit. Ainsi le premier des crânes cités plus haut est un — parce que
MOUVEMENT SCIEiNTlFIQUE. 211
sa largeur comme sa longueur sont grandes, tandis que le second est
k
un*—, parce que ces deux mesures rentrent dans la catégorie des
k
petites dimensions.
Si l'on se demande combien de cas peuvent se présenter pour l'indice
céphalique, il convient de multiplier le chiffre des variations de la lon-
gueur par celui de la largeur : 82 X 73 i= 5986. Ces 5986 cas possibles
se répartissent d'une façon très inégale entre les divers indices : 3034
(50,68 0/0) tombent sur'la dolichocéphalie, 732 (12,33 0/0) surlaméso-
céphalie (de 75 à 79,99) et 2220 (37,08 0/0) sur la brachycéphalie. Il
y a 9 combinaisons possibles. Un crâne étroit peut en effet être court,
de longueur moyenne ou long; de même pour les crânes de largeur
moyenne et pour les crânes larges.
M. de Tôrôk a appliqué ces données à la construction d'un tableau
que ses dimensions nous empêchent de reproduire ici. Le système
consiste à combiner successivement chacune des valeurs du diamètre
transverse (de 101 à 173 mm.) avec chacune des valeurs du diamètre
antéro- postérieur (de 143 a 224 mm.) et à calculer l'indice correspon-
dant. Le tableau renferme donc 82 rubriques avec chacune 73 cas indi-
viduels. Ceux-ci sont répartis en trois colonnes correspondant aux
indices dolicho,méso et brachycéphales. En général, M. de Tôrôk ne
donne la valeur que des cas extrêmes, sauf lorsque Tune des catégories
renferme des cas nombreux; ils sont alors répartis en sous-groupes.
Pour donner une idée plus nette de la méthode, examinons la première
rubrique du tableau, consacrée à la valeur la plus basse (143) du dia-
101 107
mètre antéro-postérieur. La dolichocéphalie va de jy- à j-^, c'est-à-
dire de l'indice 70,63 à l'indice 74,83; elle renferme 7 unités comprises
k k 108
dans le groupe -r. La mésocéphalie a également 7 -7- et va de -y^
11 i
(indice 75,52) à — ^ (indice 79,72). La brachycéphalie a 59 unités, soit
k 115 125 rn
11 y allant de j— (indice 80,42) à -y- (indice 87,41); 24 — qui vont
K 1.40 \'éiô ri
126 149 a
de T-rr. (indice 88,11) à — -- (indice 104,20); enfin 24 -7- comprenant les
143 143 k
150 173
rapports —- (indice 104,90) a -— (indice 109,82). Il est possible, au
moyen de ce tableau, de se rendre compte immédiatement dans quelle
catégorie rentre un crâne donné. Mais, même si on en repousse l'usage,
il me semble tout à fait nécessaire de recourir à la notation proposée
par M. de Tôrôk qui met en évidence la catégorie à laquelle appartien-
nent les dimensions considérées. Il suffit de se rappeler que la lettre
212 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
placée en numérateur représente le diamètre transverse, celle placée en
dénominateur, l'antéro-postérieur. En tous cas il ressort de l'étude très
consciencieuse à laquelle s'est livré M. de Torôk qu'il est impossible de
tirer de l'indice céphalique seul une conclusion sur la forme du crâne.
A plus forte raison ses variations ne peuvent être considérées comme
une preuve de mélange de races.
D-^ L. L.
Marie et Pelletiek. Craniectomie et régénération osseuse. Bull. Soc. Anthrop.,
uo3 5 et 6, 1905.
Cette note a trait à un crâne provenant d'un individu qui avait de
son vivant subi une craniectomie. D'après les auteurs il présenterait :
l'' une régénération de la substance osseuse crânienne; 2^ une régéné-
ration partielle de la suture coronale. Ce crâne ayant été présenté à la
Société d'Anthropologie, il nous a été donné de pouvoir l'examiner. La
régénération de la substance osseuse y est facile à constater, et ce fait a
un certain intérêt étant donné que beaucoup de médecins et de chirur-
giens considèrent la régénération osseuse du crâne comme exception-
nelle. On Ta observé cependant un certain nombre de fois; Ollier et
nous-même l'avons obtenue expérimentalement chez des animaux;
Bourneville en a signalé des cas chez des idiots craniectomisés par lui;
et il est probable qu'en fouillant soigneusement la littérature anatomo-
chirurgicale on en trouverait d'autres cas encore. Il semble que la non
régénération de la substance osseuse du crâne soit due le plus souvent,
d'une part à ce que les craniectomies sont faites sur des sujets trop
âgés dont le périoste a perdu de son activité, et d'autre part à ce que les
opérateurs ne conservent peut-être pas le périoste avec suffisamment
de soins.
Sur le crâne présenté par les D's Marie et Pelletier nous n'avons rien
observé qui puisse être interprété comme une régénération de suture.
La chose, si elle eût existé, eût d'ailleurs été de nature à nous sur-
prendre au-delà de toute limite. Toute suture véritable comporte, en
effet, l'existence d'une membrane dite suturale interposée entre ses
bords et qui joue vis-à-vis des os du crâne le rôle des cartilages de con-
jugaison vis-à-vis des os longs; elle permet l'accroissement en surface.
On ne conçoit donc pas la régénération de la membrane suturale; elle
est un reste de la membrane moyenne du crâne membraneux primitif;
détruite, comment pourrait-elle réapparaître? En réalité lorsque la
substance osseuse crânienne se régénère au dépens du périoste, la régé*
nération part d'un certain nombre de centres qui, parleur accroissement
respectif, arrivent à se rencontrer suivant des lignes sinueuses qui res^
semblent assez à des sutures,, mais s'en différencient par ces faits :
1° qu'elles ne contiennent pas de membranes suturales; 2° qu'elles
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 213
affectent une disposition lopographique quelconque ne coïncidant pas
avec celles des sutures véritables.
Ces réserves faites, l'observation des D" Marie et Pelletier était inté-
ressante à signaler.
R. Anthony.
M. HôFLER. Das Haaropfer in Teigform (Pâtisseries rappelant le sacrifice des che-
veux). Archiv fur Anthropologie, t. IV, 1906, p. 130 (50 fig.).
Ce mémoire très documenté nous présente un grand nombre de
pâtisseries en forme de nattes, en usage dans les divers pays de langue
allemande. L'auteur rapproche ces objets du sacrifice des cheveux fait
dans diverses circonstances par les anciens, et les rapporte au culte
des morts. On sacrifiait à l'origine à ces derniers des êtres vivants,
puis, à la place de ceux-ci, seulement une natte de cheveux. Dès l'anti-
quité égyptienne et grecque, on constate la substitution d'une pâtis-
serie aux cheveux véritables. La preuve que les pâtisseries actuelles
sont bien en relations avec ces croyances est tirée des faits suivants.
Leur nom a en général la signification de natte, comme la pâtisserie
en a la forme. Ces gâteaux sont le plus souvent saupoudrés de sel, de
graines de pavot, substances qui ont une signification symbolique. On
les consomme de préférence à certaines dates : le jour des Morts, le
nouvel an, ou au moment des funérailles.
D" L. L.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
NECROLOGIE
EDOUARD PIETTE.
La nouvelle que je viens de recevoir m'afflige profondément comme elle
attristera tous les lecteurs de cette Revue. Edouard Pietle est mort le 5 juin
Kdoiiard PIKTÏE
(188(;)
1906, à la suite d'une courte maladie, et l'article que nous publions aujourd'hui,
en tête de ce numéro, sera malheureusement le dernier de la remarquable
série des Études d' ethnographie 'préhistorique.
La science perd en Piette un de ses adeptes les plus fervents, un des servi-
teurs qui l'ont le mieux honorée ; V Anthropologie , un de ses collaborateurs les
plus éminents et les plus dévoués, toutes les personnes qui s'occupent de pré-
histoire, un maître et un ami.
Edouard Piette naquit le 11 mars 1827 à Aubigny (Ardennes). Il était le troi-
sième de six enfants, deux garçons et quatre filles. Tandis que son frère cadet,
Henri, montrait, de bonne heure, pour le droit, un goût prononcé qui devait le
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
215
conduire à occuper la première présidence de la Gourde Pau où il est mort en
1889, Edouard, devenu aussi étudiant en droit, ne tarda pas à manifester ses
préférences pour les cours de sciences naturelles du Muséum, du Collège de
France ou de l'École des Mines, sans négliger d'ailleurs ses études juridiques.
Celles-ci une fois terminées, il revint dans son pays natal et se fit inscrire au
barreau de Rocroy. Il occupa ses loisirs à écrire un petit livre sur V Education du
peuple, paru en 1858, et où l'on trouve les passages suivants :
« Tout gouvernement éclairé doit protéger la liberté de la pensée et des
convictions. Il ne doit être l'instrument d'aucune religion. Il faut que l'enfant
du juif ou du protestant puisse fréquenter les classes aussi bien que l'enfant
du catholique, sans entendre rien dire qui choque les croyances de son père.
C'est aux parents à faire instruire leurs enfants par le curé et comme bon leur
semble, dans la religion qu'ils préfèrent. Les écoles doivent former des hommes
et non pas des sectaires. »
Edouard PIETTE
(1%1)
M. Ed. Piette,dit un deses biographes (1), aainsiposéle premier la questionde
la laïcité. Son livre fut l'étincelle qui fit naître les controverses sur l'enseigne-
ment de la morale dans l'école, indépendamment du dogme. Quelques années
plus tard, ses conclusions ont été admises et même dépassées, mais personne
n'a rappelé le nom de celui qui, sur ces questions, avait été un précurseur.
De la môme époque datent ses premiers travaux de géologie et de paléonto-
logie. Il s'occupa d'abord des terrains jurassiques des Ardennes et de l'Aisne,
puis du Lias et des grès du Luxembourg, dont il arriva à fixer l'âge avec le
concours de son maître et collaborateur Terquem. Il compléta ces études strati-
graphiques par des monographies de fossiles qui ont conservé toute leur
(i) He.-sry Caknoy, Edouard Plette, br. iQ-16, Paris, 1902.
216 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
valeur. Il ne tarda pas à être considéré comme un de nos meilleurs spécialistes
(4 il fut chargé de la publication des Gastéropodes jurassiques dans l'impor-
tante série de la Paléontologie française créée par Alcide d'Orbigny.
Il remplit successivement les fonctions déjuge de paix àUaucourt, Rumigny,
Asfeld, Craonne, oià ses allures indépendantes le firent parfois mal noter par
ses chefs de la magistrature impériale.
La guerre de 1870 ayant altéré sa santé, Piette se rendit dans les Pyrénées
pour la rétablir. Son esprit» toujours curieux, fut attiré par l'étude des ter-
rains superficiels de cette région ; on s'occupait alors beaucoup des antiques
moraines. Notre regretté confrère débuta, dans les études pyrénéennes qui
devaient faire sa gloire, par des notices sur les glaciers quaternaires des vallées
de la Garonne et de la Pique. En même temps, il commençait ses explorations
des cavernes en pratiquant des fouilles dans les grottes de Gourdan et de Lortet.
C'était une voie nouvelle qui s'ouvrait devant lui et qu'il a eu le mérite de
suivre pendant plus de trente ans, sans défaillance, et malgré les déplacements
successifs que lui valut sa carrière administrative, à Eauze, dans le Gers, à
Segré, au Mans, enfin à Angers où il a été juge au tribunal civil jusqu'à la
retraite et à l'honorariat.
On trouvera plus loin la liste complète des publications de Piette. Je ne
saurais m'arrêter ici que sur les principales et notamment sur celles qui ont
trait à l'âge du Renne, qui a été le domaine préféré de notre ami si regretté, celui
qui lui a donné les plus belles récoltes de faits nouveaux.
Ses premiers mémoires sur les grottes du Gourdan (1873) et de Lortet (1874)
se font remarquer par des qualités qu'on ne trouve pas toujours dans les écrits
des préhistoriens : un sens très aigu des phénomènes géologiques, un grand
souci de la précision slratigraphique, un style net et clair, souvent élégant.
Ces qualités, il les devait, pour la plupart, à son éducation première de natu-
raliste. La méthode est toujours la même pour le géologue et le paléontologiste,
qu'ils s'occupent des terrains récents ou des terrains anciens. Et Piette a tou-
jours aimé se réclamer de cette méthode ; il était fier de rappeler qu'il avait
apporté, dans l'étude du Quaternaire, les procédés qui lui avaient permis de
débrouiller les terrains secondaires de son pays.
Voici comment il s'exprime à propos de la grotte de Gourdan qu'il vient de
fouiller :
« Telle est la superposition des assises de cette grotte. Elle est aussi claire,
aussi nette, aussi facile à étudier que celle des terrains de sédiment les mieux
caractérisés qui se sont formés dans la mer aux époques géologiques. Si les
dépôts marins peuvent être observés sur de grandes surfaces, ils ne contiennent
souvent qu'un petit nombre de fossiles indiquant leur âge. Dans une grotte, les
strates sont peu étendues, mais chaque pellée de terre contient des objets qui
caractérisent l'endroit d'où on l'a tirée; et si l'homme, à une époque récente, a
creusé des foyers dans des foyers préexistants, il ne peut en résulter plus de
confusion pour un observateur judicieux, qu'il n'y en a pour le géologue qui
étudie des sédiments déposés par les eaux dans une dépression d'un terrain
plus ancien. »
On trouve déjà, dans ce mémoire, l'énoncé de propositions importantes dont
il devait démontrer plus tard l'exactitude. L'âge du Renne est parfaitement
localisé dans la série des phénomènes géologiques des temps quaternaires.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 217
« Les stations humaines de cette époque sont souvent fort loin en amont des
moraines terminales, et c'est parfois sur les débris dispersés de ces moraines
que les sauvages de l'âge du Renne ont établi leurs campements. » Ceci a été
redécouvert plus tard par des savants de divers pays. De même les derniers
stades oscillatoires de la période de recul des glaciers : « Les glaciers ne se
sont pas retirés brusquement et d'un seul trait sur les cîmes où nous les
voyons. Celui qui avait ses moraines terminales près de Gourdan a maintenant
son noyau aux Cabriouies ; entre ces deux points extrêmes, il a laissé deux
moraines qui marquent deux temps d'arrêt successifs. Il y eut donc des alter-
natives de sécheresse et d'humidité... » Autre observation capitale dont l'impor-
tance paraît avoir passé inaperçue à l'époque où elle fut publiée et sur laquelle
j'ai eu l'occasion d'appeler souvent l'attention des géologues : « En ce temps-là
(à l'âge du Renne) le sol avait à peu près son relief actuel. Les vallées avaient
été creusées dès l'ère du Moustier et probablement même avant. » Et ailleurs
il insiste sur les caractères presque exclusivement humains des couches de
l'âge du Renne. On trouve déjà, dans ce même mémoire, une réfutation en
règle, basée sur l'histoire naturelle, de la fameuse théorie du hiatus qu'il
devait ruiner quinze ans plus tard.
Après avoir fouillé la grotte de Gourdan, Piette transporta son chantier dans
celle de Lortet, et la comparaison des récoltes paléontologiques et archéologi-
ques faites dans les deux gisements, en lui montrant qu'il n'y avait pas syn-
chronisme absolu, lui donna une première idée delà longue durée et de la com-
plexité de l'âge du Renne.
De 1874 à 1888, Piette publia un grand nombre de notes dont plusieurs furent
consacrées à des travaux bien différents de ceux qu'il continuait à poursuivre
dans les cavernes. En collaboration avec Sacaze, il fit connaître les monuments
mégalithiques de la montagne d'Epiaup et les magnifiques résultats de ses fouilles
dans les tumulus du plateau de Lannemezan. Plus tard, il décrivit les tumulus des
cavernes d'Ossun, de Rarthès, de Lourdes, etc. Mais ces études, purement archéo-
logiques, ne paraissent pas l'avoir passionné comme celles d'un caractère plus
scientifique auxquelles il ne tarda pas à revenir.
En 1887 il fit paraître une élude des plus curieuses sur les Chevaux quater-
naires, cherchant à utiliser les figurations artistiques de l'âge du Renne
pour résoudre le problème si controversé de l'origine de nos Chevaux.
Vers la même époque il donnait tous ses soins à deux grands ouvrages pour
lesquels il faisait exécuter de superbes planches par des artistes tels que
Pilloy et Formant et qui devaient s'appeler l'un : Vart pendant l'âge du Renne y
l'autre : Les Pyrénées pendant l'âge du Renne. La publication en fut ajournée
par suite des données nouvelles d'importance capitale que l'exploration
de la caverne du Mas-d'Azil lui apportait pour ainsi dire tous les jours.
La caverne du Mas-d'Azil contient des terrains de remplissage de natures
diverses. 11 y a des lits de cailloux roulés formés par l'Arize quaternaire; il y a
d'énormes amas d'argile à ossements d'Ours et, par dessus ces premiers dépôts,
on observe, sur la rive gauche, des foyers de l'époque du Renne qui ont livré à.
Piette un nombre considérable d'objets d'art de tout premier ordre. Sur la
rive gauche de la rivière, ces foyers de l'âge du Renne sont surmontés par une
série d'assises formant le passage du Paléolithique au Néolithique et par des
formations récentes. Les couches intermédiaires livrèrent à Piette une industrie
218 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
encore inconnue, notamment les fameux galets coloriés, et permirent à l'heureux
préhistorien de faire des communications vraiment sensationnelles.
C'est de cette époque que datent mes premières relations avec Piette. Pré-
voyant les difficultés qu'il éprouverait à faire admettre ses nouvelles décou-
vertes, il écrivit à la Société géologique de France, dont j'étais alors secrétaire,
pour inviter ses confrères à venir vérifier la stratigraphie du Mas-d'Azil. Je me
rendis à cet appel. Pendant plusieurs jours il me laissa maître absolu du chan-
tier, recommandant à ses ouvriers de m'obéir plus qu'à lui-mcme, me laissant
libre de porter mes investigations sur tous les points que je voudrais choisir
afin de m'éclairer complètement et me laissant la propriété de tous les objets
que je pourrais trouver moi-même en place. Je le quittai parfaitement con-
vaincu de l'importance et de la nouveauté de ses découvertes et avec une grande
admiration pour son intelligence et son caractère.
Depuis cette époque noire amitié réciproque ne s'est pas démentie un instant,
et j'ai été assez heureux pour obtenir de lui cette série d'Etudes d'ethnographie
préhistorique qu'il n'aurait peut-être pas publiées sans mes insistances et qui
font grand honneur à la science française et à notre Revue.
Car Piette était très difficile pour lui-même. Si la mort l'a pris avant qu'il
ait fait paraître les grands ouvrages à la préparation desquels il consacrait tous
ses soins, ce n'est pas parce que le temps lui a manqué, c'est parce qu'il
n'était jamais complètement satisfait. Il voulut bien consentir à me donner
pour V Anthropologie des notes courtes, substantielles, qui lui ont valu une répu-
tation mondiale parmi les hommes de science, mais il ne considérait ces tra-
vaux préliminaires que comme des pierres d'attente qu'il lui faudrait façonner
de nouveau, dresser avec soin avant de les faire entrer dans l'édifice défi-
nitif.
Et puis, après les fouilles du Mas-d'Azil qui roccupèrent si longtemps,
vinrent les fouilles à Brassempouy qui lui révélèrent encore un aspect nouveau de
l'art quaternaire. Comment se résoudre à donner le vola un livre qui lui appa-
raissait tous les jours devoir être de plus en plus incomplet? Comme si ce
n'était pas là le sort de toutes les œuvres scientifiques à une époque comme la
nôtre, qui est celle de la vitesse !
Ce n'est pas ici qu'il est utile de résumer les écrits sortis de la plume de
Piette depuis 1889. Mais je peux rappeler en quelques mots les progrès prin-
cipaux que Piette a fait faire à la Préhistoire et notamment à nos connaissances
sur l'âge du Renne.
Cet âge du Renne, que les géologues et les paléontologistes ont toutes les
peines du monde de distinguer de l'époque plus ancienne, qui ne fait avec
celle-ci qu'un seul bloc, est au contraire de première importance pour les pré-
historiens. Depuis l'origine des temps quaternaires et jusqu'au début de l'âge
du Renne, l'industrie humaine se traîne misérable, rudimentaire. A partir de
celte époque, elle se développe, se diversifie, s'embellit d'une façon extraordi-
naire. Jusqu'à Piette, on ne voyait pas que cette époque fût susceptible d'être
divisée, car on n'en soupçonnait pas la longueur. Piette en a fait la stratigra-
phie ; il nous a montré qu'il y a des successions stratigraphiques, paléonto-
logiques et archéologiques. Il a révélé l'évolution des formes de harpons ; il nous
a appris les principales phases du développement de l'art qui a débuté par la
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 219
sculpture, s'est continué par le bas-relief, par les gravures à contours découpés
pour aboutir aux gravures formées de simples traits.
Ses fouilles lui ont permis d'augmenter extraordinairement le nombre de
productions artistiques de l'époque du Renne et de placer sa collection
au premier rang, comme nombre et comme qualité des chefs-d'œuvre.
C'est à lui que la science est redevable de la connaissance d'une époque de
transition entre le Paléolithique et le Néolithique, de cette curieuse industrie des
harpons plats et des galets coloriés, des notions si inattendues sur les races
stéatopyges préhistoriques, de données précieuses relatives à la semi-domestica-
tion du Renne et du Cheval, etc.
Dans un autre ordre de recherches, des découvertes d'une telle valeur auraient
valu à leur auteur toutes sortes d'honneurs et de récompenses. Mais la science
officielle ne reconnaît pas encore la Préhistoire, peut-être parce que celle-ci est
née dans notre pays et qu'elle est une de ses gloires. L'Académie des Sciences
a ignoré Piette comme elle avait ignoré Lartet. Car la noble compagnie date
d'une époque où la Préhistoire n'existait pas, de même que la Géologie, la
Paléontologie et tant d'autres sciences. L'Académie des Inscriptions n'a pas cru
devoir se montrer plus hardie et beaucoup de ses membres, je n'ose pas dire la
plupart, n'ont jamais vu les collections de Piette. Celles-ci font pourtant partie
des Musées nationaux auxquels notre éminent collaborateur et ami les a géné-
reusement offertes. L'État n'a pas su non plus le remercier comme il convenait.
Il a ignoré officiellement, lui aussi, un homme qui lui avait fait le sacrifice de
son temps, de sa fortune et avait conféré à notre pays les plus vieux titres de
noblesse artistique qui soient au monde. Mais vanilas vanitatem : Beaucoup de
monuments de la vanité humaine seront perdus dans les brumes d'un lointain
passé que le nom de Piette brillera encore comme une étoile au firmament de la
Science pure. M. Boule.
Publications de M. Piette.
Géologie.
i855 (i8 juin). — Observations sur les étages inférieurs du terrain jurassique
dans les départements des Ardennes et de V Aisne. Jn-8o de 4o pages, avec une
planche et 6 figures dans le texte. Bulletin de la Société géologique de France,
t. XII, p. loSi, II« série.
i856. — Notice sur les grès d'Aiglemontet de Rimogne. In-8° de 20 pages avec
une planche. Bulletin de la Société géologique de France, 11° série, t. XIII, p. 188.
1867. — Note sur le gîte des Clapes {Moselle). In-S» de 7 pages avec 2 figures
dans le texte et un tableau. Bulletin de la Société géologique de France,
II« série, t. XIV, p. 5ro.
1859. — Les phosphates minéraux des Ardennes. Imprimerie du Courrier, à
Charleville.
1861 (20 mai). — Note sur les gîtes analogues à celui de Fontaine -Étoupe four,
rencontrés au sud du plateau paléozoïque de CArdenne, et observations sur l'âge
des minerais de fer qui couvrent le bord méridional de ce plateau. In-8° de
220 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
7 pages avec r>. figures dans le texte. Bulletin de la Société géologique de France,
II«, série, t. XVIII, p. b-ji.
iS6y.. — Le lias iufcrleur de la Meurthe, de la Moselle, du Grand-Duché de
Luxembourg, de la Belgique, de la Meuse et des Ardennes, par Terquem et Piette.
In-8° de 76 pages avec 2 planches. Bulletin de la Société géologique de France,
t. XIX, IP série, p. 822.
1862. — Note sur la partie inférieure du terrain crétacé dans C Aisne et la
région occidentale des Ardennes. In-8" de 4 pages avec 2 figures dans le texte.
Bulletin de la Société géologique de France, 11^ série, t. XIX, p. 946.
1870 (2 mai). — Réponse à la note de M. Mcugy, intitulée '• Sur le Lias. In-8''
de i4 pages avec 2 figures dans le texte. Bulletin de la Société géologique de
France, t. XXVIl, Ih- série, p. 602.
1874 (i5 juin). — Notice sur le glacier quaternaire de la Garonne et sur l'âge du
renne dans les grottes de Gourdan et de Lortet. In-8° de 23 pages. Bulletin de la
Société géologique de France, I1I<^ série, t. II, p. 245 et 498.
1876 (11 décembre). — La hauteur du glacier quaternaire de la Pique à
Bagnèrea-de-Luchon. Comptes rendus de l'Institut, t. LXXXIII, p. 1187.
1894 (i3 aoùL). — Le gisement de Saint-Michel en-Thiérache. Association fran-
çaise pour l'avancement des sciences. Congrès de Caen, t. I, p. i54.
1902. — Conséquences des mouvements sismiques des régions polaires. In- 8° de
4 pages. Angers, Burdin.
1902. — Les causes des grandes extensions glaciaires aux temps pléistocènes.
In-S« de 10 pages. Bulletin de la Société d'Anthropologie de Paris, 6<= série, t. III,
1902.
Paléontologie.
i855 (19 novembre). — Note sur les coquilles ailées trouvées dans la grande
oolithe des Ardennes, de V Aisne et de la Moselle, In-8° de i5 pages avec 4 planches.
Bulletin de la Société géologique de France, série II, t. XIII, p. 85.
i856 (5 mai). — Note sur les coquilles voisines des Purpurines trouvées dans la
grande oolithe des Ardennes et de l'Aisne. In-8° de 12 pages avec 3 planches.
Bulletin de la Société géologique de France, IV série, t. XIII, p. 687.
1867 (20 avril). — Description des Cerithium enfouis dans les dépôts bathoniens
de l'Aisne et des Ardennes. In-8° de 19 pages avec 4 planches. Bulletin de la
Société géologique de France, II"' série, t. XIV, p. 544.
x86o. — Note sur un genre nouveau de Gastéropodes {le genre Exelissa). In-8° de
2 pages. Bulletin de la Société géologique de France, série 11% t. XVIII, p. 14.
i863. — Le lias inférieur dans Vest de la France, le Grand-Duché de Luxem-
bourg et la Belgique, par Terquem et Piette. Un volume in-4° de 175 pages avec
18 planches. Mémoires de la Société géologique de France, série II, t. VIII.
1864-1876. — Paléontologie française {V série. Terrain jurassique, Gastéro-
podes Ire, série, t. III). In-8° de 535 pages et 92 planches. G. Masson, libraire-
éditeur, boulevard Saint-Germain, 120.
1874 (21 août).— -Swr plusieurs genres nouveaux ou peu connus de Gastéropodes.
In-8° de 7 pages avec une planche. Association française pour l'avancement de.s
sciences. Congrès de Lille, t. III, p. 36i.
1876 (janvier). — Note sur les coquilles ailées des mers jurassiques. Imprimerie
du Courrier de V Aisne, à Laon.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 221
Archéologie et Ethnologie préhistoriques.
1869 (2 juin, 28 août, 7 septembre). — Lettres à M. de Ferry sur les sépultures
de Chassemy. Brochure in-S». Imprimerie du Courrier de l'Aisne, à Laon.
1870 (i3 février). — Urnes gallo-romaines dans la nécropole de Chassemy.
Courrier de V Aisne, à Laon.
1870. — Découverte d'un char gaulois dans le cimetière de Chassemy. Courrier
de l'Aisne, à Laon.
1870 (avril). — Sépulture poiyandrique de l'Hôpital, près Rumigny {Ardennes),
par Piette et de Ferry, Iri-8° de 8 pages avec une planche. Matériaux pour
servir à l'histoire naturelle et primitive de l'homme.
1871 (3i juillet). — Une grotte de rage du renne, près Montrejeaux (Haute-
Garonne). Comptes-rendus de l'Institut, t. LXXIII, p. 35o.
1872 (mars). — Les troglodytes dans le département de l'Aisne. In-80 jg 5 pages.
Matériaux pour servira l'histoire primitive et naturelle de Thomme, IP série,
t. III, p. 124.
1872 (mai). — Note sur les creutes du département de V Aisne. Matériaux pour
servir à l'histoire naturelle et primitive de Thomme, 11^ série, t. III, p. 243.
1873 (18 avril). — La grotte de Gourdan pendant rage du renne. In-80 de
42 pages. Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, 11^ série, t. VIII,
p. 384.
1873. — Recherche de vestiges préhistoriques dans la chaîne des Pyrénées. In-8
de 8 pages avec 2 planches. Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Tou-
louse, année 1873, p. 332.
1874(16 avril). — La grotte de Lortet pendant l'âge du renne. In-S^deiS pages.
Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, IP série, t. II, p. 498.
1874 (21 août). — Histoire de la cuiller. In-80 de 6 pages avec 3 planches.
Association française pour l'avancement des sciences. Congrès de Lille, t. III,
p. 679.
lS-j^. — Une flule néolithique. Comptes-rendus de l'Institut, t. LXXIX, n» i,p. 56.
1874. — La flûte composée à l'âge du renne. Comptes-rendus de l'Institut, vol.
LXXIX, p. 1277.
1875 (5 avril). — Sur de nouvelles fouilles dans la grotte de Gourdan. In-8° de
18 pages. Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, II® série, t. X. p. 279.
i865 (26 août). — Les vestiges de la période néolithique comparés à ceux des
âges antérieurs. In-80 de 23 pages avec 4 planches. Association pour l'avance-
ment des sciences, t. IV, p. 919. Congrès de Nantes.
1877 (5 avril). — La montagne d'Épiaup, par Piette et J. Sacaze. In-S» de
28 pages. Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, II® série, t. XII, p. 226.
1878 (juin). — Les monuments de la montagne d'Épiaup, par Piette et Sacaze.
In-8°de 14 pages avec 4 figures dans le texte. Matériaux pour servir à l'histoire
primitive et naturelle de l'homme, série II, t. IX, p. 246.
1879 (décembre). — Les iumulus d'Avezac-Prat, Hautes-Pyrénées, par Piette
et Sacaze. In-S» de 19 pages avec 5 planches. Matériaux pour l'histoire primitive
et naturelle de l'homme, vol. XIV, série II, t. X, p. 499.
1880 (janvier) — Nomenclature des temps anthropiques primitifs. Imprimerie
Le Vasseur, à Laon.
188 1 (décembre). — Note sur les tumulus de Bartrès et d'Ossun. In-80 de
222 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
19 pages a\ec 5 planches. Matériaux pour l'hisloire primitive et naturelle de
l'homme, série lï, t. XII, p. 522.
1884 (décembre). — Exploration de quelques iumulus situés sur les territoires
de Pontacq et de Lourdes. In-8 de 18 pages avec u figures dans le texte et 4 plan-
ches. Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme, série III,
t. I, XVIil" année, p. 577.
1887 (septembre). — Équidés de la période quaternaire d'après les gravures de
ce temps. In-8<J de 8 pages avec 10 figures dans le texte. Matériaux pour l'histoire
primitive et naturelle de l'homme, 111° série, t. IV, p. 359.
1887 (octobre). — De Verreur de Buffon qui a pensé que le renne vivait encore
dans les Pyrénées au XIV^ siècle et des causes qui l'ont amené à la commettre.
Brochure in-8° de 14 pages. Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de
l'homme, XXIe année, 111^ série, t. IV, p. 407.
1887 (décembre). — Le Kertag quaternaire. In-8" de 8 pages. Bulletin de la
Société d'anthropologie de Paris, III^ série, t. X, p. 786
1885 (janvier). — Façon de faire le fil avec des tendons de renne en Laponie.
Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme, XXIIe volume,
HJe série, t. V. p. 46.
1889 (25 février). — Un groupe d'assises représentant V époque de transition entre
les temps quaternaires et les temps modernes. Comptes rendus des séances de
l'Académie des sciences, t. CVIII, p. 422.
1889 (mars). — Les subdivisions de l'époque magdalénienne et de l'époque néo-
lithique. Brochure iQ-8° de 25 pages. Imprimerie Burdin, à Angers.
1889 (mars). — Nomenclature de l'ère anthropique primitive. Brochure in-8'' de
12 pages. Imprimerie Burdin, à Angers.
189 1. — Notions nouvelles sur l'âge du renne. Brochure in-S» de 25 pages avec
12 figures dans le texte, annexée à un ouvrage de M. Alexandre Bertrand : La
Gaule avant les Gaulois.
1892 (20 septembre 1892). — Phases successives delà civilisation pendant l'âge
du rennOt dans le midi de la France et notamment sur la rive gauche de VArise
{Grotte du AiasdAzi/). In-8° de 9 pages. Association française pour l'avancement
des sciences. Congrès de Pau, XXI^ session, p. 649.
i8gP. _ Compte rendu de Vexcursion faite aux abris de Brassempouy pendant
le congrès de Pau. Brochure de i3 pages. Bulletin de la Société de Borda.
i8g3. _ la station préhistorique de Brassempouy. Brochure de 12 pages. Aca-
démie des sciences, arts et belles-lettres d'Angers. Imprimerie de Dolbeau.
1894 (mars). — L'époque éburnéenne et les races humaines de li période glyp-
tique. Brochure de 27 pages. Imprimerie de Poëlte, à Saint-Quentin.
1894 (avril). Note pour servir à l'histoire de l'art primitif. In-8° de 18 pages
avec 19 figures dans le texte. L'Anthropologie, t. V, fascicule 2, p. 129.
iSq\, — Une station sulistrienne à Gourdan. In-8' de 8 pages. Bulletin de la
Société de Borda.
1894 (10 août). — Nouvelles fouilles à Brassempouy. Association française pour
l'avancement des sciences, 23e session. Congrès de Caen, p. (175. In-8" de
7 pages avec 6 figures dans le texte.
1895 (juin). Études d'ethnographie préhistorique. Répartition stratigraphique
des harpons dans les grottes des Pyrénées. ^-8" de 21 pages avec 22 figures dans
le texte. V Anthropologie, t. VI, n« 3, p. 276.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 223
1895 (18 avril). — Hiatus et lacune. — Vestiges de la période de transition
dans la grotte du Mas d'Azil. In-8° de 44 pages. Bulletin de la Société d'anthro-
pologie de Paris, t. VI, série IV, p. 235. Séance du 18 avril 1895.
1895 (7 novembre). — Fouilles faites à Brassempouy en iS9o. In-8 de 5 pages,
Bull, de la Soc. d'Anthropologie de Paris, t. VII, série IV, p. 669. Séance du
7 novembre 1895.
1896 rfévrier). — Études d'ethnographie préhistorique, II. Les plantes cultivées
de la période de transition aaMasd'Azil. In-80 de 18 pages avec 76 figures dans
le texte. U Anthropologie, t. VII, n° i, p. i.
1896. — Études d'ethnographie préhistorique, III. Les galets coloriés du Mas
d'Azil. In-80 de 42 pages avec 107 figures dans le texte et album in-4 contenant
25 planches en chromo-lithographie et leur explication. V Anthropologie.^ i, VII,
no 3, p. 385.
1897 (avril). — Études d'ethnographie préhistorique, IV. Fouilles à Brassem-
pouy en 1896, par Ed. Piette et J. de la Porterie. In-80 de 9 pages avec 6 figures
dans le texte et une planche. L'Anthropologie, t. VIII, n» 2, p. i65, avril 1897.
1897 (17 juin). — Origine de nos alphabets. In-80 de 4 pages. Bull, de la Soc.
d'Anthropologie de Paris, t, VIII, série IV, p. 284. Séance du 17 juin 1897.
1898 (octobre). Études d'ethnographie préhistorique, V. Fouilles à Brassempouy
en 1898, par Ed. Piette et J. de La Porterie. In-8° de 25 pages avec 37 figures
dans le texte. L'Anthropologie, t. IX, n° 5, p. 53i, octobre 1898.
1903. — Études d'ethnographie préhistorique, VI. Notions complémentaires sur
VAsylien. L'Anthropologie, i.XW , pages 64i à 654, avec fig.
1904. — Études d'ethnographie préhistorique, VII. Classification des sédiments
formés dans les cavernes pendant l'âge du Renne, L' Anthropologie, t. XV, pages 129
à 176, avec 73 fig.
1905. — Études d'ethnographie préhistorique, VIII. Les écritures de l'âge glyp-
tique, L'Anthropologie, t. XVI, pages i ù 12, avec figures.
1906. — Études d'ethnographie préhistorique, IX. Le chevétre et la semi-domes-
tication des animaux aux temps pléistocènes. L'Anthropologie, t. XVII, pages 27 à
54, avec figures.
Anthropologie.
1876 (18 mai). — Les vestiges de la civilisation gauloise à l'exposition de Reims.
In-80 de 9 pages. Bulletin delà Société d'anthropologie de Paris, série II, t. XI,
p. 263.
1888 (28 mai). — Sur un buste de femme taillé dans la racine d'une dent inci-
sive d'équidé, trouvé dans la grotte magdalénienne du Mas d'Azil. Comptes rendus
des séances de l'Académie des sciences, t. CVI. p. i553.
1894 (5 avril). — Races humaines de la période glyptique. In-80 de i4 pages
avec 2 figures dans le texte. Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris,
IVe série, t. V, p. 382
1894 (9 avril). — Race glyptique. Comptes rendus des séances de l'Académie
des sciences, t. CXVIII, p, 825,
1894 (16 juillet). — Sur des ivoires sculptés provenant de la station quaternaire
de Brassempouy [Landes), par Piette et de La Porterie. Comptes rendus des
séances de l'Académie des sciences, t. CXIX, p. 249.
1894(6 décembre), — Les fouilles de Brassempouy en 1894, par Piette et de
224 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
La Porterie. In-8o de 16 pages avec i3 figures dans le texte, t V, IVe série,
p. (i'.iS. Bulletin de la Société d'Anthropologie de Paris.
1894 (26 novembre). — Sur de nouvelles figurines dHvoire provenant de la sta-
tion de Brassempouy . Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences,
t. CXIX, p. 927.
1895 (avril). — La station de Brassempouy et les races humaines de la période
glyptique. In- 80 de 23 pages avec 18 figures dans le texte et 7 planches en pho-
totypie. L'Anthropologie, t. VI. n» 2, p. i3o.
1902. — Gravures du Mas d'Azil et statuettes de Menton. In-80 de i4 pages.
Bulletin de la Société d'anthropologie, séance du 5 novembre 1902.
igo3. — Sur une gravure du Mas d'Azil. Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 26 janvier 1903.
Épigraphie.
1881 (janvier). — Note pour servir à l'épigraphie d'Élusa. In-80 de 17 pages.
Bulletin de la Société des antiquaires de France, année 1881, p. 8r.
1881 (janvier). Note sur V épigraphie d'Élusa. In-S» de i3 pages. Imprimerie
Abadie, à Saint-Gaudens.
i88r (avril). — Lettre à M. A. Lavergne sur les fouilles d'Élusa. Revue de
Gascogne, t. XXII, p. 261.
1881 (juillet). Seconde note pour servir à l* épigraphie d'Élusa. In-8'> de 5 pages.
Bulletin de la Société des antiquaires de France, année 1881, p. 229.
188 r (août). — Note sur plusieurs inscription?, récemment découvertes dans les
ruines d'Élusa. In-80 de 5 pages. Imprimerie Cazeaux, à Cauterets.
Littéra^tnre.
18^8. — Situation. Brochure politique. Imprimerie du Courrier des ArdenneSy
à Charleville.
i85(5^ — ])e la vaine pâture. Brochure in-8''. Imprimerie du Courrier des
Ardennes, à Charleville.
iSSS. — Éducation du peuple. Volume in-12. Adolphe Delahaye, éditeur à
Paris, rue Voltaire, '\-Q.
i858, — Note sur l'intelligence des animaux. Brochure in-12. Adolphe
Delahaye, éditeur à Paris, rue Voltaire, 4-6.
1873 (août). — Les lignes défensives de la France. Association française pour
l'avancement des sciences. Congrès de Lyon, t. II, p. 178,
1874 (août). — Seconde note sur les lignes défensives de la France. Association
française pour l'avancement des sciences. Congrès de Lille, t. III, p. 189.
1877 (28 juillet). ~ Discours prononcé sur la tombe de J. Bahled. Imprimerie
H. Jacob, à Laon.
1889 (février). — Indissolubilité du mariage et divorce. Imprimerie Martin
Guéret, à Segré.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 225
IVécrolog-ie. — Emile Soldi.
Nous apprenons avec regret la morl de M. Emile Soldi, le sculpteur bien connu.
Emile Soldi, après un séjour de deux mois à Nice, était parti pour l'Italie avec
sa vieille mère. 11 était à Rome depuis le l®"" mars. Frappé, au théâtre Costanzi
par une indisposition subite, il a été transporté à l'hôpital, où il est mort, dit
un télégramme, sans avoir repris connaissance.
Emile Soldi était né à Paris le 27 mai 1846. Il était le fils d'un professeur d'alle-
mand (Soldyck), Danois d'origine et naturalisé Français, qui fit plusieurs tra-
ductions, notamment celle des Contes d'Andersen. Après avoir appris le métier
de relieur, selon la méthode de Jean-Jacques, qui voulait que chaque homme
eût un métier manuel, Emile Soldi se tourna vers la gravure en médaille. 11
réussit et obtint, quelques années avant la guerre, le prix de Rome. En même
temps, il s'adonnait à la sculpture et y montrait un talent souple et ingénieux.
Parmi ses œuvres, statues, médaillons, bustes, gravures, qui sont très nom-
breuses, on remarque une statue de Flore, récemment placée dans le jardin
des Tuileries, un grand médaillon, Gallia, qui se trouve au musée du Luxem-
bourg, etc., etc. Il avait fait aussi divers essais de sculpture polychrome.
Esprit actif et curieux, Emile Soldi avait publié, en ajoutant à son nom celui
de sa mère, née Golbert, divers ouvrages : les Arts méconnus, et surtout une
suite d'ouvrages sur la Langue sacrée. 11 avait cru retrouver les traces et le sym-
bole de la langue primitive des hommes dans un certain nombre de signes, de
dessins et de formes que l'on rencontre sur les poteries primitives, les tapis
orientaux, etc.
Dans ces derniers temps, il avait contribué, avec une énergique activité, à la
fondation d'une société qui n'existait pas encore en France, la « Société des
fouilles archéologiques ». Cette société, qui a pour président M. Babelon, a aidé
beaucoup de savants et d'explorateurs et elle a pu, dès l'année dernière, avoir au
Petit Palais une exposition qui obtint un très vif succès. Soldi était parti préci-
sément en décembre pour organiser la section des Alpes-Maritimes et activer les
fouilles de la Turbie.
Soldi entreprenait beaucoup de choses à la fois, mais il se donnait à toutes
avec passion. Il aura sans doute trop présumé de ses forces. Fils modèle, il
avait emmené avec lui, comme toujours et partout, sa mère octogénaire, qui ne
croyait pas, certainement, qu'elle aurait la douleur d'enterrer son enfant. Soldi
laissera à tous ceux qui l'ont connu le souvenir d'un artiste convaincu et ardent,
d'un honnête homme, d'un ami dévoué.
A. D.
Distinction honorifique.
Par décret du 7 juin 1906, M. le D^ Verneau, Assistant de la Chaire d'Anthro-
pologie au Muséum, a été nommé Chevalier de la Légion d'honneur.
Ce n'est pas à nos lecteurs qu'il est utile de faire un exposé des titres scienti-
fiques de mon fidèle collaborateur et ami. Tous connaissent ses nombreux tra-
vaux, ses fructueuses missions à l'étranger, le rôle important qu'il a joué pour
le développement de nos études comme secrétaire général des deux dernières
sessions du Congrès international d'Archéologie et d'Anthropologie préhisto-
riques, à Paris, en 1900, à Monaco, en 1906.
l'anthropologie. — T. xvii. — 1906. 15
226 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Son enseignement, à rnôtcl de Ville, à l'École d'Anthropologie, au Muséum,
où il remplace parfois son maître M. Hamy, a toujours eu beaucoup dé succès.
Je suis certainement l'inlerprète de tous nos amis de VAnthiopologie, rédacteurs
et abonnés, en offrant au U' Verneau nos plus vives et plus cordiales félicitations.
M. B.
Prix Alhumbert, à rAcadémie des Sciences.
L'Académie des Sciences avait décidé que le prix Alhumbert serait décerné,
en 1905, à l'auteur de la meilleure FAude sur Vàge de?, dernières éruptions volca-
niques de France; c'est mon excellent collaborateur, M. Marcellin Boule, qui a
été proclamé lauréat du concours. Que mon savant ami me permette de lui
adresser mes plus sincères félicitations. Les lecteurs de cette Revue applaudi-
ront au succès de l'un de ses Rédacteurs en chef, dont la compétence en géo-
logie égale les connaissances en paléontologie. Les deux sciences sont, d'ail-
leurs, aujourd'hui inséparables ; l'une et l'autre intéressent au plus haut point
le palethnologue, qui ne saurait, sans leur secours, résoudre aucun des pro-
blèmes relatifs à l'Homme fossile.
La question mise au concours par l'Académie des Sciences offrait, pour les
préhistoriens, une importance toute particulière en raison des discussions
auxquelles donna lieu autrefois la découverte d'ossements humains dans les
tufs volcaniques de Denise, près Je Puy-en-Velay. Le travail de M. Boule, que
nous espérons voir prochainement paraître, lèvera certainement les derniers
doutes qui pouvaient encore subsister dans l'esprit de quelques rares savants.
R. V.
P.-S. — Cette note devait paraître dans le n° 6 de 1995. Pour les besoins de
la mise en pages, elle a été réservée, à mon insu. Depuis cette époque la belle
monographie de M. Boule a paru dans <« La Géographie » et elle vient d'être
luxueusement éditée en brochure par MM. Masson et G^^. Nous en parlerons
dans le prochain fascicule de notre revue.
Hommag-e à des Préhistoriens.
Sur la proposition de la Société linnéenne du nord de la France, présidée
par M. Duchaussoy, le Conseil municipal de laville d'Amiens vient de donner le
nom d'Albert Gaudry à l'une des nouvelles rues du quartier Saint- Acheul, non
loin de l'emplacement des anciennes carrières où l'éminent paléontologiste,
accompagné de M°^^ Gaudry, trouva des silex taillés.
Cette rue est voisine d'un lambeau de terrain quaternaire acheté par la ville
et qui sera conservé intact : cette u réserve préhistorique » donnera aux géolo-
gues de l'avenir une belle coupe des terrains de Saint-Acheul, lorsque tout le
reste du fameux gisement aura été bouleversé pour enlever sables et graviers
et construire des maisons.
Une rue voisine a reçu le nom de Gabriel de Mortillet.
La Société linnéenne et le Conseil municipal d'Amiens ont droit à la recon-
naissance de tous les Préhistoriens.
M. B.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE 227
Excursion scientifique aux Eyzies.
J'ai eu, ces jours derniers, le plaisir de conduire dans la vallée de la Vézère
quelques auditeurs de mon cours du Muséum. Celle excursion venant après la
série de leçons que je viens de consacrer à l'Homme fossile avait pour but de
leur faire connaître et apprécier de visu quelques-uns des monuments les plus
importants que nous ayions des Hommes de l'âge du Renne.
Rendez-vous était pris le dimanche matin, 17 juin au Musée du Périgord, à
Périgueux. Cet établissement est certainement un des plus beaux et des mieux
compris qui soient en province. La section préhistorique a pour conservateur
M. Féaux, dont le nom est lié à la belle découverte de Raymonden.
M. Féaux nous a fait avec beaucoup d'amabilité, les honneurs de son dépar-
tement. M. l'abbé Breuil, pour qui toute cette admirable région n'a plus de
secrets, a commencé dès ce moment le rôle difficile et pénible de cicérone infa-
tigable qui lui a valu toute notre reconnaissance. Sous la conduite de nos
deux savants confrères, nous admirons des collections admirablement rangées,
classées avec méthode, soigneusement étiquetées. Dans une série de vitrines
plates s'alignent de belles séries de silex taillés, depuis les types les plus
archaïques, de la forme de Chelles ou de Saint-Acheul, jusqu'aux haches polies
néolithiques en passant par toute la série des types moustériens, aurignaciens,
solutréens, magdaléniens, etc. M. l'abbé Breuil n'a pas de peine à nous mon-
trer dans cette série exceptionnellement belle les formes si variées de l'outillage
de l'Homme du Renne, leur succession stratigraphique, leur dérivation les uns
des autres. Il y a aussi de nombreux objets en os et de jolies gravures dont la
plupart sont encore inédites. Nous souhaitons que M. Féaux puisse faire bientôt
une seconde édition de son volumineux catalogue du Musée en l'enrichissant
de figures reproduisant les plus belles pièces de la collection.
Une vitrine spéciale renferme les précieuses trouvailles de Raymonden près
de Chancelade : squelette humain étudié par le D^ Testut, faune froide avec
Canis lagopus, Phoco groenlandius, déterminés par M. Albert Gaudry, objets
variés. Un peu plus loin une gigantesque défense d'Éléphant, très recourbée,
prouve que le Mammouth atteignait autrefois dans ce riche pays de Périgord,
une taille des plus imposantes. Au mur sont fixées quelques reproductions de
gravures de la grotte de La Mouthe et de peintures d'Altamira, en attendant les
fac-similés des peintures de Font-de-Gaume que l'abbé Breuil ne manquera pas
d'y placer un jour.
Nous ne pouvons que jeter un coup d'oeil rapide sur les autres sections du
Musée du Périgord; une suite de salles claires où sont groupés avec art des
objets moins antiques mais du plus grand intérêt pour l'histoire de la région;
puis les musées de sculpture et de peinture, etc. Nous quittons M. Féaux, non
sans lui avoir témoigné notre admiration et notre reconnaissance. La ville de
Périgueux peut être fière d'avoir des citoyens qui la servent si dignement.
Une heure de chemin de fer dans une contrée riante, plantureuse, et nous
sommes aux Eyzies que signalent de loin les grands surplombs de roches
crétacées. Nous sommes reçus à la gare par l'éminent historien de Yercingé-
torix, M. le Professeur Jullian, qui avait bien voulu se joindre à nous et
M. Peyrony le savant et modeste instituteur des Eyzies, le collaborateur averti
et dévoué de MM. Breuil et Capitan. M. Peyrony avait bien voulu se préoccuper
228 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
d'organiser le côté matériel de notre voyage; il y a pleinement réussi. Mais
nous ne lui devons pas seulement la nourriture du corps ; nous lui devons aussi
celle de l'esprit; son guide aux Eyzies est une plaquette charmante, parfaite-
ment écrite dont tous les excursionnistes ont tiré grand profit.
Cette première journée devait être consacrée à la visite des localités classiques
de la vallée de la Vézère. Des voitures portent les 25 excursionnistes au Mous-
tier où des fouilles avaient été préparées dans un foyer à peu près intact. Cha-
cun d'eux peut faire une petite collection de râcloirs, de pointes, d'éclats. Cette
première localité, pourtant classique, qui a donné son nom à une des époques
préhistoriques, nous donne l'impression que nous ressentirons partout ailleurs,
d'un gisement mal étuflié. On a gralté sur presque tous les points ; on a boule-
versé le sol superficiel un peu partout; on n'a pas fait des fouilles profondes.
Et une seule fouille complète, un seul gisement vidé jusqu'au plancher par un
naturaliste compétent nous apprendrait beaucoup plus de choses sur l'histoire
de l'Homme fossile que cent explorations mal conduites ou trop tôt abandonnées.
Nous voyons au passage la station de La Madeleine dans une situation topo-
graphique qui prouve que pendant Vêige du Renne, c'est-à-dire au Pléistocène
supérieur, la topographie de la région était déjà identique à la topographie
actuelle.
Les voitures nous transportent directement à La Micoque, où de nouvelles
fouilles avaient été préparées par les soins de MM. Breuil et Peyrony. Ce gise-
ment est fort différent de tous les autres de la région. Il s'agit d'un dépôt sur
les pentes dû aux phénomènes de nivellement; c'est une brèche ancienne comme
celles des régions méditerranéennes dont la formation est synchronique du
remplissage principal des excavations souterraines. M. Charvet qui a fait des
fouilles importantes dans ce gisement y a recueilli beaucoup de silex admira-
blement travaillés et otTrant un mélange des plus instructifs de formes chel-
léennes et de formes moustériennes avec de nombreux instruments d'une phy-
sionomie spéciale. Ces objets se rencontrent pêle-mêle avec des ossements d'un
grand Cheval, d'un Bovidé, de Cerf élaphe. Ici encore les recherches ont été trop
superficielles; elles gagneraient à être approfondies et poussées jusqu'au plan-
cher crétacé. La fouille préparée à notre intention a été faite en contre-bas de
celle de M. Charvet; elle a montré que la formation détritique, bréchoïde à
silex taillés et à ossements n'est pas homogène dans toute son épaisseur. Il
semblerait qu'une couche stérile, plus fortement agglomérée, sépare la couche
fossilifère exploitée par M. Charvet d'une couche fossilifère plus profonde ren-
fermant des silex taillés d'un caractère plus archaïque. Je dis : il semblerait
parce que l'état actuel des lieux ne permet pas à un stratigraphe de se pro-
noncer, il faudrait faire une grande tranchée suivant la pente générale de la
montagne et recueillir avec soin la faune des divers niveaux.
Le même sentiment a été éveillé dans notre esprit par la vue des célèbres
et pittoresques gisements de Laugerie-Haute et de Laugerie-Basse. Ici tout le
monde fouille, tous les paysans se livrent à la recherche des belles pierres tra-
vaillées. Aussi chacun d'eux peut-il étaler son éventaire d'objets vrais et
d'objets faux, car les autochtones ne se contentent pas de chercher des silex
taillés, ils en fabriquent. Et plusieurs sont d'une habileté merveilleuse. Avis aux
amateurs. Il est des faux graviers qui ne tromperont pas les personnes expéri-
mentées; il en est d'autres plus difficiles à déceler, notamment quand il s'agit
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 229
de types solutréens. Souvent des morceaux de feuilles de laurier^ sont l'objet de
retouches délicates qui transforment le fragment en une pièce qui paraît com-
plète.
A Laugerie-Basse tous les excursionnistes ont pénétré dans la fameuse mai-
son Delpeyrot au fond de laquelle s'ouvre l'excavation conduisant aux foyers
exploités en galerie par de Vibraye, Manémet, Cartailhac, etc., et d'où ont été
retirés de beaux morceaux comme la Vénus impudique, la Femme au Renne,
etc. Et ici encore on voit combien il resterait à faire à côté de ce qu'on a fait.
Quelle stratigraphie a-t-on pu observer au fond de ces trous incommodes et
obscurs ? Il faudrait si l'on voulait vraiment s'instruire exproprier quelques
maisons, acheter les talus qui arrivent à la roule et pratiquer dans ces talus de
larges saignées. Ce serait le rôle de l'État, d'un État qui comprendrait enfin
l'imporlance de telles études; ces gisements sont uniques au monde parce que
la France est le seul pays du monde où se soit développée d'une façon si intense
la civilisation de l'âge du Renne, où se soient produites les plus anciennes ma-
nifestations artistiques. Peul-ôtre reconnaîtra-t-on un jour cette importance, mais
ne sera-t-il pas trop tard? Actuellement toute la région est soumise à un
régime de vandalisme et de destruction dont le spectacle est des plus pénibles.
Ce ne sont pas seulement les gens du pays qui saccagent tout, ce sont aussi des
étrangers, antiquaires et marchands qui viennent approvisionner leurs bou-
tiques d'objets préhistoriques soit par des achats soit par des fouilles bru-
tales.
La journée du lendemain fut consacrée à la visite des grottes à parois peintes
et gravées. Le matin on se rendit aux Combarelles. Notre troupe, composée de
25 personnes, dut être partagée en deux groupes car la caverne des Combarelles
n'est qu'un long boyau où deux personnes ne peuvent passer de front. Grâce à
la bonté, je dirai môme au dévouement de l'abbé Breuil, qui dut répéter plu-
sieurs fois ses explications, tout le monde put admirer les principales gravures
et tout le monde fut émerveillé.
Les peintures de Font-de-Gaume firent sur les visiteurs une impression peut-
être plus forte encore. Et pourtant la plupart de ces peintures sont bien
défraîchies ; les grafitti stupidcs qui les recouvrent rendent leur compréhension
plus difficile. iMais quelques-unes sont d'une bonne conservation et leur
vue à elle seule, vaut le voyage de Paris aux Eyzies. M. l'abbé Breuil
n'éprouve aucune peine à nous faire reconnaître ici des Bisons, là des Rennes,
ailleurs des Mammouths. Il nous montre la succession des procédés, les peintures
noires à simples contours succédant aux gravures; les peintures polychromes à
teintes fondues succédant aux peintures noires, etc.
Notre aimable guide a eu un grand succès. Tout le monde a admiré sa science,
son courage, l'ardeur qu'il déploie pour faire passer dans l'esprit de ses confrères
les sentiments artistiques, la passion de l'archéologie préhistorique qui sont
dans le sien.
Au retour nous avons visité la petite mais très belle collection de M. Peyrony.
Il y a, entre autres objets quelques gravures sur os ou sur bois de Renne tout
à fait remarquables. Cette visite nous permet de redire à l'aimable instituteur
des Eyzies toute notre reconnaissance. Plus heureux que nous, M. Breuil reste
encore quelques jours dans ce pays d'où il gagnera l'Espagne pour y faire de
nouvelles découvertes.
230 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Nous le quittons à la gare après lui avoir renouvelé nos remerciements et lui
avoir exprimé nos vœux pour le succès de ses explorations futures.
Congères préhistorique de France.
La deuxième session de ce Congrès se tiendra cette année, du 21 au 26 août,
dans le département du Morbihan. Les trois premières journées (21, 22,23 août)
à Vannes, seront consacrées aux présentations, communications et discussions
scientifiques, ainsi qu'à des visites archéologiques ; les trois autres journées
(24, 25, 26 août) à des excursions et notamment à la visite des monuments
mégalithiques de la contrée.
Parmi les questions inscrites à l'ordre du jour il faut signaler : le Paléoli-
thique en Bretagne, Signification des menhirs, et des alignements. Étude des
tumulus en général. Gravures et sculptures sur mégalithes, Céramique des
dolmens.
Toutes communications ou demandes de renseignements devront être adres-
sées à M. le D' Baudoin, secrétaire général du comité à Paris, 21, rue Linné.
Nous avons été surpris de ne pas retrouver le nom de M. Rivière fondateur
de la Société et du Congrès préhistorique de France, dans la liste des digni-
taires du comité d'organisation. Y aurait-il déjà au sein de ce nouveau grou-
pement d'archéologues préhistoriens des éléments de discorde? Ce serait plus
regrettable qu'inattendu.
M. B.
Vœu relatif aux g:isemeiits préhistoriques.
« Justement indignée du vandalisme, dont certains gisements préhistoriques
ne sont que trop fréquemment l'objet, soit de la part de braconniers, ayaut pour
but de s'approprier, pour les revendre, les pièces qu'ils renferment, en leur
attribuant souvent une fausse origine, soit de la part de personnes n'ayant en
vue que la destruction ou le pillage d'un gisement fouillé par d'autres, ainsi
que les membres du Congrès préhistorique de France, notamment, l'ont constaté
le l" octobre 1905 dans la grotte de Liveyre, commune de Tursac (Dordogne),
où une fouille, préparée à leur intention, a été entièrement bouleversée dans
la nuit qui a précédé leur visite à ladite grotte;
« La Société préhistorique de France, dans sa réunion mensuelle du
28 décembre 1905, joint son énergique protestation à celle des membres du
Congrès et flétrissant, comme ils le méritent de pareils actes, émet le vœu que
toute personne ayant connaissance de faits semblables veuille bien les dénoncer
et en poursuivre les auteurs par toutes les voies légales. »
Ce vœu a été adopté à l'unanimité, et la Société décide d'en adresser le texte
aux journaux de façon à lui donner la plus grande publicité possible.
M. B.
Revue préhistorique illustrée de l'Est de la France.
Nous avons reçu les deux premiers numéros d'un recueil paraissant à Dijon
sous le litre ci-dessus et dirigé par M. R. Bouiilerot. La nouvelle revue a pour
iNOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 231
but de faire connaître dès qu'elles se produiront, les découvertes archéolo-
giques effectuées sur le territoire de la Bourgogne, de la Franche-Comté, de la
Champagne et de la Lorraine. Elle sera illustrée. Les spécimens que nous avons
sous les yeux sont d'une belle tenue, lis renferment des articles intéressants au
point de vue régional. Nous souhaitons succès et longue vie à la Revue préhis-
torique illustrée de l'Est de la France.
M. B.
Réclamation.
J'ai reçu d'un de nos abonnnés, le D"" G., habitant leTransvaal, une réclama-
tion à laquelle je crois devoir répondre publiquement parce que cette réponse
pourra intéresser un grand nombre de nos amis.
Mon honorable correspondant me prie <c d'avoir pitié des pauvres lecteurs
qui habitent loin de l'Europe ».l\ se plaintquenous n'indiquions pas le prix des
ouvrages de librairie que nous analysons. « C'est peu important, dit-il, pour
les heureux habitants de Paris ou même de la province qui trouvent facilement
chez le libraire le plus voisin toutes les informations désirables. Pour nous, m
terra librariis negata, il y a un grave inconvénient. On ignore quelle somme
il faut envoyer au commissionnaire en librairie et le meilleur emploi qu'on
pourrait faire de l'argent qu'on désire consacrer à cette sorte d'achats ».
Certes je comprends tout le bien fondé de cette réclamation. Nous n'avons
d'autre excuse que de ne pas vouloir rompre avec une vieille habitude des
revues françaises qui ne veulent pas avoir l'air de se faire les auxiliaires des
maisons de librairie. Je ne vois aucun inconvénient à rompre avec cette habitude-
En tous cas, nous sommes tous ici à la disposition de nos abonnés qui nous
demanderaient des renseignements complémentaires au sujet d'un ouvrage ana-
lysé et je remercie mon aimable correspondant de sa lettre écrite en termes
très flatteurs pour la Revue.
M. B.
« Annales de Glaciolog-ie ».
Les éditeurs Borntraeger frères de Berlin annoncent, pour devoir paraître au
mois de juin 1906, une nouvelle revue périodique, les Annales de Glaciologie
uniquement consacrées à l'étude des phénomènes glaciaires, soit de l'époque
actuelle, soit de l'époque quaternaire. La direction de ce recueil a été confiée
à M. le professeur Briickner, de Halle. Les mémoires seront publiés indiffé-
remment en allemand, anglais, français et italien .
M. B.
Les musées d'histoire naturelle en Europe et en Amérique.
Un des derniers volumes des Rapports de l'Institut smithsonien de Washington
est entièrement consacré à deux études des plus inslruclives. La première, due
à M. Richard Rathburn, est une description détaillée des bâtiments du Muséum
national américain, avec un historique des constructions et de nombreuses
données numériques, financières, etc. La deuxième est la traduction d'un
232 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
mémoire paru il y a deux ou trois ans ea Allemagne et où l'auteur, M. Meyer,
directeur du Musée de Dresde, décrit comparativement la plupart des grands
musées d'Amérique et d'Europe.
M. Meyer fait preuve, dans ce travail, d'un grand esprit d'impartialité, mais
il dit ce qu'il pense, louant ce qu'il croit devoir louer et critiquant ce qu'il croit
devoir critiquer.
Au moment où les pouvoirs publics vont être obligés, par la force même des
choses, de relever les bâtiments croulants de notre Muséum national, il est utile
de signaler à leur attention la manière dont sont appréciées les constructions
récentes : galerie de Zoologie, d'une part, qui date de 1889 ; galeries d'Anatomie,
de Paléontologie et d'Anthropologie, d'autre part, dont l'inauguration ne remonte
qu'à 1898.
La galerie de Zoologie eslcritiquée comme elle le mérite et ce n'est un secret
pour personne que si cette énorme et luxueuse construction ne répond nulle-
ment au but pour lequel elle avait été conçue, la faute en revient uniquement
à l'omnipotence de l'architecte et nullement aux professeurs dont les avis ne
furent jamais suivis. « En examinant ce bâtiment, dit M. Meyer, on apprendra
comment il ne faut pas construire un musée. » 11 signale cette disposition
étrange de la situation des laboratoires, rue de Butîon, très loin des collections
que les services scientifiques et les préparateurs de ces laboratoires ont pour
mission d'étudier, d'entretenir et d'améliorer. Cet état de choses durera encore
longtemps, car « dans la l'rance républicaine on est plus conservateur que
partout ailleurs ».
Les galeries d' Anatomie, de Paléontologie et d'Anthropologie sont plus favo-
rablement jugées; certaines parties sont louées sans réserves. A leur propos l'au-
teur revient sur l'éloignement des services dans la rue de BufTon; il signale la
mauvaise orientation du bâtiment qui expose les collections aux rayons directs
du soleil pendant la plus grande partie de la journée. Il critique, pour le pre-
mier étage, l'emploi presque exclusif de la lumière verticale, l'architecte ayant
voulu, comme il arrive trop souvent, tout subordonner à la beauté extérieure
du bâtiment.
En terminant, l'auteur fait observer qu'au contraire de ce qui se passe en
Amérique et en Angleterre, la visite des collections, en dehors des jours
publics, est entourée de difficultés. Cette question préoccupe depuis longtemps
l'Assemblée des professeurs de Muséum et nous savons que M. le directeur
Perrier a l'intention de diminuer ces formalités dans la mesure du possible et
d'ouvrir grandement les portes.
M. B.
L'Anthropologie en Amérique.
Un de nos lecteurs américains, M. Mitchell,de la faculté d'Omaha, veut bien
nous annoncer que l'Université colombienne à New-York vient de recevoir un
don de 150.000 dollars (750.000 fr.) pour fonder une chaire magistrale d'his-
toire des civilisations. Notre correspondant a pensé avec raison que cette nou-
velle est de nature à intéresser ses confrères de l'Ancien Monde. Nous sommes
heureux d'enregistrer une preuve nouvelle de l'intérêt que les riches citoyens
de la jeune et libre Amérique portent à toutes les branches de la science.
M. B.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 233
L'Anlliropolog^ie à l'Université de Californie et le crâne de Calaveras.
Parmi les derniers envois reçus de la malheureuse cité de San Francisco se
trouve une brochure intitulée : Le département de l' Anthropologie à VUniversité
de Californie, qui permet de se faire une idée de la rapidité inouïe avec laquelle
se fait en Amérique le développement des institutions scientifiques et en parti-
culier des établissemenis 'consacrés à l'Anthropologie.
C'est grâce à la générosité de M™e phoebe A. Hearst que l'Université de Cali-
fornie put constituer, en septembre 1901, le département de l'Anthropologie.
Depuis celte époque, les locaux trouvés insuffisants ont été agrandis deux fois.
Un service scientifique, composé de 8 professeurs ou assistants, a été constitué.
M. F, W. Putnam a été placé à sa tête en qualité de professeur d'Anthropologie
et de directeur du musée d'Anthropologie. Les collections doivent, dans la
pensée de M'"^ Hearst, illustrer l'histoire de l'Homme basée non seulement sur
ses restes osseux, mais encore sur ses manifestations intellectuelles, depuis les
monuments les plus primitifs jusqu'à ses plus hautes conceptions intellectuelles
et artistiques.
De nombreuses recherches ont déjà été effectuées aux frais de la généreuse
bienfaitrice de l'établissement sur l'archéologie égyptienne, grecque, romaine,
sur l'ethnologie et l'archéologie des deux Amérique. Une exploration systéma-
tique de la Californie a été entreprise sous le même patronage et des travaux
excellents ont déjà été publiés.
Nous avons déjà eu l'occasion de signaler les travaux relatifs à l'antiquité de
l'Homme sur la côte du Pacifique, de MM. Merriam et Sainclair, dont la mission
consiste en l'exploration méthodique des cavernes et autres gisements pouvant
contenir des restes préhistoriques.
Le rapport entre dans quelques détails sur les observations nouvelles rela-
tives aux graviers aurifères et au crâne de Calaveras. MM Putnam, Merriam et
Sainclair sont arrivés à démontrer que le fameux crâne ne provient pas des allu-
vions aurifères mais qu'il a tous les caractères physiques des ossements qu'on
trouve dans les cavernes de la même région. On aurait bien trouvé un crâne
dans la mine de Matason mais ce véritable crâne de Calavera.^ aurait été perdu.
Les nouvelles explorations des graviers aurifères ont été infructueuses.
On trouvera encore, dans ce rapport, de nombreux renseignements sur les
collections de toutes sortes déjà rassemblées et l'on sera vraiment émerveillé
de l'activité que déploient nos confrères du Nouveau Monde. Puisse le cata-
clysme récent avoir épargné ces premiers et si brillants résultats.
M. B.
Un procès à propos du Stonelieng^e.
Ce monument vient de donner lieu à un curieux procès. Le propriétaire du
terrain où il est situé, l'avait entouré d"une haie pour le protéger contre les
déprédations des touristes. Ou porta plainte contre lui, en disant (jue le Stone-
henge étant un monument national, devait être ouvert librement au public. Le
tribunal a donné raison au propriétaire : il a déclaré que cet endroit, sacré pour
tout archéologue ne doit être fréquenté que par Ijs personnes qui désirent étu'
234 NOUVELLES ET GORKESPONDANCE.
dier le monument. Il convient d'être reconnaissant au propriétaire d'avoir ciier-
clié à le protéger, d'autant plus que les touristes, de plus en plus nombreux, y
ont déjà causé des dégradations imporlanles. L'astronome Norman Lockyer qui
y a exécuté récemment des travaux importants et qui paraît bien connaître ses
compatriotes s'exprime ainsi : « Des sauvages eux-mêmes n'auraient pas pu être
plus nuisibles au monument que les Anglais qui y ont séjourné à diverses
époques et dans divers buts. » Le juge adoptant celte manière de voir, a déclaré
qu'il n'espérait pas que les habitudes des touristes se soient améliorées. Le
Stonehenge restera donc fermé et ne s'ouvrira que pour l'élude. Il serait à sou-
haiter qu'il en soit de même de tous les monuments préhistoriques.
D' L. Laloy.
Les Terpen de Hollande.
La Société frisonne des sciences de Leeuwarde a publié, dans son 66^ rapport,
un travail sur les terpen (collines artificielles élevées par les anciens habitants
du pays comme lieux de refuge pendant les inondations). La terre, très riche en
débris organiques, que contiennent les terpen est aujourd'hui employée comme
engrais, à l'exemple des terramares de l'Italie. Les débris ouvrés qu'on y recueille
s'échelonnent depuis l'âge de la pierre et de l'os jusqu'au moyen âge. Le musée
de Leeuwarde doit à l'exploration des terpen une image romaine en bronze
d'Isis-Fortune, des fibules romaines, des parures d'époque mérovingienne et
des armes de bronze remontant aux environs de l'an 600 av. J.-G. (1).
S. R.
Le rég^ime alimentaire du Mammouth.
Le Mammouth trouvé en 1901 près de la Bérézovka, dans le Nord-Est de la
Sibérie, a été amené à Saint-Pétersbourg et soumis à un examen approfondi.
M. Salenski a donné à ce sujet des renseignements intéressants, au Congrès de
zoologie de Berne. L'estomac de l'animal était fort bien conservé et renfermait
des aliments non encore digérés; d'autres débris délerminables se trouvaient
entre les dents. On se rappelle que le Mammouth trouvé en 1806 à l'embouchure
de la Lena portait entre les dents des aiguilles de Pin; on admettait depuis cette
époque que la nourriture ordinaire de l'animal consistait en extrémités de
rameaux de Conifères. Cette opinion n'est plus défendable; car le Mammouth
de la Berezovkane présentait que des débris d'herbes qui poussent encore dans
la région. On a pu déterminer des Carex, Thymus serpylium, Papaver alpinum
et lianunculus acris var. borealis. Toutes ces plantes portent des graines, ce qui
prouve que l'accident où l'animal a trouvé la mort a eu lieu en automne.
Comme le climat et la flore de la Sibérie n'ont pas varié depuis la disparition
du Mammouth, l'extinction de cette espèce n'est pas due au froid, contre lequel
elle était d'ailleurs suffisamment armée, mais plutôt à l'Homme qui l'a pour-
chassée d'abord en Europe, puis en Russie et ne lui a plus laissé finalement que
les parties les plus inhospitalières de la Sibérie.
D' L. Laloy.
(1) The Nation, 1906, 1, p. 74.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 235
La coutume de ramasser du fer.
En Egypte, en Grèce, en Italie, le fer était l'objet d'un préjugé religieux : il
était tabou. Mais l'objet tabou peut devenir bienfaisant et prophylactique à l'oc-
casion, témoin les amulettes phalliques. Dans l'Europe moderne, il y a quantité
de gens qui ramassent des fers à cheval, des clous, des fragments de fer, des
épingles. Le fer à cheval est celui des objets en fer que l'on a le plus de chance
de rencontrer sur son chemin; c'est ce qui explique le caractère prophylactique
qui s'y attache (1). Aux yeux des hommes cultivés, l'habitude de ramasser des
épingles témoigne d'un instinct d'ordre et d'économie (cf. Thistoire populaire
The taie of a pin'' ; mais, en réalité, il y a là une simple superstition : Who sees
a pin andpick it up \ AU his days will be in luck (2).
Une forme plus primitive de ces croyances, où paraît encore le tabou du fer,
est celle-ci. Un homme trouve un morceau de fer sur sa route; il doit le ramas-
ser de la main droite, cracher dessus et le jeter par dessus son épaule gauche,
sans se retourner et sans chercher à voir où tombe le fer. Celui qui se retourne
perd le bon effet de son action, consistant, paraît-il, à frapper un démon qui
le suit et à le mettre en fuite.
Mason, dans son Anatomie of Sorcerie (1613), énumère, parmi les signes de
bonne fortune, la découverte d'un vieux morceau de fer. J'ai vu, à Paris même,
des personnes instruites qui touchaient du fer pour écarter les mauvais pré-
sages, comme pour faire passer dans le métal tabou le germe nocif qu'elles
pouvaient avoir contracté (3).
S. R.
L'Etaia des Gassitérides (4).
Au cours d'un mémoire sur la flotte romaine de la Manche (Classis Britan-
nica), M. Emmanuel Green a soutenu qu'il n'a jamais existé, malgré les asser-
tions des historiens anciens, de commerce d'étain entre la Grande-Bretagne et
la Gaule. Toute la légende serait née de l'erreur géographique qui plaçait l'ex-
trémité ouest de l'île de Bretagne à peu de distance et en face de l'Espagne.
L'étain de Cornouailles n'est mentionné que tardivement au moyen âge; le sau-
mon d'étain, qui aurait été découvert dans le port de Falmoulh et qu'on attri-
bue à l'époque romaine, est une légende ajoutée à d'autres. La Bretagne four-
nissait du plomb, que l'on embarquait à Clausentum (Southampton), mais elle
n'exportait pas d'étain. Cette manière de voir, bien que contredite par les textes,
mérite réflexion. J'ajoute que toutes les recherches faites de nos jours pour
découvrir la moindre trace d'étain aux îles Sorlingues — les prétendues Cas-
(1) On a prétendu aussi que le fer à cheval rappelait une paire de cornes, ou le
croissant lunaire; mais ce sont là des hypothèses bien aventurées.
(2) Les épingles sont l'objet d'autres superstitions. Une couturière anglaise ne se
sert pas d'épingles noires pour essayer une robe; c'est mauvais signe si les épingles
contenues dans une boîte se répandent sur le sol; c'est bon signe si une goutte «ie
sang tombe sur un chapeau, d'un doigt qui a été piqué par une épingle {Notes and
guéries, 1905, p. 465).
(3) Notes and queries, 1905, p. 397-398.
(4) The Athenaeum, 25 novembre 1905, p. 728.
236 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
sitérides — sont restées sans résultat, comme me l'a plusieurs fois affirmé,
après avoir résidé dans ces îles, M. Bonsor.
S. R.
i\è}}Tes hiancs.
A la foire de Rouen, on exhibait dernièrement une Négresse blanche. Ses che-
veux crépus, sa face prognathe, son nez épaté, ses lèvres volumineuses ne
laissent aucun doute sur son origine; mais la peau est dépourvue de pigment.
Je n'ai pas besoin de dire qu'il s'agit d'un de ces cas d'albinisme qui ne sont
pas rares dans la race noire.
Déjà, en 1744, on montrait à Paris un Nègre présentant tous les caractères
d'un albinos. Voltaire nous en a laissé la pittoresque description suivante :
« En 1744, les Parisiens avaient contemplé, non sans étonnement, un petit
animal blanc comme du lait, avec un mufle taillé comme celui des Lapons, ayant,
comme les Nègres, de la laine frisée sur la tête, mais une laine beaucoup plus
fine et qui est de la blancheur la plus éclatante; ses cils et ses sourcils sont de
cette même laine, mais non frisée; ses paupières sont d'une longueur qui ne
leur permet pas, en s'élevant, de découvrir tout l'orbite de l'œil, lequel est un
rond parfait Les yeux de cet animal sont ce qu'il y a de plus singulier; l'iris
est d'un rouge tirant sur la couleur de rose; la prunelle, qui est noire chez
nous ou chez tout le reste du monde, est chez eux d'une couleur aurore très
brillante. Ainsi, au lieu d'avoir un trou percé dans l'iris à la façon des blancs
et des nègres, ils ont une membrane jaune transparente à travers laquelle ils
reçoivent la lumière... Ils regardent, ainsi que marchent les crabes, toujours de
côté et sont louches de naissance; ils ne voient bien que dans le crépuscule.
La nature les destinait probablement à habiter des cavernes. Cet animal s'ap-
pelle un homme, parce qu'il a le don de la parole, de la mémoire, en plus de ce
qu'on appelle la raison et une espèce de visage. »
Voltaire croyait que les Nègres blancs constituaient une race qui vivait près
du Loango. Mais, en 1765, Lecat rechercha les causes de la métamorphose du
Nègre en Blanc et du Blanc en Nègre et il n'eut pas de peine à découvrir que le
délaut de pigmentation observé chez les Nègres blancs était purement accidentel
et qu'il ne s'agissait en réalité que de cas d'albinisme. Cette conclusion a pure-
ment et simplement été confirmée par toutes les recherches effectuées depuis le
xviir siècle:
R. V.
Les IVègres aux Etats-Unis.
D'après le dernier recensement, la population de couleur des États-Unis se
compose de 95 0/0 de Nègres et 5 0/0 d'Indiens. Le nombre total des Nègres
habitant les États-Unis continentaux (à l'exclusion de Porto-Rico, de Hawaï, etc.)
est de 8.840.000; près des 9/10 habitent au sud de l'Ohio. De 1890 à 1900, le
nombre des Nègres a augmenté de H8 0/0 dans les 38 plus grandes villes de
l'Union, celui des Blancs de 32,7 0/0. Dans les petites villes et dans la campagne,
la proportion est renversée : dans les États du Sud, les Nègres n'ont augmenté
que de 21,7 0/0 contre 26,5 0/0 pour les Blancs dans les localités de 2.500 habi-
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
237
lanls et au-dessus; dans les villages de moins de 2.500 habitants, l'augmen-
tation des Nègres est de 16,4 0/0, celle des Blancs de 25 0/0.
Dans les Étals du Nord, 93 0/0 des Nègres habitent les villes. Leur mortalité
est de 30,2 pour 1.000; celle des Blancs de 17,3. Le nombre des naissances
diminue chez les Nègres, tandis qu'il augmente chez les Blancs.
D"" L. Laloy.
Note sur la population de la Tripolitaine.
La liste suivante des chitïresdela population en Tripolitaine est la plus exacte
que l'on puisse se procurer jusqu'ici. Elle est fournie presque entièrement par le
nouveau recensement turc qu'un fonctionnaire a bien voulu me communiquer
secrètement.
Les noms qui y figurent sont ceux des districts administratifs ou moudiriats
et kaimakanats, groupés, comme on sait en sandjaks, sous la direction d'un
moutecaref.
Tarhouna (kaïmakao)
Khoms (siège du moutecaref)
Misrata (kaïmakan)
Seurt (kaïmakan) .
Zlitten (kaïmakan)
Msellata (kaïmakan)
Tabya (moudir). .
Taorgha (moudir) .
Zenzour (moudir) .
Zavia (kaïmakan) .
Adjelat (kaïmakan)
Zouara (kaïmakan)
Kedoua (moudir) .
Gariana (kaïmakan
)) . . 32.687
hah
teçaref) 29.450
»
. . . 39.860
))
. . . 37.240
n
. . . 28.720
n
. . . 31.900
n
. . . 9.800
))
. . . 7.900
n
. . . 11.760
»
. . . 42.580
»
. . . 29.860
)i
. . . 34.320
»
. . . 8.695
»
. . . 45.600
»
Kikia (moudir) 9.350 hal).
Ytfren (siège d'un moutecaref) 29.700 »
Djado (kaïmakan).
Nalout (kaïmakan)
Misda (moudir). .
Rhadamès (kaïmakai
Orfella (kaïmakan)
Bondjem (kaïmakan
Sokua (kaïmakan).
lîhat (moutecaref) .
Fezzan (moutecaref)
Ghati
Dj effara Karabouli
8.790
16.400
10.600
13.880
43.200
14.700
38.600
43 800
47.500
34.800
9.600
La population du Fezzan se décompose ainsi
Sine 8.930 hab.
Simnou 1.630 »
Honne 10.400 «
Zella 8.510 »
Kétroune 8.700 hab.
Oïdi Gharbi 9.300 ..
Oïdi Gherkya 1.000 »
Soufra Cherkya .... 9.700 »
La population du Gaiiana se compose en quatre grandes tribus : les Bent-
Daoud, les Beni-Haiiffa, les Koïssimé, les B'^ni-Nser.
Beni-Daoud
Dyassir
Barachichc
Kiroïua 710
Tégassate 2.128
Evled Yaia 912
Evled Ali 481
895 hab.
743 »
iMensil Tegrinna
Evled Izam . .
Tegrinna. . .
Kasr Tegrinna .
Maouziue. . .
436 hab.
734 .)
682 ..
873 ..
530 »
BeniHaliffa :
Chemsa 646 hab. Djehécha
Bouzaïan 1.121 » Kouléba .
415 hab.
725 »
238
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Cln'ctau .
Houleye .
Guezan .
Tebadoutte
Oiifizzir .
Kabac . .
311 hab. Msofiin
360
600
783
723
548
Oussadioe
Migarba .
Cherfa . .
Guséba .
636
hab
918
»
485
»
609
)>
320
»>
Koïs'^imé :
Evled Mourad
Evled AzzouQ
Abgare . .
Rhébat . .
Bourasse. .
Berya . . .
Bousselaraa .
380 hab. Koissimé juifs.
, . . 635 » Myaaine .
, . . . 490 » Nélyèue .
, . . . 674 » Soiédya .
, . . . 511 .) Salimé .
. . . . 920 » Menzoïir.
. . . . 851 » Lamiche .
Zenàn 1.200 » Rméchatte
360
hab
415
»
583
»
910
»
690
))
480
»
674
)j
705
»
Beni-Nser
Kamoun .
Melik . .
Essbéhé .
Aaguibé .
Bouyayade
Gamoudi.
Zivia . .
Bemadi .
762 hab. Kéamé
Evled Brèke
Djeafra . .
Arayfa. . .
699
»
321
»
840
»
411
»
380
»
425
n
261
u
ribus
m
697 hab
581
»
674
»
Kassatte .
Métatate .
Déooune .
Fekha. .
Ségayfe .
Bouméade
Eslahatte.
184 hab.
597 .)
420 n
576 .>
643 >.
879 »
195 »
743 ))
Il faut y ajouter quelques tribus nomades vivant dans des gourbis :
Métanine.
Kmata
831 hab.
2.480 »
Dans les chiffres précédents, la population Juive est comprise.
Cette population Israélite de la Tripolitaine est très inégalement répartie dans
le vilavet. On la trouve dans la zone littorale et dans celle des Djebels.
Tripoli 12.000 Juifs.
Zenzour 60 »
Zavia 450 »
Gariana 300 ^)
Orfella 60 »
Taorgha 200 »
Yffren 1.000 >.
Mechya 1.000 Juifs.
Tadjourah \ 200 »
Msellata 350 »
Khoms 300 »
Zlitten (oasis) 450 »
Misrata 400 »
Au total : 16.770 individus.
U faut remarquer que le point le plus méridional où l'on trouve des Juifs est
Orfella. Au sud des Djebels, les Israélites ne s'aventurent plus dans l'intérieur.
Dans le sandjak de Ben-Ghasi, la population juive est de 2.150 individus, dont
2.000 pour le port de Ben-Ghasi et 150 pour Derna.
La population juive est très malheureuse. A Tripoli, 8.000 Israélites vivent dans
la plus noire misère; le reste n'a pas son pain assuré pour le lendemain. Dans
le Djebel, la situation est bien plus déplorable encore, car les fidèles de la
Synagogue sont victimes d'usages féodaux que les Turcs n'ont pas encore com-
NOUVELLES ET CORBESPONDANGE.
239
plèlement abolis. Les cheikhs arabes peuvent les rançonner à merci et même les
tuer. Ces malheureux n'émigrent pas parce qu'ils ne sauraient où aller : ils
vivent perdus dans leurs montagnes, sans même avoir conservé de relations
avec leurs coreligionnaires de la côte.
MÉHIER DE MaTHUISIEDLX.
La Population blanche des Colonies allemandes.
A l'occasion de l'examen du budget colonial, le gouvernement allemand a sou-
mis au Reichstag une statistique de la population blanche des diverses colonies
de l'empire. Voici cette statistique, qui ne comprend ni l'Afrique australe — à
cause du chiffre anormal de Blancs qui s'y trouvent par suite de la guerre — ,
ni les îles Samoa, dont la population entière est recensée à part :
Est-Afri-
Togo
Came-
Pacific
cain
Sexes
roun
—
1.352
193
727
505
316
31
77
129
205
»
22
55
1.873
224
826
689
216
738
431
Hommes
Femmes
Enfants
Totaux
iNATIONALITÉS
Allemands 1.324
Grecs 110
Boers 83
Français 78
Anglais. . 67
italiens ^ . . 60
Suisses »
Autrichiens «
Américains »
Divers 151
Totaux 1.873
PROFESSIONS
Ecclésiastiques 301
Fonctionnaires 228
Militaires 173
Agents techniques 67
Ouvriers 77
Planteurs 180
Commerçants 142
Divers 182
Totaux 1 352
A propos des taches de la rég:ion lombaire.
M. Ten Kate rapporte [Zeitschrift fur Ethnologie, t. XXXVII, 1905, fasc. 5)
que les taches lombaires des nouveau-nés sont bien connues à Ceylan : il les a
observées aussi bien chez les Gingalais que chez les Tamils. A Java, lorsque les
grands parents d'une femme enceinte meurent, elle frotte une partie quelconque
1
29
53
1
»
»
3
»
»
2
»
»
1
23
8
1)
36
177
224
826
689
26
90
143
63
110
50
20
73
21
32
•>)
3
11
33
»
4
108
82
44
268
85
4
45
119
193
727
505
R. V.
240 NOUVELLES ET CORRESPOiNDANCE.
du cadavre avec un peu de charbon ou de suie, de façon à produire une lâche
de la grandeur d'une pièce de monnaie. Elle espère que son enfant aura
également à sa naissance une tache sombre. S'il eti est ainsi, cela prouve que
les qualités physiques et morales des grands parents ont été transmises à
l'enfant. Dans le cas contraire, elles sont passées à un autre.
D^ L. Laloy.
Tours du silence.
Cette expression, familière aux archéologues, est inconnue des Parsis qui
construisent lesdites tours ou dakhumas. Sir George Birdwood en attribue l'in-
vention à un Irlandais nommé Hobert Xavier Murphy, éditeur du Bombay
Times et traducteur au service du gouvernement de l'Inde, qui mourut le
2G lévrier 1857. De 1847 à 1850, il donne des articles au Dublin University Maga-
zine; c'est probablement dans cette Revue qu'il a été d'abord question des
« Tours du silence » (1).
S. R.
Les transports de lerrcs.
La terre de Tlrlande a la réputation d'être très fertile et de ne point nourrir
de serpents. Il y a quelques années, un Irlandais, gouverneur d'une des colo-
nies anglaises de l'Australie, y fit transporter une forte cargaison de terre d'Ir-
lande et la déchargea dans une tranchée creusée autour de sa résidence, afin
d'en écarter les serpents. Dans la première moitié du xvii^ siècle, on importait
souvent de ta terre d'Irlande en Angleterre afin d'accroître la fécondité des
champs. D'autre part, les Irlandais expatriés, qui désirent reposer en terre irlan-
daise, en font quelquefois venir à cet effet. En 1853, tout un navire chargé de
terre d'Irlande aborda aux États-Unis, commandé par un Irlandais qui avait fait
fortune dans ce pays. Encore aujourd'hui, de petites quantités de terre irlan-
daise sont envoyées chaque année en Amérique; on la répartit entre de petits
sacs, que l'on place dans les cercueils des Irlandais pauvres, en témoignage de
leur amour pour le sol natal (2).
S. R.
Le culte phallique au Laos.
La France médicale (n" du 25 décembre 1905) publie un curieux article de
M. E. Janselme, intitulé Un vestige du culte phallique. La danse du Serpent à
Luang-Prabang. La cérémonie dont il s'agit fait partie des réjouissances publiques,
notamment des enterrements qui, au Laos, sont l'occasion de fêtes d'où la
gaîté n'est pas bannie.
La représentation comporte trois tableaux. Au premier, de vieilles femmes et
un médicastre dansent autour d'un panier rempli de feuillages. Les femmes
veulent voir ce qui se trouve au-dessous des feuilles; l'une d'elles est mordue
par un serpent et meurt.
(1) The Times, 8 août 1903; Noies and guéries, 30 septembre 1905.
(2) Notes and queries, 1905, p. 395,
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 241
Au deuxième tableau, le médicastre constate que la femme est bien morte. Au
troisième, il la ressuscite. Pour cela, il a d'abord recours à de Teau-de-vie de
riz, dont il entonne près d'un litre au cadavre, à l'aide d'une fleur de bananier,
qui sert de coupe. Ses efforts restant impuissants, il prend des phallus « artis-
tement peints et d'un réalisme à faire rougir une demi-vierge », les dispose par
rang de taille, et, commençant par les plus grêles, il essaye leur vertu « en les
introduisant dans l'habitat qui leur est destiné par les causes finales. Les pre-
miers sont de nul effet, les seconds font tressaillir la morte qui s'étire volup-
tueusement dans une pose alanguie; enfin le gros calibre ressuscite la morte
qui d'un bond saute sur ses pieds. » Je m'empresse d'ajouter que cette scène
n'est que mimée.
Chaque année, à Luang-Prabang, on promène en grande pompe un immense
phallus, que suit un nombreux cortège d'hommes, de femmes et d'enfants. Les
jeunes gens fabriquent des jouets en bois qui, par un jeu de ficelles, entrent en
action et s'accouplent. Ces spectacles qui, chez nous, passeraient pour obscènes,
ne semblent provoquer chez les Laotiens aucune pensée de luxure. Nul ne
peut indiquer l'origine de ces singulières cérémonies. M. Janselme croit qu'elles
avaient autrefois un caractère rituel et qu'elles étaient destinées « à représenter
d'une manière concrète la toute-puissance de l'organe mâle, symbole de la vie,
présidant aux transmigrations ou incarnations successives. »
R. V.
Les momies australiennes.
M. Klaatsch, qui parcourt en ce moment l'Australie, a pu se procurer la
momie d'un chef australien mort récemment; il donne quelques détails sur le
mode de fabrication de ces momies {Zeitschrift fiir Ethnologie, t. XXXVIf, 1905,
fasc. 5). Aucun agent chimique n'entre dans leur composition. Le cadavre est
d'abord enterré pendant quelques jours puis déterré. On enlève les cheveux et
l'épiderme qui tombe en décomposition. On ouvre le corps et on le place sur
un échafaudage, au-dessus d'un feu destiné à le dessécher lentement. Les
femmes recueillent la graisse et le sang qui dégouttent du cadavre et s'en
enduisent les cheveux, qu'elles disposent en petites touffes. Plus tard elles
coupent ces touffes, les relient ensemble avec de la cire et en font des colliers.
Lorsque le cadavre est suffisamment desséché, on l'attache avec des liens
d'écorce, de façon à mettre les membres en flexion forcée contre le corps.
Cette coutume de momifier les cadavres semble avoir été générale autrefois
entre Cooktown, au nord, et Townsville, au sud. On n'y soumet plus que les
cadavres des guerriers et des chefs. Dans d'autres parties de l'Australie on se
contente de sécher les cadavres sur le feu, sans en faire des momies.
D' L. Lalov.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906, 16
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
(avec notes analytiques.)
a) Travaux publiés dans les recueils anthropologiques.
Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthroplogie de Paris,
5e série, t. VI, 1905.
iVo 3. — Ch. Lejeune, La place de rhomme dans l'univers et dans la série zoolo-
gique {suite et fin). — Roux, Note sur un cas d'inversion sexuelle chez une Como-
rienne faisant usage d'un phallus (Inversion chez les jeunes gens à Madagascar).
Discussion : M. Zaborovvski (ces habitudes sont communes sur la côte orientale de
l'Afrique). — Lehmann-Nitsche, Les lésions bregmatiques des crânes des îles Canaries
et les mutilations analogues des crânes néolithiques français. — Fourdrignier,
Chronologie céramique, vases susicns, poterie dolménique, anciens procédés de
fabrication. [Essai de synchroniser les couches des céramiques méditerranéennes
.(néolithique, crétoise et mycénienne) avec celles de Suse. Dépôt de terre noire
destinée à la poterie dans un milieu dolménique, près Carnac (Morbihan). Démonstra-
tion expérimentale.] Discussion ; MM. Baudoin et Vauvillé. — P. d'Enjov, Pénalités
chinoises, peines et supplices. Sursis et revision (Les peines sont dosées avec plus
d'équité qu'en France, surtout pour le vol, en se basant sur la valeur de l'objet
volé). — CiiARviLHAT, Auatolc Roujou (1841-1904) (Notice nécrologique, avec liste des
travaux). — Papillault, Crânes d'Abydos. [Étude de 11 crânes, 7 masculins et 4 fé-
minins, rapportés par M. Amélineau, et considérés par lui comme préhistoriques ;
l'ind. céph. (75 et 78) et les autres caractères les rapprochent des crânes de Sak-
karah (Brown) et d'El-Khozan (Chantre). Crâne d' « Osiris »)]. Discussion : Verneau,
Zaborowski, Atgier. — Capitan, Recherches dans les graviers quaternaires de la rue de
Rennes à Paris (Dent de Rhinocéros tichorinus et de Mammouth ; lames et éclats à
bulbe). Discussion : M. A. dr Morkllet. — Baudouin, Découverte d'un menhir tombé
sous les dunes et d'une station gallo-romaine aux Chaumes de Saint-Hilaire-de-Riez
(Vendée) {suite); fig. (12 squelettes probablement des naufragés). — Pittard, Influence
de la taille sur l'indice céphalique dans un groupe ethnique relativement pur (les
Tsiganes de la Dobrodja. Étude sur 1205 sujets des deux sexes. Les grandes tailles
ont l'indice céph. légèrement moindre que les petites, la différence est d'une unité
pour les hommes. Elles est due à la croissance du diam. antéro-postér.). —
GiovANETTi, Quelques observations et corrections se référant au travail de M. Merej-
kow^sky sur les crânes de la Sardaigne {Bulletin de la Société d' Anthropologie ,
année 1882) (chiffres mal transcrits ou indices mal calculés).
ATo 4, — VoLKov, Rapport sur les voyages en Galicie orientale et en Bukovine en
1903 et 1904 (mensuration de 113 Ilouzoules et de 126 Boïki ; taille, ind. céph., pigmen-
tation; les deux portions de Ruthènes ne sont qu'un seul et même peuple, différencié
par l'action du milieu). — Salomon, Description d'un foetus achondroplase. Discus-
sion : Baudouin, FIervé, Atgier, Papillault (à propos de la distinction à faire entrer
la tératologie et la pathologie). — Baudouin, Les gravures sur os de l'époque
gollo-romaine à la nécropole de Troussepoil, au Bernard (Vendée); fig. (Signes en
forme de X et V, VII, etc., sortes de « tailles »). — Roux, Contribution à l'étude
anthropologique de l'Annamite tonkinois {fig.) (Mensurations de 70 soldats de génie
et d'artillerie ; caractères psychiques et pathologiques.) — Atgier, La Vienne aux
temps préhistoriques (époque quaternaire) (à suivre).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. '243
Revue de l'École d'Anthropologie de Paris, 1905, 15^ année.
N° 11. — HuGUET, Superstition, magie et sorcellerie en Afrique (Cours d'ethnogra-
phie générale). — Loisel, L'oeuf femelle (Production des sexes, etc. ; conférence). —
PiTTARD, La couleur des yeux et des cheveux et la forme du nez chez 1270 Tsiganes
des deux sexes de la péninsule des Balkans (cheveux foncés et yeux foncés de 87 à
94 pour cent suivant les sexes. Nez presque toujours droit avec tendance à i'aquili-
nité). — Capitan, Compte rendu de la première session, tenue à Périgueux, du congrès
préhistorique de France. — Discours de M. Thulié.
N° 12. — ScHENK, Étude d'ossements et crânes humains provenant de palafittes de
l'âge de la pierre polie et de l'âge du bronze. Lac de Neuchâtel (squelette des pala-
fittes, âge de la pierre polie, taille probable de l°i,559 ; un crâne du même âge, bra-
chycéphale à 82,3 ; 3 crânes de l'âge du bronze, indices : 82,7, 82,1, 81,7). Lac Léman
(1 squelette des palafittes d'Auty, âge indéterminé, taille probable 1^,59, i. c. 84,7).
— ScHRADER, Sur Ics conséqueuces physiques et historiques du retrait des anciens
glaciers (conférence). — Zaborowï^ki. Derniers travaux sur l'anthropologie des Fin-
landais (Analyse de l'ouvrage de West.erlund). — P. G. M. Découverte d'une sépul-
ture néolithique â Martigny, près Vendôme (Loir-et-Cher) (véritable désastre an-
thropologique : 20 squelettes préhistoriques, trouvés intacts ont été brisés en mille
morceaux).
Archiv fur Anthropologie, t. II, 1904.
a) Abliandlungen] Kleinere Mitteilungen.
N° 1. — KRAEMERjDie Ornamentik der Kleidmatteu, etc. {V ornementa lion des vête-
ments tressés et le tatouage dans les îles Marshall, suivi des notices technologiyues,
philologiques et ethnologiques; fig., ^ pi. Dessin des parties des animaux, des diffé-
rents objets de navigation, etc., le tout stylisé et rectiligne. Nomenclature indigène
des ornements et des tatouages. Présence éventuelle du tatouage par cicatrices au
milieu du tatouage par piqûre). — K. V. Miske, Die ununterbrochene Besiedeluug,
etc. {Lieu d' habitation ininterrompue de Velem Saint-Guy, depuis les premiers temps
néolithiques jusqu'à la période romaine; fig ). — Baelz, Die sogenannten magischeu,
etc. (Les soi-disant miroirs magiques et leur usage. Description d'un procédé plus
simple que le long polissage dont parle Berson. Idées qui se rattachent aux miroirs
magiques au Japon, les miroirs magiques dans la Grèce antique!.
iVo 2. — K. V. Ujfalvy, Die Ptolemâer, etc. [Les Plolémées. Contribution à l'an-
thropologie historique; fig., 1 pi. Démonstration par les portraits gravés ou sculptés
de la dégénérescence de cette famille macédonienne transplantée en Egypte et y
ayant pratiqué le croisement in and in, en endogamie stricte pendant trois siècles).
— K. V. MisKE, Die Bedeutung Velems, etc. ^Importance de la station de Velem
Saint-Guy comme fonderie préhistorique, suivi d'un aperçu sur la question de l'anti-
moine et du bronze. L'introduction du bronze chypriote en Hongrie a été précédée
du développement local de l'industrie du cuivre et du bronze à antimoine, que l'on
trouve aussi dans les provinces baltiques; fig.). — Montelius, Die Datierung, etc.
Détermination de Vâge du Stonehenge. Les récentes trouvailles des objets en pierre
et en brgnze, ainsi que les calculs des astronomes assignent à ce temple du soleil,
l'âge du début de la période du bronze, environ 3500 ans av. J.-C. ; fig.).
N' 3. — Bauer, Beitrâge zur authropologischen, etc. {Contributio?i à Vétude anthro-
pologique du palais osseux. Proposition et essais de différentes mesures nouvelles,
entre autres celle de la hauteur de la voûte palatine. Le torus palatinus n'est pas
un caractère de race, ni un stigmate de dégénérescence; c'est une exostose sans
signification pathologique ni morphologique. La forme paraboloïde est de beaucoup
244 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
la plus fréquente chez l'homme. Bon résumé des travaux précédents; 1 pL). — Laloy,
Ethnograpbisches aus Sudwest, etc. Ethnographie du sud-ouest de la France; fig .
2e article : Les Basques; \0 fiq. IIa])itations. Jeux. Attelages des bœufs, ancres en bois,
etc.). — Karutz, Ethuographische Wandluugen {Excursion ethnographique dans le
Turkestan. Exposé général).
N^ 4. — Voss, Der Schlossberg bel Burg, etc. [La « monlagne du chdleau » près de
Burg, dafis la forêt de la Sprée, district de Koltbus. Fouilles exécutées à l'occasion
du trauspercement de cette montagne par im tunnel de chemin de fer. Le site n'est
pas slave, mais anté-slave ; on y trouve les objets de pierre, mais surtout les objets
de la fin de la période du bronze et de celle de Hallstatt). — Duerst, Die Tierwelt der
Ansiedelungen, etc. {Les restes des animaux des stations de la montagne du château
près Burg sur la Sprée: fig., 5 pi. Description des restes de différents animaux
trouvés dans cj site; animaux domestiques : porc, bœuf, mouton, chien, chèvre,
cheval ; anim. sauvages : cerf, sanglier, chevreuil, Bos primigenius, canard. La plupart
des races domestiques trouvées vivent encore aujourd'hui dans le nord de l'Europe et
en Islande). — K. E. RA^KE, Das Fehlergesetz, etc. {La loi de l'erreur probable, ou
loi de Gauss et sa généralisation par Fechner et Vearson; la portée de ces travaux
mathématiques pour l'Anthropologie. Exposé des travaux de Fechner et de Pearson.
Les formules de ces deux spécialistes n'apportent pas plus de précision dans les
comparaisons des séries. La loi de Gauss suffit, avec quelques adjonctions, pour
reconnaître les séries homogènes.)
6) Gorrespondez-BIatt d. deutsch. Gesellsohaft f. Anthropologie, Ethnologie u.
Urgeschichte, So^ année, 1904.
iVo 1. — Seiler, Von den Zwergstâmmea, etc. {Tribus de nains dans le Cameroun
méridional, parmi les Mobeya. Récits des missionnaires. Taille parfois jusqu'à
1™,52. Chasseurs, vivant en symbiose avec les Mobeya agriculteurs. Huttes en bran-
chages, etc.). — GaossE, Bericht iiber weitere Versuche, etc. [Rapport sur des nou-
velles recherches relatives à l'utilisation de briquelage, pour l'extraction du sel de
cuisine. Expériences). — Knoup, Ein Kistengrab, etc. {Une tombe en fortne de boite
de V époque néolithique).
A'O 2. — RA^KE, Ueber Verbrechergehirne {Les cerveaux des criminels. Conférence).
— Reinecke. Prâhistorische Ndsld, {Mélanges préhistoriques).
No 3. — Bihkner, Das Hautpigment des Menschen, etc. {Le pigment cutané de
l'homme et les ainsi nommées taches pigmentaires des Mongols; fig., d'après les
travaux d'Adachi et les siens propres. N'a pu trouver de taches sur trois cadavres
d'eufants chinois conservés dans l'alcool. Conseille d'étudier le degré de Iranslu-
cidité de l'épi lerme dans différentes races). — Reinecke, Prâhistorische Varia {Mé-
langes pi^é historiques, suite; fig. Age des tombes à caisses et des poteries à visage
humain dans l'est de l'Allemagne).
A'os 4 et 5. — Traeger, Zur Forschung ùber alte, etc. {Contribution à l'étude des
anciens types de navires. C. Moyens de navigation en Albanie et en Macédoine; fig.
Outres; troncs d'arbre creusés en canots; chalands; canots en plusieurs pièces, etc.
— Reiinkcke, Prâhistorische Varia {Mélanges préhistoriques, fin.).
iVo 6. — Dittmeyer, Bericht ûber aufgefunde, etc. {Rapport sur la découverte des
dépressions en forme d'entonnoirs, près d'Oberwaldtchrungen).
iV» 7. — Fischer, Ein einfaches undpraktisches etc. [Procédé simple et pratique pour
prendre l'empreinte de la main et du pied sur le papier. Ce procédé a pour base la
réaction du ferricyanure de potassium sur le chlorure de fer; il donne les épreuves
indélébiles du bleu de Prusse).
A'" 8. — J. R. Ein Oberkiefer, etc. (Maxillaire supérieur avec dents surnumé-
raires. Fig.).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 245
Zeitschrift fur Ethnologie, 37^ année, 1905.
N° 4. — a) Abhandiungen. — Assiny, Eine Reise von Pekiûg etc. {Un voyage de
Pékin en Bwmmiie à travers la Chine et la région de la frontière tibétaine ; fig.
Récit de voyage). — Oppert, Die Gottheiten, etc. Les divinités des Hindous (suite).
[Chap. 3 : Le culte des habitants primitifs de l'Inde. Divinisation de la Terre
(Gramma) ; divinités locales, etc.]. — Pôcfi, Ueber den Hausbau, etc La construction
des demeures cher, les Jabim sur la côte orientale de la Novelle-Guinée allemande; fig.
Maisons carrées sur pilotis semblables à celles des Battas). — Ltssauer, Die Doppel-
âxte, etc. {Les haches doubles de Vâge du cuivre dans l'Europe occidentale^ etc. Hache
à deux tranchauts situés dans le même plan, mais ayant au milieu un orifice mi-
nuscule; objets votifs, signes de commandement, ou barres du métal? carte et fig.).
h) Verhandlungen. Seleb, Die Photographie, etc. (Photogr. d'une pièce remarquable de
l'antiquité mexicaine; fig. Tête en jadéite provenant de Tula, avec hiéroglyphes). — Lis-
SAUER, Ueber den ersten, etc. [Rapport sur le premier congrès international des archéo-
logues, à Athènes, eu avril 1905). — H. Yirchow, Weitere Mitteilungeu, etc. {Suite de
mes observations sur les pieds des Chinoises; kpt. et fig. Description détaillée des radio-
graphies prises sur 3 femmes chinoises de 10, 24 et 32 ans, et d'un moulage fait sur le
vivant par une dame sculpteur. Comparaisons avec le cas de Perthes et celui décrit pré-
cédemment par l'auteur lui-même). — Discussion : Messing (introduction sous la dynas-
tie des Tang, vii^ siècle) et Velde (les femmes du peuple déforment peu le pied). —
Busse, Das Brandgrâberfeld bei Wichelmsau, etc. {La nécropole à incinération près
de WichelmsaUj district du Bas-Barnion ; fig. Objets en fer et en bronze ; poterie orne-
mentée depuis le me siècle av. J. -G. jusqu'au iv^ ap. J.-C.). — Discussion: Krause. —
LissAUEB, Ueber die Bedeutung des Graberfeldes, etc. {La nécropole de Wichelmsau
dans ses rapports avec Vétude des échanges commerciaux pendant l'époque des migra-
tions des peuples. C'est une illustration du commerce gaulois qui pénétrait à l'E. jus-
qu'à la Sprée et du commerce hongrois qui se dirigeait au N. sur la Silésie). — Discus-
sion : KossixA, Busse) ;fig. — Kollman, Ueber Rasseugehirne {Les cerveaux des diverses
races. A propos du travail de Jakob de Buenos-Aires sur les 4 cerveaux des Fué-
giens. Il n'y a pas de différences morphologiques entre les cerveaux des différentes
races). — Schellong, Weitere Mitteiluugen, etc. {Suite de mes observations sur les
Papous [Jabim) de la province du port de Finsch dans le nord-est de la Nouvelle-Gui-
née,iavre du Kaiser Wilhelm. Observation faite en 1886-88, alors que ces Papous étaient
en plein âge de la pierre. Description' de différentes coutumes; de la vie matérielle,
etc. Bibliographie des autres articles de l'auteur sur la même tribu). — Krause,
Ueber Mord-oder Siihnekreuze. [Croix de meurtre ou d'expiation, que l'on pose quel-
quefois le long des routes, en Allemagne). — Velder, Die rachitische Bildung, etc.
{La structwe rachitique du crâne. Présentation). — Discusdon : Von Luchan, Velde,
IIansemann). — Lehmann, Ueber eine lapplandische etc. {Tambour magique des Lapons ;
bien conservé avec tous les dessins ; provient de la collection de Wormius). —
ViKCuow, Zwei Photos, etc {Deu.x photographies d'une tête injectée au formol mélangé
d'alcool, avec la préparation des muscles de la face). — Schwelnfurth, Ueber die i-tein-
zeitlichen, etc. [Recherches relatives à l'âge de la pierre dans la Haute-Égrjpte; fig.
Objets en pierre taillée, trouvés dans les niveaux inférieurs à ceux qui ont donné les
outils du type Chelléen ; ces objets sont presque sphériques ou polyédrique?, à
peine retouchés). — Von Luschan, Ueber alte Portràtdarstellungen, etc. [Les anciens
portraits de Sendschirli). — Von Luschan, Ueber ein os, etc. [Un os svpratympanique
chez l'homme). — Solberg, Gebriiuche der Mittelmesa-Hopi, etc. Usages dfs Ilopi de la
Mesa moyenne [Moqui) concernant le baptême, le mariage, la mort. Étude détaillée.
Usage de se barbouiller avec de la boue entre les parents des mariés du sexe fé-
minin; un seul homme prend part à ces ébats, c'est le père du marié). — Discussion :
SCHWEINFURTH, SOLBERG, V. d. StEINEN).
246 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Ejégodnik rousskago antropologhitcheskago Obchtchestva, etc. {Annuaire de la
Société russe d'Anthropologie, près l'Université de Saint-Pétersbourg ^ réd. par le
secrétaire, B. F. Adier). T. I, 1904. Saiat-Pétersbourg, 1905.
C'est le premier volume de la Société d'Anthropologie de Saiat-Pétersbourg, réor-
ganisée. Les « Prolokoly » de l'ancienne Société ont cessé de paraître en 1901.
D. KoROPTCHEvsKY, Znatcliénié, etc. [La signification des provinces <.i géographiques >^
dans le processus ethnogénique. 1. Termes classificateurs de l'anthropologie contempo-
raine. 2. Idées sur l'influence du milieu. 3. Influence du milieu géographique.
4. Zones d'isolement de Maurice Wagner et provinces géographiques d'A. Bastian.
5. Les types ethniques de l'Amérique centrale et du nord-ouest de l'Amérique.
6. Types ethniques de l'Amérique du sud et de l'Amérique du nord-est. 7. Types
ethniques des populations sauvages de l'Australie, de l'Océanie et du sud-est de
l'Asie. 8. Le processus ethnogénique en Afrique et ses rapports avec les provinces
géographiques. 9. Types régionaux et locaux de l'Asie Centrale et de l'Extrême-
Orient 10. L'Europe, berceau des types locaux et régionaux. Conclusions). —
D. Klementz, N. D. Koroptchevsky (Nécrologie, av. portrait). — N. Moghiliansky,
Naoutchnyia Vzgliady, etc. [Idées scientifiques de M. N. Koroptchevsky). — Tcuë-
POURKOVSKY, K'voprossou 0 nasliedovanii, etc. {Contribution à Vélude de Vhérédilé et
de la variation chez les différents types anthropologiques. Étude anthropométrique
sur 1.132 filles-mères et leurs enfants d'où il ressort, d'après les formules de varia-
tion et de corrélation, proposées par Pearson, que les filles héritent l'indice cépha-
lique de la mère d'une façon deux fois plus intense que les garçons; que chez
les adultes le type brun est plus pur que le type blond, etc ). — Baudoin de Cour-
TENAY, Ob odnoï iz storon, etc. [Un des côtés de V « humanisation » graduelle
de la langue dans le domaine de la prononciation, en rapport avec l'ânthro-
po/ogie. La prononciation évolue vers la prédominance des syllabes émises à l'aide
des organes antérieurs et supérieurs de la parole (bouche, et dans celle-ci, lèvres et
bout de la langue), aux dépens de ceux qui sont produits par les organes postérieurs
et inférieurs (base et milieu de la langue, dans la bouche et glotte) suivant la
loi du moindre effort]. — L. Chternberg, Koult Inaou, etc. (Le culte d'inaou chez
les A'inos. Communication préliminaire, av. 1 pi. Les Aïnos n'ayant du culte que
pour les Kamous ou esprits bons et protecteurs, les inaou sont des intermédiaires
que les hommes chargent de toutes les commissions pour les Ramous. Les copeaux
de ces baguettes sont les langues multiples de ces messagers éloquents). — M. Adler,
Fridrich Ratzel (Nécrologie av. portr.). — Bialyketsky-Biroulia, Golovnoï Ouka-
zatiel, etc. {L'indice céphaiique des Slaves, Letlo-Lithuaniens, etc., d'après les mensu-
rations sur les soldats russes. Résumé d'un travail anthropométrique sur 3.640 sujets.
Les Grands Russiens sont sous-brachycéphales ; les Petits Rusiens tendent vers la
brachycéphalie, les Polonais aussi, etc. Pas de moyennes). — M. Roussof, Iz Kar-
patskikh Dolin, etc. {Noies des vallées Carpathiennes. Le village de Sinévodsko-
Vychnié dans les monts Beskides, peuplé de Boïki, une des divisions du peuple Ru-
thène. Mœurs, habitations ; troglodytes. — M°ie m. Lahionova, Zyrianskaïa i rousskaïa
Svadby, etc. {Le mariage parmi les Zyrianes et les Russes à Obdorsk, prov. de To-
bolsk. Textes des chansons, etc.).
Sbornik, etc. {Publications du Musée d'Anthropologie et d'ethnographie de l'Acad.
des Se. de Saint-Pétersbourg) . Fasc. 5, 1905, gr. in-S» (en russe).
Ce fascicule de 15 p. av. 1 pi. est consacré au travail de A. D. Roudnev ; Zamietki
0 lekhnikié bouddiiskoï, etc. {Notes sur la technique de l'iconographie bouddhique
des Zouratchin {artistes) modernes, mongols, bouriates et Kalmouks, à Ourga, dans
la Tran<!baikalie et dans la prov. d'Astrakan. Détails sur la préparation de la toile,
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 247
l'usage des couleurs, etc. La manière de peindre, de modeler, de ciseler ou de couler
ea métal les images du panthéon bouddhiste-lamaïte).
Bureau of American Ethnology. Washington, in-8o.
S1th Annual Report, 1899-1900. (1903). — Rapport du Directeur (avec une carte).
— J. W. Fewkes, Hopi Katcinas {Les « Katcinas », êtres surnaturels du panthéon
Hopi\ av. 63 pi. et fig. reproduisant les dessins des artistes indigènes versés dans
le symbolisme hopi. Définition du Katcina : esprit des ancêtres dont les incarna-
tions sont revêtues de symboles particuliers à ces anciens; c'est aussi le nom du
pouvoir magique qui peut s'incarner dans un objet, dans un animal, dans un homme.
Description des fêles périodiques et des danses où les Katcinas jouent le premier
rôle; les fêtes portent les noms différents, de Powamu, de Pamurli, de Palulilkoûti,
suivant les clans. Explication des dessins de nombreux Katcinas, de leurs masques,
des danses, de la cérémonie, etc.). — J. N. B. Hewitt, Iroquoian Gosmology [Cosmo-
logie des Iroquois, de New-York et du Canada ; l^e partie ; textes en 3 dialectes
(Lenan, Onondaga et Mohawk) avec traduction interlinéaire. Suivant cette cosmolo-
gie la terre est un principe vivant qui communique la vie à la plante et par cette
dernière, sous forme de nourriture, à l'homme. Grandes ressemblances avec les cos-
mogouies des autres tribus américaines].
22ih. Aîinual Report, 1900, 1901 (1904;. — Par^. 1. — Rapport du Directeur (Powell). —
J. W. Fewkes, Two summers' work, etc. {Travaux exécutés pendant deux étés dans
les ruines des pueblos de la vallée du Petit Colorado, Arizona et dans les régions
environnantes. Description des objets, av. 70 pi. et 122 fig. Conclusion générale sur
la distribution de la poterie ornementée dans l'Arizona : la poterie noire et blanche,
caractéristique des cliff-dwellers ne se rencontre qu'au sud de l'habitat tusayan ; la
jaune est répandue chez ces derniers; la rouge est cantonnée dans la vallée du Petit
Colorado; la brune dans la vallée de la Gila. Idées générales sur l'évolution du type
architectural des pueblos. Les pueblos ou réunion de plusieurs fermes adjacentes sont
le produit de la nécessité de défense commune des habitants qui possèdent une
ferme pour chaque clan. Là où il n'y avait pas de danger d'attaque, les fermes sont
éparses). — Cykus Thomas, Mayan, etc. {Calendrier des Maya)', 2^ partie (1), av.
2 pi. et 47 fig. d'après le codex de Dresde, les hiéroglyphes de Copan et de Qui-
rigua publiés par Maudsley, etc. — Part. 2. — Alice C. Fletciier, The Hako, etc.
{Le Hako, cérémonie des Pawnee, av. 19 pi. et 10 fig. d'après ce qu'avait vu l'au-
teur chez les Ourahu il y a 15 ans et ce qui lui a été raconté pendant 4 ans par un
vieux Pawnie, Tahirussawichi, chef de la cérémonie, avec l'aide d'un autre Pawnie,
civilisé, J. Mûrie. Les chansons ont été prises au phonographe et rendues avec la
notation musicale).
23th annual Report, 1901-1902 (1904). — Rapport du Directeur (Powell). —
Mme Matilda Cox Stevenson, The Zuiïi Indians, etc. [Les Indiens Zuni, leur mytholo-
gie, leurs sociétés ésotériqnes, leurs cérémonies, av. 129 pi. et 34 fig. Introduction.
Mythologie : Conception générale de FUnivers; classification des puissances supé-
rieures (célestes, terrestres, souterraines) ; origine de l'Univers (provenant d'un
brouillard par ordre de l'être suprême). Culte anthropique et rituel de ce culte.
Calendrier et cérémonies qui s'y rattachent. A'shiwanni ou sacerdoce de la pluie.
Cérémonies se rapportant à la moisson, etc. Cérémonies de Chalâko. Court aperçu
sur l'histoire, les arts et les coutumes des Zuni, sur leurs jeux, leur industrie, leur
somatologie (d'après Hrdlicska, avec notes sur l'albinisme). Médecine. Sorcellerie.
Sociétés ésotériques : descriptions détaillées de la société des avaleurs d'épées, celle
du grand feu, celle de Cactus, etc.].
Bulletin n» 29, 1905, pet. in-S». — J. R. Swanton, Haida texts and myths {Texte.^
et mythes des Haidas, dialecte Skidegate, recueillis dans l'île de la Reine-Charlotte).
(1) La première a été publiée dans le 19^ Rapport annuel du Bureau ethnologique.
248 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
b) Articles anthropologiques publiés dans différents recueils.
Comptes-renduB... de rAoadémie des sciences. Paris, i903, iQ-4.
T. 140 {Janvier- juin). — (P. 1538 et 1636. L. Lapicque, Recherches sur l'éthnogéuie
des Dravidieus- \. Les Kader des raonts d'Auémalé et les tribus voisines. II. Relations
anthropologiques entre les tribus de la montagne et les castes de la plaine [Don-
nées sur 32 hommes Kaders (i. c. 13.3, ind. nasal 79, taille 1™,36), et sur les Mondo-
wer, leurs voisins, parlant tamoul et dont les serfs portent Je nom de Poulayer (i. c. :
Mondower 73; Poulayer 74; 1. nas. : 78 et 83 ; taille 1™^39 pour les deux). Les 43 Malosser
ont un i. c. de 76, i. nas. de 79 et la taille 159 cm. Les chiffres correspondants pour
42 Tamouls de caste paria sont : 76.7, 77.7, 162 ; pour 31 de caste Sudra (la plus éle-
vée) 78, 74, 161, etc. Les ancêtres des Dravidiens sont plus noirs que ceux-ci ««mais
distincts des Negritos andaraanais dont l'indice céph. moyen est 83 «.] — P. 1729,
M. BouLB, Sur l'origine des éolithes (silex retouchés, même avec bulbe de [lercussion
retirés des délayeurs d'une fabrique de cimeot) (1).
T. 141 (Juill. déc). — P. 124. L. Lapicque, Ethnogénie des Dravidiens : (Prédravidiens
du type nègre (dont les restes sont représentés par les Panyer et cerlaines autres tri-
bus dolichocéphales, platyrhinieones, noires de petite taille, aux cheveux crépus) et
Protodravidiens de type blanc (restes : Toddas, Nayer, e'.c. dolichocéphales, lepto-
rhiniens aux cheveux lisses et fins, au teint clair et de taille assez élevée. Les Dra-
vidiens seraient issus du mélange de ces deux types primordiaux), — P. 224.Guil-
LEMiNOT, Étude des côtes par l'orthodioscopie (radiographique) — P. 218. Capitan
et Papillault, Identification du cadavre de l'amiral américain Paul Jones, H3 ans
après sa mort.
Annales du Musée Guimet.
Bibliothèque d'études, t. 20, Paris, 1906, in-8. — Ce volume de 340 pages est entiè-
rement consacré au trarail de M. Adhémar Leclère : Les livres sacrés du Cambodge :
1'"^ partie de la vaste collection sur la littérature sacrée du Bouddhisme cambod-
gien. Elle contient la «< Vie du Bouddha -» abrégée et la «« Vie de Devadalta », le traître
de la communauté au temps de Bouddha. — Bibliothèque de Vulgarisation, t. 17,
1906, in-16. On a réuni dans ce volume les conférences faites au Musée Guimet par
M. Emile Guimet et dont voici les titres : La statue vocale de Memuon; les récentes
découvertes archéologiques faites en Egypte; les musées de la Grèce ; des antiqui-
tés de la Syrie et de la Palestine ; le théâtre eu Chine au xiii^ siècle.
Journal Asiatique, 10^ série, t. VI.
No 3. (nov.-déc. 1905). — Victor Hkisry, Physique védique. [Système général de
physique de ruDivers;le ^apa^ «< chaleur», «« souffrance »,«< macération », «ascétisme»,
sorte d'imprégnation qui donne la vertu magique, etc. L'haleine iprana) c'est la vie,
puisque si elle n'est pas réinspirée [apana), si elle ne rentre pas dans l'être, celui-ci
cesse de vivre. La chaleur est également la vie. Ses rapports avec l'extase). —
P. 411. G. Marchand, Conte en dialecte marocain (texte, traduction, annotations). —
P. 473. E. Revillout, Nouvelle étude juridico-économique sur les inscriptions
d'Amten et les origines du droit égyptien.
Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques.
Année 1904.
P. 57. Ulysse Dumas, Note sur la grotte de l'En-Quissé, commune de Siinte-Anas-
tasie (Gard) [crâne humain et dents; perles en cuivre (?j ; fig.] — P. 247. Ulysse
Dumas, La grotte de la Baume-Longue, commune de Dions (Gard) (silex type
(1) Voy. L'Anthropologie, p. 237.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 249
Moustier et la Madeleine, poteries, etc.; fig.). — P. 272. J. Pilloy, Uue épée de
bronze (semblable à celles du n" 906 du Musée PrébisL. de G. et A. de Mortillet,
mais complète, découverte dans la rivière d'Oise (un peu en aval de Chauny, Aisne,
fig)'
Anna'es de Géographie, t. XIII, Paris, 1904.
P. 193. JusT Navarre, La géographie médicale. A propos d'un livre récent (The
geography of disease par F. G. Clemow. Inutilité des recherches sur la distribution
géographique des maladies, etc. La réponse de Clemow se trouve à la p. 361 du
même recueil). — P. 296. E. Robert. La densité de la population en Bretagne cal-
culée par zones d'égal éloigoement de la mer (av. 1 carie. La densité diminue
presque régulièrement de la côte vers le centre du pays). — P. 334. Vanutberghe,
La Corse; étude de géographie humaine. (Esquisse nette et vivante du caractère^
des mœurs et de l'état social des Corses). — P. 420. Mori, Les Italiens en France,
les Français et la langue française eu Italie (d'après les dernières statistiques offi-
cielles).
Bibliographie anatomique, t. XIV, Paris-Nancy, 1905.
P. 183. A. Weber et R. Collin. Observation des chefs accessoires des interosseux
dorsaux de la main chez l'Homme. — P. 190. A. Weber et R. Collin, Un muscle
huméro-tranversaire observé chez l'Homme. — P. 193. A. MA^NO, Sur un cas inté-
ressant d'Arteria saphena magna (commune chez les Singes) chez l'Homme. Consi-
dérations sur la morphologie de la circulation artérielle dans le membre addominal
ifig-)'
Annales de l'Institut national Agronomique, 2^ sér., t. IV, fascic. 2, Paris; 1905.
P. 261. —M. RiNGELMANN, Essaï sur l'histoire du génie rural (suite). [2« partie: La
Chaldée et l'Assyrie. Constructions rurales. Étude monographique complète. Les végé-
taux originaires de la Chaldée et de l'Assyrie ; le régime foncier, les cultures, le ca-
dastre, les contrats ; dessins et plans assyriens ; les abris temporaires, tentes, enceintes,
maisons en bois, huttes, tanières; matériaux de construction ; fondations; escaliers,
etc.; construction des maisons, mobilier; voûtes, portes, fenêtre ; cuisines, fours,
lieux d'aisance ; les habitations complètes : le sérail, le harem, le khan, le trésor ;
écuries, étables ; meules, magasins à grains, celliers, amphores; ensemble de con-
structions d'une villa rurale; moyennes* et grandes exploitations, etc. Nomb. fig.
avec essais originaux de restauration].
Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar. — Milteilungen derNaturhis-
torischen, etc. Nouv. Série, t. VII, 1903-4. Colmar, 1904, in-8o.
P. 101. — BuHL. Notizen uber ein AUemanischfrâokisches, etc. {Sotes sur un
cimetière Allaman-franc à Colmar, av. 45 fîg. et 2 pi. Tombes en dalles : coffres de
pierre. Description des objets en bronze et en fer).
Internationale Monatschrift fur Anatomie und Physiologie, t. 21. Leipzig, 1904.
Fasc. 4-8. (Dédié au Prof. W. Krause pour son cinquantenaire, av. porfr.). — .
P. 137. P. Bartels, Ueber Rassenunterschiede am Schadel, etc. [Les caractères dis-
linctifs des races fournis par le crâne. Étude préliminaire sûr la fréquence de tel ou
tel caractère crânien (os des Incas, suture métopique, trous pariétaux, os japo-
nicum, etc.) d'après une cinquantaine de séries de différeutes races, composées de
2 à 93 crânes. Suivant l'auteur ce n'est pas tant la « fréquence » d'un seul caractère
que r « accumulation » plus ou moins considérable de ces caractères dans une série
donnée, qui doit déterminer la position de la race dans l'échelle évolutive au point
de vue somatologique ; ce point de vue n'a rien à faire avec le point de vue du
250 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
développement iutellectuel. Sugfïoslion pour l'eiitcnto sur les caractères descriptifs
du ciAue, 1 pi. Bibliographie]. — V. 292. G. Guldijeiu;, Ueber die KriimmuDg, etc.
{Sur la courbure du diaphyse du fémur. Fosiliou de la question ; indication des
recherches à faire). — P. 311. W. Waldeyi^r Bemerkungeu ueber Gruben, etc.
{Observations sur les dépressions, les canaux et autres particularités de l'os basi-
laire ou basisphénoïde. Canal cranio-pharyngien, canal basilaire médiau, etc.)
Sitzungsberichte d. k. Preussischen Akademie d. Wissenschaft, Berlin, 8°, 1906.
N° 1. — P. 3. AValdeyer, Gehirne siidwe9^.afrikanischer Vôlker {Les cerveaux des
peuplades de V Afrique sud -occidentale. Etude descriptive de 9 cerveaux de Ilereros
(dont deux de femmes) et de 2 cerveaux d'Ovarubo. Se diviseut eu 2 groupes :
1, allougés à circonvolutions fines et nombreuses; 2, arrondis à circonvolutions larges
et plus simples. Grand bourrelet olfaclif; opérules de l'uucus; cervelet très grand.
Poids moyen, à l'état frais, 1385 gr., variant de 1210 gr. à 1410 gr. chez les hommes
Herero. Les individus étaient de taille gigantesque (près de 1dj,80 en moyenne). —
V. 302. Môbius, Kônnen die Tiere, etc. {Les animaux son l-il s capables de percevoir
et de sentir la beautél réponse négative car ne peuvent pas comprendre les lois de
la nature).
Gegenbaurs Morphologisches Jabrbuch. Leipzig, 8°.
T. XXXIV, 1905. — P. \. 0. ScHLAGEiNHAUFEN, Das Hautleistensystem, etc. {Les plis et
les lignes cutanées de la plante du pied des Primates, comparés avec ceux de la paume
de la main, 2^ partie (1), 118 fig. Étude descriptive détaillée chez un grand nombre
de Primates. La plante de l'homme se rapproche le plus par ses plis de la plante
des anthropomorphes. On y trouve aussi des différences suivant les races. Les Maya
ont les plis beaucoup plus primiti's que les Nègres; les Papouas ont un type à
part, etc.) (2).
Mitteilungen von Forschungsreisenden... aus den Deutscben Schutzgebieten,
t. XVII, fas. 4, Berlin, 1904.
P. 175. Dr BoRN. Einige Beobachtungen, etc. {Quelques observations ethnographiques
dans les iles Oleai, dans le groupe insulaire qui s'étend entre Palaou, Garolines et
l'archipel Marshal. D'après leur type physique, leur costume et leur langue, ces
insulaires appartiennent aux Garoliniens du Centre. Vie matérielle et sociale).
Globus, t. LXXXVIII, Braunschweig, 1905.
iV® H. — RiCHTER, Unsere gegenwartige Keuntnis, etc. {Notice connaissance pré-
sente de V ethnographie des Célèbes {suite). Le « bloc » ethnographique se compose
de Bugis ou Boughis, et de Mangkassares dans le sud, des Toradja dans le nord
de la presqu'île méridionale; vient ensuite la population du centre et de la presqu'île
sud-est et celle de Palu, Sigi et Saussu. Il faut compter à part la population de la
presqu'île de l'Est, et celle de Minahassa).
N° 12. — Seidel, Sprachen und Sprachgebiete, etc. {Les Idiomes de la Micronésie
allemande et leur distribution. Langue des îles Mortlok (Garolines); autres dialectes
du Carolinien dans les Mariannes; langue tout à fait spéciale différente d.es autres
langues polynésiennes dans l'île de Kusaic, etc.). — Richteh, Unsere gegenwartige
Kenntnis, etc. {Notre connaissance présente de l'ethnographie des Célébes {fin). Des-
(1) La Ire partie a paru dans le t. XXXIII du même recueil.
(2) Le résumé de ce travail très n)inulieux se trouve dans le Correpondenz-Blatt
d. Deutsch. Anlhr. GeselL, 1905, n» 10.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 251
cription de la population, fortement mélangée et hétérogène. Probabilité des migra-
tions de Bornéo dans Gélèbes et en général de l'Indo-Chine dans l'Archipel Malais.
Les Protomalais étaient probablement à l'âge du bronze; le fer est d'importation
étrangère. Traces du paléolithique découvertes par Sarasin).
JV» 13. — J. BooTH, Die Nachkommen der Sulu Kaffern, etc. [La descendance des
Cafres-Zoulous [Wangoni] dans l'Est africain allemand. Les Wangoni (singulier
Mgoni) parlant le kingoni sont les descendants des Zoulou en ligne masculine; ils
habitent l'Unguri à l'est de Niassa. Histoire de leurs migrations d'après le récit
d'un jeune Mgoni, instruit et très intelligent), — Stephan (Di"), Beilrâge zur Psycho-
logie, etc. [Contributions à la psychologie des habitants de la Nouvelle-Poméranie,
suivi des observations ethnographiques sur les Barriai et sur Vile Hunt Duror; fig.).
N° 14. — Stephan (Df), Beitrâge zur Psychologie, etc. [Contribution à la psycholo-
gie des habitants de la Nouvelle-Poméranie, suivi des observations ethnographiques
sur les Barriai et sur l'île Uunt {Duror)\ fig. En Nouvelle-Poméranie (Nouvelle-Bre-
tagne) le type devient de plus eu plus ressemblant aux Papous à mesure que l'on
avance de l'est à l'ouest. Usage des parfums. Langage. Numération. Différences psy-
chologiques individuelles, incantations, etc. Objets ethnographiques). — Booth, Die
Nachkommen der Sulu Kaffern, etc. [La descendance des Zoulous-Cafres (Wangoni)
dans l'Est africain allemand [fin]]. Métissage. Clans et gens. Nombre. Langue; 1 pi.].
N° 13. — Von LuscHAN, Ziele and Wege, etc. [But et ynoyens d'un musée d'ethnographie
moderne. Distinctiou entre les collections de « montre », les collections d'étude et
les collections d'enseignement. Conseils judicieux).
N^" 16. — BuECHNEn, Zum Buddhatypus [Le type de Buddha. L'auteur suppose que
la représentation d'une chevelure crépue est une stylisation d'un ornement en
coquilles d'escargots).
.V° 18. — Laufer, Ein angebliciies, etc. [L'image soi-disant de Christ de la période
des Ihang, publiée par A. Giles, dans son « Introduction to the History of Ghinese
pictorial art », est celle de Bouddha, entre Gonfucius et Lao-tse. Fig.). — Wilsek (Dr L.j,
Neues ûber den Urmenschen, etc. [Encore à propos des Hommes préhistoriques de
Krapina. N'admet pas la brachycéphalie des crânes de Krapina énoncée par Gorja-
novic-Kramberg, ni l'existence des pygmées paléolithiques). — Lehmann (Dr \V.),
Altmexikanische Muschelzierate, etc. [Ornements antiques mexicains en coquilles
ajourées; fig.).
N° 20. — V. Negelein, Die Pflauze im Volsksglauben [La plante dans la croyance
populaire. Étude folkloristique).
N^ 21. — Graebner, Einige Speerformen, etc. [Quelques formes de piques de l'Archi-
pel Bismarck; fig. Étude descriptive. Les formes de l'île Mutschou sont les plus pri-
mitives).
A'o 22. — V. Negelein, Die Pflanze im Volksglauben [La plante dans la croyance
populaire, fin).
N' 23. — S. Paul und Fkitz Sarasins, Forschungen [Les explorations de F. et de
F. Sarasin dans l'ile de Gélèbes. Fig. Résumé du grand ouvrage de ces naturalistes
contenant des données ethnographiques).
iV* 24. — Besdau, Der Mond in Volksmedizin, etc. [La lune dans la médecine popu-
laire, dans les coutumes et les usages des Mexicains des provinces frontières du Texas
méridional. Étude folkloristique).
Petermann's Mitteilungen, t. LI, Gotha, 1905.
P. 36. — H. Sbidel, Die Bevôlkerung, etc. [La population des Carolines et des
Mariannes. Étude statistique. Ou comptait en 190 î dans les Mariannes : 1.686 Cha-
raorros et 897 Caroliniens, en tout 2.646 indigènes micronésiens, contre 1.903 eu 1900.
Comme autres éléments : 7 Allemands, 3 Espagnols, 3 Sud-Américains, 3 Malais et
252 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
47 Japonais. La population des Garoliues orientales était de 25.224 habitants en 1903
(contre 24.142 eu 1901-2). Les Euro-Américains y étaient 88 et les Japonais 17.
Dans les Carolines occidentales la population est de 7 io6 pour l'année 1903 (contre
7.464 en 1901-2)]. — P. 249 et 271. Grubauer Al, Negritos, Ein Besuch bel den
Ureinwohnern, etc. {Les Négrilos. Une excursion chez les abo?'igènes de la presqu'île
Malaise. Récit sans prétention d'un collectionneur d'objets ethnographiques; mœurs
primitives; gouvernement; culture matérielle, etc ). — P. 285. Ergebnisse, etc. [Ré-
sultais du recense»:enl de V Empire russe en 1897 en ce qui concerne les langues] sous
forme de tableau ; 17 rubriques) (1).
Denkschriften d. k. Akademie der Wissenschaften, t. 75. Wieu, 1905, in-4o.
P. 491. Neumann, Ueber die an den aiten Peruanischen keramiken... dargestellt ins
Hautverànderungen, etc. {Sur les affections cutanées représeiitécs dans la céramique
péruvie7ine ancienne et sur des paieries anthropomorphes, en rapport avec la question
de l'ancienneté de la syphilis et d'autres dermatoses en Amérique. 3 planches. Les
figures représentent des lésions syphilitiques. La maladie a donc existé en Amérique
avant l'arrivée des Européens, mais cela ne prouve pas qu'elle fut importée de
l'Amérique en Europe, où elle a existé probablement de tout temps).
Proceedings of the R. Irish Academy. Dublin, t. 26, section C.
N° 3 {férier 1906). — P. 42. G. Coffey, Early iron sword, etc. Épée en bronze
très ancienne trouvée en Irlande., dans le lit du fleuve Shannon, pendant les draga-
ges de 1846, et conservée à l'Académie. C'est la première épée du type de Hallstatt
trouvée en Irlande. Fig.).
K. Akademie van Wetenschappen te Amsterdam. Verslag etc [Compte rendu des
séauces de la section des sciences), n» du 28 octobre 1905, in-S".
E. FiscFiER, Das Primordialcranium, etc. Le crâ?ie primordial du Tarsius spec-
trum ; communication préliminaire. De l'étude du crâne d'un fœtus du Tarsier, il
ressort que cet animal occupe la place que lui assignait jadis Harbrecht comme
ancêtre commun des lémuriens, des singes et des hominiens; en même temps le
chondrocràne a des analogies frappantes avec celui des reptiles).
Izviestiià, etc. {Bulletin de la Société russe de Géographie^ t. XL, fasc. 1-2, Saint-
Pétersbourg, 1904.
P. 31. — DouNiN-GoRKAviTCii, Otchosk naroduostey. etc. {Esquisse des popidations du
nord de la province de Toholsk, comprenant les distr. de Berezov et de Sourgout, soit
environ 900.000 km. carrés, avec 35.000 habitants seulement. Dans ce chiffre les Ostiaks
occupent la première place ; viennent ensuite les Russes, les Samoyèdes, les Vogouls
et les Zirianes. Etude ethnographique et sociologique de chacun de ces groupes
d'après les observations personnelles pendant 15 ans en qualité d'inspecteur des
forêts. Divisions en tribus; langage; idées religieuses; situation économique. Dimi-
nution de la population indigène dans certaius districts; augmentation dans d'autres.
Mention du peuple Niah-Samar-gah, découvert par A. Yakoby en 1894, près de la
rivière Naiym ; il ressemblerait au.x: Samoyèdes mais parle une langue différente.
(I) Cf. AïTOF. Les langues parlées en Russie, d'après le recensement de 1897. Paris
(A. Colin), 1906, in-8°.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 253
Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles^, o° série, t. XLÎ,
Lausanue, 1905.
A'o 154. — P. 271. A. ScHENK. Les ossements liaoaaiQS du cioietièrô gallo-helvète
de Vevey. (Une dizaine de crânes et squelettes. Ind. céph. moy. 75,5; taille probable
1672 mm. pour les hommes, 1360 pour les femmes On peut rattacher ces restes à
la race Nordique). — P. 289. A. Schenk, Note sur des crânes et ossements prove-
nant d'anciennes sépulliires de la Suisse et de la Savoie (de l'époque gallo-romaine.
12 crânes dont les uns sont brachy (i. c. 82), les autres dolichocéphales (pas mesu-
rables) ou mésocéphales (78,7). Taille probable des dolicho et mésocéphales mas-
culins : 1693 mm.)
Verhandlungen d. Naturforsch. Gesellschaft in Basel, t. XVlll. 1903.
P. i. — II. HupE, Notiz ûber die cbemische, etc. [Sote sur l'analyse chimique des
objets préhistoriques trouvés dans les tombes de Castaneda, prèsGron, sud du canton
des Grisons (tin de l'âge du bronze et jusqu'à l'époque de La Tène). Certains objets
sont en cuivre presque pur (1,6 0/0 d'étain), d'autres au contraire contiennent jusqu'à
13 0/0 d'élain. Analyse des objets en fer et comparaisons avec les analyses des
objets provenant d'Italie. Les bronzes proviennent donc des ateliers étrusques et
ont été faits avec les métaux provenant des mines toscanes deCampilia; le fer pro-
vient des mines d'Elbe]. — P. 33. Fk. Sarasin, Bericht ûber die Sammlung, etc.
{Rapport pour Vannée 1904 sur Vétat des collections ethnographiques au Musée de Bâte.
Description des objets provenant surtout de l'Archipel Asiatique et particulièrement
de Célèbes.
Journal of the Asiatic Society of Bengal, t. LXXllI, Part 111 (Anthropology),
1904 (1). Calcutta.
iVo 3. — J. E. Fbie.nd-Pereira. Totemism, etc. {Le Totémisme chez les Khonds
septentrionaux de l'état tributaire de Bod. Comme critérium du totem, en voie de
disparition, l'auteur admet la prohibition de détruire, chasser, manger, tuer, telle ou
telle espèce d'animal, de plante, d'objet, etc.). — A'° 4. — P. R. T. Gurdo.n. Note on
the Khasis, Syntengs, etc. [Sote sur les Khasis, Syntengs et tribus congénères du distr.
de collines de Khasi et de Jaintia. Assam ; 2 pi. Notes préliminaires. Les mœurs et les
coutumes de Khassia et de Syntengs, ainsi que leur type paraissent les classer défi-
nitivement parmi les Indo-Chiuois. Description et fig. des pierres levées, toujours en
nombre impair, érigées probablement en l'honneur des ancêtres de la famille ou des
défunts. Noms de père, frères, petit-fils, etc., que l'on donne à chaque pierre, actuelle-
ment. Vocabulaire. Préfixes, etc.). — Supplément : Annaxdale, Note on the llair-
Worm, etc. [Les « vers des cheveux », Nematodes, parasites du genre Gordius, dans le
folk-lore européen et oriental).
Extra n^. — P. 1. H. Rose, Customs in the Trans-border, etc. {Coutumes ou « Loi
coutumière » des tribus habitant au delà de la frontière delà provvice de Nord-Ouest,
c'est-à-dire du Waziristan, Karrom, Swat, Dir et Tchilral. Traits saillants de cette
loi: pas de distinction entre le crime et le dommage personnel; peu de cas que l'on
fait de la loi musulmane dans les questions de l'héritage, surtout pour les femmes,
dans ce pays pourtant très attaché à l'Islamisme). — P. 33. L. S. O'Malley,
Agraharis, etc. (Les Agraharis de Sasaram, Bengale, sont des Siks aussi bien au point
de vue physique que par leurs mœurs et leur religion. Ils sont au nombre de 700.)
(1) A partir de l'année 1903, les trois sections (parts) du J. A. S. B. sont fusionnées
avec les Proceedings en un seul recueil portant le titre : Journal and Proceedings
of the As. Soc. of Beng, in-S», à côté duquel paraissent les « Memoirs », in-4°.
254 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Records of the geological survey of India, t. 32. Part 3. Calcutta, 1905.
P. 199. Gly E. PiLGiuM, Ou the occurrence, etc. [Présence de tElephas antiquus
[Naynadicus) dans les alluvions quaternaires de la Godaveri; suivi des remarques sur
les espèces, de cet éléphant, leur distrihutiou et sur l'âge des dépôts analogues dans
l'Inde. Description du crâne, du fémur et du bassin de l'éléphant trouvé à Nandur
Madmeshwar, distr. Nassk, prov. de Bombay, dans les alluvions de la Godaveri qui
s'étendent plus loin que ne l'indique la carte géologique. UE. Namadicus n'est qu'une
variété de l"^. antiquus qui, originaire de l'Europe, a émigré dans l'Inde et s'y est
maintenu plus longtemps que les variétés européennes; il s'y est éteint sans laisser
de descendance car l'Eléphant actuel de l'Inde en diffère sous plusieurs rapports].
Mitteilungea der deutschen Gesellschaft fur Natur-und Vôlkerkuade Ostasieas,
t. X, partie 1, Tokyo, 1904.
P. 1. — T. Wada. Die Schmuck- und Edelsteine, etc. {La parure et les pierres
précieuses chez les Chinois: 6 p/. Aperçu des pierres précieuses employées, aujour-
d'hui et jadis, aussi bien par les Chinois que parles autres populations qui les ont
précédés en Chine. Étude minéralogique. Détails sur le jade, etc.). — P. 79. L'abbé
H. Haas, Der heilige Kanon, etc [Le canon sacré du Bouddhisme au Japon. Résumé
des livres canoniques en japonais et en chinois, ordinairement conservés dans un
édicule spécial appelé Rinzo (Lun-tsan)].
Bulletin of the American Muséum of Natural History, t. XXI,
New-York, 1905.
P. 37. — KuNZ, G. F. On the ancienl, etc. [Sur une hache sumérienne (babylonienne)
très ancienne, portant des inscriptions idéographiques faisant partie de la collec-
tion Morgan au Musée Américain d'histoire naturelle ; av. fig. et 1 pi. C'est une
hache votive en agate, peut-être la plus ancienne portant inscription. Provient de
la collection du Cardinal Steph. Borgia, décrite par Froehner (Collection Tyszkiewicz,
Paris, 1898)]. — P. 49. Dynelet Prince et Lau. Rob. [Traduction de l'inscription de la
hache précédente, un peu différente de celle qui est donnée dans l'article dé Kunz
par J. M. Price, mais qui confirme le caractère votif de l'objet; av. 1 pi.].
Memoirs of the Muséum of Comparative Zoology at Harvard Collège, t. 33,
Cambridge (U. S.), 1906, iu-4o.
Ce volume, consacré au rapport général d'Aï.. Agassiz sur l'expédition océanogra-
phique de r « Albatros » en 1904-1905, contient, p. ;J7 et suiv. une courte description
et de nombreuses photographies (pi. 27-50) des célèbres statues gigantesques de
l'île de Pâques, ainsi que des constructions cyclopéeunes et les gravures rupestres
de cette île.
Journal of the Academy of Natural Science of Philadelphia, 2° série, t. XIII,
Part 2, 1905; in-fol.
Ce fascicule de 332 p., av. 43 fig, est entièrement consacré aux Mémoires de Gla-
RENCB B. MooRE : 1° Certain Aboriginal Remains, etc. {Les restes des populations
aho7ngènës du Black Warrior River; 2<^ Les restes du basTombighee River \ 3° Les restes
du Mobile Bay et du Mississipi Sound] 4° Recherches diverses dans la Floride. Objets
trouvés dans les mounds; poteries, disques en pierre avec dessins, hachettes avec
manche faites d'un seul bloc de pierre et ayant jusqu'à 28 centimètres de longueur,
haches de cérémonies en pierre et en cuivre, pipes, pendentifs en cuivre ; bols
ornés de dessins mis sur les crânes dans les sépultures ; outils et coquilles).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 255
Transactions of the Fourth International Dental Congress, Saint-Louis, Ms.
Saint-Louis, 1904.
l'e section. — A. H. Thompson, Ethnographie Odontography ; etc. [Uodontographie
ethnographique : Les Mound-Builders et les peuples Pré-Andins de la vallée du
Mississipi. Etude d'an grand nombre de dénis sur les crânes trouvés dans lesmounds.
Similitude de structure des molaires et des lésions dentaires avec ce que l'on trouve
chez les Mexicains, d'où l'auteur croit pouvoir conclure que les Mound-Builders ont
émigré du Mexique, que ce sont des descendants probables des Aztèques).
Anales del Museo Nacional de Buenos Aires, série 3, t. V, 1905.
P. 203-574. — Félix Outes, La edad de la piedra, etc. [L'dge de la pierre en Pata-
gonie. Étude d^archéologie comparative. Esquisse générale de l'anthropologie et de
l'ethnographie des Patagons avant l'arrivée des Européens. La population de la Pala-
gonie était primitivement dolichocéphale dans le N.-O. jusqu'au 4lo lat. N. Époque
quaternaire. 8 stations paléolithiques dont une otfraut une coupe remarquable des
terrains pampéens et où Ton a trouvé des outils en pierre taillée (types chelléo-
moustérieus) en place. Époque néolithique (3 périodes). Descriptions détaillées des
objets. Classification des flèches. Résumé eu français. Bonne bibliographie et index.
206 fig. L'industrie chelléo-mouslérienne se trouve en Patagonie dans des formations
géologiques beaucoup plus modernes qu'en Europe ; les outils ont des analogies
frappantes avec ceux de l'Afrique du Nord et ceux de l'Amérique du Nord (Trenton)].
Boletin del lustituto geografico argentino. Bueuos-Aires, t. XXII, s. d. (1905?).
T. 22, nos 7-12. — P. 68. P, Fray Sagarfas Ducci, Vocabulario, etc. [Vocabulaire Toba-
espagnol de 500 mots environ). — P. 89. Beniono T. Martinez, Ethnografia, etc. [Eth-
nographie de la région du Rio de la Plata. Suite à une communication faite au Con-
grès scientifique de l'Amérique latine en 1898. Les Timbucs, les Corondas, les Colastines,
les Quilooajacs et les Pairindis des auteurs du xvi^ siècle; leur habitat reconstitué).
Revista de Derecho, Historia y Letras, t. XXIII. Buenos-Aires, 1905.
P. 267. R. Lehmann-Nitsghk, Tumulo indigena, etc. [Un lumulus indigène dans les
îles du delta du Parajia, fouillé par L. M. Torres. Le tumulus servait eu même temps
de sépulture et d'habitation; on y a trouvé des objets en pierre, des pointes de lance,
en bois de cerf, des poteries à dessin géométrique, des os fendus d'animaux divers,
des noix de cocos gravées avec une pierre spécialement façonnée, etc. ; enfin 30 crânes
et 7 squelettes, qui dénotent une population de taille moyenne à crâne volumineux.
Peut-être venaient-elles du Ghaco).
Anales de la Sociedad cientifica argentina, t. LX, fasc. 4, octobre 1905.
Buenos-Aires.
P. 145. Félix F. Outes, Observaciones à dos estudios, etc. [Observations à propos
de deux études de M. Eric Boman sur la palethnologie du nord-ouest de VArgenline,
publiées dans L'Homrne préhistorique, t. II, 1904, et dans le Journal de la Société des
Américanistes, t. II, n° 1, 1905. Critique des conclusions de M. Boman sur la destina-
tion des petits « mounds », sur la sépulture dans les urnes, etc.).
P. 168. S. A. Lapone Quevedo, La lengua leca [Fm langue leca, parlée par les indi-
gènes du Rio Mapiri et du Rio Beui, Bolivie, voisins des Yuracares et des Chiquitos;
d'après les manuscrits des PP. Cardus et Herrero, avec notes explicatives et 2 cartes
Vocabulaire).
256 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Memorias y revista de la Sociedad cientifica « Antonio Alzate », t. XXII,
Mexico, 1905.
P. 5. — A. Casïkllanos. I. Procedeucia, etc. Provenance des peuj^les américains. II.
Ghronologia, etc. {Chronologie Mixteque) (Ruines de San Pablo Mitla. Essais de prou-
ver par les textes niexicaius la migration sino-japonaise, ameuée par les courants
sur la côte de la Californie et sur la côte ouest du Mexique en général; 3 pL).
Journal and Proceedings of the Royal Society of New South Wales for 1904,
t. 38, Sydney, 1905.
P. 203. R. II. Mathews, Ethnological notes, etc. (Notes ethnologiques sur les tribus
des Aborigènes de la Nouv. Galles du Sud et de Victoria. Remarques préliminaires
sur la vie et les travaux de Tauteur; né dans la brousse australienne il y a passé
toute sa vie; il ne tient pas compte des travaux des autres. Sociologie des Ngeumba
et des Thurrawal. Naissance. Langue des Ngeumba. Expéditions de vendetta. Chan-
sons, av. musique notée. Recherche des aliments. Sorcellerie et magie. Sociologie
des tribus de la Victoria occidentale et orientale. Langage des belles-mères. La céré-
monie de Wouggoa et autres cérémonies d'initiation. Mythologie. Eolk-lore. Liste
de 95 mémoires ou notes de l'auteur).
Report of the lOth Meeting of the Australasian Association for the Advanc. of Se.
held at Duuedin, 1904, t. 10. Wellington-Dunedin (Nouv. Zél.), 1905. Section F.
(Anthropologie et Ethnographie).
P. 376. Baldwin Spencer, Adress, etc. [Discours présidentiel sur « le Totémisme en
Australie ». Le « Robong » ou objet matériel, animé ou non, qui donne son nom
à un groupe et avec lequel ce groupe est en relations spéciales (tolème primitif
du groupe), considéré au point de vue social, et au point de vue des cérémonies et
de la magie]. — P. 424. Edw. Tregear, A comparison of Words, etc. {Comparaison
des mots de la langue Maori et d'autres langues polynésiennes, avec les mots des
idiomes parlés à Célèbes, le Mangkassarais et la Boughi ; 111 mots plus ou moins les
mêmes dans les deux groupes). — P. 445. Elsdon Best, Maori Folk-lore {Le Folk-
lore des Maori, recueilli par l'auteur dans la tribu des Tuhoc. Les « tanihwa » esprits
des lacs, rivières, etc.; mythes). — P. 453. S. Percy Smith, Some personal habits, etc.
{Sur quelques habitudes personnelles et les manières des Polynésiens. Manière de s'as-
seoir, de marcher, de porter les charges, de boire, de mesurer la hauteur ; natation ;
conversation; gestes). — P. 461. R. H. Matthf.ws, The Kumbainggeri, etc. {Le Kum-
bainggeri, une des langues aborigènes de la Nouv. Galles du Sud; titre seulement).
J. Deniker.
Le Gérant : P. Bouchez.
Angers. — Imp. A. Burdin et C^S rue Garnier, 4.
LES GROTTES DE GRIMALDI
RÉSUMÉS ET CONCLUSIONS DES ÉTUDES GÉOLOGIQUES
PAR
Marcellin boule (*^
LA GROTTE DU PRINCE
Résumé et conclusions.
La description qui précède (2) montre que le remplissage de la
Grotte du Prince est dû principalement aux agents physiques.
Plusieurs circonstances ont exposé cette excavation aux effets d'un
ruissellement superficiel des eaux sauvages ayant pu acquérir par-
fois un caractère presque torrentiel : sa situation topographique
dans un pli du rocher, au déhouché d'un petit thalweg; les larges
fissures qui la mettaient en communication avec l'extérieur.
Si la présence de foyers, avec des pierres taillées intentionnelle-
ment, à la base même des terrains de remplissage d'origine subaé-
rienne, nous prouve que l'Homme prit possession de la grotte dès
que la mer s'en fut retirée, l'alternance souvent répétée de couches
riches et de couches complètement stériles en documents archéo-
logiques prouve que les séjours humains furent maintes fois contra-
(1) Tous nos lecteurs savent que !a description scientifique des Grottes de Gri-
maldi fouillées par les soins du Prince de Monaco doit faire l'objet d'un grand
ouvrage en cours de publication. Cet ouvrage est divisé en deux volumes, coaipre-
nant chacun plusieurs fascicules.
Le premier fascicule du tome I, intitulé Historique et Descriptioîi^ par M. le Cha-
noine DE Villeneuve, ainsi que le premier fascicule du tome 11^ Anthropologie par le
D"^ Verneau, sont imprimés depuis plusieurs mois. Le 2^ fascicule du tome I, consacré
à la géologie et à la paUogéograpkie vient de paraître. L'article qu'on va lire est
composé d'extraits de ce fascicule. 11 reproduit les principales conclusions de mes
études géologiques et stratigraphiques. Le 3' fascicule du tome I, purement paléon-
tologique, dont la rédaction m'a été également confiée, el le fascicule 2 du tome II, oii
M. Cartailhac traite de l'archéologie, vont être mis sous presse.
(2) Où les couches successives de remplissage ont été examinées une à une, tant au
point de vue de leurs caractères physiques qu'a celui de leur contenu paléontolo-
gique.
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906. H
2oS Maucellin boule.
ries par le jeu des phénomènes de remplissage. Les diiïérences
d'ordre physique présentées par ces divers dépôts ainsi que la pré-
sence de plusieurs planciiers stalagmitiques permettent d'affirmer
que le régime de la grotte subit de nombreuses variations et que
l'ensemble des dépôts correspond à une durée considérable.
La Paléontologie parle dans le même sens. Il faut d'abord remar-
quer que tous les terrains, à l'exception peut-être du n» 9, c'est-à-
dire toutes les couches comprises entre l'ancienne plage marine et
le plancher stalagmitique 8, sont d'âge quaternaire, puisque le
foyer A renfermait des ossements d'Eléphant, d'Ursiis spelœus et
(VHi/3sna crocida, espèces qui ont disparu de nos pays avant l'au-
rore des temps actuels.
Les dépôts de la Grotte du Prince (fig. 1) se laissent facilement
diviser en deux groupes que séparent les grands blocs éboulés et
dont l'allure est assez diiïcrente : d'une part les couches 1 à 5 avec
les foyers subordonnés E, D. G ; d'autre parties couches 6 à 9 avec
les foyers subordonnés B et A.
Les éléments caractéristiques de la faune des foyers E et D ont
une signification bien nette ; ce sont des espèces dénotant un climat
chaud : Eléphant antique, Rhinocéros de Merck et surtout Hippo-
potame. 11 est intéressant de constater que ces dépôts inférieurs, à
faune mammalogique chaude, succèdent immédiatement à la for-
mation marine avec faune malacologique un peu plus chaude que
la faune delà Méditerranée actuelle. Le caractère archaïque de ce
premier groupe est encore accusé par la présence d'une espèce
chevaline et d'une forme d'Ours aux affinités pliocènes.
Dans le foyer C il n'y a plus d'Hippopotame mais nous y trou-
vons encore l'Eléphant antique et le Rhinocéros de Merck, Le
Chamois commence à introduire une note froide. Ces diiïérences
sont encore peu importantes ; il y a continuité évidente dans la
faune comme dans les dépôts.
Les couches 4, 5, 6, d'une épaisseur totale considérable et oii se
voyaient de nombreuses traces du séjour des fauves, correspondent
à une longue période d'inoccupation de la grotte par l'Homme. Au
cours de cette période les modifications de la faune deviennent sen-
sibles par la disparition progressive des éléments chauds et par
l'apparition ou le développement d'espèces froides. C'est ainsi que
le contenu paléontologique des foyers B oiïre un caractère nouveau,
accusé surtout par la présence du Renne, que j'ai été le premier à
signaler dans les gisements de Grimaldi.
LES GROTTES DE GRIMALDI.
259
y
>
^
w
^
w
u
J
>
;z;
1— (
p^
H-]
çu
*j
0)
D
y
P
1-1
P
O
W
PQ
H
P^
H
O
§
C^
^
7-S
o
O
t3
<
—1
o
^— '
lll
o
o
LlJ
^
_l
<
ji
z
■j>
Q
o
o
LlJ
a.
o
o
o
ûï
260 Marcellin BOULE.
La superposition de ces deux faunes, l'inférieure dénotant un
climat chaud, la supérieure dénotant un climat froid, a été cons-
tatée maintes fois dans l'Europe centrale et occidentale. En France
surtout, nous ne manquons pas d'observations précises à cet
égard, mais on s'est souvent demandé si la môme superposition
pouvait être admise pour les pays méridionaux ou si, au contraire,
les faunes chaudes du Midi n'avaient pas été contemporaines des
faunes froides du Nord. L^étude stratigraphique et paléontologique
de la Grotte du Prince nous montre que cette succession doit être
admise pour la Côte d'Azur comme pour les Pyrénées, les bords
de la Seine ou de la Tamise. Nous savions d'ailleurs, par
M. Forsyth-Major, qu'à un certain moment des temps quater-
naires, le Campagnol des Neiges est descendu dans la plaine
lombarde; par A. Milne- Edwards que le Harfang a probablement
vécu en Sardaigne ; par Nehring que le Lemming de Norwège est
parvenu jusqu'en Portugal ; par M. Rivière que le Glouton a fait
partie de la faune des Baoussé -Rousse ; par M. Régal ia que le golfe
de la Spezia a eu autrefois un rude climat et que la Calabre a été
envahie par quelques animaux de la faune des steppes.
Quelle place doivent occuper les divers dépôts de la Grotte du
Prince dans la série des temps quaternaires? Avant de répondre à
cette question il faut d'abord s'enlendreau sujet delà classification
des dernières époques géologiques et tout le monde sait que l'accord
est loin d'être fait à cet égard.
Certaines classifications, établies par de purs géologues, ont
l'inconvénient de ne pas tenir suffisamment compte des faits paléon-
tologiques ou archéologiques. D'autres ont l'inconvénient opposé
de ne s'appuyer que sur les animaux fossiles. En invoquant surtout
les faits archéologiques les Préhistoriens sont arrivés à établir un
plus grand nombre de coupures, une chronologie plus détaillée.
On peut reprocher à leur méthode de n'avoir a priori qu'une portée
régionale, de ne pouvoir s'appliquer qu'à des surfaces restreintes
de notre continent.
Dès 1888, j'ai proposé une classification des temps quaternaires
basée sur la coordination des trois ordres de renseignements (1).
Les découvertes effectuées depuis un peu partout ne me paraissent
(l) M. Boule, Essai de Paléontologie stratigraphique de l'Homme {Revue d' Anthro-
pologie, 1888 et 1889).
LES GROTTES DE GRIMALDI.
261
pas devoir faire changer les grandes lignes de ce premier essai, que
je reproduis ci dessous en le simplifiant et en modifiant un peu la
nomenclature.
DIVISIONS
géologiques
PIIÉNOMENKS ET FOniMATIOiNS
géologiques
ACTUEL
ANIMAUX
caractéristiques
AUuvions récentes.
Tourbières.
Climat voisin de l'actuel.
Espèces actuelles.
Animaux
domestiques.
Couches de transition. — Cerf élaphe^
Castor.
an
Pi j
[ Dépôts supérieurs des
\ grottes. Partie supé-
supérieur< rieure du loess. Cli-
/ mat froid et sec; ré-
( gime des steppes.
Dépôts de remplissage
des grottes. Lœss. AUu-
vions des bas-niveaux
ou des terrasses infé-
moyen <[ rieures.
Moraines de la 3^
grande période gla
ciaire. Climat froid et
humide.
EPOQUE DU RENNE.
Renne, Saïga,
faune
des steppes.
\
Alluvious des terras-
ses moyennes. Tufs
calcaires. Climat doux,
inférieur^ Moraines de la 2^
grande période gla-
ciaire. Climat froid et
humide.
EPOQUE
DU MAMMOUTH
Mammouth,
Rhinocéros à
narines cloison-
nées. Ours,
Hyène des ca-
vernes, etc.
EPOQUE
UE l'hippopotame
Eléphant antique.
Rhinocéros de
Merck. Hippo-
potame, etc.
Couches de transition du Forest-bed, de Saint-Prest, de
Solilhac. Climat tempéré.
'•«3 f
PLIOCENE
supérieur
AUuvions des pla-
teaux.
Moraines de la l^e
grande extension gla-
ciaire.
ÉPOQUE DE L ÉLÉ-
PHANT MÉRmiONAL
Rhinocéros
étrusque. Che-
val de Sténon,
etc.
LXDUSTRIE HUMAINE
PERIODE DES METAUX
Age du fer.
Age du bronze.
Age du cuivre.
PÉKIODE NÉOLITHIQUE
OU de la pierre polie
Industrie de
transition
I MAGDALÉNIEN
Sculptures, gra-
vures et peintures
silex taillés pe-
tits et très variés
MOUSTIERIFN
Origine du tra
j vail de l'os ; si-
lex ordinaire
ment taillés sur
une seule face
CHELLÉKN
Premières traces
humaines indis-
cutables en Eu-
rope ; les beaux
silex sont taillés
surlesdeuxfaces
Les questions d'accolades sont assez arbitraires!^ puisqu'elles ne
représentent que des opérations de notre esprit; ce qu'il faut éta-
blir c'est la succession des événements et le synchronisme des phé-
nomènes. J'avais autrefois englobé la faune à Elephas meridionalis
dans le Quaternaire ; je préfère aujourd'hui la considérer comme
262 Marcellin BOULE.
datant le Pliocène supérieur. Cela n'a pas grande importance ; il
suffit de se rappeler que cette époque est celle de la première
irrande extension glaciaire dont les effets aient été bien constatés
en Europe (Sc\nikn de Geikie, Gi nzikn de Penck et Bruckner).
Les dépôts de Saint- Prest et de Solilliac, en France, ceux du Forest-
bed, en Angleterre, ceux de Siissenborn enThuringe, etc , peuvent
être considérés comme placés à la limite du Pliocène et du Pléisto-
cène, c'est-à-dire du Tertiaire et du Quaternaire. Ils représentent
la première grande période interglaciaire (NoHFOLKiEiN de Geikie).
Le Quaternaire comprend les temps pléistocènes et les temps
actuels.
Au Pléistocène inférieur correspond d'abord une seconde période
glaciaire, celle qui paraît avoir été la plus importante (Saxonien de
Geikie, Mindélun de Penck et Bruckner), puis une seconde grande
période interglaciaire (Helvétien de Geikie), marquée par une
faune composée d'éléments indiquant un climat chaud ; Éléphant
antique, Rhinocéros de Merck, Hippopotame, Machairodus, Singes,
etc. Les débris de ces animaux se rencontrent, soit dans les allu-
vions les plus anciennes du système hydrographique actuel , soit dans
les dépôts les plus inférieurs des cavernes. C'est aussi dans les ter-
rains de cette époque qu'on recueille les plus anciens instruments
en pierre reconnus comme authentiques par tout le monde. Au
point de vue archéologique, c'est le Chelléen, de Mortillet : déno-
mination que je considère comme excellente au moins dans l'état
actuel de la science.
Le Pléistocène moyen est caractérisé, au point de vue géologique,
par un retour des grands phénomènes glaciaires (troisième période,
PoLANDiËN de Geikie, RissieiN de Penck et Bruckner), par la forma-
tion de nouvelles nappes d'alluvions, tantôt superposées à celles du
Pléistocène inférieur, tantôt situées en contre- bas de celles-ci.
C'est l'époque du principal remplissage des cavernes par les phé-
nomènes physiques et de la formation des grandes masses du lœss
de nos pays, les origines de ces deux sortes de terrains étant tout
à fait analogues. C'est aussi l'époque du dernier creusement des val-
lées, du dernier modelé de la topographie actuelle.
La faune est très différente de celle du Pléistocène inférieur. Il
n'y a plus d'Hippopotame; l'Éléphant antique est remplacé par le
Mammouth, le Rhinocéros de Merck par le Rhinocéros à narines
cloisonnées, et l'on sait que cette dernière espèce, comme le Mam-
mouth, était adaptée aux rigueurs d'un climat glaciaire. Le Pléis-
LES GROTTES DE GRIMALDI. 263
tocène moyen a vu dans nos pays le règne des grands Carnassiers :
Ours, Hyène, Lion des cavernes.
Le Pléistocène supérieur est mal caractérisé aux points de vue
géologique et stratigraphique ; les dépôts qui lui correspondent
accusent une topographie et une hydrographie très voisines de la
topographie et de l'hydrographie actuelles en même temps qu'un
climat froid et sec (1) ; dans les grottes ce sont surtout des apports
humains, cendres de foyers et débris de cuisine. La faune ne diffère
pas beaucoup de celle du Pléistocène moyen et, dans mon tableau
de 1889, j'avais, pour cette raison, considéré les deux étages
comme ne formant qu'un seul bloc géologique. Pourtant la strati-
graphie des cavernes permet généralement de distinguer deux
niveaux successifs et ces deux niveaux renferment des faunes un
peu différentes sans qu'on puisse affirmer que ces dilTérences ne
sont pas dues à Fintervention humaine. Cette intervention a dû, en
effet, introduire dans les foyers des ossements de certains animaux
qui n'y seraient peut-être pas arrivés par le simple jeu des phéno-
mènes physiques. Ce qui est certain c'est que le Renne est l'es-
pèce dominante de ce niveau oii il est accompagné de diverses
formes animales indiquant un climat analogue à celui des steppes.
Mais c'est surtout l'archéologie qui conduit à une division très
nette. L'ethnographie des Hommes du Pléistocène supérieur, dilfé-
rente de celle des Hommes du Pléistocène moyen, lui est aussi très
supérieure. La distinction, faite d'abord par Lartet^ d'un âge du
Mammouth et d'un âge du Renne, est justifiée par l'archéologie
bien plus que par la paléontologie. Elle se retrouve dans les
expressions à peu près correspondantes de Moustérien et de Mag-
dalénien de Mortillet.
Revenons à la Grotte du Prince. Ce gisement est remarquable
par la continuité de ses dépôts, par l'absence de lacunes stratigra-
phiques ; et, comme il a été exploré avec le plus grand soin, on peut
s'attendre à y rencontrer tous les passages d'une faune à rautre,à
éprouver une grande difficulté à fixer les points précis oii doivent
passer les lignes des coupures.
(1) Cette époque, considérée par moi comme post-glaciaire aurait été marquée,
d'après divers géologues, par une ou plusieurs nouvelles phase d'avancement des
glaces moins importantes que les premières (Mecklemboukgien, etc., de Geikie,
WuBMiEN de Penck et Bruckner). Cela est possible, mais je n'ai personnellement
pas d'observations à l'appui de cette manière de voir. On trouvera, dans la 2" sec-
tion de ce travail, quelques réllexions relatives à ce sujet.
264 Marcellin BOULE.
Que les dépôts inférieurs, c'est-à-dire les couches 1, 2 et les
loyers subordonnés E et 1) doivent être rapportés au Pléistocène
inférieur et considérés comme synclironiques des couches de
Chclles, cela ne saurait, je crois, faire l'objet d'un doute car, avec
les espèces caractéristiques du Pléistocène inférieur : Hippopo-
tame, Ëh'^phant antique, Uhinocéros de Merck, ces dépôts ren-
ferment un certain nombre de formes animales d'un caractère très
archaïque.
Ce rapprochement étonnera sans doute beaucoup de Préhisto-
riens. Les pierres taillées recueillies dans les niveaux les plus infé-
rieurs de la Grotte du Prince sont, en effet, différentes des types
caractéristiques des gisements chelléens classiques; elles repro-
duisent les formes de l'industrie dite moiistiérienne, qui est ordinai-
rement associée en Europe à la faune du Mammouth.
Faisant ici surtout œuvre de géologue et de paléontologiste et
nullement d'anthropologiste, je devrais laissera mes savants amis,
MM. Gartailhac et Verneau, le soin de discuter et d'expliquer cette
anomahe. Je me permettrai pourtant de présenter quelques obser-
vations.
La première idée qui s'offrira à l'esprit des Préhistoriens, pour
qui l'argument archéologique a plus de valeur que tout autre, sera
de supposer que la faune chaude, à Éléphant antique et Hippopo-
tame, a vécu sur la Côte d'Azur pendant que la faune froide régnait
dans le reste de la France. On pourrait peut-être admettre cette
explication si l'on n'avait trouvé que des débris d'espèces chaudes
dans les gisements des Baoussé-Roussé. Mais nous avons vu que la
faune froide y est représentée dans des couches superposées^ comme
partout ailleurs, à celles de la faune chaude.
Les géologues enclins à multiplier les périodes glaciaires et dési-
reux de trouver dans les données paléontologiques des arguments
en faveur de leurs conceptions d'ordre purement physique^ penseront
peut être que la faune chaude des foyers inférieurs de la Grotte du
Prince n'est pas contemporaine de celle de Chelles mais qu'elle
correspond à un retour de cette faune pendant une époque inter-
glaciaire plus récente. Je ferai remarquer, dans ce cas, qu'aucun
fait ne vient à l'appui d'une telle hypothèse ; qu'une pareille alter-
nance n'a jamais été constatée dans des couches en superposi-
tion (1). Et d'un autre côté, puisque Findustrie moustiérienne est
(1) Il m'est impossible de compreûdre sur quelles données MM.Penck et Briickner
LES GROTTES DE GRIMALDI. 265
partout ailleurs contemporaine d'une faune froide, elle ne saurait
indiquer que des conditions glaciaires et non interglaciaires.
Il nous faut donc admettre, et c'est à mes yeux un des plus
importants parmi les résultats scientifiques nouveaux fournis par
l'exploration méthodique de la Grotte du Prince, que dans ce gise-
ment l'industrie moustiérienne, c'est-à dire Tinduslrie générale-
ment considérée comme caractéristique du Pléistocène moyen, est
contemporaine de la faune chelléenne, c'est-à dire de la faune du
Pléistocène inférieur.
Ce fait, si inattendu qu'il soit, n'offre, après réflexion^ rien d'ex-
traordinaire. S'il nous étonne un peu c'est peut-être parce que nous
connaissons très mal le faciès industriel des dépôts des cavernes
remontant au Pléistocène inférieur. L'industrie dite moustiérienne
est une des plus primitives qu'on puisse imaginer; elle est plus
simple certainement que celle qui a produit les beaux spécimens de
Chelles et de Sainl-Acheul, puisqu'elle ne se compose que d'éclats
retouchés sur les bords. Il n'est donc pas étonnant qu'elle nous
apparaisse dès les débuts de la période paléolithique. D'ailleurs les
stations humaines renfermant à la fois l'industrie chelléenne et l'in-
dustrie moustiérenne sont extrêmement nombreuses (1). Le gise-
ment de Chelles lui-même offre, à côté des pièces de choix que
recueillent tous les collectionneurs, une foule de types plus petits,
analogues à nos pierres taillées des foyers inférieurs, et beaucoup
des éolithes signalés par M. Rutot dans les alluvions quaternaires
de la Belgique sont des produits de cette industrie primitive. Par
contre, nous connaissons des gisements d'une industrie purement
chelléenne, comme celle des quartzites des environs de Toulouse
qui sont exactement contemporaines de la faune froide et qui, par
suite, tiennent ici la place du Moustiérien. Ces différences ne sau-
raient avoir une grande portée au point de vue chronologique; elles
tiennent souvent à des causes accidentelles. Il est possible, par
exemple, que les Paléolithiques des Baoussé- Rousse, forcés de
tailler leurs instruments dans des galets de petites dimensions
se sont appuyés pour placer une faune à Elephas anliquus et Rhinocéros Mercki entre
le Moustiérien et le Solutréen (voy. Obermaiek, in L'Anthropologie, t. XV, p. 31).
Quoique partisan de la périodicité des grands phénomènes glaciaires qui ont mar-
qué la fin du Tertiaire elle Quaternaire, je ne puis dissimuler que les observations
d'ordre purement paléontologique ne s'accordent pas avec une trop grande multi-
plicité des phases glaciaires et interglaciaires.
(1) D'Acy en a donné une énumération fort longue quoique incomplète dans UAn-
thropologie, t. V, p. 371.
266 Marcellin BOULE.
n'aient pu se procurer des blocs de matière première d'un volume
suflisant pour la fabrication de grandes pièces amygdaloïdes.
Les faits d'ordre géologique et paléontologique ont une significa-
tion et une portée plus générales que les faits ethnograpliiqiies
parce qu'ils sont indépendants de Faction humaine. C'est aux géo-
logues et aux paléontologistes qu'il appartient d'établir les grandes
divisions des temps quaternaires et c'est dans les cadres fixés par
eux que les Préhistoriens pourront à leur tour faire des subdivi-
sions archéologiques. Dans le cas actuel j'estime que l'ethnographie
doit s'incliner devant la géologie et la paléontologie. 11 ne me paraît
pas possible de douter que les foyers inférieurs de la Grotte du
Prince, à faune chaude, ne doivent être rapportés au Pléistocène
inférieur.
C'est aussi dans cet étage que, pour des raisons développées dans
la deuxième section de ce travail, je fais entrer la plage marine; il
est donc probable que les dépôts subaériens, à fossiles terrestres,
ne représentent que la partie supérieure de ce Pléistocène inférieur.
Le Pléistocène moyen et le Pléistocène supérieur sont ici très
difficiles à délimiter. Je serais porté à attribuer presque tout le
reste du remplissage au Pléistocène moyen, le foyer C faisant tran-
sition. 11 faut lui rapporter, à coup sûr les couches 4, 5, 6, qui cor-
respondent à une période de grande activité des agents atmosphé-
riques : désagrégation des roches, accumulation de brèches tant à
l'extérieur qu'a l'intérieur des grottes, dépôt de couches d'argile à
ossements.
Je ne saurais affirmer qu'il y ait, dans la Grotte du Prince, des
couches fossilifères représentant le Pléistocène supérieur, lequel
est plus développé, comme nous le verrons tout à l'heure, dans les
grottes voisines où les apports humains sont plus importants, où
les phénomènes physiques ont joué un moins grand rôle dans le
remplissage et où, surtout, les documents archéologiques et anthro-
pologiques, plus nombreux et plus variés, permettent de faire des
divisions plus précises.
LA GROTTE DES ENFANTS
Conclusions.
La Grotte des Enfants nous offre des caractères fort différents de
ceux de la Grotte du Prince, tant au point de vue de la nature des
LES GROTTES DE GRIMALDI.
267
terrains de remplissage qu'à celui de leur contenu (1). Les
Hommes paléolithiques y ont séjourné d'une façon à peu près per-
manente pendant toute la long-ue durée qui correspond à la forma-
tion de couches superposées sur près de 10 mètres d'épaisseur et
GROTTE DES ENFANTS
FiG. 2. — Coupes longitudinale et transversale de la Grotte des Enfants.
offrant presque toutes, à un degré plus ou moins accusé, le carac-
tère d'apports et de foyers humains (Voyez fig. 2).
Tout ce remplissage est quaternaire puisque le Renne a laissé ses
traces dans les couches tout à fait supérieures (l^*^ coupe) (2); c'est
là un premier résultat auquel conduit l'étude de la faune. Et ce
résultat est des plus importants au point de vue de la solution du
prohlème, tant discuté, de l'âge des squelettes humains.
La Paléontologie est ici d'accord avec l'Archéologie pour démon-
trer que, dans leur ensemble, les dépôts de la Grotte des Enfants
A-l^'u^ i'"'^''''^''''' '^^°' l'ouvrage d'où ces paragraphes sont extraits, la description
détaillée des terrains de remplissage de la Grotle des Enfants.
(2) Entre C et B des figures ci-dessus.
268 Mahcellin BOULE.
sont un peu plus récents que ceux de la Grotte du Prince ou, pour
parler d'une façon plus précise, que les couches inférieures y sont
un peu moins anciennes et les couches supérieures un peu plus
récentes.
Les couches les plus profondes, reposant immédiatement sur le
plancher rocheux de la grotte, ne renfermaient ni Elephas anliquus^
ni Hippopotame. Le seul élément caractéristique du Pléistocène
inférieur qui y ait été rencontré est le Rhinocéros Mercki. Or, il
semble ressortir de l'étude de la Grotte du Prince et de celle
d'autres gisements européens, surtout de l'Europe méridionale,
que le Rhinocéros Mercki paraît avoir survécu dans nos contrées à
l'Hippopotame et à l'Eléphant antique. La présence du Rhinocéros
de Merck ne suffirait donc pas toujours, à mon avis, pour caracté-
riser le Pléistocène inférieur. Pour ce qui est de la Grotte des
Enfants on peut encore remarquer que le Rhinocéros de Merck est
associé, dans les couches inférieures^ à VUrsus spelœiis en môme
temps qu'à XUrsus arctos. Je serais donc porté à rapprocher ces
couches inférieures ( 1 0^ et 9^ coupes) ( 1) non pas des premiers foyers
E et D de la Grotte du Prince, mais du foyer G, c'est-à-dire de les
considérer comme formant le passage du Pléistocène inférieur au
Pléistocène moyen.
Les squelettes de Négroïdes du foyer I, lequel surmonte directe-
ment ces dépôts inférieurs, appartiendraient donc au Pléistocène
moyen et seraient ainsi sensiblement de l'âge des squelettes de Spy,
en Belgique.
Le foyer H, renfermant le grand squelette masculin, a livré une
faune ne différant par aucun caractère important de celle du foyer I ;
je la rapporte encore au Pléistocène moyen, ce qui entraîne à vieil-
lir notablement la race humaine dite de Cro-Magnon représentée
dans le foyer H.
Quand on examine les listes d'animaux établies plus haut, couche
par couche, on est frappé de voir qu'à partir de ce foyer H jusqu'au
sommet des dépôts, la faune est très uniforme; les grandes espèces
carnivores y sont rares ce qui peut s'expliquer, en dehors de toutes
considérations chronologiques, par le fait que la grotte, continuel-
lement habitée par l'Homme, ne pouvait servir de repaire.
Le Renne a été trouvé dans les 5° et 1" coupes (2) ; il est très logi-
(1) Comprenant les foyers L et K des figures ci-jointes.
(2) C'est-à-dire vers le foyer F et entre C et B des figures ci-jointes.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 269
que de supposer que ces niveaux supérieurs de la grotte sont con-
temporains de la plus grande extension de cet animal et qu'il faut les
rapporter à l'âge du Renne, c'est-à-dire au Pléistocène supérieur.
Dès lors Fàge des squelettes humains trouvés par M. Rivière
d'abord, dans le foyer G, et par M. de Villeneuve ensuite, dans le
foyer B, se trouve parfaitement établi. 11 n'est pas douteux que ces
squelettes soient pléistocènes; mais on peut affirmer, je crois,
qu'ils ne remontent pas au-delà du Pléistocène supérieur.
PALEOGÉOGRAPHIE
Formations marines aux Baoussé-Roussé (1).
Nous avons maintenant les moyens de reconstituer l'histoire géo-
logique des grottes des Baoussé-Roussé. Gelles-ci ont pu prendre
naissance dès que les phénomènes orogéniques eurent placé dans
la situation qu'ils occupent aujourd'hui, les calcaires jurassiques
dans lesquels elles sont creusées, c'est-à-dire dès la Hn du Miocène.
Leur formation se rattache au phénomène général des cavernes en
pays calcaire : élargissement des joints ou des fissures de la roche
parles eaux atmosphériques de pénétration; remplissage par désa-
grégation des parois et apports extérieurs dus au ruissellement.
Au début du Pliocène, la Côte d'Azur, comme la plupart des
régions circum-méditerranéennes, a dû subir des mouvements
positifs; la mer a envahi une partie des territoires anciennement
émergés. Si certaines des cavités souterraines s'ouvraient déjà à
l'extérieur, les vagues n'ont pu que les débarrasser de leurs pre-
miers dépots meubles de remplissage et augmenter leurs dimen-
sions. Nous savons que vers la fin du Pliocène le niveau de la mer
était beaucoup moins élevé qu'au début. Le mouvement négatif
a-t-il été régulièrement progressif ou a-t-il été interrompu par des
mouvements positifs? Je ne connais, dans la région, aucun fait qui
me permette de répondre à cette question. Mais je tâcherai de
montrer plus loin qu'il a dû y avoir, pendant la durée du Pliocène,
une série de mouvements de sens contraire dont nous ne pouvons
apprécier ici que le résultat final. Pendant la durée des mouvements
négatifs, beaucoup d'excavations des roches calcaires sous-marines
(1) Couclusions d'uQ chapitre cousacré à l'élude des plages marines de l'intérieur
de la Grotte du Prince et de ses abords.
270 Marcellfn BOULE.
émergeaient peu à peu pour être bientôt remplis de dépôts subaé-
riens, destinés eux-mêmes à disparaître à la suite de nouveaux
changements du niveau de base des cours d'eau souterrains, etc.
On sait, en eiïet, que ces très anciens remplissages de grottes
ou de cavernes ne s'observent que rarement. J'en ai signalé un
exemple dans les Pyrénées, et, en Angleterre, M. Boyd-Dawkins a
décrit une caverne avec contenu paléontologique de l'époque plio-
cène. 11 semble qu'il en existe des traces à la Grotte du Prince
même, sous forme de lambeaux de brèches soudées à la paroi cal-
caire des Baoussé- Rousse, à la sortie du tunnel et bien au-delà des
limites extérieures du cône de remphssage de la grotte tel qu'il exis-
tait avant l'établissement du chemin de fer.
Quoi qu'il en soit, à un certain moment, qui correspond à la fin
du Pliocène ou au début du Quaternaire, la Grotte du Prince, com-
plètement débarrassée de tout remplissage antérieur, était baignée
par les eaux d'une mer dont le niveau s'est maintenu longtemps à
la cote d'environ + 25 mètres. Le niveau de cette mer s'est abaissé
peu à peu jusqu'à la cote +12 mètres où elle a édifié les dépôts
coquilliers qui recouvrent le plancher de la grotte. Puis le mouve-
ment négatif a dû continuer.
11 me paraît en effet impossible que de grands et lourds Pachy-
dermes aient pu circuler avec facilité sur le territoire des Baoussé-
Roussé tel que nous le voyons aujourd'hui. L'existence, au large
des rochers de la côte et à une faible profondeur, d'une plate -forme
sous-marine s'étendant fort loin, m'a paru ressortir de l'examen
des cartes hydrographiques. J'ai pensé qu'il y avait là une indica-
tion qu'après le dépôt des sables à Slrombus buboiims^ la mer, en se
retirant, a laissé, entre elle et les rochers escarpés du littoral, un
espace assez vaste pour permettre aux Eléphants, aux Rhinocéros,
aux Hippopotames, de se livrer à des évolutions auxquelles la topo-
graphie actuelle ne saurait se prêter.
Un géologue anglais, G. Maw (1), a signalé un fait curieux à cet
égard. Les cavernes de Menton, dit-il, dont l'origine est subaé-
rienne, se prolongent, au moins sur un point, à une distance con-
sidérable sous la mer. En face de ces cavernes, une source jaillit
dans la mer avec une force suffisante pour produire, par temps
calme, une petite oasis dans l'eau salée. Cette source débouchait et
(1) Oq the évidence of récent changes of level in the Mediterranean Coast-Line
{Geol. Magaz., t. VII, ISTO, p. 548).
LES GROTTES DE GRIMALDI. 211
coulait probablement autrefois sur la terre ferme et depuis celle
époque la terre a dû être submergée.
Afin d'avoir des données plus précises, S. A. S . le Prince Albert P""
a bien voulu faire procéder par M. Sauerwein à des sondages aux-
quels j'ai eu le plaisir d'assister. La carie planche XII montre la
bathymétrie de la région comprise entre Monaco et San Lorenzo,
telle qu'elle résulte de ces sondages et des documents antérieurs.
La plate-forme sous-marine est bien dessinée en face de Grimaldi,
de San-Remo, de San-Lorenzo, où elle a de 5 à 6 kilomètres de
largeur.
A partir du rivage actuel le sol sous-marin s'abaisse lentement
d'attiTtiondo
1377""
629
i Baoussé Housse
FiG. 3. — Protil des Alpes et de la Méditerranée passant parles Baoussé- Rousse.
jusqu'à une profondeur comprise entre iSO et 200 mètres. Au-delà
de la courbe bathymétrique 200, les pentes augmentent brusque-
ment. Le profil de la croûte terrestre, entre le Monte-Grammondo
et un point situé à lo kilomètres environ au large de Grimaldi est
une ligne brisée formée schématiquement de trois parties (fig. 3).
Les deux éléments extrêmes, AB, CD, représentent, le pre-
mier, l'inclinaison générale du versant de la chaîne alpine, le second
l'inclinaison générale des fonds sous-marins; ils sont sensiblement
parallèles et accusent une pente d'environ 16 à 17 0/0. L'élément
moyen, qui figure la plate-forme de raccordement^ n'a qu'une pente
de 2 à 3 0/0. Il est clair que cette disposition résulte de l'action de
la mer au cours des déplacements de son niveau, à une époque ou
à des époques géologiques relativement peu éloignées. 11 n'est pas
trop téméraire de supposer que l'amplitude du mouvement négatif,
dont nous avons relevé les traces dans la Grotte du Prince, peut
être mesurée par la valeur de la courbe limite de la plate-forme.
212 Marcellin boule.
La carte montre admirablement un autre phénomène déjà signalé
par M. Issel (1). C'est Texistence, au droit des grandes vallées
actuelles de la Ligurie (Roya, JNervia, Arma, Taggia, etc.), d'une
topographie sous-marine qui représente, de toute évidence, le pro-
longement de ces vallées. Ce phénomène se retrouve sur beaucoup
d'autres points du globe et a fait l'objet d'intéressants travaux (2).
L'explication qu'en a donnée M. Suess (3j, qu'il s'agit non d'un
creusement mais d'une accumulation de sédiments de part et
d'autre du cours d'eau prolongé dans la mer, ne saurait être
adoptée dans tous les cas. Et ici, en particulier, il ne me paraît pas
douteux qu'il s'agisse d'une topographie subaérienne aujourd'hui
submergée, probablement contemporaine de la grande période
d'émersion pontienne.
Un fait digne de remarque, c'est que la vallée sous-marine ne se
relie pas complètement à la vallée continentale. 11 y a une solution
de continuité entre les deux. Ce n'est que vers la couche bathymé-
trique limite de la plate-forme, c'est-à-dire vers la courbe 200, que
la topographie de la vallée submergée commence à s'accuser. Cette
disposition s'explique, d'un côté par les déplacements du niveau de
la mer s'exerçant entre les courbes 0 et — 200 et par Tarasement
dû à l'action des vagues, d'un autre côté par un remblaiement dû
aux apports des rivières; les deux phénomènes devant aboutir à un
aplanissement général dans la traversée de la plate-forme.
Quelle amplitude peut-on assigner au mouvement de retour de
la mer? Il est possible que certaines plages, émergées à de très
basses altitudes et signalées par divers géologues sur la Côte d'Azur
comme ayant un faciès plus récent, doivent être rapportées à ce
mouvement positif. Mais ce n'est pas démontré. La distinction
n'est basée que sur l'absence, qui peut être accidentelle, de quel-
ques rares espèces de Mollusques et j'ai déjà insisté sur le peu de
valeur d'un tel argument. Ce qui est certain, c'est que ce mouve-
ment positif, dont la réalité ne saurait être niée puisque c'est lui
qui a ramené la mer dans ses limites actuelles, n'a pas permis à
(1) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 24 et 31 janvier 1887.
(2) SaDS parler de la littérature sur les fjords de Norwège, il faut citer surtout :
Spencek (J.-W.), Reconstruction of the Antilleaa Continent [BulL of the geol. Soc. of
America, vol. 6, 1895), et Hull (G.). On the Oceanic terraces and river valleys [Vic-
toria Instilule Trans., 1899). — Anciennes vallées envahies par la mer {Congrès géol.
intern., Paris, 1900, vol. I, p. 321).
(3) La Face de la Terre (Trad. de Margerie), t, 11, p. 852.
LES GROTTES DE GRIMÂLDI. 273
relle-ci de dépasser le seuil général des grottes de Grimaldi, c'est-
à-dire, l'altitude de 10 mètres environ. Les dépôts meubles du rem-
plissage de la Grotte du Prince et de la Barma di Baousso da Torre
ainsi que les cendres des foyers n'ont, en efî'et, présenté aucune
trace de remaniement ou de brassage par les flots. On m'a même
affirmé que certains talus archéologiques arrivaient jusqu à la mer.
Il est actuellement très difficile de vérifier cette assertion.
LES RIVAGES MÉDITERRANÉENS AUX TEMPS QUATERNAIRES
La longue enquête que je viens de résumer (1) aura au moins
l'avantage de montrer combien ce que nous savons est peu de
chose à côté de ce que nous ignorons. Elle sera, je pense, de quel-
que utilité aux géologues qui s'intéressent à Fliistoire des temps
quaternaires, en constituant une sorte d'introduction à leurs recher-
ches personnelles sur les mêmes sujets. Il me semble de plus que
les résultats de cette enquête, complétant les données nouvelles
recueillies à Grimaldi, se prêtent à quelques vues d'ordre général.
La précision et^ par suite, la valeur des observations que j'ai
rapportées sont forcément inégales. Dans un essai de synthèse
comme celui que je désire tenter ici, il faut, d'une part, tenir grand
compte de ces différences et^ d'autre part, ne s'appuyer que sur des
faits d'ordre positif.
Le phénomène de déplacement des rivages pendant les dernières
■époques géologiques est un phénomène général pour la Méditerranée.
— C'est la première conclusion qui se dégage deTensemblede nos
observations. Depuis le détroit de Gibraltar jusqu'à la côte syrienne
il n'est pas un pays du littoral méditerranéen qui ne présente sa
guirlande de dépôts marins émergés à des hauteurs variable's au-
dessus de la mer actuelle.
Des savants distingués, partant de cette idée a priori que les
dépôts horizontaux de même altitude doivent être partout du même
âge, se sont donné la tâche de rapporter ces dépôts à un certain
nombre de mers caractérisées par leurs altitudes. On aurait ainsi
les mers de 200 mètres, 150 mètres, 100 mètres, 60 mètres, etc.,
(1) Pour essayer de donner aux questions soulevées par l'étude des formations
marines des Haoussé Rousse, toute l'ampleur dont elles me paraissent susceptibles,
j'ai passé en revue, dans un long chapitre, avec de nombreuses indications biblio-
grapiiiques, les observations du même ordre faites sur d'autres points du littoral
méditerranéen.
l'anthropologie. — T. xvri. — 1906. 18
27i Marcellin boule.
jusqu'à la mer actuelle. Mieux vaudrait, à mon sens, chercher à
lixer, pour chaque rég-ion, Tàge de ses diverses formations marines
et comparer ensuite les altitudes des formations synchroniques des
divers pays.
Abaissement progressif des lignes de rivages depuis le début du
Pliocène. — D'une manière générale, on peut dire que tout se passe
comme si, depuis le maximum de la transgression pliocène (3^ étage
méditerranéen de M. Suess), le niveau de la mer s'était abaissé pro-
gressivement autour des continents d'ailleurs encore très instables.
Que ce mouvement négatif ait été interrompu ou non par des
retours positifs, comme nous le verrons plus loin, le résultat final est
qu'à la tin du Pliocène le niveau général et relatif de la mer, dans
la région méditerranéenne^ était inférieur à celui qu'elle atteignit à
certains moments du Pliocène inférieur et du Pliocène moyen.
Nous savons de plus que le Pliocène supérieur a été marqué par
un refroidissement des eaux marines, aussi bien de la Méditerranée
que de l'Atlantique, et qu'il a été suivi de très près par la plus
importante des invasions glaciaires continentales.
Sur bien des points, en France, en Algérie, en Egypte, etc , le
niveau de cette mer du Pliocène supérieur paraît se tenir autour de
la cote -\- 60 mètres. Mais ailleurs (Italie méridionale, Sicile,
Grèce, Egéide, etc.), les altitudes de ses dépôts sont parfois très
diiïérentes, ce qui prouve que les grands mouvements tectoniques,
surrection de certaines parties continentales, efl'ondrement de
fosses marines, n'étaient pas encore terminés.
Les dépôts quaternaires sont presque partout sensiblement hori-
zontaux et, par suite ^ postérieurs aux grands mouvements tecto-
niques. — Mais il résulte, par contre, des observations que nous
avons faites au cours de notre périple méditerranéen que les for-
mations, dont l'âge quaternaire est bien établi par la Paléontologie,
ont presque partout conservé leur horizontalité primitive et ne sau-
raient, par suite, avoir été soumises à de grands mouvements
d'ensemble de l'écorce terrestre, sauf peut-être dans l'Italie méri-
dionale et en Sicile, régions encore soumises à un régime volca-
nique et sismique des plus intenses (1).
Théoriquement, il paraît donc possible, dans la Méditerranée, de
(1) On observe le contraire dans d'autres parties du globe, notamment dans
l'Europe septentrionale, autrefois occupées par d'immenses calottes de glace; je n'ai
pas la pensée d'établir une règle générale*
LES GROTTES DE GRIMALDl. 218
fixer la position des lignes de rivage correspondant aux diverses
étapes des mouvements de la mer depuis la (in du Pliocène. 11
semble qu'au-dessus d'une certaine altitude, ne dépassant pas
60 mètres, on n'ait affaire qu'à des dépôts pliocènes. On a bien con-
sidéré comme quaternaires des plages émergées à des altitudes plus
élevées mais, ou bien ces dépôts ont été observés dans des régions
volcaniques souvent ébranlées, ou bien ils sont mal caractérisés au
point de vue paléontologique et rien n'empêche de les attribuer
au Pliocène supérieur plutôt qu'au Pléistocène.
En réalité les plages émergées vraiment quaternaires se tiennent
généralement à une altitude comprise entre 0 et 30 mètres. Les
cotes 30, lo, 8 mètres sont les plus fréquentes d'un bout à l'autre
de la Méditerranée. Ce fait n'a pas manqué de frapper tous les
auteurs qui se sont occupés de la question depuis le général de La
Marmora, qui écrivait il y a un demi-siècle, jusqu'aux auteurs les
plus récents, MM. de Lamothe, Négris, etc.
La plupart des plages quaternaires se rapportent au Pléistocène
inf trieur. — Vu leur faible altitude, les plages quaternaires ont
donné aux géologues qui s'en sont occupés l'impression de terrains
très récents. Elles ont été généralement considérées comme ne
remontant pas au-delà du Pléistocène supérieur. Nos observations
ont montré qu'il n'en est pas ainsi sur la Côte d'Azur où des dépôts
marins, dont la base se trouve à 7 mètres d'altitude, supportent des
terrains d'origine subaérienne à faune mammalogique du Pléisto-
cène inférieur. Ces conclusions peuvent-elles s'appliquer aux autres
pays circumméditerranéens ?
11 ne faut pas dire qu'il y a synchronisme entre les divers dépôts
que nous avons longuement énumérés parce qu'il y a similitude de
conditions topographiques. 11 faut chercher à fixer l'âge de chacun
d'eux par la Paléontologie. Malheureusement, dans beaucoup de
cas, nous manquons de documents. Mais il est très important de
constater que, partout oii les fossiles sont suffisants, ceux-ci
parlent dans le même sens et qu'ils empêchent de considérer les
plages émergées entre les cotes 0 et -|- 30 comme des plages
récentes, je veux dire comme des plages datant de la période géolo-
gique actuelle ou même du Pléistocène supérieur.
Si les données paléontologiques sont loin d'être aussi nombreuses
qu'on pourrait le désirer, il ne faut pas oublier qu'elles se répar-
tissent sur le^ points les plus différents du littoral méditerranéen.
276 Marcellin boule.
Comment ne pas être frappé par exemple de ce fait que la faune
malacolog-icjue à Stj'omhus buboniiis et (ju(îlqucs autres espèces
chaudes caractérise un grand nombre des dépôts qui nous occupent
en France, en Toscane, dans ITtalie méridionale, à Chypre, en
Egypte, en Tunisie, en Algérie, aux Baléares, en Espagne? iN'est-il
pas raisonnable de supposer que les investigations futures feront
découvrir des gisements analogues dans les régions intermédiaires?
Les Mammifères fossiles nous fournissent un instrument chro-
nologique plus précis, l^artout oii on les a rencontrés^ les restes de
la faune du Pléistocône inférieur à Elepha^ antiqims, ow bien les pro-
duits de 1 industrie humaine contemporains de cette faune se sont
montrés stratigraphiquement au dessus des plages émergées d'al-
titudes très faibles ou dans Tintérieur même de ces plages : en
France, en Toscane, dans l'Italie méridionale, à Malte, aux Darda-
nelles, en Egypte, en Algérie, au Maroc, en Portugal.
Nous ne connaissons pas, dans le bassin de la Méditerranée, un
seul exemple de dépôts marins émergés reposant sur des formations
à Elephas primigenius, Rhinocéros tichorhinus^ ou renfermant des
débris de la faune du Pléistocèhe supérieur. Il est vrai que j in-
voque ici, à mon tour, un fait d'ordre négatif. On peut aussi m'ob-
jecter que la faune froide du Pléistocène supérieur de l'Europe
centrale ou occidentale est mal représentée dans l'Europe méridio-
nale. Nous avons, en tous cas, le droit de dire qu'en l'état actuel de
nos connaissances, les données paléontologiques ne sont pas en
faveur de l'existence de plages émergées du Pléistocène supérieur.
Le Pléistocène inférieur correspond à un grand mouvement néga-
tif de la Méditerranée. — L'étude des Baoussé- Rousse m'a con-
duit à admettre que le mouvement négatif postpliocëne, dont les
diverses lignes de rivage, aux altitudes intérieures à 60 mètres,
paraissent ne représenter que des temps d'arrêt, a dû avoir une
amplitude considérable. S^agit-il d'un phénomène local ou d'un
phénomène général pour la Méditerranée? Les preuves directes à
l'appui de cette dernière proposition ne sont pas très nombreuses,
comme toujours quand il s'agit de mouvements négatifs. Nous
avons pourtant quelques indications.
Examinons dabord la topographie sous-marine aux abords des
côtes actuelles. LY'tude d'une carte bathymétrique, comme celle de
la planche XIII, ou comme la Carte générale des Océans du Prince
Albert l^' , révèle l'existence, dans d'autres régions delà Méditerra-
LES GROTTES DE GRIMALDI. 277
née, de plates-formes sous-marines analogues à celle de Grimaldi,
mais d'une superlicie souvent beaucoup plus considérable.
A rOuest, c'est dabord l'ancien « plateau continental » du Golfe
de Lion, si bien étudié par M. Pruvot (1) et au-delà duquel les pro-
fondeurs augmentent rapidement. Sa largeur, d'environ 70 kilo-
mètres^ se réduit beaucoup entre le cap Creux et Tarragone, pour
augmenter de nouveau brusquement à partir de cette dernière ville
jusqu'au cap de Palos, d'où elle se poursuit jusqu'à Gibraltar avec
une étendue plus restreinte.
La côte algérienne plonge si brusquement que parfois, à lo kilo-
mètres au large, les fonds atteignent 2.000 et 2.500 mètres. Au
droit de Bône la plate-forme réapparaît; l'isobatbe de 200 mètres
ne tarde pas à envoyer une sorte de cap vers la Sardaigne dont elle
reste séparée par des fonds de 1.600 mètres. En face de Tunis cette
courbe s'éloigne beaucoup du littoral actuel ; à la longitude du cap
Bon, elle rejoint presque celle qui entoure la Sicile. La Petite-Syrte
correspond à un développement énorme de la plate-forme dont la
largeur atteint près de 200 kilomètres et qui, beaucoup plus resser-
rée dans la Grandc-Syrte, se poursuit jusqu'à l'embouchure du iNil
avec une largeur moyenne de 20 kilomètres seulement.
Les côtes de la Syrie et de l'Asie-Mineure s'enfoncent brusque-
ment sous les eaux, sauf dans le golfe d'.Alexandrette, où l'isobathe
200 semble aller au-devant de la pointe orientale de Chypre dont la
séparent pourtant des profondeurs de 600 mètres.
A partir de Rhodes, cette même courbe réunit les divers archipels
de la mer Egée en un petit nombre de blocs, dont les uns se soudent
soit au continent asiatique, soit à la péninsule des Balkans, et dont
les autres ne sont séparés des premiers que par des détroits rela-
tivement peu profonds. La Crète reste encore à l'état d'île. Les
rivages occidentaux de la Grèce sont très abrupts; pourtant l'iso-
bathe 200 fait disparaître le golfe de Corinthe et rattache les îles
Ioniennes au continent. En remontant au Nord dans l'Adriatique,
elle ne dépasse pas la latitude de Raguse et délimite dans l'Italie
méridionale une zone dont la largeur n'atteint 20 kilomètres qu'au-
tour du golfe deTarente. La Sicile se trouve ainsi rattachée à l'Ita-
lie par un mince pédicule et l'étendue de l'île est considérablement
augmentée dans deux directions : vers le Sud, l'isobathe 200
englobe Malte et vers l'Ouest elle arrive jusqu'au voisinage du cap
(1) Archives de zoologie expérimentale, 3^ série, t. V, 1897, p 511.
278 Marcellin BOULE.
Bon. Très près du rivage, en Calabre, elle s'en écarte souvent en
Gampanic pour envelopper (>apri, [scliia, les îles IV)ntines et, plus
au iNord, (iiglio, Monte-Cliristo, Pianosa, 1 île d'Elbe.
Elle rattache la Corse à l'Italie par un isthme étroit et assure
très larj^ement la communication de l'île française avec la Sar-
daigne, dont elle accroît nolahlement l'étendue
Qu'une pareille topographie sous-marine, dont on retrouve des
exemples sur une foule d'autres points du globe [socle continental
des géo -physiciens), prouve des changements relativement récents
dans le niveau relatif des terres et des mer, cela ne saurait, je crois,
faire l'objet d'un doute. A ceitains moments cette plate- '"orme a dû
être émergée en totalité ou en partie.
A cet argument et à ceux que j'ai déjà fait valoir à propos de
Grimaldi je puis ajouter quelques autres témoignages.
Sur certains points du littoral méditerranéen, dans le golfe de la
Spezia, par exemple, il y a d'après Carazzi (1), à 600 mètres du
rivage et à 10 mètres de profondeur, une terre à ossements de
Mammifères qui prouve que la mer a eu, pendant un certain
temps, ses limites en deçà des limites actuelles Spratt a montré
qu'autour de Tile de Malte des rochers sous-marins présentent des
fissures remplies d'une terre rouge à ossements. Ces observations
concordent avec celles qui ont permis à Sir J. Murray d'affirmer
que l'île était autrefois beaucoup plus étendue vers le Sud-Est.
Pomel (2) a montré qu'une partie au moins de la plate-forme
sous-marine si étendue de la Petite-Syrte est formée par un dépôt
récent à coquilles terrestres. M. de Lamothe (3) admet volontiers
que les plages de 30 mètres et 15 mètres du Nord de l'Afrique ne
représentent que des temps d'arrêt d'un mouvement négatif dont il
lui paraît difficile de fixer l'amplitude, mais qui a fait baisser le
niveau de la Méditerranée au-dessous de son niveau actuel Des
sondages nombreux ont montré à Ville que la vallée de la Mitidja
a été creusée à près de 200 mètres au-dessous du niveau de la mer,
puis remblayée. Ce chiffre représente précisément la cote moyenne
de la plate forme submergée. Ce remblaiement des vallées actuelles,
dans leur partie inférieure, paraît être un phénomène fréquent
dont l'explication ne peut être fournie que par des changements du
(1) La breccia ossifera del Monte Rocchetta [Boll. Comit. geol. liai., i. I, p. 199).
(2) Bul. de la Soc. géol. de France, 3° série, t. XIN, 1818, p. 217.
(3) Comptes rendus de VAc. des Sciences, 26 décembre 1904 et lac. cit. passim.
LES GROTTES DE GRIMÂLDI. ,279
niveau de base des cours d'eau. En ce qui concerne le Rhône^ par
exemple, M. G. Picard (1) nous apprend que des bancs de cailloux
roulés, prolongement de ceux de la Grau ou de la Camargue, ont
été rencontrés par des sondages à Aigues-Mortes et dans d'autres
localités jusqu'à — 50 mètres
La géographie zoologique et la paléontologie nous fournissent
d'autres arguments. Leith-Adams. Falconer, Wallace, Ramsay,
E. Blanchard, A. Milne Edwards, M. Boyd-Dawkins, etc , s'en
sont servis pour accréditer Ihypothèse d'une jonction continentale
récente de l'Europe et de l'Afrique. Après avoir énuméré un grand
nombre d'êtres, animaux ou plantes, communs encore aujourd'hui
au littoral européen et au littoral africain. E Blanchard a cru pou-
voir dire : <i Si les rives méditerranéennes étaient rapprochées j
l'investigateur le plus attentif passerait d'Europe en Afrique ou
d'Europe en Asie sans qu'aucun trait de la nature vivante l'en
avertît ».
11 y a, entre les faunes de Mammifères fossiles de TEurope, des
îles de la Méditerranée et de l'Afrique, des ressemblances telles
qu'elles ne peuvent s'expliquer que par des connexions terrestres
aujourd'hui disparues. C'est un fait depuis longtemps connu que la
faune pléistocène européenne renferme des éléments qui sont
aujourd'hui essentiellement africains : YElephas africanus ou
prisais, l'Hippopotame, le Porc-Épic, le Lion, l'Hyène {achetée, le
Serval, le Macaque, etc Tout en ayant sa physionomie propre (2)
la faune quaternaire de l'Algérie renferme quelques formes euro-
péennes : YElephas antiquus, le Rhinocéros Mercki, des Ours. La
plupart des grandes îles de la Méditerranée : Corse, Sardaigne,
Sicile, Malte, Grète, Chypre, ont livré, aux explorateurs de leurs
cavernes ou de leurs brèches à ossements, les restes fossilisés d'un
grand nombre d'espèces animales identiques à celles des continents
voisins.
On ne peut expliquer cette répartition en même temps que ce
morcellement d'éléments launiques semblables que par d'anciennes
connexions terrestres, et ces connexions elles-mêmes impliquent,
soit des variations dans le niveau général de la Méditerranée, soit
(1) La Camargue. Étude stratigrapbique de la région du Bas-Rhône. Br. iu-S», 81
p. Nîmes, Imprimerie Générale, 1901. Ce mémoire m'a été obligeamment communi-
qué par M. Blayac.
(2) Voy. M. BouLB, Les Mammifères quaternaires de l'Algérie d'après les travaux
de Pomel {V Anthropologie, t. X, 1899, p. 563).
280 Marcellin BOULE.
reffontlrement des ponts continentaux ou des isthmes qui ratta-
chaient autrefois ces diverses terres entre elles. Nous n'avons pas
de preuves directes et péremptoires d'eiïondrements aussi récents.
Nous avons au contraire la preuve de changements du niveau
relatif de la mer. Dans l'état actuel de la science c'est donc à cette
explication qu'on doit s'arrêter. Mais il s'agit de serrer la question
déplus près et de chercher à esquisser les principaux trails de
l'histoire des vicissitudes géographiques dont la Paléontologie nous
révèle sûrement l'existence.
Nécessité d'admettre pluneurs grands mouvements négatifs au
cours des dernières périodes géologiques. — Depuis les mémorables
découvertes paléontologiques de M. Albert Gaudry en Grèce, nous
savons que vers la fin du Miocène, la Méditerranée devait être
réduite à quels grands lacs entre lesquels de larges communications
assuraient un brassage contiuuel des faunes de Mammifères d'Eu-
rope et d'Afrique. Il est permis de supposer que c'est surtout de ce
moment que date l individualité de la faune africaine, laquelle a con-
servé, dans ses grands traits_, beaucoup de souvenirs de l'époque
où les limons du Léberon, de Fikermi, de Samos, de Maragha
enfouissaient d'innombrables ossements. Le Miocène tout à fait
supérieur correspond donc à un mouvement négatif d'une ampli-
tude énorme qui fut suivi d'un mouvement positif non moins impor-
tant. Celui-ci correspond à la transgression pliocène (3^ étage
méditerranéen), dont les dépôts s'observent sur une foule de point
du pourtour méditerranéen ainsi que dans la plupart des îles.
La faune continentale pliocène a un caractère différent de celle
du Miocène supérieur. Les relations ne sont plus autant avec
l'Afrique qu'avec l'Asie et, par celle-ci, avec l'Amérique : diminu-
tion des Antilopes, grand développement des Cervidés, Bovidés pri-
mitifs, Tapirs, Chevaux, etc. A cette époque le continent africain a
dû être complètement isolé de l'Europe et probablement aussi de
l'Asie (1).
Si la régression des mers pliocènes s'était faite régulièrement,
sans intercalations de mouvements positifs, les communications
n'auraient pu se rétablir avant l'époque marquée par le dévelop-
pement de la faune dont VElephas antiquus est le chef de file Dans
(Ij Vasskl, Sur les faunes de l'isthme de Suez [Bull, delà Soc. d'Hist. nat. d'An-
tun, vol. 111, 1890, p. 81 du tirage à part).
LES GROTTES DE GRIMALDI. 281
cette hypothèse un certain nombre de faits paléontologiques sont
inexplicables. M. Forsyth Major (1) a montré, à plusieurs reprises,
que certains éléments des faunes mammalogiques quaternaires des
îles méditerranéennes se rattachent à des formes pliocènes plutôt
qu'à des formes quaternaires continentales. C'est ainsi qu'on trouve
en Corse et en Sardaigne : le Prolagus sardiis voisin des Prolagiis
pliocènes ; un Carnivore, VEnhydrictls, apparenté avec Miistela
Majori du Pliocène de Monte Bamboli, en Toscane. Les petits
Hippopotames de Crète et de Chypre ne seraient pas des dimi-
nutions de 177. amphibus mais des espèces voisines d'une forme
des lignites pliocènes de Casino. De tels faits nous obligent à
admettre des communications temporaires à un certain moment du
Pliocène.
D'autres espèces de ces mêmes îles sont semblables à des formes
quaternaires ou actuelles : Sanglier, Cerf du groupe Elaphe, Bou-
quetin, Mouflon, Renard, Cuon, Homme paléolithique. Et cela
prouve que les communications ont dû se faire à diverses reprises.
La présence simultanée de l'Éléphant antique, de l'Éléphant
d'Afrique, du Rhinocéros de Merck, du Lion, de la Panthère, du
Serval, deFHyène striée, del'Hyène brune, de l'Hyène tachetée, du
Porc-Épic, du Macaque, de part et d'autre de la Méditerranée, à
l'époque des plages aujourd'hui émergées, c'est-à-dire à un moment
où toutes relations paraissaient être rompues, implique nécessai-
rement un passage antérieur à cette époque, et datant probable-
ment du Pliocène supérieur.
Il y a des arguments géologiques en faveur de cette manière de
voir. Tandis que les dépôts marins du Pliocène inférieur et du Plio-
cène moyen indiquent une grande transgression marine, les dépôts
continentaux contemporains, formés de couches lacustres ou flu-
viales très épaisses, dénotent une période de remblaiement des
vallées parfaitement en rapport avec le relèvement du niveau de
base des cours d'eau. Puisvient une période de grands ravinements.
J'ai montré depuis longtemps que, dans le Massif central de la
France, où tous les changements de la géographie pliocène et qua-
ternaire se lisent si clairement, le principal creusement des vallées
actuelles s'est effectué pendant le Pliocène supérieur. 11 paraît en
(1) L'origine dclla fauDa délie nostre isole {Atli Soc. tosc. Se. nat.j procès-verb.
III, pp. 36, 113, 192). — Die Tyrrhenis {Kosmos, VJI, 1883, p. 1 et 81). — Proc. zool.,
Soc. of London^ 1901, p. 628. — Geol. Mag., oct. et nov, 1905, pp. 462 et 501.
282 Marcellin BOULE.
être de même dans les régions circumméditerranéennes, dans celles
du moins qui ont été suffisamment étudiées à ce point de vue.
J'ai dit, à propos du Velay, après avoir fait remarquer que le
travail d'érosion auquel est due la topographie actuelle de la région,
a été presque entièrement elTectué pendant le Pliocène supérieur:
« Les diiïérences présentées par les faunes de Sainzelles (Pliocène
supérieur) et de Solilliac(Quaternaire tout à fait inférieur) expriment
les changements biologiques correspondant à la durée du creuse-
ment des vallées actuelles aux environs du Puy. Ces diiïérences ne
sont pas très considérables, bien qu'elles représentent un laps de
temps à coup sûr très important I^^lles nous donnent donc, une fois
de plus, une idée grandiose de la durée des temps géologiques ».
Cette conclusion est à rapprocher de celle qui ressort d'une étude
de MM. Di Stefano et Viola sur les dépôts marins en Basilicate et
dans la Pouille. Ces savants ont montré qu'il y a eu, entre le Plio-
cène et le Quaternaire, des changements physiques énormes tandis
que les changements concomitants de la faune marine sont insi-
gnifiants (1).
Nous sommes donc amenés à penser qu'un grand mouvement
négatif a eu lieu pendant le Pliocène supérieur, probablement pen-
dant la seconde moitié de cette époque. Cette hypothèse nous per-
met de comprendre la diffusion de certaines espèces. C'est à ce
moment que ÏE/ephas antiquus, le Rhinocéros Mercki, les Hyènes
et peut-être l'Hippopotame, qui existaient déjà au Pliocène supé-
rieur, ou étaient représentés par des formes très voisines, ont pu
circuler d'un continent à l'autre et s'établir dans certaines îles.
Puis, à l'origine du Quat<'rnaire, un nouveau mouvement positif a
dû rompre les communications. C'est lui qui a laissé de si nom-
breuses traces sur tout le pourtour delà Méditerranée sous la forme
des plages émergées que nous avons étudiées. Pendant cette époque
la Corse, la Sardaigne, la Sicile, Malte, la Crète, Chypre, sont
restées isolées. Certaines formes géantes émigrées en Sicile et à
Malte, s'y trouvant emprisonnées, ont pu s'y rapetisser peu à peu
pour donner des variétés naines ; les formes pliocènes ont continué
à se perpétuer, parfois en se modifiant légèrement, en Corse, en
Sardaigne, en Crète, à Chypre.
Le dernier mouvement négatif, dont nous avons retrouvé les
traces^ nous explique l'immigration, dans les îles rattachées tempo -
(\) In G. DoLLFUs, Annuaire géologique universel, t. X, p. 394.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 283
raireinent et pour la dernière fois au continent, des espèces dont
Torig-ine est plus récente et môme des espèces actuelles. Que ce
mouvement ncg-atif de l'époque quaternaire ait eu une amplitude
beaucoup moindre que celui du l^liocène supérieur me paraît
démontré : 1° par létude des phénomènes physiques continentaux
contemporains qui sont loin d'avoir l'ampleur de ceux du Pliocène;
2° par l'interprétation des données paléontologiques qui semblent
prouver que les communications n'ont pas dû être aussi larges ni
aussi nombreuses. On peut prendre comme exemple la comparai-
son des faunes quaternaires d'Afrique et d'Europe. Elles sont fort
ditlérentes dans l'ensemble. Il n'y a qu'un pelit nombre d'espèces
communes et celles-ci sont parmi les plus anciennes. La faune qua-
ternaire de l'Algérie a déjà son autonomie. Mais il y a des points
de contact incontestables. L'Homme paléolithique est représenté
en Algérie et en Europe par des produits industriels trop sem-
blables pour ne pas avoir une origine commune (1).
Amplitudes des mouvements négatifs. — Quelles amplitudes
minima faut-il attribuer à ces mouvements négatifs ? L'examen des
cartes bathy métriques montre qu'un abaissement de 200 mètres
du niveau de la mer actuelle rattacherait à l'Italie le groupe de l'île
d'Elbe, la Corse et la Sardaigne, ainsi que la Sicile et Malte. Quel-
ques dizaines de mètres de plus suffiraient pour l'établissement d'un
pont entre la Sicile et l'Afrique. Les Baléares, Candie^ Chypre
resteraient encore complètement entourées d'eau. Ce sont là des
conditions que je crois suffisantes pour rendre compte des faits
paléontologiques relatifs au Quaternaire. Elles peuvent s'accorder
très facilement avec les données de la géologie continentale sans
avoir recours à des effondrements dont je ne saurais nier l'existence
a priori y mais dont nous n'avons aucune preuve directe.
Il n'en est pas de même du mouvement négatif du Pliocène supé-
rieur. Il est très difficile, pour cette époque, de faire la part qui
revient aux effondrements et celle qui revient au simple abaisse-
ment des lignes de rivages. Je crois qu'une communication a dû
exister alors entre le Maroc et la Péninsule ibérique. Pour trans-
former en un isthme le détroit de Gibraltar actuel, il faudrait
abaisser le plan d'eau méditerranéen d'environ 700 mètres. Mais il
(1) M. Boule, Etude paléontologique et archéologique sur la statioa paléolithique
du lac Karar, Algérie {VAnlhi^opologie, t. XI, 1900, p. i avec fig. et pi.).
284 MarckllIn boule.
existe, à l'ouest du détroit, une lii^ne de hauts fonds disposée en arc
de cercle et représentant peut être un raccordement des plis tecto-
niques de TAtlas et de la Cordilière bctiquc. 11 suflirait d'un abais-
sement d'environ 300 métros pour les faire émerger.
Le rattachement des Baléares à l'Espagne exigerait un chilTre
beaucoup plus considérable, au moins 700 mètres. 11 faut remar-
quer que, jusqu'à présent, ces îles n'ont livré aucun ossement de
Mammifère fossile quaternaire. La Crète et Chypre sont séparées
des terres voisines par des profondeurs du même ordre, mais nous
savons que les petits Hippopotames quaternaires de ces îles se
rattachent à des formes du Pliocène inférieur. La jonction de la
Sardaigne avec le continent africain, dont quelques géologues ont
parlé, me paraît encore plus improbable car les fonds intermé-
diaires sont au moins de 1.600 mètres.
Mouvement positif du Pléislocène supérieur. — Le mouvement
positif, qui a ramené la mer dans ses limites actuelles, a-til été
continu ou interrompu par de nouvelles oscillations? Si l'on peut
répondre à cette question d'une façon satisfaisante pour ce qui
concerne les mers septentrionales, on ne saurait, je crois, rien
affirmer pour la Méditerranée. En tous cas un nouveau mouve-
ment négatif ne s'impose nullement au point de vue paléontolo-
gique. Je suis de l'avis de M. Forsyth Major (1) qui admet une
rupture définitive entre la Corse et le continent après le Pléistocène
inférieur. J'ai déjà formulé une conclusion analogue au sujet de
l'Algérie. Les phénomènes observés sur la Côte d'Azur nous ont
fourni la preuve que le mouvement positif du Pléistocène supérieur
n'a pas permis à la mer de dépasser sensiblement ses limites
actuelles. Nous savons aussi, par les observations de M. Issel à la
Grotte ^QV^Q^^^\, que son niveau n'a pas varié depuis l'époque néo-
lithique. Quant aux temps historiques, la longue et savante enquête
de M. Suess (2) me paraît avoir démontré que les changements
topographiques survenus sur divers points du littoral méditerra-
néen et sur lesquels M. Négris (3) a pubhé des notes intéressantes,
peuvent s'expliquer par des phénomènes très localisés, de natures
(1) Gcolog. Magaz., octobre 1905, p. 40o.
(2) La Face de la terre, éd. française, t. II, chap. xi.
(3) Régression et transgression de la mer depuis l'époque glaciaire {Revue univer-
lle des Mines^ 4^ série, t. III, 1903, p. 249). — Étude sur la dernière régression de
(îier) Bull, de la Soc. géol. de France, 4^ série, t. IV, 1904, p. 156 et 591).
LES GROTTES DE GRIMALDI. 285
diverses, et tout à fait indépendants des modifications d'ensemble
du niveau de la mer.
Liaison des phénomènes marins avec Us phénomènes continentaux
contemporains. — L'étude des phénomènes continentaux qui ont
marqué les derniers âges de la terre, développement des glaciers,
creusement des vallées actuelles, formation des terrasses alluviales,
a fait de grands progrès depuis un quart de siècle. Mais les expli-
cations qu'on a données de ces phénomènes ne sont pas encore très
satisfaisantes. Avec M. Penck certains géologues veulent en trou-
ver les causes en amont, dans les massifs montagneux et les rat-
tacher à peu près exclusivement au développement périodique des
grands glaciers. D'autres, partisans des doctrines de M. Suess sur
les mouvements eustatiques, c'est-à-dire sur les mouvements d'en-
semble de la surface marine, tournent leurs yeux vers lavai et ne
veulent invoquer que des changements dans le niveau de base des
cours d'eau. Il me paraît que chacune de ces manières de voir,
considérée isolément, est impuissante à tout expliquer et que cha-
cune renferme pourtant une part de vérité. Loin de s'exclure les
deux théories peuvent, je crois, se prêter une mutuelle assistance.
C'est ce que je voudrais montrer en terminant.
Dès 1888, j'ai cherché à dégager quelques résultats généraux
des comparaisons qu'on pouvait faire à cette époque entre les
diverses formations quaternaires de nos pays (1). J'ai montré
notamment qu'il fallait admettre l'existence d'au moins trois
périodes glaciaires que j'ai cherché à localiser dans le temps au
moyen de la stratigraphie et de la paléontologie. Depuis lors^ les
travaux de divers géologues ont augmenté le nombre de ces
périodes. M. James Geikie (2) en admet six on se basant principa-
lement sur ce qu'on observe dans TEurope septentrionale ;
MM. Penck et Brûckner (3) en comptent au moins quatre dans les
Alpes. Dans les deux cas l'augmentation porte sur des oscillations
du mouvement général de retrait des grands glaciers de la troi-
sième période, oscillations dont l'importance a pu varier beaucoup
suivant les pays. L'accord existe entre la plupart des géologues
(1) M. Boule, Essai de Paléontologie stratigraphique de l'Homme [Revue d'Anthro-
pologie, 3e série, t. III et IV, 1888 et 1889).
(2) The Greal Ice âge, 3^ édit., 1894,
(3) Voyez daus L'Anthropologie, t. XV, 1904, pp. 1 et 3o, des résumés des dcralers
travaux de MM. Penck et Briickner sur la chronologie glaciaire.
286
Marcellin BOULË.
sur les trois périodes glaciaires principales. Quant à leur localisa-
tion clans le temps, mes vues di lièrent de celles de M. Penck, dont
j'admire les travaux de physiographie, mais qui ne me paraît pas
2? Période,
qladciire
Z'r rér'iode/
qlaccaxre/
/ \
J \
! \
3?Fi^Lode^
Cflaciccùre/'
/ N
/ \
/ \
/ \
L i_
^ /
^ /
\ f
\ i
I^' P&riode'-
interqlxjudcLire/
(Fores thecL)
..PLIOCENE SUP"
irttarcflaxicàre/
(Oudles)
--inférieur ^., moyen.
suponeur
y-.
.PLEISTOCENE
-ACTUEL.
Fi(3. 4. — Graphique des périodes glaciaires et interglaciaires.
avoir interprété correctement les données paléontologiques et
archéologiques.
On peut représenter par le graphique ci-dessus (fig. 4) la succes-
Phasc
positive.
fbjuPUxJcèru:/ sup '
PhcLscy
positive/
ir^èriAiur
Phoja/
posiu.ve/
diC'Plài^tocÀne/
TTioye-ru
Niveau actuel
de la mer
PJuLsa
7U'(/atzv(y
de- 7 CL fin dit.
Pliocène' siip \
P/zase.
Tiàcfatiney
de Lct/hiyduy
Plézs- tocène.
inPâ^usur
FiG. 5. — Graphique des changements des lignes de rivages de la Méditerranée
pendant les dernières époques géologiques.
sion des phases glaciaires et interglaciaires. Un second graphique
pour les changements des lignes de rivage en Méditerranée
(fig. o) aurait la forme d'une sorte de sinusoïde analogue à la pre-
Les grottes de GRIMALDI. 287
mière {\). Les deux phénomènes paraissent donc obéir à des
rhythmes semblables et les données paléontologiques amènent à
penser que les périodes sont concordantes. Les grandes invasions
glaciaires correspondraient ainsi aux grands mouvements positifs
de la mer et les périodes interglaciaires aux mouvements négatifs.
Ce rapprochement a déjà été formulé par M. James Geikiepour
les contrées septenlrionales. Je n'ignore pas les objections qu'on
peut lui faire. Il semble que l'abaissement des lignes de rivage, en
augmentant l'altitude des reliefs continentaux devrait avoir pour
conséquence l'abaissement de la ligne des neiges perpétuelles et
amener une recrudescence glaciaire. Mais on peut se demander si
ce n'est pas le résultat contraire qui est plus sûrement atteint par
la diminution du domaine maritime, pourvoyeur des précipitations
atmosphériques et par Faugmentation du domaine continental,
celle-ci devant entraîner un climat plus sec et un régime voisin de
celui des steppes actuel.
On admet généralement que les phases interglaciaires corres-
pondent à des périodes de creusement des vallées et les phases
glaciaires à des périodes de remblaiement. Or, M. de Lapparent (2)
a déjà montré que le phénomène des terrasses alluviales ne saurait
être regardé comme une conséquence exclusive du régime gla-
ciaire, puisqu'il se présente dans une foule de vallées qui n'ont
jamais été soumises à ce régime. Il est donc nécessaire de faire
intervenir des changements de pente des cours d'eau, changements
dont la cause la plus simple doit se trouver dans les variations du
niveau de base. Les périodes de remblaiement correspondraient
donc à des périodes de submersion, c'est-à-dire à des mouvements
positifs, tandis que les périodes de creusement impliqueraient des
mouvement négatifs (3).
11 me semble que cette théorie rend compte, mieux que toute
(1) 11 n'est question ici que des réj^ions méditerranéennes. Gela doit être bien
entendu, car si je suis amené à admettre la réalité de variations d'ensemble du
niveau de l'eau dans cette sorte de cuvette ou de grand lac salé qu'est la Méditer-
ranée, je n'ai ni l'intentioa, ni les moyens d'aborder le problème pour d'autres
régions du globe, auxquelles je ne saurais par suite appliquer les mêmes conclu-
sions.
(2) Traité de géologie, 5^ éd , p. 1721.
(3) M. de Lamothe a fait des observations analogues {Bull, de la Soc. géol. de
Fratice, 4^ série, t. I, 1901, p. 375 et suiv.). Les vues que je présente ici ne sont pas
sans rapports avec celles de mon émineut confrère, bien qu'elles n'aient pas le
même point de départ. Mais le côté chronologique en est très différent»
288 Marcbllin BOULE.
autre, des principaux phénomènes qui ont marqué les dernières
périodes géologiques dans le bassin de la Méditerranée.
Les transgressions des mers pliocènes nous expliquent les phé-
nomènes de remblaiement des vallées continentales contemporaines
dans le Massif central de la France, le bassin du Rhône, etc. Elles
correspondent au développement des premiers grands glaciers sur
des montagnes dont l'altitude absolue était alors beaucoup plus
grande qu'aujourd'hui.
Le mouvement négatif de la mer du Pliocène supérieur est en
corrélation étroite avec Tactivitc énorme de l'érosion continentale
pendant la même période. Ce mouvement négatif correspond à la
première grande époque interglaciairC;, celle du Forest-bcd en
Angleterre, de Saint-Prest, de Solilhac en France, caractérisée, au
point de vue paléontologique, par la coexistence de types pliocènes
indigènes et de formes nouvellement arrivées de contrées lointaines.
A ce moment de grande extension du domaine continental, les
communications avec les grandes îles méditerranéennes, rompues
depuis le Pontien, se sont rétablies et ont permis la dilTusion des
types pliocènes sur la persistance desquels M. Forsyth Major a
appelé l'attention.
Au nouveau mouvement positif, dont les traces sont visibles un
peu partout dans la région méditerranéenne, correspond une nou-
velle invasion glaciaire, la plus importante. Le creusement des
vallées actuelles, déjà très avancé, reste stationnaire. Il ne reprend
que lorsque les glaciers reculent et que la mer se retire. G^est cette
période des temps quaternaires qui a fait l'objet principal de notre
étude. Elle correspond au règne de la faune à Elephas aiiliquus,
dont les débris se rencontrent dans les dépôts tout à fait inférieurs
du remplissage des grottes et dans les alluvions anciennes des
vallées. Tantôt celles-ci forment des terrasses assez élevées au-
dessus du thalweg, tantôt elles sont situées très près du fond ou
au fond même de ces vallées, ce qui marque la valeur du creuse-
ment ellectué pendant cette période.
Les observations paléontologiques sont faites généralement dans
les régions moyennes des grandes vallées. 11 serait intéressant de
voir ce que deviennent les alluvions à Elephas antiquiis vers les
embouchures des fleuves. Si ma théorie est exacte, elles doivent
parfois se trouver au-dessous du niveau delà mer. Nous manquons
de documents sur ce point mais ceux que je possède sont à l'appui
de cette supposition.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 289
Si nous admettons que ce mouvement négatif du Pléistocène
inférieur ait pu rétablir des relations entre les îles méditerra-
néennes et les continents voisins, cela nous permet d'expliquer les
ressemblances qu'on observe entre les faunes contemporaines de
ces diverses régions et notamment la présence, en Europe et en
Afrique, de races humaines ayant le même outillage paléolithique.
Le Pléistocène moyen est marqué sur les continents parle retour
des conditions glaciaires et par la formation, soit de terrasses allu-
viales en contre-bas des précédentes, soit de dépôts de comblement
du fond des vallées. Il correspond également à un nouveau dépla-
cement positif, à un nouvel agrandissement du domaine maritime.
Et de même que cette troisième période glaciaire a été beaucoup
moins importante que la deuxième, de même ce nouveau mouve-
ment positif du niveau de la mer a été très inférieur en amphtude
à celui qui l'avait précédé.
Pour le Pléistocène supérieur les rapprochements sont plus
difficiles. Dans le Nord de l'Europe on peut encore établir certains
rapports entre les phénomènes continentaux et les déplacements
du niveau de la mer. Dans le bassin de la Méditerranée les faits
susceptibles d'être interprétés à ce point de vue font actuellement
complètement défaut.
Telles sont les conclusions générales qui me paraissent découler
des études que je viens d'exposer. J'ai hésité à les formuler. Nul n'a
plus que moi, je peux le dire, le sentiment de la difficulté des pro-
blèmes que j'ai abordés, et je ne saurais prétendre en donner la
solution définitive. Il serait extraordinaire que je ne me fusse pas
trompé sur plus d'un point. Mais, en une matière aussi complexe,
la science ne peut procéder que par approximations successives.
Tout ce que j'ose espérer c'est que ce travail renferme quelques
parcelles nouvelles de vérité. .
l'anthropologie. — T. xvli. — 1906. 19
LES GROTTES DE GRIMALDI
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS DES ÉTUDES ANTHROPOLOGIQUES
PAR
LE D^ R. VERNEAU
J'aurais été heureux de réserver aux lecteurs de V Anthropologie
la primeur de mes recherches sur les sépultures et les squelettes
humains des grottes de Grimaldi ; mais le fascicule de l'ouvrage,
édité par les soins du Prince de Monaco, qui contient les résultats
de mes études comprend 212 pages grand in-4'*, et je ne pouvais
songer à accaparer toute notre Revue à moi seul.
Mon travail a paru le 12 avril dernier. Toutefois, comme il n'en
a été broché jusqu'à ce jour qu'une demi-douzaine d'exemplaires,
le présent article, quoiqu'il reproduise simplement les conclusions
de mes diiïérents chapitres, constitue presque un mémoire inédit.
LES SÉPULTURES
Les grottes de Grimaldi ont fait l'objet de nombreuses recherches
et, dès 1872, elles ont livré à M. Rivière un squelette humain, qui
est devenu rapidement célèbre. D'autres cadavres y ont été recueil-
lis par le même explorateur, par M. Julien,, par M. Abbo et enfin
par le Prince de Monaco. J'ai montré que, à la suite des fouilles de
M. Rivière, la plupart des préhistoriens considéraient les squelettes
humains découverts aux Baoussé-Roussé comme remontant à
l'époque quaternaire, sans spécifier toutefois à quelle période il
fallait les rapporter. Néanmoins des doutes subsistaient dans l'es-
prit de plus d'un archéologue, doutes qui s'accentuèrent à la suite
des découvertes faites dans la Barma Grande. Beaucoup de savants
se rallièrent alors à la manière de voir de G. de Mortillet et consi-
dérèrent les sépultures des grottes de Grimaldi comme datant du
début de l'époque néolithique. Presque tous ceux qui leur avaient
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
292 Dr R. VERNEAU.
attribué une très haute antiquité les rajeunirent sensiblement et
déclarèrent, avec d'Acy, qu'on devait les reporter à la fin de l'àg-e
du Renne. Enfin une dernière opinion, intermédiaire entre celles de
G. de Mortillet et de d'Acy, se fit jour : les squelettes dateraient de
la période de transition entre le Quaternaire et le Néolithique.
Ces divergences de vue montraient combien il était nécessaire
d'entreprendre de nouvelles recherches et de les poursuivre avec
une méthode qui ne laissât aucune prise à la critique. C'est ce que
comprit le Prince de Monaco, qui rédigea lui-même les instructions
devant servir de guide à M. le chanoine de Villeneuve. Celui-ci,
avec une conscience et un soin qui défient toute attaque, s^ con-
forma scrupuleusement, aidé dans sa tâche par M. Lorenzi. Dans
la Grotte des Enfants, il fut assez heureux pour faire des trouvailles
qui me paraissent de nature à mettre fin à toute discussion.
M. Boule^ dont la compétence ne saurait être mise en doute,
a démontré que :
1** Tous les squelettes remontent à léjjoqne quaternaire ;
2° Le squelette qui gisait au niveau le pins élevé [à l'^jQO de pro-
fondeur) doit être rapporté au Quaternaire supérieur;
3° Le squelette découvert à 7™, 05 de profondeur est naturelle-
ment plus ancien;
4° Enfin, les deux squelettes de la sépulture rencontrée à 7"*, 75 de
profondeur remontent à un moment fort reculé des temps quater-
naires^ car ils reposaient sur des dépôts oii Von a trouvé des molaires
diin animal de la faune chaude (Rhinocéros Mercki).
Presque tous les auteurs — et ils sont nombreux — qui ont parlé
des Baoussé-Roussé (la plupart sans y être jamais allés) — ont
admis que les défunts n'étaient pas abandonnés au hasard. C'était
même une des raisons qu'invoquait G. de Mortillet pour prétendre
que les squelettes étaient récents, car, assurait-il, jamais les tribus
quaternaires n'ont donné la sépulture à leurs morts.
Il est vrai que, d'après M. Rivière, les soins que donnaient les
troglodytes de Grimaldi à ceux qu'ils avaient perdus se réduisaient
à bien peu de chose, puisque, pour cet auteur, les cadavres étaient
laissés sur le sol, tels qu'ils avaient succombé, sans aucun arran^
gement, sans même que la terre eût été creusée pour les recevoir
ni qu'aucune pierre eût été placée intentionnellement auprès d'eux*
Tout ce que se bornaient à faire les survivants, c'était de répandre
une couche de fer oligiste sur les dépouilles des adultes.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 293
J'ai montré que :
1" Les tribus quaternaires des Baoussé- Rousse ensevelissaient réel-
lement leurs morts et pratiquaient plusieurs modes de sépultures;
2° Les cadavres étaient parfois inhumés sur un foyer ancien quon
laissait intact ou que Von creusait par places. D'autres foiSy ils
étaient déposés dans de véritables fosses, assez vastes pour recevoir
jusqu'à trois sujets;
3° La fosse creusée dans le sol pouvait être remplacée par une
sorte de tombe rudimentaire constituée par quelques pierres plan-
tées debout ;
4° Dans certains cas, les pierres verticales étaient surmontées de
pierres posées horizontalement sur elles, de façon à former des sortes
de petites cistes incomplètes, qui n abritaient quune partie du
cadavre.
Dans les diverses grottes de Grimaldi, les cadavres_, placés soit
le long- des parois, soit au milieu, étaient orientés suivant le grand
axe des cavernes ou dans le sens transversal; la tête était dirigée
vers le Nord, le Sud ou l'Est.
Les morts étaient allongés sur le dos, couchés sur le côté^ ou sur
le ventre. Parfois les membres étaient étendus complètement, mais
souvent les avant-bras étaient fortement fléchis, de sorte que les
mains se trouvaient ramenées au niveau du cou. Les membres
inférieurs eux-mêmes étaient loin d'être toujours dans l'extension;
là vieille femme de la Grotte des Enfants les avait, par exmple, dans
la flexion forcée.
Par conséquent, aucune règle ne présidait à r orientation des
corps ni à r attitude qu'on donnait aux cadavres. Les femmes étaient
traitées de la même façon que les hommes.
De nombreux objets de parure ont été recueillis dans les sépul-
tures. Ils se trouvaient sur la tête, au cou, sur la poitrine, aux bras
ou aux jambes des sujets. Leur abondance est variable, aussi bien
que leur nature et leur travail; mais rien ne permet de distinguer
les parures des femmes de celles des hommes, les mêmes bijoux
ayant été rencontrés sur les squelettes des deux sexes. Seuls, les
jeunes enfants ne portaient pas d'objets de parures, pas plus qu'ils
n'avaient auprès d'eux les lames en silex ou les poinçons en os
qu'on a découverts avec plusieurs squelettes masculins ou fémi-
nins.
294 D' R. VERNEAU.
L'examen détaillé du mobilier funéraire conduit aux conclusions
suivantes :
1" Les morts des deux sexes devaient être ensevelis avec tous leurs
objets de parure ;
2° V ornementation était la même pour l homme et pour la femme;
3** A côté des cadavres étaient parfois déposés des objets usuels. Il
est donc permis de supposer que les troglodytes des Baoussé-Roussé
pensaient que les leurs avaient encore des besoins après leur mort;
4^ Les jeunes enfants étaient simplement ensevelis avec leurs
pagnes.
Les rites funéraires étaient assez variés. Je viens de rappeler la
diversité des modes de sépultures et j'ai parlé en passant de l'inci-
nération. Un des rites les plus intéressants est celui qui consistait
à déposer les morts sur un lit de peroxyde de fer et à les recouvrir
de la même substance. Mais cette pratique n'était pas générale et
elle n'était pas plus souvent employée pour un sexe que pour l'autre.
Rien n'autorise à supposer, comme on l'a fait, que la matière colo-
rante fût appliquée sur des cadavres déjà décharnés. Les observa-
tions que j'ai rapportées avec détails permettent de conclure que :
1° V incinération était rarement pratiquée ;
2^^ Fréquemment les morts étaient ensevelis au milieu d\ine couche
de fer oligiste qui a coloré en rouge les objets de parure et les sque-
lettes eux-mêmes, lorsque les parties molles eurent été détruites ;
3° Rien ne permet de dire que les cadavres étaient décharnés avant
de recevoir la sépulture ;
4° Certains individus étaient ensevelis simplement, sans que leurs
dépouilles fussent recouvertes de peroxyde de fer. Mais il est diffi~
cite de découvrir les motifs qui dictaient le choix du mode de funé-
railles ; ce n'était pas le sexe et il ne semble pas, non plus^ que ce
fiU la condition du défunt.
A l'heure actuelle, il est amplement démontré que, dès une
période très ancienne du Quaternaire, les troglodytes de Grimaldi
entouraient leurs morts de respect, qu'ils les ensevelissaient avec
des bijoux auxquels ils attachaient sans doute beaucoup de valeur
et que, souvent, ils déposaient à côté des cadavres des objets dont
les vivants se servaient journellement. Tout cela tendrait à faire
admettre que les vieilles tribus des Baoussé-Roussé croyaient à
LES GROTTES DE GRIMALDI. 295
une autre vie et qu'elles étaient persuadées que les morts avaient les
mêmes besoins que ceux qui leur survivaient. Cette croyance a dii
aller en se fortifiant de plus en plus ; et, à la fin de l'âg-e du renne,
nous voyons nos troglodytes, qui, habitant les rives de la mer,
devaient faire entrer les poissons et les mollusques marins pour
une bonne part dans leur alimentation, déposer auprès des cadavres
de ceux qu'ils avaient perdus, une provision de nourriture, sous la
forme de Trochus.
Telles sont les déductions qu'il est permis de tirer des faits que
nous avons passés en revue. Avec un peu d'imagination, on pour-
rait aller bien plus loin; mais on tomberait dans le champ des
hypothèses toutes gratuites, et c'est un terrain sur lequel je ne veux
pas me laisser entraîner.
LES SQUELETTES HUiMAlNS
Jusqu'au jour où le prince de Monaco reprit les fouilles inache-
vées de M. Rivière dans la grotte dite des Enfants, les cavernes de
Grimaldi n'avaient livré qu'un seul type ethnique : le type clas-
sique de la vallée de la Vézère à l'âge du renne. L'abbé de Ville-
neuve eut la bonne fortune de rencontrer dans cette grotle quatre
squelettes humains gisant à des niveaux fort différents et très dis-
tincts les uns des autres par leurs caractères physiques.
Squelette du niveau supérieur de la Grotte des Enfants.
Le sujet qui occupait le niveau supérieur était trop détériorié
pour que son étude pût être faite complètement; toutefois quelques
indications se dégagent de l'examen des os les mieux conservés;
elles peuvent se résumer de la façon suivante :
Conclusions relatives an squelette féminin du niveau supérieur de
la Grotte des Enfants, — Il est bien difficile, dans l'état où se trouve
le squelette, de rattacher le sujet dont il vient d'être question à
l'une des races fossiles que nous connaissons. Le léger méplat
pariéto-occipital que j*ai signalé et la forme rectangulaire des
orbites pourraient faire penser au type féminin de Cro Magnon;
mais la base du crâne offre un renflement qu'on n'observe généra-
lement pas dans cette race. En outre, la petite taille de cette femme,
le peu de robusticité de son squelette, la forme triangulaire de son
tibia sont des particularités qui s'opposent à ce rapprochement.
J*ai fait allusion aux caractères négroïdes du type de Grimaldi.
296 Dr R. VERNEAU.
Notre sujet du niveau supérieur présente quelques-uns de ces
caractères; le plus frappant csl l'allongement relatif du deuxième
segment du membre inférieur. 11 est probable qu'il en était de
même du membre supérieur, car la très grande brièveté de l'hu-
mérus devait être compensée par un allongement proportionnel de
l'avant-bras. Toutefois l'absence des radius et l'état incomplet des
cubitus ne permettent pas d'évaluer l'indice antibrachial. J'ose à
peine rappeler le prognathisme alvéolo-dentaire de la mandibule,
le menton n'offrant rien de nigritique.
Ces faibles traits communs permettent-ils de rapprocher la
femme rencontrée presque au sommet de la Grotte des Enfcints
des deux sujets qui gisaient à 5™, 85 au-dessous? Assurément non.
L'allongement relatif du deuxième segment des membres auquid je
viens de faire allusion n'a, dans le cas présent qu'une minime
importance. C'est bien un des caractères qu'on observe chez les
populations nigritiques, mais je montrerai dans le chapitre suivant
que nos sujets du type de Cro-Magnon offrent la même particula-
rité (i). Par conséquent, si l'on est en droit d'y voir un caractère
ancestral^ on peut avec tout autant de vraisemblance supposer que
la femme du niveau supérieur de la Grotte des Enfants Ta hérité de
la race de Cro-Magnon que de la race de Grimaldi.
La fréquence de la platymérie à l'époque de la pierre polie auto-
rise-t-elle à rattacher la femme de la Grotte des Enfants à la race
des dolichocéphales néolithiques, qui devait jouer dans nos contrées
un rôle si important plus tard'^ Est-on^ par suite, en droit de con-
clure que cette race a fait son apparition chez nous dès la fin des
temps quaternaires, contrairement à l'opinion généralement
admise? Je ne le crois pas. Certes nos dolichocéphales néolithiques
n'avaient pas la robusticité des chasseurs de renne de Cro-Magnon
et ils possédaient le grand développement vertical de la tête que
nous montre le sujet féminin que nous étudions; mais, chez eux, la
taille est sensiblement plus élevée et le crâne est infiniment plus
allongé d'avant en arrière, en même temps qu'il n'offre pas la dila-
(1) H n'avait guère été possible jusqu'à ce jour, à cause du mauvais état de coo-
servatioQ des squelettes découverts, d'étudier les proportions des membres chez les
individus de la race de Cro-Magnon. M. Rivière a bien indiqué le rapport de l'avant-
bras au bras pour trois des sujets qu'il a rencontrés aux Raoussé-Roussé; mais les
deux hommes de Raousso da Torre avaient les os des membres supérieurs fracturés
ou incomplets, de sorte que les indices que donne l'auteur n'offrent aucune garantie
de certitude.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 297
talion en travers que j'ai signalée au niveau des bosses pariétales.
Kn somme, notre sujet présente quelques caractères delà race de
Grimaldi; quelques caraclères de celle de Cro-Magnon et quelques
caractères de la race dolichocéphale néolithique; mais, par l'en-
semble de ses particularités ostéologiques, il ne peut être rattaché
ni à l'une ni à l'autre de ces trois races. Il me paraît difficile de le
considérer comme le résultat d'un croisement complexe qui aurait
mélangé les sangs de chacune d'elles, car, par sa taille, il reste au-
dessous de la plus peti: e. En se basant sur la courbure exagérée des
cubitus, certains seront peut-être lentes d'expliquer sa faible sta-
ture par le rachitisme. Je ne saurais accepter cette explication parce
que ni le crâne, ni le bassin, ni le tibia ne présentent aucun vestige
de cette affection.
Faut-il, en fin de compte, voir dans la femme du niveau supé-
rieur de la Grotte des Enfants le tijpe d'une race qui n'aurait pas
encore été signalée? Il serait bien téméraire de l'affirmer, car si le
squelette ne paraît nullement pathologique, son état de conserva-
tion laisse trop à désirer pour qu'on puisse baser sur son étude des
conclusions sérieuses. Je préfère, quant à moi, me tenir sur la
réserve. 11 m'a semblé, néanmoins, que je ne pouvais passer com-
plètement sous silence les caractères de ce sujet. Tout insuffisante
que soit la description qui précède, elle servira peut-être un jour à
établir des rapprochements, si de nouvelles découvertes nous pro-
curent les restes d'autres individus ayant vécu à la fin de l'époque
quaternaire.
Squelettes du typk dk Cro-Magnon.
Un des sujets découverts par M. le chanoine de Villeneuve
— celui qui gisait entre le précédent et ceux du niveau inférieur
— rentre incontestablement dans le type de Cro-Magnon, tout
en offrant certaines variantes. Les particularités qu'il présente
auraient pu être individuelles; aussi ai-je cru devoir reprendre
l'étude de tous les individus appartenant au môme type ethnique
qui avaient été rencontrés précédemment dans les grottes de
Grimaldi.
Voici les résultats auxquels m'a conduit cette étude.
Conclusions relatives aux sujets de la race de Cro-Magnon, — Les
faits exposés a^■ec détails dans ce chapitre permettent d'affirmer
que nos troglodytes de grande taille appartenaient bien au même
298
Dr R. VERNEAU.
type ethnique que les chasseurs de renne de la Vézère. La preuve
nous en a été fournie à chaque pas, quel que fut le caractère que
nous ayons envisagée. Cette constatation avait été faite longtemps
avant moi, et il eût été surperflu d'écrire un aussi long chapitre
pour démontrer une vérité que personne ne conteste si je n*avais
eu à ajouter quelque chos€ aux travaux de mes devanciers.
J'ai cru utile, en premier lieu, de préciser les observations, de
revenir sur certaines questions qui n'avaient été traitées que d'une
manière superficielle, ou même inexacte, et de serrer les compa-
Fio. 1. _ Bassin du grand sujet masculin de la Grotte des Enfants
(Type de Gro-Magnon).
raisons ayec le type classique de la Dordogne. J'ai pu montrer
ainsi que les hommes fossiles des Baoussé-Roussé accentuaient
quelques traits caractéristiques de cette race, notamment en ce qui
concerne la taille, le volume de la tête, la robuslicité du squelette,
les particularités de l'humérus, du fémur, du tibia et du péroné.
Chemin faisant, il m'a été donné d'étudier des caractères que,
faute de documents, il avait été impossible d'examiner jusqu'à
présent. C'est ainsi que j'ai pu montrer que nos troglodytes avaient
î'avant-bras relativement très long par rapport au bras, la jambe
très longue par rapport à la cuisse et le membre inférieur fort
LES GROTTES DE GRIMALDI.
299
allongé en comparaison du membre supérieur. Par les proportions
de leurs membres, ils se rapprochaient donc des races nigritiques.
Le bassin nous a mis en présence d'un type pelvien qui, lui, n'a
rien de nigriliquc. Le beau développement de ses ailes (fig. 1 et 2),
l'harmonie de ses courbes en font, au contraire, un bassin aussi
élégant que celui des Blancs qui ont le plus évolué. Il s'en distingue
surtout par sa vigueur et par un raccourcissement de ses diamètres
antéro-postérieurs (fig. 2), principalement au niveau du détroit
supérieur. Malgré les différences qui existent entre les deux bassins
complets que j'ai eus à ma disposition, l'un et l'autre présentent la
Fig. 2. — Bassin du grand sujet masculin de la Grotte des Enfants
(Type de Cro-Magnon).
même morphologie fondamentale de la marge ; on peut donc
regarder cette morphologie spéciale comme l'apanage de notre race
quaternaire de la Yézère et des Baoussé-Roussé. On est d'autant
plus en droit d'attribuer aux particularités que j'ai relevées plus
haut un caractère ethnique que nous avons retrouvé les plus
typiques sur le bassin du vieillard de Cro-Magnon, quoiqu'il soit en
assez mauvais état.
11 m'a été permis également d'observer sur les os des membres
un certain nombre de dispositions anatomiques qui, en raison de
leur constance, doivent être considérées, selon moi, comme des
traits de la race; je viens de les résumer dans les pages qui pré-
300 Ur R. VERNEAU.
cèdent immédiatement et j'y renverrai simplement le lecteur. Je
ne rappellerai que l'aplalissement antéro- postérieur de la diaphysc
du radius, l'aplatissement d'avant en arrière delà diapliyse fémorale
au-dessous des troclianters, la constance de la fosse hypotrochan-
térienne, l'élongation du métacarpe, le raccourcissement des
doigts, et la saillie du talon, les autres caractères ayant été signa-
lés à maintes reprises.
Mais, au cours de mes comparaisons, j'ai noté des faits qui sou-
lèvent un problème. Nos troglodytes qui, à tanl d'égards, se relient
intimement au vieillard de la Vézère, nous ont montré cependant
une variante du type céphalique assez appréciable pour qu'on se
demande s'ils n'ont pas subi Tinfluence de quelque élément étran-
ger. Cette variante est principalement caractérisée par le peu de
saillie des bosses pariétales, le renflement relativement faible de
l'inion, l'atténuation de l'aplatissement basilaire et la disparition
du prognathisme sous-nasal, (les particularités, ai-je dit, ne sont
pas assez importantes pour masquer les nombreux traits communs
qui existent entre les hommes des Baoussé-Roussé et le vieillard
de Cro-Magnon; mais sont-elles suflisantes pour faire supposer
des croisements? A mon sens, une telle hypothèse ne saurait être
soutenue.
Il convient d'abord de remarquer que le vieillard de Gro-Magnon
présentait, ainsi que je l'ai déjà dit, une exagération des caractères
céphaliques de sa race. Il constituait, en quelque sorte, une excep-
tion parmi les siens, car aucune des autres tètes appartenant au
même type ethnique par l'ensemble de leur morphologie n'en a
montré les traits aussi accusés. 11 faut donc voir dans le vieillard
un exemple de variation individuelle qui s'est produit au sein d'un
groupe dont il n'a fait qu'exagérer les traits fondamentaux.
Un fait tout semblable s'est produit parmi la tribu des Baoussé-
Roussé. L'homme n° 1 de la Barma Grande répète le type du vieux
sujet de la Vézère et, comme celui-ci, exagère les caractères de
ceux au milieu desquels il vivait. S'il s'était opéré des croisements,
il faudrait admettre que, seul, il avait échappé au métissage.
En second lieu, on comprendrait difficilement, dans l'hypothèse
d'un mélange de races, que la majeure partie des caractères impor-
tants n'ait subi aucune altération sensible, comme ceux tirés des
orbites, du nez, des arcades zygomatiques, de la mandibule, etc.
Je sais bien qu'on a cité chez des métis des cas de juxtaposition de
caractères ; mais ces cas ont toujours été isolés. Aucun naturaliste
LES GROTTES DE GRIMALDI. 301
n'admet plus que les choses se passent chez l'homme autrement
que chez les autres êtres organisés ; et si des croisements s'étaient
produits aux Baoussé-Roussé, nous ne verrions pas nos troglodytes
présenter presque tous, à l'état de pureté, les traits du vieillard de
Cro-Magnon à l'exception d'un petit nombre de caractères qui,
seuls, auraient été aiïectés par le métissage.
C'était bien la même race qui vivait dans les montagnes de Gri-
maldi et dans la vallée de la Vézère, race qui, durant l'époque qua-
ternaire et postérieurement, s'est répandue sur une vaste surface.
Jusqu'ici on avait supposé qu'elle s'était constituée dans le sud-
ouest de la France et qu'elle avait émigré dans différentes direc-
tions. Aujourd'hui, on peut se demander si la migration n'a pas eu
lieu en sens inverse.
On s'est plu, pendant longtemps, à dépeindre les hommes des
Grottes de Grimaldi comme formant un petit groupe qui serait
venu s'échouer dans le coin où ont été rencontrés leurs restes
et qui s'y serait trouvé trop isolé pour avoir joué un rôle
dans le peuplement de contrées plus ou moins éloignées. Ce pré-
tendu isolement était purement hypothétique. On commence à
récolter dans toute la région des objets d'industrie qui rappellent
de très près ceux qu'on a recueillis aux Baoussé-Roussé et on
découvre même des ossements humains qui ressemblent singuliè-
rement à ceux de nos cavernes. x\insi, en 1881, on communiqua à
A. de Quatrefages des débris osseux qui avaient été exhumés du
« diluvium de Nice ^). Ils gisaient primitivement dans un dépôt non
remanié du quartier de Carabacel oii ils avaient été rencontrés au
cours de travaux de terrassement. Mon regretté maître, en pré-
sence des pilastres que portaient les fémurs et des caractères de la
mandibule, n'hésita pas à rattacher ces quelques débris à la race de
Cro-Magnon (1).
Par conséquent, la petite tribu des Baoussé-Roussé n'est déjà
plus complètement isolée sur son promontoire rocheux ; on lui a
découvert des parents dans la région, Et vraiment il était bien dif-
ficile de supposer qu'elle n'eût pas prospéré dans cette contrée qui
a dû être si favorable à l'habitation humaine durant l'époque qua-
ternaire. Le pays était admirablement abrité contre les vents froids
(1) Un mot sur la découverte d'un squelette humain fossile dans le diluvium de
Nice. Lettre à M. de Qaatrefages, in « Annales de la Société des Lettres, Sciences
et Arts des Alpes-Maritimes », t. VllI, 1882.
302 Dr R. VERNEAU.
du nord, les retraites y abondaient et le gibier était loin d'y être
rare, à en juger par la quantité d'ossements d'animaux recueillie
dans les grottes. Dans de telles conditions, la peuplade a du gran-
dir et essaimer en diiïérentes directions. Elle a pu, en fin de
compte, s'étendre fort loin et gagner peu à peu cette région péri-
gourdine d'où on a voulu la faire venir.
Les stations du Périgord ne datent, en effet, que de l'âge du
renne; et, même en vieillissant autant que possible celle de Cro-
Magnon, on n'arrive qu'à la faire remonter « à une époque assez
reculée » du même âge (1). Or, j'ai dit plus haut que notre grand
squelette de la Grotte des Enfants est considéré par M. Boule
« comme de l'époque du Mammouth, c'est-à-dire du Quaternaire
moyen ». Depuis que ce passage a été imprimé, mon savant ami
a fait une trouvaille qui confirme sa première opinion sur la grande
ancienneté de ce squelette : il a découvert du renne parmi les osse-
ments d'animaux recueillis dans la première coupe pratiquée par
M. de Villeneuve, c'est-à direà plus de 5 mètres au dessus du cadavre
qui, par l'ensemble de ses caractères, appartient incontestablement
à la race des chasseurs de la Dordogne. Donc cet homme, recouvert
de plus de 5 mètres de dépôts intacts qui contenaient du Renne à
leur sommet, est vraiment bien ancien. 11 doit être antérieur à ceux
de LaugerieBasse, deGourdan, de Chancelade, etc., et même à celui
de Cro-Magnon. Comme il présente, ainsi que l'ai montré dans ce
chapitre, tous les caractères essentiels de ce dernier, ce sont ses
arrière-petits fils qui ont, selon toute vraisemblance, gagné le Péri-
gord où nous retrouvons plus tard le même type ethnique. Par suite,
il me semble qu'il faille admettre aujourd'hui qu'au lieu d'avoir
émigré de l'ouest à l'est pour atteindre les Baoussé-Roussé, la race
de Cro-Magnon a accompli sa migration de l'est à l'ouest et que
l'Homme dit de Menton, au lieu d'être le descendant du chasseur
de renne delà Vézère, en est, au contraire, l'ancêtre.
La race négroïde de Grimaldi,
Les deux squelettes rencontrés dans la double sépulture infé-
rieure delà Grotte des Enfants — les plus anciens, par conséquent,
— offrent tout un ensemble de caractères qui les différencient de
toutes les races humaines fossiles connues jusqu'au moment de
(l) Emile Gartailhac, La France préhistorique^ p. 106.
LES GROTTES DE GRIMALDI. ' 303
leur découverte ; ils méritaient donc une étude détaillée, d'où se
dégagent les conclusions suivantes :
Conclusions relatives aux Négroïdes de Grimaldi. — Les faits
que j'ai longuement examinés dans ce chapitre démontrent que les
deux sujets de la sépulture inférieure de la Grotte des Enfants se
ressemblent singulièrement entre eux et diffèrent totalement des
sujets dont f ai énuméré les caractéristiques dans le chapitre précé^
dent.
La vieille femme et l'adolescent de la Grotte des Enfants méritent
à coup sûr le nom de Négroïdes; ils doivent être classés dans un
groupe nouveau dont les principaux caractères peuvent se résumer
de la façon suivante :
1° Taille un peu supérieure à la moyenne;
2° Développement exagéré de lavant-bras par rapport au bras et
de la jambe par rapport à la cuisse ;
S'* Membre inférieur extrêmement allongé comparativement au
inembre supérieur;
(Par ces deux derniers caractères, nos Négroïdes exagèrent les
traits des Nègres d'aujourd'hui);
4o Tête volumineuse^ dysharmonique à un très haut degré, avec
crâne fort allongé d'avant en arrière et face à la fois large et basse ;
5*' Forme régulièrement elliptique de la voûte crânienne;
6° Notable développement du crâne dans le sens vertical;
l"" Front bien développé; léger méplat en arrière des pariétaux;
renflem£nt de l'occipital en arrière et en bas ;
8" Glabelle efi relief; arcades sourcilières saillantes au niveau des
sinus frontaux, complètement effacées en dehors ;
9° Orbites très larges, à faible diamètre vertical;
\ 0*" Nez platyrhinien (fig. 3 et 5), avec bord antérieur du plancher
se terminant en gouttières;
11*^ Prognathisme énorme des mâchoires ;
12** Voûte palatine étroite et profonde;
13^ Maxillaire inférieur à menton fuyant ^ à corps épais ^ à
branches montantes larges et basses, avec des eondyles très inclinés
en arrière ;
14^ Dents volumineuses; molaires supérieures allongées, à denti-
cide postéro-interne très détaché ; la seconde et la troisième arrière^
304
Dr R. VEHNEAU.
molaire de la mandibule avec denticule postérieur bien reconnais-
sablc (1) ;
(Par la dentition, notre jeune Négroïde se rapproche considéra-
blement des Australiens) ;
15" Bassin à ilions verticaux^ développés en hauteur, à crête
iliaque très courbée, à échancrure sciatique étroite, comme chez les
Nègres actuels;
FiG. 3. — Crâne de la vieille feaime de la double sépulture de la Grotte des Enfants
(Type négroïde).
\^^ Au membre supérieur, le cubitus offre une torsion prononcée
au niveau de l'insertion du muscle carré pronateur et le radius se
montre à la fois aplati d'avant en arrière et élargi transversalement',
17" Fémur remarquable surtout par l'exagération de sa courbure
à concavité postérieure^ comme chez les Anthropoïdes-,
18" Tibia avec réti'oversion de l extrémité supérieure \
(1) Cf. Albert Gaudhy, Conirihuiion à l'histoire des Hommes fossiles. L'Anthropologie,
t. XIV, fasc. 1, figures 1, 2, 7, 10 et 13.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 305
19° Saillie du talon extrêmement prononcée .
En présence d'un aussi grand nombre de caractères qui ne se
retrouvent aujourd'hui que chez les races considérées comme infé-
rieures par les anthropologistes, il est impossible de ne pas
regarder nos Négroïdes de Grimaldi comme occupant eux-mêmes,
sous beaucoup de rapports, un des échelons inférieurs de THuma-
Fio. 4. — Gràae de la vieille femme de la double sépulture de la Grotte des Eafaats
(Type négroïde).
nité. Cependant^ on doit reconnaître que l'organe dont le beau
développement caractérise le mieux THomme, c'est-à-dire le cer-
veau, avait déjà évolué d'une façon tout à fait remarquable. Sans
doute la race de Grimaldi s'était-elle trouvée placée dans des con-
ditions exceptionnellement avantageuses, qui lui avaient permis
de cultiver ses facultés intellectuelles. Elle était déjà en possession
d'une industrie qu'on ne peut pas qualifier de primitive, ainsi que
le montrera M. Gartailhac. Elle recherchait les objets de parure,
car l'abondance du gibier lui assurait la vie matérielle et lui lais-
sait des loisirs. Et, tandis que les malheureux sauvages d'Australie,
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
20
308 Dr R. VERNEAU.
sur cepoiatà des conclusions que j'ai résumées en quelques lignes
et que je reproduis textuellement.
En Bretagne, comme en Suisse et dans le nord de l'Italie, il a
vécu, à l'époque de la pierre polie, à l'âge du bronze et pendant le
premier âge du fer, un certain nombre d'individus qui se distin-
guaient par quelques traits de leurs contemporains. Les caractères
exceptionnels que présente fréquemment le crâne de ces individus
consistent dans un prognathisme parfois énorme et dans une mor-
phologie spéciale de l'appendice nasal. Le nez est large pour sa
longueur et ses fosses, au lieu d'être limitées en avant et en bas
par un bord aigu, se terminent par un bord mousse, creusé d'une
gouttière plus ou moins prononcée qui se prolonge sur la face
antérieure des maxillaires supérieurs.
Tous ces sujets ont un crâne dolichocéphale dont la voûte affecte
une forme elliptique à la fois très régulière et très allongée, sauf
sur les deux têtes de Chamblandes où elle se montre un peu plus
courte. Le développement vertical de la boîte encéphalique est
généralement remarquable. Le front est peu fuyant, et, en arrière,
on observe un léger méplat pariéto-occipital.
Une face relativement basse et large accompagne presque tou-
jours ce crâne haut, long et régulièrement elliptique, sur lequel
les bosses pariétales sont très mal indiquées; la tête est donc com-
plètement dysharmonique, comme celle de nos chasseurs de renne
du Périgord, dont elle diiïère considérablement sous les autres
rapports.
A ces caractères s'ajoutent, dans bien des cas, des orbites rela-
tivement larges, mais cependant plus développées en hauteur que
celles des hommes de Cro-Magnon. La mandibule, habituellement
très épaisse au niveau de la deuxième molaire, porte un menton
peu saillant, quelquefois même sensiblement en retrait.
Toutes ces particularités peuvent ne pas se trouver réunies sur
la même tête; mais les individus dont j'ai parlé dans les pages qui
précèdent offrent toujours, comme je l'ai dit, certains traits qui les
distinguent non seulement des races qui vivaient à l'époque néo-
lithique ou pendant les premiers âges des métaux, mais aussi des
races fossiles que l'on connaissait avant les fouilles du Prince de
Monaco. On était assez embarrassé naguère pour expliquer, par
exemple, Texistencerelativement fréquente d'un fort prognathisme
chez les préhistoriques de l'Europe occidentale. Aujourd'hui que
nous connaissons la race fossile de Grimaldi, l'explication devient
LES GROTTES DE GRIMALDI. 309
simple : il s'agit de cas d'atavisme partiel^ comme lavait supposé
A. de Quatrefages lorsqu'on ne connaissait encore aucune race
fossile présentant un prognathisme assez considérable pour qu'on
pût lui attribuer la grande projection des maxillaires qu'on observe
à l'état erratique chez certains individus d'Europe. L'existence
d'une race ancienne très prognathe, que la théorie avait fait
admettre à mon éminent maître, est aujourd'hui un fait démontré :
c'est à la vieille race négroïde des Baoussé-Roussé qu'il faut, vrai-
semblablement, faire remonter l'origine des caractères exceptionnels
quej 'ai signalés, au cours de ce chapitre, chez des sujets de l'époque
néolithique ou des premiers âges des métaux.
Il me paraît difficile de conserver le moindre doute à cet égard.
Lorsque l'atavisme a fait réapparaître un fort prognathisme chez
les individus dont j'ai parlé, il a en même temps reproduit une
autre particularité morphologique des Négroïdes rencontrés par
M. le chanoine de Villeneuve dans la Grotte des Enfants : je fais
allusion à la forme spéciale du noz. Et si 1 hérédité atavique no
s'est pas limitée aux mâchoires et au squelette nasal, nous l'avons
toujours vu reproduire quelques uns des traits de la race de Gri-
maldi. Parfois ce sont les orbites qui se dilatent dans le sens trans-
versal, en même temps, d'ailleurs, que toute la face; parfois c'est
le menton qui fuit pendant que les arcades dentaires se projettent
en avant. Généralement le'crànc rappelle aussi d'une façon frap-
pante la conformation de la vieille femme et de l'adolescent des
Baoussé-Roussé. Enfin, nous avons rencontré un exemple, non
plus d'atavisme partiel^ mais d'atavisme complet chez le sujet néo-
lithique de Conguel, que le D'" Georges Hervé a été le premier
à rapprocher du type de Grimaldi. Ici, c'est la tête entière qui
reproduit les particularités caractéristiques de nos Négroïdes fos-
siles.
Nous avons pu aller plus loin encore dans nos comparaisons»'
Les deux individus de Chamblandes, chez lesquels le D'" Alexandre
Schenk a reconnu des caractères négroïdes, n'étaient pas repré-
sentés seulement par leur extrémité céphalique; on a recueilli une
bonne partie de leur squelette. Il a été possible, par conséquent,
d'étudier les proportions de leurs membres. Or, nous avons vu
que l'homme de Chamblandes se confond avec les Nègres et avec
nos sujets de Grimaldi par le rapport de sa clavicule ou de son
radius à son humérus, par le rapport de son tibia à son fémur et
par celui de son membre supérieur à son membre inférieur. Il en
310 Dr R. VERNEAU.
est de même de la femme de Chamblandes^ sauf en ce qui concerne
le rapport cléido-huméral.
Tous ces faits ont évidemment une signification qu'on ne saurait
méconnaître. Ils démontrent que nos deux Négroïdes de Grimaldi
sont bien les représentants d'une racCy qui a joué un rôle impor-
tant dans l'Europe occidentale. S'il s'agissait simplement d'indi-
vidus erratiques, échoués accidentellement aux Baoussé- Rousse,
on ne verrait pas leur inOuencc se faire sentir, par atavisme, à
l'époque néolithique et pendant les premiers âges des métaux,
depuis la péninsule armoricaine jusqu'en Suisse et dans tout le
nord de lltalie. Pour qu'il ait été possible d'en retrouver les traces
dans toute cette région, il a fallu que la vieille race négroïde des
Baoussé-Roussé comptât un certain nombre de représentants et
qu'elle se répandît sur une vaste surface. Aujourd'hui que l'atten-
tion est attirée sur elle, il n'est pas douteux qu'on ne nous apporte
de nouveaux faits à l'appui de cette manière de voir. Mais, d'ores
et déjà^ les observations de MM. Georges Hervé et Alexandre
Sclienk, celles que j'ai pu faire moi môme et que j'ai rapportées
ci-dessus, d'autres encore dont il sera question dans le chapitre
suivant, me semblent avoir posé le problème d'une façon bien nette
et l'avoir résolu en partie II incombe aux anthropologistes de con-
trôler mes dires et de voir si je me suis laissé entraîner par l'imagi-
nation.
Les survivancks de la rack de Grimaldi a l'époque actuelle.
Malgré le nombre de siècles qui s'est écoulé depuis l'époque oii
vivaient les Négroïdes de la Grotte des Enfants, leurs caractères si
particuliers se reproduisent encore par atavisme chez certains indi-
vidus. J'en ai rencontré des exemples au cours de la mission en
Suisse et en Italie, que m'avait confiée le Prince de Monaco. Mes
observations m'ont conduit à des conclusions qui me paraissent
assez intéressantes pour que je les rappelle ici.
Lorsqu'on étudie les populations qui vivent de nos jours à l'est,
au nord et à l'ouest des Baoussé-Roussé, on rencontre de ci de-là
quelques individus, toujours extrêmement clairsemés, qui se diiïé-
rencient nettement par certains caractères de leurs voisins. Parmi
ces caractères, il en est deux sur lesquels j'ai insisté d'une façon
toute spéciale : c'est la platyrhinie et le prognathisme.
On s'étonnera peut-être de me voir attacher de l'importance à
ces deux caractères, dont plus d'un anthropologiste a constaté
LES GROTTES DE GRIMALDI. 3H
l'association sur quelques rares têtes d'Européens modernes. C'est
que ni la platyrhinie ni le prognathisme bien accusé ne sont des
traits des races qui ont vécu en Europe depuis les temps histo-
riques, pas plus, d'ailleurs, que de celles dont la science nous avait
révélé Texistence aux époques préhistoriques. D'un autre côté, on
ne saurait regarder ces caractères^ notamment le prognathisme,
comme étant le résultat de l'évolution. Toutes les recherches
modernes ont démontré qu'au fur et à mesure qu'il se civilise,
l'homme voit ses'dents diminuer de volume et, par suite, ses maxil-
laires se raccourcir.
Or, si la platyrhinie et la forte saillie des mâchoires ne sont ni
un legs des races que les savants classaient parmi celles qui ont
contribué à la formation des populations actuelles de l'Europe, ni
le résultat de l'évolution qui s'accomplit lentement, mais d'une
façon continue, dans l'organisme humain, il faut chercher une
autre explication de leur présence chez un nombre très restreint
d'individus. La plus simple et en même temps la plus plausible
est celle qu'a donnée A. de Quatrefarges pour le prognathisme :
c'est que ces particularités morphologiques sont des caractères
ataviques que quelques-uns d'entre nous tiennent d'un ancêtre
extrêmement éloigné. La rareté même du phénomène est un argu-
ment qui milite en faveur de cette manière de voir. S'il s'agissait
d'un héritage récent, le phénomène serait assurément beaucoup
moins exceptionnel .
Cette race platyrhinienne et très prognathe, dont la théorie fai-
sait prévoir Texistence à une époque reculée, les fouilles du Prince
de Monaco aux Baoussé-Roussé nous l'ont fait connaître. Il n'est
pas sans intérêt de noter, en passant, que presque tous les individus
modernes, platyrhiniens et prognathes, dont j'ai pu étudier les
crânes, m'ont présenté les gouttières nasales si accusées sur la tête
de la vieille femme de la Grotte des Enfants.
Les particularités anatomiques que je viens de mentionner et
que je regarde comme des cas d'atavisme, s'accompagnent parfois
d'autres caractères qui peuvent s'expliquer de la même façon. Ainsi,
au milieu des populations brachycéphales du nord de l'Italie, nous
avons rencontré quelques sujets platyrhiniens et très prognathes
qui se distinguaient encore de leurs voisins/par une notable élon-
gation du crâne. JN'est-il pas remarquable que, plus ces individus
aberrants s'éloignent du type habituel de leur groupe et plus ils se
rapprochent de nos Négroïdes de Grimaldi?
3l2
Dr R. VERNEAU.
Nous avons vu le type ccphaliquc de ces derniers pres<jue com-
plètement réalise chez une femme moderne de Bologne (fig. 7 et 8)
et chez une femme du moyen âge de la Suisse.
Mes recherches m'ont conduit à des résultats plus probants
encore. J'ai eu la bonne fortune d'observer deux Négroïdes vivants,
originaires l'un et l'autre des montagnes du nord-ouest du Pié-
mont. Or, non seulement ils présentaient les mêmes particularités
crâniennes et faciales que la vieille femme et l'adolescent de la
Fio. 7. - Crâne d'une femme moderne de Bologne, Italie (Type négroïde).
Grotte des Enfants, mais ils s'en rapprochaient encore par les pro-
portions de leurs membres supérieurs. Ici, l'atavisme n'est plus
contestable : le type négroïde est réalisé presque dans toute sa
perfection, et, d un autre côté, il est impossible d'attribuer à une
héridité directe les caractères des deux individus. En effet, j'ai
examiné le père de Tun d'eux et, des renseignements qui m'ont été
fournis sur les autres parents, je dois conclure que les fils ne res-
semblaient ni à leurs pères ni à leurs mères. Ils reproduisaient
LES GROTTES DE GRIMALDl.
313
donc les traits d'ancêtres éloignés, et ces ancêtres remontent sans
doute à une époque fort reculée.
Ce sont très vraisemblablement nos Négroïdes de Grimaldi qui
doivent être considérés comme les ascendants éloignés de nos deux
montagnards piémontais, puisque nous retrouvons chez ceux ci
tous les caractères es^sentiels delà vieille race des Baoussé-Rous^é.
Il est bien difficile, d'ailleurs, d'attribuer à l'intervention récente
d'un élément nigritique les particularités anatomiques dont il a été
question dans ce chapitre. J'ai eu soin de choisir, pour mes obser-
FiG. 8. — Crâne d'une femme moderne de Bologne, Italie (Type négroïde).
vations, les régions où l'arrivée de véritables Nègres est le moins
vraisemblable et où la population actuelle a conservé une pureté
relative. On ne saurait guère supposer, par exemple, que des Noirs
soient allés mélanger leur sang à celui des peuplades des mon-
tagnes de la province d'Ivrea, encore si peu accessibles. Et, dans
cette hypothèse, il faudrait encore faire intervenir Tatavisme, car
les ancêtres directs de nos Négroïdes n'offraient en aucune façon
les caractères de ceux ci. Personne n'admettra, je pense, qu'il soit
arrivé assez de Nègres dans les provinces septentrionales de l'Italie
ou dans le Valais pour y avoir laissé toutes les traces signalées
dans les pages qui précèdent. Cette hypothèse, absolument gra-
316 Dr R. VERNEAU.
race de Néanderthal et, un peu aussi, vers le type anthropoïde.
Parfois même nos Négroïdes se rapprochent davantage de ce der-
nier que l'Homme de Néanderthal. C'est ce que nous montre, par
exemple, leur prognathisme si remarquable, plus accusé certai-
nement que celui des individus de la Grotte de Spy.
En tenant compte de l'ensemble des caractères, on dirait que la
race de Spy et celle de Grimaldi soient deux branches collatérales
d'un tronc qu'il est encore difficile de préciser, mais qui devait res-
sembler dans une certaine mesure au Pithecanthropiis. Chez elles,
l'évolution s'est faite en sens divergents : l'Homme de Spy ou de
Néanderthal a conservé dans le crâne proprement dit une grande
partie des caractères de son ancêtre, mais il en a perdu le progna-
thisme exagéré, quoiqu'il soit sensiblement plus prognathe qu'on
ne le croyait naguère, ainsi que le démontrent des recherches encore
inédites du professeur Julien Fraipont (1). L'Homme de Grimaldi,
au contraire, s'est développé considérablement sous le rapport du
volume delà boîte encéphalique, mais sa face n'a pas évolué dans
es mêmes proportions, surtout au point de vue du prognathisme.
11 n'y a rien là, d'ailleurs, qui soit en contradiction avec la doc-
trine évolutive ni avec les faits observés chez les autres êtres orga-
nisés. Nous savons fort bien que tous les organes peuvent ne pas
évoluer parallèlement ni avec la même rapidité. Suivant la nature
des changements qui s'opèrent dans le milieu, une partie du corps
d'un animal peut se modifier profondément sans que les autres
parties éprouvent de changements bien appréciables. C'est ce que
n'ignore aucun éleveur, et les amateurs de pigeons ont, en Angle-
terre, mis à profit cette loi pour transformer soit le bec, soit les
ailes, soit les pattes, soit le port des sujets sur lesquels ils ont pra-
tiqué leurs expériences. Or, comme l'a si bien dit Armand de Qua-
trefages, «l'homme ne peut qu'être soumis aux lois physiologiques
générales qui régissent tous les autres êtres. C'est là une vérité
aujourd'hui généralement reconnue. Toute théorie qui conduit à le
regarder comme échappant à ces lois est fausse » (2). Par suite, on
peut dire que ce qui se passe chez le pigeon et les autres êtres orga-
(1) M. Fraipont m'a récemment parlé des expériences qu'il a faites pour détermi-
ner le prognathisme de l'Homme de Spy. Je me borne à mentionner en passant le
résultat de ces expériences, ne voulant, en aucune façon, déflorer le sujet et priver
l'auteur de la satisfaction bien légitime d'exposer lui-même ses recherches.
(2) A. DE QuATUEFAGES, Histoire générale des races humaines. Inlroduclion à Vétude
des races humaines. Paris, 1889, p. 45.
LES GROTTES DE GRIMALDI. 317
nisés se passe chez l'Homme, et que si la race de Néanderthal et
celle de Grimaldi ont été soumises à des conditions différentes, elles
ont forcément évolué dans des directions différentes. Mais Tune a
gardé dans le crâne, l'autre dans sa face, des caractères de l'an-
cêtre, comme toutes les races colombines ont conservé dans leur
organisme quelque chose de leur ancêtre, le biset.
Si nous additionnons les caractères ataviques des deux plus
vieilles races fossiles d'Europe que nous connaissons actuellement;
si nous tenons compte des particularités du crâne de l'Homme de
Spy et des caractères faciaux de l'Homme de Grimaldi^ nous arri-
vons à cette conclusion que nos premiers ancêtres devaient réelle-
ment se rapprocher du Piihecanthro-pus et des grands singes
anthropomorphes d'aujourd'hui.
Cependant, par les proportions de ses membres inférieurs,
comme par le volume de son crâne, l'Homme de Grimaldi diffère
notablement des Anthropoïdes. Tandis, en effet, que ceux-ci ont la
jambe très courte par rapport à la cuisse, les Négroïdes de la
Grotte des Enfants ont le tibia extrêmement développé en compa-
raison du fémur. A ce point de vue^ l'Homme de Spy forme la
transition entre les grands singes et nos Négroïdes, tout en se rap-
prochant davantage des premiers que des seconds. Nous assistons
encore ici à une véritable évolution. Si nous partons d'un type plus
ou moins pithécoïde, à tibia relativement très court, nous voyons
la jambe s'allonger chez l'Homme de Spy et atteindre son maxi-
mum de développement chez celui de Grimaldi. Chez ce dernier,
les changements semblent s'être produits avec une rapidité qui
surprend un peu; mais le fait est susceptible d'une explication
plausible. Tant que nos ancêtres n'ont été que des bipèdes impar-
faits — et M. Fraipont assure que tel était le cas des Hommes de
Spy — , lajambe est restée relativement courte. Une fois que l'atti-
tude verticale est devenue définitive, le tibia a dû se développer
rapidement en longueur. Cette évolution a été grandement favori-
sée par le genre d'exislence des troglodytes des Baoussé-Roussé
qui, vivant de gibier, étaient obligés de fournir chaque jour de
longues marches. Les chasseurs du type de Cro-Magnon, qui leur
ont succédé, menaient le même genre de vie et, chez certains
d'entre eux, le tibia s'est encore allongé. Deux de nos sujets de ce
types — sur les quatre qu'il nous a été permis d'étudier à ce point
de vue — nous ont, en effet, fourni un rapport tibio-fémoral excep-
tionnellement élevé.
318 D"- R. VERNEAU.
Ce qui peut paraitriî étrange au premier abord, c'est que l'ITommc
de Grimaldi et T Homme de Cro-Magnon s éloignent plus, à cet
égard, du type anthropoïde que l'Européen moderne. Les adver-
saires du transformisme verront peut-être dans ce fait un argu-
ment à opposer à la doctrine de l'évolution. Il me semble que
l'argument n'a qu'une valeur assez minime, car rien ne prouve que
les tribus néolithiques, qui ont contribué dans une large mesure
à la formation des populations actuelles de l'Europe, se soient déve-
loppées dans les mômes conditions que les tribus des Baoussé-
Uoussé. Elles possédaient des onimaux domestiques et connais-
saient déjà l'agriculture, ce qui porterait à croire qu'elles avaient
évolué dans des conditions ditTérentes et avec plus de rapidité que
les peuplades autochtones de nos contrées. Si elles en étaient
arrivées à une vie relativement sédentaire avant que leur tibia n'eût
acquis la grande longueur que nous avons notée chez les tribus
chasseresses de Grimaldi^ on comprend aisément que leur jambe
ait cessé de s'accroître.
Une autre hypothèse peut expliquer la brièveté relative de la
jambe chez l'Européen moderne. Le jour où nos ancêtres n'ont
plus été dans l'obligation de marcher constamment à la poursuite
du gibier, l'évolution régressive a pu entrer en jeu. Quoi qu'il en
soit de ces hypothèses, les faits que j'ai enregistrés dans ce travail
me paraissent assez solidement établis pour résistera la critique.
Parmi ces faits,, il en est un qui me paraît aujourd'hui tout à fait
indiscutable : c'est que, à une période très reculée des temps qua-
ternaires, nous avons compté des Négroïdes parmi nos ancêtres.
Si cette importante découverte ne nous permet pas de remonter au
type primitif de l'humanité, elle nous fournit cependant à cet égard
quelques indices qui ne sont pas à dédaigner. Mais elle nous ren-
seigne bien mieux sur l'origine de certains caractères de races plus
récentes.
Jusqu'au jour où les fouilles du Prince de Monaco nous ont
révélé l'existence de l'ancienne race de Grimaldi, l'Homme de Cro-
Magnon semblait un être exceptionnel, qui ne se rattachait à
aucun type humain antérieur. Entre lui et l'Homme de Spy les
différences étaient telles qu'aucun anthropologiste ne songeait à
regarder celui-ci comme l'ancêtre du premier. La question change
d'aspect lorsqu'on établit une comparaison entre la race de Cro-
Magnon et nos Négroïdes de la Grotte des Enfants.
LES GROTTES DE GRIMALDT. 319
Au premier abord, les deux races paraissent bien dilTérentes
l'une de Tauti-e; mais quand on examine les détails, on voit que
rien ne s'oppose à ce qu'il y ait entre elles des liens de parenté.
Les dissemblances portent principalement sur la taille, le volume
du crâne, le prognathisme et la forme de la voûte crânienne ;
encore convient il de faire une réserve pour ce dernier caractère
puisque les Cro-Mag-nons des Baoussé-Ronssé ne présentent pas la
forme penlagonale de la tête que montrent la plupart de leurs con-
génères du Périgord. Chez eux, l'augmentation de la taille et du
volume de l'encéphale peut tenir à une seule et même cause, car il
suffit que la taille s'accroisse pour que l'encéphale subisse une
augmentation parallèle de volume. Or, nos éleveurs ont démontré
expérimentalement que pour relever la stature des petits chevaux
de la Camargue, il n'est besoin que de donner une alimentation
choisie à la jument en état de gestation. Chez l'homme, en agissant
de même, on obtient des résultats identiques. Par suite, pour
expliquer que les descendants des Négroïdes deGrimaldi aient vu
leur taille s'accroître dans des proportions notables, il faut simple-
ment admettre que les conditions générales d'existence se soient
améliorées, que la nourriture, notamment, soit devenue plus
abondante. 11 semble bien qu'il en ait été ainsi. Non seulement,
à l'âge du renne, Ihomme avait acquis une longue expérience à la
chasse, mais il possédait un armement plus perfectionné, et le
gibier abondait.
Quant au prognathisme, il paraît être également, en partie tout
au moins, sous l'influence de l'alimentation. De bonnes conditions
d'existence, d'après Darwin, amènent une diminution du volume
des dents; il en résulte une diminution corrélative de la longueur
des mâchoires et, par suite, du prognathisme.
Chez l'Homme de Cro-Magnon, la projection en avant des maxil-
laires n'a pas, d'ailleurs, complètement disparu; elle s'est simple-
ment atténuée, parfois notablement, comme nous l'ont montré nos
grands sujets de Grimaldi.
Entre la tête des Négroïdes et celles des individus du type de Cro-
Magnon. nous avons signalé un bon nombre de traits communs. Je
rappellerai la dysharmonie entre la face et le crâne, le beau déve-
loppement du front, le méplat pariéto-occipital, le renflement de
l'inion, la forme des arcades sourcilières et de la glabelle, celle des
orbites, etc. D'un type à l'autre, les différences ne constituent en
réahté qu'une question de degré. Les particularités qui ont attiré
320 Ur R. VEKNEAU.
rattention des anlliropologistes lorsqu'ils se sont trouves en pré-
sence du crâne du vieillard des Eyzies, existaient déjà chez nos
Négroïdes de Grimaldi à un état plus ou moins rudimenlaire. Par
conséquent, à quelque point de vue que nous nous placions, rien ne
s'oppose à ce que ceux-ci soient les ancêtres des chasseurs de l'âge
du renne.
Que les hypothèses que je viens d'émettre soient vraies ou fausses,
il reste acquis que, en dehors de la race de Neanderthal, il a vécu
chez nous, à un moment très reculé des temps quaternaires, une
race qui, par beaucoup de ses caractères céphaliques, par ses carac-
tères pelviens, par les proportions de ses membres, offrait de
remarquables analogies avec les Nègres d'aujourd'hui, c'est-à-dire
avec les groupes ethniques que l'on place aux derniers échelons de
l'Humanité.
La race de Cro-Magnon, qui lui a succédé, présente sans contredit
un type plus élevé. J'ai montré que son bassin n'avait plus rien de
nigritique. Cependant cette belle race avait conservé quelques carac-
tères d'infériorité sur lesquels l'attention n'avait pas été appelée
et qui nous ont été révélés par les proportions des membres, par
Félongation du métacarpe et par la grande saillie du talon.
Nous pouvons donc, maintenant que nous connaissons un nou-
veau chaînon de la série humaine, assurer que l'Homme de l'Eu-
rope occidentale n'a pas cessé d'évoluer pendant toute l'époque
quaternaire, qu'il a présenté, au début de cette période des carac-
tères le rapprochant du Pithecanthropus et des Anthropoïdes, qu'il
s'est ensuite rapproché des Nègres et qu'il a fini par acquérir une
grande partie des caractères des races blanches, tout en conservant
encore quelques stigmates d'infériorité.
Les anthropologistes sauront gré au Prince de Monaco et aux
consciencieux chercheurs qui, sous sa direction, ont mené à bonne
fin de longues et pénibles fouilles dans les Grottes de Grimaldi,
d'avoir procuré à la science tant de documents précieux et d'avoir
projeté une nouvelle lumière sur le passé de l'Humanité.
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE
EN FRANGE ("
PAR
J. DÉCHELETTE
Au temps des vives controverses engagées à propos de l'existence
d'un âge du bronze dans l'Europe centrale et occidentale, l'un des
principaux arguments formulés par les adversaires du système des
trois âges reposait sur la prétendue absence de dépôts funéraires
correspondant aux dépôts de fondeurs ou cachettes. Si nous nous
reportons aujourd'hui à ces anciennes discussions, nous constatons
une fois de plus combien il est imprudent d'édifier des théories abso-
lues sur les données négatives d'une science encore jeune. En réa-
lité, les tombes de Tâge du bronze avaient été déjà exhumées en
nombre notable et parfois par ceux-là mômes qui en contestaient
l'existence, mais on ne possédait pas encore sur la période à
laquelle elles appartenaient des notions assez complètes et assez
précises pour les distinguer à travers les autres. A l'heure actuelle,
si leur nombre est encore bien inférieur à celui des sépultures de
l'âge du fer et de la longue phase néolithique, elles n'en sont pas
rrioins assez abondantes, bien qu'encore inégalement réparties sur
notre territoire.
La durée de l'âge du bronze représentant sans doute en Gaule
plus d'un millénaire d'années, on conçoit aisément que les rites
funéraires, de même que la composition du mobilier se soient modi-
(1) Ce mémoire est extrait de notre Manuel d'archéologie préhistorique^ gauloise et
gallo-romaine, en préparation. Nous devons prévenir ici nos lecteurs que nous avons
adopté pour lage du bronze les divisions chronologiques de M. Montelius {Congrès
international dCAnthrop. et d'Archéol. préhistorique, Paris, 1900), après en avoir
contrôlé avec soin l'exactitude. Toutefois, nous ramenons à quatre les cinq subdi-
visions de cette classiûcalioQ, en groupant dans notre quatrième et dernière période
les périodes IV et V de M. Montelius (haches à ailerons et haches à douille), ces
deux diirnières coupures ne nous semblant pas assez nettes, du moins sur le terri-
toire français, dans l'état actuel des découvertes. Pour les autres périodes, les modi-
fications que nous proposons portent sur des séries d'objets qui n'avaient pas
encore été classés avec une précision suffisante.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 21
322 J. DÈCIIELETTE.
fiés à plusieurs reprises, par suite crinfluences multiples, durant
cette longue période. Nous suivrons dans cet aperçu synthétique
l'ordre chronologique, sans nous dissimuler que, dans certains cas,
la pénurie des trouvailles ou 1 insuffisance des procès-verbaux de
leur découverte rend encore malaisée cette tentative de classifica-
tion.
1 . Sépultures de lâge du bronze I et 11. — La distribution des
cachettes ou dépôts de l'âge du bronze en France, telle que l'a éta-
blie notre statistique récente, montre nettement que l'emploi du
cuivre et du bronze fut tout d'abord plus répandu dans les régions
du littoral océanique que dans les provinces intérieures de notre
pays. Ce fait qui s'explique aisément par la situation géographique
des minerais d'étain^ au nord- ouest de la péninsule ibérique et dans
le pays de Cornouailles, est de nouveau confirmé par l'aire de répar-
tition des plus anciennes sépultures de l'âge du bronze.
Nulle part, en etfet, elles n'apparaissent aussi abondamment que
dans la péninsule armoricaine, où leur exploration a été en général
opérée avec une méthode excellente par plusieurs archéologues
bretons, notamment, dans le Finistère, par M. Paul du Ghatellier (1).
Le groupe breton des sépultures de cette période l'emporte sur
tous les autres, non seulement par le nombre des dépôts, mais par
{\) La bibliographie est très étendue. On consultera les ouvrages suivants : P. du
Ghatellier; Les Époques préliist. et gaid. dans le Finistèi^e, Paris 1889, p. 40 et suiv. ;
— du même, Les Sépultures de Vépoque du bronze en Bretagne, Pari?, 1883, Extrait
des Mém. de la Soc. d'Émul.des Côtes-du-Nord, t. XXI, 1883. Ces deux ouvrages
sont fort rares en librairie. — Les Comptes rendus de la Soc. d'Émul. des Côtes'du-
Nord, coutiennent de nombreux procès-verbaux de fouilles de ces sépultures. Voir
les articles cités par M. Le Pomois dans sa notice sur l'Exploration du tumulus
de Cruguel, commune de Guidel (Morbihan), Rev. archéoL, 1890, H, p. 335. Sur les
sépultures de Carnoët (Quimperlé, Finistère), voir Le Men, Rev. arche'oL, 1868, I,
p. 364. Sur le tumulus de Kerusun, en Saint-Jean Brévelay, voir Bull. Soc. polym..,
Morbihan, 1883, p. 172. Le tumulus de Kérhué-Bras (Finistère) a été décrit par M. du
Ghatellier, Rev. archéoL, 1880, I, p. 310. Sur le tumulus de Tanwédou à Bourbriac
(Côtes du-Nord,^, voir une intéressante notice de l'abbé Le Foll, Congrès archéoL de
France, 1863, Montauban, p. 59 i. L'auteur y signale la découverte de trois lames de
poignards et d'une pince à épiler (?) en or pâle, et, en outre, plusieurs mil iers de
petits clous cylindriques d'or, d'un millimètre de longueur. On consultera également
A.. Martln, Les sépultures armoricaines à belles pointes de flèches en silex, L'Anthrop.,
1900, j). 159, et AvENEAu de la Grancière, Distribution géograph. de seize sépult. de
Vâge du br. en Bretagne, Rev. Ec. Anthrop., 1899, p, 159. Pour la bibliographie
de plusieurs autres trouvailles importautes des Côtes-du-Nord, voir Montklius,
Congrès in tern. d' Anthrop., Paris, 1900, p. 344.
Nous adressons à MM. Paul du Ghatellier et Aveneau de la Grancière nos vifs
remerciements pour l'aimable accueil que nous avons trouvé auprès d'eux dans
notre voyage d'étude en Bretagne.
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE.
323
l'intérêt spécial des monuments et la richesse de leur mobilier.
C^est en Bretagne que l'époque néolithique a laissé les constructions
tombales les plus grandioses de nos provinces françaises. Aux
premiers temps de l'introduction du cuivre et du bronze dans la
péninsule armoricaine, le culte des morts continue à créer d'impor-
tants monuments, mais ceux-ci sont établis d'après de nouvelles
méthodes de construction. Les sépultures sont constituées par des
tertres tumulaires abritant une chambre centrale. Ces tumulus sont
encore de grandes dimensions : celui de IMabennec (Finistère)
mesure 45 mètres de diamètre sur
4'", 50 de haut; celui de Plouguin
35 mètres et 3 mètres; celui de Guis-
seng (n° 1), 50 mètres et 2°',50 (1).
Beaucoup d'autres, dans le Finis-
tère, présentent des dimensions si-
milaires ou un peu plus faibles.
Ces buttes artificielles, avec chape
d'argile protectrice, abritent un ca-
veau intérieur autour duquel on ren-
contre rarement des sépultures ad-
ventices, d'âge postérieur. Un des
caractères de ces tumulus bretons
des premiers temps de l'âge du
bronze, c'est de présenter soit dans
leur construction , soit dans leur
mobilier, une remarquable unité.
Les premières sépultures n'ont pas
été, en général, bouleversées par de
nombreux ensevelissements secon-
daires, comme certaines cryptes
néolithiques.
Les chambres centrales présentent
deux types principaux : le type à plan rectangulaire, avec cou-
verture plate, formée d'une grosse dalle dolménique, et le type à
plan plus ou moins circulaire, avec voûte d'encorbellement ou
fausse voûte. Les murs ou supports latéraux ne sont plus formés
de mégalithes, mais construits en pierres sèches, disposées en
assises régulières. Dans les chambres à voûte d'encorbellement,
FiG . 1. — Sépultures de Vkge. du
broDze (Finistère). 1, chambre du
tumulus de Plabeunec; 2, coupe
d'un tumulus à Parc an-Dorgueu ;
3, chambre du tumulus de Kers-
trobel (d'après P. du Chatellier).
(1) P. DU Chatelliku, Sépultures de lépoque du bronze^ p. 10, 14
ss.
324 J. DÉCIIELETTE.
les assises supérieures sont composées de pierres plates, dont
chaque rang déborde sur le précédent. Ce dernier mode de cons-
truction a été observé, par M. du Chateliier dans les tumulus de
Kerstrobel, commune de Crozon, de Coatmocun^ commune de
Brennilis, de Noto Norobou, commune de Loqueiïret, de Goarem-
ar-Yelin, commune de la Feuillée, pour ne citer que quelques
exemples. La figure 1 reproduit d'après le môme auteur^ la coupe de
quelques-unes de ces chambres à voûte d'encorbellement.
Les constructeurs des tombeaux armoricains de cette période ont
apporté à leur exécution un soin tout particulier. Une banquette
intérieure continue est souvent disposée à la base des murs pour
servir de supports à des madriers de chêne abritant le dépôt funé-
raire. Ce dépôt repose d'ailleurs sur un plancher de bois, garni de
sable fin. La plupart des chambres sépulcrales mesurent intérieu-
rement 2™, 50 X 1"',50, chiffres moyens. La hauteur, dans les cham-
bres non voûtées, n'atteint pas 2 mètres.
Le plus grand nombre des sépultures appartient à Vàge du
bronze II, mais les haches plates vraisemblablement en cuivre, de
même que les petits poignards de même métal ou de bronze encore
pauvre en étain, types caractéristiques de l'âge du bronze I, ne
sont pas rares (1).
Nous ne nous arrêterons pas à étudier ici en détail les divers
objets composant ce mobilier, toujours homogène et si nettement
apparenté à celui des îles de la mer Egée et du littoral méditer-
ranéen, à répoque pré-mycénienne. La pierre est associée au cuivre
et au bronze. Le métal, encore rare, est employé avec parcimonie.
Les pointes de flèches sont en silex, mais taillées avec une incom-
parable perfection. Elles sont munies d'ailerons et de pédoncu-
les (2). Les haches en pierre polie sont plus rares. Sur les trente
et une sépultures du Finistère fouillées jusqu'en 1899 par M. P. du
Chateliier, dix-sept seulement avaient un mobilier duquel était
exclue toute arme de pierre (3).
(1) Le dolmen du Penker, à Plozevet, a livré par exemple à M. du Chateliier un
vase caliciforme à zones poiotillées, 2 haches polies, 1 pointe de flèche en silex, une
« plaquette d'archer » et un poignard en métal (P. du Chatellier, Sépultures de
répoque du bronze, p. 69). Depuis cette publication, M. du Chateliier a reconnu par
une analyse chimique que le poignard est en cuivre pur.
(2) En 1890, M. Le Pontois compte huit sépultures bretonnes où les flèches en silex
sont associées à des armes de bronze, poignards et haches (fiey. archéol., 1890, II,
p. 335). Ce nombre pourrait à l'heure actuelle être sensiblement élevé.
(3) P. DU CiiATELLiER, ÈpoQues prékist., p. 45.
LES SEPULTURES DE L'AGE DU BROiNZE EN FRANGE.
321
Les armes de bronze ou de cuivre se composent exclusivement
de poignards triangulaires à languettes ou à rivets, le plus souvent
ornés de filets ou d'une nervure médiane. Les haches sont des
lames plates ou à rebords droits, de faible saillie. Comme les poi-
gnards de Mycènes, ceux de l'Armorique avaient parfois leurs
manches ornés de clous d'or, à leur partie inférieure (1). Les objets
de parure en métal sont beaucoup plus rares. On a cependant signalé
dans des dolmens de Plouhinec des anneaux de bras et de doigt en
spirale, et un petit ciseau à soie, associé à des pendeloques (2).
Dans le groupe le plus riche de ces sépultures bretonnes, celui de
la forêt de Carnoët, l'une d'elles contenait des chaînettes en or, en
FiG. 2. — Poteries de l'âge du bronze 1 et 11 (3).
argent et en bronze avec des objets semblables à ceux que nous
venons de mentionner.
Dans la plupart des sépultures bretonnes apparaît un vase à
quatre anses, ordinairement uni, rarement orné de dents de loup
(fig. 2). Le nombre des anses et leur développement donne à cette
poterie un faciès original et les distingue nettement des vases néoli-
(1) Rev. ArchéoL, 1890, II, p. 320.
(2) Du Chatellibu, Époques préhist., p. 41.
(3) 1, 2, 7, 8, 9, 10, tumulub du Finistère (P. du Chatkllier, Sépultures^ pi, I et II
et Paierie aux époques préhist. et gauL, pl. XIII). — 3, Nécropole de Castellucio, près
Syracuse, Sicile (Oasf, Bull, paletn. ital., 1892, pl. Il, 5. — 4, Radim près Pecek,
Bohème (Pic, Starozitnosii zemé ceské, I, i, pl. LXXXIV, 6). — 5, Sardaigne {Mon.
anliclii dei Lincei, XI, 1, pl. XVllI, 11). —6, Nackenheim près Mayence {Westdeulsche
Zeitschrift, 1900, pl. la, 7 et p. 39G). — Le nombre des anses est parfois réduit à deux.
326 J. DÉCHELETTE.
lliiqucs et de ceux des périodes postérieures à l'âge du bronze. Or,
à cette môme époque, c est-à-dire au temps des petits poignards
el des haches plates en cuivre, nous retrouvons à Hissarlik, en
Sicile, en Sardaigne et en Bohême, comme le montre la figure 2,
des vases à quatre anses qui disparaissent également aux époques
ultérieures Le vase caliciforme de la fin du néolithique se ren-
contre dans les plus ancieimes sépultures.
Pendant les deux premières périodes de l'âge du bronze, l'inhu-
mation constitue dans toute l'Kurope le rite dominant. Cependant
il est important de noter que la Bretagne ferait exception à cette
règle, au témoignage de ses explorateurs. En 1889, M. du Chatel-
lier rapporte que sur les trente et une sépultures de cette série
fouillées à cette date, vingt- huit contenaient une incinération, et
les trois autres une inhumation simple (1).
Parmi les rites funéraires, nous noterons l'usage encore répandu
de creuser des cupules sur quelque pierre du tombeau. M. Le
Pontois a observé des pierres à cupules dans la sépulture tumulaire
de Cruguel (Morbihan^ (2). M. du Ghatellier a constaté le même fait
dans le Finistère. Or, dans une riche sépulture dolménique de l'âge
du bronze I, avec poignard en cuivre, anneaux et diadèmes d'or,
découverte récemment en Portugal, à Quinta da Agua Branca, une
pierre est également ornée de cavités cupelliformes sur ses deux
faces (3).
Ces sépultures sont réparties sur les départements du Finistère,
des Côtes-du-Nord et du Morbihan. On les retrouve sur le littoral
de la Normandie. Vers 184o^ on découvrit à Longues^ près Bayeux,
sous un lit de pierres, six lames de poignard en cuivre jaune,
accompagnées de deux haches plates (4). Ces objets sont tout à fait
semblables à ceux de l'Armorique. Le lit de pierres qui les abritait
était évidemment une chambre funéraire ruinée. Quant à la trou-
vaille de « longs barreaux de fer » associés à ces bronzes, d'après un
témoignage incertain des ouvriers, on doit évidemment la tenir
pour fausse.
Descendons maintenant vers le sud. le long du littoral océanique.
Nous aurons à signaler en Gironde une intéressante sépulture
dolménique, découverte récemment au terrier de Cabut, commune
(1) P. DU Ghatellier, Époques préhist., p. 45.
(2) Rev. archéoL, 1890, II. p. 315.
(3) José Fortes, Portugalia, t. IF, 1906, p. 243.
(4) ViLLERS, Méjn. de la Soc. d^agric. de Bayeux, t. III, 1845, p. 379.
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE.
327
d'Anglade (Gironde) (1). Sous un monument mégalithique se com-
posant d'une table et de six piliers, on a recueilli un poignard trian-
gulaire à languette, del'âge de bronze 1, long de 0°", 157, associé à des
objets de parure néolithiques : perles en os, coquilles tubulaires,
amulettes en os gravées, etc. De petits bâtonnets en os, ornés de
nodosités régulières, sont semblables à ceux que les frères Siret ont
recueillis en Espagne^ dans des stations du premier âge du métal^
notamment à Fuente Alamo (2).
Dans cette même région, une importante sépulture de Tâge du
bronze II était déjà connue depuis longtemps, celle de Singleyrac
(Dordogne) (fig. 3) ; elle contenait une hache en bronze à bords droits
peu saillants, une épée courte ou plutôt un poignard à rivets et à
poignée pleine, d'un type analogue à
celui des poignards italiques à poignée
cylindrique, enfin un collier en spirales
d'or, semblable à celui de Garnoët (3).
Si nous passons maintenant aux dé-
partements du bassin méditerranéen,
nous trouvons, les dépôts funéraires de
l'âge du bronze I (comprenant l'âge du
cuivre) dans des grottes naturelles et
artificielles, ainsi quedans des dolmens.
Nous avons vu que les populations
néolithiques utilisaient les grottes na-
turelles pour y abriter leurs morts et
que ces grottes sépulcrales, rares dans le nord de la France, sont
au contraire nombreuses dans les province de l'est et du midi (4).
L'apparition du métal ne modifia en rien les coutumes funé-
raires; il ne fut pas importé par un peuple nouveau, mais intro-
duit peu à peu par voie commerciale. Aussi, bien des dépôts funé-
raires exhumés des grottes et des dolmens, tout en étant postérieurs
à l'introduction du cuivre et du bronze, conservent-ils en tout ou
partie leur faciès néolithique. Le métal n'apparaît que sous la forme
de menus objets, grains de collier, anneaux, bagues, flèches, etc.
Les poignards sont plus rares dans les sépultures du midi de la
Fio. 3. — Sépulture de Sia-
gleyrac (Dordogne), d'après
A. de Gourgues.
(1) Daleau et Maufras, Soc. archéol. de Bordeaux, 1904, p. 84.
(2) n. et L. Siret, Premiers âges du métal, pL LXV, fig. 81.
(3) V'° A. DE GoiiRGUES, Découverte d'une sépulture gauloise aux environs de Bergerac
en Jajivier 1859. Actes de l'Acad. des sciences, etc. de Bordeaux.
(4) Cartailuac, France préhist., p. 142 et 152.
328 J. DÉCHELETTE.
France qu'en Bretagne et les haches plates y sont encore moins
ahondantes (d).
On donne parfois le nom d'époque durforliennc à cette première
période du métal, cuivre ou hronze pauvre en étain, qui suit immé-
diatement la fin de l'âge néolithique et s'en distingue à peine.
Cette dénomination est tirée du nom de la grotte sépulcrale de
Durfort(2), dans le département du Gard, oi^i Ton a découvert, sous
un empâtement stalagmitique, un grand nombre d'ossements
humains mêlés à des silex, à des os d'animaux ouvrés, à des objets
de parure en os et en pierre. Dans ce milieu néolithique apparaissent
d'assez nombreux objets de cuivre, surtout des perles en forme
d'olives, et de petits poinçons (3). Plusieurs autres grottes sépul-
crales de la même époque ont été explorées dans le Gard et dans la
région voisine (4). Le frère Sallustien- Joseph a réuni à Alais une
forte belle collection d'objets provenant de ses fouilles persévé-
rantes dans les grottes du Gardon, notamment dans la grotte de
Saint-Yérédème, commune de Sanilhac (Gard). Une lame de poi-
gnard en bronze, de la grotte de Saint-Geniès, lame en forme de
feuille allongée, longue de 0"', 165, a été reconnue à l'analyse comme
étant en cuivre pur (5). L'âge de ces grottes n'est pas seulement
déterminé par la présence de quelques objets de cuivre ou de bronze,
mais encore par des spécimens très caractéristiques de la céramique
des premières périodes de l'âge du bronze.
A défaut de grottes naturelles, on creusait alors des excavations
artificielles dans le flanc des collines pour y abriter les morts. Telles
sont les grottes de la montagne du Castellet aux environs d'Arles,
grottes en forme à' allées couvertes^ décrites par M. Cazalis de
Fondouce (6). Ces galeries sont creusées dans le calcaire, mais
(1) Voir dans Chanthk, Age du hronze, 2« partie, p. 3H, un essai statistique de
objets de métal trouvés dans les dolmens du midi de la France. Nous renvoyons au
môme ouvrage, p. 36, pour la bibliographie de cette question.
(2j Cette dénomination est due à M. Jeanjean. Elle correspond à Vépoque cébé-
nienne de M. Chantre. Le terme âge du bronze I est préférable.
(3) Cazalis de Fondouce et Ollieh de Mabichard, Mai., 1869, p. 249. — D^ Raymond,
Vépoque dur for tienne, p. 19. — P. Raymond, L'arrondissement d^Uzès avant V histoire,
Paris, 1900. — Ad. Jeanjean, Vâge du cuivre dans les Cévennes^ Mém. de l'Acad.
de Nîmes, 1891.
(4) V. P. Raymond, Grottes sépulcrales dans le Gard, Bull. Soc. Anthrop., 1897,
p. 67 (grottes des Saint-Geoiès et d'Aiguèze).
(5) Raymond, Bull. Soc. Anthrop., 1897, p. 67.
(6) Cazalis de Fondouce, Les temps préliist. dans le sud-est de la France. Les allées
couvertes, Montpellier, 1873. Cf. Matériaux, 1877, p. 441 et Cbantre, Age du bronze,
2* partie, p. 25.
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE E>i FEANGE.
329
recouvertes de grandes dalles. Elles constituent donc un type
intermédiaire entre la grotte et la sépulture dolménique . La
grolte Bounias, l'une des deux allées de la montagne du Gastellet,
renfermait un grand nombre d'ossements humains, des pointes de
flèches en silex, un poignard en bronze à languette et sans rivets
et divers autres objets. Comme on le voit, ce mobilier oiïre une
composition analogue à celui des tumulus bretons des débuts de
Vk^Q du bronze.
Les dépots funéraires que nous venons d'étudier proviennent des
départements maritimes de la France ou de localités situées à proxi-
mité de cette zone. Dans les départements intérieurs, les sépultures
FiG. 4. — Sépulture de Gourtavant (Aube).
de l'âge du bronze I et II sont beaucoup plus rares. Sans doute, les
populations côtières n'avaient pas le monopole de ces premiers
outils de métal, mais, l'étain venant par mer, les centres de fabrica-
tion et de transit les plus importants avoisinaient les côtes. Ces
objets ne parvenaient encore qu'en petit nombre dans l'intérieur
des terres et les habitants du centre de la France ne s'en dessaisis-
saient pas aisément au profit de leurs morts.
Cependant un important tumulus, avec mobilier typique deTàge
du bronze 11^ a été fouillé récemment à Saint-Menoux (Allier (l).
11 mesurait environ 25 mètres de diamètre sur 2 mètres de hauteur
et contenait quatre squelettes. Deux d'entre eux gisaient au centre
de la butte, dans un amoncellement de pierres et de terre, avec les
(1) Abbé MoREL, Le tumulus de Saint-Menoux {Allier), Moulins, 1900.
330 J. DÉCHELEÏTE.
débris d'un vase, un bracelet et deux beaux poignards triangulaires
en bronze, dont le plus grand mesure 0",23 do long et O'^^O;] de
large à sa base, munie de six rivets (1).
2. Sépultures de l â(je du bronze III. — A l'âge du bronze 111, le
rite de l'inhumation domine encore. Pour cette période, la sépul-
ture type est celle de Courtavant, commune de Barbuise, départe-
ment de l'Aube (fig. 4) Sa découverte eut un grand retentissement,
parce qu'elle survint à une époque où les adversaires de l'âge du
bronze niaient volontiers la présence de gisements funéraires de
cette époque sur le territoire français. La tombe de ('ourtavant se
composait d'une grande fosse rectangulaire dont les parements
avaient été revêtus d'une épaisse muraille en pierres sèches. Elle
contenait un squelette couché sur le dos, les pieds à l'Orient « Le
guerrier qui avait été inhumé sous cette espèce de tumulus-dolmen,
écrit l'inventeur, portait une épée de bronze placée entre ses
jambes. Cette épée était renfermée dans un fourreau de bois, dont la
terminaison [bouterolle], en bronze très oxydé, a été retrouvée en
place, un couteau de bronze était glissé sous la poignée de l'épée.
Une longue épingle en bronze a été retrouvée sur la clavicule droite.
A la place de la main, dont les ossements avaient disparu, on a
recueilli un anneau de bronze. On a constaté aussi sur le fémur
droit la présence de deux viroles de bronze, de forme allongée et
d'un petit lingot de métal semblable à de l'étain ou à du plomb. Le
squelette portait sur la poitrine, sans doute comme ornement, une
défense de sanglier. Enfin de nombreux fragments de poterie noire
gisaient aux pieds du morts )> (2). 11 est intéressant de noter que
cette céramique paraît se rapprocher de celle des tumulus armo-
ricains de l'âge du bronze 11^ si l'on en juge par la forme d'une
anse.
L'épée et l'épingle de Courtavant appartiennent nettement à l'âge
du bronze III. Ces sépultures de chefs, inhumés avec une épée de
bronze, sont rares en France et d'ailleurs peu communes dans la
plupart des autres pays. C'est seulement au début de l'époque bail-
lai) Citons encore ici la sépulture de Rames (Hautes-Alpes) avec nu poignard trian-
gulaire à rivets et à filets en creux, une belle hache-spatule à bords droits, un collier
ou diadème en bronze orné et une dent d'ours perforée {Matériaux, 1878, p. 155). Cette
sépulture appartient à l'âge du bronze II.
(2) MoREL, Bull, monumental, 1875, p. 230. Dans son Album de la Champagne sou-
terraine, pi. XXXXII, M. Morela publié de nouveau cette sépulture, mais la planche
du Bulletin monumental est plus complète.
LES SEPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE.
331
stattienne, lors de la transition de Tàge du bronze à l'âge du fer, que
lépée de bronze apparaît assez fréquemment dans les dépôts funé-
raires. Les petits poignards triangulaires des deux périodes précér
dentés ne présentaient pas les mômes difficultés de fabrication que
ces grandes et belles lames effilées. Ces dernières, dans un grand
nombre de régions, étaient des objets importés, d'une valeur sans
doute considérable. On ne les déposait qu'avec parcimonie dans les
sépultures.
Parmi les épées de l'âge du bronze III découvertes en France iso-
lément et en dehors de toute exploration méthodique, quelques-unes
cependant doivent provenir de gisements fu-
néraires dont on n'a pas observé la présence.
Sur la rive droite du Rhin, plusieurs sépul-
tures à épées de l'âge du bronze III sont con-
nues.
Nous citerons comme type une tombe dé-
couverte récemment dans un tumulus à
Staadorf (Elaut Palatinat). Là encore, l'épée
était déposée près d'un squelette au centre du
tertre, dans un loculus de pierres. Avec cette
arme, munie de rivets, longue de 0"^64,
gisait une hache à bords droits saillants , une
épingle-rouelle, un disque à anneau central^
orné au pointillé (tous ces objets en bronze)
et un vase en terre brune muni d'une anse
(dg. 5) (1).
Mais si les tombes à épées de^ l'âge du
bronze 111 sont rares, on en compte un assez grand nombre de la
môme période ne renfermant que de menus objets de parure, tels
que des épingles et des bracelets. Ce n'est donc que par une étude
approfondie de ces divers objets que l'on peut opérer la classifica-
tion chronologique des gisements funéraires de l'âge du bronze.
La fibule, dont le témoignage est important, à partir de l'époque
hallstattienne, n'apparaît pas dans l'Europe occidentale avant la
période IV du bronze, époque durant laquelle elle demeure d'ail-
leurs encore fort rare.
Il n'y a pas lieu de s'étonner qu'au temps oh le classement de
ces menus objets n'avait pas été opéré, nombre d'archéologues,
Frî. 5. — Sépulture tu-
mulaire de Staadorf
(Haut Palatinat).
(1) K. Brunner, Zeilschrifi fur Ethnologie^ Nachrichten, 1903, p. 38.
332
J. DÉCIIELETTE.
tels qu'Alexandre Berlrand aient confondu les sépultures de l'âge
du bronze avec celles de l'âge du 1er. Une méprise peut se produire
ici d'autant plus aisément qu'on ne saurait relever aucune diiïéri-nce
appréciable entre les rites funéraires de la fin de la première de ces
deux périodes et du commencement de la seconde. L'usage d'abriter
sous des tertres factices les dépouilles des morts, parfois inhumés,
d'autres fois incinérés, n'est pas moins répandu à l'époque du bronze
qu'à celle dellallstatt, et bien souvent, dans un groupe detumulus,
les deux époques sont représentées sans qu'aucune particularité de
construction ne diiïérencie les tertres d'âges di(Térents. Un tumulus
peut môme contenir des sépultures de diverses époques, depuis le
FiG. 6. — Sépulture tumulaire de la Combe-Bernard (Côte-d'Or).
début de Fâge du bronze jusqu'au milieu du second âge du fer. Si
l'on veut déterminer son histoire el distinguer la sépulture princi-
pale des sépultures secondaires, il importe donc de conduire les
fouilles avec une scrupuleuse méthode.
Le tumulus de la Combe-Bernard, commune de Magny-Lambert
(Côte-d'Or), regardé à tort comme hallstattien, est un exemple typique
de tumulus de l'âge de bronze entouré de tertres plus récents,
car il avoisine les célèbres buttes hallstatiennes de la Vie de Bagneux
et de Montceau- Laurent. Il abrite cependant une sépulture caractéris-
tique de l'âge du bronze III (fig. 6) ; celle ci, de même que les pré-
cédentes, est une inhumation. Le squelette gisait en place, les pieds
au sud-est. Il portait à chaque bras un bracelet fait d'une tige de
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE. 333
bronze carrée, tordue en hélice ; une grande épingle à tête côtelée
fixait les vêtements sur la poitrine. A l'une des jambes était passé
un anneau formé d'un ruban de bronze à nervure longitudinale et
extrémités en spirale. Le mobilier comprenait de plus les objets sui-
vants : plusieurs bracelets ou anneaux en lignite, une plaquette en
or, ornée au repoussé, une aiguille de bronze à chas losange, du
type des palafittes, une bague de même métal, enfin une petite perle
de verre bleu à incrustations vert d'eau (1).
Sur la rive droite du Rhin, nous trouvons plusieurs sépultures
exactement synchroniques avec celle de la Combe-Bernard. Le
mobilier d'une tombe découverte dans le Jura de Souabe (fig. 7)
nous servira d'exemple typique. Le squelette gisait sous un tumulus,
orienté au sud ouest. Sur sa poitrine étaient placées deux épingles ;
chacun de ses poignets portait un bracelet de bronze massif, à sec-
tion quadrangulaire et gravé d'orne-
ments. Enfin deux anneaux de jambes
à spirales, tout à fait semblables à ceux
de la Combe-Bernard, complétaient la
parure du défunt (2).
11 serait aisé de multiplier ces rap-
prochements. Ils démontrent nettement — iifliiiim-rzUlD
la similitude des rites funéraires et des f,g. 7. _ sépulture tumuiaire
types industriels de l'âge du bronze *^^ Jura de Souabe.
dans l'Allemagne du sud et la France
orientale. Ce parallélisme se poursuit, comme nous le verrons,
pendant toute la durée de l'âge du fer.
Nous classons également à cette période quelques-unes des sépul-
tures tumulaires de Benney et de Lemainville en Lorraine, que leur
inventeur, M. le comte Beaupré, a attribuées par erreur au second
âge du fer (3).
(1) Voir Bertiund, Archéologie celtique et gauloise, 2^ édit., p. 292 et pL IX-X-
Quelques objets de bronze et ua fragment d'objet de fer, trouvés à proxinaité du
squelette pouvaient, nous dit l'inventeur, ne pas appartenir à la même sépulture, ce
qui pour nous est hors de doute.
(2) Sautter, Prahist. Grabhûgel auf der schwahischen Alb., Prâhist. Blâller, 1902,
p. 21 et pi. 11, fig. 5, 6, 7.
(3) Comte Beaupré, Fouilles dans les tumulus situés dans les bois de Benney et de
Lemainville, Nancy, 1904. Le poiumard en bronze et surtout l'épingle côtelée de la
planche II sont des types caractéristiques de l'âge du bronze 111. Pour l'Alsace,
des sépultures de diverses périodes de l'âge du bronze sont décrites dans l'ou-
vrage de Maximilien de Ring, Tombes celtiques de l'Alsace, Strasbourg, 1861.
334 J. DEGIIELEÏTE.
C'est aussi à 1 âge du bronze III qu'appartiennent sans cloute la
majeure partie des sépultures de Veuxhaulles (Côte-d'Or), bien
connues par la description qu'en a donnée Flouest (1). iMalheureuse-
ment cette ricbe nécropole n'a pas été fouillée méthodiquement.
J*armi les objets qu'à publiés Flouest, les plus caractéristiques,
notamment les g-randes épingles à collerettes, datées par les trou-
vailles de Vernaison et de Vers se classent à l'âge du bronze II [.
Ces sépultures de Veuxhaulles étaient constituées par des coffres
en pierre. « Que Ton se figure, écrit Flouest, une sorte de cercueil
construit à l'aide de ces dalles grossières^ mesurant de 0'°,40 à
0™,50 de côté, qu'on appelle laves dans le pays. Posées d'abord à
plat au fond d'une fosse longue en moyenne de 2 mètres et large
de 0'",60, elles fournissaient une sorte de plancher sur lequel on
étendait le corps du défunt. Dressées ensuite sur champ et étroite-
ment juxtaposées, elles formaient tout autour des parois verticales
se coudant à angle droit du côté de la tête et des pieds. Enfin
employées de nouveau à plat et disposées au-dessus des parois
qu'elles débordaient légèrement, tout en les maintenant par l'effet
de leur poids, elles constituaient pour l'ensemble un toit ou cou-
vercle. Toutes les tombes rencontrées par les ouvriers ont unifor-
mément présenté ce mode de construction; toutes, également dis-
tantes entre elles de trois à quatre mètres, se sont montrées
orientées de la même manière : les pieds au levant, la tête au cou-
chant ».
Ces tombes étaient donc, comme celle de Courtavant, des inhu-
mations. Un des squelettes avait à sa droite une épée brisée en
plusieurs tronçons et près de la main une hache-marteau en corne
de cerf.
3. Sépultures de l'âge du bronze IV. — Les sépultures de la der-
nière période se distinguent des précédentes par leur mobilier et
par la prédominance du rite de l'incinération, qui, d'ailleurs n'est
point exclusivement employé. L'usage d'élever des tertres funé-
raires persiste sur certains points, mais il est moins répandu, et
fréquemment les urnes cinéraires sont déposées en pleine terre, sans
aucun tumulus.
Les armes sont rares dans les tombes de cette période. On con-
naît cependant quelques sépultures contenant des épées, comme
(1) Notes pour servir à télude de la haute antiquité en Bourgogne. Semur-ea-Auxois,
1872, p. 39. Cf. CtîANTRE, Age du bronze, II, p. 226.
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE. 335
celle de Breg-nier (Ain), près de Pierre-Chatel : une épée à poignée
pleine et pommeau plat, du type dit de Mœringen, a été retirée
d'un amas de pierres recouvrant des débris d'ossements humains.
Deux bracelets ouverts et un sistre cylindrique en bronze orné de
pendeloques en forme de croissants, accompagnaient ce glaive (1).
Un tumulus à la Roche-Rousse, commune d'Esclanèdes (Lozère)
a livré au D^ Prunières une épée de bronze, déposée à la droite d'un
squelette; mais l'inventeur n'ayant pas décrit cette arme, elle
peut appartenir soit à la période I de l'époque hallstaltienne, soit à
l'âge du bronze III ou IV (2).
La célèbre sépulture du Theil, commune de Billy (Loir-et-Cher),
décrite par Tabbé Bourgeois (3), contenait un mobilier d'un inté-
rêt exceptionnel : une hache en bronze à ailerons, un casque du
type itahque de ceux de Falaise, un ciseau de bronze, un magni-
lique ceinturon rà pendeloques, deux petites lames d'or, des perles
en verre bleu et en ambre, un fragment de moule pour hache à aile-
rons et épingle, une fusaïole. des débris de poterie.
Un relevé géographique des sépultures isolées et des nécropoles
de l'âge du bronze IV, dans les diverses provinces de la France,
serait à coup sûr assez étendu. Les sépultures tumulaires se ren-
contrent notamment dans le Jura (4), la Franche-Comté et la Bour-
gogne. Les bracelets et les épingles à tête vasiforme des tombelles
d'Auvenay (Côte-d'Or) appartiennent à la fin de l'âge du bronze (5).
Toutefois les nécropoles les plus importantes, dans la France
centrale, se composent de tombes plates, oii les urnes cinéraires
l'emportent en nombre sur les inhumations. On peut citer comme
exemples les nécropoles de Fougues les-Eaux et d'Arlhel (Nièvre)
et de Dompierre (Allier) (voir fig. 9 et 11).
La nécropole de Pougues-les-Eaux paraît occuper une grande
(1) E. Chantre, Sépulture de Vâge du bronze dans VAin, Mat., 1886, p. 191.
(2) Âfas, ISSII, p. 698. Le même D^' Prunières a fouillé uq grand nombre de tumulas
et de dolmens dans la Lozère, malheureusement ses comptes-rendus sont en général
dépourvus de ligures et si incomplets que l'on se prend souvent à déplorer l'infati-
gable activité de ce fouilleur.
(3) Eev. Arch., 1875, I, p. 74-77.
(4) Pjroutet, Notes sur les sépultures antérieures à Vdge de fer dans le Jura Salinois.
L^Authropologie, 1901, p. 29 : tumulus du bois de Sery (p. 37), tumuli de la Rivière,
près de Pontarlier; une lance à douille, une hache à ailerons, une faucille, deux
épingles et une spirale, le tout en bronze.
(5) Voir les planches publiées par A. Bertrand, Rev. archéoL, 1861, T, p. 1 et pi. I
et IL
336 J. DÉCIIELETTE.
étendue. On y a rencontré des inhumations et des incinérations,
avec un bon nombre de vases. Les bronzes, peu abondants, con-
sistent en épingles à tête sphéroïdale, épingles à tôte repliée en
crosse, rasoirs, bracelets ouverts. Les perles d'ambre complétaient
les objets de parure en métal (1). Le fer fait entièrement défaut.
Les tumulus d'Arthel, dans le même département, ont livré sur-
tout des bracelets et des débris de poteries ressemblant à celles de
Fougues (2).
A Dompierre (Allier), une nécropole du même âge que les précé-
dentes et également très riche en poteries, a été détruite par
Texploitation d'une sablière (3).
Sur le plateau de Saint-Barnaid, près Trévoux (Ain), on a mis
au jour vers 1862 un assez grand nombre de sépultures apparte-
nant à diverses époques, depuis le néolithique jusqu'à l'époque de
La Tène (4). A l'âge du bronze, ces sépultures sont des tumulus de
faibles dimensions, où l'incinération domine. Les cendres étaient
déposées dans des vases en terre, protégés par des galets. Les
types céramiques et les objets de bronze se classent pour la plu-
part à l'âge du bronze IV.
Nous ne pouvons nous arrêter ici à l'étude de la céramique de
l'âge du bronze, qui fait l'objet spécial d'un chapitre de notre
Manuel. Nous avons essayé d'en présenter un classement par
périodes. Pendant la dernière, les séries céramiques les plus
importantes sont les suivantes :
1. Les vases à panse cannelée (fig. 9, n"" 2-9));
2. Les vases à sillons horizontaux (fig. H, n°' 1-6) ;
3. Les vases mamelonnés (fig. 10) ; ^ •
4. Les vases unis, apparentés par leurs formes à ceux des
séries ornées précédentes (fig. 11, n°' 7, 11-13).
Nous avons déjà parlé des vases à anses multiples des périodes I
et IL A la période III et peut-être aussi à la précédente doivent se
classer, croyons-nous, des vases très caractéristiques de l'âge du
(1) Dr Jacquinot et P, Usquin, La nécropole de Pougues-les-Eaux [Nièvre), Mat.,
1879, p. 385, nombreuses figures. Cf. Mat., 1877, p. 237.
(2) Jacquinot, Mat., 1881, p. 71.
(3) Nous devons à M. Bertrand de Moulins, les dessins de quelques-uns de ces
vases importants pour la connaissance de la céramique du l'âge du bronze (voir fig. 9
et 11}.
(4) Valentin-Smith, Fouilles dans la vallée du Formans {Ain), Lyon, 1888, plusieurs
planches.
LES SEPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE.
337
bronze dont le décor est profondément gravé ou estampé, sans
doute pour recevoir le plus souvent des incrustations en pâte
blanche. Ces vases étant par suite creusés sur tout leur pourtour
d'alvéoles profondes, nous les désignons sous la dénomination de
vases alvéolés (Hg. 8j. M. Chauvet a signalé de beaux spécimens
de cette série découverts à la station du Bois du Roc^ commune
de Yilhonneur (Charente) . Cette céramique présente en raison
de sa large diiïusion une grande importance. Elle est répandue en
Alsace et en Souabe et se retrouve dans le midi et dans le centre
de la Frajice. On y reconnaît deux types distincts, le gobelet et la
FiG. 8. — Poteries des tamulas de l'Alsace; âge du bronze II-IIL Les vases n^s 2-5
appartiennent à la série des vases <» alvéolés » (l).
coupe, le vase à verser et le vase à boire. On doit évidemment con-
sidérer ces vases comme les succédanés et les dérivés immédiats des
vases dits caliciformes, vases de Tàge du cuivre, dont le décor se
compose d'impressions non pas profondes, mais légères, disposées
également en zones horizontales. De part et d'autre, les deux mêmes
formes se répètent. L'anse des vases alvéolés n'est même pas une
nouveauté, car on la trouve parfois sur les vases caliciformes et sur
les coupes de la même série.
Quelques exemplaires, découverts sur le territoire allemand,
(1) 1, A. W. Naue, Denktiiaeler der vorrôm. metallzeit im Elsass, Strasbourg, 1905,
pi, vil, 47; — 2, ibid., pi. VII, 46; — 3-5, ibid., pi. XIII, 107, 104, 105.
l'amhropologie. — T. xvrii. — 1906. 22
338
J. DÉCHELETTE.
nous procurent pour la date de cette céramique alvéolée un point
de repère chronologique. Ils étaient associés par exemple, dans des
sépultures tumulaires de Magerking-en (Jura de Souabe), à de
longues épingles de ïàge du bronze 11 ou III. L'inventeur de ces
tumulus, M. Iledinger, les attribue d'ailleurs à la première moitié
de l'âge du bronze (1).
Les alvéoles se présentent le plus souvent sous la forme de
triangles disposés en zones. En s'allongeant, les triangles de la
zone inférieure (fig. 8, n^ 2) ont donné naissance à des cannelures
triangulaires (fig. 9, n^ 1), De ces derniers vases, ornés towt à la fois
de triangles alvéolés et de cannelures, sont peut-être dérivés les
vases à simples cannelures de la période IV, cannelures tantôt ver-
ticales {(\g. 9, n°2-5), tantôt obliques (fig. 9, n« 6), tantôt brisées
Fio. 9. — Poteries ornées de cannelures. Age du bronze IV (2).
(fig. 9, n^ 7). Une importante série de ces derniers types provient
de la nécropole de Dompierre (iVllier), où l'on rencontre également
les vases à sillons horizontaux, de même qu'à Saint-Darnard (Ain).
La série des vases à mamelons est moins abondamment repré-
sentée en France que dans les pays d'outre-Rhin. L'exemplaire
n° 2 de la figure 10 provient d'un tumulus du bois de Lemainville
en Lorraine. Les tumulus de l'Alsace en ont livré de nombreux spé-
(1) Archiv fUr Anthropologie^ XXVIII, l^r et 2^ trimestres, p. 165.
(2) 1, 2, 3, 5, Alsace (A. W. Naue, Denkmaeler, pi. Vil, 45; pi. Yl, 38; pi. Vi, 42;
pi. XllI, 109); — 4, Grotte de Nermont, comm. Je Saint-Moré, Yonne {Matériaux,
1887, p. 514); — 6, 7, nécropole de Dompierre (Allier). Dessins inédits communiqués
par M.Bertrand, conservateur du musée de Moulins; — 9, tumulus de la Haute
Bavière (J. Nauk, die Bronzezeit in Oberbayern, pi. XLV, 1) ; — 8, Nécropole de
Pougues-les-Eaux, Nièvre, Jacquinot et Usqui.n, La nécrop. de Fougues, Extrait du
Bull. Soc. nivernaise, 1878. pi. I.
LES SÉPULTURES DE L'AGE DU BRONZE EN FRANCE.
339
cimens. De la Gaule orientale, ces vases ont rayonné vers l'Est :
ils ont dû servir de prototypes aux nombreuses poteries dites liisa-
demies, dont les formes et le mode d'ornementation sont similaires.
Un examen plus détaillé et plus complet de la céramique des
sépultures de Tâge du bronze nous entraînerait à de trop longs
développements. Nous avons voulu simplement signaler ici
l'importance de quelques grandes séries qui n'ont pas encore été
l'objet d'une étude synthétique.
Les sépultures de Tàge du bronze III et IV de la France ne sau-
raient être convenablement étudiées, si on ne les rapprochait des
FiG. 10. — Vases mameloQûés. Age du bronze IV (1).
dépots funéraires de la même époque de la Suisse, et surtout de
ceux, bien plus nombreux, de l'Allemagne du sud et de la Bohême.
Cette étude comparative présente d'autant plus d'intérêt et d'utilité
que Ton possède pour quelques-uns de ces différents pays des mono-
graphies d'ensemble qui font encore défaut dans notre littérature.
Dans la Haute Bavière seule, plus de trois cents lieux de sépulture
ont été explorés avant 1891 par M. Julius Naue, à qui Ton doit une
(1) 1, Alsace, A. W. Naue, Denkmaeler, pi. VII, 48; — 2, turaulus de Lemaiuville,
Lorraine (Comte Beaue'ké, Fouilles dans les tum. des bois de Beiiney el de Lemain-
ville, Nancy, î904. pi. 1); — 3 et 5, lumulus de la Haute Bavière (J. Naue, Die BroJi-
zezeit in Oberbayern, pi. XLII, l et pi. XLIV, 2); —4, poterie de type lusacien, prov.
de Brandebourg (A. Voss, Zeits. f. EUinoL, 1903, p. 170, fig. 11).
3i0
J. DECHELETTE.
grande publication sur ses découvertes (1 ). M. Naue a distingue deux
époques seulement dans l'âge du bronze de la Bavière. Les tombes
de la première période sont relativement pauvres. Tous les objets
en bronze sont fondus, en métal mince. Les épées, les lances et les
couteaux font à peu près défaut. On trouve beaucoup d'ambre,
mais l'or manque. Les épées, les tlècbes, les pointes de lance et les
couteaux apparaissent au contraire dans les tombes de la seconde
période, dont l'inventaire est extrêmement riche; les objets en
ambre toutefois deviennent rares.
Les tombes de l'âge du bronze dans la Haute Bavière sont des
tumulus de pierres, à cella voûtée. L'incinération des morts domine
durant la seconde période. On rencontre aussi des inhumations et
des incinérations partielles. Les corps sont placés suivant des
FiG. H . — Poteries de l'âge du bronze IV. Vases à sillons horizontaux et vases unis (2).
directions diverses, mais il semble que l'on ait préféré l'orientation
est-ouest.
Les tumulus de pierres de la Bohême n'oiïrent pas moins d'ana-
logie avec ceux de la France orientale. De part et d'autre, on peut.
y reconnaître deux grandes catégories, ceux de l'époque du bronze
et ceux d'époque plus récente (Hallstatt et La Tène). Le poignard
(1) JuLius Naue, Die Bronzezeil in Oberbayern, Munich, 1894, Jn-4. Du même,
UAge du bronze dans la Haute-Bavière, Soc. d'Authrop.^de Lyon, 1892.
(2) 1 et 4, vases de type lusacien, prov. de Brandebourg, A. Vos?, Zeils. f. El/moL,
1903, p. 168, fiLT. let 2; — 2, nécropole de Dompierre, Allier. (Dessin communiqué
par M. Bertrand); — 3, 6, 7, 8, H, 12, 13, nécropole de Pougues-Ies-Eaux, Nièvre.
(Jacquinot et Usquin, loc. cit., pi. I, II, IV); — 5, nécropole de Saint-Barnard, Ain
(Vallentin Smith, Fouilles dans la vallée de Formans^pl. I); — 9, caverne de la
Baume, près Moûtbéliard, Doubs (H.L'Epée, Recherches archéol., Montbéliard, 1882,
pi. V, fig. 1). — 10, palafitte d'Auvernier, lac de Neuchâtel (Desor, Les Palafittes du
lac de Neuchâtel, 1865, p. 33, fig. 22).
LES SÉPULTURES DE L AGE DU BRONZE EN FRANCE. 341
triangulaire court et la hache plate, ces types classiques de 1 âge
du bronze I, n'apparaissent pas dans ces tumuli. Les principaux
types industriels, couteaux, haches, fibules, bracelets, corres-
pondent entièrement par leurs formes à ceux de la France orien-
tale et delà Bavière {i). Seule la céramique offre des caractères pro-
prement indigènes. 11 taut ajouter qu'en Bohême comme en France,
le peuple des tumuli de Ysige du bronze n'est connu que par ses
sépultures. On n'a pas encore retrouvé de restes d'habitations
correspondant aux dépôts funéraires (2).
Le plus grand nombre des tumulus de l'âge du bronze de l'Alle-
magne du sud et de la Bohême appartiennent aux périodes II et
III. Pendant la quatrième période^ on rencontre surtout des nécro-
poles par incinération que les Allemands désignent sous le nom
de champs cTtirnes (Urnenfelder). Cette dénomination pourrait
également s'appliquer aux nécropoles françaises semblables à celle
de Pougues-les-Eaux dont nous avons parlé. Nous verrons que le
même parallélisme se poursuit dans les mêmes régions aux époques
ultérieures.
M. Pic, en étudiant les antiquités de l'âge du bronze en Bohême,
a dressé la carte géographique des tumulus qui, tant par leur cons-
truction que par leur mobilier, présentent une analogie caracté-
ristique avec ceux de son pays. Les tumulus de l'Allemagne méri-
dionale et centrale, de la Suisse et de la France figurent seuls sur
cette carte, à l'exclusion de ceux des Iles Britanniques, de la Scan-
dinavie, des régions alpestres situées au sud de la Suisse, de ceux
de la presqu'île balkanique et de la Russie, groupes divers qui se rat-
tachent à des civilisations différentes et dont nous n'avons point à
parler ici.
Les sépultures de l'âge du bronze en Suisse ont été étudiées par
M.Heierli (3). M. Heierli fait observer qu'à l'époque néolithique les
(1) Ils sont au contraire très nombreux en Bohême dans les sépultures dites
d'Uaelice. Voir Pic, Starozitnosti, t. I, fasc. L
(2) Pic, Slaroz. Zerné Ceské^ t. I, fasc, 2. Pokoleni Kamennîch mohyL{Le, peuple des
tumulus de pierres); Prague, 1900, 37 planches et plusieurs cartes. Voir notre analyse
de cet ouvrage (avec figures) dans U Anthropologie, 1901, p. 413. Parmi les tombes
les plus célèbres de l'âge du broDze en Bohêmo, nous citerons celle de Milavec, de
même date que celle de Gourtavant et conteufint un curieux chaudron de bronze à
roues, une épée de bronze de type bavaro-hongrois et des épingles (Pic, loc. cit.,
pi. XXVII.
(3) Voir son article dans VAnzeiger fUr Schweiz. Allerlumskunde, 1897, p. 42; Die
bronzezeitlischen Gràber in Schweiz.
342 J. DECHELETTE.
tombes de la Suisse sont à inhumation. Les squelettes gisent dans
des cistes en pierres et présentent une posture repliée. A la fin de
celte période apparaissent dans la Suisse allemande des tumulus
à incinération. Durant 1 ài^e du bronze, les sépultures delà Suisse
orientale dilTèrent de celles de la Suisse occidentale. Dans le terri-
toire de l'ouest, les cistes se sont conservées et l'on rencontre en
outre des sépultures en pleine terre; dans l'est, au contraire, on
trouve des tumulus à incinération et des tombes plates à urnes ciné-
raires. Nous croyons que ces diversités sont souvent explicables
par des écarts chronologiques plutôt que par des considérations
ethnographiques.
La tombe à ciste d'Auvernier, sur les bords du lac de Neuchâtel,
tombe décrite par Gross, est célèbre dans 1 histoire de l'archéologie
préhistorique, parce qu'elle compte parmi les premières tombes
connues de l'âge du bronze (1).
Nous n'avons indiqué dans cet aperçu que les sépultures les plus
caractéristiques ou les nécropoles les plus importantes. Ces
exemples suffisent à démontrer que l'on ne saurait plus parler
actuellement de la pénurie des sépultures de l'âge du bronze en
France. Certaines de nos provinces, il est vrai, ne nous en ont pas
encore livré, mais l'activité ou la sagacité de quelque nouveau tra-
vailleur peuvent d'un jour combler en partie ces lacunes ou du
moins atténuer l'inégalité que nous constatons actuellement, à cer-
taines périodes, dans la répartition géographique de ces dépôts.
(1) V. GnAMitE, Age du bronze, 2^ partie, p. 65.
L'ÉPÉE DE BHENNUS
PAR
Salomon REINACH
Si l'on en croit Polybe, qui seul nous a conté en détail les guerres
des Romains contre les Gaulois en Italie, au in^ siècle avant notre
ère, les forgerons celtiques étaient de bien médiocres artisans. Ils
fabriquaient de lourdes épées camardes, d'un fer si mou et de qualilé
si mauvaise qu'après avoir frappé un premier coup elles se repliaient
sur elles mêmes ; le guerrier gaulois devait quitter le front de bataille
pour redresser à l'écart le fer de son arme^ comme le moissonneur
rebat sa taux dans son champ. Encore les épées gauloises étaient-
elles bien plus défectueuses que dos faux, car celles-ci servent du
moins pendant quelques heures avant d'avoir besoin d'être aigui-
sées, tandis que l'épée, au dire de Pol3be, était lamentablement
faussée et tordue dès le premier choc.
Le texte de Polybe, qui nous apprend cela, n'est pas le seul; on
trouve à peu près la même chose dans Plutarque et dans Polyen.
Mais Plutarque a tiré son information de Polybe et Polyen a copié
Plutarque. Trois textes qui dérivent de la même source ne font tou-
jours qu'un texte; vérité évidente, mais que les historiens modernes
semblent trop souvent avoir ignorée.
La soumission définitive des Gaulois dltalie eut lieu en 222.
Polybe, né vers 21o,\sept ans après, put connaître et interroger
des hommes qui avaient pris part à ces luttes terribles; il put
aussi se faire l'interprète de légendes en voie de formation. Quoi
qu'il en soit, son témoignage est très clair; on peut chercher à
l'expliquer, non le récuser.
Racontant la campagne du consul C. Flaminius contre les In-
subres, en l'an 223, Polybe s'exprime ainsi (1) : « Les Gaulois
(1) Polybe, II, 33 (trad. Bouchot, t. I, p. 133; trad. Cougoy, Extraits des auteurs
grecs, t. II, p. 105). Pourquoi Gougny a-t-il traduit : « courbées comme des strigiles »,
alors qu'il y a seulement xapiTrTOfxsvai dans le grec?
l'anthropolosie. —• T. xvir. — 1906.
3',6 S. REINACH.
posti'rieur. Polycn a copié Plutarquo littéralemeot dans le court
paragraphe qu'il a consacre à Camille dans ses Stratagèmes (l).
Ces passages ont d'autant moins d'autorité que l'histoire entière de
Camille, dans Plutarque comme dans Tite-Live, appartient au
domaine de la légende.
Les écrivains latins n'ont rien dit de la mauvaise qualité des
épées gauloises, mais ont parlé seulement de leurs pointes camardes.
C'est donc avec surprise que Ion voit M. Brizio, directeur du Musée
de Bologne, citer à ce sujet Tite Live, XX, chap. 4^ et 49 y au cours
d'un mémoire sur la nécropole sénonaise de Montefortino, publié
en 1899 dans les Monumenti antichi (2). Non seulement M. Brizio
renvoie à ces texies, mais il en constate Tanalogie avec celui de
Polybe. Or^ il est assez noloire que la seconde décade de Tite Live
n'est pas parvenue jusqu'à nous ; une référence au livre XX ne
laisse pas de paraître singulière. J'ai pu m'assurer que M. Brizio
a copié ces deux références (et plusieurs autres) dans un mémoire
du comte Gozzadini, publié à Modènc en 1879, Di un anticosepolcro
a Ceretolo (p. 23, 2i). Ce dernier auleurne se borne pas à signaler
les prétendus textes de Tite Live; il les analyse et parle, d'après
eux, des deux défaites des Gaulois à Télamon et sur les rives du
Pô. J'ignore où Gozzadini lui même a copié ses références ; mais elles
remontent sans doute à quelque vieil ouvrage où les Suppléments
de Freinsheim à Tite Live avaient été mis à contribution. Comme
c(t^ Suppléments, publiés en !6i9, sont en partie traduits de Polybe,
il n'est pas étonnant que MM. Gozzadini et Brizio aient cru que
Polybe était la source de Tite Live ; il l'est davantage que deux
archéologues estimés, à vingt ans de distance, se soient donné
le ridicule de prouver qu'ils citaient Tite Live sans avoir pris la
peine de l'ouvrir.
Presque tous les historiens modernes ont accepté sans réserves
le texte unique de Polybe et répété que le fer gaulois ne valait rien;
tout récemment encore, M. Andrew Lang, rappelant l'usage fait
du témoignage de Polybe par M. Bidgeway, ajoutait spirituelle-
ment : « Their swords were as bad as, or worse tkan^ British
bayonets : theij ahvays doubledup » (3). Mais^ déjà au xvni® siècle,
un militaire, membre de l'Académie des Inscriptions, M. de Sigrais,
(1) PoLYEN, Slratag., VIII, 7.
(2) Monumenti antichi, 1899, t. IX, p. 756.
(3) Revue archéol., 1908, I, p. 291.
L'EPEE DE BRENNUS. 347
avait exprimé des doutes qui font honneur à son esprit critique (1) :
« Cette assertion (de Polybe), écrit-il, doit nécessairement se
restreindre à l'action dont il fait le récit ou à quelques faits rares
qui se présentaient peut-être à sa mémoire. En la prenant dans
toute sa généralité apparente, concevrait-on qu'une nation qui avait
toujours le fer à la main n'en ait connu ni la qualité ni la trempe, et
qu'avec de telles armes elle eût gagné des batailles et résisté pen-
dant plusieurs siècles aux Romains?... 11 est vrai que Plutarque
suppose les Gaulois armés de ces épées molles dès le temps de
Camille; on sent qu'il les a prises de Polybe, ensuite Polyen a copié
Plutarque et toutes ces autorités ont induit en erreur les écrivains
modernes ». Cela est fort bien raisonné (2). M. Brizio qui, en 1899,
est revenu sur le même sujet (3), observe aussi que les Gaulois d'Ita-
lie, en rapports constants avec les Etrusques, auraient pu certaine-
ment acquérir de ces derniers des épées utilisables, s'ils ne savaient
pas en fabriquer eux-mêmes. Malheureusement, M. Brizio, qui
est étruscomane, tire de ces prémisses de fausses conclusions :
parce que les épées gauloises, provenant des tombes sénonaises
de Montefortino dans le Picenum, sont de bonne qualité et d'un
fer très résistant, il af(irme que ces épées, comme les casques
et les fibules découverts au même endroit, sont de fabrication
étrusque, que les Gaulois de la Gaule n'avaient aucune indus-
trie digne de ce nom et que les belles armes trouvées dans les sépul-
tures gauloises de la Champagne sont elles-mêmes d'importation
étrusque (4). J'ai réfuté ailleurs ces hérésies archéologiques (5),
auprès desquelles la confusion de Freinshemius avec Tite Live
paraît une erreur presque vénielle.
Il serait hors de propos de démontrer ici que l'industrie de la Gaule
(1) Considérations sur l'esprit militaire des Gaulois, par M. (de Sigrais), capitaine
de cavalerie, de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, 1174,
p. 26. Ce livre a 6té acquis pour la bibliothèque du musée de Saint-Germain par
feu MazarJ, qui l'a cité dans la Revue archéologique (1880, I, p. 168). Mazard, copiant
Gozzadiui, a également allégué, dans son article, les passages inexistants de Tite-
Live. — Sur Sigrais, cf. J. Lemoine, Çorrespoyidance amoureuse et militaire, p. 271,
(2) Belloguet [Ethnofjénie gauloise, t. III, p. 436-7) admet sans sourciller ce qui
paraissait impossible à Sigrais : « Souvent ils étaient obligés, ces terribles pourfen-
deurs, d'interrompre leurs coups pour redresser avec le pied leurs mauvaises lames...
Pendant deux ou trois siècles, de terribles défaites détruisirent plusieurs de leurs
armées, sans qu'ils songeassent à changer leur manière de combattre ou un arme-
ment aussi défectueux ».
(3) Monumenti anlichi, t. IX, p. 758.
^4) Ibid., p. 757.
(5) S. Reinagh, L Anthropologie, 1902, p. 267-272.
348 S. REINAGH.
était très développée dès l'an 400; c'est là une vérité que les décou-
vertes archéologiques ont établi sans contestation possible. Mais,
comme je Tai fait voir il y a douze ans, dans une critique d'un
mémoire de M, 0. Ilirschfeld, on peut môme alléguer un texte
classique pour prouver que les ouvriers gaulois en métaux étaient
appelés, vers le début du v° siècle, en Italie (1 ). Pline l'Ancien raconte,
d'après le Xh livre des Anliqiiitates de Varron, qu'un Helvète
nommé Ilélicon, ayant résidé à Rome fabrilem ob artem, rapporta
dans son pays une figue sèche, du raisin, de l'huile et du vin, ce
qui donna à ses compatriotes l'idée d'envahir lltalie. M. Ilirschfeld
avait pensé que cette histoire ne devait pas être antérieure à la guerre
des Cimbres, époque à laquelle les Romains connurent pour la pre-
mière fois les Helvètes. J'écrivais à ce propos : « On peut n'êlre
pas d'accord sur ce point avec le savant allemand. L'Helvète Héli-
con a séjourné à Rome fabrilem ob artem. Cela ne veut pas dire
qu'il y soit venu pour apprendre un métier, mais pour exercer le
sien. Or, les découvertes faites dans la station de La Tène, sur le
lac de Neufchâtel, nous ont montré quelle était, en pays helvète^
l'excellence de l'industrie du fer, ars fabrilis^ vers le iv' siècle avant
J. C. Il n'y aurait donc rien d'impossible à ce qu'un ^lrtisan de ce
pays eût été attiré à Rome, comme les ouvriers de certaines indus-
tries allemandes l'ont été de nos jours à Paris, et qu'il fût revenu
chez les siens en faisant une description séduisante des richesses
du pays où il avait séjourné. Si donc la tradition recueillie par
Varron a quelque valeur, elle attesterait la présence des Helvètes
au nord des Alpes dès le iv® siècle avant notre ère. » M. Camille
Jullian a eu tout récemment l'occasion de se rallier à ma manière
de voir (2). Non seulement les forgerons celtiques n'avaient pas de
leçons à recevoir en Italie, mais il appert qu'on les y appelait pour
en donner.
Cela posé, le passage cité de Polybe réclame une explication toute
différente de celle qu'on admet ordinairement. Faut-il croire que
les Insubres de 223, à la fin d'une longue guerre, ne disposaient
plus que d'épées fabriquées à la hâte, que le texte de Polybe vise un
état de choses tout accidentel, indûment généralisé par les mo-
dernes? (3) Telle paraît avoir été l'opinion du capitaine de Sigrais.
(1) s. Reinach, ap. Bertraad et Reiaach, Les Celles^ p. 212.
(2) G. Jullian, Notes gallo-romaines, XXX (1906), p. 122.
(3) Le témoignage de Tacite sur les Aestii {rarus ferri, frequens fusLiumvsus, Germ.,
45) peut être dû à une géaéralisatioa analogue; cf. ibid., 6, où il parle, d'une manière
générale, de la rareté du fer chez les Germains.
L'ÉPÉE DE BRENNUS. 349
Mais Polybe semble bien dire que la mauvaise qualité des épées
g-auloises était chose avérée et reconnue, puisque les tribuns, avant
la bataille, en informent les troupes romaines et leur donnent des
instructions en conséquence pour le combat corps à corps. Son
récit est si détaillé qu'il n'aurait pas manqué d'expliquer en quel-
ques mots le caractère défectueux des armes des Insubres s'il avait
été, dans son opinion, l'effet de l'épuisement de leurs ressources,
et non celui du manque d'habileté de leurs artisans.
Le dernier archéologue qui ait traité avec détail des épées
anciennes écrit à ce propos : « Les épées de La Tène étaient forgées
avec du fer doux; par suite, elles se recourbaient facilement dans
le combat , comme cela est d'ailleurs attesté par d'anciens au-
teurs (1). » Rien de plus ; pas même un renvoi aux auteurs en ques-
tion. Mais il y a une différence importante entre une arme qui se
recourbe, qui tend à prendre le profil d'un sabre, et une arme qui
se replie sur elle-même comme une lame de fer blanc. Or, c'est
bien de cela que parle Polybe. Une expérience, faite au Musée de
Saint-Germain, avec une lame de fer de la longueur et de l'épais-
seur des épées gauloises, a prouvé qu'elle pouvait bien se fausser
en frappant violemment un obstacle, mais — le bon sens suffit à
l'indiquer — qu'elle ne se « doublait » pas. Pour « doubler » une
pareille épée, ou lui donner la forme d'un S, il faut qu'un homme
la torde fortement et longuement en l'appuyant contre son genou ;
une succession de coups, si énergiques qu'on les suppose, ne peut
pas produire le même effet.
L'information de Polybe ne repose-t-elle donc sur rien? C'est là,
de toutes les hypothèses qu'on peut faire, la moins admissible,
car Polybe est un historien de premier ordre. Son information est
d'ailleurs confirmée, du moins en apparence, parce fait que le capi-
taine de Sigrais ignorait encore et que l'abbé Cochet a constaté
d'abord en 1847 (2) : c'est que nous possédons un bon nombre
d'épées gauloises tordues, doublées, repliées en trois et même en
quatre. Signalées d'abord en Normandie, ces épées repliées l'ont
été depuis en Champagne, dans la vallée du Rhône, dans la vallée
du Rhin, en Suisse, dans 1 Italie du nord, en Hongrie et même en
dehors du domaine propre de la civilisation celtique, au Danemark
dans l'île de Bornholm (3).
(I) J. Naue, Die vorromischen Schwei-ler, iVIuiiicli, 1903, p. 89.
(2j Revue archéoL, 1863, I, p. 33; cf. ibid., 1859, p. 763.
(3) Pour les exemples signalés en Normandie, voir Coutil, DulL de la Société nor-
3S0 S. REINAGH.
Les arcliéologucs qui se sont occupes de ces epées repliées ont
tous rappelé les textes antiques qui mentionnent des épées gauloises
ainsi tordues; mais il est curieux de voir à quel point leur connais-
sance, d'ailleurs incomplète, des textes les a conduits à se contre-
dire sur la question de la qualité de ces armes. Techniciens eux-
mêmes ou éclairés par des techniciens, ils devaient avouer qu'elles
sont excellentes ; historiens, ou croyant Fêtrc, ils étaient tenus de
les déclarer exécrables. Voici comment s'exprime M. Vouga dans
son livre sur Les Helvètes à La Tène (p. 16); on sait que La Tène,
sur le lac de Neufchàtel^ marque l'emplacement d'un fortin helvé-
tique du xn" et du ii^ siècle avant notre ère, où Ton a découvert une
centaine d'épées en fer et quantités d'objets de harnachement,
d'usage ou de parure : « Les Gaulois travaillaient le fer et le bronze
avec une grande perfection ; plus de la moitié des épées étaient
encore dans le fourreau et, lorsqu'on parvint à les en sortir, elles
paraissaient n'avoir jamais été employées ; quant à celles qui sont
sans fourreau, beaucoup présentent des in tailles ou sont faussées.
Ce sont bien les épées pliantes et à pointe camarde que les histo-
riens romains [sic] nous décrivent, ces épées mal trempées qui se
ployaient sur les armes des Romains et se changeaient en strigiles
selon Polybe [Polybe n'a jamais dit cela ; cette comparaison avec des
strigiles est de l'invention du traducteur Cougny]. J'en ai redressé
plusieurs qui étaient ainsi faussées. »
Le mot « faussées » est assez vague; s'il s'agissait d'épées repliées
ou doublées, Vouga l'aurait dit. D'ailleurs, dans les quatre planches
d'épées qui accompagnent son mémoire, il n'y a pas une seule épée
repliée.
Le mémoire de Youga est de 1885 ; l'année d'après, 1886, M. le
D' Gross publiait son ouvrage La Tène, un oppidum helvète^ où sont
réunies, sur quatre planches phototypiques, les images des épées
trouvées à La Tène, toutes en fer et non tordues. A la p. 20,
M. Gross parle de la « perfection technique » des armes de La Tène ;
mais, à la page suivante, sous l'intluence du passage cité de Vouga,
mande d'études préhistoriques^ t. IX, 1901, p. 97, qui en indique aussi d'autres. Pour
la Champagne, voir Morel, La Champagne souterraine, p. 85 ; Coyon, Vart du fer à
Vépoque gauloise, p. 10, etc. Pour la vallée du Rhône : Bulletin du Comité, 1897,
p. 481-520 (avec planches). Pour la Suisse : Bonstetten, Armes et cliariots découverts
à Tiefenau, pi. V, etc. Pour l'Italie du nord, il suffit de renvoyer à une note de Dm-
zio, Monum. antichi, t. IX, p. 756. Pour la Hongrie : Rev. archéol., 1879, II, p. 214,
215. Pour Bornholm : Matériaux, t. XXII, p. 284. J'ai noté plusieurs exemples d'épées
repliées dans les Musées de la vallée du Rhin.
L'ÉPÉE DE BRENNUS. 351
que M. Gross a d'ailleurs omis de citer, il écrit : « Plusieurs épées,
principalement celles qui étaient encore renfermées dans leur
fourreau, sont parfaitement intactes et dans un état de conservation
tel qu'elles paraissent n'avoir jamais servi ; d'autres, en revanche,
témoignent d'un emploi répété par les brèches multiples de leur
tranchant ; d'autres encore sont entièrement faussées et quelques-
unes même sont brisées en plusieurs tronçons. » On ne s'étonne
pas que certaines épées, recueillies dans les ruines d'un fortin
abandonné depuis plus de deux mille ans, soient ébréchées, brisées
ou faussées; remarquez que M. Gross, comme M. Vouga, emploie
ce dernier mot, mais ne parle pas d'épées repliées sur elles-mêmes.
Toutefois, au mot faussées, il ajoute une note oii il transcrit ce qu'il
appelle « le jugement que porte Plutarque sur la manière de com-
battre des compagnons de Brennus. » Plutarque ne porte pas de
jugement, mais copie Polybe; il ne parle pas des compagnons de
Brennus, mais de Gaulois qui firent la guerre aux Romains vingt-
trois ans plus tard; enfin^ Polybe et Plutarque parlent expressé-
ment d'épées gauloises repliées et doublées, non pas d'armes sim-
plement faussées. La référence, outre qu'elle manque de précision,
pourrait faire croire à tort que certaines épées de La Tène ont été
trouvées dans le même état que beaucoup d'épées exhumées de
tombeaux celtiques, qui sont effectivement repliées en deux, en trois
et même quelquefois en quatre.
Ce qui est vrai de La Tène est vrai d'Alésia. Parmi les épées
recueiUies au cours des fouilles ordonnées par Napoléon III, quel-
ques-unes sont faussées et brisées, tant par l'effet des chocs que par
celui de la rouille; il n'y en a pas qui soient repliées.
Je n'hésite pas à affirmer que les épées repliées se sont toutes
trouvées dans des tombes celtiques et qu'on n'en a pas rencontré
dans les stations non-funéraires, dont les plus connues sont La
Tène et Alésia (1).
Mais pourquoi les tombes celtiques ont-elles donné en si grand
nombre des épées repliées? Les archéologues qui acceptent les yeux
fermés le témoignage de Polybe pourraient être tentés de répondre
que les guerriers, ensevehs dans les tombes, sont morts en com-
(I) '< Od repliait parfois les lances, les poignards et même de grandes épingles
mesurant 50 à 60 centimètres. En Normandie, ces découvertes ont toujours coïn-
cidé avec la présence de vases funéraires » (Cottii., Bull, de la Soc. normande d'études
pi'ékisl., t, IX, 1901, p. 101). Ces nécropoles normandes appartiennent à la seconde
phase du deuxième âge du fer (La Tène II).
352 S. RElNACll.
J)attant et que leurs épées s'étaient repliées en deux ou en trois au
cours des luttes suprêmes qu'ils ont soutenues. Mais il suffit de
faire observer, pour réduire cette hypothèse à néant, que l'épée
repliée en deux ou en trois se trouve très souvent dans son four-
reau (1); si elle avait été déformée sur le champ de bataille, en assé-
nant de g-rands coups sur les casques et les cuirasses des ennemis,
il est évident qu'elle se trouverait hors du fourreau et que le four-
reau, n'étant pas une arme, n'eût pas souffert.
Nous sommes donc en présence d'un rite celtique, rite que l'on
constate ailleurs encore qu'en pays celtique et qui rentre dans une
catégorie d'usages funéraires très répandus que l'ethnographie
étudie sous la rubrique de « brisures intentionnelles » (2). Les vases,
les figurines en terre cuite, les armes, les outils, les vêtements,
souvent même les objets de parure sont endommagés plus ou moins
gravement, brisés, mutilés, déchirés, avant que la tombe sereferme
sur le possesseur ou le porteur de ses objets. Je ne connais qu'un
seul texte antique mentionnant cet usage; c'est un demi-vers de
Properce : fracto busta piare cado (3)^ qui se rapporte à la brisure
des vases funéraires; mais les fouilles en ont fourni d'innombrables
preuves, que Millin et Millingen, au commencement du xix« siècle,
ont été, semble-t-il, les premiers à recueillir (4). M. Pottier et moi,
en explorant la nécropole de Myrina en Eolide, avons souvent
remarqué que la mutilation des objets, figurines, vases, ustensiles
de bronze, ne pouvait s'expliquer par la pression des terres ou la
vétusté ; la tête de telle statuette se trouvait dans un coin de la sépul-
ture, le corps dans le coin opposé; il était évident que les survivants
avaient brisé les figurines sur le bord de la tombe ouverte et en
avaient jeté les fragments dans la fosse avec le dessein de les
séparer (5). On remplirait un volume avec des témoignages de ce
genre; qu'il me suffise de transcrire quelques lignes de M. Vedel,
sur les fouilles exécutées par lui, avec beaucoup de conscience, dans
(1) Voir, au musée de Sainl-Genuain, les nos 4879, 4883, 11367, 13509 (épées tor-
dues dans leurs fourreaux, provenant de sépultures gauloises de la Marne).
(2) Voir surtout Verh. bevl. Gesellsch. filr Anihrop.^ t. XXIV, p. 166; Archiv fur
Anlhrop., t. XXIV, p. 180. Le même usage de briser des vases sur les tombes se
constate dans le Bourbonnais et le Berry, à Madagascar, en Nouvelle-Guinée, dans
la Grèce contemporaine, etc. — Il est inutile d'accumuler les références.
(3) Propepce, V, 7, 34.
(4) Voir mes Peintures de vases, p. 89, 91.
(5) Pottier et Reinacu, La Nécropole de Myrina, p. 103.
L'ÉPÉE DE BRENNUS. 333
les nécropoles de l'île de Bornholm (i) : « Beaucoup d'objets ont été
endommagés à dessein avant d'être enfouis; c'est notamment le cas
pour les armes; les épées sont tordues ou brisées; une d'entre elles
était roulée sur elle-même et une autre courbée en zigzag; la plu-
part étaient brisées en plusieurs morceaux qui n'ont même pas
tous été déposés dans la sépulture. Quant aux umbos de boucliers,
un tiers d'entre eux ont été brisés, aplatis, bossues ou détériorés...
Les bijoux d'or ont généralement été fracassés ou coupés en mor-
ceaux; quelques fibules de bronze ont aussi été brisées. Les vases de
bronze sont également réduits en fragments et leurs débris sont si
petits qu'il est impossible d'en reconnaître la forme (2). »
J'ai vu en Grèce, il y a vingt ans, déchirer les vêtements d'une
femme que Ton venait de déposer au tombeau Si l'on interroge les
survivants sur la cause de cet usage, ils répondent qu'on veut ainsi
décourager les violateurs de sépultures. Comme toutes les expli-
cations de rites religieux d'où la religion est éliminée par le rationa-
lisme, celle ci ne vaut rien. Elle se présente d'ailleurs si naturel-
lement qu'elle a été alléguée pour motiver la brisure et la torsion
des épées celtiques par ceux des archéologues qui ne voulaient pas
y voir l'cfTet du dernier usage de ces armes. « D'autres pensent,
écrit à ce sujet M. Morel (3)^ que les Gaulois étant essentiellement
nomades, on avait soin, aux funérailles du chef, de briser son épée
pour qu'elle ne tentât pas la cupidité des passants. » Les « passants »
qui auraient été tentés de violer une tombe de chef y auraient
cherché — et y ont cherché en eiïet — des objets de métal, dont la
matière oiïrait une certaine valeur ; brisés ou non, ils devaient avoir
le même poids. 11 y a des explications que le « bon sens » suggère
d'abord, mais qui ne résistent pas, pour peu qu'on les presse, à
l'épreuve du même « bon sens ».
L'idée primitive qui a inspiré tous ces usages est probablement
celle ci : le mort est un homme brisé; il faut que les objets qui
l'accompagnent dans la tombe soient brisés aussi. L'usage si
répandu de placer des objets dans les tombes a été généralement
expliqué, par les anciens eux-mêmes, comme TefTet de la sollici-
tude des vivants, qui veulent meubler la demeure du mort et sub-
venir ainsi aux besoins de la vie d'outre-tombe. 11 est incontestable
(1) Matériaux, t. XXII, p. 284.
(2) Les pointes de lance eii fer sont quelquefois tordues et pliées comme les épées
{Bull, du Comité, 1897, p. 502, 503; Monumenti anlichi, t. IX, p. 756).
(3) MoKBL, La Champagne souterraine, p. 85.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 23
354 S. REINACH.
que celte idée du don fait aux morts s'est manifestée de bonne
heure et a produit des conséquences dont les fouilles de toutes les
nécropoles portent témoignage; mais c'est une idée secondaire,
non primitive, et qui se concilierait mal avec Fliabitude de briser
la suppellex. A l'origine, non seulement le mort est tabou et ne
doit être touché (jae par certaines personnes, préparées d'avance à
cet oflice et purifiées après, mais tout ce que le mort a possédé ou
touché est lahoii égt lement. On ensevelit le guerrier avec ses armes ,
la femme avec ses objets de parure, parce qu'ils sont tabous et, à
ce titre, retirés delà circulation et du commerce, parce qu'ils sont
devenus « dangereux », au sens magique de ce mot. L'usage une
fois établi et confirmé par la pratique de longues générations, il
tendit, d'une part, a s'atténuer par la fraude pieuse de la substitu-
tion, consistant dans l'abandon delà partie pour le tout ou de l'image
pour la réalité — d'autre part, à prendre une signification nouvelle
par le développement de l'idée de don et d'offrande. L'étude du
sacrifice, où l'idée d'offrande est également adventice et secondaire,
mais où elle devient bientôt dominante, offre l'exemple d'une évo-
lution analogue qu'il nous suffit d'avoir indiquée ici.
Au dire de plusieurs antiquaires contemporains, les épées ployées
auraient été préalablement rougies au feu, probablement sur le
feu même du bûcher (1). Il faut repousser cette hypothèse, d'abonl
parce que les épées de fer celtiques pouvaient parfaitement être
pliées à froid en deux, en trois et en quatre (2), puis, parce que de
nombreuses épées ployées, en particulier celles qu'on a recueillies
dans les nécropoles de la Marne et de la haute Italie, proviennent
de sépultures à inhumation On a aussi pensé que les épées étaient
traitées de la sorte pour pouvoir être introduites dans les urnes
funéraires, ou placées comme des bandes de fer autour de ces
urnes (3); cette opinion est également réfutée par la prévalence
de l'inhumation dans les plus anciens cimetières celtiques, jus-
qu'aux environs de l'an 200 avant notre ère. Ce n'est pas à dire
que, dans les nécropoles celtiques à incinération, l'épée n'ait pu
quelquefois être chauffée avant d'être tordue et introduite après
{\) Coutil, Bull, de la Soc. normande d'études préhistoriques^ t. IX (1901), p. 99;
SaiDt-Veuant, Bulletin du Comité^ 1897, p. 514, 520; Pulsky, Rev. arcJiéol., 1879, II,
p. 216.
(2) L'expérience a été faile à Saint-Germain sur une lame de fer de mêmes dimen-
sions.
(3) Saiist- Venant, lac. /., p. 483, 4S9.
L'ÉPÉE DE BRENNUS. 335
torsion dans une urne; mais le rite de la torsion est antérieur à
celui de l'incinération et à l'usage des grandes urnes destinées à
recevoir les cendres du mort.
Nous avons établi : 1^ que la torsion des épées de fer n'est pas un
eiïet de leur emploi; 2** que c'est un rite religieux très répandu.
Reste à expliquer pourquoi Polybe, auteur judicieux et grave, a
signalé des épées celtiques tordues et doublées aux mains des der-
niers défenseurs de la Gaule Cisalpine.
La réponse à cette question s'impose : Polybe a connu, directe-
ment ou indirectement, des groupes de tombes celtiques contenant
des épées repliées, comme on en a découvert un grand nombre, au
xix^ siècle, à Marzabotto, à Bologne, dans les environs de Côme,
dans le Picenum ; il a cru, comme les archéologues modernes
jusqu'à notre temps (i), que ces groupes de sépultures marquaient
les emplacements de champs de bataille; il en a conclu que les
morts avaient été ensevelis avec leurs épées dans l'état oii celles-ci
avaient été réduites par la violence d'un suprême corps à corps.
Une fois les Gaulois d'Italie exterminés, chassés au delà des
Alpes ou réduits en esclavage, le territoire fertile qu'ils occupaient
et 011 ils pratiquaient surtout l'élevage fut réparti entre des colons
romains. Ceux-ci, rien qu'en labourant le sol, durent souvent ren-
contrer des nécropoles, dans les pays mômes où la résistance des
Gaulois avait été si longue à briser ; à l'aspect de ces grands corps
[procera corpora), ensevelis avec de grandes épées camardes du type
de La Tène II [gladii praelongi sine mucronibus), rephées sur elles-
mêmes et comme tordues, les nouveaux venus, encore hantés par
le souvenir des récentes batailles, durent naturellement s'imaginer
qu'ils en exhumaient les victimes. C'est de nos jours seulement
qu'on a cessé de croire qu'une agglomération de tombes marquait
l'emplacement d'un combat. N'a- 1- on pas vu encore, sous le second
Empire, des savants comme Quicherat et Castan alléguer les
riches nécropoles de l'Alaise francomtoise comme une preuve à
l'appui de l'identification d'Alaise avec le théâtre des victoires déci-
sives de César?
De tout temps, les anciens ont violé des sépultures et se sont
emparés de leur contenu; la TU[A5wpuxia, comme on l'appelait, n'est
(1) Un des premiers archéologues italiens qui aient décrit une nécropole gauloise,
saus en reconnaître le caractère, Giani, a intitulé sou ouvrage : Batlaglia del Ticino
(Milan, 1824).
350 ?. REINACII.
pas sculenicnt une pratique du moyen âge et de notre temps.
Quand les colons romains s'établissaient dans une région, ils se
hâtaient d'y fouiller les anciennes tombes. Slrabon nous Tapprend
expressément dans sa description de Gorintbe (1) : « Corinthe, écrit-
il, resta longtemps déserte ; elle fut restaurée par le divin César à
cause de la beauté du site. César y envoya comme colons un grand
nombre d'alfranchis qui, explorant les ruines et fouillant les tombes
(xà £pc{7:ta y.'.voOvTsç xai lohq ixqz-jz, (TJvavaay.àTCTOvTsç), découvrirent une
quantité de tessons de vases et de bronzes. Comme ces objets
étaient d un admirable travail, ils ne lassèrent aucune sépulture
inviolée et remplirent Rome d'antiquités dites nécrocorinlhvii^ qui
s'y vendirent à de très haut prix. Au début, les tessons de poteries
furent payés aussi cher que les bronzes de Corinthe ; mais, dans la
suite, cette mode passa, parce que les trouvailles de tessons devinrent
rares et que la plupart de ceux que l'on continuait à découvrir
n'étaient pas d'une aussi belle qualité que les premiers. » Ce passage
est d'autant plus intéressant qu'on y trouve la première mention du
commerce d'objets exhumés de tombes et Tune des rares mentions
de vases peints que la littérature antique nous ait conservées.
Un autre texte, beaucoup plus célèbre, peut recevoir quelque
lumière des considérations que nous avons fait valoir. Virgile,
dont le nom est celtique, comme l'a déjà reconnu Zeuss, dont
la mère Magia porte un nom celtique, qui est né en pays cel-
tique à Andes, dans le territoire de Mantoue, qui s'est montré
singulièrement informé des choses et des usages celtiques, Virgile,
lui aussi, a dû voir, dans sa jeunesse, des tombes celtiques ouvertes
par le soc de la charrue, laissant paraître des squelettes de grande
taille, à côté d'armes de fer rongées par la rouille. Lui aussi, comme
Polybe ou son informateur, a dû croire qu'il avait sous les yeux les
victimes d'une bataille sanglante et quand, vers la fm du premier
livre des Gcorgiques^ il prédit qu'un jour le laboureur découvrira,
en creusant les champs de l'Émathie, les corps des Romains tom-
bés dans les guerres civiles, il se souvient évidemment des spec-
tacles analogues qui ont frappé ses yeux et de l'interprétation
aussi naturelle que fausse qu'il en a donnée. Mon hypothèse s'auto-
rise à la fois del'épithète attribuée par Virgile au^ ossements, gran-
dia^ qui convient à des squelettes de Gaulois et non de Romains, et
de la mention des tombes, sepulcra. W n'y a pas de tombes pour les
(1) Strabon, VIII, 6, 23, p. 327 (éd. Didot).
L'EPEE DE BRENNUS. 357
victimes des guerres civiles; comme dit Lucain, répétant un lieu
commun, bcllam civile sepidcra Vix ducibiis; praeslare potest (1); si
Virgile parle ici de sépultures, c'est qu'il a dans l'esprit des
tombes de guerriers ensevelis avec leurs armes et pris à tort, par
ses contemporains et par lui. pour des guerriers morts au champ
d'honneur. Il n'est pas sans intérêt de découvrir ainsi dans Virgile
l'écho d'une impression d'enfance, d'un souvenir de la Gaule cisal-
pine^ analogue à ceux qui, cent ans plus tôt, motivèrent l'erreur
de Polybe sur la qualité des armes gauloises :
Scilicet et tempiis çcniet cum finibus illis
Agricola, incurvo terram înolilus aratro^
Exesa inveniet scabra robigine pila
Aut gra{>ibus rastrls galeas pulsabit inanes
Grandiaquc effossis niirabiiur ossa sepulcris (2).
En résumé, l'archéologie a mis hors do doute que les Gaulois
étaient de très habiles forgerons dès le v<^ siècle avant notre ère et
que leurs épées de fer, peut-être même d'acier (3), valaient au
moins les armes de leurs ennemis. Ces épées, à l'époque île l'Allia
et de la prise de Home, probablement même jusqu'à la (in du
iv^ siècle, étaient pointues, à double tranchant et servaient à fiap-
per d'estoc et de taille (4). Plus lard, un type piévalut (mais non à
titre exclusif] dont l'extrémité inférieure était camarde et avec
lequel on frappait seulement de taille (5); comme armes de pointe
les Gaulois avaient des javelots [gaesa) et des poignards, dont on
connaît un grand nombre, mais que Polybe n'a pas mentionnés dans
la description de leur armement. Les écrivains anciens, racontant
les guerres contre les Celtes au iii^ siècle et plus tard, ont eu raison
(1) Lucain, Phars., IX, 237.
(2) Virgile, Géorg., 1, 492-497.
(3) « L'épée longue, de faible épaisseur, le type de la période marnieune [La Tene l]
était en acier » (Ch. Goyon. L'art du fer à Vépoque gauloise^ Ghâlous-sur-.Marue,
1903, p. 15). L'auteur de cette intéressante brochure est un ancien ouvrier; il a
procé lé à de sérieuses expériences.
(4) Ibid.^ p. 6 : « Les épées de la Marne sont pointues et à double tranchant, ren-
forcées à leur axe d'une nervure longitudinale. C'était, par le fait, une arme d'estoc
et de taille. » 11 en est de même des épées gauloises de Moutefortino {Mon. anlichi^
t. IX, p. 756).
(5) Voir le passage souvent cité de Retfye sur les épées gauloises d'Alésia {Revue
arc/iéol., 1864, II, p. 346-7,i. A cette époque, personne ne soupçonnait encore révo-
lution que le type de l'épée gauloise a subie et qui n'a été révélé que par Tischler
eu 1885.
360 A. CIIEVniEH.
produit par la succession de trois coups 1' un assez fort, les deux
autres plus faibles et plus rapprochés, la demi-somnolence du Noir
qui laisse couler le temps en éprouvant la douce jouissance de ne
rien faire.
Le son du kirigny s'entend de très loin; par les nuits tranquilles
on reconnaît à 7 ou 8 kilomètres la présence d'un bateau indigène
qui se laisse tout doucement entraîner par la chaude brise de terre
tandis que l'équipage entier, allongé sur le pont, écoute en silence
un des matelots qui chante à mi-voix. Mais ce bruit est un peu
voilé, chantant, et très différent de l'appel brutal et heurté du
taboulé.
Celui-ci est toujours plus gros, mais plus court que le kirigny.
Comme lui, il est fabriqué au moyen d'une section de tronc d'arbre,
mais celle-ci est taillée par dessous en forme de calebasse et évidée
de manière à ne laisser que 3 ou 4 centimètres d'épaisseur de bois.
La partie évidée est recouverte d'un cuir très fort, tendu au moyen
de lanières et de chevilles aussi fortement que possible, et de plus, au
moment où on doit l'employer, on expose pendant quelques instants
le cuir à un feu de paille afin de provoquer une tension plus forte.
Pour battre de ce tambour, on se sert d'une sorte de cravache en cuir
tressé terminée par une partie renflée contenant des matières dures
soigneusement enveloppées de cuir. Deux hommes prennent le taboulé
de la main gauche, le soutenant par les courroies, et de la main
droite armée de la cravache frappent le cuir à tour de bras et alter-
nativement de manière à diminuer le plus possible l'espace de
temps qui sépare deux coups. Le roulement dure quelques minutes
et se termine par quelques coups isolés qui indiquent aux notables
que l'on convoque, par leur nombre conventionnel, le motif qui les
fait réunir.
Dans tout village constituant le groupement communal dans l'or-
ganisation indigène, il ne doit exister qu'un seul taboulé qui est
accroché dans la case du chef de village. Personne ne doit donner
l'ordre de le battre sauf le chef ou son remplaçant, qui est généra-
lement son fils ou son frère. Le roulement du taboulé sert à convo-
quer les notables chez le chef de village en cas de paix, à mener les
combattants au feu en cas de guerre, et à convoquer le peuple pour
les cérémonies religieuses, à la mosquée chez les Musulmans ou aux
arbres sacrés chez les Fétichistes. 11 est à remarquer que tandis
que les instruments de musique en général, surtout ceux à cordes,
ne sont employés que par les hommes de la caste spéciale des griots,
SOCIETE SECRÈTE DES SCYMOS. 361
ce sont, au contraire, toujours des hommes libres qui battent ce]
tambour. ,.■..'■.
L'invasion musulmane, toute récente en Afrique occidentale, a
fait disparaître chez nos Noirs toutes les manifestations artistiques
dont on retrouve des traces seulement dans les parties les plus
reculées du pays. La représentation de la figure humaine ou de
toute chose vivante étantinterdite aux croyants, nos sujets ont cessé
presque partout de sculpter des fétiches et de faire sur les murs
des cases des bas- reliefs grossiers représentant des scènes de la vie
indigène. Seuls les indigènes du Kissy et ceuxduBas-Nunez étaient
restés jusqu'à ces dernières années réfractaires à la propagande
musulmane, comme d'ailleurs à la pénétration européenne ; et si, à
l'heure actuelle, il est bien difficile de trouver un objet fétiche
semblable à celui que je possède, il y a dix ans, on pouvait en voir
de pareils chez tous les chefs importants du pays Bagas.
Ils sont devenus si rares depuis quelques années, qu'il semble
que dans leur zèle religieux et Tardeur de leur lutte contre les
idoles, les marabouts fassent briser les fétiches dès qu'ils ont
obtenu la conversion d'un chef de village. Or ils sont bien près
d'avoir atteint leur but, puisqu'en 1903 il ne restait que quatre
villages entièrement fétichistes dans toute la Basse-Guinée.
Les Musulmans, et d'ailleurs beaucoup de nos compatriotes,
voient dans un objet sculpté par des Noirs et représentant des êtres
humains, un fétiche, c'est-à-dire un objet sacré, ayant par lui-
même une puissance utile ou nuisible, et auquel les Nègres rendent
hommage. Rien n'est moins exact. Le Noir autochtone de la cote
occidentale se fait, ou plutôt se faisait avant notre arrivée et celle
des marabouts, une idée beaucoup plus relevée de la divinité et de
ses manifestations que nous ne le croyons généralement. Il admet-
tait l'existence d'un Dieu unique et tout puissant gouvernant le
monde, mais sans intervention directe sur les affaires des hommes ;
des puissances intermédiaires, généralement le bien et le mal, se
disputent la créature humaine, et celle-ci est directement sollicitée
par des esprits inférieurs. Ceux-ci rôdent autour des villages, peu-
vent s'incarner dans le corps d'animaux ou d'hommes, et leurs
desseins semblent généralement mauvais. On leur rend un culteî
propitiatoire, on laisse croître près du village de grands fromagers^
qui leur servent d'abris, de lieu de repos, de domicile officiel, si j,©;
puis ainsi dire; on y porte des offrandes, on sacrifie des bœufs
noirs et des poules blanches pour qu'ils cessent de tourmenter Icb:-
362
A. CHEVRIER.
pauvres morts, mais dans aucun cas on ne leur attribue un pouvoir
divin.
Dans les pays restes fétichistes, il existe sous les fromagers sa-
crés une case ronde dans laquelle n'entrent que les vieux initiés
sorciers ou notables Scymos, et dans laquelle sont renfermées des
statuettes de bois représentant des hommes ou des femmes dans des
poses toujours
les mômes, qui
semblent des at-
titudes emprun-
tées à quelque
ancienne liturgie
oubliée des peu-
ples qui vivent
maintenant en
Afrique et aux-
quels l'écriture a
manqué pour re-
cevoir de leurs
ancêtres une tra-
dition précise.
Ces statuettes re-
présentent les es-
prits qui habitent
dans le voisinage
du village ; elles
n'ont pas de pou-
voir propre, mais
on doit en pren-
dre grand soin
parce qu'en leur
manquant de res-
pect on irriterait l'esprit qu'elles sont censées représenter; déplus,
on ne doit pas les laisser voir à tout le monde. De cette dernière
pratique je ne vois d'autre raison que le désir des initiés d'entourer
leur culte de quelque mystère pour se donner une autorité morale
plus grande sur le menu peuple : les prêtres de toutes les religions
en ont usé ainsi.
Chrétiens et Musulmans ont considéré les fétichistes comme des
hommes de casle inférieure, à peine au-dessus du niveau moral de
Fin. 1. — Tambour taillé dans un seul bloc de bois de fro-
mager (ce tambour a appartenu à un grand dignitaire de
la société des Scymos).
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SCYMOS. 363
]a brute, sans compréhension, sans morale, qu'on avait le droit de
traquer comme du bétail et de réduire en esclavage. Si l'on avait
pris la peine d'étudier la langue et les coutumes de ces hommes,
sans parti pris, en voulant bien admettre que la vérité n'est pas
toujours seulement d'un côté des Pyrénées, et que l'on peut trou-
ver, sous des formes qui semblent étranges et barbares, de hautes
pensées philosophiques, on se serait peut-être aperçu que les soi-
disant sauvages n'étaient nullement inférieurs à leurs conquérants,
sinon par l'organisation guerrière, du moins au point de vue moral.
Le tambour fétiche que je'possède doit-il êlre tenu pour un fétiche
au sens propre du mot, comme l'entendent les prêtres musulmans
et chrétiens? Il me paraît que non. Au point de vue nègre, c'est
un objet d'art de grande valeur ayant exigé un travail considé-
rable de l'artiste qui Ta exécuté.
Tailler dans une seule pièce de bois de fromager le tambour, le
groupe de statuettes qui le soutient et le socle, exige de celui qui a
conçu et exécuté le projet un réel sens artistique^ d'autant plus
appréciable que l'auteur de ce travail vivait dans un village perdu
dans les terres basses du Nunez, n'avait certainement jamais vu
aucune sculpture, et qu'il n'avait à sa disposition que les haches et
les couteaux grossièrement forgés par le forgeron du village.
La signification du groupe qui sert de support au taboulé est
assez diflicile à préciser : il semble que l'artiste ait voulu représenter
les esprits qui président dans le village à la reproduction de l'es-
pèce humaine, les nouvelles générations servant de soutien à l'au-
torité du chef symbolisée par le tambour. Nous pourrions traduire
cette idée en français : la puissance de la nation réside dans l'es-
poir des générations futures sans cesse plus nombreuses.
Lorsque plus haut nous avons défini les types de tambours, nous
n'avons pas, et avec intention, parlé d'un socle quelconque, parce
que dans tous les villages musulmans, et même chez les fétichistes
qui ne pratiquent plus les rites en usage autrefois, le taboulé est
toujours taillé en hémisphère dans sa partie inférieure, sans aucune
ajouture. Seuls les chefs affiliés à la société des Scymos, c'est à-
dire pratiquant ostensiblement l'ancien culte, osent conserver dans
leur case des symboles à forme humaine.
Les Scymos. — En parlant des croyances religieuses des Noirs
fétichistes, nous avons été amené à employer le mot de Scymo,
nom indigène d'une société secrète autrefois fort puissante, en voie
de disparition aujourd'hui, fort peu connue des Européens, et dont
364 A. CIIEVRIER.
rexistencc et les coutumes peuvent présenter un certain intérêt
documentaire, son pouvoir politique ayant à peu près complète-
ment disparu. Pour en indiquer l'origine, il est indispensable de
rappeler brièvement Ihistoire des populations indigènes de la Gui-
née, histoire qui semble n'avoir jama-s été écrite et dont on ne
tr uve qu'un aperçu, d'ailleurs fort incomplet, dans la notice con-
cernant la Guinée et publiée lors de l'exposition universelle de
1900.
Les traditions des indigènes qui habitent actuellement le littoral
africain ne remontent pas au delà de 350 ans. A cette époque, la
côte était habitée par des tribus dont la trace même a disparu.
11 semble que ces populations étaient fort primitives, et ne
devaient guère être plus civilisées que celles qui se servaient des
instruments en pierres taillées que l'on retrouve un peu partout
dans le pays. Les occupants actuels n'ont gardé aucun souvenir de
ceux qui les précédaient et s'imaginent que leurs ancêtres ont
trouvé le pays désert. Il ne peut pas en avoir été ainsi, puisque les
Européens qui les premiers parcoururent la côte ont trouvé des
populations dont ils ont parlé dans leurs récits de voyages, et d'ail-
leurs les tribus du Haut-Niger, dont des familles sont venues à la
côte à des époques reculées, ont un langage parfois absolument
dissemblables de leurs frères d'origine. Chezles Bagas, par exemple,
seuls les noms de pays et de famille sont empruntés à la langue
mandé, la langue courante en étant devenue aussi dissemblable que
l'allemand du français.
Il est donc certain que les tribus nigériennes venues vers le
littoral ont trouvé des populations indigènes autochtones dont ils
n'eurent point de peine à devenir les maîtres en raison de leur supé-
riorité guerrière et peut-être intellectuelle, et que les deux races se
fondirent en un nouveau groupement humain qui ne conserva les
traditions que des envahisseurs, comme il arriva de la Gaule après
César.
Mais les autochtones étant de beaucoup plus nombreux, leur
lajigue devint celle des conquérants dont le métissage modifia des
caractères ethniques.
Par suite de cette origine composite du peuple, il est extrême-
ment difficile de donner une origine et une raison aux coutumes
comme aux traditions, et souvent nous nous trouvons en présence
d'usages que les Noirs les plus intelligents ne peuvent expliquer,
telle que l'excision des femmes par exemple.
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SGYMOS. 365
11 y a 300 ans environ, les tribus Bagas qui occupent actuelle-
ment le littoral g-uinéen étaient installées sur le Haut-Niger et le
Mongo, affluent de la petite Scarcie, entre Faranna et Falaba ;
les Tendas occupaient le Fouta central, les Timéné le Fouta du
Sud et le Limban, les Mandégny le littoral du Rio Pongo à la
Roquelle.
Au nord, vers le Haut-Sénégal et le Moyen-Niger, était un grand
empire soninké, et les Malinké habitaient les forêts, presque détruites
aujourdhui, du Kouranko.
Vers Tombouctou, des guerres religieuses se livraient entre les
hommes du désert, déjà musulmans, et les Sonrhai réfractaires à
rislam. Peu à peu l'agitation gagna les royaumes du Sud, et la
propagande islamique, après avoir provoqué FefTondrement de
lempire soninké, gagna les Toucouleurs ; des émissaires de Nioro
vinrent convertir les Peulhs épars et en paix dans les royaumes
nègres de la Haute-Guinée. Les Nègres, devant l'union desFoulbés
jusque-là épars et tributaires, tentèrent de conserver leur autorité,
mais ne surent pas unir leurs efforts. D'ailleurs les Bagas, les
Tendas et les Sankarani étaient pris à revers par d'autres tribus du
Moyen-Niger qui se convertissaient aux croyances nouvelles. Les
guerres terribles prirent fin, il y a environ 200 ans, dans une grande
bataille livrée au nord-est de Timbo, oii les Noirs furent totale-
ment battus et les Foulbés tellement épuisés par la lutte qu'ils ne
purent profiter de la victoire et laissèrent les vaincus s'éloigner en
paix.
Ceux-ci préférèrent l'exil à l'esclavage et la migration vers
Fouest commença pour les Bagas sous les ordres d'un chef nommé
Ibrahima et surnommé Bemba, c'est-à-dire l'Ancêtre, par les géné-
rations actuelles. Lentement, familles par familles, ils descen-
dirent du Niger par les sentiers accidentés qui contournent les
sommets escarpés des montagnes du sud du Fouta Djallon,
gagnèrent le bassin du Kounkouré qu'ils suivirent jusqu'à la mer,
puis se séparèrent en deux groupes dont l'un s'installa dans le
Kaloum (la presqu'île de Conakry) du consentement des Mandényi,
occupants du sol à cette époque, tandis que l'autre traversa le Rio
Pongo et s'installa en petits territoires indépendants, depuis l'ouest
de l'embouchure du Kounkouré jusqu'à celle du Cassini dans la
Guinée Portugaise. Les nouveaux Etats Bagas eurent à lutter contre
les tribus soussous qui suivirent leur migration quelques années
plus tard et qui sont originaires du Oulada (cercle de Kouroussa)^^
366 A. CIIEVRIER.
mais il semble qu'ils vécurent en bonne intelligence avec leurs voi-
sins établis avant eux ou vers la même époque, comme les Nalous
qui furent chassés delà province de Touba, et les Tendas qui habi-
taient antérieurement le bassin supérieur de la Comba ou Rio
Grande.
Les Bagas, les Nalous, les Tendas^ appartenaient à des types
humains peu diiïérents. Nègres présentant nettement les caractères
de la race noire, sans mélange avec les races sémitiques ou
ariennes, comme les Foulbés ou les Maures, ils ont des mœurs
sédentaires, sont agriculteurs, et peu querelleurs, mais résolument
attachés au sol qu'ils cultivent avec inlelligence ; ils sont loin de
manquer de courage et défendent leurs champs et leurs cases avec
une énergie féroce.
Les uns comme les autres pratiquaient, avant l'arrivée des Musul-
mans, le culte fétichiste dont nous avons dit quelques mots précé-
demment, ignoraient et ignorent encore Tesclavage, et vivent sous
le régime du communisme par villages.
Depuis quelques années, les Nalous ont adopté les mœurs musul-
manes bien qu'ils aient conservé leurs sorciers, et lesTendas, qui ont
eu à supporter des guerres terribles, sont dispersés dans les forets
du Compony par petits groupes qui ont principalement la chasse
comme moyen d'existence; mais les pays Bagas ayant conservé
leur organisation primitive constituent encore un curieux sujet
d'études et de remarques pour ceux que passionne la doctrine col-
lectiviste.
Les trois tribus dont nous venons de parler avaient échappé par
la fuite en pays Foula à l'esclavage, situation extrêmement pénible,
et redoutée presque autant que la mort. Les chefs Foulbés
n'avaient pas perdu tout espoir de réduire en captivité ces fugitifs,
qu'ils ont considérés jusqu'à l'installation de l'autorité française
comme des esclaves leur ayant échappé, et de fréquentes expédi-
tions furent envoyées contre eux par les almamys de Timbo. Les
marabouts, d'autre part, encourageaient vivement les chefs poli-
tiques à lutter contre les nouveaux groupements qui avaient énergi-
quement refusé de se laisser convertir. Divisés par petits groupes,
souvent par familles, dans un pays neuf, sans chefs communs, ceux-
ci avaient à défendre leur vie ou au moins leur liberté et celle des
leurs, leurs biens et leurs traditions, dans des conditions d'autant
plus défavorables qu'ils avaient affaire à des États indigènes disposant
d'une organisation rudimentaire analogue à celle de la France sous
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SCYMOS. 367
le régime féodal et disposant d'une force relativement importante.
Les besoins de la défense commune rendirent les Bagas ingé-
nieux par instinct de conservation, et ainsi fut fondée la société
secrète des Scymos.
Ceux-ci se donnèrent pour but de défendre le sol de la nouvelle
patrie des tribus, de repousser la propagande musulmane, de
maintenir les traditions de l'antique religion fétichiste, enfin de
remplacer l'organisation sociale de l'État à laquelle le tempérament
delà population répugnait, par une autorité puissante et indiscutée
qui put donner des défenseurs éprouvés et disciplinés aux villages
qui seraient menacés.
Ces différents buts semblent à des cerveaux européens tellement
légitimes et d'un intérêt si général qu'on ne conçoit pas bien la né-
cessité pour les poursuivre de créer une société secrète. Mais nous
avons devant nous une population primitive, presque sauvage,
parmi laquelle les gens intelligents sont fort peu nombreux. La
masse, indisciplinée et d'humeur inconstante, ne pouvait être menée
que par la crainte de choses cachées et dépassant sa compréhension.
Les patriciens romains avaient inventé les jours fastes et néfas-
tes avant que le droit ne fût codifié; nos Nègres imaginèrent des
rites bizarres et compliqués pour donner la crainte du surnaturel à
la population et inspirer le respect des chefs. 11 imposèrent aux
adeptes des privations et un entraînement méthodique à la lutte et
à la vie de brousse pour en faire éventuellement des guerriers
redoutables . 11 ne semble pas que leur raisonnement ait été mauvais .
Les mœurs que nous retrouvons encore aujourd'hui dans
quelques villages Bagas et dont les Scymos entendaient défendre
l'existence sont absolument différentes de celles des autres Noirs
voisins, qui sont tous convertis à un. Islam modéré, du moins
superficiellement.
Chez les Bagas Foré (Noirs), qui nous donnent le type de l'organi-
sation primitive, chaque village constitue une unité sociale, dans
laquelle la propriété du sol et des récoltes est en commun.
11 existe nominalement un chef de village, mais son autorité
est absolument nulle, et toutes les décisions importantes doivent
êtres prises du consentement unanime de la population représentée
par l'assemblée des gens mariés. Les discussions sont longues et
orageuses, et une décision ferme n'est prise que si les notables affi-
liés aux Scymos, et que l'on considère comme un peu sorciers,
n'ont pas déclaré les esprits favorables à la solution proposée.
*368 A. CIIEVRIER.
Lo sol occupe par ce peuple est à peine de quelques mètres plus
élevé que le niveau de la mer, et il existe d'immenses rizières très
habilement établies, défendues par des digues de plusieurs kilo-
mètres contre les ras de marée, digues dont l'exécution ferait hon-
neur à des ouvriers européens. La culture du riz au moyen des
simples pîoches indigènes exige un travail énorme, car la planta-
tion se fait d'abord en semis, les plants étant ensuite repiqués à la
main ; pas une mauvaise herbe ne doit rester dans le champ, et les
digues doivent être pendant cinq mois l'objet d'une surveillance
continuelle pour que la hauteur de l'eau soit maintenue au niveau
convenable pour l'état de croissance de la plante.
La rizière tout entière ainsi que les palmeraies d'Eléis qui se
trouvent dans le voisinage sont la propriété collective des habitants.
La culture et l'exploitation ont lieu en commun. Dès cinq heures
du matin, lorsque l'époque des cultures est arrivée, un homme
sonne le réveil au moyen d'une trompe formée d'une longue corne
de bœuf ou d'antilope. Tous les hommes et les femmes valides,
ainsi que les enfants à partir de dix ans, se rendent ensemble dans
les champs, laissant le village à la garde des vieillards et des tout
jeunes enfants. Le travail dure jusque vers trois heures et demie
ou quatre heures de l'après-midi sans aucune interruption ; une
nouvelle sonnerie de trompe rappelle les ouvriers qui rentrent au
village par petits groupes et s'occupent alors, les hommes de leurs
plaisirs, les femmes des soins du ménage et de la préparation du
repas du soir.
Lorsque le riz est arrivé à maturité, la récolte a lieu dans les
mêmes conditions ; le riz en paille est rassemblé au milieu du village
et partagé entre les familles au prorata du nombre de membres qui
ont participé aux cultures. Parfois le village vend la récolte en
totalité et partage le payement entre ses membres.
Les palmiers sont également possédés en commun par le village,
dont tous les membres peuvent participer à la récolte, mais les pro-
duits récoltés par chaque famille lui restent attribués sans partage.
De môme les petites cultures de plantes ménagères qui avoisinent
les cases sont propriété privée.
Les cases sont propriété privée, mais lorsque le besoin de les
construire ou de les réparer se fait sentir, le maître de la case fait
appel aux autres habitants qui doivent l'assister gratuitement dans
son travail.
Pour les palmiers à huile, qui sont une richesse considérable et
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SCYMOS. 369
une ressource alimentaire indispensable dans un pays où la viande
de boucherie fait totalement défaut, des mesures spéciales de pré-
servation ont été adoptées. La récolte des régimes est interdite sous
des peines fort sévères pendant deux périodes de plusieurs mois
pendant lesquels les régimes arrivent à maturité. Lorsque le mo-
ment d'autoriser la récolte est arrivé, les chefs font une sorte de
proclamation devant la case des fétiches, y sacrifient quelques ani-
maux, puis vont processionnellement visiter les palmeraies suivis
de toute la population. Le soir, une fête a lieu dans le village,
égayée par les danses des Scymos en costume rituel^ et surtout
par d'abondantes libations de rhum de traite et de vin de palme.
Le vin de palme est la boisson la plus employée, et les Bagas en
consomment des quantités invraisemblables. Après la récolte du riz,
du lo janvier au 16 février à peu près, les villages sont en fête
pendant un mois; pendant tout ce temps, le tamtam dure jour et
nuit, et il est à peu près impossible de trouver dans tout le pays
un seul homme qui soit de sang-froid.
Le seul travail auquel on se livre est la récolte du vin de palme
que les jeunes gens rapportent l'après-midi dans de grandes dames-
jeannes oii l'on a fait couler la sève des palmiers au moyen d'inci-
sions pratiquées la veille sur des pédoncules de régimes. Les indi-
gènes sont assez habiles pour pratiquer ces incisions en fatiguant
la plante sans la tuer.
L'habitation des Bagas ne présente aucune différence avec celle
des autres Noirs voisins, si ce n'est que les murs sont construits au
moyen de sortes de briques en vase séchée. En revanche, le cos-
tume est presque inexistant. Les hommes portent un vêtement de
dessus composé d'une pièce de tissu de coton pliée en deux et per-
cée au milieu d'un trou par où passe la tête, et un pantalon très
court atteignant à peine le genou, ou plus simplement un simple
mouchoir faisant le tour des reins et dont la partie inférieure re-
pliée passe entre les jambes. Quant aux femmes, leur costume se
compose de quelques perles rouges autour du cou, et de quelques
petits morceaux de bois passés dans le nez ou les oreilles ; le corps
est entièrement nu, mais je dois ajouter que ces femmes sont si
laides que l'idée ne vient pas de trouver impudique cette complète
nudité.
D'ailleurs la pudeur telle que nous la concevons est une chose
absolument incompréhensible pour les primitifs. Chez les Bagas,
une fille n'est autorisée à se marier que si elle a donné au préalable
l'anthropologie. — T. xvn. — 1906. 24
370 A. CIIEVRIËR.
à sa faniillcdes enfants (jui la remplaceront chez ses parents lors-
qu'elle aura suivi son époux. Celui-ci, de son côté, ne tient pas à
embarrasser sa maison d'une femme qui peut être stérile et ne
lui donnerait pas de descendance. 11 en résulte que l'usage s'est
établi de ne permettre aux (illes de se marier que lorsqu'elles ont
eu deux enfants. Or, comme la femme noire allaite ses enfants pen-
drnt plus de deux ans, et que pendant tout ce temps elle vit dans
un isolement complet, les épousées, en pays Bagas, sont un peu des
matrones lorsqu'elles unissent leur sort à celui de leur époux.
Les Bag-as sont polygames à la façon des Chinois ; c'est-à-dire
qu'ils épousent plusieurs iemmes lorsque leurs moyens le leur
permettent, et que, dans les autres, cas ils se bornent à avoir une
seule épouse.
Les Noirs de ces tribus n'admettent pas l'esclavage et préfèrent
la mort à la perte de la liberté. Ils prétendent d'ailleurs qu'ils ne
peuvent vivre en captivité et que ceux d'entre eux qui ont été en-
levés comme prisonniers de guerre et n'ont pu être rachetés par
leurs familles n'ont pas tardé à succomber. Les esclaves échappés
des pays voisins qui sont venus leur demander asile, ou ceux qu'eux-
mêmes ont achetés, sont admis dans la communauté comme les
hommes libres du pays.
Les trois circonstances de la vie indigène où se manifeste une
idée religieuse sont la naissance, la circoncision et la mort ; le
mariage n'a aucune importance.
D'après la vieille croyance dont les Scymos gardent le secret,
l'âme humaine est immortelle et transmigre, mais reste volontiers
dans la même famille. Chaque fois qu'un enfant naît, on s'enquiert
donc de l'origine de l'âme qui est en lui. Une matrone affiliée aux
Scymos prend l'enfant sur ses genoux, place sur le bord d'une table
et en porte- à-faux une pièce d'argent, puis interroge les "esprits
auxquels elle cite successivement les différents parents défunts en
leur demandant d'indiquer celui dont Tàme habite maintenant le
corps du nouveau-né. Lorsqu'elle a prononcé le nom qui convient,
la pièce tombe d'elle-même à terre.
Une cérémonie très compliquée a lieu huit jours après la nais*
sance ; c'est en même temps la fête des relevailles de la mère et le
baptême de l'enfant auquel on donne le nom d'un parent, si possible
de celui qui lui a lègue son âme. Toute la journée, les matrones chan-
tent des complaintes composées de litanies d'injures contre les
hommes qui imposent aux femmes les fatigues de l'enfantement.
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SCYMOS. 371
La circoncision des hommes et l'excision des femmes se prati-
quent une fois par an, au printemps, lorsque les enfants ont environ
10 ou 12 ans. Elle est opérée en dehors des villages par des vieil-
lards affilies aux Scymos, hommes ou femmes suivant le cas, et les
enfants qui ont subi cette opération se livrent pendant toute la
saison suivante exclusivement à la danse et au plaisir.
Les garçons sont revêtus d'une sorte de robe de bure couleur
ocre, avec un capuchon leur couvrant la tète. Les fillettes portent
leurs plus beaux vêtements, et les parentes ou amies leur prêtent
leurs bijoux ; en plus, elles s'ornent d'une sorte de petit tablier
formé de fds entrecroisés chargés de perles de verre de couleurs
diverses dont les dessins réguliers sont souvent fort ingénieux.
L'initiation au rite scymo commence un peu après la circonci-
sion, ainsi que nous l'expliquerons plus loin.
La mort d'un fétichiste est considérée comme un fait anormal et la
conséquence des maléfices soit des esprits, soit d'un ennemi, toutes
les fois que la maladie ou la vieillesse en sont le motif.
C'est là un trait commun aux mœurs de toutes les tribus non
musulmanes d'Afrique. Chez celles qui sont encore fort sauvages,
telles que les Kissiens, il arrive que le sort désignant un habitant
du village comme coupable delà mort d'un de ses concitoyens, le
malheureux soit réduit en esclavage ainsi que ses proches, ou con-
damné à une amende formidable.
Chez les Bagas, les mœurs sont plus douces, mais celui ou celle
que le sort désignerait à la vindicte du village se verrait en but
aux pires avanies et obligé de quiter le pays.
Chez les Bagas seulement, la famille cherche querelle au défunt
qui a commis la faute de se laisser mourir, et il se passe après
la mort d'un chef de famille une scène qui nous semble folle,
que le lecteur prendra sans doute pour une plaisanterie et qui est
cependant parfailement authentique. Dès qu'un chef de famille a
rendu l'âme, on fait une toilette sommaire du corps, et on l'asseoit
revêtu de ses plus beaux habits sur un escabeau, [)uis sa femme
s'approche de lui l'interpellant : « Dis-moi, mon mari, depuis que
nous sommes mariés as-tu eu quelque reproche à me faire? N'ai-je
pas été pour toi une bonne épouse, soigneuse, loyale et dévouée ?
Ne t'ai-je pas donné des enfants que j'ai élevés? N'as-tu pas cha-
que jour trouvé ton riz cuit à point et convenablement assai-
sonné?
« Alors^ si tu n'as pas de reproches à me faire, pourquoi me
372 A. CIIEVRIEU.
quitlcs-lu? Tu n'es qu'un làclic et un sans cœur de nie laisser seule
dans la vie. Voici ta punition ».
Et une gifle sonore s'abat sur la joue du pauvre mort qui n'en
peut mais.
Après la femme, les concubines, le père, la mère, les enfants, tous
viennent faire une scène analogue au défunt.
On songe ensuite à l'enterrer décemment. On lui fait une toilette
soignée, on l'enveloppe dans un drap blanc, puis dans des pièces
d'étoiïe d'autant plus nombreuses que le mort était plus riche, on
creuse un trou assez profond au milieu de sa case, et, après l'avoir
encore envelopé de nattes^ on l'enterre, en laissant attachée à son
poignet droit une bande d'étoffe blanche dont l'extrémité supérieure
est fixée au toit de la case.
La case est ensuite évacuée et on la laisse tomber en ruines. Un
mois après la mort, une cérémonie funèbre réunit la famille et les
proches. On immole pour le repos des mânes du défunt des ani-
maux dont on fait offrande aux esprits, on chante l'éloge du mort, et
on fait en son honneur un bon repas aussi copieusement arrosé que
possible.
Comme on peut le voir^ le rite scymo n'intervient pas dans la vie
ordinaire^ et les adeptes n'apparaissent que lorsque Tordre est
troublé, s'il convient de punir un coupable contre lequel les chefs
ne peuvent agir, ou pour imposer par la terreur le respect des
croyances et l'autorité des fétiches.
La plupart des Bagas, Nalous et Vieux Soussous sont affiliés à
la société, mais cependant on n'initie pas les enfants des étrangers
nouvellement arrivés dans le pays, ni les jeunes esclaves, bien
qu'ils ne soient marqués d'aucun signe de servitude.
Les hommes comme les femmes sont initiés, mais suivant des
formules spéciales, dans des lieux absolument séparés.
Pour tous, la première prescription est de garder un silence absolu
sur l'initiation, les formules liturgiques, le but delà société et ses
moyens d'action. 11 n'y a pas d'exemple que ce serment ait été trahi
par aucun adepte; d'ailleurs toute indiscrétion est rigoureusement
punie de mort. Ce que nous avons pu apprendre résulte d'indiscré-
tions involontaires, de conversations entre indigènes surprises alors
qu'ils croyaient pouvoir parler librement sans être compris.
La société se recrute parmi les jeunes gens d'une quinzaine
d'années, et leur temps d'initiation dure trois ans. Pendant ces trois
années, les néophytes doivent vivre dans la forêt sacrée dont ils ne
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SCYMOS. 373
peuvent sortir que la nuit et masqués. Il sont soumis à une disci-
pline très dure et on les entraîne à supporter sans faiblir les priva-
tions et la douleur physique. Ils ne doivent pas voir leurs parents^
et sont astreints à une chasteté absolue- Leur famille apporte à la
lisière du bois les provisions qu'on leur destine, et ignore même
s'ils vivent encore.
Les exercices d'initiation sont prescrits et surveillés par de vieux
initiés qui ne sortent presque jamais de la forêt et ne vivent pas de
la vie du village. Néanmoins, ils ont une grande influence et sont les
vrais chefs du pays, car on les consulte toujours dans les cas graves.
On leur attribue un pouvoir surnaturel, mais cependant pas funeste
comme celui des sorciers. Ils transmettent aux jeunes gens leurs
traditions et leur enseignent une langue spéciale comprise des
seuls initiés dont il ne nous a jamais été possible de nous procurer
un vocabulaire. Les consonances en sont rudes comme celles du
Kissien, sans l'aspiration du rhain arabe qui est si fréquente dans
le Ouololf et les idiomes Nigériens, et ne présente d'analogie avec
aucune des langues parlées actuellement dans les pays voisins.
Lorsque les trois années d'initiation des jeunes gens sont terminées,
leur retour au village donne lieu à une grande fcte dont la partie la
plus curieuse est la réception des nouveaux affiliés par les anciens.
Ces derniers sont placés sur deux rangs au milieu du village et
armés chacun d'une solide matraque. Les jeunes gens entièrement
nus, doivent passer entre les deux rangs de leurs anciens, en
marchant à quatre pattes et aussi vite que le permet ce mode de
marche, et chaque fois qu'ils passent devant un ancien, celui ci
leur assène un grand coup de trique. C'est une façon de baiser donné
au nouveau chevalier qui a mérité ses éperons qui conviendrait
assez peu à des Européens.
Le nouveau Scymo rentre dans la vie ordinaire et ne se recon-
naît plus des autres hommes que grâce à de petits tatouages sur la
figure, le dos et la poitrine.
Les femmes sont également initiées au rite scymo, mais d'une
façon bien plus sommaire, et seulement pendant un an. On ne leur
enseigne pas la langue secrète, mais seulement quelques chants,
la manière de pratiquer l'excision, des danses rituelles, et leur initia-
tion par les matrones semble plutôt une parodie de celle des hommes,
un simple simulacre destiné à satisfaire le besoin d'imitation qui
existe en elles.
Les Européens, de même que les Noirs étrangers au pays, ne
374 A. CIIEVRIER.
voient des Scymos que les manifestations extérieures des jours de
fête. Des jeunes gens revêtent alors le costume sacré qui se com-
pose d'un jupon court en paille rappelant celui de nos danseuses de
ballets, d'un justaucorps ég-alement en paille fine cousue et d'une
coilTure qui varie suivant le type représenté mais qui simule géné-
ralement une figure humaine en bois noirci, au revers de laquelle
est cloué un voile rouge qui cache le derrière de la tête. Certains
masques ont des cornes, d'autres de la barbe, d'autres simulent la
coiffure d'une femme, mais les types sont peu nombreux, cinq ou
six seulement, toujours pareils, et cela semble établir que l'on se
trouve en présence de la représentation d'anciennes divinités d'un
culte oublié en partie, dont la forme des divinités conservée par la
sculpture a été reproduite d'âge en âge.
Ces mascarades n'ont pas plus d'importance pour les Noirs que
celles du carnaval chez nous. Les Scymos dansent suivant les
rythmes qu'on leur enseigne dans la forêt, soufflent dans leurs
trompes et amusent la foule, mais ce n'est là qu'un jeu.
Dans les pays oii ils ont, au contraire, conservé leur autorité,
lorsqu'un événement grave nécessite leur intervention, ils sonnent
de la trompe dès la nuit tombée, et à ce signal toute personne non
initiée doit rentrer chez elle et fermer ses portes, éteindre toute
lumière et ne sortir sous aucun prétexte. Toute personne trouvée
dans les rues après le deuxième coup de trompe serait impitoyable-
ment assommée, et tuée si elle a cherché à reconnaître l'individu
qui se cache sous le masque scymo. Toute la nuit, la population
est terrorisée par des bruits infernaux que les adeptes produisent
en souftlant dans des trompes et en frappant des tambours bizarres.
Puis on bat le tambour de rassemblement, le taboulé des Scymos
qui se trouve dans la case du chef, et celui-ci reçoit les instructions
de la société. Au jour, il ne reste trace de rien dans le village si ce
n'est quelque imprudent ademi-assommé, et l'on exécute les volon-
tés qui ont été notifiées au chef.
Depuis que la France occupe la Guinée, les Scymos ne se per-
mettent plus les manifestations nocturnes telles que celles que
nous venons de décrire, leur franc-maçonnerie est devenue une
société d'assistance mutuelle et de résistance morale à la pénétra-
tion islamique que notre action favorise.
Certes, de jour en jour, la crainte inspirée par cette société à la
foule des Noirs va en diminuant^ mais il lui reste encore un certain
prestige.
SOCIÉTÉ SECRÈTE DES SCYMOS. 375
Tous les neuf ans, les divers groupes scymos de la Guinée
envoient leurs représentants à une sorte de concile qui se tient
chaque fois en un lieu différent. Le dernier a eu lieu à Couffin en
1904.. Tous les villages de Conakry à la Guinée portugaise étaient
représentés, et de grandes fêtes ont eu lieu comme d'ordinaire,
mais sans le moindre désordre^ et sans que l'administration ait eu
à intervenir.
Cette note, bien que déjà assez longue est fort incomplète et n'a
nullement la prétention d'avoir dit tout ce que l'on pourrait expo-
ser de réellement curieux sur ce sujet.
Une question cependant vient tout naturellement à Tesprit :
Quelle est l'origine des rites de cette société secrète dont l'organi-
sation témoigne d'une mentalité supérieure à celle que nous prê-
tons volontiers aux Nègres?
Que l'on veuille bien considérer que la conception philosophique
que se font nos fétichistes de la divinité, de la mort, de la trans-
migration des âmes, n'est pas inférieure à celle du monde antique
grec ou romain ;
Que les usages des Scymos, pour ce que nous en connaissons,
sont absolument semblables à ceux des peuples Noirs ayant une
organisation sociale fort ancienne et compliquée, comme les Okous
et les Yorouba de la Gold Coast;
Que Ton retrouve des usages semblables dans toute l'Afrique du
Nord et du Centre ;
On ne trouvera peut être pas étrange que nous croyions qu'il a
pu exister autrefois en Afrique un état social et intellectuel bien
plus avancé que celui que nous y rencontrons aujourd'hui. Nous
croyons que l'Afrique est un monde jeune parce que nous ne le
connaissons pas depuis longtemps, et que la science géographique
et ethnographique de nos ancêtres ne sortait guère du bassin de la
Méditerranée. Plus tard nos missionnaires et nos voyageurs ont,
partout où ils ont passée traité de sauvages les gens dont ils n'ont
pas compris la langue ou les usages diflérents des nôtres.
La sauvagerie des Blancs chasseurs d'esclaves à l'ouest, l'action
fanatique des musulmans à l'est, désorganisa les Etats qui compo-
saient le monde noir, et provoqua une tourmente épouvantable
dans tout le continent africain. D'une demi -civilisation, on revint à
la barbarie complète.
De l'ancienne religion, des traditions du peuple, il ne resta que
des fragments conservés tant bien que mal par des vieillards qui
376 A. CHEVRIER.
s'efforcèrent de faire revivre un peu d'eux-mêmes chez leurs des-
cendants en leur transmettant leurs idées.
11 est probable que les Scymos n'ont pas d'autre origine.
Mais hélas, chez des gens auxquels l'écriture faisait défaut, et
qui lurent obligés de recourir à l'exil pour éviter l'esclavage, qui
pendant des siècles durent lutter pour sauver leur existence maté-
rielle, bien peu de ce que savaient leurs ancêtres a pu se conserver,
et il est probable que môme les plus savants d'entre eux ignorent
le sens philosophique qu'avaient leurs rites d'autrefois, et que
seules les manifestations extérieures et les pratiques bizarres de
Tancien culte se sont conservés grâce à la société secrète des Scy-
mos.
DIVISIONS DES SOMÂLIS ISSAS
PAR
Pierre CARETTE-BOUVET
Les Issas constituent une fraction importante de la race Somali.
Leurs divisions et subdivisions sont importantes à connaître et
l'histoire des principaux faits sur lesquels elles sont basées est loin
d'être dépourvue d'intérêt. Divers auteurs l'ont déjà abordée. Nous
nous proposons ici, sans entrer dans aucun détail bibliographique,
de retracer l'origine des tribus Issas, telle qu'elle peut être établie
d'après les traditions indigènes.
Les Issas peuvent être classés en :
1*^ « Ad », blancs; ce sont les habitants des régions Est, tribus
anglaises de l'Orrolidjog;
2*^ « Assadjog », rouges; vers le centre;
3° « Madobas », noirs; des régions Ouest de Guebet et El Kass,
au Nord, vers la mer.
Les mœurs, le caractère, le type même de ces gens sont modifiés
par le climat des diverses régions.
Ces catégories, différentes, évoluent sur trois bandes de 80 ou
100 kilomètres environ chacune; elles n'en sortent guère.
Les plus forts, les plus nombreux, les plus riches des Issas sont
ceux des hauts plateaux, vers les altitudes de 800 mètres.
Les plus sauvages sont ceux de Guelbet.
Leurs migrations sont déterminées par les guerres ou les exi-
gences de leurs troupeaux.
L'Issa suit les pluies, il marche derrière la poussée des jeunes
herbes, parcourant ainsi de vastes espaces.
Les animaux des plaines basses^ cependant, dépérissent, dispa-
raissent, sous le climat des régions plus hautes et réciproquement.
Loin des régions familières l'inquiétude se met dans les troupeaux ;
les senliers, les plantes, la température ne leur sont plus favo-
rables; ils se nourrissent mal. L'Issa ne peut séjourner là oh ses
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
378 PiuRRE CARETTE-BOUVET.
troupeaux souiïrenL; c'esl un pasteur, il ne vit que de laitage, d'un
peu de viande et, depuis peu, de quelques grains achetés à la ville.
Certaines tribus ne quittent point les zones qui leur sont propres.
D'autres, au contraire, ont des habitants épars sur le territoire
entier aux diverses altitudes. Ces derniers évoluent dans le cercle
respectif qui convient à leurs besoins, à leurs goûts, aux exigences
de leurs animaux.
La société des Issas présente, au premier aspect, l'apparence
d'une masse compacte, d'un corps unique plein de cohésion.
Ce corps a cependant ses nervures; cette masse, lorsqu'elle est
unie par les mômes passions, a ses rouages qui la poussent, la font
mouvoir, et, pour la diriger, le respect profond des usages qu'à
travers les siècles lui ont légués ses pères.
Chez les Issas, le communisme a été la base première de toute
organisation sociale; ce communisme absolu du début s'est mo-
difié, transformé, par la suite; des fissures se sont créées dans ce
système ; des diversités d'intérêt ont entamé son unité, fraction-
nant cette masse, créant une société nouvelle dirigée par d'autres
besoins et régie par d'autres lois.
Ces fractions ont cependant gardé de leurs premiers âges une
empreinte profonde; elles sont faites à l'image du corps dont elles
se sont détachées.
Pour l'observateur, un indice précieux dirige les recherches; il
constate la délimitation des lieux, la diversité des intérêts, la divi-
sion des Issas : il s'agit des marques qu'au fer rouge ils font à leurs
animaux ; ces signes déterminent la nationalité de leur propriétaire,
mais non celui-ci.
Tout animal porte la marque de sa tribu et non celle de son
maître.
Cependant, si pour leurs biens, leurs intérêts divers, les Issas
sont fréquemment portés à se diviser, même à s'entretuer, il est un
terrain sur lequel ils s'entendent sans division; il s'agit du respect,
de l'honneur, dont ils entourent la pureté de leur sang et de leur
dédain pour l'étranger:
Depuis les premiers ans de leur âge, ils établissent la lignée de
leur famille par les mâles.
Les préceptes moraux qui régissent leurs unions leur ont fait
conserver, de nos jours encore, une coutume sur laquelle est écha-
faudé tout leur système social : c'est Tobligation de rechercher une
femme dans un groupe de tribu étranger au leur.
DIVISIONS DES SOMALIS ISSAS. 379
Les Issas se divisent en trois branches généalogiques bien dis-
tinctes : Aboals, Dalols, Wordiks.
Les Abg-als comptent plus de la moitié des Issas; ils ne peuvent
s'unir qu'à des Dalols ou à des Wordicks; réciproquement, ceux-ci
ne peuvent contracter mariage chez eux-mêmes.
Cette grande loi qui réprouve comme immoral, impur, tout mariage
pouvant unir un même sang, montre combien est vivace, chez eux,
le lien de la famille.
Une série de légendes qu'ils ont conservées, adoucies, atténuées,
par le voile du passé, permet de reconstituer leurs épreuves, leurs
triomphes^ de découvrir les passions qui les animent encore.
De larges cicatrices, à peine fermées, montrent, au flanc de cette
race, toutes les haines dont elle hérita de ses aïeux.
Il convient de remonter jusqu'à Ahmed leur père (1). Toutes les
légendes s'accordent sur les régions qui virent les premiers drames :
ce furent flaiss et Mai, vers le cap Gardafui.
Ahmed eut deux fils : Issa, père des Issas^ et Esshac dont les des-
cendants furent les Eabéraouah.
Les querelles des deux fils d'AnMED étaient incessantes ; aux pâtu-
rages, où ils gardaient les troupeaux de leur père, les prairies plus
herbeuses étaient déjà disputées. Bien souvent ils songèrent à s^en-
Iretuer, mais ils étaient frères et le lien du sang était là.
Devenus grands, les enfants prirent parti pour leurs pères: ils
en vinrent aux mains. Esshac donna raison aux siens; Issa soutint
ses fils : Eleyé, Ali Haoullacate, Hollé. Hagullacate, un jour,
frappa un de ses cousins et le tua.
C'est là le premier drame dont ils aient gardé le souvenir. Depuis
lors, et de nos jours encore, un llabéraoual ne peut se risquer seul
sur la terre des Issas sans s'exposer à être massacré.
Après ce meurtre, trace effacée du long choc de deux races, choc
assez puissant pour que l'efiroi en subsiste encore, les Issas fuyant
le sang répandu gagnèrent l'Ouest; les Habéraouals se retirèrent
vers l'Est. Les pâturages abandonnés entre eux furent pris par les
Gadahoursis\ ces gens aux origines mal définies étaient venus des
hauteurs du Sud.
Les Issas, dans leur exode, eurent bientôt à lutter contre des
(1) Voir p. 391 le tableau des divisions principales des Somalis Issas.
380 Pierre CARETTE-BOUVET.
peuples étrangers et les trois frères unis au début se séparèrent; ils
en vinrent à se quereller. C'est alors qu'ils firent la rencontre d'un
enfant chétif, courbé par l'étude : Wokdik; c'était le fils de lettrés
habitant fort loin, il avait fui ses parents ne voulant pas de leur
science.
Les fils d'IssA le prirent comme arbitre de leurs différends. Il y
était étranger. Woudik les calma, les apaisa, leur montrant le dan-
ger de se désunir en face des étrangers.
Depuis ce temps, VOgaz, arbitre des anciens de toutes les tribus,
est pris dans la famille des Wordiks; il est encore de nos jours le
lien qui unit les chefs des groupes divers.
IIoLLÉ, cependant, vint à être lue par des Gallas. Sa femme était
en couches; elle mit au monde Fourlaba qui, tout enfant, fut pris
en protection par Olaldonn, son cousin, fils d'HAouLLACATE. Ils for-
mèrent Tassocialion des Dalols.
Eleyé qui avait pris une épouse Galla en eut des fils : les Ab-
gals.
Avant de mourir, Eleyé recommanda aux siens de ne pas se marier
entre eux. C'est depuis lors que datent les lois du mariage.
Des fils des Abgals, deux, seuls, ont légué leur nom aux Issas
de nos jours : Moussa, le plus fort, et son frère. Ce dernier, jaloux
de Moussa, avait gardé au cœur le désir de s'unir aux Ilabéraouals ;
il reçut le nom de Moumassen (en Issa le serpent caché).
MouMAssEN et Moussa ne purent jamais s'entendre; leurs que-
relles sont encore bien vivantes. Moussa chassa loin de lui son
frère turbulent; ce dernier tâcha de rejoindre les Habéraouals, il
partit à l'Est et se mit à vivre avec certains d'entre eux. Le puissant
Moussa eut plusieurs fils : Jones, Saad, Arti, Mhoura, Bidda, cer-
tains font de celui-ci un esclave avec Ourouéné; pour ce dernier,
originaire sans doute de Guerri vers le Sud, nul n'hésite, il n'est
pas descendant des fils d'Issa, aussi ses fils jouissent-ils du privilège
d'épouser indistinctement les filles de toutes les tribus, sauf celles
des Orronés, étrangers comme eux.
Après la mort de Moussa, au partage de ses biens, Bidda assas-
sine Jones ; la femme de celui-ci, épouvantée, s'enfuit; elle est près
de mettre au monde un fils que son père ne pourra défendre, et
la haine de Bidda pourrait l'atteindre.
Les frères de Jones songent à punir le meurtrier, mais ils ne le
peuvent sans être fratricides eux-mêmes.
D'autres disent qu'ils ne sauraient immoler un esclave (v. ci-
DIVISIONS DES SOMALIS ISSAS. 381
dessus) pour venger leur frère. Aussi se bornent-ils à s'en par-
lag"er les troupeaux.
Au loin, cependant, le fils de Jones grandit caché par sa mère.
JN*est-ce pas là l'image d'un peuple vaincu qui se recueille et
viendra relever la tête près de ceux qui l'ont abattu ?
La femme de Jones avait conservé le souvenir d'un grand palmier
doiim au pied duquel Saad tenait conseil chaque jour. « Va, dit-elle à
son fils, tu reconnaîtras ton oncle à ses vêtements, fais-toi rendre
les biens de ton père, mets-toi sous sa protection ».
L'enfant devait voyager la nuit; Bidda, s'il l'avait rencontré,
l'aurait tué. Il marcha donc longtemps^ atteignit l'arbre et se cacha
parmi les palmes.
Saad arriva, sa suite était nombreuse. L'enfant caché dans la
verdure reconnut ses vêtements ; il vit son oncle s'abriter sous
l'arbre où il s'était dissimulé. Timidement, pour attirer son atten-
tion, il arrache quelques feuilles aux palmes, les brise, les jette
à terre et en couvre son oncle. Saad se lève, aperçoit l'enfant,
celui-ci se nomme; son oncle, heureux de le revoir, lui rend une
partie des biens de son père, il le prend en protection et lui donne
nom « Odahcob » (pointe de palmes) en souvenir de leur ren-
contre.
La tribu des OJahcobs est aujourd'hui le groupe le plus puis-
sant et le plus uni de tous les Issas; ses troupeaux sont les plus
nombreux. Il prête son appui aux Saad Moussa et épouse leurs
querelles avec ardeur.
Saad avait recueilli Ourouéné l'esclave de son père ; sa tribu
en protège encore la descendance.
Plus tard, les Orronés^ aux origines incerlaines, vinrent s'unir
auxDalols; d'un sang étranger, ils jouissent des mêmes libertés
que les Ourouénés pour leurs unions.
Les Orronés, cependant, ne sont pas de sang noble ; jusqu'en ces
toutes dernières années, le tribut du prix du sang n'était pas payé
pas les Issas à leurs familles lorsque l'un d'eux était assassiné.
Cette indemnité de cent chamelles, payée par la tribu d'un assassin
à celle de la victime, est un véritable acte de soumission d'une
société qui craint les représailles d'une autî-e. Aussi n'est-elle
pas servie aux parents du mort par le meurtrier, mais bien par la
tribu celui-ci à celle de la victime; une faible partie du troupeau est
ensuite attribuée à la famille du mort.
Ces mœurs simples, rudes, léguées aux Issas parleurs pères, et
382 Pierre CARETTE-BOUVET.
tous ces souvenirs, laissent entrevoir, à travers la poussière du
passé l'histoire des Issas.
Ce sont les traces visibles de la lulte pour Texistence de ces
nomades, en leur brousse aride, sous le ciel brûlé qui tant de fois
a vu regorgement de ces races de pasteurs.
De nos jours encore, leurs origines, leurs affinités, les portent à
sympathiser entre eux ou bien à laisser échapper à nouveau le
vieux levain des haines qui leur sommeille au cœur.
Il appartient au voyageur de ne pas exaspérer ces passions si
vivantes encore ; les irriter, les épouser inconsciemment, serait
faire preuve d'une inexpérience coupable dont la répercussion san-
glante pourrait s'étendre à des milliers d'hommes.
LES PIERRES GRAVÉES
DE SIARO ET DE DAGA BEID (SOMAL)
PAR
Pierre CARETTE-BOUVET et Henri NEUVILLE
L'attention a été attirée, dans un travail précédent (1), sur le fait
que, chez les Issas^ tout animal domestique porte non pas la marque
d'un maître, mais celle d'une tribu tout entière. Ceci résulte d'une
organisation communiste, sur laquelle nous ne pourrons ici nous
étendre, entraînant pour la tribu elle-même la nécessité de posséder
des marques de propriété qui, ailleurs, seraient individuelles.
C'est à ces marques que doivent être rapportées les inscriptions,
ou tout ou moins les signes, relevés par les auteurs de cette note à
Siaro (Siareu ou Siara), et à Daga Beid (« pierres des serpents »).
Ces localités appartiennent à la région O.-S.-O. de Daouenlé (pays
somali) où nous nous sommes trouvés récemment, Tun de nous y
étant appelé par ses fonctions et l'autre s'y trouvant de passage pour
amener en France les riches collections réunies par le baron
Maurice de Rothschild, qu'il avait accompagné comme naturaliste
dans cette partie do l'Afrique.
Nous avons pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de porter succinc-
tement à la connaissance du public érudit ces inscriptions, qui
paraissent n'avoir jamais été relevées, et dont nous croyons pouvoir
donner une explication tout au moins partielle.
Disons tout de suite qu'elles ont été faites sur des blocs naturels
de grès grossier, isolés dans le pays somali, relalivement loin de
toute agglomération.
Leur origine se perd dans la nuit des temps. Les indigènes, inter-
rogés au sujet de cette origine, n'ont pu donner aucune explication
(1) Pierre Garette-Bouvet. Divisions des Somalis Issas, iii L'Anthropologie^ 1906,
p. 377.
l'anthropologie. — T. xvri. — 1906.
384 Pierre CARETTE-BOUVET ET Henri NEUVILLE
et n'en ont même tente aucune ; tout au plus quelques uns ont-ils
essayé, mais combien vag^uement, d'attribuer à ces gravures une
origine surnaturelle. Nous sommes ici en présence de documents
dont l'antiquité paraît considérable et semble devoir échapper à
toute évaluation. Quoi qu'il en soit, les caractères ou signes qui
les composent doivent être indubitablement identifiés avec ces
marques dont les tribus Issas se servent pour reconnaître leurs
bestiaux; certains de ces signes reproduisent fidèlement les mar-
ques actuellement en usage dans des tribus bien déterminées ;
d'autres s'y rapportent moins certainement. Nous ne donnons, pour
ces dernières, que les tentatives interprétations suggérées par nos
conversations avec les indigènes et par la connaissance toute spé-
ciale des choses du pays somali que l'un des auteurs a pu acquérir
au cours d'un séjour déjà fort long dans ce pays.
Avant de reproduire ces inscriptions et d'en donner les explica-
tions qu'elles comportent dans l'état actuel de nos connaissances,
disons qu'elles ont été faites d'après un procédé très simple, par
percussion du rocher gréseux avec un caillou arrondi quelconque,
ramassé par terre; cette percussion détache facilement des parcelles
de ce grès à grains très grossiers, et ce mode de gravure produit
des traits réguUers, parfois même assez fins. Nous n'aurions peut-
être pas supposé qu'il soit possible de tracer ainsi ces inscriptions,
si nous n'avions vu les indigènes nous accompagnant reproduire
sans coup férir, d'après cette méthode, et après quelques instants
d'observation, des figures absolument identiques aux premières,
tout aux moins aux plus simples de celles ci, car plusieurs ont
demandé un certain sens artistique à l'artiste primitif qui les a
exécutées. A diverses reprises, d'ailleurs, les nomades ont ajouté,
au texte primitif, des variantes ou des additions diverses, dont le
caractère plus récent se reconnaît souvent assez facilement.
Nous nous sommes attachés à relever surtout les inscriptions an-
ciennes, primitives, qui, dans l'esprit de leurs auteurs, surtout en
ce qui concerne celles de Daga Beid, devaient probablement servir
d'une sorte de table des marques de propriété des tribus, ou si l'on
préfère une autre comparaison, d'une sorte de dépôt des marques,
dépôt peut-être destiné à perpétuer une tradition indispensable et à
permettre, le cas échéant, de retrouver le sens de celles-ci et de les
reconnaîlre. Diverses autres explications pourraient assurément
être proposées, surtout au sujet des causes du groupement de ces
diverses marques appartenant à des tribus fort différentes ; peut-
LES PIERRES GRAVÉES.
385
être furent elles réunies pour perpétuer le souvenir de quelque
événement dont le souvenir s*est perdu.
Qu'il nous suffise de donner leur description et d'indiquer, pour
chacune, dans la mesure oii nous pouvons le faire et parfois avec
certaines réserves, le sens qu'il convient de leur donner, c'est-
à-dire la tribu (ou subdivision de tribu) à laquelle elle se rap-
porte.
PlKRHE DE Si ARC.
Cette pierre (fig. i) est constituée par un simple bloc de grès,
Fio_ 1. _ Pierre de Siaro (face Nord).
naturellement dressé, de forme irrégulière, et dont le volume, de
beaucoup inférieur à celui des Daga Beid dont nous parlerons plus
loin, n'est que de quelques mètres cubes (1). Sur ses diverses faces se
trouvent des gravures dont les croquis ci-contre donnent une repré-
sentation schématique. Mêlés à ces signes, figurent des hommes,
des chameaux et des bœufs. L'un des hommes représentés sur la
face Est est armé d'une lance et porte le bouclier rond. En haut
de cette même pierre se trouvent des signes presque totalement
effacés et difficiles, sinon impossibles, à déchiffrer.
(1) La hauteur et la largeur sont ici d'environ 2^,25.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
25
386
Pierre CARETTE BOUVET ET IIe.nri NEUVILLE
Daga Heid (Piehkes des Serpents).
Ces pierres forment un groupe de vastes champignons rocheux.
De même que la précédente, et comme la plupart des roches qui
émergent dans cette région, elle est de nature gréseuse. Les faces
Nord ((ig. 2) et Sud (fig. 3) (1) portent des gravures, mais le côté
Sud est de beaucoup le plus riche en inscriptions.
Le côté Nord porte, indépendamment des signes proprement dits,
Fig. 2. — Daga Beid. Face Nord.
que nous reproduisons ici, un chameau gravé en creux et très
ancien par rapport à la plupart des inscriptions, qu'il semble avoir
précédées.
Le même animal est reproduit sur la face Sud, où les inscriptions
sont plus nombreuses et paraissent plus intéressantes (peut-être les
FiG. 3. — Daga Beid. Face Sud.
autres n'en sont-elles que des répétitions). A peu près au centre
et en haut de l'excavation dans laquelle sont groupés la plupart des
signes, ce chameau est gravé, en creux d'environ un centimètre de
profondeur; le fond de la gravure est finement poli. Cet animal
paraît être, en quelque sorte, l'en tête du travail; sa gravure est,
comme celle de son congénère delà faceN., extrêmement ancienne.
D'autreschameaux sontégalement figurés, mais moinsparfaitemcnt,
et ne sont probablement que des copies, reproduisant jusqu'aux
défauts de l'original. Remarquons que la plénitude de l'abdomen
(1) Ces orientations sont approximatives.
LES PIERïtES GRAVÉES.
387
serait de nature à laisser supposer que l'on a peut-être voulu repré-
senter ici une chamelle pleine, représentation assez propre à jouer
aux yeux des indigènes, en raison de leur genre de vie, le rôle d un
symbole de fécondité.
La concavité de la roche, au niveau et au dessous du chameau,
est totalement couverte de
signes. A droite de cette con-
cavité, sur une face presque
plate d'une au Ire tête de roche,
plus vaste et juxtaposée à la
précédente, est figuré, assez
grossièrement, un animal qui
est certainement une girafe
(fi g. 5). Aucun représentant
de ce genre n'existe plus main-
tenant dans cette région, mais
cette disparition ne semble remonter qu'à une date relativement
récente.
FiG. 4. — Chameau de Daga Beid
(d'après un estampage des auteurs).
Longueur : Om,77.
Figures relevées suu la pierre dk Siaro.
Face Est (fig. 6).
a. Tribu Fourlaba reir Saëp reir Nour (1). (Cette marque serait
d'origine dankali ; les Fourlaba
reir Nour habitent en effet près
delà frontière Somali-Dankali)
(dimension 40 cm. X 25 env.).
b. Tribu Orroné reir Dualé.
Les Orronés ne sont pas de
sang Issa ; c'est une sorte d'an-
nexé à la famille Issa, venue
probablement de la province
de Guerri, dans le S.-E. de
Daouenlé, à l'Est de Harrar.
c. Tribu Orroné reir Aosso (15 cm. x 15 env.).
d. Tribu Abgal Odahcob reir Galane. Ce signe représente deux arcs
armés de flèches, celles ci étant réunies par leurs pointes ; le plus
souvent, au heu des points qui se trouvent ici en haut et en bas de
(1) Ce qui revient à dii'e tribu Fourlaba, division Saëp, subdivsion Nour.
FiG. 5. — Girafe gravée sur uue des
Pierres des Serpents.
388
PiRRKE CARETTE-UOUVET ET Henri NEUVILLE.
la (igure, se voient des prolongements de la ligne axiale figurant les
flèches. Le plus souvent aussi^ les angles du haut et du has, au lieu
d'être aigus, sont arrondis en arcs. La figure est alors plus conforme
à la représentation de deux arcs armés de flèches. Nous ajouterons
encore que, généralement, cette tribu ajoute un croissant à son
signe particulier (e?), mais cette variante ne se trouve pas indi-
quée sur la pierre. Cette marque s'appli-
que actuellement sur la nuque des cha-
meaux, les arcs descendant à droite et à
gauche.
Face Sud-Ouest (fig. 7).
a. Tribu Abgal Odahcob reir Maalen.
Tribu respectée portant conseil et sort. Ce
signe est sujet à plusieurs variations, il
peut devenir b ou c.
Face Nord (fig. 8).
Ce signe est le plus compliqué de tous
ceux que nous avons pu étudier. 11 paraît
se rapporter à la tribu Dalol Olaldonn (?)
(20 cm. X 30 env.)
1
Fig. 6. — a, b, c, c?, signes
gravés sur la face Est de la
Pierre de Siaro.
Figures relevées sur les Pierres des Serpents (Daga Beid).
Bien que ces figures soient de beaucoup plus variées et plus
nombreuses que celles de Siaro, l'interprétation d'un grand nombre
d'entre elles nous
échappe. Nous avons
relevé les suivantes
(outre celles du cha-
meau et de la girafe).
FiG. 7. — a, sigue gravé sur la face Sud-Ouest do
Face Nord (fig 9). ^^ Pierre de Siaro.
a . Certaines va -
riantes de ce signe sont dépourvues du point ou du petit trait figuré
en haut de la courbe de droite (/) ; il paraît se rapporter à la tribu
Fourlaba ; peut être le signe e en est-il une autre variante très
dénaturée.
LES Pll':Ul\ES GRAVEES.
389
o
l
J
Vv
8. — Sigue grave sur la face NorJ
de la Pierre de Siaro.
b, c, d. Tribu Abgal reir Odahcob reir Maalen. Nous avons très
probablement affaire ici à des variantes du signe relatif à cette
même tribu relevé sur la pierre
de Siaro (voir fig-. 7)
/et^ (ne forment qu'un seul
signe). Tribu Abgal Ogadcool.
Ce signe est sujet à diverses
variantes. Le trait fourchu placé
à gauche peut notamment être
reporté à droite.
i. La partie (igurée en poin-
tillé ne fait peut-être pas partie
du signe lui-même, qui, réduit
ainsi à la partie droite de la
figure, semble se rapporter à la tribu Abgal Vaddor.
k. Tribu Abgal Odahcob Gued'id'er (?).
Face Sud (fig. 10).
Plusieurs de ces
signes nous sont déjà
connus d'après ce qui
précède.
a. Reproduction des
signes a ou e du côté
Nord (Voiries explica-
tions qui leur sont rela-
ves). Tribu Fourla-
ba (?).
b. Reproduction du
signe a de la fig. 6, ou
peut être tribu Dalol
Four-l'nous (?).
c Qi d (ne forment
qu'un seul signe). Va-
riante du signe /^ de la face Nord (?) ou peut-être du signe a de
la face Sud (?).
c. Variante des signes b, c, d, de la face Nord (?).
f/. Variante du signe i ci-dessous.
i. Tribu Moumassen reir Arabouine (littéralement le serpent
caché à la grande langue).
KiG. 9. — Signes gravés sur la face Nord des
Pierres des Serpents,
390 Pierre GARETTE-BOUVET ET Henri NEUVILLE.
k. Tribu Abgal Odalicob reir Galane (v. ci-dessus).
/. Variante probable du sig-ne b.
771. C'est probablement le signes très dénaturé, de même que les
signes o ci p. Ce dernier a cependant une certaine analogie avec le
signe a de la face Nord-
11. Peut être un diminutif du signe i de la face Nord.
0 et p. Voir signe m.
Si nous voulons maintenant résumer ce que nous indiquent ces
inscriptions, nous voyons qu'elles manifestent un groupement de
F iG. \0. — Signes gravées sur la face Sud des Pierres des Serpents.
marques appartenant, sous les réserves ci-dessus émises, aux tri
bus suivantes :
Pierre de Siaro.
Fourlaba reir Saëp reir Nour.
Orroné reir Dualé.
Orroné reir Aosso.
Abgal Odahcob reir Galane.
Abgal Odahcob reirMaalen.
Dalol Oladonn ?
Pierres des Serpents [Daga Beid).
Fourlaba (?).
Abgal reir Odahcob reir Maalen.
LES PIERRES GRAVÉES.
391
Abgal Ogadcool.
Abgal Vaddor(?). - '■
Ab^al Odahcob Gued Kl'er (?).
Dalol Fourl'nous (?).
Moumassen reir Arabouine.
AbgalOdahcob reir Galane.
Sur la pierre de Siaro, nous retrouverions ainsi des traces apparte-
nant aux tribus très voisines Olaidonn et Fourlaba, dont la réunion
a formé le groupe des Dalols, ainsi que de deux tribus Abgal
Odahcob (Galane et Maalen), et enfinde la tribu Orroné, étrangère
ûdshcob S.D.
Jones Saad Aril Mhoura B^lda
Moumassen. D.
Dalols
Orronès S.
9 .
Wordicks
9
Eleye
Olaidonn S. Fourlaba S. D.
/\li Haoullacate Hollé
Issa
père des 15535
Esshac
père des HâbérâOUâh
Ahmed
FfG. 11. — Tableau des Divisions généalogiques principales des Somalis Issas, dressé
pour l'indication des tribus auxquelles se rapportent les marques de Siaro et de Daga
Beid (la lettre S indique que la marque de la tribu se trouve sur la pierre de Siaro
et la lettre D donne la même indication pour Daga Beid).
par rapport aux Issas, mais non pas considérée par eux comme enne-
mie et aveclaquelle les mariages sont permis aux descendants d'Issa.
Ce groupement serait assez homogène; il réunirait des descen-
dants de chacun des trois fils d'Issa : Eleyé (Abgals), Ali Haoullacate
(Olaidonn) et Hollé (Fourlaba); ces deux dernières tribus ont, comme
nous venons de le dire, formé le groupe des Dalols, parallèle à celui
des Abgals.
En ce qui concerne les représentations de Daga Beid, les choses
se compliquent un peu ; nous y retrouvons, à côté des tribus Abgals
(très largement représentées) et Dalols, celle des Moumassen, dont
392 PiKHBE CARETTE-BOUVET ET Hrnri NEUVILLE.
les démêlés anciens avec les autres Abgals (Moussa) ont laissé des
traces durables chez les Issas.
Quoi qu'il en soit, le rapprochement des marques appartenant ^
des tribus aussi diverses est intéressant à relever, d'abord parce qu'il
permet de dresser un tableau de ces marques en elles-mêmes,
d'après des monuments dont l'origine précise est obscure, mais dont
l'authenticité générale est indiscutable, et ensuite parce que Fétude
de nouveaux documents du même genre, aidée au besoin par colle
des traditions, serait peut êlre de nature à permettre, dans la suite,
de retrouver la trace des événements auxquels a pu être lié le fait du
groupement, sur ces pierres, des marques appartenant à ces tribus.
VARIÉTÉS
Murs d'enceintes à parements internes.
Dans son excellent mémoire sur les Antiques enceintes fortifiées du
Midi de la France (Extrait des Comptes-rendus du Congrès international
d' Anthropologie de Paris, 19O0), M. de Saint-Venant a atliré l'attention
des archéologues sur le curieux mode de construction de quelques-uns
des remparts ayant fait l'objet de ses recherches. Nous voulons parler
des « murailles géminées » constituées par deux murs de pierres sèches
accolés et possédant, outre leurs deux parements extérieurs, un pare-
ment interne noyé dans la masse de la maçonnerie. Flouest avait
déjà signalé cette disposition particulière dans l'enceinte de Nages,
mais en France elle n'avait pas encore été observée ailleurs. Avec
beaucoup d'à-propos, M. de Saint-Venant s'était souvenu à ce sujet du
passage des Commentaires de César, où le munis duplex des Aduatici
avait embarrassé les traducteurs. Cette expression^ en présence des
constatations archéologiques, s'expliquait en effet tout naturellement
et le murus duplex des Aduatici n'était autre chose que le rempart
géminé retrouvé chez les Volques Arécomiques.
Depuis lors^ l'étude des enceintes préhistoriques a été reprise avec
une nouvelle activité dans plusieurs de nos provinces, notamment en
Provence et dans les Alpes maritimes, grâce à l'activité persévérante
de MM. Goby et Guébhard. La haute importance, de ces monuments ne
saurait être discutée et l'on s'étonnerait de l'indifférence dont ils ont
été entourés jadis, si l'on ne songeait que bien souvent, l'ardeur des
archéologues est trop exclusivement soutenue et entretenue par la
passion du collectionneur. On ne saurait donc trop encourager ceux
qui consacrent leurs travaux à l'étude toute désintéressée des vestiges
de la fortification préhistorique.
Au cours de leurs recherches, MM. Goby et Guébhard ont rencontré
à leur tour plusieurs spécimens de ces mêmes murailles dites géminées
ou juxtaposées (Camp Subeyra, Camp Barlet, à Cannaux, La Capelle de
Saint-Cézaire, Camp de Collet Assout) (1).
(1) P. Goby et A. Guébhard, Swr les Enceintes préhist. des Alpes maritimes^ extrait
des G. R. de l'Afas, 1904, p. 1083 et 1108; — A. Guébhard, Essai d'inventaire des
Enceintes préhist. (Castelars) du dép. du Vai\ extrait du G. R. du le*" Congrès
préhist. de France, Périgueux, 1903. M. Guébhard, ne connaissant pas encore le
travail de M. de Saint-Venant, avait été lui aussi conduit au rapprochement précité
relativement au murus duplex de César.
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906.
394 VARIETES.
De rexamen des reliques recueilles dans les enceintes du Gard^
longues épées à fourreau de fer, lances en fer à double umbos en
forme de pont, monnaies gauloises, fibules, poteries etc., M. de Saint-
Venant avait pu conclure que le groupe auquel appartiennent les murs
géminés paraît remonter au temps de l'indépendance des Volques
Arécomiques, c'est-à-dire à l'époque dite de La Tène.
Or, cette conjecture, déjà établie sur des données positives, se trouve
confirmée par des découvertes faites sur le territoire allemand, décou-
verles qui ne pouvaient se produire plus opportunément et sur
lesquelles nous nous proposons d'attirer l'attention.
On connaît depuis longtemps en Allemagne les deux forteresses
préhistoriques situées sur le Grand et le Petit Gleichberg, près de
Romhild, dans la Saxe. La seconde station surtout, appelée la Steins-
burg, est devenue en quelque sorte classique depuis la publication que
lui a consacrée Jacob en 1887. Mais les premières explorations ayant
^
FiG. 1. — Coupe du rempart de^
la Steinburg. ^Fic 2. — ^Coupe schématique d'un mur triplé.
été incomplètes, elles ont été reprises dernièrement par la Société
archéologique de Meiningen. Un résumé des travaux a été présenté
par M. Gôtze, du Musée ethnographique de Berlin, tout d'abord dans
les Yerhhandlungen der Berliner Gesell. f. Anthrop., 1900, p. 416-427 et
plus récemment dans une revue provinciale allemande (1).
Or il est fort intéressant de constater que les remparts de la Steins-
burg ont été en partie construits sur le même type que les murailles
d'enceintes du midi de la France, dont nous venons de parler. 11 suffit
pour s*en assurer de rapprocher la coupe publiée par M. Gôtze (fig. 1)
{Verhhandt., p. 418) de la coupe schématique de la Capelle de Saint-
Cézaire et des murs similaires (fig. 2) donnée par M. Guébhard [Essai d'in-
(l) Die Steinsburq auf des dem Kleinem Gleichherge, extrait de la revue Baii
und Kunsldenkmùler Tfiuringens, 1904, p. 466-472. Nous devons à l'obligeance de
M. Gôtze l'envoi de cette brochure. L'auteur nous a signalé le mode de construc-
tion des remparts de la Steinsburg, en nous demandant si Ton connaissait on
France un dispositif analogue. Nous sommes maintenant en mesure de lui
répon Ire.
VARIETES. 395
ventaire, p. 48). De part et d'autre, nous trouvons le même système de
parements intérieurs formant dans la masse des pierrailles de solides
chaînages longitudinaux et assurant la stabilité de la muraille. Le
nombre des parements internes peut varier, mais le principe de cons-
truction reste identique.
L'oppidum de la Steinburg était protégé par plusieurs remparts con-
centriques, dont le tracé irrégulier se conforme sensiblement au relief
du sol. L'enceinte extérieure dessine un ovale et mesure 1 km. de
long sur 800 m. de large. Les fouilles ne sont pas encore terminées et
quelques constatations secondaires sur le tracé et la nature des diverses
enceintes demeurent encore incomplètes. Le dispositif dont nous
parlons, pour le mode de construction, a été reconnu sur un point du
mur extérieur et sur la seconde enceinte. Sur d'autres points il est
possible, mais ce n'est encore qu'une simple conjecture, que les
constructeurs aient employé la pierre et le bois, selon l'usage ordi-
naire des Gaulois.
On a découvert dans l'oppidum des habitations en pierres sèches et
des sépultures. Les menus objets, ornements, armes, outils, ustensiles,
ajoute M. Gôtze, appartiennent pour la plus grande partie à la fin de la
période de Hallstatt et à La Tène I et II, soit à une époque comprise entre
le v^ et le i^' siècle av. J.-C. La montagne porte les traces d'une faible oc-
cupation antérieure, remontant à l'époque néolithique ou tout au moins à
celle du bronze. «Vers le milieu du premier millénaire av. J.-C, les Celtes
y établirent un oppidum puissament fortifié, pour se garantir contre l'in-
vasion des Germains venant du Nord. Cette place fut sans doute aban-
donnée au premier siècle av. J.-C. , lors de la conquête. Il n'y eut ensuite
sur cette station que des occupations temporaires. »
Rapprochées des observations de M. de Saint-Venant, citées plus
haut, les récentes constatations qu'ont procurées les fouilles de la
Steinsburg acquièrent une portée nouvelle, et il semble bien que nous
sommes autorisés à considérer ce type de murailles à parements mul-
tiples comme appartenant sinon à un groupe ethnique déterminé, tout
au moins à une période précise des temps prolohistoriques.
Les Gaulois renforçaient ordinairement leurs remparts de pierres à
l'aide d'une charpente interne. Lorsque le bois faisait défaut, ils y
suppléaient sans doute en établissant dans la masse de la maçonnerie
une solide ossature en moellons.
Déjà le rempart d'Alt Kônig dans la province de Nassau nous avait
permis de retrouver sur le territoire allemand le système gaulois de
construction militaire décrit par César à propos du siège d'Avaricum.
Le parallélisme se poursuit à l'aide de ces nouvelles découvertes.
Joseph DÉCnELETTE.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
EN FRANCE ET A L'ÉTRANGEll
BouLK (Marcellin). L'âge des derniers volcans de la France. Broch. iii-8, extr. de
La Géographie. Paris, 1906, Masson et C'e éditeurs.
En annonçant aux lecteurs de L'Anthropologie que TAcadémie
des Sciences avait décerné le prix Alhumbert à M. Boule, j'ai pris l'en-
gagement de dire quelques mots de l'important mémoire que mon
excellent ami a consacré à L'Age des derniers volcans de la France. Je
le fais avec d'autant plus de plaisir que j'ai l'assurance de rendre un
réel service aux préhistoriens en leur signalant cette étude écrite par
un savant qui connaît admirablement le sujet qu'il traite (il l'a étudié
pendant 25 ans), et dans laquelle ils trouveront non seulement des don-
nées géologiques, mais aussi de très intéressants paragraphes sur la
paléontologie, l'homme fossile et l'archéologie.
M. Boule, en effet, ne s'est pas borné, pour fixer l'âge des dernières
éruptions volcaniques du Massif central de la France à recourir à la
géologie ; il a mis à contribution la topographie, la paléontologie, l'ar-
chéologie^, l'histoire et les traditions. Disons tout de suite que ni l'his-
toire, ni les traditions ne lui ont fourni de témoignages sérieux : les textes
de Sidoine Apollinaire, de saint Avit et de Grégoire de Tours, sur les-
quels on s'est appuyé pour rajeunir certains volcans du Vivarais, n'ont
aucune valeur parce qu'ils ont été mal traduits, ainsi que l'a montré, en
1890, M. Salomon Reinach dans la Revue archéologique. On a mal inter-
prété également un passage de l'ouvrage de Legrand d'Aussy, dans le-
quel cet auteur raconte qu'au xiii® siècle des fermiers du Chapitre de
la cathédrale de Clermont ont demandé à être déchargés du prix de leur
bail, le puy ayant pris feu et leurs moissons ayant été détruites par
l'incendie.
Certes dans un mémoire qui a pour objet l'étude des volcans, la to-
pographie, la stratigraphie, la géologie et la pétrographie devaient occu-
per une large place ; aussi M. Boule leur accorde-t-il la part qu'elles
méritent dans les chapitres qu'il consacre successivement à chacun des
groupes du Massif central. Mais il nous montre qu'à elles seules, elles
ne permettent pas d'assigner une date aux diff'érentes éruptions qui se
sont succédées. Prenons, par exemple, la Chaîne des Puys ; d'une ma-
nière générale, on peut dire que les coulées de labradorites et d'andé-
MOUVEMEiNT SCIENTIFIQUE. 397
sites recouvrent les coulées de basaltes ; mais, dans certaines localités,
ce sont les basaltes qui recouvrent les roches don! ils sont habituelle-
ment surmontés. Par conséquent, on arriverait à des conclusions abso-
lument erronées en attribuant toujours une plus grande anciennelé
aux éruptions volcaniques qui ont donné naissance à des coulées de
basaltes.
Les couchesbasaltiques elles-mêmes ne sont pas toutes du même âge:
l'auteur a parfaitement établi que, dans les environs du Puy, celles des
plateaux sont plus anciennes que celles des pentes ou des vallées.
En somme, si les données topographiques, stratigraphiques, géolo-
giques et pétrographiques peuvent permettre à un homme de la com-
pétence de M. Boule d'établir un classement chronologique approxi-
matif des différentes éruptions, l'âge de ces éruptions ne saurait être
établi d'une façon positive que parla paléontologie et parfois, quand il
s'agit d'éruptions postpliocènes, par l'archéologie. Or, le Massif central
de la France a livré bien des fossiles qui autorisent, dans certains cas,
à assigner aux coulées volcaniques une date sûre. Ainsi, dans les envi-
rons du Puy existe une coulée de basalte qui recouvre une couche ren-
fermant du Rhinocéros de Merck et remontant, par conséquent, au
Quaternaire inférieur. Au lieu dit Les Rivaux, les mêmes basaltes sont
surmontés de couches stratifiées dans lesquelles MM. Aymard et Boule
ont recueilli des ossements appartenant, entre autres, au Mammouth,
au Rhinocéros à narines cloisonnées, à l'Ours des cavernes et à l'Hyène
des cavernes, c'est-à-dire à des espèces caractéristiques du Quaternaire
moyen. Par conséquent, l'éruption qui a donné lieu à la coulée basal-
tique doit être considérée « comme datant du Pléistocène inférieur,
caractérisé par une faune à espèces chaudes ».
C'est à cette époque, pendant laquelle a vécu le Rhinocéros de Merck,
qu'il faut faire remonter le fameux Homme fossile de Denise. Son au-
thenticité ne saurait faire l'objet d'un doute. « Rien n'est plus facile
que de retrouver en place la roche identique à celle qui empâte les
ossements du musée du Puy. Elle est disposée en lits parfaitement
stratifiés, sur la pente sud du volcan de Denise, au-dessus de la route,
près de l'Ermitage. » M. Boule a fait l'examen microscopique de la
gangue qui enveloppait les ossements humains et il a reconnu qu'elle a
une origine détritique et qu'elle constitue un véritable dépôt d'atter-
rissement. S'il est difficile de déterminer exactement la position strati-
graphique de ce dépôt, on n'en arrive pas moins, dans toutes les hypo-
thèses 011 l'on se place, à assigner une antiquité considérable aux osse-
ments humains de la montagne de Denise. Les caractères néandertha*
loïdes du crâne ne suffisent pas pour rajeunir l'Homme fossile du
Velay, dont « il y aurait lieu de reprendre l'étude à la lumière de bien
des faits nouveaux et il serait facile de montrer que les caractères
crâniologiques invoqués n'ont aucune rigueur chronologique ».
398 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
S'il parait bien établi que l'Homme de Denise « a été le témoin et
peut-être aussi la victime» d'éruptions dalantdu Pléistocène inférieur,
on ne saurait être aussi afiirmatif pour le squelette humain de Grave-
noire. Là, rien ne prouve que les scories où les ossements ont été
trouvés n'aient pas été remaniées. L'ouvrier qui les a exhumés a même
affirmé qu'il les avait rencontrés près d'une excavation artificielle mon-
trant distinctement les traces de coups de pioche.
Les abris des coulées basaltiques de Pranal ont été sûrement utilisés
par l'Homme à une époque préhistorique. Mais si la coulée dans laquelle
se sont formés les abris, à la suite de la désagrégation du basalte, est
incontestablement très ancienne, on peut affirmer que la station hu-
maine ne remonte pas au delà du Néolithique, ainsi que le démontrent
la faune et l'industrie. Seule la présence d'ossements de Panthère serait
de nature à susciter quelques doutes s'il n'était pas prouvé que la
formation des grottes remonte très haut dans le passé et que, par suite,
elles ont pu parfaitement servir de refuge à des carnassiers quater-
naires avant d'avoir été fréquentées par l'Homme.
M. Boule établit l'âge delà station humaine de la lave de Blanzat;
elle date sûrement de l'âge du Renne. Il étudie enfin celle de Neschers
et démontre que la coulée du Tartaret, au milieu de laquelle est situé
un abri sous roche utilisé par l'Homme, est « postérieure à la faune à
Elephas primigenius ou tout au plus contemporaine de cette faune. »
Par conséquent, on peut affirmer que la station humaine est plus
récente. C'est ce que prouve l'étude de la faune et de l'industrie.
M. Boule figure un bois de Renne portant, gravée au trait, l'image d'un
cheval. Or, les recherches de Piette nous ont appris que ce genre de
gravure a fait son apparition « peu de temps avant que le Renne ne
quitte définitivement nos régions pour retourner vers le Nord. »
De sa consciencieuse étude, M. Boule tire la conclusion que les
éruptions volcaniques du Massif central de la France se sont succédées,
presque sans interruption, pendant toute la période de creusement des
vallées actuelles. Dans le Velay, les dernières eurent lieu à l'époque où
vivait l'Éléphant antique. La principale phase éruptive de la Chaîne des
Puys se produisit pendant l'âge du Mammouth; la plus récente de
toutes, celle du Tartaret, est encore antérieure à la fin de l'âge du
Renne. Par conséquent, l'Homme en a pu être le témoin ; et lorsque l'on
rencontre, comme à Denise, des restes humains au milieu des scories,
on n'est nullement en droit de suspecter l'authenticité de ces débris
parce que leur contemporanéité avec les éruptions volcaniques nous
reporterait trop haut dans le passé, ni de rajeunirces éruptions, comme
l'ont fait les abbés Hamard etJacquart, pour ne'pas attribuera l'Homme
une antiquité exagérée. Tous les faits recueillis par M. Boule, de quel-
que nature qu'ils soient, concordent d'une façon si satisfaisante qu'on
peut regarder comme démontrée sa thèse sur l'âge des derniers volcans
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 399
de la France et comme résolue la question de l'ancienneté des restes
humains rencontrés dans les coulées volcaniques du Massif central
ou à leursurface.
R. Verneau.
W. Branco. Ueber die fraglichen fossilen menschlichen Fussspûren dm Sandsteine
von Varnambo A, Victoria, uad andere angebliche Spùren des fossilen Menschen
in Australien (Sur les empreiutes fossiles problématiques de pas humains de Var-
nambool et autres prétendues traces de l'homme fossile en Australie). Zeitsch. fiir
Ethnologie. Heft I, 1903.
Id. Fragliche Reste und Fussfiihrten des tertiâren Menschen (Restes et empreintes
de pas problématiques de l'Homme tertiaire). Monatsberickte der deutsch. Geolog.
Gesellsch., n° 7, 1904.
M. Branco convaincu, comme la plupart des paléontologistes, que
Texistence du genre Homo dans le Tertiaire supérieur est très vraisem-
bable, passe rapidement en revue, dans le premier mémoire, les observa-
tions publiées jusqu'à présent sur la découverte des restes de cet homme
ou des traces de son activité dans des assises attribuées au Tertiaire.
Les traces d'industrie se bornent pour le moment aux « pierres uti-
lisées » de M. Rutot ; elles sont bien faibles pour nous faire admettre que
cet homme, dont nous pressentons l'existence, a vécu en Europe.
Les restes de squelettes sont : 1" les dents du Bohnerz de Souabe
signalées par M. Klaatsch et étudiées par M. Branco; elles ont proba-
blement appartenu au Dryopithèque ; 2° le crâne de Calaveras, qui a
fait Tobjet de nombreux travaux depuis sa découverte en 1866 et
dont M. Branco n'admet pas l'authenticité, non plus que celle des
autres portions de squelettes trouvés en Californie; 3° les squelettes de
Savona en Ligurie, de Lamassas en Lot-et-Garonne, de Castelnodolo
qui proviennent de sépultures creusées dans le Miocène ou le Pliocène;
4" les squelettes trouvés dans le limon des Pampas de la République
Argentine; leur âge dépend surtout de l'âge attribué aux assises supé-
rieures du Pampéen que certains auteurs considèrent comme quater-
naires, d'autres comme pliocènes. M. Branco se rallie à la première opi-
nion qui paraît de plus en plus vraisemblable depuis que nous savons
que la marche de l'évolution a été totalement différente sur le continent
austral et sur le continent boréal.
Les empreintes de pas n'apportent pas de preuves plus décisives,
car aucune d'elles n'est certainement authentique. Les plus anciennes
ont été signalées dès 1805, sur les bords de la rivière Buchtarma en
Sibérie; elles sont probablement intentionnellement taillées dans une
roche granitique; elles sont associées à des empreintes de fer de cheval.
M. Branco examine ensuite les traces signalées en Amérique, en Géorgie,
à Saint-Louis et dans le Nevada, aucune ne lui paraît mériter un crédit
sérieux. 11 étudie enfin avec beaucoup de soin des empreintes décou-
400 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
verles en 1903 dans l'Afrique occidentale allemande, ce ne sont pas
des traces humaines car leurs proportions diffèrent absolument de
celles des pieds humains, elles sont peut-être attribuables à un anthro-
pomorphe inconnu, mais cela est très douteux; l'une d'entre elles pré-
sente six orteils. Il paraît probable que ce sont des représentations
présentant quelque analogie avec les gravures rupeslres du Sud de
TAlgérie.
V Anthropologie a. rendu compte déjk de la découverte sensationnelle
faite en Australie, à Varnambool (Victoria), à 60 mètres de profondeur,
sur un grès marin, d'empreintes problématiques qui rappellent celles
de deux pieds humains et celle du siège d'un homme (ou de deux
hommes) assis.
La coupe du gisement est la suivante de haut en bas :
1. Terre arable, sol de la forêt.
2. Argile.
3. Roche volcanique.
4. Calcaire avec mollusques marins, Nauiilus^ Peclen, Terebralulay
Echinus.
5. Grès calcaire à empreintes d'Homme, d'Emeu, de Kangourou, de
Dingo.
Il est vraisemblable, quelle que soit la rapidité de la sédimentation
dans les régions tropicales, que ces grès sont d'âge assez ancien. On a
cru pouvoir de là conclure qu'on était en présence d'empreintes de pas
d'Homme tertiaire; mais cette conclusion est au moins prématurée tant
que l'on ignorera l'âge de ces calcaires à fossiles marins.
M. Branco a eu à sa disposition un moulage des empreintes de Var-
nambool, il en donne la figure à côté d'une empreinte comparative
laissée sur du plâtre par un jeune homme accroupi. Les résultats de
son étude, très scientifiquement faite, sont :
1° Qu'on ne peut tirer aucune conclusion certaine relativement à
l'empreinte du siège, qui est peu nette, et supposerait une position con-
tournée de l'individu que justifie mal l'examen attentif des empreintes
des pieds;
2° Que les prétendues empreintes, dont l'analogie avec des pas
humains est assez frappante au premier abord, sont exceptionnellement
étroites. Elles sont remarquablement symétriques, ce qui donne bien à
penser qu'il s'agit d'empreintes de pas; mais leur état actuel ne permet
aucune affirmation positive, car il est en particulier impossible d'y voir
la moindre trace d'ongles ou d'orteils. 11 faudrait admettre, comme l'a
remarqué Gregory, que cet Homme si ancien ne marchait pas pieds-
nus.
Il est d'ailleurs vraisemblable que si un ou deux hommes (car
l'empreinte du siège, si peu nette, a été interprétée par certains auteurs
comme la trace d'un homme et d'une femme) s'étaient assis en ce point,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 401
ils auraient laissé les traces d*un grand nombre de pas et non de deux
pieds seulement.
Quant aux autres preuves de l'existence de l'Homme fossile en Aus-
tralie, que rappelle M. Branco, elles sont extrêmement rares (1) bien
que les chercheurs d'or aient activement exploré la plupart des dépôts
alluviaux. Elles comprennent seulement deux ou trois trouvailles d'ins-
truments en pierre, plus ou moins intentionnellement taillés, d'âge in-
déterminé, quelques aiguilles en os et surtout deux dents humaines
trouvées avec des restes de grands marsupiaux, /^î'pro^oc^one^ Thylacoleo,
qui sont peut-être d'âge pliocène. La question importante est desavoir
si ces dents ont été réellement recueillies avec ces ossements fossiles et
on n'a, à ce sujet, aucune certitude.
Une autre découverte aussi peu nette au point de vue scientifique est
celle d'un côté de Nothotherium Mitchetli portant des traces d'incisions
intentionnelles.
A. Thevenin.
Sturoe (D' Allen). Catalogue descriptif de sa collection préhistorique. Broch. de 110
pages. Nice, 1906.
La collection d'objets des époques de la pierre réunie par le D^" Sturge
est une des plus belles et des plus variées du monde entier. Son heu-
reux possesseur, qui habite Nice, a tenu à la montrer aux membres du
Congrès de Monaco; il les a invités à se rendre chez lui et a offert à
chacun d'eux une brochure où sont décrits les objets les plus intéres^
sants. La lecture de ce catalogue n'a rien de pénible car l'auteur entre-
mêle ses énumérations de petites dissertations sur des sujets variés.
Elle montre que M. Sturge est un esprit distingué, subtil, original,
qu'il est passionné pour les antiquités préhistoriques. Elle dénote une
connaissance profonde delà morphologie des instruments de pierre, de
leur typologie comme on dit parfois aujourd'hui, mais elle montre
aussi que l'auteur n'a guère envisagé les problèmes préhistoriques
qu'au point de vue archéologique et très peu au point de vue de l'his-
toire naturelle. Les côtés géologique et paléontologique sont très
négligés, ce qui explique qu'après avoir lu tels paragraphes du plus
haut intérêt et du plus grand mérite sur des questions de morphologie
ou de technologie, on tombe tout à coup sur des phrases qui paraissent
extraordinaires à un naturaliste surpris de les trouver en si bonne com-
pagnie.
Un catalogue ne s'analyse pas. Il me paraît pourtant utile de signaler
à nos lecteurs qui n'ont pas eu le plaisir de visiter la collection du
(1) Voir Etiieridge. lias Man a geological history in Australia. Proceed. Linnean Soc.
of N. S. Whales, Ser. 2, vol. V. 1890.
l'anthropologie. — T. XVII. — 190G. 26
402 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
D"" Sturge les séries les plus importantes, soit par leur beauté, soit par
leur nouveauté, et de leur présenter quelques-uns des commentaires dont
leur propriétaire les accompagne.
A côté d'un choix de pièces de la Scandinavie, le !)■' S. avait placé
une collection superbe d'instruments égyptiens de la péi'iode prédynas-
tique, presque tous achetés à des Arabes. On sait que ce merveilleux
outillage s'est continué pendant les premières dynasties mais sans
présenter la même perfection. Quant aux instruments en pierre trouvés
dans des monuments moins anciens, de laXlI*^ dynastie par exemple,
l'auteur partage l'avis de M. de Morgan que ces instruments doivent
être attribués à une station préhistorique beaucoup plus ancienne. L'in-
dustrie de la pierre dite prédjnastique serait contemporaine de l'âge du
bronze. Mais il y aurait en E^^ypte une industrie purement néolithique,
prémétallique, dont les produits se rencontrent sur le sable du désert ou
en tas de rebuts ressemblant aux kjoekkenmoeddings danois. Ces pro-
duits sont différents des instruments prédynastiques. Ils ne se recueil-
lent jamais dans les tombeaux. On les trouve presque exclusivement
autour du Fayoum. Des objets très semblables ont pourtant été signalés
dans le Sahara, au sud de l'Algérie, dans le sud de la Palestine et aux
environs de Luxor. Avec les silex taillés on trouve au Fayoum des haches
polies. Les différences de patine entre ces objets et ceux de la première
série prouvent qu'il s'agit d'une période beaucoup plus ancienne et
d'une très grande durée.
Le groupement parallèle, dans une même vitrine, d'instruments en
pierre de la Scandinavie et du Fayoum montre de telles ressemblances
que M. Sturge ne peut croire à de simples coïncidences; il doit y avoir
entre les deux civilisations des rapports étroits qu'on ne tardera pas à
découvrir. Un problème du même genre se pose devant la collection de
pointes de flèches de diverses parties du monde, où les mêmes types
se retrouvent.
Une série des plus curieuses est celle des instruments néolithiques
de la Grande-Bretagne. On y remarque des pièces travaillées à deux
époques différentes, la différence de patine marquant l'espace de temps
compris entre le premier travail et le second. Ces objets conduisent
M. Sturge à attribuer à l'époque néolithique une durée très considé-
rable. Si l'on suppose que les dernières retouches à patine légère
remontent à 4.000 ou 5.000 ans, quelle longueur de temps nous sépare
de l'époque du premier travail correspondant aux surfaces à patine
profonde?
Je passe sur les nombreuses vitrines renfermant des instruments
néolithiques taillés ou polis d'un grand nombre de pays, des armes de
l'époque du bronze, des haches, des fibules, et d'autres objets métalli-
ques et j'arrive aux séries paléolithiques.
L'auteur nous donne de curieux renseignements sur les formes chel^
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 403
léennes et acheuléennes de l'Angle'erre mais le cô!é géologique de ses
explications laisse plutôt à désirer. Trois autres séries paléolithiques
sont remarquables : celles des Somalis, des Indes anglaises et de
lEgypte. M. Seton-Karr a trouvé beaucoup d'instruments en place au
sein d'une véritable formation géologique superficielle. Quant à leur
ressemblance avec les types européens, elle est frappante et se pour-
suit parfois jusque dans les moindres détails de fabrication. Les pierres
taillées de Madras offrent les mêmes similitudes et l'on sait qu'elles
proviennent d'une latérite ancienne. Les types paléolithiques ont été
recueillis par l'auteur lui-même sur le plateau qui domine la vallée
des Tombeaux des Hois, à une altitude de 300 mètres Beaucoup ont
une double patine.
A signaler encore une collection de silex provenant d'un dépôt de
terre à briques du Suffolk et reproduisant exactement les formes du
Moustier; une immense série comparative de silex minuscules des pro-
venances les plus diverses : Angleterre, Indes anglaises, Egypte,
Sahara, Algérie, France; de nombreuses pièces des grottes de Grimaldi,
etc.
Toutes les personnes qui ont eu le plaisir de répondre à l'appel de
M. le Dr Sturge ont été éblouis à la vue de ces splendides collections et
charmés de la façon dont M. et M"i° Sturge en faisaient les honneurs.
M. BOULK.
GoMMOM. Contribution à Tétude des silex taillés de Saint-Acheul et de Montières.
— Découverte d'un atelier de taille paléolithique ancien à Saint-Acheul. Deux
broch. avec fig., sans lieu ni date; ce sont très probablement des extraits du Bull,
de la Soc. linnéenne du Nord de la France, 1906.
Dans la première de ces brochures, M. Commont, professeur à l'école
normale d'Amiens, rappelle l'histoire des carrières de Saint-Acheul, les
nombreuses discussions qu'elles ont provoquées, la façon dont les
ouvriers ont fabriqué ou fabriquent encore des faux, les difficultés que
présente l'étude de pareils gisements, les principales causes d'erreurs.
Il nous donne ensuite le tableau qui représente, d'après lui, la succes-
sion stratigraphique et archéologique des formations quaternaires de
Saint-Acheul. Le voici légèrement simplifié et disposé d'une façon un
peu différente :
Néolithique
Terre à briques | Outils campigniens et robenhausiens communs.
5. Base de la terre \ Paléolithique
àbriques; surface de [ Lames magdaléniennes à patine blanche ou bleuâtre,
l'ergeron. )
4. Graviers supé- ) „. , .... - i * i n • * •• « *„-i
. , , j ( Pièces moustienennes : éclats Levallois et pièces retail-
neurs a la base de > , . , i_ j
\ lees sur un ou deux bords.
1 ergeron. j
404 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Pièces acheuléennes, les seules que l'on trouve encore
commuDément.
3. Sables gras au-
dessous des graviers
supérieurs.
2. Sable aigre ou \ Pièces chelléennes, très abondantes il y a trente ans, rue
mélange de sable et > Groix-Saint-Firmin et rues avoisinantes, assez rares aujour-
de cailloux. ) d'hui sur le plateau.
1. Silex du fond j Pièces très anciennes, simplement éclatées, à patine très
sur la craie. ) profonde, aux arêtes usées (très rares aujourd'hui).
L'auteur décrit brièvement Foutillage du niveau n" 1, qui renferme
des instruments à taille grossière, à grands éclats avec de grandes
réserves de la surface primitive du rognon de silex (photogravures). Il y
a, en même temps, de petits instruments, sortes de grattoirs avec
retouches et bulbe de percussion.
M. Commont traite ensuite de l'époque chelléenne à Saint-Acheul.
Primitivement l'industrie de cette époque, qui devrait conserver le nom
d'acheuléenne par droit de priorité, ne comprenait qu'un seul type
d'instruments, mais des recherches plus minutieuses ont fait retrouver
au même niveau des éclats plus ou moins retaillés, râcloirs et grattoirs,
ou simples déchets de fabrication. Le gisement de l'industrie chelléenne
se trouve dans les graviers inférieurs qui ont aussi livré des molaires
d'Eléphant antique.
Cette première brochure n'offre rien de bien nouveau et surtout rien
de démonstratif. La seconde est beaucoup plus intéressante.
L'auteur, suivant depuis trois ans les travaux d'une carrière de
Saint-Acheul, dite carrière Tellier, a découvert, au sein des couches
quaternaires, ce qu'il croit être un véritable atelier paléolithique.
Voici la coupe des terrains telle qu'on pouvait l'observer en 1905, de
haut en bas :
1. Terre à briques.
2. Ergeron.
3. Argile rouge sableuse ou limon fendillé.
4. Limon gris avec poupées calcaires.
5. Sable jaunâtre, pur, très meuble avec veines de manganèse et
d'ossements.
6. Sable brun roux, plus consistant.
7. Limon blanc, dit terre à pipe, renfermant des coquilles;
n'existe que d'un côté de la carrière.
8. Lit de gravier plus ou moins épais.
9. Craie.
La surface riche en silex taillés et considérée comme un atelier de
taille du silex sépare les graviers du fond n° 8 des sables brun roux
n° 6; c'est sur le prolongement latéral de ce niveau que s'intercale le
limon blanc à coquilles n° 7. Le gisement se trouve à 48ie,76 au-dessus
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 405
de la rivière la plus voisine et à 8"'/20 de profondeur. La couche de
sable qui supporte les silex taillés, plus foncée et plus consistante,
représente un ancien sol. Les pierres travaillées étaient répandues sur
un espace de 5 mètres sur 5 mètres. Vers la partie supérieure de la
couche n° 6, à 1™,60 au-dessus de l'atelier^, un autre niveau archéolo-
gique à instruments finement retouchés, correspondait à l'industrie
acheuléenne. L'inventaire des objets de l'atelier est très intéressant. Il
comprend les formes les plus variées. Un total de 1.150 pièces se décom-
pose de la façon suivante : 968 éclats, 92 nucléi ou enclumes, 20 percu-
teurs, 70 outils divers dont 15 « coups de poing ». Les quelques figures
qui accompagnent le travail de M. Comment sont bien instructives. A
côté d'une langue de chat des plus élégantes de forme et des plus soi-
gnées de facture, nous voyons de grossiers percuteurs rappelant cer-
tains éolithes de M. Rutot, des formes amygdaloïdes comme en renferme
le Mousliérien, du Moustier même, de véritables râcloirs du même type,
et toute une série de petites formes qui ne sont que des éclats plus ou
moins bien retouchés en forme de grattoirs, de pointes et même de per-
çoirs.
Il y a, comme on le voit, une sorte de contradiction entre la belle
ordonnance du tableau de la succession des industries donné par l'au-
teur dans sa première brochure et les précieuses observations qu'il rap-
porte dans la seconde. C'est évidemment vers celle-ci que vont nos
préférences, car il s'agit ici d'un travail fait d'après nature, sans
aucune influence d'école. Elle vient à l'appui des observations que j'ai
présentées sur divers faciès de l'industrie humaine du Pléistocène infé-
rieur à propos des grottes de Grimaldi. Il est vraiment curieux de voir
que dans ce miUeu chelléen,d'un âge bien déterminé, dont tous les élé-
ments sont à peu près contemporains puisqu'il s'agit d'un atelier sur
un ancien sol recouvert parles dépôts d'une inondation, sur 1.150 silex
taillés on n'ait recueilli que 15 objets de type vraiment chelléen.
Des coquilles récoltées dans la couche n° 7 et envoyées par l'auteur
à M. Obermaier ont été déterminées parle D»" Baborde Prague. Voici la
liste des espèces:
Hélix hispida L.
H. terrenaCles^; espèce éteinte du diluvium de l'Europe centrale.
H. terrena var. Commonti Babor; très abondante.
H. arbustorum L. var. Sendtneri dessin.
Crionella lubrica^iiW.
PupacL poltavica Bœttg. du Pléistocène moyen de la Russie mé-
ridionale.
Succinea cf. Scliumaclieri Andr.
Limnea auricularia L.
L. — ovata Drap.
408 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
jusque-là; puis il rappelle les travaux de MM. Boule, Cartailhac, de
Villeneuve et Verneau et les conclusions que mes collaborateurs et moi
nous avons cru pouvoir tirer de nos études. 11 commente principale-
ment les déductions de M. Boule et les miennes, en faisant parfois
quelques réserves, que je ne saurais passer sous silence.
Les lecteurs de UAntliropologie connaissent nos idées sur les grottes
des Baoussé-Boussé et sur les vieux troglodytes qui y vivaient autre-
fois; il serait oiseux, par conséquent, de revenir sur des questions qui ont
été, à maintes reprises, traitées dans cette Bévue. Je ne m'arrêterai donc
qu'aux réserves, fort peu nombreuses d'ailleurs, formulées par M. Issel.
Notre distingué confrère n'est pas convaincu que le vaste plateau
sous-marin, dont les sondages du Prince de Monaco ont démontré l'exis-
tence, ait émergé au début de l'époque quaternaire et qu'il ait constitué
« une terrasse sur laquelle les éléphants et les rhinocéros dont on ren-
contre les ossements dans la caverne (du Prince) auraient trouvé des
pâturages ». Les observations faites dans la grotte « di Bergeggi » et
sur tout le littoral italien le portent à rajeunir le plateau, dont la
submersion n'aurait débuté qu'au commencement de l'époque actuelle.
11 n'est nullement nécessaire, ajoute M. Issel, d'admettre l'hypothèse
d'une terrasse émergée le long du littoral « pour expliquer l'existence
de puissants pachydermes à proximité des grottes ». Ce ne sont pas
des squelettes entiers, dit-il, qu'on a récoltés dans les cavernes, mais des
ossements isolés, provenant surtout des membres. Il s'agit vraisembla-
blement de parties détachées d'animaux tués à une certaine distance et
emportées par l'homme pour s'en nourrir. Il remarque encore que le
rhinocéros et surtout l'éléphant ne sont pas essentiellement des animaux
des pays plats et qu'ils s'accommodent des terrains accidentés. Quant
à l'hippopotame, c'est un animal dont les coutumes se concilient mal
avec les conditions qu'offre une plage marine ou un littoral rocheux,
comme celui des Baoussé-Boussé. En revanche, le milieu qui lui con-
vient, il le trouvait dans les vallées voisines de la Boia et de laNervia,
et c'est là, selon toute vraisemblance, que les troglodytes des Bochers-
Bouges chassaient aussi l'éléphant et le rhinocéros.
Certes, on ne saurait supposer que l'hippopotame eût vécu dans une
contrée dépourvue d'eau douce; mais le grand plateau aujourd'hui
submergé montre des dépressions qui continuent la direction des ravins
actuels, dépressions qui paraissent bien correspondre à d'anciens cours
d'eau. D'un autre côté, les restes d'éléphant découverts dans la Barma
Grande ne se réduisent pas à quelques os isolés des membres : M. Abbo
n'en a pas terminé l'extraction, mais déjà il a exhumé de nombreux
ossements de l'animal et notamment un os iliaque qui était articulé
avec le fémur correspondant. Si le proboscidien a été tué dans les val-
lées de la Boia ou de la Nervia, il faut admettre que les troglodytes
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 409
qui lui ont donné la chasse ne se sont pas laissés effrayer par le poids
des quartiers qu'ils ont transportés dans leur grotte.
A propos des deux squelettes humains recueillis dans la sépulture
inférieure de la grotte des Enfants, M. Issel reconnaît qu'ils présentent
des caractères négroïdes incontestables ; mais il ajoute : « S'agit-il de
représentants d'une race inférieure spéciale qui aurait précédé le type
de Cro-Magnon ? Sont-ce, au contraire, des individus anormaux qui
reproduisent par atavisme les caractères d'une race plus ancienne? »
— Je me bornerai à faire remarquer que, dans un cas comme dans
l'autre, nos Négroïdes n'en fournissent pas moins la preuve qu'il a vécu
anciennement une race offrant des caractères d'infériorité bien mani-
festes. M. Issel partage donc, au fond, l'opinion que j'ai émise à ce
sujet.
A part ces réserves, qui ne portent que sur quelques détails, M. Issel
se rallie complètement aux idées de M. Boule et aux miennes. Nous ne
pouvons que nous féliciter de voir nos conclusions essentielles adoptées
par un savant delà compétence du professeur de Gênes.
R. Verneau.
Trutat (Eug.). Le Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie pré-
historiques de Monaco. Ext. du Bull, périod. de la Soc. Ariégeoise des Sciences^
Lettres et Arts. Fois., 1906.
M. Trutat nous donne ses impressions de congressiste plutôt qu'un
véritable compte rendu de la XIIP session du Congrès international
d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques. Il mentionne, en
effet, dans sa brochure, qu'un petit nombre des questions qui ont
fait l'objet de communications à Monaco, car il ne parle que des
éolithes, des découvertes des Baoussé-Roussé, des enceintes dites
ligures, des cabanes er pierres sèches de la Ligurie et du midi de la
France, et, enfin, de l'art des cavernes. Pour trois de ces questions
(éolithes, Baoussé-Roussé et ornementation des cavernes), M. Trutat
accompagne son résumé d'un court historique qui a dû être fort goûté
de la plupart des lecteurs du Bulletin de la Société Ariégeoise.
Le compte rendu du Congrès qui a paru dans le dernier fascicule de
L'Anthropologie me dispense de donner une analyse plus détaillée de
l'article de M. Trutat. Je me contenterai d'en reproduire un passage,
que je ne puis laisser passer sans rectification. « iM. le D"" Verneau, dit
l'auteur, s'occupe ensuite des restes humains trouvés à Baoussé-
Roussé, et il s'étend tout particulièrement sur cette race négroïde
trouvée là pour la première fois. Fait de première importance qui
montre que dès ces époques reculées des relations existaient avec le
continent Africain. Chose remarquable, cette race deGrimaldi alaissédes
représentants dans quelques localités isolées dans le fond des mon-
tagnesquilongentlescôtes, M. Verneau lésa formellementreconnues... »
410 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Ce n'est pas dans les montagnes qui longent tes côtes que j'ai recher-
ché et retrouvé les descendants des Négroïdes de Grimaldi, car on
aurait pu m'objecter qu'il s'agissait de types plus ou moins négritiques
arrivés par mer à une époque récente ; c'est en Suisse et dans des loca-
lités retirées du Piémont et de l'intérieur de l'Italie septentrionale que
j'ai fait surtout mes recherches La découverte, loin des côtes, de nom-
breuses traces d'un élément négroïde a une tout autre importance, car
elle permet d'éliminer l'hypothèse de l'arrivée par mer d'individus
partis d'Afrique.
Il me semble impossible, en effet, de voir dans les Négroïdes de la
grotte des Enfants la preuve que « des relations existaient avec le con-
tinent Africain » dès l'époque où venaient de se déposer, dans les
cavernes des Baoussé-Roussé, les couches à faune chaude. Quelques
préhistoriens pourront soutenir cette thèse, mais les faits que j'ai
réunis dans mon travail me paraissent de nature à rallier la grande
majorité des suffrages en faveur de l'autochtonisme des Négroïdes qua-
ternaires de l'Europe.
R. V.
Bkeuil (Abbé). Les Cottes, grotte du vieil âge du Renne à Saint-Pierre de Maillé
(Vienne). Revue de l'École d'Anlhr. de Paris, lévrier 1906.
Le Pléistocène supérieur est très difficile à détailler par les seules
méthodes géologiques ou paléontologiques; il forme, à ce point de vue,
un bloc compacte, dans lequel les archéologues seuls ont pu jusqu'à
présent établir des divisions. Nos lecteurs savent que, dans ces derniers
temps, MM. Cartailhac et Breuil sont arrivés à faire de nombreuses
coupures dans l'âge du Renne, en utilisant d'un côté les beaux travaux
de Piette sur les harpons et sur les œuvres d'art, et en étudiant de plus
près l'industrie du silex. La grotte des Cottes, décrite par l'abbé Breuil,
est un gisement qui se rapporte à l'âge du Renne le plus ancien, à l'âge
du Renne inférieur, qu'on peut appeler Aurignacien du nom de la
célèbre station fouillée par Ed. Lartet et caractérisée par une industrie
spéciale.
La grotte des Cottes s'ouvre à 7 mètres au dessus du niveau de la rivière
la Gartempe. Elle a été fouillée à deux reprises par M. de Rochebrune qui
a publié les résultats de ses travaux d'abord en une brochure spéciale,
puis dans les Matériaux (1881, p. 102). Les résultats de la seconde
fouille n'avaient pas été suffisamment étudiés et M. l'abbé Breuil en a
repris l'exposé. Cette seconde fouille a livré des débris de Mammouth, de
Rhinocéros à narines cloisonnées, de Lion, d'Hyène, d'Ours des caver-
nes, de Renne L'industrie accompagnant ces ossements comprend,
outre de belles séries moustiériennes, un outillage spécial en os, en bois
de Cervidés (que M. B. s'obstine à appeler corne), en ivoire, et des silex
de formes particulières. Tout cela est de V Aurignacien typique. Les
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 411
objets en os sont de menas poinçons assez variés de formes : des « mar-
ques de chasse «à traits alignés, une longue tige cylindrique en ivoire,
une grosse épingle, des sortes de lissoirs en bois de Renne et surtout
une série de pointes à base fendue, dites du type d'Aurignac, lesquelles
seraient tout à fait caractéristiques du vieil âge du Renne. A noter de
plus un morceau de canon de Renne évidé, sorte de flacon renfermant
encore de l'ocre et analogue aux étuis à aiguilles déjà connus.
L'outillage de silex comprend : quelques burins, la plupart différents
des formes classiques par un des tranchants très retouché ; des grat-
toirs et des perçoirs; des lames avec pointes déviées latéralement en
forme de vraies lames de couteaux ; des lames avec grandes concavités
retouchées soigneusement: des grattoirs nucléiformes, trapus, carénés.
Ces deux dernières catégories d'objets ne sont pas moins caractéristiques
de ce niveau que les pointes en os à base fendue.
Le travail se termine par des comparaisons avec d'autres localités :
Brassempouy, Spy, Pair-Non-Pair, etc. qui permettent d'établir défi-
nitivement le niveau d'Aurignac dans la série stratigraphique de l'âge
du Renne. Il serait situé entre le Moustiérien et le Solutréen et compren-
drait des assises présolutréennes, antérieures au grand développement
attislique de l'âge du Renne : « Sauf quelques figurines humaines on n'y
peut rapporter que des ornementations géométriquesabsolument rudi-
mentaires, qui y sont d'ailleurs très constantes ». il paraît que Ed. Lar-
tet, Sir John Evans et M. Hamy avaient parfaitement compris cette
chronologie de même que Gabriel de Mortillet, lors de ses premiers
essais de classification.
Je dois me demander pour ma part, en qualité de géologue et de
paléontologiste, si ce niveau ne devrait pas être rattaché au Moustiérien
ou pour parler autrement au Pléistocène moyen plutôt qu'au Pléis-
tocène supérieur. On pourrait le soutenir par de bons arguments. La
vérité c'est qu'ici comme partout ailleurs, la nature se moque de nos
classifications. 11 n'en est pas moins vrai que MM. Cartailhac et Breuil
nous ont rendu un grand service en débrouillant la succession des
belles industries du Paléolithique supérieur sur le territoire français.
M. Boule.
Bkelml (L'abbé). La dégénérescence des figures d'animaux en motifs ornemen-
taux à l'époque du Renne (Extr. des Comptes rendus de V Acad. des Inscriptions
et Iielle:i- Lettres, 1905, p. 105).
L'auteur a eu l'idée d'étudier certains graphiques considérés comme
inintelligibles, le plus souvent de bien médiocre intérêt au point de vue
artistique. Après en avoir fait une nombreuse collection, il s'est attaché
à les disposer en séries ou en familles naturelles, les uns, plus simples,
paraissant dériver d'autres plus compliqués, lesquels se relient à des
412 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
dessins nettement figurés dont ils ne sont qu'une interprétation réduite
ou géométrique. Ce serait là une des sources, la source la plus impor-
tante de l'ornementation des artistes de l'âge du Renne.
La note lue par M. l'abbé lireuil à l'Académie des Inscriptions n'est
que le résumé d'une thèse présentée à l'Université suisse de Fribourg
où elle a été couverte d'éloges. La publication de ce dernier travail est
des plus désirables et nous souhaitons qu'elle ne se fasse pas trop
attendre.
Dans sa note préliminaire, l'auteur a pris comme exemples un certain
nombre de figurations : les signes tectiformes, les mains, la queue de
poisson, le poisson entier, le serpent, la jambe antérieure du Cheval
ou du Bison, la ramure de Renne, les têtes d'Equidés et d'autres Mam-
mifères. De cette longue énumération de faits qui se présentera avec
une richesse encore plus grande dans le travail définitif, M. Breuil
tire la conclusion qu'à côté des grands artistes de Tâge du Renne, qui
demandaient à une étude directe de la nature les sujets qu'ils gravaient
ou peignaient avec tant de perfection, il y avait des copistes qui, défi-
gurant peu à peu les œuvres dont ils s'inspiraient « arrivaient incon-
sciemment à modifier profondément, à abolir, et parfois à inverser
même le sens d'une figure naturaliste, jusqu'à la réduire au misérable
rôle de motif ornemental ».
En dehors du stock limité des ornements primordiaux, qui se retrou-
vent partout, l'ornementation de l'âge du Renne est donc le fruit d'une
altération plus ou moins profonde de l'art figuré. Cela rappelle l'origine
des écritures qui sont sorties de la pictographie et dont les caractères
ont perdu l'aspect et la signification qu'ils avaient primitivement.
M. B.
Breuil (H.). L'art à ses débuts, l'Enfant, les Primitifs (Extr. de la Revue de philo-
sophie^ 1906.)
Charmant article qui paraît n'être que le premier d'une série consa-
crée au problème de l'origine de l'art. Dans celui-ci Tauteur étudie
l'évolution de l'enfant en ce qui concerne son intelligence des images
et leur reproduction. Voici le résumé de cette enquête :
« L'Enfant comprend d'abord les images les plus semblables à la réa-
lité par leur proportions, comme les statues et les figurines, ou qui en
donnentplus ou moins parfaitement l'illusion, comme l'image du miroir,
et enfin l'ombre. Plus tard il comprend les estampes et les peintures,
interprétant bientôt dans un sens figuré tout ce qui se présente à ses
regards. C'est sous cette forme, et par le choix grossier des matériaux
auxquels il donne plus ou moins arbitrairement une signification, que
l'enfant fait ses premiers efforts spontanés pour matérialiser ses concep-
tions; sauf des modelages bien frustes, la statuaire ou la sculpture
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 413
est au-dessus de ce que peuvent réaliser ses mains, mais l'ombre portée,
l'empreinte, le découpage de silhouettes, doivent être plutôt considérés
comme spontanés que les dessins exécutés par imitation d'un geste
ou mémoire fidèle d'un cliché ».
Il sera intéressant de voir si, dans ce cas encore, l'évolution du groupe
est parallèle à celle de l'individu et si le développement artistique des
Primitifs s'est fait comme chez les Enfants d'aujourd'hui. Evidemment il
doit y avoir des difïérences tenant à la différence des milieux servant de
premiers éducateurs. M. Breuil est, mieux que personne, à même de
nous l'apprendre.
M. B.
Pabat (L'Abbé). Les grottes de la vallée de l'Yonne. La grotte de La Roche-au-
Loup (Extr. du Bull, de la Soc. des Sciences de l'Yonne, 2e semestre de 1904.
Auxen-ô, 1906).
M. Parât, après avoir beaucoup écrit sur les grottes de la vallée de
la Cure, entreprend la description de celles de la vallée de l'Yonne
moins riche que la première. Dans son cours moyen, c'est-à-dire dans
la traversée du département qui lui doit son nom, la vallée de l'Yonne
présente 36 excavations longues de 3 à 35 mètres et creusées presque
toutes dans le Rauracien (ou Corallien inférieur). Au point de vue
archéologique, 6 grottes seulement ont fourni des résultats.
La plus importante, à cet égard, est celle de La Roche-au-Loup.
Son remplissage, épais de 5 mètres, comprenait deux couches distinctes
d'aspect ; une couche inférieure, de beaucoup la plus importante, formée
d'argile jaune parfois sableuse et caillouteuse et d'âge quaternaire ;
une couche supérieure, de couleur brune, tout au plus néolithique. La
plupart des animaux dont les débris osseux ont été recueillis dans
l'argile inférieure, et que j'ai déterminés au Muséum, appartiennent à
la faune du Mammouth. L'auteur signale encore la présence de deux
espèces qu'on ne s'attendait pas à trouver ici : l'Hippopotame de déter-
mination certaine puisqu'elle est due à M. Albert Gaudry, et l'Élan. Il
serait très intéressant de connaître la position exacte dans la masse du
remplissage de l'incisive d'Hippopotame, mais M. Parât ne peut l'indi-
quer, ce qui ne l'empêche pas d'admettre la contemporanéité de cette
espèce chaude avec les espèces froides de l'ensemble du gisement. La
présence de l'Elan, dans ce même milieu, sans être aussi extraordinaire,
est un fait assez étrange et la détermination des dents sur lesquelles ce
fait est basé mériterait d'être reprise. L'industrie lithique compren-
drait deux niveaux : l'inférieur moustérien, le supérieur magdalénien.
L'auteur a fait suivre l'exposé de ses recherches dans la grotte de La
Roche-au-Loup d'une dissertation sur l'histoire des temps quaternaires,
notamment sur l'époque moustiérienne et sur l'Homme préhistorique,
avec exemples tirés de la région, qui sera certainement goûtée des lec-
414 MOUVEMENT SCIENTIFIQUK.
leurs du Bulleùn de la Société des Sciences de l^ Yonne auxquels il
s'adresse.
Les autres gisements de la vallée de l'Yonne datent les uns du Qua-
ternaire supérieur, d'autres du Néolithique; les derniers sont de Tépoque
des métaux et gallo-romains. Une note complémentaire raconte l'his-
toire fort peu édifiante de la fabrication d'une fausse gravure sur os
représentant un Ours des Cavernes et qui aurait été donnée comme pro-
venant de la Grotte des Fées.
M. B.
E. Neuweilkr. Die praehistorischen Pflanzenreste Mitteleuropas mis besonderer
Berùcksichtigimg der schweizerischen Funde (Les restes végétaux préhistori-
ques de l'Europe centrale, avec référence spéciale aux découvertes suisses). Zurich,
1905.
Dans ce travail M. Neuweiler a entrepris la tâche aussi difficile que
louable, d'examiner de nouveau les restes végétaux préhistoriques de
l'PCurope centrale. Dans ce but il a repris de fond en comble l'étude de
toutes les découvertes de ce genre faites en Suisse, le pays classique
des palafîttes ; ensuite celle des gisements principaux de l'Autriche, de
l'Allemagne et de l'Italie, enfin de quelques localités de France et de
Belgique. Tout ce qui était douteux a été supprimé, ou, du moins,
noté comme tel; un grand nombre d'espèces ont été déterminées pour
la première fois. Des anciennes déterminations du botaniste HeerW en
est qu'on n'a pu conserver : Tliuidium delicatalum est en réalité : Th.
Philibertij les semences que Heer avait attribuées à Pinus silvestris
appartiennent presque exclusivement à Najas; la présence de Pinus
montana n'est pas bien certaine ; Lolium temulentum, Chenopodium
rubrum, Ranunculus hederaceus,Spergula pentandra ; Arenaria serpylli-
folia sont à supprimer. Heer avait dressé une liste de près de 120
espèces préhistoriques, qui s'élève maintenant, sans compter le seigle,
l'orge, le froment et l'avoine, à environ 220; environ 170 de celles-ci
sont établies pour la Suisse. Pour la première fois on y a établi environ
70 espèces dont deux appartiennent aux plantes cultivées, les autres
aux plantes sauvages. Ce sont les suivantes : Lenzites abietina, L. sae-
piaria^ Polyporus auslralis f P. hirsutus, Tubercularia s^., Aylaria sp.,
Cenococcum geophilum, Peltigera sp., Camptothecium lutescens^ Eurhyn-
chium striatum, Hylocomium triquetrnm, Bypnum incurvatum, H.
cupressi forme, Isothecium myurum, Thuidium tamariscinum, Th. pseudo-
tamariscinum. Th. Pliliberti, Sparganium cf. ramosum, Najas marina,
N. intermedia, Setaria cf. viridis. Avena fatua, Bromus secalinus, B.
mollis^ B. sp., Triticum repens, Scirpus Tabernaemontani, Cladium
Mariscus, Salix capraea, Populus tremulaf Juglans regia, Ulmus cam-
pestris? Polygonum lapathifolium, P, Persicaria, P. aviculare, P. con-
volvulus, Lychnis flos cucculi, L. vespertina, Saponaria officinalis,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 415
Slellaria graminea, Moehringia trinervia, Clematis Vitalba, Fumaria
of/icinalis, Thlaspi arvense, Naslurtium officinale, Potentilla sp., Agri-
monia Eupatorium, Sanguisorba sp., Vicia cracca, V. hirsuta, Euphor-
bia helioscopea, Vitis viniferaj Viola sp., Cicuta virosa, Angelicasiivestris,
Anagallis arvensis, Verbena officinalis^ Verbascum sp. (Thapsus?) Ajuga
reptans, Teucrium sp. (Scordium ?). Galeopsis Tetrahit, Lycopus euro-
paeus, Mentka aqualica, M. arvensis, Salvia sp., Scutellarna galericulnla.
Stachys, sip. Lamium sp., Solanum Dulcamara, Hyoscyamus nigerf Ver-
bascum sp. Galium spurium, G. Aparine, S fier ardia arvensis, Valerianeila
Morisonii, Cirsium sp. Eupatorium cannabinum, Lampsana communis ^
Ces découvertes ne fournissent aucune nouvelle donnée pour l'his-
toire du développement de la végétation depuis la dernière époque gla-
ciaire jusqu'à Tépoque néolithique; toutes les plantes concordent avec
la flore actuelle, bien que plusieurs comme Trapaei T'arguaient diminué.
Par contre le millet {Panicum miliaceum L.) fournit de nouveaux résul-
tats; on le trouve déjà en grande quantité dans les palafittes néolithi-
ques du sud de l'Europe centrale; Setaria italica P. B. aussi n'est ipas
rare. La découverle de la noix {Jugions regia L.) dans la station néoli-
thique de Wangen (Suisse) prouve que ce fruit était déjà connu beau-
coup plus tôt que l'on n'avait admis jusqu'ici. Le lin (.Si/^yie sp.) aussi
est néolithique, ses semences sont plus petites que celles de Silène cre-
tica, une espèce très rare en deçà des Alpes. On avait jusqu'ici avec
raison mis en doute l'existence de la vigne (Vitis vinifera L.) aux
temps préhistoriques. M. Neuweiler a examiné de nouveau tous les
échantillons ; il est incontestable que ses grains se trouvaient déjà dans
la couche intacte néolithique de la palafitte de Saint-Biaise (située aux
bords du lac de Neuenburg). ils se rapprochent surtout des grains des
raisins non cultivés de l'Alsace.
D'" Hugo Obermaier.
ScHWEiNFURTH. PseudeoHthen im nordischen Geschiebemergel (Faux éolithes dans
les marnes du Nord de l'Allemagne). Zeitschrifl fiir Ethnologie, t. XXXVII, 190îi,
p. 912.
M. Schweinfurth a examiné les cailloux siliceux des dépôts intergla-
ciaires de l'Allemagne du Nord, pour savoir s'ils présentent les mêmes
caractères de taille intentionnelle que les éolithes d'Egypte. Sa réponse
est négative. 11 n'y n'a pas, même dans les parties concaves de ces cail-
loux, des arêtes aiguës, ce qui prouve qu'ils ont été roulés par les eaux.
Au contraire l'usure d'un instrument par son emploi laisse toujours
subsister des arêtes aiguës. D'autre part on trouve sur les pseudo-éoli-
thes des arêtes abattues ou usées sans rapport avec le mode d'utilisa-
tion possible de l'instrument. Dans leur forme générale ces cailloux
peuvent cependant simuler la taille intentionnelle. C'est ainsi que dans
une gravière de Neu-Brandenburg, l'auteur a trouvé des éclats ressem-
416 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
blant à des grattoirs moustiériens et enlevés à des blocs de silex par
les agents naturels. A Neu-Strelitz une carrière lui a donné un magni-
tique percuteur reutélien.
Dr L. Laloy.
WiKOERS. Die paliiolithischen Funde aus dem Interglazial von Hundisburg (Les
trouvailles paléolithiques de l'iiiterûrlaciaire de Hundisburg près Neuhaldensleben).
Zeitsciv'ift fiir Ethnologie, t. XXXVll, 1905, p. 91 5.
En rendant compte [L'Anthrop.,i. XVI, 1905, p. 678) des trouvailles de
M. Favreau à Neuhaldensleben j'émettais quelques doutes sur les con-
clusions que Fauteur voulait en tirer. On se rappelle que M. Favreau
avait constaté sur ces silex des stries dont certaines sont superposées
aux traces de travail intentionnel et qu'il attribuait à la glace de l'avant-
dernière extension. Comme les instruments sont situés à 2 mètres au-
dessous de la moraine, ils n'ont pas en effet été atteints par la dernière
extension. La conclusion était des plus importantes, puisqu'elle faisait
remonter l'existence de l'Homme dans l'Allemagne du Nord jusqu'à
l'avant-dernier interglaciaire.
Je soupçonnais que ces stries pouvaient ne pas être d'origine gla-
ciaire. M. Wiegers qui a étudié la stratigraphie de la région et examiné
les pièce en question, déclare que certaines des soi-disant stries ne sont
que des lignes de fracture ; dans la région il y a des stries sur les roches
en place, mais les cailloux striés provenant de la moraine du fond sont
extrêmement rares. On ne peut donc supposer que les stries véritables
que portent certains instruments de silex proviennent de l'action
directe de la glace. M. Wiegers les attribue à la pression réciproque
des cailloux, sous l'action du poids de la glace de la dernière extension.
Il n'y a donc pas lieu d'admettre que l'Homme soit apparu dans la
région avant le dernier interglaciaire.
D' L. L.
H. PoHLiG. Die Eiszeit in der Rheinlauden (La période glaciaire dans la vallée du
Rhin). Driefe der Monatsherichte der deutschen geologùchen Gesellschaft, u° 6, 1905
(1 pi.).
Le premier des problèmes étudiés par iM. Pohlig est celui des blocs
erratiques. H fait ressortir qu'un grand nombre d'entre eux sont faux
et dus simplement à l'érosion qui a enlevé les matériaux plus légers
situés autour d'eux. Je rappellerai que j'ai décrit [La Nature, n*^ 1606,
5 mars 1904) de fausses traces glaciaires situées dans le Palatinat sur le
versant du Kalmit ; il s'agissait de dépressions creusées dans des rochers
de grès et renfermant chacune un boulet de grès; elles avaient été
prises pour des « moulins de glacier » ; leur origine paraît plutôt
éolienne.
M. Pohlig a fait connaître dans la province du Rhin des sables ren-
MOtJVËMENT SCIENTIFIQUE. 417
fermant des fossiles jurassiques ou crétacés. Ils indiquent l'existence
d'un fleuve, précurseur du Rhin dont la direction était nord-sud ou
ouest-est, et correspondent probablement à une période glaciaire plio-
cène. Ils sont surmontés par un cailloutis qui représente peut-être l'in-
terglaciaire des couches anglaises de Cromer, quoiqu'on n'y rencontre
pas Elefhas meridionalis.
Les phénomènes glaciaires quaternaires ont laissé des traces plus
nettes. Le maximum de la glaciation alpine est représenté par les dépôts
les plus anciens du Rhin, par la masse principale des dépôts fluviatiles
sur les plateaux et les versants et par le maximum du creusement des
vallées. C'est grâce aux eaux de fusion des glaciers des Alpes, des Vosges
et de la Forêt-Noire, que le système fluvial du Rhin a commencé à
prendre sa configuration actuelle. Les cailloux roulés ont d'abord recou-
vert les plateaux, puis les vallées se sont creusées et ces dépôts n'ont
plus persisté que sur leur fond et leurs versants. Ils ne renferment pas
de fossiles.
Les terrains interglaciaires sont représentés par les graviers de Dax-
laud, Mauer, etc. renfermant Eleplias antiquus, Rhinocéros Merckï et,
par endroits, Elasmotherium^ et par les sables de Mosbach qui repré-
sentent l'époque la plus chaude de l'interglaciaire, avec Bippopotamus,
Rhinocéros Merckï Etruirse, Cervus alces latifrom, Trogontherium. C'est
l'époque où ces espèces pliocènes se sont de nouveau étendues vers le
nord pour passer en Angleterre.
Les deux autres étages de l'interglaciaire, le plus ancien, celui de
Rixdorf près Berlin, et le suivant, celui de Siissenborn près Weimar, ne
sont représentés dans la vallée du Rhin que par des dépôts non fossili-
fères. On n'a pas de données suffisantes pour fixer la place des forma-
tions volcaniques interglaciaires de l'Eiffel, du lac de Laach et de Bonn,
dans ce système.
Les dernières extensions glaciaires sont caractérisées par les dépôts
fluviatiles du fond des vallées, et par le loess qui d'après l'auteur cons-
titue un dépôt amené par les eaux de fusion des glaciers. Dans la val-
lée du Rhin ces deux formations sont fort bien développées. Les graviers
du fond de la vallée, riches en fossiles tels que Rhinocéros tichorinus, EU'-
phas primigenius sont séparés des formations interglaciaires par une
terrasse bien marquée. Une autre terrasse située plus bas les sépare de
l'étage postglaciaire.
Le loess des vallons recouvre presque partout les graviers; il ne ren-
ferme plus trace de faune glaciaire, et correspond à l'époque néolithique
des anthropologues. Il est identique au loess des versants à la fois au
point de vue pétrographique, géologique et zoologi(j[ue. Dès 1883 M. Poh*
lig s'était élevé contre l'hypothèse de l'origine éolienne du loess. D'après
lui le loess des vallées forme le dernier terme d'une série qui débute
avec le loess des plateaux pour se continuer par les divers étages de
l'anthropologie. — T. xvir — 1906. 27
420 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Zaborowski. L'origine des animaux domestiques en Europe et les migrations
aryennes. {Comptes rendus de VAss. française. Congres de Grenoble, p. 1034 et
suiv.)
L'auteur combal les vues de M. Kriz qui, à la suite de ses recherches
en Moravie, a cru pouvoir proclamer que^ les animaux domestiques
ayant le même nom dans toutes les langues d'Europe, ont été intro-
duits par le peuple aryen dans ses migrations. Il examine une à une
les principales espèces et n'a pas de peine à montrer la faiblesse de
certains raisonnements de M. Kriz. Enfin il cherche à établir l'origine
des animaux domestiques d'après les données archéologiques et lin-
guistiques actuelles. Certains faits paléontologiques, qu'il croit établis,
d'ailleurs d'après de bons auteurs, ne le sont pas ; tel l'existence, qui
n'est nullement démontrée, de la Chèvre égagre dans le Quaternaire de
France.
En somme, M. Zaborowski admet fort bien que toutes les races
domestiques de l'Europe ne sont pas de souche indigène. Mais pour
aucune race domestique aryenne on n'a besoin d'aller jusqu'en Asie cen-
trale. Il n'est pas nécessaire de faire intervenir aucune grande migra-
tion de peuples et surtout aucune grande migration de peuples aryens
d'Asie pour expliquer la présence des animaux domestiques à l'âge de
la pierre polie. Si l'on place la patrie des Protoaryens hors d'Europe, on
est dans l'impossibilité d'expliquer cette communauté, si générale dans
les langues aryennes, des noms de nos animaux domestiques, et surtout
cette filiation évidente entre les animaux domestiques aryens, comme
le Cheval, le Bœuf, le Porc, etc. et les races sauvages indigènes de l'Eu-
rope quaternaire et néolithique. M. B.
Laville (A.). Le Megaceros hibernicus aux environs de Paris dans les dépôts
infra-néolithiques. [Feuille des jeunes naturalistes^ 1«' décemlDre 1905).
M. Laville a recueilli à Villeneuve-Triage, dans des limons superposés
aux graviers quaternaires et supportant des limons qu'il considère
comme néolithiques, une mandibule de grand Cervidé qu'il attribue au
Megaceros, Si cette détermination est exacte, ce que je pense étant
donné le soin que M. Laville paraît y avoir apporté, le fait est des plus
intéressants. L'auteur pense que les limons à Megaceros correspondent
dans la vallée de la Seine à l'ancien hiatus, c'est-à-dire aux couches du
Mas d'Azil rendues célèbres par les travaux de Piette.
M. B.
MiEG (Mathieu). Dessins représentatifs sur os de la station préhistorique de Sie-
rentz (Haute-Alsace). Extr. du Bull, mensuel des séances de la Société des sciences
de Nancy. Imprim. Berger-Levrault, sans date, probablement 1906.
L'auteur a découvert une station néolithique à Sierentz dans une
couche de terre à briques. Avec quelques silex, un petit nombre de
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 421
débris de vases, cette station a fourni deux objets en pierre polie dont
l'un tout au moins, taillé et usé en lame avec dents de scies régu-
lières, paraît de fabrication récente et toute une série de gravures sur os
dont l'antiquité ne recevra pas un meilleur accueil des archéologues
expérimentés. La reproduction phototypique de ces derniers suffit pour
laisser reconnaître un travail fait avec des outils métalliques. Je ne
parle pas du style des dessins qui sont d'horribles imitations des œuvres
d'art de Tépoque du Renne et au moyen desquels on a voulu représenter
des Ruminants, une tête de Cerf, un Oiseau, etc. M. Mieg ne nous dit pas
qu'il a recueilli lui-même ses objets. Sa bonne foi ne saurait donc être
suspectée. 11 a bien observé le caractère enfantin de ces dessins; il a
pensé qu'ils représentaient la survivance à l'époque néolithique de l'art
de l'âge du Renne en complète décadence. Je crains qu'il n'ait été sim-
plement la victime d'un faussaire. M. B.
Daleau (F.) et Maufras (E.). Le dolmen du Terrier de Cabut (Extr. des Actes de
la Société archéologique de Bordeaux, 1905).
En 1903, des travaux agricoles mirent à découvert près d'Anglade
(Gironde), au Terrier de Cabut, un dolmen sans tumulus composé de six
piliers et d'une table et orienté du N.-O. au S.-E. La moitié du monument
fut brisée et saccagée; l'autre moitié restée intacte fut fouillée par les
auteurs qui y trouvèrent : 1° des objets en bronze, lame de poignard
et quatre morceaux de métal pauvre en étain ; 2° des objets en os, une
amulette ou élément de collier, sorte de tube fait avec un humérus
de petit Mammifère et orné de lignes parallèles et de dents de loup; deux
poinçons ou fortes épingles, trois petits bâtonnets et une perle; 3^ trois
perles en calcaire; 4° diverses coquilles perforées, notamment 412 den-
tales; une petite rondelle découpée dans une coquille; 5° trois silex
taillés; 6" quelques débris depoteries dénotant une forme très souvent
'Rencontrée en France. Tout cela indique l'époque morgienne de Mortillet.
Les ossements qu'on a pu recueillir ont été étudiés par M. Manouvrier ;
^eurétat de conservation n'a pas permis une étude précise. Un crâne
reconstitué, féminin, est brachycéphale. Un fémur entier, également
féminin, dénote une taille d'environ 1°*,55. D'après les mandibules ou
fragments de mandibules recueillis sous ce dolmen, on y avait enseveli
douze sujets des deux sexes. M. B.
Beaupré (Le comte J.). La station funéra're du Bois-L'Abbé. Extr. des Mém. de
la Soc. arc/iéol. lorraine, 1905.
Un très petit nombre de stations funéraires attribuables à l'époque
néolithique avec quelque certitude avaient été jusqu'ici reconnues en
Lorraine. En mai 1905, l'auteur a découvert dans le Bois-L'Abbé, com-
mune de Sexey-aux-Forges, une station funéraire comprenant deux
422 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
groupes bien distincts et situés à 300 mètres l'un de l'autre. Les sépul-
tures du premier groupe étaient dissimulées sous un grand tertre,
de forme ovale, presque circulaire^ de 20 mètres de diamètre moyen
Ce premier groupe comprend : une allée couverte faite de grandes
dalles; des caissons construits delà même façon ; des perriers composés
d'éléments moins volumineux. L'allée couverte, longue de 10°^, 50
formait un couloir large de C"^,90, haut de €"^,80 à 0'^\95 et orienté du
Sud-Ouest au Nord-Est. 11 était fermé à ses deux extrémités par des
pierres. Le sol était recouvert en partie de petites dalles plates noircies
par du charbon. 11 n'y avait dans la partie centrale et orientale ni osse-
ments ni mobilier funéraire, sauf quelques débris d'os longs.
La partie occidentale a livré quelques silex et des ossements plus
nombreux appartenant à deux sujets au moins. Les caissons, au
nombre de six, renfermaient quelques silex, des morceaux de poterie,
des débris d'os, de nombreuses traces de feu. Les perriers sont des
amas de matériaux soigneusement placés les uns au-dessus des autres
de façon à former de petits tumulus rocheux de 2 mètres de diamètre
environ. L'auteur décrit minutieusement tous ces monuments qu'il a
fouillés avec soin; un plan accompagne ces descriptions ainsi que d'ex-
cellentes reproductions photographiques des principaux objets com-
posant un mobilier en somme très pauvre.
Le second groupe, sans tumulus, comprend deux caissons et un long
perrier. Les caissons ont renfermé des squelettes humains dont on n'a
trouvé que des fragments avec quelques débris de vases grossiers. Le
perrier s'étend sur une longueur de 14 mètres; il avait dû comprendre
trois sépultures au moins. On y a recueilli quelques pierres travaillées,
notamment des pointes de flèches et une hachette au tranchant soi-
gneusement poli.
L'auteur termine son mémoire par des observations relatives aux
conditions du gisement des deux groupes, aux ossements qui y ont été
recueilis (sans connexions anatomiquesj et dans un état de détérioration
tel qu'ils n'ont pu être étudiés par M. Manouvrier. Il est frappé de la
concordance qui existe entre ses observations sur les cryptes funéraires
de Lorraine avec celles qui ont été faites ailleurs et si bien résumées
par M. Cartailhac dans son beau livre : La France 'préhistorique,
M. B.
A. LissAUER. Zweiter Bericht ùber die Tiitigkeit, etc. (SecoQd rapport sur l'activité
de la commission chargée par la Société allemande d'Anthropologie d'établir des
cartes de types préhistoriques). Zeitschrift fur Ethnologie, t. XXX Vil, ^905, p. 793
(37 flg. et 1 carte hors texte).
Les haches à bords relevés étudiées dans le mémoire précédent (1)
(i) Voir VAnihrop., XVI, 1905, p. 197.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 423
ne permettent pas à la lame de pénétrer profondément. Pour obvier à
cet inconvénient on a fait diverses tentatives, qui ont abouti à l'inven-
tion des haches à talon. Celui-ci était destiné à empêcher le manche de
gUsser du côté du tranchant; par suite toute la partie des bords relevés
située au dessous de lui devenait superflu. En même temps la forme
de l'extrémité supérieure et celle du tranchant deviennent moins
variables.
Sur certaines haches à bords relevés la partie médiane est épaissie.
Cet épaississement, d'abord fortuit, s'accentue et devient un rudiment
de talon; les bords relevés descendent encore jusque près du tranchant.
Ce type de transition n'est représenté que par quelques exemplaires
dispersés dans le territoire occupé par la forme suivante, c'est-à-dire
en Angleterre, en Irlande, en France, dans la vallée du Rhin et l'Alle-
magne du Nord. Il paraît appartenir à la deuxième division de l'âge du
bronze de Montelius.
La hache à talon rectangulaire est la plus répandue dans l'Europe
occidentale. Les bords relevés s'arrêtent au talon. Au début cette hache
a au-dessous du talon deux anneaux destinés à fixer le manche. Plus
tard on reconnut que ce mode de consolidation était superflu et on
se contenta d'approfondir la gouttière destinée au manche. Les haches
à talon et à anneaux ne se rencontrent qu'en Portugal, en Espagne, en
France, en Angleterre et en Irlande; un seul exemplaire a été trouvé
en Allemagne, en Oldenbourg. Les haches typiques à talon rectangu-
laire sont communes dans la péninsule ibérique, la France, la Belgique,
la Hollande, la Grande-Bretagne, la vallée du Rhin de Bâle à Mayence,
l'Allemagne du Nord, le Danemark et la Suède. Elles font entièrement
défaut en Italie, en Autriche-Hongrie et en Wurtemberg ; elles sont
très rares en Suisse, en Bavière et en Bohême. Elles appartiennent
également au deuxième âge du bronze.
Le type nordique est caractérisé par un talon rectangulaire pourvu
d'une bande ornementale transversale. Cette bande est saillante, fait
tout le tour de la hache au-dessous du talon et est décorée de triangles,
de spirales, de perles ou de lignes en zig-zag. Cette hache est une arme
de guerre ; elle est spéciale à la Suède, au Danemark, au Schleswig-
Holstein, au Hanovre, à TOldenbourg et au Meckleubourg. Elle appar-
tient à la même période que la forme précédente, mais existe encore
au début du troisième âge du bronze.
La hache à talon arqué est très fréquente dans l'Allemagne du Nord.
Le tranchant porte souvent des dépressions en gouttières, et parfois
une côte médiane. Il y a assez souvent un anneau latéral. Ce type très
fréquent dans le Hanovre, le Schleswig-Holstein, l'Oldenbourg, la
Westphalie, le Brunswick et la province de Saxe, ne fait cependant
défaut nulle part oii on rencontre la hache à talon rectangulaire,
dont il n'est qu'un perfectionnement. On le trouve également 'dans
424 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
l'Est de l'Allemagne jusqu'en Livonie, et d'autre part en Wurtemberg
et en Hongrie, territoires oii on n'a pas observé le type de l'Europe
occidentale. En Scandinavie ces haches sont rares ; on ne les connaît
ni en Autriche ni en Italie. Elles appartiennent à la période la plus
florissante du deuxième âge du bronze et à une bonne partie du
troisième.
Dans l'est de l'Europe s'est développée une hache à talon d'un tout
autre type. Le talon est formé par le rapprochement des bords latéraux
relevés. Ce type est surtout fréquent en Bohême, mais se rencontre
également en Hongrie, en Autriche, en Bavière, en Saxe, en Brande-
bourg et en Silésie. Il est rare dans le reste de l'Allemagne, sporadi-
que en France et en Suisse, et semble faire totalement défaut en Italie,
en Angleterre, et en Scandinavie. Ce type appartient également aux
deuxième et troisième âges du bronze.
Df L. Laloy.
C. Mehlis. Die bemalten Kiesel, etc. (Les cailloux peints du « Bôhl » près Neustadt
an der Hart). Glohus, t. LXXXIX, 1906, p. 170 (2 pi.).
Entre Neustadt (Bavière rhénane) et Mussbach, s'étend un plateau
haut de 140 mètres, et formé d'un mélange de sables, de cailloutis et de
limon ; le niveau géologique est celui des hautes terrasses du diluvium.
C'est à ce plateau que s'applique le nom de Bohl, qui, dans toute la
région est employé pour les éminences naturelles ou artificielles. Sa
surface est d'environ 18 hectares. Ces dépôts d'origine glaciaire
offraient à l'homme préhistorique une masse de matériaux utilisables.
Les instruments néolithiques y sont très abondants, surtout sur un
espace long de 500 mètres et large de 350 qui paraît avoir été une sta-
tion ou un atelier de fabrication. Mis en éveil par la trouvaille de
quelques galets présentant des traces de peinture, M. xMehlis a tourné
son attention de ce côté et a pu en recueillir une centaine qui, d'après
lui sont tout à fait comparables aux galets coloriés du Mas d'Azil.
Disons cependant que, d'après les photographies, les traces de cou-
leurs sont cependant bien moins nettes que dans le gisement français ;
elles sont appliquées en bandes moins larges et forment des dessins
moins caractérisés. La couleur est d'un brun-rouge. Le D"" Kôhl, bien
connu pour ses trouvailles néolithiques à Worms, l'avait prise d'abord
pour des dendrites ou pour des traces de racines, et ce pourrait bien
être là l'explication du phénomène. Un pharmacien de Neustadt l'a
analysée et a trouvé qu'elle était de nature inorganique. En» revanche
un peintre a été assez habile pour reconnaîtra que la matière colorante
était du sang de bœuf et qu'elle avait été appliquée au moyen d'un
pinceau de blaireau !
Au milieu de toutes ces contradictions il convient de rester scep-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 425
tique. L'auteur lui-même a d'ailleurs la prudence de nous dire qu'il
n'ose pas considérer les dessins de ses galets comme des signes alpha-
bétiques, quoiqu'un certain nombre d'entre eux ressemblent à des
lettres des alphabets crétois, grec ancien ou romain. M. Wilser, dans
une note qui accompagne le travail de M. Mehlis, fait remarquer qu'il
ne peut y avoir là qu'une coïncidence fortuite, même si l'on admet,
comme lui, l'origine intentionnelle de ces dessins. En efïet, ces alpha-
bets sont le résultat d'une simplification progressive : à leurs débuts
ils étaient formés de signes très compliqués. Or les dessins des galets de
Neustadt, comme ceux du Mas d'Azil sont aussi simples que les carac-
tères d'une écriture quia achevé toute son évolution. Ces signes, traits
parallèles ou obliques, lignes brisées, points, sont, à mon avis, trop peu
caractérisés pour qu'on ne puisse admettre qu'ils ont été inventés à
diverses époques et dans des localités éloignées les unes des autres.
Les instruments néolithiques ainsi que les galets coloriés se ren-
contrent en général dans le sol arable. Pourtant M. Mehlis a pu faire
quelques fouilles et les observer en place. 11 a constaté de la sorte que
les galets coloriés se présentent en compagnie d'instruments et de po-
teries grossières et sans décors. Les instruments ne sont en général pas
polis ; M. Mehlis les rapporte au début du Néolithique. Quant aux galets
coloriés, je le répète, il faut attendre que des descriptions et des figures
plus précises nous permettent d'asseoir un jugement.
D-^ L. L.
K. Kjbllmabk. En stenâlderboplatB i Jarvallen vid Limhamn (Une station de l'âge
Je pierre dans la falaise de Jiiren, près Limhamn). Antikvarisk Tidskvift for Sverige*
vol. 17, nos 2 et 8. Stockholm, Wahlstrôm och Wistrand, 1905, 144 p., 34 fig. et
plans, 7 planches, in-S».
Cette station est située sur la côte sud-ouest de la Scanie, dans une
falaise qui borda l'ancienne « mer à Littorines ». Le site a été exploré
dès 1893 par MM. Carlson et Sôderberg; en 1900, M, Kjellmark visita
l'endroit pour la première fois; il renouvela ses visites en 1901 et 1902
et y fit des fouilles, sous la direction de xMM. Montelius, Sophus MuUer,
Sarauw et Otto Rydbeck. Il nous expose dans ce mémoire le résultat
de ses investigations. La falaise consiste en roches siliceuses et
calcaires, avec quelques roches éruptives (diabase, gneiss, etc.). A ces
assises se superposent des niveaux divers : d'abord une couche de
1™,50 environ d'épaisseur, contenant des éléments morainiques, puis
une couche d'une quinzaine de centimètres de sable jaune, qui paraît
avoir uneorigine marine, et où l'on trouve plusieurs espèces de mol-
lusques [Cardium edule, Mytilus edulis, Littorina Littorea) et des spicules
d'épongés. Au-dessus, vient un lit de tourbe, d'une dizaine de centi-
mètres contenant des plantes d'eau douce (prèles, roseaux) ; la surface
est constituée par un amascoquillier, d'une épaisseur de 2'",25 à 2'", 50.
426 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Les coquilles les plus fréquentes sont laLittorine, le Cardium, laTelline,
la Paludine. Dans cette brèche coquillière, on a trouvé des ossements
appartenant tous à des animaux de l'époque actuelle : Cerf, Daim, Mou-
ton, Bœuf, Sanglier, Chien, Phoque gris, Dauphin, diverses espèces de
poissons, principalement des Gadoïdes. Les restes de bois carbonisés,
certaines empreintes de feuilles nous apprennent que la flore était aussi
la flore actuelle; ces vestiges appartiennent au chêne, au hêtre, au noi-
setier, au tilleul, au bouleau, au frêne. On ne nous signale pas de restes
de conifères.
Les restes d'industrie ont été découverts à des profondeurs variant da
1™,40 à 0'»,30; certains objets furent même trouvés à la surface. Le
nombre des pièces dépasse 10.000. Les objets trouvés sont des haches,
des grattoirs, des couteaux, des éclats et des tranchets du type de ceux
des kjokkenmoddings du Danemark, le tout grossièrement travaillé. Les
haches sont de deux types : 1° haches plates, presque triangulaires, sem-
blables à certains types danois; 2° haches à tranchant rond, beaucoup
plus rares que les précédentes. On a aussi trouvé des haches polies
en pierre verte (diabase amygdaloïde) et des tessons de poterie brune,
très grossière. La décoration de cette poterie consiste en cavités circu-
laires, elliptiques ou naviformes, faites en appliquant le bout des doigts
sur la pâte fraîche. Les vases semblent avoir été des marmites, sou-
vent à fond rond, parfois à fond plat, avec des bords droits ou à angle
rentrant. Sur un tesson, on voit une bordure en argile rapportés. On a
découvert des foyers en grosses pierres, de forme généralement rec-
tangulaire.
M. Kjellmark compare les objets qu'il a trouvés à Jàravall avec ceux
découverts à Sibbarp, localité voisine du lieu de ses fouilles, et avec ceux
provenant de deux kjokkenmoddings du Danemark. De cette compa-
raison, il croit pouvoir tirer la conclusion que la station appartient à la
fin de la période paléolithique. Cette conclusion nous paraît erronée :
rien ne permet de reporter avant le Néolithique le temps d'établisse-
ment de la station de Jàravall : la faune est néolithique, on y trouve
de la poterie, enfin, les haches polies nous donnent une indication
chronologique précieuse.
H. Beuchat.
Capitan (Dr) et Abnaud d'Agnel (L'Abbé). Rapports de l'Egypte et de la Gaule à
l'époque néolithique {Revue de r École d'Anthrop. de Paris, septembre 1905).
Cet article est la reproduction d'une communication faite par les
auteurs à l'Académie des Inscriptions le 11 août 1905. On a trouvé,
dans un des ravins de l'île de Riou, située à 13 kilomètres au sud de
Marseille, toute une série de silex taillés, scies, pointes, perçoirs, pointes
de flèche, couteaux à soie, herminettes, tellement semblables aux
silex du Fayoum qu'il est impossible de les distinguer les uns des
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 427
autres. Ces silex se trouvent en place dans un mince lit de sable, au
sein d'une formation alluviale, produite par un ruisseau qui a dû couler
autrefois dans le ravin aujourd'hui complètement à sec. Voici la coupe
de cette formation, de haut en bas :
A. Époque romaine. Humus sableux avec nombreux fragments de céra-
mique à couverte rouge, 0'",10.
B. Époque grecque. Sable fin avec débris de céramique grecque, 0",12.
C. Époque ligure. Sable fin avec débris de vases en terre pailletée de
mica, O'^.O?.
D. Epoque néolithique égyptienne. Couche de fragments calcaires brisés,
renfermant, disséminés sans ordre, les silex de facture égyptienne,
0'",10.
E. Epoque néolithique locale. Sable noir avec débris de charbon, coquilles
marines, fragments d'os de Mammifères, silex taillés et débris de pote-
ries de facture autochtone, O^'jSO.
F. Quaternaire^ Sable du fond du ravin, 0^,60.
Les auteurs ont fouillé eux-mêmes, sans le secours d'ouvriers. Leurs
constatations sont donc de la plus haute importance. Ils admettent que
des mouvements de soulèvement et d'abaissement du sol ont modifié
récemment les côtes provençales de la Méditerranée et qu'à l'époque
néolithique l'île de Riou était soudée au continent par l'intermédiaire
des îles Calseraigne et de Jaire, qu'un mouvement négatif d'une ving-
taine de mètres d'amplitude suffirait à transformer en une sorte de
péninsule ou de presqu'île comprenant l'île de Riou. Celle-ci aurait
d'abord reçu la visite des aborigènes néolithiques de la Provence qui
auraient laissé leurs traces sous la forme de foyers ou d'amas de coquilles.
Plus tard des navigateurs égyptiens auraient débarqué sur cette même
pointe avancée pour, de là, gagner l'intérieur des terres. Plus tard les
Grecs aurai«3nt fait de même. Ces observations sont évidemment du plus
haut intérêt. Elles permettent d'assigner une date à notre Néolithique
puisque nous savons que le Néolithique égyptien, antérieur aux pre-
mières dynasties, remonte au moins à 5.000 ans avant J.-C. Les
kjoekkenmoeddings de Provence seraient donc encore plus anciens.
Devant un fait aussi curieux et aussi gros de conséquences, pour
me servir de l'expression même des auteurs, de nouvelles études devront
être faites à Riou avec le concours d'un géologue expérimenté, car bien
des points sont encore à éclaircir dans cette affaire. Espérons que le
fin stratigraphe qu'est M. Vasseur voudra bien s'y employer.
M. Boule.
PACHUNDAKr. Observatlons sur le Préhistorique en Egypte (Extr. de la^Revue interna-
tionale d'Egypte, septembre 1905).
L'auteur ne croit pas pouvoir accepter en leur entier les conclusions
d'un article de M. Chantre paru récemment dans la même revue. Il
430 MOUVEMENT SCIEiNTIFIQUE.
David Randall-Maciver. Mediaeval Rhodesia. Londres, Macmillan 1906, in-4 (xv-
106 p., 36 pi.).
Lorsque la British Associalion eut décidé de visiter l'Afrique australe,
elle demanda à l'auteur de consacrer quelques mois à étudier les
ruines de la Rhodesia et à résoudre, dans la mesure du possible, la
question de leur antiquité. C'est le résultat de ces explorations que
M. Randall-Maciver nous présente dans le magnifique volume que nous
avons sous les yeux. Disons tout de suite que les fouilles méthodiques
auxquelles il s'est livré dans les ruines d'inyanga, Niekerk, Umtali,
Dhlo-Dhlo, Nanatali, Khami, Zimbabwe vont à rencontre de toutes
les idées admises jusqu'à présent. Loin d'être d'une antiquité remar-
quable, ces ruines ne remontent pas au delà du xiv^ ou du xv' siècle
de notre ère.
Dans l'architecture il n'y a aucune trace d'influence européenne ou
orientale. On n'a pas trouvé d'inscriptions. Les objets importés, dont la
date est bien connue dans leur pays d'origine sont contemporains des
monuments où ils ont été trouvés; par suite ceux-ci remontent à la fin
du moyen âge. Les habitations situées à l'intérieur des ruines et en
formant partie intégrante sont nettement du type africain. Il en est
de même des objets trouvés excepté lorsque ceux-ci sont des importa-
tions.
Les ruines d'inyanga sont situés à 60 milles au nord d'Umtali et
composées de quatre forts situés sur des collines. Celles de Niekerk
sont formées d'une série de retranchements entourant un massif mon-
tagneux; elles occupent plus de 50 milles carrés. Au centre se trouvent
des constructions circulaires semblables à celles des forts d'inyanga.
Il y a de plus un local qui semble avoir servi à des cérémonies reli-
gieuses. On y a trouvé des poteries, des instruments et des armes en fer
et d'autres en pierre taillée, que leurs conditions de gisement démon-
trent contemporains des premiers. Nous voyons donc là un peuple qui
connaissait parfaitement les métaux mais qui avait conservé pour cer-
taines circonstances l'usage de haches, de pointes de flèches, de cou-
teaux en quartz simplement taillé. Les poteries sont faites à la main
et portent des ornements géométriques.
Umtali est situé sur la frontière de la Rhodesia et du territoire portu-
gais. Les objets les plus remarquables qui ont été trouvés sont des sta-
tuettes grossières d^hommes, de femmes et d'animaux taillées dans
une pierre tendre. Il y a comme dans les autres ruines des lances et
des épées en fer, des poteries à décor géométrique. Dhlo-Dhlo, Nanatali
et Khami sont situés dans le Matabéléland et peuvent être aisément
atteints à partir de Buluwayo. Zimbabwe se trouve plus à Test, non
loin de la frontière portugaise, au sud d'Umtali.
Dhlo-Dhlo était une forteresse ou plutôt une ville fortifiée. Les
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 431
murailles sont en petits blocs de granit cimentés par endroits et dis-
posés d'une façon décorative vers le haut du mur. Les retranchements
sont conçus d'une façon très ingénieuse pour la défense. Un grand
amas de débris, l'ancien dépotoir de la ville, a de nouveau donné des
objets en fer, en cuivre et en pierre, des poteries faites à la main, les
unes ornées de dessins géométriques gravés, les autres portant des
chevrons, des triangles, des bandes, peints en noir sur fond rouge, enfin
des porcelaines à fleurs. Ce sont celles-ci qui permettent de dater les
ruines en fournissant le point de comparaison qui manquait jusqu'à
présent. Elles appartiennent en effet à un type qui n'est pas antérieur
au xvi^ siècle de notre ère. L'un des fragments de cette porcelaine a
été trouvé sous le sol cimenté d'un des bâtiments.
Nanatali est une petite forteresse entourée d'une muraille elliptique
de 53 mètres de diamètre intérieur maximum et dont l'épaisseur varie
de 1"^,70 à 4 mètres. Ce gisement a donné fort peu d'objets. A Khami
on trouve une série de ruines situées sur des collines. Ce sont encore
des retranchements qui épousent plus ou moins les formes du terrain
et à l'intérieur desquels se trouvent des plates-formes pour les habita-
tions. On y a trouvé le même mélange d'objets indigènes, armes de fer,
bracelets de cuivre, instruments de pierre, poteries grossières, amu-
lettes en os, anneaux d'ivoire, et d'objets importés tels que la porce-
laine et un fragment de bronze émaillé.
Le terme de Zimbabwe signifie en langue indigène « maisons de pierre».
Sous la forme « Zimbaoe » ou « Simbaoe » il est fréquemment employé
par les Portugais pour désigner la résidence d'un chef, sans tenir
compte de la localité. Les ruines auxquelles on applique ce nom ont
été de la part de l'auteur l'objet de fouilles méthodiques descendant
jusqu'au sol naturel. Elles lui ont montré qu'il n'y a pas de différences
entre les objets trouvés dans la couche la plus profonde et ceux qui
se rencontrent à la surface. Dès le fond on rencontre de la céramique
identique à la poterie cafre moderne. On est donc amené à conclure que
les gens qui habitaient ce qu'on a appelé le temple elliptique apparte-
naient à des tribus dont l'industrie ne saurait être distinguée de celle
des Makalanga actuels.
Comme d'autre part les constructions situées au-dessus du sol en
ciment et blocages sont parfaitement homogènes et remontent toutes
à la même époque et qu'on y a trouvé du verre arabe et des porcelaines
du moyen âge, ceci permet de fixer au xiv*^ ou au xv^ siècle au maxi-
mum la date de fondation du temple elliptique.
Les habitations construites à l'intérieur des murailles, aussi bien à
Zimbabwe qu'à Nanatali et à Khami, appartiennent à un type uniforme.
Ce sont des constructions circulaires à parois cimentées, élevées sur
une plate-forme artificielle, dont le diamètre est de 6 à 7 mètres. Des
marches conduisent à la hutte. Des poteaux de bois avaient été enfoncés
432 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
dans le ciment de la plate-forme, ce qui prouve bien que la construc-
tion qui surmontait celle-ci était de même date qu'elle. Enfin on avait
englobé dans le ciment des débris de toutes sortes, qui permettent de
fixer très exactement la date de la construction.
Le « temple elliptique » est une enceinte de 100 mètres de long sur
70 de large, formée par une muraille massive qui est encore haute de
10 mètres par endroits et qui a jusqu'à 4 mètres d'épaisseur au sommet.
Elle appartient au même type que les autres ruines de la Rhodesia.
Elle est formée de fragments de granit grossièrement taillés et non
cimentés. Au sud et au sud-est le haut du mur est décoré de chevrons.
11 s'agit encore ici d'une forteresse; on peut la considérer comme un
développement sur une plus grande échelle des petites fortifications
situées sur les kopjes d'Inyanga et de Niekerk. Dans la partie nord de
l'enceinte se trouvent des plates-formes qui servaient probablement de
support aux habitations du chef. Zimbabwe peut être identifié avec la
capitale du Monomotapa, ce qui expliquerait l'importance de ces cons-
tructions. La moitié sud de l'enceinte semble avoir servi à des (Céré-
monies religieuses; c'est là qu'on a trouvé deux tours coniques qui
avaient peut être une signification phallique.
Si l'on admet que le « temple » était la résidence royale, les ruines
situées dans la vallée qui sépare le « temple » de « l'acropole », étaient
les habitations des principaux personnages de la tribu. Elles ne sont
pas fortifiées, car « l'acropole » offrait un refuge imprenable en cas de
danger. Elles reposent sur une plate-forme en ciment et leurs parois
en maçonnerie sont parfois aussi parfaites que celles situées dans l'en-
ceinte elliptique. L'acropole est une forteresse située sur une colline
d'une centaine de mètres de hauteur et absolument imprenable.
Il est impossible d'entrer dans le détail de tous les objets trouvés
dans les ruines de l'Afrique australe. Parmi ceux qui peuvent servir à
les dater citons : un fragment de faïence persane datant probablement
du XIV* siècle, de même que les verreries arabes, le tout provenant
de Zimbabwe; Dhlo-Dhlo a donné deux fragments de porcelaine chinoise
peinte en bleu, le style de la décoration indique le milieu de la dynastie
des Ming, c'est-à-dire le début du xvi^ siècle; un objet en argent d'ori-
gine arabe; deux morceaux de verre probablement arabes; des perles
de verre vénitiennes. A Khami on a trouvé un fragment d'une coupe en
porcelaine chinoise du xvi^ siècle.
En résumé nous avons affaire à tout un ensemble de ruines d'un
caractère uniforme. Zimbabwe représente l'apogée de ce genre de cons-
truction ; c'est si l'on veut la combinaison du fort si remarquable de
de la colline d'Inyanga avec le kraal à murailles de pierres de Nanatali.
Partout les huttes forment partie intégrante de la construction et n'ont
pas été élevées sur les ruines par les Cafres actuels. Leur caractère est
nettement africain. On peut admettre que Zimbabwe aété construit par
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE- 433
un peuple de marchands qui échangeaient de l'or avec les Arabes de la
côte et en recevaient des produits de l'Orient et même de l'Europe. Vers
la fin du xv^ siècle le Monomotapa fut démembré par des révoltes de
vassaux et la capitale fut transportée vers le nord. De cette époque date
la décadence de Zimbabwe. De nouvelles villes, moins grandes et moins,
brillantes le remplacèrent : Dhlo-Dhlo, Nanatali, Khami.
Les ruines les plus anciennes paraissent être celles du district septen-
trional entre Inyanga et le Zambèze. Umlali daterait du xv« siècle,
Inyanga et Niekerk seraient un peu plus anciens, à en juger par la
forme des constructions et la grossièreté de la céramique. L'absence de
toute trace de commerce avec les Portugais montre que ces établisse-
ments étaient abandonnés dès 1550, sinon plus tôt. Cet intéressant
travail me paraît devoir mettre fin au « mirage phénicien » qui se
jouait sur les ruines de l'Afrique australe. Il montre également que les
Nègres sont capables à l'occasion d'élever des monuments remarquables
par leur masse et leurs caractères architecturaux.
D"^ L. L.
A. G. WiLKE. Zur Entstehung der Spiraldekoration (L'origine de la décoration
en spirale). Zeiischrift fiir Ethnologie, t. XXXVUI, 1906, p. 1 (16 ûg.) .
Dans son ouvrage sur l'origine des Indo-Germains, Much a montré
que la décoration spirale est plus ancienne que la civilisation mycé^
nienne, qu'elle n'est donc pas comme on le croyait précédemment,
empruntée à ce cycle, mais qu'elle a au contraire pris naissance d'une
façon indépendante, en Europe centrale. Tant qu'on a cherché l'originô
de la spirale en Orient, c'est-à-dire dans un pays qui connaissait déjà
les métaux et qui empruntait en majeure partie ses motifs ornementaux
au monde animé, on pouvait croire que ce décor avait pour modèle la
spirale métallique ou des objets organiques, tels que les vrilles des
plantes. Ce mode d'explication ne convient pas aux spirales des poteries
néolithiques d'Europe, qui n'admettent pas de décor tiré du règne
animal ou végétal.
D'après M. Wilke la spirale néolithique dériverait du cercle de la
façon suivante. Sur un axe A B on décrit une série de cercles doubles
concentriques, qui viennent tous couper l'axe en des points équidis-
tants. Que l'on coupe ensuite celte série de cercles le long de l'axe et
qu'on refoule les deux moitiés de figure ainsi obtenues, en les faisant
glisser l'une sur l'autre de une, ou deux, ou trois fois la distance d'un
cercle au suivant. On obtiendra successivement une série de volutes,
une double ligne onduleuse, une série de volutes de sens inverse à la
première. Si on avait employé une série de cercles triples concentriques
on aurait obtenu : une ligne de volutes simples, des doubles volutes,
une ligne onduleuse triple, des volutes de sens inverse aux précé-
l'anturopolooie. — T. xvir. — 1906. 28
434 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
dénies. Avec quatre ou cinq cercles le nombre des combinaisons est
encore plus grand.
L'auteur montre ensuite que toutes ces figures, cercles concentriques,
volutes, méandres, lignes onduleuses sont effectivement représentées
• sur la céramique néolithique. 11 étudie à ce point de vue surtout les
stations de Hongrie et de Transylvanie et celle de Butmir dans la vallée
du Danube. Il établit que dans la région considérée on a employé
comme motif décoratif, à l'époque néolithique, toute la série des figures
que donne la construction géométrique esquissée plus haut. 11 est à
remarquer qu'à Butmir les spirales véritables jouent un rôle subor-
donné : ce qu'on rencontre surtout ce sont les séries de volutes déri-
vant directement de la construction géométrique et ces volutes appa-
raissent avec leur plus grande pureté dans les couches inférieures,
tandis qu'ailleurs on y a souvent adjoint des lignes parasites destinées
à rehausser le décor mais ne dérivant pas de la construction géomé-
trique.
11 faut se demander comment les néolithiques ont découvert cette
méthode qui en faisant glisser l'un sur l'autre des demi-cercles permet
sans difficulté d'obtenir toute une série de décors nouveaux. En essayant
de raccommoder une poterie brisée ou un fragment d'os ou de bois
décoré, ils ont puobserverque les dessins del'undes fragments pouvaien t
faire avec ceux de l'autre des décors nouveaux. S'ils possédaient déjà
des étoffes de couleur, une erreur dans le tissage produisait des combi-
naisons nouvelles. Un pli dans une étoffe ornée de carrés pouvait faire
apparaître des lignes brisées. Une fois le principe découvert, il a été
appliqué aux objets les plus divers. Certains vases portent des méandres
brisés ou des lignes en zigzag, qui dérivent directement de carrés ou
de losanges concentriques dont une des moitiés a glissé par rapport à
l'autre.
Ce procédé a été employé un peu partout. L'archéologie péruvienne
a fait connaître des étoffes dont les dessins ne peuvent s'expliquer que
de cette façon. Les décors en spirale desCliff Dwellers du sud-ouest des
États-Unis, et des mounds de la Louisiane ont la plus grande analogie
avec les poteries du Bas-Danube. Si, dans bien des cas l'ornement géomé-
trique, et plus spécialement le méandre et la spirale, dérivent des figures
d'êtres animés, il n'est pas moins certain que dans d'autres cas on voit
des modèles géométriques se transformer en figures d'hommes ou
d'animaux. 11 en est ainsi des figures stylisées qu'on rencontre dans les
tissus péruviens. De même les décors en spirales ou en méandre si .
développés en Nouvelle-Zélande s'expliquent peut-être plus facilement
par le procédé géométrique que par la stylisation de formes organiques.
En ce qui concerne l'Europe, l'origine du décor en spirale ou en
méandre doit être cherchée dans la région où cet ornement apparaît
avec la plus grande variété et la plus grande pureté, et où il a pris dès
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 435
le début le plus de développement, c'est-à-dire dans la Hongrie méri-
dionale, et notamment en Transylvanie et à Butmir. A partir de ce
point le décor en spirale a remonté le Danube vers l'Allemagne cen-
trale et est descendu vei's les Balkans et l'Orient jusqu'au Caucase.
L'Allemagne a reçu ces modèles par voie commerciale; elle les a imités
sans en comprendre le principe. Aussi y voyons-nous ce décor dispa-
raître avant la fin de l'époque néolithique, alors que dans son pays
d'origine il a persisté ot donné lieu à de nouvelles variétés jusque dans
l'âge du bronze et même de Hallstalt. Ce n'est qu'à l'époque du bronze
que ce décor reparaît dans la province nordique, apporté en même
tem.ps que les métaux.
Dans le sud du Bakan et dans l'Archipel, le décor en spirale a été
apporté par ses inventeurs eux-mêmes qui ont émigré dans ces régions.
Les influences égyptiennes et asiatiques y ont mêlé des éléments
emprunté au monde organique, et c'est dans le cercle mycénien et en
Crête que la spirale et le méandre atteignent leur plus haut développe-
ment. Quant à la spirale égyptienne il est probable qu'elle est autoch-
tone et s'est développée en dehors de toute influence européenne,
mais d'api'ès le même procédé.
DrL. L.
Galien-Mingaud. Épingles en bronze trouvées à Vers, Gard (2 p. extr. du Bull, de
la Soc. Elude Se. nat. de Nimes^ 1903).
Au lieu dit Qualité, commune de Vers, près le Pont-du-Gard, un cul-
tivateur, défonçant un champ, a trouvé onze fortes épingles en bronze,
enfouies à 0'",40 de profondeur, comme intentionnellement groupées
et placées sur un lit de pierres. Il s'agit probablement d'une cachette
de marchand.
Ces onze épingles ont été acquises par le Musée de Nîmes; leur lon-
gueur varie de 0^^,20 à 0'^,46, leur poids de 11 à 102 grammes. Laur tête
est plate, ou élargie en forme de bouton, ou bombée ou fusiforme. Le
haut est orné de lignes circulaires ou de chevrons; l'une d'elles porte,
vers le haut, huit disques dentés et mobiles. L'analyse chimique d'une
de ces épingles a révélé un bronze à 10 0/0 d'étain et sans plomb.
M. Boule.
L. ScHiN'KiDEK. Kupferbeile aus dem Bezirke Koniggratz (Haches de cuivre du dis-
trict de Kôuiggràtz). Tirage à part sans indication d'origiue, iu-4o, 7 p. et 2 pi.
Les haches en question sont à deux tranchants perpendiculaires l'un
à Tautre; l'une est longue de 270 mm., l'autre de 285 mm. L'analyse
a montré qu'elles sont en cuivre pur et ne renferment que des traces
d'autres métaux. L'auteur décrit ensuite des haches en cuivre à un seul
tranchant provenant de la même région. Une autre hache en cuivre
présente d'un côté un tranchant longitudinal, de l'autre une tête de
436 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
marteau; elle est longue de 250 mm. et provient des environs de Nim-
Lurg. Comme dans les cas précédents, il s'agit d'une trouvaille isolée.
11 est intéressant de noter qu'on a recueilli dans la nécropole de Bylany,
près de Bôhmisch-Brod, deux haches de pierre qui sont visiblement
copiées sur ces haches-marteaux.
M. Schneider donne ensuite la liste d'un grand nombre de localités
où on a trouvé des fragments de chaînettes d'or. L'abondance et la dis-
tribution de ces trouvailles permettent de conclure à l'existence d'une
voie commerciale par laquelle passaient l'or et le cuivre provenant de
Hongrie pour gagner la Silésie et les rivages de la Baltique en traver-
sant la Moravie et le nord-est de la Bohême.
D"^ L. Laloy.
A. LissAUER. Die Doppelaxte der Kupferzeit im -westlicheii Europa (Les haches
doubles de l'âge du cuivre en Europe occidentale). Zeilschrit fUr Ethnologie^
t. XXXVII, 1905, p. 519 (1 pi. et 1 carte).
1d. Die Doppelaxt aus Kupfer von Pyrmont (La hache double en cuivre de Pyrmont).
Ibid, {YerfumclL), p. 170 (2 fig.).
11 y a en Europe des haches doubles de cuivre de deux types diffé-
rents. Chez les unes les tranchants sont perpendiculaires l'un à l'autre,
chez les autres ils sont parallèles. Les premières se rencontrent dans
l'Europe orientale, surtout en Hongrie, les secondes en Europe occiden-
tale, surtout en Allemagne. Parmi celles-ci les unes ont au milieu un
trou d'un diamètre suffisant pour y introduire un manche; chez les
autres l'orifice est juste assez grand pour y passer un fil de fer ou une
ficelle. C'est de ces dernières que s'occupe M. Lissauer.
On en connaît actuellement 18 exemplaires, dont 15 proviennent
d'Allemagne, 1 de Suisse et 2 du sud de la France. Chez toutes, la par-
tie médiane est mince et étroite, les parties latérales en divergent
comme des ailes et les tranchants sont situés dans le même plan. La
longueur de ces haches varie de 28 à 42 centim., la largeur de la partie
médiane est de 1,5 à 2,6 centim., celle des tranchants de 5 à 9,5 centim.
Le trou est carré ou irrégulier, son diamètre est de 0,4 à 1,5 centim. Le
poids varie de 510 à 3. 040 grammes.
11 est certain que ces haches n'ont pu servir comme outils. Chez les
Grecs, des barres de métal de la valeur de 10 mines avaient la forme
d'une bipenne. En Serbie on a trouvé des barres d'argent en forme de
hache double, datant de l'époque romaine. Des haches doubles sont
figurées sur des monnaies de Tenedos, de Carie et de Rhodes, sur les
murs du palais de Knossos, en Crète. On a trouvé des haches votives à
Chypre. H est donc hors de doute que dans le monde grec la hache
double était un symbole religieux. D'autre part, Montelius a montré
que dès l'âge du cuivre il y avait en Scandinavie des perles d'ambre
taillées en forme de bipennes.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 437
Les haches de cuivre devaient être importées de Chypre, et leur forme
était une sorte de marque de fabrique qui en augmentait la valeur. Si
quelques-unes portent des ornements, c'est que dans le pays où elles
étaient importées, on en avait fait des ex-votos ou des insignes de
puissance. La carte de leur répartition montre que ces haches ont dû
être importées par la vallée du Rhône, la Suisse, les bassins du Rhin,
du Mein et de la Saale. C'est la route qu'ont suivie les premières impor-
tations de cuivre venues du bassin oriental de la Méditerranée, pour
atteindre l'Allemagne du Nord.
La hache trouvée à Pyrmont a été analysée par M. Ralhgen. Elle est
en cuivre pur, sans aucune trace d'étain, peut-être avec une trace de
bismuth. D'^ L. L.
LissAUER. Eine Doppelaxt aus Kupfer, etc. (Hache double en cuivre d'EUierode,
cercle de Northeim, U àno'f re). Zeilschrift fiir Ethnologie, t. XXXVII, 1905, p. 1007
(2 fîg.).
Cette hache est du type de celles qui ont été décrites ici {UAnthrop.,
IX, 1898, p. 77), à lames minces et à trou d'emmanchure de faible
diamètre. Ces haches ne pouvaient être utilisées : c'étaient des lingots
importés sous cette forme. A ce propos, l'auteur rappelle que Pigorini
a signalé la présence de lingots de cuivre à Chypre, en Crète, en Eubée
et en Sardaigne. Ils pèsent jusqu'à 37 kg. et ne sont pas perforés.
Beaucoup d'entre eux portent des marques, entre autres la double
hache Cretoise. Les haches-lingots de l'Europe occidentale ne pèsent
jamais plus de 3 kg. parce qu'on les transportait par voie de terre; on
pouvait les relier par un lien traversant leur orifice. Au contraire, les
gros lingots de la Méditerranée orientale étaient transportés par mer.
Cependant on avait également chez les Grecs de petits lingots en forme
de hache double et ne pesant pas plus de 6 kg.
D-- L. L.
LoRTKT ET Gaillard. La faune momifiée de l'ancienne Egypte. 1 vol. grand 10-4",
330 pages, 7 planches et 184 fig. daus le texte. (Extr. des Archives du Muséum de
Lyon, t. VIU et IX, 1905).
Depuis les travaux de Cuvier. Savigny, E. GeofTroy-Saint-Hilaire,
rien ou presque rien n'avait été publié sur les momies d'animaux
égyptiens. M. Lortet, très pénétré de l'importance et de l'intérêt que
présenterait l'étude de ces momies tant au point de vue des mœurs ou de
la psychologie des anciens Egyptiens qu'au point de vue de l'histoire
naturelle, a fini, au prix de démarches multipliées, par obtenir qu'on
lui permît de la faire. De très nombreux squelettes ont été extraits, aux
frais du Muséum de Lyon, des puits ou des hypogées. Beaucoup ont pu
être montés; les plus belles pièces seront prochainement renvoyées au
Caire oîi elles hgureront dans une salle du nouveau Musée égyptien.
440 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
lefois de signaler le grand talent d'analystes des auteurs. M. Lortet il
est vrai n*a plus besoin d'être loué et M. Gaillard a depuis longtemps
l'estime des zoologistes et des paléontologistes. On retrouve, dans les des-
criptions des diverses espèces momifiées, un soin de précision caracté-
ristique de tous les travaux de ce savant^ et en même temps un scep-
ticisme de bon aloi. Je signalerai à cet égard (p. 51) les phrases rela-
tives aux procédés de mensuration et aux statistiques numériques
employés aujourd'hui par beaucoup d'auteurs et dont les résultats
sont des plus minimes. Parmi les chapitres les plus curieux, je citerai
ceux consacrés aux Chats, aux Bœufs (races sans cornes), aux Moutons
(affinités avec quelques Antilopes tertiaires), à Tlbis, aux Singes.
Dans une deuxième série, MM. Lortet et Gaillard ont étudié des osse-
ments de fœtus humains trouvés dans les statues du dieu Bès, ce qui
confirmerait la supposition que ce dieu énigmatique devait présider au
travail de l'enfantement. Ils ont pu décrire quelques momies de Singes.
Les unes se rapportent à des Cynocéphales (Papio hamadryas et P.
Anubis \ d'autres momies de très jeunes individus ont été attribuées
à des Cercopithèques. Les auteurs ont eu raison^ je crois, de le faire
sous les plus expresses réserves. Il ne me paraît pas douteux que ce
soient des fœtus humains.
Une note de M. le professeur Pouchet établit l'existence, sur certains
ossements de Singes, de traces non équivoques de nombreuses maladies :
sarcome, rachitisme, rhumatisme tuberculeux. Les Hommes ne devaient
pas être davantage à l'abri de ces affections.
M. Boule.
Evans (Arthur J.). Essai de classification des époques de la civilisation minoenne.
Broch. 8° de 12 p. Londres, Quaritch, 1906.
Cette brochure est le résumé d'un discours fait au congrès d'archéo-
logie à Athènes. La publication de ce discours dans les comptes rendus
du congrès présentant un certain nombre d'erreurs fondamentales,
Tauteur a cru devoir publier sous une autre forme son système de
classification; de là cette brochure, imprimée en français et qu'il nous
a offerte au congrès de Monaco. Étant donné son importance, il me
parait utile delà reproduire ici presque textuellement.
La civilisation minoenne, comprise entre la culture néolithique et la
colonisation grecque de l'époque géométrique, se divise en trois époques,
susceptibles elles-mêmes de subdivisions.
I. Minoen primitif ou inférieur, se divise en trois :
MiNOEN PRIMITIF I OU SUBNÉOLITUIQUE. Gouchc reposant immédiatement
sur le Néolithique à Knossos.
Poterie polie à la main, à fond noirâtre ou blanchâtre, avec orne-
ments géométriques l)lancs ou bruns. « Bucchero » primitif, très
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 441
apparenté avec des vases trouvés par Pétrie à Abydos, dans des tom-
beaux de la I''^ dynastie. Vases égyptiens de syénite et de diorite, de
fabrique protodynaslique.
MiNOEN PRIMITIF II. Poterie de même genre mais plus avancée. Vases
à bec haut et proéminent. Dagues de cuivre. Idoles de marbre et
d'ivoire de formes indigènes. Sceaux de marbre, d'ivoire, de pierre
tendre à formes conoïdes et cylindriques caractéristiques. Apparition
du décor spiraliforme.
C'est à cette époque qu'il faut rapporter la plus grande partie des
objets de l'ossuaire de Hagia Triada. Poterie de Vasiliki. Les plus
anciens éléments de la trouvaille de Hagios Onuphrios.
MiNOEN PRIMITIF III. — Becs dcs vases coupés plus courts; ornements
géométriques plus développés; premières polychromies. Types céra-
miques pointillés et incisés. Types cycladiques d'idoles en marbre,
palettes, etc. Développement du système spiraliforme. Sceaux triangu-
laires avec signes pictographiques d'un type primitif. Sceaux d'ivoire
d'un art un peu plus développé. Motifs dérivés des « buUon seals »
égyptiens de la VI® dynastie.
Dépôt de H. Onuphrios; continuation des types d'Ifagia Triada; la
plus grande partie des objets de Kumasa; poterie à décor géométrique
de Gournia.
II. Alinoen moyen.
MiNOEN MOYEN L — Continuation des vases précédents. L'ornementa-
lion polychrome, géométrique et angulaire se généralise. Figures fémi-
nines polychromes à collier haut. Sceaux triangulaires avec inscriptions
hiéroglyphiques d'une forme quelque peu primitive. Un dépôt de tran-
sition entre cette époque et la précédente a été trouvé près des salles
à piliers du palais de Knossos.
MiNOEN MOYEN IL — Triomphe de la polychromie à motifs élégants,
bizarres, parfois très compliqués. Beaux vases « à coquille d'œuf » imi-
tés de types en métal. Les vases crétois trouvés par Pétrie à Kahun
(XII® dyn.) remontent au commencement de cette époque. Les sceaux
sont faits de plus en plus en pierre dure. L'écriture hiéroglyphique se
développe. Scarabée d'améthyste imité d'un exemplaire de la XIP dy-
nastie avec hiéroglyphes minoens.
Les premiers palais de Knossos et de Phœstos remontent à cette
époque sinon à la précédente. A la fin, beaucoup de traces à Knossos
d'une catastrophe générale.
MiNOEN MOYEN III. — Premiers éléments du second palais. Poly-
chromie céramique en décadence. Très beaux dessins blancs à fond
lilaset mauve. Fresques de Knossos: Cueilleur de safran, dessins spirali-
formes. Vers la fin, très belle fabrique de faïence : reliefs d'animaux
d'un naturalisme parfait; même naturalisme sur les sceaux presque
tous en pierre dure. Toujours l'écriture hiéroglyphique, sauf vers la fin
442 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
OÙ Ton voit apparaître une écriture linéaire. Les lames des dagues s'al-
longent pour devenir les prototypes des épées de l'époque suivante.
Monument égyptien de la Xlll^ dynastie trouvé à Knossos. Construc-
tion du tombeau royal d'Isopata. Vases d'albùtre importés, datant du
Moyen Empire d'Egypte.
III. Minoen récent ou supérieur.
MiNOEN RÉCENT I. — Les vascs à fond foncé disparaissent et sont rem-
placés par des vases à fond clair. Beau verni de caractère mycénien.
Dessins très naturalistes : vases de Zakro avec lis, anémones, etc. C'est
l'époque du palais de Hagia Triada où vases à étrier de types primitifs,
ainsi qu'à Gournia. Ecriture hiéroglyphique remplacée par la linéaire
de la classe A. Sceaux de types fantastiques (minotaures, etc.). Épées de
bronze.
Les objets des tombeaux de l'Acropole de Mycènes appartiennent
pour la plupart à cette époque.
MiNOEN RÉCENT IL — Époque des grands vases du Palace style. Art
moins naturaliste, plus stylisé, parfois rococo (dames de la Cour des
Fresques). Élément architectonique très marqué dans le décor céra-
mique. Les vases à étrier font presque défaut. Grands dépôts de tablettes
avec écriture linéaire de la classe B.
A cette époque correspond la transformation complète du palais de
Knossos ; la fin en est marquée par la grande catastrophe du secondpalais
(1500 ans environ av. J.-C). Beaucoup de rapports entre les dernière ;
fresques de Knossos et les peintures murales de la XVIII® dynastie.
MiNOEN RÉCENT III. — Vascs et armes de bronze. Épées très longues et
très belles; orfèvrerie, reliefs en ivoire, intailles, une foule de petits
objets dans le style mycénien de Grèce. Dégénérescence graduelle de
l'art et transformation des motifs naturalistes. Vase à étrier commun.
Cette époque débute vers 1500 ans av. J.-C. Elle correspond à la plus
grande diffusion de la culture dite mycénienne. Vers la fin, réoccupa-
tion partielle du site du Palais. L'écriture linéaire de la classe B a per-
sisté pendant cette dernière époque minoenne.
Les tombeaux géométriques de l'époque suivante à Knossos attestent
de grands changements. L'incinération remplace l'inhumation ; le fer
succède au bronze. L'usage de la fibule devient général. Le site du
Palais reste absolument désert. Pourtant il y a quelques survivances de
traditions anciennes. Les tombeaux ont la forme de petits tholoi. Le
vase à étrier, d'un type dégénéré^ se retrouve et certains motifs d'orne-
mentation se maintiennent.
M. Arthur Evans ne se dissimule pas que sa classification n'est que
provisoire et qu'à l'exemple de toutes les classifications, elle présente
forcément un caractère un peu artificiel. Mais on ne saurait douter^ dit-
il, de l'ordre général des époques successives et de leurs subdivisions.
(( L'ancienne civilisation de la Crète se révèle en toute sa vaste étendue
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 443
comme une civilisation homogène, qu'on peut associer à juste titre
au nom de son grand dynaste. Aux « neuf années » de Minos, dont
parle la tradition légendaire (1) n'est-on pas en droit, sur la base des
données archéologiques, de substituer les neuf époques de la culture
minoenne »?
M. B.
Reinach (Adolphe J.). A propos des empreintes murales de Knossos (Extr. de la
Revue de^ éludes grecques, t XVIH, n» 79, janvier-mars 1905).
On sait que toutes les pierres de taille de Knossos portent quelque
signe très simple, composé de lignes géométriques et pouvant se rap-
porter à cinq types principaux, susceptibles de nombreuses variations :
la bipenne, le trident ou bident, la flèche, l'étoile, la croix. Ces cinq
types ont dû avoir une valeur précise et constante. M. Evans attribue à
certains d'entre eux, notamment la bipenne et la croix, une significa-
tion religieuse. Cela est possible parfois, mais d'après Tauteur ils ne
représentent, dans la plupart des cas, que des marques de tâcherons
et il fait valoir à l'appui de cette hypothèse toute une série d'arguments.
La valeur de ces signes ne peut être qu'alphabétique; leur interpréta-
lion reste d'ailleurs à déterminer. Mais les rapprochements avec les
signes semblables des alphabets mieux connus pourront contribuer à
la faciliter. En examinant non seulement les monuments de l'archi-
tecture égéenne de Crète mais ceux de toutes les autres architectures
où Ton retrouve des signes semblables, peut-être trouvera-t-on qu'à
travers les siècles les idéogrammes égéens se sont perpétués comme
marques de tâcherons.
M. B.
GnuEvcE B. MooRK. Certain aboriginal remains of the Black Warrior River ; —
of the lowen Tombigbee River ; — of Mobile Bay and Mississipi Sound. Miscel-
laneous investigation in Florida 'Journal of the Academy of natural Sciences of
Philadelphit, vol. XIII, 1905, p. 125).
Ce mémoire a été tiré à part et forme un fort volume in-4° luxueuse-
ment illustré. Bien entendu nous ne pouvons songer à entrer dans le
détail des antiquités américaines qui y sont décrites. Je me contenterai
de choisir les plus remarquables. On a trouvé près de Moundville une
hache en amphibolite polie, longue de 0™,28 dont la lame et le manche
sont formés d'un seul morceau. La lame se prolonge sur le dos du
manche qu'elle semble traverser comme elle ferait d'un manche en
bois. On a recueilli des haches semblables à Saint-Domingue, mais elles
sont d'un travail beaucoup moins parfait.
(l) Odyssée, XIX, 178, 179.
4 44 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Dans des mounds de la même région on a trouvé des haches de
cuivre. Les unes sont de forme très simple, rappelant celle de nos
haches néolithiques; les autres ont un tranchant arrondi et brusque-
ment élargi. Une hache de pierre polie longue de 0"",16 a exactement la
même forme et a dû être copiée sur les haches de cuivre. 11 semble que
l'on ait tantôt voulu imiter en métal les haches de pierre, tantôt faire
des haches de pierre imitant celles en métal. On trouverait sans peine
des faits analogues dans le Préhistorique d'Europe. C'est à ce titre que
ces haches m'ont paru mériter d'être signalées ici.
D"" L Laloy.
Ugo-Vram. Frammenti scbeletrici in tombe cristiane pressa Niksii (Monténégro)
(Fragments de squelettes trouvés dans des tombes chrétiennes auprès de Niksii),
Alii délia Soc. Rom. de Anthrop., 1906.
Dans cette courte note, l'auteur donne des renseignements succincts
sur des ossements trouvés dans un cimetière chrétien à Kocani, près de
Niksii (Monténégro). Ces ossements comprenaient deux squelettes à
peu près complets et un crâne isolé. Les renseignements que donne à
leur sujet M. Ugo Vram sont simplement numériques et ne comportent
aucune conclusion. L'indice céphalique du premier sujet était de 87,2 ;
celui du deuxième de 77^7; celui du crâne isolé, que l'auteur n'a pas
calculé, était d'après ses mesures de 81. Le premier et le troisième
sujet étaient donc brachycéphales, et le deuxième, mésocéphale.
R. Anthony.
Albxander Bugge. — Vikingerne (Les Yikings). Kristiania et Copenhague,
Gyldendai, 1905, 317 p. in-8.
Le livre de M. A. Bugge n'a aucune prétention : il veut exposer aux
Norvégiens, ses compatriotes, les fastes de leurs ancêtres, sous une
forme claire et agréable. Nous, étrangers, y trouvons beaucoup de ren-
seignements sur une civilisation trop peu connue, et la forme donnée
par l'auteur à son exposition est loin de nous déplaire. D'ailleurs, on ne
saurait trouver résumé plus substantiel d'une vaste question et ce livre
mériterait la traduction.
Les détails ethnographiques abondent. Tout d'abord, l'auteur montre
la différence profonde qui sépare les Scandinaves des autres peuples
germaniques. Depuis le temps le plus ancien oii nous les connaissions,
les Scandinaves possèdent des traits particuliers ; ils ont vécu, dès un
âge reculé, séparés des autres Germains continentaux; le premierde ces
peuples avec lequel ils se retrouvèrent en contact est le peuple frison.
Ils étaient donc très isolés et ne subirent que fort tard l'influence
romaine. Jusqu'à l'époque des Yikings (ix^-xi*^ siècles), ils différaient
peu les uns des autres; ce n'est qu'à partir des premières expéditions
xMOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 445
maritimes que les différents peuples searjdina\es commencèrent à
prendre une individualité distincte. Jusqu'alors, il n'existait pas de
nations : la Suède, la Norvège, le Danemark, étaient habités par des
hordes peu considérables, mal fixées au sol; la Suède vit la première
nation ; puis une unité religieuse se forma en Danemark, autour du
culte à.Q Nertkus; la Norvège ne forma son unité que très tardivement,
sous Harald Haarfager au ix° siècle. Dès le viii^ siècle, des villes exis-
taient déjà en Danemark, dans le Gotaland en Suède et dans le sud de
la Norvège.
L'antiquité Scandinave paraît avoir connu le régime du clan, si nous
en jugeons d'après le système de la dation du nom : le nombre de noms
usité dans un lieu donné devait être déterminé et leur attribution
équivalait presque à une réincarnation. On nous dit formellement que
c'était le nom qui faisait la parenté (p. 101). Généralement, le fils pre-
nait le nom de son père, mais quelquefois c'était celui de son grand-
père ou d'un oncle paternel; celui dont il portait le nom devenait alors
son père. C'est, comme on le voit, un régime de clan à descendance en
ligne masculine. La famille adoptive, introduite plus tard par suite du
contact avec les Irlandais, vint modifier profondément le système Scan-
dinave : les liens entre les parents adoptifs et leurs « foster sons » étaient
plus forts que les liens du sang.
Le mariage est assez longuement étudié : il se pratiquait par achat,
quelquefois accompagné d'enlèvement; quelquefois, aussi, la femme
était donnée par son père à l'époux. La polygamie existait, mais elle se
développa rapidement pendant la période qui va du viii« au xi° siècle :
on vit certains rois Scandinaves de Russie posséder des harems renfer-
mant plusieurs centaines de femmes. Cependant^ la pluralité des
femmes avait généralement un autre aspect : les Vikings possédaient
habituellement une épouse dans chacun des pays entre lesquels ils par-
tageaient leur activité. Les femmes paraissent avoir occupé, dans les
temps anciens, une position assez inférieure : elles étaient la propriété
de leur mari, qui pouvait les léguer à n'importe qui, soitde son vivant,
soit par testament ; le mari avait aussi droit de correction sur sa femme
(cette coutume est encore attestée, pour le Danemark, au xiii^' siècle);
l'échange des femmes était fréquent; à la mort d'un homme, sa ou ses
femmes étaient enterrées avec lui. Cependant des textes anciens —
entre autres des inscriptions runiques — nous montrent que certaines
femmes pouvaient prétendre aux plus grands honneurs et nous signalent
des chefs du sexe féminin.
Les vieillards paraissent avoir été maltraités; plusieurs textes nous
disent môme qu'on supprimait les hommes que l'âge mettait hors d'état
de porter les armes.
M. A. Bugge ne paraît pas partager, sur l'origine des légendes reli-
gieuses de la Scandinavie, l'opinion de son père, qui n'y voit qu'un
446 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
arrangement de légendes chrétiennes parvenues par l'intermédiaire
des Irlandais. Ce n'est pas qu'il traite l'influence irlandaise comme
quantité négligeable, mais il croit qu'elle ne s'est pas seulement exercée
pour lournirau monde Scandinave des déformations de mythes chré-
tiens. C'est en Irlande que les Scandinaves ont pris la plupart de leurs
idées artistiques : la forme de la saga islandaise ou norroise provient
du poëme (anamain) irlandais ; les runes du Nord, les ornements en
entrelacs, que les Germains du Nord développèrent d'une façon si prodi-
gieuse, seraient d'inspiration irlandaise. On pourrait faire certaines
objections à cette manière devoir : il nous paraît à peu près certain que
la décoration en entrelacs du Nord est originale et que c'est elle qui
a réagi plus tard sur l'entrelac irlandais, qui est d'une autre nature.
Cesdeux formes ont peut-être, d'ailleurs, une origine commune, beau-
coup plus lointaine que la période étudiée par M. Bugge.
On trouvera, éparses un peu dans tout le livre, des observations
intéressantes sur l'ethnographie et sur l'histoire de cette extraordi-
naire civilisation, qui a laissé de ses traces depuis Constantinople jus-
qu'au Groenland et de l'extrême Nord de la Norvège jusqu'aux plages
du Calvados.
H. Beuchat.
K. FucHs. Ethnographische Mitteilungen, etc. (Notes d'ethnographie sur les comi-
tats de Kronstadt et de Fogaras en Transylvanie). Milleilungen der anthropologi-
schen Gesellschaft in Wien, t. XXXV, 1905, p. 133 (53 flg.).
Ces comitats sont habités en majeure partie par des Roumains; ceux
surtout qui résident sur la montagne et qui s'y occupent de l'élevage
des moutons, ont conservé une foule d'usages et d'instruments intéres-
sants au point de vue ethnographique. Nous ne pouvons que signaler
ici les plus intéresants.
Les Roumains de Transylvanie portent des marques de propriété tis-
sées dans leurs vêtements; elles sont en général de couleur rouge,
placées sur le dos, parfois sur les manches, ou sur les capuchons. Ce
sont des signes géométriques, lignes brisées, croix, étoiles, losanges.
Il y a aussi sur les vêtements des ornements caractéristiques et spé-
ciaux à chaque village. Des marques de propriété individuelles se
retrouvent sur les instruments de travail.
Jusqu'à une époque récente, les Roumains portaient à la ceinture une
hache dont la face visible présentait des ornements gravés en creux.
Les cannes des bergers portent aussi des décors géométriques qui rap-
pellent d'une façon frappante ceux des quenouilles des Hautes-Pyré-
nées que j'ai décrits et figurés dans Archiv fur Anthropologie y t. I,
1903, p. 47. Il y a également en Transylvanie des quenouilles décorées,
et, comme sur celles du Sud-Ouest de la France, les ornements en
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 447
creux sont remplis d'une matière colorante. Ces faits doivent nous
rendre très prudents sur les conclusions qu'on pourrait être tenté de
tirer de la similitude de ces objets.
Ainsi l'existence d'un décor néolithique sur les poteries des Rou-
mains ne prouve pas, comme le pense l'auteur, que ceux-ci soient les
descendants directs des populations néolithiques. De même, il n'y a
aucune conclusion à tirer de la présence en Roumanie d'une gourde
plate en terre semblable à certains vases trouvés à Chypre, car j'ai vu
utiliser en Seine-et-Marne, à une heure de Paris, des gourdes sem-
blables. En réalité des décors et des instruments simples ont dû être
réinventés à maintes reprises et en des localités fort éloignées.
D*" L. Laloy.
Haberer. Die Menschenrassen des japanischen Reiches (Les races humaines de
l'empire japonais), Zeilschrif't fur Ethnologie^ t. XXXVII, 1905, p. 941.
L'auteur ne nous apporte rien de nouveau sur l'ethnologie du Japon
proprement dit. Eu revanche, il nous fournit quelques renseignements
sur Formose qu'il a habité quelques mois. C'est surtout au xv^ siècle
que des Hakka du sud de la Chine colonisèrent cette île, dont ils refou-
lèrent les habitants primitifs dans les montagnes. Actuellement ces
Hakka constituent une population de paysans qui louent leurs services
aux Japonais; ils forment aussi des troupes qui gardent la frontière du
pays sauvage. Leurs femmes n'ont pas les pieds déformés; elles travail-
lent aux champs; leur agilité est telle qu'on les emploie à traîner les
tramways. Dans les riches territoires de la côte occidentale se sont éta-
blis des Chinois du Fo-Kien, les Hoklo, qui forment la population aisée
et commerçante des villes. Ces Hoklo déforment les pieds de leurs
femmes. L'ensemble de la population chinoise atteint près de 3 millions
d'habitants.
Les tribus de l'intérieur de l'île sont toutes d'origine malaise. Mais
leur immigration a dû avoir lieu à différentes époques et à partir d'ar-
chipels distincts, car actuellement encore ces indigènes se divisent en
sept groupes qui diffèrent par la langue, le vêtement, le tatouage, la
construction des maisons. Ce sont du Nord au Sud les Atayal, les Vonum,
les Tsou, les Tsalisen,les Paiwan, les Puyuma elles Ami. Une huitième
tribu, celle des Pepohoan, a perdu son indépendance sous la domina-
tion chinoise. Toutes ces tribus se livrent à l'agriculture; chez certaines
règne la coutume de la chasse des têtes. Il en est surtout ainsi des
Atayal. Le jeune homme ne reçoit le tatouage des adultes et ne peut se
marier que lorsqu'il a rapporté la tête d'un étranger, Chinois, Japonais
ou membre d'une autre tribu. Ces têtes sont conservées sur un écha-
faudage en bois (chez les Atayal) ou entre des dalles de pierres (chez les
Paiwan). On conserve également des crânes de singe (Vonum) et de
cerfs muntjaks (Ami),
448 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Le nombre de ces indigènes, que les Japonais désignent sous le nom
collectif de Sebanshin (sauvages) peut être estiméà 115.000. Le tatouage
varie suivant les groupes. Chez les Atayal, les hommes portent une large
ligne bleue sur le milieu du front, des cheveux aux sourcils, et une
ligne verticale au menton. Les femmes ont une bande bleue allant d'une
oreille à l'autre en passant au-dessus de la bouche. Chez les Ami, les
femmes ont plusieurs bandes sur les poignets. Les Atayal et les Vonum
arrachent aux jeunes gens des deux sexes les incisives latérales au
moment de la puberté. Chez les Ami, il y a des maisons spéciales où les
garçons habitent jusqu'à leur mariage. L'adultère est sévèrement puni,
et les chefs eux-mêmes n'ont qu'une seule femme.
Les Atayal portent des bâtonnets dans les lobules des oreilles, d'autres
tribus ont des colliers d'agate. Les poignées des épées et les têtes de
pipes des Ami sont ornées de bâtonnets d'argent taillés dans des pièces
de monnaie. Tous ces indigènes sont extrêmement sales. Ils mâchent le
bétel, fument le tabac et boivent du saké qu'ils fabriquent eux-mêmes
ou qu'ils achètent.
Au sud-est de Formose se trouve l'île de Kotosho ou Botel Tobago.
Elle est habitée par une tribu primitive, comptant 1.300 âmes réparties
en plusieurs villages. Ces indigènes sont inoffensifs et ne font pas la
la chasse des têtes. L'auteur n'a pas observé sur eux de tatouages.
D-^ L. L.
R. PiDANCE. —Notes sur le Tranninh {Revue îndo-chînoise, 190o, t. III, nos 2 et 3,
pp. lOo, 199 et sq.).
Les notes que M. R. Pidance, sous-inspecteur de Pagriculture détaché
au Tranninh, publie au sujet de cette région, ont un caractère surtout
géographique et économique. On y trouve néanmoins quelques ren-
seignements intéressants sur la population.
Rappelons d'abord que le Tranninh est un immense massif monta-
gneux, à forme de rectangle irrégulier, situé au N.-E. du Laos, sur
une superficie d'environ 30.000 kilomètres carrés. Les 45.000 habitants
qui occupent ce territoire appartiennent à quatre races distinctes, sub-
divisées en types bien différenciés par leurs mœurs. M. R. Pidance
n'étudie cette différenciation qu'au point de vue agricole.
Les PoU'Eunes véritables Laotiens, sont l'élément essentiel. Il vivent
sur le plateau, dans des maisons à type uniforme, bâties sur pilotis de
bambous tressés et paillottes.Ce sont surtout des éleveurs, propriétaires
de beaux troupeaux, buffles, vaches, bœufs, cochons, 'chevaux. Les
étables sont placées sous les habitations et les bêtes sont lâchées tout le
jour pour pâturer ; de là, sur un sol où l'écoulement des eaux est diffi-
cile, une saleté répugnante et l'aspect misérable de tous les villages ;
d'ailleurs, ces villages, de reconstitution récente, ne possèdent ni arbres
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 449
ni culture, sauf de pauvres rizières ne donnant 'qu'une técolie par an.
Les instruments aratoires sont primitifs et pou nombreux. Ce sont :
une charrue, analogue à la charrue annamite, comprenant un âge en bois
formé d'un tronc d'arbre arrondi ou d'un bambou résistant, attaché au
corps proprement dit à l'aide d'un rotin, et une autre pièce de bois qui
sert d'étançon ; sep, étançon postérieur et mancherons se confondent en
un morceau de bois tordu portant un soc de fer ; ce soc, au lieu de la
forme en fer de lance des socs annamites, se prolonge et se recourbe en
forme de versoir ; une herse, identique à celles que l'on emploie partout
en Indo-Chine, des bêches et des houes de bois et de fer. Le labour et le
hersage sont faits par les buffles, ainsi que les divers travaux, les bœufs
étant surtout dressés à porter le bât.
Les Pou-Taïs habitent les vallées navigables. Ils se subdivisent en
Thài-Penas, Tliài-dem, Thài-dams, suivant la couleur du costume. Ils
parlent la langue laotienne et habitent des maisons identiques à celles
des Pou-Eunes. Ils ont peu de pâturages et peu de troupeaux, et cul-
tivent le riz, soit en rizières, soit en montagne, après déboisement. Ils
pratiquent pour ces culture des barrages en bambous sur les cours
d'eau et créent ainsi des réserves d'eau. Ils font aussi du commerce
d'importation et d'exportation, avec l'Annam et le Laos. Leurs villages
sont riants,, beaucoup moins sales, et la végétation tropicale y abonde.
Les Pou-Tengs ou Khas habitent les sommets montagneux, à proxi-
mité des cours d'eau. Lo type d'habitation est encore le même. Ce sont
les esclaves des autres populations. Leurs villages sont misérables ; à
peine possèdent-ils quelques cochons et de la volaille; comme seule
culture, le riz de montagne et le maïs, rarement et sans visée commer-
ciale, le pavot à opium, pour leur consommation personnelle. Ce sont
les enfants des deux sexes qui font ces travaux, les adultes faisant les
corvées et la récolte du latex, des lianes à caoutchouc pour les Laotiens,
Les Khas connaissent le laotien, mais, entre eux, il parlent une langue
particulière.
Les Méos^ peut-être de race chinoise, vivent, par groupes de plusieurs
familles, aux plus hauts sommets des montagnes boisées ; ils se divisent
en noirs, rouges, et blancs, suivant la couleur des vêtements. Leurs
cases sont faites complètement de planches et construites sur le sol;
parfois la toiture est en paillottes. Comme principales cultures, le
pavot à opium et le maïs, ainsi que le riz de montagne, le millet, le
chanvre, le sarrasin, les haricots, les fèves, les tomates, les pois et les
arbres fruitiers, notamment les pêchers. Leurs récoltes sont assez fruc-
tueuses, beaucoup à cause de la fertilité des terrains qu'ils occupent. Ce
sont surtout de bons et grands éleveurs, qui possèdent des types de
bœufs, cochons et poules beaucoup supérieurs à ceux de leurs voisins
et qu'ils ne laissent pas péricliter. Le Méo sait soigner ses bestiaux :
chaque gros animal possède sa case personnelle en planches, surélevée
l'amiiropolooie. — T. XVII. — 1906. 29
452 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
de vie future, avec un culte des ancêtres extrêmement restreint. Enfin
leurs coutumes et leurs plaisirs les rapprochent beaucoup des Lolos,
tandis que leur costume, notamment celui des femmes qui portent un
cache-poitrine particulier, et la coiffure de celles-ci, leur appartiennent
en propre. Leur langue est celle des Lolos, altérée; ils n'ont pas d'écri-
ture; leurs caractères physiques sont aussi très proches de ceux des
Lolos, mais ils ont le menton plus accusé, la peau plus sombre (on les
appelle fréquemment Lolos noirs), le système pileux plus développé et
bien que légèrement plus petits, une musculature plus puissante.
Quelques voyageurs ont exagéré les différences qui séparent les Lolos
et les Hounis. S'ils constituent deux groupes distincts, ils appartiennent
cependant à la mêma race et possèdent en somme un vocabulaire à fond
commun, des caractères physiques très proches, des mœurs, croyances,
coutumes presque identiques; ils ontfranchi le Mékongen même temps.
Le berceau ancien de leur race semble être, selon l'opinion des Pères
Yial et Martin, la région située entre le Thibet et la Birmanie, car au
Yunnan ils ne sont certainement pas indigènes. Il est fort probable que
ce sont les Hounis qui ont envahi les premiers cette région et que plus
tard ils ont été suivis des Lolos blancs.
Les Akkhas ou Khas, localisés dans la région Sud-Ouest des États chans
chinois, ne sont vraisemblablement qu'une tribu Houni ou qu'un sous-
groupe de la grande famille Lolos-Houni-Akkhas : ils viennent des
mêmes régions que ceux-ci, ont un langage identique, le même type
physique et le même genre de vie; d'autre part, ils sont probablement
aussi de môme race que les Khas du Haut-Laos et de la Basse-Birmanie.'
Leur costume est remarquable par le soin que les femmes apportent à
leur coiffure, formée d'un cylindre de bambou orné de perles, de bijoux
et d'anneaux d'argent et que l'on ne manque pas d'enterrer avec la
défunte. Les Akkhas habitent les plus hautes montagnes ; ils vivent séden-
taires, occupés de culture et d'élevage. Ni temples, ni prêtres, ni histoire,
ni écriture. Au contraire des Lolos et des Hounis, la polygamie est inter-
dite. Comme religion, simplement la croyance aux bons et aux mauvais
esprits; ils possèdent des fétiches divers qu'ils installent à l'entrée des
villages, notamment de grossières formes humaines sculptées et munies
d'organes génitaux volumineux.
Les Mans ou Yâo constituent un groupement à part parmi les peu-
plades de la Chine méridionale et du Nord de l'Indo-Chine. Hs sont assez
peu nombreux au Yunnan et disséminés en petites confédérations
déterminées par la réunion de plusieurs clans, chacun sous l'autorité
d'un chef et émigrant en masse de temps à autre. Ce sont essentiellement
des montagnards, des nomades et des chasseurs; ils n'habitent que les
hauts sommets entre 1.000 et 2.000 mètres et se livrent à la culture,
souvent sur un terrain commun. Hs sont énergiques, courageux, indé-
pendants, réservés à l'égard des Blancs, assez peu religieux, sauf qu'ils
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 453
ont emprunté auxChinoisle culte des ancêtres^ et peu superstitieux. Leur
idiome très différencié de ceux qui l'entourent, monosyllabique, et leur
type physique caractéristique, sont demeurés purs et sans mélange
avec ceux des populations voisines.
LesMiao-tse présentent par leurs mœurs de sérieuses analogies avec
les Yaô et les Khas. Ils habitent la haute montagne et sont le moins
nomades qu'il peuvent. Leur langage, bien différent de ceux des pré-
cédentes populations, est remarquable par la fréquence des consonnes ts
et tch. Ils n'ont pas d'écriture. Leur type physique est assez beau et
quelquefois celui des femmes rappelle un peu les Européennes. Leur
origine est assez discutée. Topinard les range dans le grand groupe
européen avec les Aïnos du Japon et les Lolos du Yunnan. L'auteur y
verrait volontiers, avec les Mans les véritables autochtones de la Chine
centrale.
Les K'ou-t'song-jen sont nettement à rattacher à la grande famille
tibétaine par leurs données anthropométriques, l'écriture, l'idiome, la
religion. Ils habitent l'extrême pointe du Yunnan, près de la frontière
du Sse-tchouen et du Thibet, et mènent pendant la majeure partie de
l'année une existence de commerçants nomades, voyageant en cara-
vanes. Leur religion est le bouddhisme, beaucoup plus pur que celui
des Chinois.
Les Poumans, habitant par places le long de la rive droite du Mékong
et sont sans doute les véritables aborigènes de cette région. Ils sont en
voie de fusion avec les Thài-lus.
Les Kawas, divisés par les Chinois en civilisés et en sauvages, sont
tous en réalité très primitifs. On les rencontre dans quelques villages
le long de la frontière sino-birmane. Les civilisés, grossiers et malpro-
pres, habillés cependant avec coquetterie, se livrent à la culture du riz,
du mais et de Topium. Les autres vivent à peu près nus et dans une
réserve farouche, vis-à-vis même des peuplades voisines.
Sur les xMuongs, souvent décrits, l'auteur passe rapidement. Il indique
seulement que selon lui, ils sont les représentants d'une tribu de la race
Thài et non pas, comme on l'a cru, une race de transition entre celle-ci
et les Annamites, pas plus que la race aborigène du Tonkin. Il invoque
notamment que le Muong comme le Thài est brachycéphale, tandis que
l'Annamite est dolichocéphale.
J. L.
H. Haguet. Les Mois de la région de Quang-Ngai [Bévue Indo -Chinoise, 1905,
no 19, p. 1419).
Les Mois de cette région habitent à l'intérieur des terres, derrière la
muraille de construction récente qui les sépare des Annamites, établis
sur le littoral. Ils forment deux groupes principaux, les Da-vach et les
454 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Tra-bong, ceux-ci les moins nombreux, l'ensemble faisant environ.
33.000 âmes. Les Mois du Tra-bong sont plus petits que les Da-vach
Ceux-ci sont sédentaires, fixés sur la pente des petites emmenées qui
avoisinent leurs cultures, riz, maïs, haricots, ramie, tabac, ricin, thé;
ils sont propres. Ceux du Tra-bong^ sales et cultivateurs beaucoup moins
bons, changent au contraire souvent d'habitat. Les deux groupes font
du petit commerce avec les Annamites, â qui ils vendent tabac, bétel,
cannelle, un peu d'ivoire, cire, etc., contre des étoffes, et des instru-
ments agricoles ou domestiques. Leurs croyances religieuses se bornent
à peu près à croire aux mauvais esprits qu'ils se concilient par des
sacrifices de volaille et par des amulettes. Leurs fêtes, assez rares (nou-
velle année et fin des moissons), sont des occasions de ripailles et de
beuveries énormes. La naissance donne également lieu à des réjouis-
sances, mais intimes et plus sobres. Après l'accouchement, la mère se
nourrit uniquement de riz pendant un mois et dix jours. Après le décès,
le défunt est enterré avec les ustensiles qui lui ont servi durant sa vie,
jarres, marmites, hottes, paniers, qui constituent sa part d'héritage
et qui détournent son esprit d'une vengeance posthume sur les survi-
vants; en même temps, quand la fortune_le permet, on fait le sacrifice
d'un buffle.
J. L.
A. BoNiFAGY. Travaux sur les Mans : — 1. Monographie des Mans Quan-coc {Revue
indo-Chinoise, 1905, p. 132). — 2. La légende de Tsun d'après les Mans Quân-coc
{Id., 1905, p. 1176). — 3, Monographie des Mans Cao-lan {Id., p. 899). — 4. Mono-
graphie des Mans Qudn-lràng {Id., pp. 1597 et 1696).
1. — Le travail partiel de M. Bonifacy sur les Mans Quân-coc est
consacré à leur organisation sociale, à leurs arts et à leur religion. Leur
famille est celle des Chinois avec adoucissement du pouvoir absolu du
père et amélioration du sort de la femme et des enfants, ceux-ci élevés
plus doucement encore que chez les Annamites. Les Quân-coc vivent
comme de simples contribuables annamites et sont soumis au droit com-
mun. Leur régime de propriété est le suivant : d'une part les familles
qui possèdent des buffles se partagent entre elles tous les trois ans les
rizières de la plaine qui sont biens communaux; d'autre part les prolé-
taires qui cultivent la rizière de montagne, se louent chez les riches, font
les corvées, mais ne paient pas d'impôts. Ni Tune ni l'autre de ces castes
n'est fermée. La musique est le seul art des Quân-coc; encore n'est -elle
que d'usage religieux; les jeux physiques sont très répandus. L'écriture
est chinoise. Ils possèdent quelque littérature : hymnes sacrés légen-
daires, contes, recettes et chansons. La religion est le taoisme; le boud-
dhisme cependant est reconnaissable quoique très efracé,JeBuddha (Hut)
étant un dieu secondaire. Le grand Dieu est le ciel, Thiên. C'est l'Em-
pereur de Jade, divinité suprême des Taoïstes^ qui est le médiateur
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 455
entre lui et les hommes. Confucius est aussi l'objet d'un culte officiel. Les
amulettes sont fréquentes et très variées. Temples, autels domestiques,
prêtres, fêtes religieuses rappellent ce qu'on observe chez les Anna-
mites, et nous prions le lecteur de se reporter à ce que nous disons par
ailleurs dans cette même revue des Cultes annamites tels qu'ils sont
décrits dans le travail de Dumontier. M. Bonifacy fait de son côté
d'intéressantes observations sur les rites de la construction des mai-
sons, le traitement des maladies, le culte des animaux (il est à remar-
quer que les Quân-coc, qui n'ont pas perdu le souvenir de la légende
du Chien, si caractéristique du grand groupe ethnique auquel ils
appartiennent, ne l'admettent plus pour eux-mêmes et l'appliquent
uniquement aux autres Mans — d'où la presque complète absence de
totémisme), les interdictions rituelles et abstinences, les mythes,
croyances et légendes populaires, les croyances sur l'âme, la survie,
l'autre monde; toutes ces croyances présentent dans leur ensemble
de nombreux traits communs avec celles des autres peuples de civi-
lisation chinoise et sont un mélange de confucianisme, de boud-
dhisme et de taoïsme. Il serait fort intéressant d'indiquer les points de
différence et de s'arrêter davantage sur le détail, mais comme tous ceux
du môme auteur dont il nous reste à parler, le présent travail de
M. Bonifacy se recommande par une concision pleine de faits et de
mérites et dont Tunique défaut est de supporter mal le résumé. Ce qui
ressort d'intéressant de la présente monographie, c'est que les descen-
dants du fameux chien Bàn-Hu sont susceptibles d'un beau développe-
ment matériel et intellectuel, dont les Màns-Quân-coc sont la meilleure
preuve.
,2. — La légende de Tsun, racontée d'après les Mans Quân-coc, se
retrouve plus ou moins défigurée dans tous les pays de civilisation chi-
noise. Tsun (en sino-annamite Tuan) s'appelle en réalité Chuen 11 est
né, d'après les historiens chinois, en 2317 av. J.-C. Avec Yao qui régnait
en 2288, ce sont les prototypes du parfait souverain, et les ouvrages
classiques font sans cesse allusion à leurs vertus. Chuen est en outre le
modèle de la piété filiale. La légende, qu'il faut lire tout au long, s'est
complue à enguirlander ces données d'une poésie et d'une vie char-
mantes.
3. — Les Mans Cao-lan habitent divers points du bassin de la Rivière
Claire, des provinces de Thài-nguyên, de Vinh-yên, dans la partie sud
du 1" territoire militaire, et en Chine, dans les Cent mille monts. Leur
centre principal est le huyênde Son-duong. Leur site est soit la plaine,
soit la pente inférieure des montagnes, à proximité des bois et de l'eau.
La maison est toujours sur pilotis, d'un confortable variant avec la
richesse du propriétaire : à l'étage, deux pièces dont une pour les
femmes, en-dessous des loges pour les cochons, la volaille, les buffles.
Actuellement le vêtement est à peu près celui des Annamites, mais il
456 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
en différait beaucoup naguère. Alimentation et boisson des Annamites;
usage fréquent du tabac, rare de l'opium; pêche et chasse comme chez
les Annamites. L'agriculture est très développée (riz, coton, indigo^
papayer pour la nourriture des porcs); à signaler un instrument spé-
cial remplaçant la faucille pour couper le riz de montagne. Outre les
animaux déjà cités, les Cao-lan élèvent les abeilles pour leur miel. Ils
vendent les produits de leur travail ou les utilisent pour la charpente, la
vannerie, le filage, le tissage, la teinture à l'indigo.
L'organisation sociale des Cao-lan rappelle celle des Quân-coc. Pas de
code écrit, mais il y a de nombreuses coutumes qui en constituent
l'équivalent. Les délits sont punis de coups de rotin et d'amendes ;
voici quelques exemples : vol d'un cochon, 10 coups, amende d'un
cochon; viol, 20 coups; adultère, les oreilles coupées à la femme,
50 coups de rotin et une amende au complice que le mari peut très bien
tuer ; d'ailleurs la criminalité est faible. Les Cao-lan sont plus artistes
que les précédents, quoique peu développés cependant : dessin et sculp-
ture grossiers, chant, tambour, cymbales, dàn-man (instrument mono-
corde dont la caisse résonnante est un bambou, et dont les notes varient
suivant la tension de la corde, réglée par le manche), théâtre et danse
religieux. La littérature peu développée consiste en petits poèmes
légers, en contes et légendes religieuses; plusieurs jeux physiques, la
paume, la toupie.
Pour la religion, dieux, temples, rites, fêtes, les mythes^ les croyances,
il n'y a pas de différences essentielles avec les Quân-Coc. M. Bonifacy
donne dans cette partie un assez grand nombre de traductions pleines
d'intérêt. D'autre part, il y a plusieurs particularités de détail dont
quelques-unes au moins doivent être signalées : les Cao-lan respectent
le chien ancêtre, mais ne semblent pas lui rendre de culte, non plus
qu'à aucun autre animal. Le chien est tenu comme impur et ne
doit pas pénétrer dans les maisons. Comme tous les Mans, les Cao-lan
possèdent des mythes d'origine intéressants notamment sur l'origine
de la tribu qui est, nous l'avons dit, canine. On trouvera dans ce
mémoire quelques extraits de ces mythes ainsi que divers chants de
fête, et enfin des notes sur l'envoûtement, résultant très souvent de la
présence du ma-ga, esprit mystérieux et redoutable qui s'installe dans
le corps de certaines personnes et leur donne un pouvoir surnaturel,
et quelques mots sur la croyance aux goules.
4. — Les Mans Quan-trang sont cantonnés dans le S. -0. de l'ancienne
province annamite de Tuyên-quang, où ils habitent sur les croupes des
montagnes. Pour éviter des répétitions fastidieuses, nous ne relève-
rons ci-après que les principaux traits qui différencient les Quân-trang
des Mans cités plus haut. L'auteur suit d'ailleurs le même ordre
d'exposé dans chacune de ces monographies qui se complètent l'une
par l'autre. Dans leur habitation, les Quân-trang mettent loger le
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 457
bétail dans un bâtiment séparé et non en dessous des chambres. Le
vêtement des femmes comprend un grand cache-seins en toile blanche,
suspendu au cou par un collier d'argent, un habit descendant aux
genoux, teint en bleu, ouvert devant et croisé par des fils, fendu sur
les côtés ; au-dessus de ces ouvertures, sur les reins, au bas des pans
sont figurées de nombreuses croix gammées (^uct^iî/ta) répétées aussi sur
la toque qui leur sert de coiffure, et dont le sens symbolique est
d'ailleurs inconnu aux Mans (1). Les Quân-trang sont monogames à
quelques rares exceptions près, et encore demande- t-on l'avis des ancêtres
avant de prendre une seconde femme. Le mariage est précédé d'un
stage de six ans, pendant lequel l'homme peut se désister gratuitement
de la fille en payant 15 piastres ; pendant ce même temps, les relations
sexuelles, qui sont interdites, sont d'ailleurs fréquentes entre les époux
à l'essai. Les coutumes au sujet des bâtards sont intéressantes : en cas
de mariage du père ou de la mère, ils sont traités comme les propres
enfants de l'autre participant; d'ailleurs, l'enfant adultérin appartient
au père quem nuptiœ demonstrant ; mari et femme peuvent à leur gré
introduire chez eux des enfants nés hors du mariage: ils ne s'en
privent pas. L'organisation sociale et le droit pénal sont comme nous
avons dit chez les précédents Mans ; cependant il y a quelques variantes ;
ainsi l'adultère est moins durement châtié : la femme n'a les oreilles
coupées qu'à la troisième faute ; les premières fois, elle est simplement
battue par son mari, reçoit 8 coups de rotin et son père paye 4 piastres
au mari, tandis que son complice, s'il est marié, en paye 7 au mari,
8 au village, ou reçoit 50 coups de rotin, et s'il est célibataire, n'est pas
du tout puni ; dans le cas de rapports incestueux, l'homme seul est
puni, sauf entre frères et sœurs qui sont tous cliâtiés. Quelques traces
d'épreuve judiciaire à l'huile bouillante. La musique est comme chez
les Cao-lan, Par contre, la littérature est beaucoup plus développée.
M. Bonifacy en donne plusieurs jolis exemples.
La religion rappelle ce que nous avons déjà vu. Ici Buddha est peu
connu : on croit que c'est une femme présidant aux jeûnes et aux puri-
fications. De même que les Mans ci-dessus, les Quân-trang ne repré-
sentent pas leurs dieux, sinon par de simples caractères. Tous les let-
trés sont prêtres, à la suite de plusieurs initiations : 1" vers 10 à 12 ans,
2» plus tard ou immédiatement après la première, mais en tout cas à
un degré supérieur de culture; chacune de ces initiations confère un
mandarinat spécial, un costume particulier et un diplôme, qui donne
(1) L'auteur voit dans la svastika la représentation du tourniquet qui servait à
obtenir le feu par frottement avant l'invention du fer. D'autre y voient plutôt l'em-
blème de la puissance géuésique; ceci s'appliquerait peut-être mieux au cas ci-dessus,
Il est d'ailleurs possible que la svastika ait plusieurs significations, toutes formes
de l'idée de puissance créatrice.
458 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
accès à toutes les fonctions sacerdotales. Les rites et cérémonies du
mariage sont remarquables par le fait que ce sont la femme et ses
parents qui y jouent le principal rôle; ils sont accompagnés de danses,
de mimiques et de propos obscènes et expressifs. Parmi les rites de la
mort signalons la coutume d'arracher au cadavre une dent, un ongle
de la main, un du pied, de couper une mèche de cheveux et de mettre le
tout dans une petite urne; on croit ainsi enfermer les âmes spirituelles
du défunt et on les enterre à l'endroit précis où vient mourir un coq
égorgé et jeté en l'air. Très souvent, le cadavre est brûlé, les cendres
recueillies dans une urne qui est enterrée. Dans les mythes d'origine,
comme chez les Cao-lan, on trouve la croyance que les premiers hommes
étaient semblables à des bétes et qu'ils furent détruits par un déluge
qui submergea la terre. Les croyances à l'envoûtement, aux goules, etc.,
existent aussi chez les Quân-trang, — L'auteur a eu entre les mains
une chronique rimée qui lui adonné des indications, malheureusement
tronquées, sur l'histoire des Qâan-Trang. Il fait remonter au xrii*^ siècle
l'exode qui les a amenés au Tonkin. Rien chez eux ne rappelle une mi-
gration par voie maritime.
Comme nous l'avons déjà fait observer plus haut, nous avons dû lais-
ser beaucoup de côté dans les mémoires de M. Bonifacy et nous conten-
ter de notes trop brèves. On y trouvera de nombreux et circonstanciés
détails.
J. L.
CoMMANDAM Révérony. Apeiçu suF les races peuplant le 1*"" territoire militaire
{Revue Indo-Chinoise, 1905, n»» 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20).
11 faut entendre par 1" territoire militaire d'Indo-Chine — désigna-
tion modifiée depuis juillet 1905 — le bassin du Song-ky-Cong, tribu-
taire du Si-Kiang, le bassin supérieur du Song-Thuong, le littoral du
golfe du Tonkin, depuis la frontière sino-annamite jusqu'à la ligne de par-
tage entre la rivière de Tien-yen et le Song-ba-Ché, ainsi que les îles de
la côte. On y distingue deux régions ethnographiques : sur le littoral, la
région sino-annamite, ailleurs, la région Thài. La population totale est
d'environ 110.000 âmes.
La race Thài comprend les Thài et les Nùng. Le groupe Thài pro-
prement dit compte 45.000 âmes environ. Leur langue qui, à Long-
son, compte au moins sept mots laotiens d'origine sur dix, leur type
physique, leurs aptitudes et aspirations permettent de les rattacher
aux habitants actuels du Mékong. Ils n'ont plus d'écriture particulière
et se servent des caractères chinois qu'ils prononcent à peu près
comme les Annamites. Ils sont plus grands que ceux-ci (1™,62 àl'»,65)
mais moins fins de formes. De même, malgré une force réelle plus
grande, ils présentent moins d'endurance qu'eux à la fatigue, sont
apathiques et indolents ; ils sont aussi moins prolifiques, partie par
iMOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 459
tempérament, partie par suite de l'organisation sociale et des mœurs.
Les femmes, dont la beauté est vantée, sont d'un type lourd et empâté.
Toutefois il ne faut pas exagérer leur différence physique avec les
Annamites : pratiquement il est assez difficile de les distinguer.
Leur habitation rappelle celle des Laotiens.. Leurs vêtements sont
d'une étoffe de coton, tissée par les femmes avec des produits du pays
et sur un métier tout à fait annamite. Ils la teignent avec de l'indigo
sombre, préparé par eux et qui, par sa beauté, en dépit de leur
saleté réelle, leur donne un faux air propre quia trompé d'abord. Leurs
vêtements ont d'ailleurs la coupe des Annamites; les chaussures et les
bijoux ont cependant conservé les caractères du costume primitif dont
le souvenir même a subsisté, depuis que la domination annamite l'a
fait disparaître. Ils se sont également tout à fait adaptés à l'état social
de leurs maîtres et leur ancienne organisation a disparu, canton,
commune et famille étant constitués à l'image des Annamites. Comme
ceux-ci encore, ils sont foncièrement agriculteurs (riz, maïs, patates,
légumineuses, coton, mûrier, etc.). Ni industrie ni commerce. Au point
de vue intellectuel et religieux, le Thài possède les mêmes croyances
et les mêmes pratiques que les Annamites, mais avec plus d'indifférence
pour le culte officiel. La même ressemblance se retrouve dans les cou-
tumes relatives à la naissance, au mariage, à la mort et à toutes les
circonstances de la vie sociale. Pourtant les fiançailles se font d'une
façon à part, qui leur est commune avec les Nùng ; à certaines
époques, les jeunes gens des deux sexes se réunissent par groupes dans
la campagne ; garçons et filles se choisissent entre eux suivant leur
désir, s'entendent sur leur situation de famille puis retournent chacun
chez soi. La femme, après une cohabitation de trois jours, retourne chez
ses parents jusqu'à ce que la grossesse soit constatée ; si elle est stérile,
elle attend ainsi trois ans avant d'habiter avec son mari, non sans lui
faire visite. Les Thài sont d'assez mauvaises mœurs; libertinage, adul-
tère et crimes passionnels sont plus fréquents chez eux que chez les
Annamites.
Les Nùng ne forment pas de groupements particuliers. On les trouve
partout mêlés aux Thài suivant des proportions variables. Ils sont évi-
demment de même race, mais, tandis que ceux-ci évoluaient au contact
de la civilisation annamite, les Nùng ont subi, au contraire, l'action
durable de la civilisation chinoise. 11 semble bien, d'ailleurs, qu'ils
soient venus de Chine, à une époque beaucoup plus récente que les
Thai. Ils furent d'abord vis-à-vis d'eux dans la position de clients, et
l'absence de mariages entre les deux groupes contribua à les main-
tenir distincts, quoique mêlés. Physiquement, ils ressemblent aux Thài,
avec plus de gravité dans les formes ; leur costume, la coiffure des filles
accentuent ce caractère plus affiné. Ils parlent aussi la langue des Thài,
mêlée à beaucoup de mots des dialectes chinois méridionaux et à
462 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
que leurs caractères imposent à notre politique. C'est un sujet dont
nous n'avons pas à nous occuper ici, mais nous devions le signaler d'un
mot^ ne fùl-ce qu'en raison des données d'observation qui servent de
base aux conclusions de l'auteur. Comme il le fait remarquer justement,
la culture intellectuelle chinoise, diversement adaptée à l'esprit des
races dont nous avons pris la charge, mais reconnaissable chez elles
toutes, est orientée tout entière pour la plus grande facilité et pour
l'efficacité du pouvoir et de l'autorité; et c'est une idée, selon nous,
très sensée que de voir dans une telle disposition un moyen d'action
dont il nous serait possible de tirer un excellent parti.
J. L.
Adhémard Leclère. — Le Cambodge. — Le thvoeu-bon kant-boent. — Les phka-
boent. — Le thvoeu-phchum-boent samnên {Revue /nrfo-CAmowe, 30 janvier 190o,
t. III n» 2, p. 114).
Le travail de M. Ad. Leclère est consacré à la description d'un cer-
tain nombre de fêtes et de rites cambodgiens où le riz joue un rôle
prépondérant.
La fête du kant-boent, c'est-à-dire des « morceaux de riz cuit conservés »
dure quinze jours, du l^^'jour de la lune décroissante de Photrobot à
la fin du mois de septembre. La veille de la fête, qui est celle des
Ancêtres, les fidèles et les religieux se réunissent au temple de Buddha
pour réciter des stances et des textes sacrés ; chacun formule alors
intérieurement des souhaits et prend la terre à témoin, en versant
quelques gouttes d'eau sur elle. Les jours suivants, le sommeil est réduit
à l'indispensable, les fidèles priant, faisant cuire le riz, ou offrant au
temple des images de Buddha, tandis que les religieux récitent des
prières aux diverses heures de la matinée. Chaque jour les fidèles offrent
aux religieux les boent-hay^ boulettes de riz cuit, cette offrande se fai-
sant à raison de 1 boulette le premier jour, 2 le second, 3 le troisième,
etc., 15 le quinzième. L'offrande se fait suivant un rite spécial. Ces
boulettes sont bénies et, si le fidèle le désire, Tune d'entre elles lui est
rendue et mise au soleil pour sécher. La fête terminée, un morceau
est prélevé sur chacune des quinze boulettes séchées, et l'on fait de
leur ensemble, avec de la résine, une statue de Buddha, offerte ensuite
au temple. Cependant cette offrande tend à disparaître.
Lesphka-boent, ou fleurs des boulettes de riz cuit, constituent aussi
une offrande pour orner l'autel de Buddha; elles s'offrent en nombre
impair, 5, 7 ou 9. Le riz est placé dans un vase de bois de forme spé-
ciale, avec un couvercle surmonté d'un cierge en cire et entouré de
huit bols de porcelaine ou de verre, remplis de rh cuit, de flacons
d'eau pure ou parfumée, de bétel et de noix d'arec; des cierges et une
décoration particulière ornent le plateau qui porte ces ustensiles.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 463
Le thvoeu phchum-boent samnên est la fcte de la réunion pour l'of-
frande des vivres aux morts, ancêtres el génies du pays. Elle a lieu
quinze jours avant la fin de la saison rituelle des pluies, moment de la
retraite annuelle des religieux. Elle consiste en une cérémonie religieuse
dont le plus important moment est l'offrande du riz dans des bols
spéciaux ; de plus, un cortège formé par les religieux et par l'assis-
tance entière, sort du temple, dont il fait par trois fois le tour, en jetant
les offrandes, boulettes de riz, gâteaux, etc., aux ancêtres et aux
génies. Des récitatifs spéciaux sont, à l'occasion de cette fête, prononcés
par les religieux. Ils sont précédés d'un morceau dit Kusalâkusalâdliam-
ma (doctrine des mérites), rappelant les effets et les vertus du Buddha
et les passions qu'il a étouffées en lui. Ce morceau, ainsi que les réci-
tatifs, sont en langue pâli et les fidèles ne les comprennent pas. Dans
le palais, cette fête est célébrée par les bakous, d'après un vieux rituel
qui a persisté seulement là, et qui comprend des offrandes variées :
sésame, haricots, noix de coco, riz cuit en boulettes, et riz en farine.
J. L.
G. DuMouTiER. Les cultes annamites [Revue Indo-Chinoise, t. 111, 1905, n°s 4 à 11).
Après avoir publié divers travaux de valeur sur les Symboles, les
Emblèmes et les Accessoires du culte chez les Annamites, les Pagodes de
Hanoi^ etc., M. Gustave Dumontier s'était donné la tâche de faire un
exposé aussi complet que possible de tout ce qui se rapporte aux cultes
annamites. La mort a suspendu l'exécution de ce travail. Néanmoins,
les matériaux accumulés étaient assez nombreux et leur mise en œuvre
assez avancée pour que ses exécuteurs testamentaires aient pu tirer de
là un fort important mémoire publié dans la Revue Indo-C liinoise . Ce
n'est pas sans doute l'étude d'ensemble désirable, mais, à son défaut,
une série de monographies documentaires de haut intérêt, et qu'il
serait très profitable d'examiner en détail. On y suit très nettement les
traces de l'influence chinoise sur les mœurs et sur la religion de l'Annam,
et cette étude des cultes annamites est en beaucoup d'endroits la des-
cription de déformations d'idées chinoises, celles-ci étant elles-mêmes,
de leur côté, la déformation d'idées hindoues.
Les notes monographiques de M. Dumontier ont été réparties en trois
grands chapitres: Culte officiel et fêtes périodiques, Divinités bouddhiques
et taoïques, culte des génies. C'est ce même ordre que nous adopterons
ci-dessous, sans toutefois nous astreindre à le suivre pas à pas dans l'in-
térieur même de chacune de ces grandes coupures.
Le culte officiel, en quelque sorte obligatoire, réglé par un minutieux
cérémonial, entouré de prescriptions et de châtiments sévères, et dépen-
dant directement de l'empereur, ce culte se réduit à de grands sacrifices
à la Terre, au Ciel, aux saisons^ aux mânes des empereurs et aux phi^
4f:4 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
losophes. Les autres cultes, bouddhisme, taoïsme, évhémérisme, culte
des génies, etc., sont facultatifs, sans que les lois formulent de pres-
criptions à leur sujet, mais seulement contre les abus des prêtres ou les
désordres des fidèles.
Le plus célébré des philosophes est Confucius, qui possède un
temple dans chaque province et dont la fête se célèbre l'automne
parmi le concours des hauts mandarins et des universitaires, suivis du
peuple entier. C'est le plus haut personnage de la province qui officie
et, dans la capitale, l'empereur lui-même. La cérémonie consiste sur-
tout en offrandes des prémices de la terre, fleurs, vin de riz, métaux
précieux, figurés en papier, mais jamais d'animaux. Avec des degrés
divers de pompe, le culte se passe de même dans chaque ville et village,
qui ont tous au moins un autel au Maître de philosophie. Ces autels et
ces temples ne sont jamais ornés de statues de Confucius, mais con-
tiennent simplement des tablettes honorifiques et des maximes de sa
philosophie, sculptées sur des panneaux. En même temps que lui et
souvent dans le même autel, on honore les quatre autres grands philo-
sophes, Manh-Tù, Tû-Tu, Tâng-Tû et Nhan-Tû, les littérateurs émi-
nents et ses parents. Enfin, on rattache à son culte celui de divers
génies littéraires des meilleurs disciples de Confucius, de Sî-Nhiép, qui
introduisit Tétude du chinois en Annam, etc.
Les sacrifices au Ciel et à la terre ont l'empereur pour prêtre unique.
Le rituel, réglé bien avant notre ère, fut introduit avec la civilisation
chinoise. L'essentiel de la cérémonie, qui se fait à Hué, tous les trois
ans, avec la plus grande magnificence, consiste en l'hommage que
l'empereur fait au Ciel et à la Terre de la richesse du royaume, en sacri-
fiant ou en déposant sur leur autel un bœuf, un bouc et un cochon,
trois coupes, une fiole d'alcool de riz, des fleurs, des fruits, de l'or, de
l'argent, du jade, de Tivoire et de la soie. Actuellement le culte a lieu
dans un seul temple commun; autrefois il y avait au sud de la capitale
un tertre arrondi pour y adorer le Ciel qui est rond, et au nord un carré
pour la Terre, qui a cette forme.
La fêle de Than-ISong, empereur qui succéda àFou-Hi2737 ans avant
notre ère, et que les Chinois et les Annamites honorant comme le génie
de l'agriculture, égale presque les précédentes en importance; elle fait
aussi partie du culte officiel et l'empereur y prend, également, une part
prépondérante. Il y a deux cérémonies : l'une à l'ouverture du premier
sillon dans la rizière, l'autre au premier repiquage de riz. La pre-
mière consiste, dans chaque localité importante, à faire labourer
un tertre quadrangulaire, dit autel de l'agriculture, par un buffle sacré ;
l'opération se fait en grande pompe, est accompagnée du sacrifice d'un
bœuf, d'un cochon et d'un bouc et suivie d'un banquet. La cérémonie
du repiquage comporte aussi un sacrifice animal (un coq), des invoca-
tions et offrandes diverses. Les officiants doivent dans tous les cas
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 465
réaliser certaines conditions de pureté, abstinence de viande de chien
et de rapports sexuels depuis un certain temps.
Nous sommes forcés de passer plus rapidement sur les fêtes suivantes,
très intéressantes cependant, mais qui rentrent plus dans la seconde
catégorie des non officielles. x\ux fêles du printemps, on promène, dans
toute la ville ou le village, une statue de terre crue, représentant un
homme qui tient un buffle par une corde, puis on l'enterre dans un
lieu désigné, après des offrandes au temple du printemps. La fête des
prémices se fait au début de la récolte du riz et consiste en offrandes des
prémices de la terre au Génie protecteur du village, prémices variant
avec la richesse et volontaires. Le Nouvel an est l'occasion de nombreuses
pratiques pendant les sept premiers jours : le chef du canton suspend
à la porte de sa maison une tête tranchée de buffle, de porc ou de coq,
pour préserver le district de la piraterie; on peint au même endroit
des amulettes ; on y colle l'image d'un coq qui attire le bonheur ou de
guerriers qui font fuir les diables. On échange des vœux divers figurés
par des emblèmes. Le culte des ancêtres joue aussi un grand rôle pen-
dant ces journées. Le 15« jowr du !«■' mois est surtout une fête de nuit,
en l'honneur des étudiants; on fait des offrandes au génie de la corpo-
ration des éleveurs de vers à soie et l'on se recommande au génie dis-
pensateur du bonheur. Le Séjour du 3^ mois, visite religieuse aux
fleuves, lacs et étangs, accompagnée de réjouissances, banquets en
famille, tir à l'arc dans la plaine sur des lapins de bois, horoscopes
pour les chances de mariage des fllles et leur bonheur en ménage. On
célèbre en même temps la fête des aliments froids, en souvenir d'un
ministre du vii° siècle avant J.-G. qui périt ce jour-là dans un incendie.
Le 5^ jour du 5^ mois est consacré à la destruction des vers et autres
insectes nuisibles qui habitent les entrailles : on mange tous les fruits
verts que l'on peut trouver, on boit desliqueurs consacréeset l'on recueille
des simples pour l'année. Le 15^ jour du S^ mois, au milieu de l'automne,
on célèbre la lune pour commémorer l'aventure d'un empereur du
vue siècle de notre ère qui, à cette date, fit un voyage dans cet astre,
grâce à un magicien, lequel, levant en l'air son bâton, en fit un arc
céleste qui servit de pontà son souverain. Les pratiques sont analogues à
celles qui ont cours en Chine : l'épouse du soleil est surtout célébrée par
les temmes, les jeunes filles et les enfants, qui parcourent les rues en
chantant et en faisant des improvisations littéraires.
Il y a, en Annam, deux grands types de temples : ce sont d'un côté
les chua, destinés aux divinités bouddhiques ettaoïqueset dont le mobi-
lier est surtout constitué par les images de ces divinités, et ceux qui
sont consacrés aux génies, dont le culte est purement civil. Au contraire
le culte bouddhiste et taoïste est desservi par un clergé de bonzes, plus
ou moins initié mais régulier et hiérarchisé. Les chua se composent d'une
nef transversale, située en avant de Tédiflce, et dont la partie centrale
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 30
4ti6 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
se prolonge à ani^le droit ; ce prolongement est le chœur et contient
los statues du temple (les gardiens de la porte, le génie du sol) qui sont
de rigueur, et diverses autres, plus ou moins nombreuses suivant les
années : en effet, chaque année, dans chaque province, une double liste
est dressée, contenant d'une part les génies dont l'inniicnce a été
manifeste, de l'autre ceux qui ont ralenti leurs bonnes grâces. Ces listes
sont réunies et examinées par l'empereur, qui distribue des récompenses
et des peines. On promène en procession et on élève à un rang supérieur
les génies récompensés; les autres, au contraire, sont insultés, bafoués,
dépouillés de leurs ornements.
Nous ne pouvons songer ici à suivre l'auteur dans l'étude une à une
de toutes ces divinités ; il faudrait citer toutes leurs légendes, gracieuses,
curieuses ou terribles, ou n'en citer aucune. Beaucoup sont des divinités
purement chinoises, baptisées postérieurement de noms bouddhiques
et auxtjuelles on a fabriqué des histoires pour justifier la multiplicité
et la confusion de formes ainsi créées At-Nan ou Anandaest un cousin
édifiant du Buddha Çakya Muni; Mue Lien, très en honneur au Tonkin,
a su arracher aux enfers de Yama sa mère indigne et vaincre, par ses
prières et son mérite, la fermeté de Cakyamuni, son maître ; Ri-Lac, le
Buddha futur, est une des statues les plus honorées du Tonkin ; sa con-
sécration peut servir de type à celle de la plupart des statues : l'officiant,
coiffé de la couronne à pétales de lotus, récite des textes mythiques et,
prenant un pinceau de la main droite et un miroir de l'autre, il ouvre
à la lumière les yeux de la statue inerte, c'est-à-dire qu'avec de la cou-
leur noire, il trace sur chaque œil, entre les paupières, un trait en vir-
gule dont la pointe est dirigée en dehors. Van-Thu et Pho-llien sont
frères, l'un solitaire, vivant sur un mont neigeux de Chine, en com-
pagnie d'un dragon et d'un serpent et quelquefois s'élançant en l'air
sur un lion bleu, l'autre l'inventeur de la cristallisation du sucre; Dia-
Tang est un religieux célèbre ; Quan-Am, l'ancienne épouse de Thien-Si,
qui la chassa, ayant cru par erreur qu'elle voulait l'assassiner, se
déguisa en homme et se fit bonze, fut accusée d'avoir séduit une jeune
fille et mourut sainte, après une existence parfaite; elle est partout
accompagnée de son mari repentant, sous l'image d'un perroquet vert,
Les Kim-Cuong sont les esprits supérieurs de l'air, défenseurs du boud-
dhisme, ils ont une place considérable dans la lithurgie.
L'empereur de Jade, Ngoc-Hoàng, est la divinité suprême des Taoïstes,
il habite le Ciel; toutes les autres divinités lui sont subordonnées; sa
statue est dans tous les temples. Il est toujours accompagné de deux
acolytes, respectivement chargés de tenir état des naissances et des
décès des humains; ils habitent l'un l'Étoile du sud, l'autre l'Étoile du
nord. A l'origine des mondes, l'Empereur de Jade était un grand oiseau
rouge, régnant sur la matière inerte et confuse, alors que le Ciel et la
terre étaient encore enfermés dans le chaos obscur. Quand, plus tard,
MOUVEMEiNT SCIENTIFIQUE. 467
le Ciel 'lélivré se tint en haut et la lerre en bas, il eut sous sa domina-
tion les 36 palais des génies célestes et les 72 génies des degrés de la
terre, fut le maître-souverain du soleil, de la lune, des étoiles, du vent,
des nuages, de la foudre, de la pluie, des esprits et créatures de ce
monde et des génies qu'il délégua tour à tour pour enseigner aux
hommes la civilisation, l'agriculture, l'art de tisser, la justice, la philo-
sophie et la sagesse.
Il est naturellement, lui et ses coadjuteurs, ainsi que de ses descen-
dants, mêlé à de nombreuses légendes; l'une des plus gracieuses est
celle de sa fille Liêu-Hanh qui, bannie du Ciel pour avoir brisé un vase
précieux au cours d'un festin, s'incarna sur la terre en la personne
d'une princesse, épousa un jeune lettré et mourut peu après ainsi que
son mari; elle s'incarna à nouveau, revint sur la terre pour chercher
la nouvelle forme sous laquelle était de son côté incarné son ancien
mari, le trouva en effet et recommença avec lui d'heureux jours. A ce
thème, brutalement résumé, se mêlent mille détails délicats et précieux
empreints de la plus pénétrante poésie et de grande finesse littéraire.
Les subordonnés de l'Empereur de Jade sont très nombreux. Van Xuon,
(le Wen-tchouang chinois) est le génie de la littérature, patron des belles-
lettres ; il habite la constellation de la Grande Ourse et est aussi vénéré
que Confucius. Son temple, situé à Hanoï, dans l'île de jade, et auquel
on accède par une avenue et un pont bordés d'emblèmes littéraires, est
précédé d'un obélisque surmonté d'un pinceau de pierre et d'un por-
tique représentant un encrier de marbre, sur le dos de trois crapauds
à trois pattes. A ce génie se joint souvent celui de la chance aux
examens. Le Lao-Tseu chinois, devenu Lao-Quan, qui fut un grand
philosophe, est mal connu des Annamites et sa légende est pauvre : il
fut porté 81 ans dans le ventre de sa mère qui le mit bas sous un pru-
nier; il naquit vieillard avec les yeux et la bouche carrés, etc. Citons
encore parmi la suite de l'Empereur de Jade Tu-Yi, chef des génies stel-
laires, Huyen-Dan, guerrier d'origine chinoise qui vivait au x« siècle
et fut divinisé après la mort, comme chef de douze des généraux célestes,
les Duong-Niên, qui répartissent les récompenses et les peines dans le
monde entier, chacun d'eux affectés à un an, car ils sont douze, confor-
mément au cycle duodénaire, Quan-Dé, autre guerrier puissant, dont la
vie fut un roman d'aventures, de dévouements et de malheurs, le génie
du sol, Tho-Dia-Long-Than, dont la statue et le culte ont pénétré simul-
tanément dans les temples de Confucius et dans ceux des bouddhistes
et des taïoistes, les divers génies du foyer et de la cuisine, Irinité com-
posée d'une femme et de deux hommes et dont le pouvoir est très
étendu, le dieu du tonnerre, qui manifeste sa colère en lançant des
pierres de foudre sur les hommes qui l'ont off'ensé, lui ou ses amis, —
les trois génies dont les sorciers inscrivent les noms sur la porte des
maisons pour éloigner les fantômes, — les trois puretés, sorte de trinité
4B8 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
SOUS la présidence de Lao-Tseu, et des quantités de divinités de moindre
ranii, comme le génie qui voyage à dos de poisson, le pharmacien qui
habile dans une cruche, etc., etc.
Gomme nous l'avons dit, la troisième partie du travail de M. Dumoutier
est consacrée au culte des génies. Ce culte purement civil, est sans
rapports ni avec les prêtres ni avec les rites ou mythes taoïstes ou boud-
dhiques. Les officiants sont tantôt des prêtres sorciers, affectés au génie
qu'ils honorent, tantôt les particuliers eux-mêmes. Dans les temples
consacrés à un génie, figure seulement le plus souvent la statue de ce
génie, ou des statues de comparses n'appartenant en tout cas jamais à
l'ensemble des divinités que nous avons énumérées tout à l'heure. Nous
ne pouvons songer à faire une innombrable énumération de ces génies ;
il faut nous borner à indiquer les caractères de leurs divers groupes.
Beaucoup d'entre eux sont d'anciens guerriers qui ont joué un rôle
glorieux dans la séculaire tentative que l'Annam a constamment renou-
velée pour secouer le joug de la souveraineté chinoise ou pour s'oppo-
ser à l'humeur conquérante de ses voisins. On les a, après leur mort,
élevés à la dignité de génies, souvent par une décision royale, ou bien
par un accord populaire. Les victoires ou les hauts faits dont est ainsi
conservée la mémoire, remontent parfois à une très haute antiquité et
se sont cependant conservés, sinon intacts de légende postérieure, du
moins assez reconnaissables encore comme faits historiques. D'ailleurs,
bien que la majorité de ces génies soient d'origine annamite, il s'en
rencontre encore parmi eux d'importation chinoise. Voici quelques
exemples des faits célébrés et commémorés de cette façon : défaite
d'une armée d'envahisseurs chinois, 400 ans av. J.-C, mort du fils de
l'empereur et de ses généraux, soulèvement populaire durant tout le
1" siècle avant J.-C, mettant fin à 150 ans de domination chinoise;
conquête de l'Annam par les Chinois en 862; libération de TAnnam en
1285; inondation de 1073; résistance aux Français et actes de dévoue-
ment accomplis à cette époque, en 1862, 1873, 1882, etc.
Les génies dont il reste à nous occuper présentent encore la com-
mémoration de faits de lutte contre la Chine; mais ici le terrain s'est
déplacé et c'est dans le domaine économique que les victoires célébrées
ont été remportées. En effet, les génies des corporations et des métiers
sont la divinisation des industriels qui se sont procuré contre de l'ar-
gent ou par ruse les procédés secrets de leurs confrères chinois et qui ont
ainsi contribué à enrichirleursconcitoyens. Comme pour les précédents,
le caractère historique est peu dissimulé et se précise aisément de
même par la comparaison des textes chinois. On a ainsi de précieux
enseignements sur les dates d'introduction de ces diverses industries.
Nous ne citerons que quelques-uns des faits ainsi commémorés, sans
nous arrêter sur les noms ni les légendes des génies qui leur corres-
pondent. Laculture des rizières et l'habitude du mariage religieux furent
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 469
apportées en même temps, 25 ans ap. J.-C. et bouleversèrent le mode
de vivre des Annamites, jusque là chasseurs et pêcheurs, faisant l'amour
de la façon la plus élémentaire ; Torfèvrerie date de l'an 547 et son
introduction est due à l'initiative de trois jeunes frères; la magistrature
actuelle fut instituée au xv siècle par un fonctionnaire modèle, la méde-
cine au xe siècle, par un jeune homme que des malheurs politiques
forcèrent à s'exiler dix ans en Chine, oij il s'initia à cet art; la fabrica-
tion des bateaux de bambou fut inventée à la fin du même siècle, par un
général poursuivant une armée et arrêté par un cours d'eau, sur lequel
il vit par hasard flotter une corbeille de bambou faite par une vieille
femme. On suit de même l'histoire de la fabrication des nattes de jonc
(981 à 1006), des fondeurs de cuivre (1226), de ceux d'or et d'argent(1461),
des brodeurs et des fabricants de parasols (1520), des marteleurs de cuivre
(1518), des incrusteurs (1780), des potiers de terre (1461), des laqueurs
(1443-1460), des tanneurs et cordonniers (1528), des imprimeurs (1440),
des tisseurs de gaze de soie (1600), de satin broché (1820-1841), des
joueurs d'échec, etc., etc.
On voit que l'ouvrage de Dumontier, dont nous avons fait un fort sec
résumé, est du plus haut intérêt, et l'on ne peut que regretter que son
auteur n'ait pas eu, lui-même, le temps d'y mettre la dernière main
pour tirer tous les enseignements qu'ils comportent des faits qu'il a si
clairement exposés.
J. L.
P. STAUDrNGER. Glassachen aus Nupe (Objets de verre du pays de Nupé). Zeitschrift
fur Ethnologie, t. XXXVIII, 1906, p. 231.
Dans son voyage au Niger et à laBénoué l'auteur avait pu établir que
les bracelets de verre portés dans cette partie de l'Afrique sont fabri-
qués dans le pays de Nupé ou de Nufé, c'est-à-dire dans le Soudan
occidental. Peu de familles sont en possession de ce secret de fabrica-
tion et, d'après la tradition, ce seraient des Juifs, venus d'un pays que
les indigènes localisent du côté de l'Orient. Cette tradition est confir-
mée par des objets en verre que M. Staudinger a reçus récemment
d'Hébron en Palestine, où il existe depuis l'antiquité une industrie du
verre. Certains des bracelets sont absolument semblables à ceux du
Soudan, non seulement par leur forme générale, mais par leur décor
en verre de couleur différente fondu dans la masse. Il faut noter que
certains bracelets d'Hébron sont trop petits pour être utilisés. Il semble
que ce sont des copies d'objets plus anciens. D'autresontdes dimensions
normales. Cette identité de l'industrie du verre en Palestine et dans le
Soudan méritait d'être signalée.
D"" L. Laloy.
470 MOLVEMENT r CIENTll- IQUE.
Seug[. Contribution ail' Anthropologia Americana (Cootributioa à l'anthropologie de
l'Amérique). AUi delta Sor. nom. de Anthrop., 1906.
Dans ce travail, le professeur Sergi essaie de déduire de l'examen des
crânes que possède le Musée Romain d'Anthropologie l'origine des
anciennes populations américaines.
L'autenr constate d'abord l'indéniable difficulté que l'on a à se rendre
compte de la forme typique et exacte des crânes anciens américains en
raison des déformations artificielles qu'ils ont généralement subies; le
Musée Romain d'Anthropologie possède heureusement quelques crânes
anciens de l'Amérique du Sud n'ayant pas subi de ces déformations. Ce
sont ces crânes qui ont servi au professeur Sergi pour son étude. 11 les
a examinés à la fois au point de vue de la forme générale et au point
de vue des dimensions ; de plus, d'après les os longs du membre infé-
rieur (fémurs et tibias) de ces mômes Américains anciens, il a calculé
concurremment, suivant la méthode de Manouvrier et suivant celle de
Flower, leur taille probable.
Il est arrivé ainsi à trouver un rapprochement possible entre les
Américains anciens et les Mélanésiens d'une part, et les peuplades de
l'Asie Centrale d'autre part.
L'ensemble de ces recherches a amené le professeur Sergi à émettre
l'hypothèse suivante qui, à la vérité, peut encore paraître un peu
hasardée : il existerait parmi les populations américaines anciennes
trois types crâniens dont la présence pourrait s'expliquer en admettant
qu'il y ait eu deux courants d'immigration en Amérique, l'un d'origine
asiatique, l'autre d'origine océanienne, qui participèrent probablement
l'un et l'autre, à l'époque préhistorique, à la formation de la population
américaine. Il peut, de plus, y avoir eu à cette époque, en Amérique,
une ancienne population autochtone avec laquelle se seraient croisés
les envahisseurs.
R. Anthony.
Stevenson (Matilda Coxe). Zuiïi Games (Jeux des Zuùis). Broch. in-8, de 30 p.,
planches et fig. (Extrait de American Anthropologist, nouv. sér., vol. V, n° 3, juillet-
septembre 1903).
A diverses reprises, il a été question, dans différentes publications
américaines, des jeux deZuni; mais jamais, jusqu'au travail de M"""
Matilda Coxe Stevenson dont on vient de lire le titre, ces jeux n'avaient
fait l'objet d'un travail d'ensemble. Seuls, quelques-uns d'entre eux
étaient connus, et encore avaient-ils été imparfaitement décrits. — Au
cours de ses différente séjours chez les Zuni, M""*^ Stevenson a institué
une véritable enquête sur le sujet, et elle a réuni des renseignements
précis sur tous, des renseignements personnels sur presque tous les
jeux qu'elle étudie au cours de son article.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 471
Ces jeux, comme l'indique avec raison l'auteur au début de son inté-
ressant travail, ne sont nullement des distractions d'enfants. Sans
doute, à côté des amusements qui leur sont particuliers et exclusifs,
les jeunes Zuni prennent plaisir à imiter leurs parents, mais il le font
en ne se rendant compte que peu, ou même point du tout de leur signi-
fication exacte. En réalité, les jeux des Zuni décrits par M™"" Stevenson
sont des jeux sacrés, destinés à obtenir la pluie, et constituent un
élément important de la religion et de la sociologie de cette tribu.
Est-il bien utile de donner ici l'énumération des jeux, au nombre de
dix-sept, étudiés par M"»^ Stevenson? Une telle énumération ne serait
intéressante qu'accompagnée d'un exposé des règles de chaque jeu, ce
qui serait refaire l'article même que nous analysons. Notons donc sim-
plement que, des 4ifférents jeux faisant le sujet de l'article de
VAmeiican Anthropologist, huit (à en croire les sages de la tribu)
auraient eu pour inventeurs les dieux de la guerre, qui étaient de
grands joueurs; des autres, un aurait pris naissance chez les Zuni,
quatre chez les Koyemshi, un chez les Navaho et trois au Mexique. Les
prêtres de la pluie, les deux prêtres de l'arc, représentants terrestres
des dieux de la guerre, d'autres personnages qualifiés encore, ont
fourni à M'"'^ Stevenson, sur le sujet dont elle s'occupait^, des renseigne-
ments précis; ils l'ont mise aussi à même de formuler les règles de
chaque jeu et de rectifier certaines erreurs commises, soit par iMM. F.
W. Hodge [American Ant/iropologlst, juillet 1890) et John G. Owens
(Popular science Monl/ily, mai 1891) à propos de la course à pied ou
ti/iwanr, — le jeu sur lequel l'article que nous analysons fournit les
détails de beaucoup des plus circonstanciés — soit par M.Stewart Culin
[Cliass and Plaijing-cards ; Report of the U.S. National Muséum 1896)
à propos du jeu des chalumeaux fendus {sholiwe), auquel se livrèrent
d'abord, selon la tradition zuni, les dieux de la guerre. Est-ce à dire
qu'il soit impossible, après M""" Matilda Coxe Stevenson, de préciser
encore certaines questions qui se posent à propos des jeux des Zuni?
Nullement, et l'auteur est lui-même le premier à le reconnaître (à
propos de la traduction du mot péchitwe, par exemple) ; mais il était
excellent toutefois que M'"^ Stevenson publiât dès maintenant les
résultats de son enquête sur les jeux des Zuni. Ainsi se trouvent
signalées des diflerences intéressantes entre les divertissements de
cette tribu et ceux d'autres tribus indiennes ; ainsi demeure conservé le
souvenir de jeux qui tendent aujourd'hui à disparaître. M'"' Stevenson
n'a jamais vu courir^ par exemple, le Sïkon-y a' munc-tikioanê ou course
à pied des femmes ; la maison de jeu des Zuni a disparu entre 1896 et
1902, et le sholiwe, le jeux de hasard favori des vieux Ah'shiwi se
jouait beaucoup moins fréquemment à la seconde qu'à la première de
ces dates. S'il n'en est pas de même des tïkwawe (pluriel de tikwanè)^
au fréquent usage desquels, dès l'enfance, l'auteur attribue l'incontes-
472 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
table supériorité des Zuni dans la course à pied, du moins était-il bon
d'en préciser soigneusement toute les particularités et d'en indiquer,
comme des autres jeux de la tribu, le caractère religieux. M"™^ Matilda
Coxe Stevenson n'y a pas manqué ; c'est pourquoi son travail n'est pas
seulement le commentaire d'une partie des collections rapportées par
elle au National Muséum, mais encore un utile complément de son
Esoteric and Exoteric Life ofthe Zuni.
Henri Froidevaux.
H. R. VoTH. The traditions of the Hopi (Les traditions des Indiens Hopis). Field
Columbian Musewn. Anthropological Séries, vol. VlII. Cbicago, raars 1905, in-8,
319 p.
Les Hopis, aussi connus sous le nom de Shinùmos et surtout de
Mokis, sont, à l'heure actuelle, les plus étudiés des Indiens Pueblos. Le
livre de M. Volh nous apporte une contribution importante à la connais-
sance de cette intéressante nation et nous montre combien nous avons
encore à apprendre avant de pouvoir en tracer une monographie com-
plète. Cet ouvrage a surtout comme qualité d'avoir été traduit directe-
ment par l'auteur sur les informations fournies par les Hopis, au lieu
de passer par le canal d'un interprète, comme c'est le plus souvent le
cas pour les livres de folk-lore américain. Nous y gagnons une version
plus littérale des mythes, avantage racheté par la plus grande mono-
tonie du style.
Les qualités de sincérité si évidentes du livre nous mettent à Taise
pour exposer les résultats quelque peu extraordinaires qu'il fournit
à l'analyse. On retrouve dans les contes des Hopis des traces très
apparentes de leurs origines : gens venus des hauts plateaux du Nevada
et de rutah, ayant séjourné pendant longtemps chez les Indiens des
Prairies et fixés depuis longtemps dans le pays des Pueblos authenti-
ques (Zufiis, Kerès, Tafioans), ils ont conservé dans leur folk-lore l'em-
preinte de tous ces séjours. Beaucoup de hauts faits attribués au coyote,
au roitelet, à d'autres animaux ont leurs équivalents presque textuels
chez les Peaux-Rouges du Far West (Arapahos, Pawnees, Crows, etc.),
les deux Pôokongs ou petits dieux de la guerre, qui sont si populaires
sur le plateau où habitent les Hopis, ressemblent à s'y méprendre aux
frères Cin-aû-àv de la tradition ute, et cependant beaucoup de traits de
la mythologie sont purement pueblos.
Le caractère composite de la tradition des Hopis se décèle dès les pre-
miers textes, qui comprennent les mythes d'origine. Dans l'un de ces
mythes (tradition n'* 2), il est question de l'origine de la terre, qui est
primitivement agrandie par des moyens magiques, comme chez les
Peaux-Rouges des Prairies. Comme chez ces derniers, les oiseaux jouent
une grand rôle dans cette création ; mais, par suite de la fixation dans
un pays où le culte solaire est très développé, le Soleil est le deus ex
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 473
machina. La création des êtres animés est conçue, dans le mythe, dans le
premier surtout, d'une façon tout à fait spéciale : la couverture (objet
d'origine étrangère, probablement pueblo) y joue un rôle considérable,
qui se continue d'ailleurs à travers tout les mythes.
Les deux textes suivants nous transportent brusquement dans le
monde des Zunis. Les hommes sont tout créés, ils vivent dans le monde
souterrain et en sortent en grimpant, mais d'une façon autre que celle
que nous narre la tradition zufii. Dans ce séjour souterrain, tous les
hommes sont confondus et paraissent être égaux : à la sortie, l'oiseau
moqueur leur distribue les langages. Puis, en raison d'un arrangement
établi d'avance^ ils se répandent sur la Terre, dans toutes les directions,
et c'est l'arrivée des Européens à la place désignée qui amène la fixation
des tribus voisines des Hopis. Ailleurs, les Blancs sont produits par
l'eau, ce sont des « poux d'eau » qui naissent au premier jour de la créa-
tion, avant les Indiens. On distingue soigneusement les Espagnols et
les Blancs (Américains); en un endroit, les Mormons sont aussi distin-
gués.
Un grand nombre de traditions sont consacrées aux migrations des
divers clans hopis. On nous raconte l'ordre dans lequel les clans
arrivent dans les différents pueblos qu'ils habitent aujourd'hui, les
vicissitudes qu'ils ont éprouvées dans leur voyageet les cultes qu'ils ont
apportés avec eux. Ces traditions varient quelque peu suivant le pueblo
et le clan auxquels appartient le narrateur. On peut cependant dire
généralement que la direction d'où les groupes sont réputés venir
est toujours la même; elle diffère quelquefois de celles que M. Fewkes
avait cru pouvoir indiquer dans son travail sur les migrations des clans
de Tusayan; c'est ainsi que le clan de TOurs, qu'il faisait venir des
bords de Rio Grande, est ici originaire du Petit-Colorado.
D'autres traditions historiques sont à la fin du livre. Elles nous
racontent la destruction de villages qu'occupaient autrefois les Hopis
dans TArizona. L'un d'eux, Sikyâtki, fut détruit par les habitants du
village de Walpi, pour venger un homme du clan des Katcinas qui avait
été maltraité ; un autre, Awatôbi, fut ravagé par les habitants des pueblos
de Wâlpi, d'Oraibi, de Shongopavi et de Mishongnovi. Cette ville très
puissante au xvi® siècle lorsque Tobar, le lieutenant de Coronado, la
visita, aurait été détruite, suivant M. Fewkes, parce que beaucoup de
ses habitants se seraient convertis au christianisme, conversion dont
les autres Hopis auraient pris ombrage. Nous ne voyons rien de sem-
blable dans les deux versions que donne M. Voth. Nous devons ajouter
qu'une version autrefois donnée par M. Stephen ne fait pas non plus
allusion à un acte de fanatisme semblable et s'accorde avec les textes de
M. Voth pour attribuer la destruction d'Awatôbi à une vengeance de
clan. Le conte n'^ 107 nous donne une description très animée d'un
combat entre Hopis et Navajos.
474 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Les Hopis gardeat encore dans leurs traditions le souvenir de l'occu-
pation espagnole et de Tévangélisation par les prêtres mexicains. Us
prétendent que le séjour de ces derniers dans les pueblos de la contrée
hopi ne dura que quatre ans, après lesquels les prêtres furent massa-
crés, les églises détruites et certains villages reconstruits dans des
régions plus inaccessibles, par crainte des représailles. C'est tout ce que
la mémoire populaire a conservé des événements qui accompagnèrent
la grande rébellion de 1080.
Nous avons déjà dit que les contes sont d'un type très semblable à
celui des Indiens des Prairies, et nous n'y insisterons pas. Disons seu-
lement que le thème de la « fuite magique » y est un peu transformé et
qu'il (îonsiste dans la poursuite par un squelette.
Les renseignements portant sur la vie religieuse des Hopis ne sont pas
très abondants; nous avons une liste des cultes apportés par les diffé-
rents clans et un aperçu du rôle important que jouent les Katcinas ou
danseurs masqués. Notre connaissance de la mythologie reçoit plus
d'augmentation : le rôle joué par le Soleil, la Femme-Araignée el ses
fds, les jumeaux Pôokongs, par l'Homme squelette nous est abondam-
ment décrit. Plusieurs contes, très merveilleux, nous montrent quelle
puissance énorme est attribuée aux magiciens et quels rites ilsemploient.
L'ensemble du livre est du plus grand intérêt. Nous y trouvons des
indications autres que celles qui nous ont été fournies auparavant par
xAlM.Stephen et Fewkes (il serait téméraire déparier, pour de tels sujets,
de corrections, car les renseignements varient d'un clan à l'autre, et
les auteurs ne sont tenus à rien autre qu'à une extrême prudence dans
leurs opinions). De plus, nous pouvons en conclure quelques points d'un
intérêt plus général. Les Hopis se sont tenus, systématiquement, à
l'écart des Européens, aussi leurs légendes sont-elles d'un archaïsme
extrême. Les Indiens des Prairies, leurs cousins, qui, au cours de leurs
7'aids de pillards ont parcouru tant de pays et qui ont eu de multiples
contacts avec les Blancs, sont beaucoup plus évolués et plus compréhen-
sibles pour les habitants de l'hémisphère oriental. Plusieurs des his-
toires de M. Voth, qui ont certainement un but moral, sont incom-
préhensibles pour nous (conte n^ 41, par exemple). D'autres nous
démontrent combien l'esprit de ces gens manque de perspective his-
torique : les mythes de migration font une place aussi large aux événe-
ments qui se sont passés depuis l'arrivée des Espagnols, qu'à ceux
écoulés depuis la création du monde. La géographie des Hopis est aussi
rudimentaire que leur chronologie : en dehors de la région qu'ils
occupent aujourd'hui, tout le reste du monde n'est connu que d'après
le quartier qu'il occupe. On voit assez nettement que, primitivement,
quatre seulement de ces quartiers existaient; 1 influence des autres
Pueblos — et surtout des Zufiis — en a fait ajouter deux autres : le
zénith et le nadir; aussi trouve-t-on mélangés les nombres sacrés 4 et
MOUVEMENT SClEiNTIFIQUE. 475
6. Les peuples sont classés — assez naturellement — d'après les points
de l'horizon d'où ils vinrent : les Espagnols sont gens du sud et les
Blancs (Américains), aborigènes de l'ouest.
Un fait qui mérite aussi de retenir notre attention est que les Hopis
croient au séjour des âmes après la mort dans deux mondes : l'un,
souterrain, divisé en deux parties dont l'une est un lieu de torture et
l'autre un lieu de jouissances atténuées; l'autre, céleste, où vont les
chefs de guerre. Peut-être doit-on voir là une influence des anciens
Pères espagnols, si oublié qu'ait été leur séjour.
Pour nous résumer, nous dirons que les Hopis sont des Indiens des
Prairies qui ont subi, à l'origine, une influence civilisatrice puissante
venant des autres Pueblos, mais que cette circonstance, en fixant leurs
conceptions, ne leur a pas permis d'évoluer autant que leurs frères qui
ont continué à vivre dans leur ancien milieu.
H. Beuchat.
Geo. a. Dorsey. — Traditions of the Skidi Pawnee (Traditions des Indiens Skidi
Pawnee). Memoirs of tke American Folklore Society, Boston et New-York, Hough-
toD, iMifflin et 0^°, 1905, 359 p. ia-8, 23 fig.
Alice C. Fletchkk. The Hako. A Pawnee ceremony (La cérémonie pawnee du Hako).
22th Annual Eeport of Ihe Bureau of American Ethnology, part II, Washington,
Government priuting Office, 1904, 372 p. in-4, 8 pi., 10 fig. (parvenu en 1905).
Ces deux livres, parus presque simultanément, nous apportent un
nombre considérable de faits intéressant l'ethnographie religieuse des
Pawnees.
Les Pawnees se divisent en quatre « bandes )),les Skidi, les Chaux, les
Kilkehahki et les Pitahaurat; ils appartiennent ainsi que les Caddos et
les Arikaras à la famille linguistique caddo. Les Skidi ont plus de rap-
ports avec les Arikaras qu'avec les autres Pawnees, par suite d'un séjour
assez long qu'ils ont fait en compagnie de ce peuple sur les bords de la
Loup River. La cérémonie du Hako a été étudiée chez les Chaui; cepen-
dant l'impression d'une unité de croyances chez tous les Pawnees res-
sort bien de la comparaison des deux textes.
M. Dorsey nous donne quelques renseignements sur l'organisation
sociale des Skidi Pawnees. Ces Indiens sont nomades, comme tous les
peuples des Prairies; ils tendent cependant à se fixer en certains endroits
et sont devenus d'habiles agriculteurs. Le village (clan local?) est la base
de leur organisation; chacun des villages possède un « ballot » sacré,
et tous les habitants d'un même lieu sont réputés descendre du premier
possesseur du ballot. On peut cependant se marier à l'intérieur du vil-
lage, ce qui nous fait hésiter sur la qualité à attribuer à l'établissement.
La réunion d'un certain nombre de ces groupements (19 en ce qui con-
cerne les Skidi) constitue ce que les auteurs américains appellent une
« bande ». La bande se divise en un grand nombre de sociétés militaires,
476 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
dont les membres sont répartis entre les établissements. Chaque village
possède un chef, dont la fonction est héréditaire; viennent ensuite les
Braves {iia/rikuts)^ membres éminents des société militaires, puis les
kurahus ou prêtres, puis les kurau ou hommes-médecine, enfin les
narawiraris (guerriers) qui se sont distingués dans les combats, et le
menu peuple. Miss Alice Fletcher nous dit que les kurahus ne sont pas
des prêtres à proprement parler et qu'eux-mêmes se distinguent de la
prêtrise régulière ; ce sont des hommes qui apprennent avec le plus grand
soin certains rituels, afin de pouvoir conduire les cérémonies où la pré-
sence des prêtres (A^umw?) n'est pas indispensable; ce seraient plutôt
des gardiens des traditions, analogues aux « historiens » des peuples
algonquins [Hako, p. 162).
Lorsque les villages qui constituent une bande s'assemblent, ils sont
placés suivant les relations qu'ils ont avec les différentes divinités.
C'est donc la hiérarchie des dieux qui règle celle des villages.
Les cérémonies religieuses se divisent en deux grands groupes : celles
relatives aux ballots sacrés (qui doivent être, suivant nous, conduites
par un kurahus) et celles dans lesquelles on améliore la condition des
gens d'un village (qui sont conduites par des hommes-médecine).
La religion possède un caractère très semblable à celles des autres
peuples des Prairies : cérémonies agraires, ou pour la reproduction du
gibier; cérémonies expiatoires accomplies par un individu pour tout le
groupe; cérémonies symboliques des sociétés secrètes. La révélation se
fait par le rêve, pendant la nuit [Hako, p. 119. cf. p. 155) et unique-
ment aux hommes-médecine et aux kurahus. Ces visions sont presque
matérielles, elles habitent en un lieu déterminé (Aa^as^a) et errent parmi
les hommes qui peuvent les rencontrer [Hako, p. 122 et 155). Mais la
religion pawnee montre une grande supériorité sur toutes celles des
autres Indiens de l'Ouest par son caractère cohérent et centralisé, ainsi
que par la transcendance de certaines de ses conceptions.
Le système mythologique paraît être parfaitement fixé , tout au
moins dans chaque bande (les renseignements diffèrent un peu chez les
deux auteurs). Le dieu suprême, Tirawa [Tirawa atius, chez les Chaui),
joue le rôle de créateur et de conservateur du monde; il ne peut être
vu et on ignore ses desseins; il n'a pas la forme d'un homme {Hako,
p. 27). M. Dorsey lui attribue une épouse, La Voûte-des-Cieux (Tm^i-
tions, p. xvii), dont il n'est pas question dans les renseignements de
Miss Fletcher. Peut-être est-ce l'équivalent skidi d'Atira « la Mère-
Terre, la Mère-Maïs », productrice de la vie, sur les ordres de Tirawa.
C'est le dieu suprême qui a tout suscité dans le monde, par l'intermé-
diaire d'autres dieux; la hiérarchie de ceux-ci paraît être diffférente
suivant les bandes. Ils se divisent en tout cas en deux grandes catégo-
ries : les dieux célestes et les dieux terrestres. Les premiers sont les
plus puissants, ce sont les Hotone (les quatre vents suivant Miss Flet-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 477
cher; le vent, le nuage, l'éclair et le tonnerre suivant M. Dorsey);
Karariluari, l'Etoile du Nord, Butukaivahas, Hikus, tous trois dieux du
Nord ; les dieux des Quatre quartiers du Monde (nord-est, sud-est, nord-
ouest et sud-ouest): Shakuru, le Soleil; Pah, la Lune; Opirit, l'Étoile
du matin (Vénus); la Grande Etoile météorique noire; Opirikahuriri-
wisisu, l'Etoile du sud; Skiritiuhuts « le loup fou », qui amena la mort
parmi les hommes. Toutes les constellations forment des conseils de
divinités. Chaka, les Pléiades aident les hommes en servant de guide
aux égarés; les étoiles de RarislesharUy la Couronne Boréale, ont appris
aux humains les peintures symboliques, etc. Les dieux de la Terre sont
à peine moins puissants : ils gouvernent les quatre grandes loges des
animaux, et par eux les hommes ont acquis beaucoup de pouvoirs sur-
naturels [Traditions , p. 20). Chez les Chaui, nous trouvons d'autres
divinités terrestres qui ne nous sont pas signalées chez les Skidi. To-
haru, les biens de la Terre; Chaharu, l'Eau; et surtout ^aw^a^, l'Aigle
brun qui représente l'élément femelle (la Mère-Terre) et aussi, parfois
la Lune.
M. Dorsey nous dit que le rituel est très développé et qu'ils corres-
pond en tous points au caractère supérieur de la religion. 11 possède
surtout, dit-il, ce caractère spécial d'avoir un sens profond pour ceux
qui en accomplissent les actes. Les rituels publiés par Miss Fletcher
montrent combien celte appréciation est juste. La cérémonie du Hako
paraît avoir été, à l'origine, un ensemble de rites agraires, destiné à
faire pousser le maïs ; il a été, comme beaucoup de ces cérémonies, appli-
qué à la croissance de l'homme et a ensuite dévié de son sens primitif.
Le but actuel de la cérémonie serait, suivant les Pawnees, d'établir un
lien entre deux groupes de gens, et d'obtenir des descendants. Elle est
efTectuée par deux partis, appartenant obligatoirement à des clans
(villages?) ou même à des tribus différents. L'un de ces groupes est
appelé groupe des Pères, c'est celui des gens appartenant à la tribu de
celui qui a organisé la cérémonie et qui s'appelle, par excellence, le
Père. L'autre groupe se nomme groupe des Enfants et comprend les
parents et amis de celui (le Fils) qui a été choisi par le Père. Ce dernier
doit être un chef, et il doit avoir pour coadjuteur un autre chef; le per-
sonnel religieux comprend un kurahus, un assistant et deux hommes-
médecine. La cérémonie se compose de vingt rituels et se divise en trois
grandes parties : les rites d'entrée pendant lesquels le kurahus invoque
les puissances célestes; on consacre les gens du parti du Père et l'on
se rend au lieu où se trouve le parti du Fils. Le voyage des hommes
symbolise le voyage et les découvertes de la Mère-Mais ; en arrivant, on
a acquis l'aide de Kawas; la seconde partie qui est la cérémonie propre-
ment dite comprend un culte public adressé au Soleil et à la Mère-Terre
(ou Mère-Maïs), et un culte secret, où un enfant désigné par le Fils est
consacré à Tirawa. Le symbolisme est emprunté à la vie des oiseaux en
478 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
raison de la puissance de Kawas, l'Aii^le brun. La troisième partie con-
siste en danses d'actions de grâce.
La cérémonie du Hako n'est pas un culte des « ballots » ; on y fait
emploi d'un certain nombre d'objets fabriqués pour la circonstance et
qui sont rendus efficaces, ou pour mieux dire « sacrés », par des onc-
tions. Seule une pipe, employée à certains moments, provient d'un ballot
sacré; le prêtre gardien dudit ballot doit mdiquer comment ou s'en sert,
ce que le kuraftus ignore. Le symbolisme de toute la cérémonie est très
élaboré, très cohérent et l'ensemble des rites est bien lié. Un fait des
plus remarquables est le caractère profondément religieux de tout cet
ensemble de rites; rien n'agit d'une façon mécanique; les gens doivent
se mettre en rapport avec Tirawa par la méditation; les esprits des
objets employés montent aussi vers le Créateur et, si les formules doi-
vent être récitées d'une certaine façon, c'est par respect pour Tirawa qui
les a enseignées aux hommes dans les rcves. Nous souhaiterions de pos-
séder d'autres rituels pawnees aussi soigneusementrécoltés, par exemple
celui du culte orgiaque du peyotl, introduit du Mexique, pour voir s'il y
règne un pareil esprit de piété.
Le livre de M. Dorsey nous apporte beaucoup d'excellents renseigne-
ments sur la mythologie. Il met en garde contre la déformation des
mythes véritables lorsqu'ils sont narrés par les gens du commun; il faut
les recueillir de la bouche du prêtre {'/'raditions, p. xxii). Beaucoup de
contes proviennent d'une telle déformation.
On nous donne deux mythes de création. Tirawa crée l'homme à son
image (contradiction avec les renseignements de Miss Fletcher); il
assigne leurs places à tous les dieux et répand la vie sur la terre par
ses messagers : le Vent, le Tonnerre, l'Éclair et le Nuage. L'autre mythe
est très différent et donne l'impression de n'être que fragmentaire.
Nous voyons aussi une version du déluge, qui paraît être teinté d'idées
chrétiennes. Les mythes racontant l'origine des sociétés secrètes méri-
tent de retenir l'attention. Les contes, nombreux, sont surtout relatifs
aux hauts faits du Coyote, sujet fréquent des légendes des Prairies.
Quant aux autres textes, on y trouve les thèmes bien connus de la
fuite magique, de la conception miraculeuse et surtout des faits mer-
veilleux accomplis par des enfants pauvres ou abandonnés.
Grâce à ces deux livres, nous possédons aujourd'hui un ensemble de
renseignements de premier ordre sur deux des bandes de la nation
Pawnee.
H. B.
SiiMMs (S. C). Traditions of the Crows (Traditions des Grows) (Field Columbian
Muséum^ publication 85 ; Anthropological séries, vol. Il, n» 6). Chicago, octobre
1903, in-8 de 48 p.
Au cours de l'été de 1902, tout en réunissant chez les Indiens Absah-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 479
rokees (Crows ou Corbeaux) de l'État deMontana, pour le Field Columbian
Muséum, des collections ethnologiques, M. S. C. Simms, le conscien-
cieux collaborateur de M. Georges Dorsey au département d'Ethnologie,
a pu recueillir un certain nombre de traditions de cette tribu. Un de ses
membres les plus âgés, le second des vieillards Absahrokees, connu
sous le nom de « Bull-lhat-goes-hunting », les lui a fait connaître par
l'intermédiaire d'un excellent interprète, dont M. Simms a soigneuse-
ment transcrit les paroles. Ce sont les récits mêmes de « BuU-that-goes-
hunting » qui constituent la première partie des Traditions of ihe
Crows\ un résumé, rédigé par M. Simms lui-même, de ces différents
récits, au nombre de 26, constitue la seconde et dernière partie de
cette publication, dont les folk-loristes seront très reconnaissants à
l'auteur. Mais ils lui eussent certainement été plus reconnaissants encore
si M. Simms ne s'était pas contenté, comme trop d'ethnologues améri-
cains,de publier de? matériaux d'études, s'il avait institué des compa-
raisons entre les traditions recueillies par lui chez les Absahrokees et
celles d'autres tribus indiennes, s'il avait montré quel rapports existent
entre elles et la vie ancienne ou contemporaine de ces Peaux-Rouges,
etc., et quelle place occupent, dans le folk-lore des Indiens de TAméri-
que du Nord, les traditions des Absahrokees.
De ces traditions, d'ailleurs, peu semblent vraiment intéressantes.
L'histoire desexploits d' « Old-Man Coyote » est peunouvelle et parfois,
comme il fallait s'y attendre, très grossière; et bien des fois déjà nous
avons lu le récit de métamorphoses analogues à celles que rapporte
« Bull-that-goes-hunting ». Une des légendes les plus dignes d'atten-
tion est certainement le mythe cosmogonique qui porte le n° 1, où
nous voyons les Absahrokees placer dans la bouche du Créateur Téloge
de leur territoire et le faire qualifier par lui de « le plus beau des pays
qu'il a crées ». Notons encore le n^ 21, dans lequel figurent sept frères
dont le plus jeune est, comme notre Petit Poucet, le plus avisé et le plus
débrouillard de tous, — les n°s 24 et 25, deux traditions relatives à
Torigine de noms de lieu, — et le n" 26, qui montre les femmes stériles
désireuses d'avoir des enfants faire auprès d'une source un véritable
pèlerinage pour obtenir la guérison de leur stérilité. Mais aucune des
26 traditions publiées par M. Simms n'est, en définitive, vraiment sail-
lante, et seuls, croyons-nous, les folk-loristes de profession et les
ethnographes qui entreprendront sur les Indiens Corbeaux un travail
particulier pourront trouver profit à les lire et à les étudier minutieuse-
ment.
Henri Froidevaux.
480 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
D"" P. EiiRENRKicii. Die Mythen iind Legenden der Sûdamerikanischen Urvolker und
ihre Beziehungen zu deneu Nordamerikas und der alten Welt (Les iiiytbes et
les légendes des peuples primitifs de l'Amérique du Sud et leurs rapports avec
ceux de l'Amérique du Nord et de l'ancien continent). Supplément à la Zeilschrifl
fiir Ethnologie. Berlin, A. Asher und C», 1905, 106 p. in-8.
Uq livre sur l'ethnographie de l'Amérique du Sud est toujours le
bienvenu. Aussi nous réjouissions-nous d'avance de l'aubaine que
devait être la présente brochure ; nous avons été grandement déçu. ..
Le livre de M. Ehrenreich comprend une partie que l'on pourrait
appeler pratique, incluse entre deux tranches de théorie sur lesquelles
nous aurons à revenir longuement. La comparaison établie entre les
traditions sud-américaines est intéressante, bien qu'on n'y trouve pas
de renseignements nouveaux. Les mythes et légendes de l'Amérique du
Sud sont si peu connus et dispersés dans des ouvrages si divers que
c'est toujours un avantage de les avoir tous réunis dans une étude, soit-
elle comparative comme celle-ci.
L'ordre suivi pour le classement des traditions est assez satisfaisant :
vient d'abord la création du monde (terre, ciel) et des êtres vivants,
puis celle du Soleil et de la Lune, des étoiles et des constellations,
ensuite viennent les ancêtres et les héros, suivis des héros civilisateurs.
Cette classification, qui répond à certaines vues théoriques de l'auteur,
est simple et convient bien pour exposer un matériel aussi considé-
rable.
Les résultats pratiques sont les suivants : il existe trois grands cycles
légendaires sud-américains, ce sont les cycles :4 Tupi-Guarani; 2
Arovake ; 3 Caraïbe; on peut de plus admettre 4 un cycle Gès et 5
un cycle andin ; ce dernier se diviserait en une sous-classe Chibcha
(composée elle-même d'une section de Tunja et d'une section de
Bogota) et en une sous-classe péruvienne (comprenant les sections
Yunca, Kolya, Chimu, etc.). L'hésitation qu'à éprouvée M. Ehrenreich
à établir ces dernières sections provient de l'état de confusion dans
lequel se trouvent les traditions de l'Amérique du Sud. Ceci l'amène à
parler des lieux où les mélanges se sont produits. Les points où les
diverses civilisations ont pu se rencontrer sont les suivants : les îles et
les côtes de la mer des Antilles, les Guyanes, le bassin de l'Orénoque
ont été les lieux de contact entre les tribus caraïbes, arovakes et gua-
raunos ; sur le cours moyen du Rio Negro se sont rencontrés les
Caraïbes, les Arovakes et les Betoyas; les Caraïbes, les Arovakes, les
Gès et les Trumaï se heurtèrent vers les sources des Rios Tapajoz et
Xingu; la Bolivie orientale fut le territoire où eut lieu le commerce
entre les Yuracares, les Tupis et les Guarayos.
Les passages entre la plaine forestière orientale et la région monta-
gneuse de l'ouest ne sont pas bien déterminés.
M. Ehrenreich a composé sa partie théorique d'après les derniers
MOUVEMENT SGIENTlFtQUE. 481
travaux de ses compatriotes, MM. Stucken, Frobenius et Boas; le seul
auteur étranger auquelil fasse allusion est M. Tylor; quant aux autres
savants anglais, américains, hollandais, français qui ont le plus contri-
bué à faire avancer la théorie des mythes, il les ignore ou feint de les
ignorer.
Voici comment on peut résumer les idées qui nous sont exposées sur
le système religieux des peuples « primitifs » : le mythe est la forme
primitive de la pensée humaine, il a surtout pour but d'expliquer les
mouvements des grands corps célestes, le Soleil et la Lune. A son ori-
gine, il n'a aucune signification religieuse, n'est attaché à aucun culte.
L'élément rituel s'introduit plus tard (il provient de la fusion de l'ani-
misme avec la croyance à la magie); les spéculations ecclésiastiques joi-
gnent à cet élément rituel un mythe, et voilà un culte constitué.
Le mythe primitif se développe cependant de lui-même; les objets
qu'il explique sont tout d'abord des réalités pures, de véritables objets,
plus tard on y attache des personnes (esprits des ancêtres); on se trouve
alors dans le faciès mythique que M. Frobenius désigne sous le nom
de manisme. Ces esprits deviennent bientôt des héros civilisateurs qui,
lorsque l'humanité possédera l'agriculture, deviendront de véritables
divinités.
La légende est postérieure au mythe; pas plus que lui elle n'a d'im-
portance religieuse; elle aussi est explicative : l'explication des parti-
cularités des animaux retrace les étapes de l'histoire et de la préhis-
toire du monde.
Muni de cette théorie, l'auteur tente de retracer les migrations des
Américains-Sud. Et il pose un principe de méthode : la seule partie qui
soit intéressante dans le mythe est ce que les folkloristes nomment le
thème; le complexe mythique est fait d'éléments provenant des diffé-
rents points de la surface du globe; les personnages (qui sont toujours,
à un degré quelconque, des astres) n'importent pas non plus. On doit
écarter certains mythes qui représentent des traits communs à toute
l'espèce humaine, ainsi que ceux qui ont pour but d'expliquer des insti-
tutions. Une dernière recommandation est à retenir : prendre garde
aux ressemblances produites entre deux mythes par l'effet de la con-
vergence.
Le précieux noyau étant extrait, on le compare avec des noyaux ana-
logues, cueillisd'abord chez les peuples voisins, puis chez des peuplestrès
lointains. M. Ehrenreich soumet à ce traitement plusieurs légendes et
il en trace la migration. S'aidant des travaux de MM. Boas et Bogoras,
il les suit depuis le Japon, où ils sont exposés sous une forme littéraire
dans le Nihongi, jusqu'aux selves de l'Amérique du Sud. Le chemin
suivi est la côte du Pacifique. Peut-être même serait-il disposé à
admettre, avec Stucken, que nous devrions chercher l'origine de certains
mythes japonais en Babylonie. La chaîne est interrompue en certains
l'anthropologie. — • T. XVII. — 1906. 31
4S2 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
endroits ; par exemple le Mexique manque de certaines traditions. Pour-
quoi? Parce que la religion mexicaine, étant le produit de spéculations
ecclésiastiques^ n'a que faire de semblables éléments. C'est très com-
mode.
Nous ne suivrons pas davantage M. Ehrenreich dans ses spéculations
astrales et migratoires. Nous nous contenterons de faire deux observa-
tions critiques : 1" On ne peut séparer, comme l'a fait l'auteur, le thème
du reste du mythe, pas plus qu'on ne peut séparer celui-ci du culte auquel
il est attaché; rien ne peut guider notre choix dans une telle dissection
et nous ne pouvons que rarement savoir quels sont les éléments primi-
tifs d'une tradition (les critères proposés par M. Ehrenreich sont sans
valeur pour opérer le tri); 2^* Tout travail qui tend à prouver des migra-
tions est un travail historique; il est indispensable de posséder des
données qui permettent de prouver l'antériorité d'une chose sur une
autre; c'est ce que nous ne possédons pas et c'est ce qui vouait ce tra-
vail, comme tous ses analogues, à l'échec, il est des questions qui ne
peuvent se poser à l'heure actuelle; la question de la migration des
mythes est de celles-là.
H. Beuchat.
Theodor Koch. Die Indianerstîimme, etc. (Les tribus indiennes du rio Negro supé-
rieur et du rio Yapura, et leurs relations linguistiques). Zeilschrift fiir Ethnologie,
t. XXXVIII, 1896, p. 166 (1 PI., 1 carte et 15 fîg.).
Le nord-ouest du Brésil, vers la frontière de Colombie et de Vene-
zuela, a une population indigène assez dense, que l'auteur a pu étu-
dier pendant un séjour de deux ans. Au groupe linguistique Aruak
appartiennent toutes les tribus situées au nord de l'Uaupé, le plus fort
affluent de droite du rio Negro. Tels sont les Baré, les Baniwa, les
Uarekéna. Toute la vallée du rio Içana et de ses affluents est occupée
par des tribus Aruak de dénominations très variées. Au milieu de ces
Aruak habitent quelques tribus qui parlaient autrefois des idiomes
différents, et qui vivaient au milieu des forets dans un état des plus
primitifs. Ces indigènes ont été soumis par les Aruak et ont adopté
leurs mœurs et leur langue. Tels sont les Katapolitani du moyen Içana
et les Huhuteni du bas Aiary. Les traits grossiers de ces Indiens, leurs
pommettes saillantes, leur bouche large, leur fente palpébrale étroite
et un peu oblique les distinguent à première vue du type Aruak, dont
les traits sont presque européens.
Sur rUaupé se trouvent des tribus qui vivent de chasse et de pêche
et qui parlent des langues différentes. La principale est celle des
Tukano ou Dakhcé. Les Tariana parlent un dialecte Aruak et ont un
type physique très fin. Les Uanana parlent une langue voisine du
Tukano. Il en est de même de l'idiome de la grande tribu des Uanana,
qui habite les villages de Garuru et Yutika. En remontant le Caiary,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 483
oa trouve les Kobéua, intéressants par leurs danses de masques, et
dont la langue appartient au groupe Betoya. Sur le Cuduiary se ren-
contrent des hordes qui ont été soumises par les Kobéua et qui ont
adopté leurs mœurs et leur langue ; la plus importante est celle des
Bahuna. Le type physique de ces indigènes est bien plus grossier que
celui des Kobéua. Enfin, près des sources du Cuduiary habitent les
Holôua, ancien peuple aruak, qui ne parle plus maintenant que le
Kobéua. Chez toutes ces tribus les femmes n'ont pour tout vêtement
qu'un petit tablier de la grandeur de la main, fixé à une ceinture ornée
de perles. Sur tout le Cayari les hommes portent un suspensoir en
fibres végétales ou en étoffe fixé en avant et en arrière à la ceinture.
Entre le Caiary et ses affluents, entre le rio Negro et le Yapura, noma-
disent des Indiens chasseurs, qui ne savent pas construire de canots. Ils
sont poursuivis par les indigènes plus civilisés qui les entourent et
souvent vendus comme esclaves. Le terme aruak de Maku s'applique
indistinctement à toutes ces hordes. On rencontre depuis Manaos
jusqu'aux Andes les débris de ce peuple primitif.
Les Umaua qui habitent sur des affluents du Yapura et surtout sur
l'Apaporis, ne sont pas des Toupi ou des Betoya, comme on l'a cru,
mais de purs Caraïbes, dont les plus proches parents résident en
Guyane. Ils sont de haute taille, ont des traits réguliers et une muscu-
lature puissante. Les hommes portent autour du thorax et de l'abdomen
une large ceinture couverte de dessins caractéristiques et nouée en
avant. Cette sorte de cuirasse en fibres végétales n'est jamais ôtée,
jusqu'à ce qu'elle soit usée et remplacée par une autre ; il y a en outre
un suspensoir. Les femmes vont entièrement nues et ont les cheveux
coupés ; à l'inverse des tribus de TUaupés, le pubis n'est pas rasé. Les
deux sexes portent dans la cloison du nez un bâtonnet qui est remplacé,
dans les solennités, par un os orné de plumes.
Le rio Tiquié, le plus important aftluent du Caiary, est habité, outre
les Tukano, par des Desana, des Tuyuka et d'autres tribus. Les Desana
surtout se distinguent par leur laideur, leur tête étroite et allongée,
leurs pommettes saillantes, leurs yeux obliques. C'est la seule tribu
qui s'allie aux Maku, tandis que les Tariana et les Tukano évitent tout
mariage avec ceux-ci. Leur langue appartient au groupe Tukano. Les
Desana du Papury sont la seule tribu de la région du Caiary qui ait un
tatouage spécial. 11 consiste dans les deux sexes, en deux lignes paral-
lèles qui descendent de la lèvre inférieure au menton. Ce tatouage
n'existe pas chez les Desana du Tiquié.
Sur le Pira-parana et l'Apaporis on rencontre de nombreuses tribus
du groupe betoya. Chez les Makuna les hommes font de leurs cheveux
une longue natte enveloppée de fibres d'écorce et pendant dans le dos.
Cette coutume était autrefois répandue dans tout le territoire du
Caiary et de TUaupés, comme on le reconnaît aux masques de danse,
484 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
qui portent presque tous cette natte. La perforation du lobule de
l'oreille, de la lèvre inférieure et de la cloison du nez est encore géné-
ralement pratiquée par les tribus de l'Apaporis et de ses affluents,
tandis qu'elle est en train de disparaître chez celles de l'Uaupé.
Sous le terme de Miranya, on réunit un certain nombre de tribus
sauvages, qui occupent le rio Caninary, le rio Anioa et les territoires
situés entre le Yapura et l'Iça. Leur langue est sans affinités connues.
Ces indigènes ont de belles proportions, mais des traits grossiers ; ils
portent des petits coquillages dans les ailes du nez. Cette coutume tend
d'ailleurs à disparaître. Entre le haut Yapura et i'iça vivent les Uitoto,
divisés en hordes nombreuses, dont les dialectes n'appartiennent pas
au groupe caraïbe, comme on l'a cru, mais forment une famille indépen-
dante. Ces indigènes sont petits, bien proportionnés, leurs traits rap-
pellent ceux des nègres, leur état social est très primitif.
D'" L. Laloy.
Erland Nordenskiôld. Ethnographische und archaeologische Forschungen, etc.
(Recherches ethnographiques et archéologiques à la frontière du Pérou et de la
Bolivie, en 1904-1905). Zeilschrift fur Ethnologie, t. XXXVIII, 1906, p. 80 (6 flg. et
1 carte).
Le plateau qui entoure le lac Titicaca est habité par des Indiens
Aymara et Quichua. Les premiers se trouvent au sud, à l'est et à l'ouest,
les seconds au nord du lac. A l'est, on rencontre la limite des langues à
Cojata; à l'ouest, près de la ville de Puno. Dans les vallées du versant
oriental des Andes, la population parle quichua. A l'est, dans la pro-
vince bolivienne de Caupolican, on rencontre des Apolista, des Leco,
des Ydiama et des Tumopasa qui sont en train de perdre leurs idiomes
propres pour les remplacer par le quichua. Quand on se rapproche de
la forêt vierge en se dirigeant vers l'est, on trouve près du rio Tambo-
pata, affluent du rio Madré de Dios, une petit(3 tribu parlant Tacana,
les Tambopata-Guarayo. Sur l'inambari, autre affluent du rio Madré,
habitent les Yamiaca, qui parlent pano, les Tuyoneiri dont la langue est
de relations inconnues. Entre l'inambari et le Tambopata, il y a une
toute petite tribu parlant le pano, les Atsahuaca, qui n'avaient pas
encore été visités par un Blanc. Sur le rio Marcapata, on trouve des
Indiens parlant tacana, les Arasa, et, au nord-est de ceux-ci, les Hua-
chipairi.
Les Aymara et les Quichua, c'£st-à-dire les Indiens des hauts pla-
teaux, sont tous chrétiens et fortement influencés par la civilisation
espagnole. Ils ont cependant conservé des coutumes datant de l'époque
précolombienne. Les Apolista, les Leco et beaucoup d'Indiens parlant
tacana ne difl'èrent guère actuellement des Quichua. Les Yamiaca,
Tambopata-Guarayo, Astahuaca et les autres tribus des forêts vierges
vivaient, jusqu'à une date toute récente, en plein âge de la pierre, sans
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 485
contact avec la civilisation des Indiens des plateaux ou celle des Euro-
péens. Cet isolement tient à la difficulté de pénétrer la forêt vierge et
à ce que les cours d'eau de cette région ne sont pas navigables.
Les Quichuas du versant oriental des Andes sont agriculteurs; leurs
houes en fer ont la forme des houes anciennes en bronze. Dans les
hautes vallées ils se livrent à l'élevage. Leur situation serait très pros-
père, n'était leur propension à l'alcoolisme qui est exploitée d'une
façon éhontée par les traitants. Ceux-ci les poussent à faire des dettes^
puis les enrôlent comme chercheurs de caoutchouc et s'arrangent pour
que leur dette ne s'éteigne jamais.
Certaines coutumes religieuses ont persisté et se sont adaptées au
christianisme. C'est ainsi que, à certaine fête, on apporte à la croix deux
lanternes représentant l'une le soleil, l'autre la lune, anciennes divi-
nités des Incas. A Pâques, il y a des danses auxquelles les hommes
seuls prennent part. Ils portent sur la tête des ornements en plumes,
en forme de soleil.
Huit jours après la mort d'un Quichua, on apporte en un endroit
découvert tous les objets dont le mort peut avoir besoin dans l'autre
monde, instruments, aliments, vêtements, alcool, et Ton brûle le tout.
Lorsqu'on souhaite la sécheresse, on retire d'un tombeau un crâne et
on le fiche sur une perche. Cette curieuse coutume pourrait expliquer
pourquoi Ten Kate a trouvé chez les Calchaquis de l'Argentine tant de
tombeaux où le crâne faisait défaut. Si on veut rendre quelqu'un
malade, on place quelques-uns de ses cheveux ou un objet lui appar-
tenant, dans un vieux tombeau.
L'auteur a fait des fouilles dans les maisons funéraires, ou chulpas,
et dans les grottes sépulcrales des Quichuas. Il y a tous les intermé-
diaires entre les chulpas et les grottes : souvent celles-ci sont prolon-
gées par un toit, ou elles ont servi de paroi à une maison funéraire.
Les Indiens qui travaillaient aux fouilles croyaient que les explorateurs
enlevaient les squelettes soit pour les ranimer et les employer comme
travailleurs, soit pour les forcer de révéler où les Incas avaient leurs
mines d'or. La plupart des sépultures renferment de nombreux sque-
lettes; dans une grotte il y en avait 200 et dans une chulpa 16. Ces
squelettes étaient toujours accroupis. On rencontre dans les sépultures
des épingles de bronze ornées de doubles têtes de lamas ou d'un disque
plat. Des épingles semblables sont encore employées par les femmes
quichua pour fixer leur châle sur l'épaule. On recueille également des
objets brisés ou incomplets qui semblent avoir été placés dans les
tombeaux en cet état.
Les Indiens trouvent, en travaillant la terre, de nombreux objets en
pierre et en bronze. Ces derniers sont identiques à ceux du nord de
l'Argentine ; ils montrent jusqu'où se sont propagés les instruments
caractéristiques de la civilisation andique. Les haches en bronze et en
486 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
pierre ont la même forme en T et on observe sur certaines de ces der-
nières rinlluence de la technique métallurgique. Vers l'est, la civilisation
andique caractérisée surtout par les chulpas, œuvre probable des
ancêtres des Aymaras, ne dépasse pas la limite des forêts vierges; on
ne la rencontre que dans les hautes vallées qui offrent à l'homme les
mêmes conditions d'existence que le plateau du lac Titicaca.
Près de Buturo, M. Nordenskiôld a rencontré des ruines d'habitations
qui prouvent que les forêts actuellement inhabitées avaient autrefois
une population nombreuse. Les objets qu'on y trouve sont absolument
différents de ceux des vallées de la montagne et indiquent une civili-
sation plus élevée que celle des Indiens actuels du rio Tambopata et
du rio Inambari. Les ornements des poteries sont surtout caractéris-
tiques; des figures humaines en terre étaient peut-être des masques de
danse. Dans le Chaco argentin, l'auteur a aussi rencontré des ruines
d'habitation dans des régions actuellement à peu près désertes; la
céramique avait également un caractère local très marqué. Dans un
tombeau, il y avait des coquilles du Pacifique, ce qui prouve que ce peuple
inconnu avait des relations avec les habitants de la côte.
Les Indiens de la forêt vierge se livrent à l'agriculture, tout en étant
nomades. Leurs champs sont éloignés les uns des autres de plusieurs
jours de marche; ils les visitent à époques régulières pour les ense-
mencer ou les récolter. Cette disposition tient à la difficulté de pratiquer
des défrichements dans la forêt vierge. Les plantes cultivées les plus
importantes sont les bananes, le manioc et le maïs. Ces Indiens vivent
en outre de chasse et de pêche. Ils pèchent avec l'arc et des flèches
spéciales, dont il existe de nombreuses variétés. Les habitations sont
des huttes du type le plus simple, où vivent souvent plusieurs familles
réunies. Les Tambopata-Guarayo n'ont pas d'autres vases que des
articles de bambou dans lesquels ils font bouillir leurs aliments. Les
Yamiaca et les Atsahuaca ont des vases de terre très simples. Ces
Indiens se parent de couleurs mais ne se tatouent pas. Tous ont la
cloison du nez perforée et y placent un disque de nacre. Ils sont très
propres et très hospitaliers Ils sont malheureusement condamnés à
disparaître ou à se transformer, comme les Quichuas, en chercheurs
de caoutchonc voués à l'alcoolisme.
D^ L. L.
Mead (Charles W.). The Musical Instruments of the Incas (Les instruments de
musique des Incas). Supplément au the American Muséum Journal (vol. III, n» du
4 juillet 1903). Guide Leallet n» 11, [Nev York, the Kunickerbocker Press, 1905].
In-8 de 31 p., planches.
Le travail de M. Charles W. Mead sur les instruments de musique
des Incas est une intéressante contribution à cette histoire de la civili-
sation des Incas sur laquelle, en l'absence de tout document écrit
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 487
provenant des Incas eux-mêmes, les décors des poteries fournissent
tant et de si précieux renseignements. Comme, sur les instruments de
musique des anciens Péruviens, les conquérants du pays et leurs suc-
cesseurs n'ont fourni que de rares informations, l'examen minutieux
des décors de poteries, Tétude attentive des différents objets trouvés
dans les anciennes tombes et dans les cimetières péruviens présente
une importance toute particulière. M. Charles W. iMead s'en est parfai-
tement rendu compte ; aussi a-t-il étayé son travail sur l'examen des
collections péruviennes préhistoriques de l'American Muséum of Natu-
ral History, collections dans lesquelles, à côté de nombre d'instruments
de musique, figurent de nombreux objets fabriqués par la main de
l'homme, en particulier des poteries dont le décor représente des Incas
jouant de ces mêmes instruments.
Ces instruments se répartissent en deux classes : les instruments de
percussion et les instruments à vent. Dans la première de ces deux
classes, le tambour occupe une place particulière ; sans doute, on
n'en a jusqu'à présent trouvé aucun spécimen dans les anciens tom-
beaux péruviens, mais les nombreuses représentations qu'on en relève
sur les poteries et les renseignements fournis par d'anciens auteurs
ne permettent de douter ni de l'existence ni de l'importance du tambour
dans l'ancien Pérou et donnent une idée suffisamment précise de la
forme et de la construction de cet instrument. — Des cloches de cuivre
et parfois aussi de bronze, dont la forme rappelle celle des cloches par-
fois suspendues au cou des vaches dans les régions alpestres, des son-
nettes et des cymbales contituent, avec le tambour, la classe des
instruments de percussion.
La syrinx ou flûte de Pan, des fl.ltes faites en os ou en roseaux, des
sifflets de terre cuite, des trompettes fabriquées avec des strombes ou
de la terre cuite, des bouteilles accouplées à sifflet, des cornes,
constituent la seconde classe, celle des instruments à vent. — Quant
aux instruments à cordes, il est impossible, aujourd'hui encore, d'en
signaler le moindre spécimen au Pérou avant l'arrivée des Espagnols,
même pas de la tinga, cette guitare à cinq cordes dont nombre d'auteurs
modernes ont voulu que fissent usage les Péruviens des temps préhis-
paniques.
A la connaissance de ces instruments, et à la détermination très
précise de l'échelle tonique des différents instruments à vent péruviens
conservés dans les séries de l'American Muséum of Natural History (1)
se bornent à peu près jusqu'à présent, nos renseignements positifs sur
la science musicale des Incas. De leur musique elle-même, en effet, de
(1) Le travail de M. Mead contient l'intervalle musical d'une syrinx (p. 12), 26 flûtes
(p. 18-19), deux instruments groupés avec eux (p. 23), deux sifflets (p. 23), et deux
trompettes (p. 25).
488 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
leurs chants, nous ne connaissons rien; et il semble bien que nous
devions nous résigner à n'en connaître, — lorsque des études sur
l'échelle d'autres instruments à vent se seront ajoutées à celles de
M. Charles W. Mead, — que les intervalles de l'échelle musicale péru-
vienne. En vérité, la musique péruvienne demeurera toujours, comme
le dit M. Mead au début de son travail, un véritable casse-tête au
milieu de tous les casse-tête que représente, pour les Américanistes,
l'étude delà civilisation de l'ancien Pérou.
Henri Froidevaux.
Paul et Fritz Sarrasin. — Reisen in Celebes (Voyages dans l'île Célèbes). Wiesba-
den, C. \V. Kreidel, 1905, 2 vol. 381 et 390 p. in-8, 240 figures, 12 planches et
11 cartes.
Ces deux volumes contiennent le récit des deux voyages entrepris
par les frères Sarrasin dans la grande île malaise. Ils renferment un
grand nombre d'indications sommaires sur l'anthropologie des peuples
de cette partie des îles de la Sonde.
Les peuples de Célèbes sont assez divers : au sud, habitent des Malais
(Boughis, Makassars) ; dans la partie nord-est (provinces de Minahassa
et de Gorontalo), des Alfourous; dans le centre, des Toradjas (Indoné-
siens), et un peu partout on rencontre les restes d'une population primi-
tive, d'un type rappelant les Négritos ou, comme disent les auteurs,
les Veddahs.
Les Boughis et les Makassars sont les peuples les plus puissants de
l'île; ce sont aussi les plus avancés en civilisation. Ils sont surtout
marins ou commerçants, et ont fondé des colonies sur les côtes de Bornéo
et même de la Péninsule de Malacca. Ils sont aujourd'hui musulmans,
mais on peut reconnaître dans leurs rites et leurs légendes beaucoup
d'influences de l'hindouisme, venu de Java ou de Bali. On trouve aussi
beaucoup de traces de l'animisme primitif de la Malaisie. Comme un
grand nombre de peuples malais, les Makassars et les Boughis pos-
sèdent une écriture spéciale. MM. Sarrasin n'apportent aucun fait nou-
veau concernant ces populations, bien connues aujourd'hui parles des-
criptions des missionnaires et savants hollandais.
Sur les Alfourous de Minahassa, ils ne nous apprennent peu de plus que
ce que MM. P. N. Wilken, Schwartz et Graafland nous ont déjà appris^
On considère généralement les Alfourous (aussi bien de Célèbes que des
Moluques) comme des Indonésiens mêlés de Papous; pour les auteurs,
ils appartiennent à la branche nord de la race malayo-polynésienne
(Micronésiens?) et sont peut-être croisés avec les Japonais (vol. I, p. 41).
Cette extraordinaire assertion n'est appuyée par rien ; il faudra attendre
la publication des résultats anthropologiques de l'expédition pour
savoir sur quoi elle est basée. Les Alfourous sont au nombre de 150.000,
répartis en quatre tribus parlant des dialectes différents : les To-umbulu,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 489
les To'unsea, les To-ulour ou To-undano elles To-umpakava. Les Bantiks
de l'extrême nord de Minahassa et les gens du sud-ouest de ce district
sont allophyles. Dans les districts de Boléang-Mongondouw et de Goron-
talo, vivent d'autres Alfourous, qui ne diffèrent en rien de ceux de
Minahassa. L'épaisseur des forêts qui couvrent ces pays empêche les
communications entre les gens de la côte et ceux de Tinlérieur. Les
Alfourous sont de petite taille, de complexion plus légère que les Malais
du sud; ils ont la peau foncée. Les enfants ont la tête déformée artifi-
ciellement.
Dans le district de Minahassa, la population augmente rapidement.
Le plan du village est aujourd'hui régulier, tandis qu'autrefois il ne
l'était pas. Ils vivent dans des villages entourés d'une palissade de bam-
bous épineux. On ne nous parle pas de l'existence de clans analogues
aux suku des Malais ou aux marga des Battaks. Tous les renseignements
que nous avons sur la constitution familiale des Alfourous se réduisent
à ceci : la famille était monogame (avec l'adjonction de concubines à
l'épouse régulière); la femme était achetée à ses parents. En certains
endroits du district de Gorontalo le nombre des femmes excède de beau-
coup celui des hommes ; par suite, la prostitution s'y est développée
considérablement. Quelques renseignements nous sont donnés à l'oc-
casion sur la constitution juridique : on nous parle de vengeance entre
familles, pour offenses faites à un membre d'une famille; le vol est
puni par la restitution au double de l'objet volé ou par l'esclavage; un
homme libre peut aussi être réduit en esclavage lorsqu'il a perdu au jeu.
Les maisons sont toutes du type indonésien ; elles ne diffèrent que par
le détail : à Mongondouw, les pilotis sont bas le toit très haut; devant
se trouve une vérandah ; de la vérandah on entre dans la pièce principale
qui sert de chambre à coucher, derrière vient la cuisine; il n'y a pas de
fenêtres.
Les armes sont d'un type très particulier; l'arc paraît inconnu; les
sabres sont de forme droite, les lances portent des pointes losangiques;
pour la chasse au sanglier, on emploie un épieu d'une forme particulière.
Les armes défensives consistent surtout en cuirasses tressées de cuir de
porc sauvage.
Les renseignements sur les croyances religieuses ou magiques sont
abondants. Les auteurs disent que la vie des Alfourous est tout entière
dominée par des scrupules religieux : les semailles, les moissons, la
fabrication des habits et du sel se font à des jours soigneusement fixés
et sont interdits le reste du temps. Bien qu'en certains endroits on
trouve des traces d'islamisme, on peut dire que les Alfourous ont gardé
leurs croyances animistes dans toute leur intégrité. Le monde est peu-
plé d'esprits : esprits des montagnes, des lacs et des fleuves, des mines
d'or, sorte de gardien jaloux devant lequel on ne doit pas prononcer
certaines paroles (ces esprits des mines jouent un rôle important dans
490 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
tout le monde malais et indonésien). Les esprits, que MM. Sarrasin
qualifient de « dieux », se nomment Empung; leur volonté est mani-
festée par les prêtres-sorciers, au cours de crise de possession où l'esprit
parle par leur bouche.
La chasse aux têtes, qui est pratiquée chez la plupart des tribus, a aussi
des raisons religieuses : on a trouvé, auprès des tombeaux sculptés de
Kema, un grand nombre de crânes qui devaient provenir d'expéditions
de chasse aux têtes; mais, à côté de ces offrandes, existait aussi la
coutume de sacrifier des gens autour du tombeau. La maison des
morts n'est plus usitée dans cette région.
Les populations du centre de l'île consistent surtout en Toradjas. Ce
terme n'a pas de valeur ethnique, il signifie « homme de l'intérieur »
(le préfixe to^ qui se rencontre dans tous les noms de tribus de Célèbes,
signifie « hommes, gens »). Les Toradjas se divisent en un grand nombre
de peuplades : Tolampu, Torano, Topebato, Torôngkong, Toûndae,
Tolcige, Tobéla, Tomekonka, etc. Nous ne savons pas si ces appellations
s'appliquent à des tribus ou à des groupes locaux. Ce qui est certain,
c'est que tous les Toradjas forment, anthropologiquement et ethnogra-
phiquement, un groupe bien défini. Ils sont de petite taille (l'",50 pour
les hommes, 1"\41 pour les femmes), de complexion plutôt grêle et ont
la peau un peu plus foncée que les Boughis.
La forêt vierge sépare les tribus Toradjas de la civilisation boughi des
côtes. LesToradjas ont gardé en beaucoup d'endroits leurs traits primitifs,
dont certains nous avaient été déjà indiqués par MM. Kruijt et Adriani.
Les villages sont nombreux et peuvent être ramenés à deux types : ceux
de la partie occidentale et méridionale de l'île sont établis en terrain plat;
ceux de la partie septentrionale, au nord du lac Posso, sont juchés sur
une éminence et entourés d'une palissade. Les champs de culture sont
toujours situés à proximité du village. Celui-ci comprend, outre les
maisons d'habitation et les greniers à riz, le lobo, ou maison des
hommes, et la forge, lieu sacré placé un peu à l'écart.
Les maisons sont du type indonésien ordinaire, elles sont toutes
élevées sur pilotis et ont le plus souvent un balcon à vérandah. Quel-
quefois le plancher, au lieu d'être porté par quatre pilotis verticaux,
repose sur un croisillon carré de fortes poutres (vol. II, p. 25). Derrière
la terrasse inférieure couverte par la vérandah, on pénètre dans un
couloir sur lequel donnent deux petites chambres et deux cuisines (une
de chaque côté), ce couloir débouche dans la grande salle; il existe sur
trois des côtés de la maison des chambres supplémentaires (voir le plan
vol. 1, p. 228). On nous signale, dans la partie orientale de Tîle, de
longues maisons habitées par les pêcheurs riverains du lac de Towùti.
Le lobo, ou maison des hommes, est plus grand que la maison d'habita-
tion et contient une chambre qui est le sanctuaire de la divinité tuté-
lairedu village. Ce bâtiment sert comme lieu d'assemblée des hommes,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 491
comme maison du conseil et aussi comme lieu d'habitation pour les
gens que Ton hospitalise.
Au milieu de la pièce principale, se trouve une sculpture en corne de
buffle qui est nommée le nombril de la maison. On y voit aussi un poteau
et un tambour. Suivant Kruijt, cité par MM. Sarrasin, on y attachait
les victimes à sacrifier à la mort d'un chef. C'est aussi au lobo qu'on
déposait les crânes récoltés dans les expéditions guerrières.
La forge était, comme nous l'avons dit, considérée comme un lieu
sacré et, par conséquent, dangereux. Le fer passe pour un remède sou-
verain dans toutes les maladies; au-dessus de la forge, on voit de petites
figures de bois : c'est là que les âmes des gens malades se rendent pour
aller reprendre des forces (vol. 1, p. 230).
Il faut encore signaler quelques édifices qui ne se trouvent pas dans
tous les villages, mais qui jouent un rôle assez important : ce sont les
maisons des squelettes et les maisons des morts. L'inhumation des
squelettes n'a lieu dans les maisons des morts qu'après qu'une grande
fête, accompagnée de sacrifices humains, a eu lieu.
Le vêtement des Toradjas était primitivement de l'espèce la plus
simple : un pagne. Aujourd'hui, ils portent le sarong et le pantalon des
Boughis ; leur tête est ornée de mouchoirs de couleur, comme c'est la
coutume dans toute la Malaisie; autrefois, ils se contentaient de se
ceindre la tête avec une corde (vol. 1, p. 199). Ils ignorent l'art du tis-
sage, et leurs étoffes, assez semblables au tapa des Polynésiens, sont faites
avec des écorces d'arbres battues au moyen d'instruments à rainures
spéciaux.
Les Toradjas sont très belliqueux; les principales raisons des conflits
sont les vengeances entre « tribus », la chasse aux têtes et le vol des
buffles d'un village à l'autre. Les armes sont la lance à fer plat, plus
ou moins découpé, le klewang ou couteau de chasse à dos large et la
sarbacane avec des flèches empoisonnées (on ne nous dit pas avec quoi),
le sabre courbe, analogue comme forme au golok des Javanais, à poignée
en corne de buffle sculptée en forme de tête d'animal. Dans la partie
sud-ouest de l'île, au nord de Makassar, MM. Sarrasin ont trouvé des
boumerangs, analogues à ceux que nous avaient fait connaître MM. van
Hoevell et Wagner (vol. II, p. 231). Les Toradjas ne connaissent pas
l'arc, du moins comme arme indigène. Les armes défensives consistent
en boucliers dièdres, étroits, fabriqués en bois ou tressés en rotang; ils
sont tout à fait semblables aux boucliers des Alfourous des Moluques
et, comme ceux-ci, sont décorés de coquilles et de touffes de cheveux
humains, et en cuirasse de fibres tressées, sur lesquelles sont semées de
petites plaques de fer. Les guerriers toradjas portent des bandes de
tête en cuir de buffle ou ou de porc sauvage, agrémentées de fourrure de
singe ou de grossières sculptures en bois.
Les objets de portage consistent en une bande d'étoffe [sarong [i por-
492 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
1er) OU en un havre-sac tressé en rotang et garni de peau de buffle, qui
rappelle tout à fait le sac de nos soldats (vol. I, p. 298). Toutes les
pirogues sont monoxyles.
Les ornements sont surtout des anneaux de bras et de jambe en métal,
des bagues parfois très bien travaillées, en or ou en argent fondus. Les
Topebato ornent leurs dents de petites plaques d'or.
Sur la constitution des groupes sociaux, sur la famille, les renseigne-
ments sont bien maigres. On nous dit que, chez tous les Toradjas, le
chef de famille prend le nom de son fils aîné et s'appelle : « père
de X. », X représentant le nom du fils aîné (vol. II, p. 28). Cette cou-
tume est générale dans toute la Malaisie non-musulmane. Les chefs
prennent de même le titre de père de l'endroit où ils exercent leur pou-
voir. Leur puissance n'est pas bien définie par les auteurs, mais un
passage du premier volume peut nous faire supposer qu'ils étaient
autrefois du type que M. Frazer appelle des « rois-prêtres-dieux ». On
nous dit que les Toradjas éprouvent à l'égard du dato (prince boughi)
de Luwu une terreur superstitieuse; on prétend que le Toradja qu'il
regarde est frappé de mort. Si l'on considère que les tombeaux des chefs
sont des lieux sacrés, que l'on sacrifie à ces princes des victimes
humaines, on peut assurer qu'ils jouissaient tous autrefois de la consi-
dération dont a hérité le prince malais de Luwu. Les prêtres ou sorciers
sont tous des chamanes, c'est-à-dire des hommes possédés par certains
esprits et qui, au cours de crises hystériques naturelles ou provoquées,
annoncent aux profanes les volontés du monde invisible. Ces prêtres
sont nommés balians, terme aussi usité chez les Olo-Ngadjusde Bornéo;
ils sont hommes ou femmes, indifféremment, semble-t-il. On trouve
aussi des prêtres masculins du nom de hissus, qui s'habillent en femmes
et se livrent aux occupations féminines; ces sacerdotes ont été décrits
il y a longtemps déjà chez les Boughis par M. Matthes.
Le système des tabous est extrêmement développé chez tous les
peuples de Célèbes; on nous rapporte beaucoup d'exemples de ces in-
terdictions chez les Toradjas : défense de s'approcher de la forge, de
chasser sur certains terrains, d'approcher des sépultures^ de parler à
certaines personnes (de crainte du mauvais œil), etc. Les rites ne parais-
sent pas avoir attiré beaucoup l'attention des auteurs ; il est d'ailleurs
très difficile de faire dire aux indigènes pourquoi ils font certaines
choses : ils répondent que c'est un adat (coutume) et ne savent à quoi
cela correspond. Cependant, on nous mentionne plusieurs cérémonies
importantes. Au lac Lindu, on se livre sur les jeunes gens arrivés à l'âge
de puberté à une curieuse opération : on fait sauter les incisives des jeunes
hommes et on casse celles des jeunes filles à mi-hauteur ; de plus, les
garçons sont soumis à la subincision du prépuce (vol. II, p. 52). Ces
cérémonies rappellent beaucoup celles qui accompagnent l'mitiation
chez les Australiens. On nous parle aussi de sacrifices expiatoires, reli-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 493
gieiix ou magiques (v. surtout vol. I, p. 222, 234 et 235; vol. II, p. 45 et
57). Le monde des esprits est immense ; laplupart de ces êtres surnaturels
paraissent avoir une résidence bien localisée; ils sont nommés amtus.
La maladie parait être causée par un sort jeté par des sorciers maléfî-
ciants. Pour soulager le malade, on établit des idoles de forme humaine
dans lesquelles la partie malade de son âme va s'incarner (vol. Il, p. 20
et 57), ou bien on la fait passer dans un animal qu'on sacrifie ensuite
(vol. II, p. 70). On ne nous donne pas de renseignements sur le sort de
l'âme après la mort.
L'industrie des Toradjas semble avoir été primitivement assez pauvre
et il y a de bonnes raisons de croire que la plupart de leurs arts ont une
origine étrangère (boughi ou alfouroue). Dans certaines régions cepen-
dant, nous trouvons des centres d'industrie artistique; on fabrique à
Matannade très belle poterie_, sans l'aide du tour; dans ce village ainsi
qu'à Bada, on exécute de remarquables travaux d'orfèvrerie; mais l'art
décoratif n'a rien qui mérite de retenir notre attention. D'autres mani-
festations esthétiques, il ne nous est mentionné que la danse. Elle est
d'un caractère lent et solennel, comme presque partout en Malaisie. On
nous décrit toutefois (vol. I, p. 254) une danse de guerre beaucoup
plus animée.
Dans leur ensemble, les Toradjas sont des Indonésiens typiques, dont
la civilisation est plus ou moins élevée suivant qu'ils ont eu plus ou
moins de contact avec les Malais du sud de l'île.
MM. Sarrasin ont pu voir plusieurs fois, sur la côte, des praos conte-
nant des Orang-Badjos ou Tziganes de mer, mais ils ne nous apportent
aucun fait nouveau sur ces intéressants nomades.
Enfin, il existe un peu partout dans Célèbes des populations très in-
férieures, apparentées aux Veddahs, et qui ont été réduites en esclavage
par les peuples plus évolués, Boughis ou Toradjas. Ces peuplades
[Todla, Tomima, ro^ia) vivent encore en communautés assez nombreuses
dans certaines parties de l'île et des îlots voisins. C'est par l'étude de
ces peuples que les frères Sarrasin ont commencé la publication
des résultats anthropologiques de leur voyage et on trouvera dans le
numéro 1-2 de cette Revue un excellent compte rendu de M. le
D"" Laloy sur leurs fouilles dans le pays des Toâla. Nous n'insisterons
donc pas, le mode de publication de ces études permettant de se
rendre bien mieux compte des particularités que ne le permet un simple
récit de voyage. On peut cependant voir par ce qui précède que ce
« journal de bord » est plein d'intérêt. H. Beuchat.
C. ToLDT. Deberdie Kinnknochelchen,etc. (Les osselelets mentonniers etleur signifi-
catioQ pour la formatioa du meatoa). Correspondenz-Blatt der deulschen Gesell-
schaft fur Anthropologie^ t. XXXVI, 1905, p. 115.
Les osselets de la symphyse du menton ont été signalés par Mies
494 MOUVEMENT SCIEISTIFIQUE.
{Ant/irop., IV, 1893, p. 753). Ce sont des noyaux osseux qui apparaissent
chez l'embryon dans le tissu conjouctif qui réunit les deux moitiés de
la mandibule. Leur nombre et leur disposition, ainsi que l'époque de
leur formation, sont très variables. Dans la plupart des cas, ils appa-
raissent peu avant la naissance. Quelques semaines après cette date, on
les trouve sans exception chez tous les nouveau-nés. ils se fusionnent
entre eux et avec les deux moitiés de la mandibule et contribuent à lui
donner sa forme caractéristique. En effet, d'après Toldt, la saillie du
menton chez l'homme n'est due ni à la réduction du système dentaire
et de l'apophyse alvéolaire, comme le veut Weidenreich, ni à l'action
des muscles digastriques et génioglosses, conformément à l'hypothèse
de Walkhoff [Anthrop., XV, 1904, p. 99 et 235). En ce qui concerne ce
dernier point, la croissance de la partie basale de la mandibule est tout
à fait en dehors de la zone d'action de ces muscles et aucun de ceux-ci
n'est en relation avec les ossicules mentonniers.
La formation du menton a lieu parallèlement à celle des dents anté-
rieures, et elle est terminée à l'époque de l'éruption de ces dents, c'est-
à-dire longtemps avant le moment où l'enfant possède un langage arti-
culé. Quant à l'influence de la réduction du système dentaire, elle est
indéniable, mais trop faible pour provoquer un changement de forme
complet de la partie antérieure de la mandibule. D'autre part la consti-
tution d'un menton n'est pas à proprement parler un phénomène de
réduction, mais au contraire un renforcement de la partie basale de la
mâchoire.
En résumé, il y a_, à une certaine période de la vie embryonnaire chez
Thomme, des phénomènes qui n'existent pas chez les autres mammi-
fères, y compris les anthropoïdes. Jusqu'au 3^ ou 4« mois, la mandibule
humaine a encore la forme de la mandibule des autres mammifères;
par la suite des phénomènes en question, elle acquiert la forme parti-
culière à l'espèce humaine. La masse osseuse nécessaire pour la ren-
forcer ne provient qu'en partie des moitiés latérales de la mandibule.
En effet, les parties basâtes de celles-ci croissent en avant, à une cer-
taine distance du plan médian, et laissent entre elles une lacune plus
ou moins grande. C'est pourquoi il se forme dans le tissu conjouctif de
la symphyse de nouveaux noyaux osseux indépendants, spéciaux à
l'homme : les ossicules mentonniers, dont le rôle est de combler cette
lacune, de souder les deux moitiés de la mandibule et de former la sail-
lie du menton. La forme de toute la partie antérieure de la mandibule est
modifiée, parallèlement au changement de conformation du crâne et de
la face. Le développement du menton exprime l'adaptation de la man-
dibule à la forme crânienne spécifique de l'homme.
D"^ L. L.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 495
0. ScHLAGiNHAUFEN. Beitrâge zur Kenntniss des Reliefs der Placenta, etc. (Étude
du relief de la plante des pieds chez les Primates et les races humaines). Corres-
pondenz-Blatl der deutschen Gesel/schaft fiir Anthropologie, t. XXXVI, 1905,
p. 123 (9 ûg.).
Chez les Lémuriens, on observe à la plante des pieds de petites émi-
nences en bouton, les îlots primaires, qui s'unissent plus tard pour
former des amas annulaires. Ceux-ci se placent en rangées qui consti-
tuent les crêtes cutanées; sur la môme face plantaire on peut trouver
tous les termes de transition, dépuis les îlots et les amas sans ordre,
jusqu'aux crêtes les mieux développées. Celles-ci occupent toutes les
éminences, c'est-à-dire la pulpe des doigts et les pelotes, en somme
toutes les surfaces par lesquelles le pied entre en contact avec le sol.
Ce développement progressif des crêtes plantaires s'observe dans l'en-
semble de Tordre des prosimiens. Chez Lemur bruneus, il y a encore de
vastes espaces couverts d'îlots; chez Nycticebus tardigradus, ceux-ci
n'occupent plus que des territoires restreints. Chez la plupart des
singes, la face plantaire est en entier couverte de crêtes bien dévelop-
pées.
En ce qui concerne la direction des crêtes, il faut distinguer les pla-
tyrhiniens et les catarhiniens. Chez ceux-ci, l'auteur a pu établir l'exis-
tence de deux types^ celui des macaques et celui des papions. 11 a
exprimé par un tableau généalogique les relations réciproques des Pri-
mates au point de vue de leurs crêtes plantaires. D'une façon générale
on peut dire que, chez les singes quadrupèdes, Papio, Cynopithecus,
Macacus, ces crêtes ont plutôt une direction transversale et forment sur
les éminences des figures tactiles compliquées. Chez les formes plus
arboricoles, SemnopithecuSy Colohus, Hylobates^ les crêtes tendent à
devenir longitudinales, les éminences sont plus aplaties, et les figures
tactiles se résolvent en traînées longitudinales. Chez les platyrhiniens,
il y a des phénomènes de convergence : Cebus, Myceles et Ateles se
rapprochent de ce qu'on observe chez les catarhiniens les plus arbori-
coles. Les Anthropoïdes présentent de grandes variations; ils tendent
également au type longitudinal. Cependant, dans la région métatarso-
phalangienne, il y a tantôt des types primitifs, tantôt une simplification
des dessins.
Dans cette région, on observe souvent des types encore plus primitifs
chez l'homme. Ce qui est caractéristique pour l'espèce humaine, ce sont
les lignes transversales, qui couvrent la région proximale et postérieure
de la plante. L'auteur montre comment cet état de chose est né de ce
qui existe chez les Primates. Il y a des rudiments du type primitif, et
leur fréquence est variable dans les différentes races humaines, sans
cependant avoir de valeur sériaire.
D' L. L.
4% MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
0. ScHLAGiNHAUPEN. Das Hautleistensystem der Primatenplanta unter Mitberûck-
sichtigung der Palma (Les ligacs papillaires de la plante du pied et de la paume
de la niaiQ chez les Primates.) Tir. à part de Morpkol. Jahrbuch^ Bd. XXXIll et
XXXIV, 1905, p. 577-671 et 1-125.
Les empreintes de la plante du pied ont été surtout étudiées au point
de vue de la physiologie pathologique, car elles fournissent des ren-
seignements utiles pour la symptomatologie des maladies du système
nerveux. D'autre part, les travaux de Galton ont montré que les em-
preintes des doigts sont souvent un excellent procédé d'identification;
ce fait, d'ailleurs, est connu depuis fort longtemps en Chine.
M. Schlaginhaufen, dans une longue étude du système papillaire,
cherche à établir plusieurs points relatifs à la morphologie, à la biologie
et à la physiologie des sillons et des crêtes palmaires et plantaires; les
lignes papillaires sont envisagées au point de vue macro- et microsco-
pique, ainsi que dans leur développement ontogénétique. La plus grande
partie du travail de M. Schlaginhaufen est consacrée à une étude com-
parative du système papillaire; l'auteur passe en revue un grand
nombre d'espèces de Prosimiens et de Simiens, et indique, pour cha-
cune d'elles, la disposition particulière des lignes papillaires. Ceci le
conduit à un aperçu général sur le développement phylogénétique du
système papillaire cutané de la plante du pied chez les Primates. Il
paraît que, par la disposition de ses lignes papillaires, l'homme se rap-
proche surtout des singes anthropomorphes; cependant, certaines
empreintes du gros orteil humain seraient des « figures physiologi-
ques » de nouvelle formation. Notons encore qu'il existe des variations
dans la disposition des lignes papillaires suivant les différentes races
humaines. Ainsi, les Indiens Mayas du Yukatan présentent, à ce point
de vue spécial, une disposition beaucoup plus primitive que les Nègres
de l'Afrique occidentale. La race blanche offre un écart considérable
du type originel; les Papouas de la Nouvelle-Guinée du Nord en sont,
paraît-il, plus éloignés encore.
A. Drzewina.
K. YoLD. Naturdyrkelse (totemismus) i de gammel-semitiske religioner (Le culte
de la nature (totémisme) dans les religions des anciens Sémites). Kristiania, Steen,
1904, 224 p. in-8.
M. K. Vold a entrepris la tâche difficile de traiter la question du
totémisme chez les Sémites. Bien qu'il ne fasse pas de comparaisons
avec les peuples inférieurs, le compte-rendu de ce livre nous semble
avoir sa place ici; l'existence du totémisme chez des peuples « civili-
sés » est un objet de haut intérêt pour l'ethnographe.
On sait que la question avait été discutée par l'éminent Robertson
Smith qui l'avait tranchée dans le sens de l'affirmative; plus tard, divers
auteurs, notamment Zapletal, révoquèrent en doute l'existence de l'or-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 497
ganisation totémique des peuples sémitiques. Pendant longtemps on
n'a pas voulu reconnaître l'existence du totémisme en dehors des
peuples « sauvages » ; mais, grâce aux efforts de M. Frazer et de M. Salo-
mon Reinach, l'idée s'est imposée de l'existence de cette particularité
chez les Européens et les Asiatiques.
La démonstration que donne M. Vold du phénomène qu'il étudie est
des plus limpides; de plus, elle possède la qualité d'être complète. Il ne
définit pas seulement le totémisme par ses caractères extérieurs (bla-
son, onomastique) ainsi que le font trop souvent les auteurs anglais ou
américains; il lui reconnaît, avec les auteurs australiens, écossais et
français, des fonctions juridiques et religieuses. Avec eux aussi, il recon-
naît que le totem n'est pas un animal isolé, mais une espèce animale;
qu'il n'est pas en relations avec un individu, mais avec un groupe, le
clan (p. 30), qu'il soutient avec lui une véritable relation de parenté
(p. 26). Ce n'est pas à dire qu'il considère le totémisme comme la forme
religieuse la plus primitive, l'idée de divinité étant, pour M. Vold, anté-
rieure aux totems; on représente la divinité sous des formes animales
ou végétales par ignorance de son vrai caractère et parce que c'est néan-
moins une nécessité de la représenter d'une façon quelconque.
Ces généralités posées, l'auteur passe au sujet spécial de son livre et
étudie les restes qui peuvent démontrer l'existence du totémisme chez
les Sémites. Nous ne le suivrons pas dans le détail de ses explications;
il ne nous apporte pas de faits nouveaux et il n'est même pas tou-
jours au courant des résultats actuels de la science. Nous élèverons
une objection contre la méthode employée par l'auteur dans cette
partie de son ouvrage : on ne saurait admettre avec lui que toutes les
traces de culte des animaux ou des plantes, et encore moins les cas où
on s'est servi d'objets naturels pour en tirer des présages, puissent ser-
vir à affirmer l'existence d'un culte totémique. On remarquera aussi
une inégalité dans l'emploi des critères que fournissent les caractères
sociaux du totémisme : M. K. Vold attache une trop grande importance
au matriarcat et, par contre, ne tient presque aucun compte des inter-
dictions alimentaires, dont Robertson Smith faisait le caractère princi-
pal du totémisme.
Malgré ces défauts de détail, le livre de M. Vold est instructif et bien
fait. Sa conclusion nous semble excellente : les Sémites connus histo-
riquement n'ont pas pratiqué le totémisme, mais leurs ancêtres ont
connu cette phase du développement de l'humanité.
H. Beuchat.
l'anthropologie. — T. xvu. — 1906. 32
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
Le Congères international d'Anthropolog^ie et d'Archéolog^ie
préhistoriques de Monaco.
(Rectifications au compte-rendu publié dans le dernier numéro de
U Anthropologie).
En rédigeant le compte rendu sommaire du Conp^rès de Monaco qui a paru
dans le dernier fascicule de notre Revue, je craignais fort d'avoir commis bien
des inexactitudes par suite de l'insuffisance des notes que j'avais entre les
mains ; aussi ai-je invité les auteurs de communications à me signaler, le cas
échéant, les erreurs ou les oublis qu'il contenait.
Un tirage à part de ma note ayant été expédié à tous les congressistes, il
m'est parvenu de nombreux accusés de réception ; et, si je ne craignais de
pécher par défaut de modestie, je dirais que mon compte rendu doit être assez
fidèle, car les félicitations ne m'ont pas fait défaut.
Toutefois, quelques erreurs et quelques oublis m'ayant été signalés, je m'em-
presse de rectifier et de compléter ma première notice.
M. le professeur Waldeyer, de Berlin, me fait remarquer que j'ai omis de
mentionner une proposition de modification au premier article additionnel du
Règlement, proposition qui a été prise en considération par le Conseil du
Congrès. Voici le nouveau texte de l'article qui sera mis aux voix dans la
première séance de la XIV« session :
« La langue officielle du Congrès est le français ; elle est employée pour la
rédaction des procès-verbaux et la correspondance de la Commission d'organi-
sation et du Comité. Toutefois, les membres du Congrès peuvent, dans leurs
lettres, leurs communications ou^leurs lectures, se servir de l'allemand, de
l'anglais ou de l'italien.
« Les communications en ces trois langues seront accompagnées d'un
résumé en français, et les discussions devant le Congrès continueront à se faire
en langue française. »
Conformément à l'article 16 du Règlement général, le texte nouveau sera
» mis aux voix sans discussion, par oui ou par non, dans la première séance
de la session suivante. » C'est alors seulement qu'il deviendra définitif.
Dans mon compte rendu sommaire, je n'ai pas parlé des délibérations du
Conseil ; mais, dans le compte rendu in-extenso , les congressistes trouveront
mentionnée en plusieurs endroits la proposition dont M. Waldeyer, en termes
des plus courtois, regrette de n'avoir pas lu le texte dans L'Anthropologie,
M. DE GÉRiN Ricard, président de la Société archéologique de Provence, me
signale un autre oubli. A l'occasion du Congrès, la dite Société avait organisé
NOUVELLES ET COUKESPONDANGE. 499
à Marseille une très intéressante exposition préhistorique et protohistorique
régionale. Les organisateurs en ont fait gracieusement les honneurs aux
congressistes, le jeudi 12 avril. Retenu à Monaco par les préparatifs de la
XlIIe session, j'ai eu le regret de ne pouvoir visiter cette exposition, et, jusqu'à
ce jour, quoique j'aie fait appel à plusieurs collègues, il ne m'a pas été possible
d'obtenir une notice sur les collections réunies au Musée de Longchamp. Je
dois donc me contenter de mentionner purement et simplement l'heureuse
initiative qu'avait prise la Société archéologique de Provence, avec l'espoir qu'il
me sera permis d'être plus explicite dans le volume qui s'imprime actuel-
lement.
Je n'ai pas parlé non plus de la présentation faite par M. le Dr Georges Pa^
pillault de la toise horizontale qu'il a fait construire avec le D^ Lapicque, toise
qui permet de prendre des mesures infiniment plus exactes que les appareils
verticaux. — le D'" Papillault ne m'a adressé aucune réclamation ; mais je me
suis aperçu de l'oubli et je tiens à le réparer.
MM. Chauvet et Déchelette ont appelé mon attention sur quelques fautes
typographiques :
Page 130, ligne 28, au lieu de « Ingrar Undset », il faut lire « Ingvald
Undset ».
Page 131, ligne 18, au lieu de « xiii^^ siècle », il faut lire viii^ siècle ».
Page 137, ligne 28, lisez « station de la Quina », au lieu de « station de la
Quince ».
Page 138, ligne 40, c Kamennaiababa » doit être écrit « Kamennaïa baba ».
M. le professeur Issel me fait remarquer avec juste raison que l'observation
de M. Cartailhac (p. 117), à propos des cabanes en pierres sèches, ne saurait
s'appliquer aux caselle de Porto Maurizzio, aux cabanne de la province de
Gènes ou au trulli des Pouilles. Lorsqu'un secrétaire a fait dire à M. Cartailhac
que tous les faits dont il venait d'être question avaient déjà été publiés par
M. Gastanier, il faut comprendre que les cabanons et les castelars de la Pro-
vence, ou les constructions situées plus à l'ouest avaient été décrits par cet
auteur. Mais il ne peut s'agir évidemment des constructions des provinces de
Port-Maurice et de Gênes, car M. Gastanier ne s'en est pas occupé, pas plus
qu'il n'a établi de comparaisons entre les caselle et les cabanons, d'une part, et
les trulli, d'autre part. Il est hors de doute que M. Cartailhac n'a nullement
visé la communication de M. Issel, dont l'intérêt est incontestable et qui ne fait
sûrement pas double emploi avec quelque travail antérieurement publié.
M. le D*" Gapitan appelle mon attention sur une phrase qui se trouve dans le
trop court compte rendu de sa conférence. J'ai écrit : « Grâce aux documents
que lui avaient gracieusement prêtés plusieurs explorateurs, il a pu mettre
sous les yeux des auditeurs une centaine de projections. » Cette phrase pour-
rait prêter à l'équivoque si les nombreux mémoires de M. Gapitan sur l'art
des cavernes n'étaient connus de tous les archéologues. J'ai voulu dire que les
documents qui lui avaient été prêtés étaient venus compléter ses documents
personnels et lui avaient permis de donner une excellente idée de l'ensemble
des renseigements que nous possédons actuellement sur les curieux spécimens
500 NOUVELLES ET COUHESPONUANCE.
artistiques qu'on a rencontrés dans une foule de grottes. Ce qui est sous-
entendu a certainement été rétabli par le lecteur.
Personne n'a pu supposer qu'en parlant des documents prêtés à M. Gapitan,
j'aie eu un instant l'intention de diminuer la valeur de ses recherches person-
nelles. J'ai tenu à reproduire une déclaration qu'avec une parfaite honnêteté
scientifique, il a faite au début de sa conférence, lorsqu'il a dit que, parmi les
clichés qu'il allait faire défiler sous nos yeux, il s'en trouvait un certain
nombre qui n'étaient pas de lui et qu'il a remercié ses confrères de l'avoir mis
en mesure de traiter la question dans son ensemble.
Ce sont toutes les inexactitudes et les omissions qui m'ont été signalées
jusqu'à l'heure où ce fascicule va être tiré... Je me trompe encore, car l'auteur
d'un projet de vœu que je n'ai pas mentionné m'a écrit à ce propos. Je dirai
franchement que j'ai omis volontairement d'en parler, parce que le vœu a été
repoussé. J'ai agi de même pour tous les vœux qui n'ont pas été pris en consi-
dération, jugeant qu'il eût été plutôt malséant d'imprimer que le Conseil avait
cru devoir écarter les propositions de MM. X. ou Y. A mon sens> il valait mieux
n'en pas parler, et je reste convaincu que la majorité des lecteurs se rangera à
mon avis.
R. Verineau.
La Préhistoire chez Jes Classiques.
En se lançant courageusement dans la préhistoire, M. Salomon Reinach a rendu
à nos études un service signalé, par sa contribution personnelle d'abord, par
l'exemple donné ensuite. Grâce à lui nous sommes moins ignorés qu'autrefois
du monde des archéologues classiques et des historiens. Mais voici que l'exemple
est suivi. Nous voyions naguère l'éminent directeur de l'Enseignement supérieur,
M. Bayet, enthousiasmé à la vue des fac-similé des peintures d'Altamira et nous
l'avons entendu, à la séance de clôture du Congrès de Monaco, rendre un hom-
mage précieux aux résultats acquis par les Préhistoriens. Une autre recrue,
qui nous fait le plus grand honneur, est M. le Professeur Jullian du Collège de
France, dont les chroniques gallo-romaines de la Revue des études anciennes^ com-
prises dans un esprit des plus larges, embrassent tous les temps préhistoriques.
Notre Revue y est toujours dépouillée avec soin; son rôle a été apprécié par
M. Jullian dans des termes trop élogieux pour que je puisse les reproduire ici.
Mais que notre éminent confrère ne croie pas que c'est pour lui rendre sa poli-
tesse que je recommande à nos amis la lecture de ses Chroniques gallo-romaines
si substantielles et si nettes. Je veux leur indiquer un des autres coins de France
« où l'on travaille le mieux, sans bavardage et avec profit continu ».
M. B.
L'âge de la pierre dans la vallée du Zambèze.
Nature du 23 novembre 1905 a publié sur l'âge de la pierre dans la vallée du
Zambèze un curieux article signé H. W. Feilden.
Des instruments en pierre se trouvent en grand nombre au-dessus et au-des-
sous des chutes Victoria, soit dans les graviers des hautes terrasses de la vallée,
soit sur les plateformes basaltiques qu'on voit au-dessous des chutes et qui
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 501
marquent un ancien thalweg. Dans ce dernier gisement les pierres taillées sont
localisées au contact des basaltes et du manteau sableux, produit sous des condi-
tions désertiques par des actions éoliennes, qui recouvre ces basaltes. La plupart
des instruments sont en chalcédoine. Le fait que ces alluvions ont été déposées par
le Zambèze quand le fleuve coulait à 400 ou 500 pieds au-dessus de son lit actuel
ne saurait faire l'ombre d'un doute. Or les instruments que renferment ces allu-
vions anciennes seraient considérés en Europe comme des formes paléolithiques.
L'Afrique du Sud présente donc des monuments d'un âge de la pierre taillée
remontant à une époque extrêmement reculée, cette expression étant prise dans
un sens géologique.
M, B.
Les monuments mégalithiques de la Vendée.
Nous avons reçu de leurs auteurs MM. le D"^ Baudouin et Lacouloumère, toute
une série de brochures décrivant longuement, avec les détails les plus minutieux,
divers monuments mégalithiques de la Vendée. Quelle que soit leur importance
locale, de tels travaux se prêtent mal à l'analyse; mais je crois devoir les signa-
ler aux personnes qui s'intéressent à la préhistoire de la région. Ils ont été
publiés dans les volumes de 1905 du Bulletin de la Société d' Anthropologie de Paris
et du Bulletin de la Société préhistorique de France. Une brochure, Le Préhisto-
rique à Apremont paraît avoir été imprimée spécialement à la Roche-sur -Yon
par Sev^art-Mahaud; du moins elle ne porte pas d'indication de périodique.
M. B.
L'enseig^nement de l'anthropologie dans la République Argentine.
A tout propos, nous aimons à rappeler que l'anthropologie est une science
française et que nos maîtres ont été ceux du monde entier. Nous nous souve-
nons, avec un certain orgueil, que la première chaire où cette science ait été
officiellement enseignée a été créée chez nous et que la Société d'Anthropo-
logie de Paris a été la mère de toutes les autres.
Il serait certainement exagéré de dire que, depuis l'époque à laquelle ont été
fondées la chaire d'anthropologie du Muséum et la Société d'Anthropologie de
Paris, rien n'ait été fait en France pour la diffusion de la science de l'Homme ;
mais le mérite en revient à l'initiative privée.
Ce ne sont pas seulement les spécialistes, ce sont tous les esprits éclairés qui
proclament que l'anthropologie a une haute portée pratique, philosophique et
sociale. Les partisans de l'expansion coloniale admettent que l'étude de l'ethno-
logie exotique est une des nécessités de notre époque. Au Congrès internatio-
nal d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques qui s'est tenu cette année à
Monaco, un vœu a été émis âVunanimité en faveur de l'extension de l'enseigne-
ment de l'anthropologie. Ce vœu trouvera de l'écho, peut-être même en France,
où jusqu'ici notre science n'a guère été en faveur dans les sphères gouverne-
mentales. Il est à désirer que notre pays reprenne le rang qu'il a été fier d'oc-
cuper pendant longtemps et qu'il n'occupe plus aujourd'hui. Nous nous sommes
laissés distancer par plusieurs nations, et une circulaire qui m'est parvenue au
mois de juin m'a appris que le Gouvernement Argentin a décidé la création de
plusieurs chaires officielles d'anthropologie.
502 NOUVELLES ET CORUESPONDANCE.
Par cello circulaire, M. Samuel A. Lalonc Quevedo informe ses correspoQ-
dants qu'il a été nommé directeur du Musée national de La Plata en remplace-
ment de M. le docteur Francisco P. Morcno, et il ajoute : «Je profile de cette
circonstance pour vous annoncer que ce Musée a été transformé, par une loi
nalionale, en Faculté de Sciences naturelles comme partie intégrante de PUni-
versité Nalionale de La Plata, de création récente. )> Or, la nouvelle Faculté
comprend une section des « Sciences anthropologiques. » Le directeur de la
section est M. Lafone Quevedo lui-même, qui professe la Linguistique. M. Roberto
Lehmann-Njtsche est nommé professeur d'Anthropologie, avec M. Desiderio
S. Aguiar comme adjoint. Deux autres chaires sont créées, une d'Ethnographie
confiée à M. Félix F. Outes, et une d'Archéologie, qu'occupe M. Luis Maria
Torres.
En France, il n'existe pas encore une seule chaire d'anthropologie dans
nos Facultés des Sciences.
R. V.
La spéléolog^ie au xx'' siècle.
Spelunca, l'organe de la Société de Spéléologie, vient de consacrer deux gros
fascicules à une revue bibliographique des recherches souterraines effectuées
de 1901 à 1905. M. Martel, l'auteur de ce travail, a voulu montrer l'étal actuel
et faire entrevoir les progrès futurs d'une branche de la science qu'il a si puis-
samment contribué à fonder. Le premier fascicule est consacré à la France, le
second à l'étranger. Tout ce qui a paru sur les grottes, à quelque point de vue
que ce soit, se trouve ici signalé, même les articles ou les entrefilets, parfois
si étranges mais pouvant fournir une indication, des journaux politiques.
Les préhistoriens trouveront quelques faits intéressants à glaner dans ce réper-
toire , en attendant l'apparition des d^ux fascicules complémentaires où
M. Martel traitera des applications aux sciences et par conséquent à l'archéolo-
gie préhistorique. .
M. B.
Sorcières italiennes.
Extrait du Temps ( 29 juin 1906) sous la signature de M. Jules Claretie :
« On a découvert en Italie, dans les Pouilles, près de Bari ou de Barletta, une
association, un trust, puisqu'il faut dire le mot, un trust de sorcières.
De sorcières? Parfaitement. Les sorcières italiennes se sont entendues, comme
les directeurs de théâtre américains, pour opérer en commun et faire des mi-
racles. Ces sorcières avaient leurs statuts et publiaient leurs programmes : elles
promettaient de sauver ou de ruiner, à leur gré, les personnes, de réconcilier
ou de brouiller les ménages, de faire réussir ou échouer à volonté les mariages,
de guérir les malades (rien de plus simple), de découvrir les auteurs des vols
ou des assassinats et de faire, au besoin, sortir de prison les assassins et les
voleurs. Ce trust de sorcières tenait tout ce qui concerne l'état de sorcier : enchan-
tements, maléfices, prospérité des moissons et des vignes, remèdes contre la
gale et la grêle, fin des querelles et des coups de couteau, ou comme on voudra
coups de couteau et coups de canif... Et le trust prospérait, solidement établi
sur l'éternelle bêtise humaine.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 503
0 civilisation! Les sorcières avaient leur bureau, une présidente et des vice-
présidentes. Elles n'allaient pas au sabbat sur un balai. Elles discutaient les
intérêts du trust. Elles rendaient compte des opérations faites avec les clients. Elles
se donnaient l'une à l'autre la parole: « Vous avez la parole, Gianninal.., » Ces
sorcières devaient même avoir, pour couper court aux discussions, une sonnette.
Jacques Callot revenant au monde eût été stupéfait de retrouver un parlement
au petit pied (un pied non fourchu) là où il avait laissé une cohue pittoresque. Le
trust des sorcières! Le titre dit tout et caractérise une époque. Le romantisme
tourne à l'opérette. La symphonie fantastique de Berlioz devient un galop
d'Offenbach.
Et voilà, pour compléter l'aventure et la terminer, que les carabiniers s'en
sont mêlés. C'est dommage. Il ne sont pas arrivés trop tard. Ils ont arrêté vingt
et une sorcières, dont plus d'une ne ressemble pas à un Goya, au contraire, et
ils ont saisi tout l'attirail, les accessoires de la grande comédie du trust, des herbes
magiques, des ongles d'hommes et d'animaux, — de ces ongles dont on faisait
avaler la poussière àceuxou à celles qui voulaient être aimés, — des boucles de
cheveux, des tarots, des rubans, des lambeaux de soie, des citrons couronnés
d'épingles figurant la victime qu'il fallait piquer au cœur, toute la défroque de
la superstition et du « grand jeu » de la bêtise universelle, »
Exhibitioa à Londres déjeunes filles microcéphales américaines.
Le journal anglais Nature signale l'exhibition, à l'hippodrome de Londres, de
trois jeunes filles de Mexico, qui rappellent singulièrement les deux microcé-
phales, Maximo et Barthola, qu'on nous a montrés à Paris en 1855 et en 1874.
Maximo et Barthola ont été présentés à toute l'Europe comme des spécimens
de la race aztèque; aujourd'hui, les jeunes Mexicaines exhibées à Londres sont
données comme les dernières représentantes d'une race très proche parente
des singes. Il est probable qu'elles vont susciter de nombreuses discussions et
que, de nouveau, les savants vont se demander si la microcéphalie doit être
considérée comme un caractère ancestral. Je ne crois pas d'ailleurs, que les
trois jeunes filles exhibées à la curiosité du public londonien, puissent mettre
d'accord les partisans et les adversaires de la théorie atavique.
R. V.
Errata.
Quelques articles des iVowi^e/Zes du dernier numéro, imprimés sans que j'aie
donné le bon à tirer, sont émaillés de fautes typographiques. Je prie mes lec-
teurs de vouloir bien rectifier de la façon suivante :
P. 218, ligne 38, au lieu de: dedislinguer, lire : à distinguer
— 219 — 24 — : vanitatem, — vanitatum
— 227 — 29 — : Phoco groenlandiuSj — Phoca groenlandica
— 228 — 23 — : nivellement, — ruissellement
— » — 25, 33, 36 — : Cho.rvety — Chauvet
— » — 47 — : graviers — grossiers
— 229 — 5 — : Delpeyrot — Delpeyrat
— » — 6 — : Manémet — Massénat
M. B.
d06 BULLETIN BIBLlOGRAPIl QUE.
se rapportant à la mort, à la maladie, au mariage, à la pluie. Légende sur le Lala
« cr>éaleur du monde », etc.) — Latcilam, Note on some ancierit Chilian etc. {{Notes snr
quel(/itt's anciens crânes chitienset sur d' autres restes (ossements, objets en pierre, etc.).
Mesures de six crânes. 2 pi. Note sur trois crânes de l'île Mocba. Dolichocéphalie,
etc.] — Taxe, l^'urther Notes etc. (Encore quelques notes sur la tribu des Kikuyu dans
lAfriifue orientale anglaise. Peinture et tatouage, habitation, vannerie, aliments et
leur préparation, religion, circoncision; 2pl.) — Bedooe, A nielhod of estimatory, etc,
[Une méthode pour calculer la capacité du crâne d'après les mesures périphériques).
Complément à l'étude parue dans U Anthropologie^ 1903 ; réponse aux critiques de
Pearson dans la Biometrika (1). — Matthews. The Niradyuri etc. (Le Niradyurl et
autres idiomes de la Nouvelles-Galles du Sud). — Layard, Further Excavations, etc.
[Nouvelles fouilles da?is la station paléolithique à Ipswich), 2 pi.). — Tout, Elhuological
report, etc. {Rapport ethnologique sur les Itseelis et les Skaullls, tribus de la division
d'Halokmelem du peuple Salish dans la Colombie britannique. Etude monographique
très complète).
Man, a monthly record of anthr. science (publ. par V Anthropological Inslilute of
G. B. etc.). T. IV, London, 1904.
Principaux articles : 1. Dalton, Easter Island, etc. {Tablettes portant des inscrip-
tions idéographiques, des îles de Pâques^ conservées aux British Muséum ; 1 pi.
Résumé de Tétat de la question ; inventaire des 13 tablettes connues ; histoire des ten-
tatives de déchiffrement, toutes négatives quant au résultat). — 3.N. Thomas, Mariage
Prohibitions, etc. {Origine des interdictions relatives au mariage -.réponse à M. Lang).
— 10. Tbeacher, On the occurence, etc. {Présence des outils oi pierre dans la vallée de
la Tamise, entre Reading et Maidenliead. 1 pi. etfig. Outils chelléens et d'autres types).
— 12. G. Clinch, Goldrum,etc. (Le cromlech de Coldrum, comté de Kent, et ses rap-
ports avec le Stonehenge, av. fig. Monument funéraire. Cf. réponse de Lewis ibid., 23).
— 13) Annandale, The Dynastie genius etc. {Le génie dynastique de Siam, qui vit, dit la
lègenle, emprisonné dans le palais royal de Bangkok; quand il s'échappera, la
dynastie aura vécu). — Hervey, The legends, etc. {Les légendes sur la colline de Boukit
Dato Batou Gedong et sur le cap Rachado ou Tanjung Tuan près de la ville de Malacca).
— Haddon, Drawings, etc. {Les dessins des indigènes de la Nouv. Guinée; 1 pi. et fig.
Scènes, figures humaines, bateau à vapeur). — 22. A. LANg, The problème, etc. ([Le
problème des galets peints de Mas d'Azil. Contre l'opinion de Cook, émise dans
« L'Anthropologie » (1903, n" 6)]. — 32. Read, On two pottery, etc. {Deux vases en
poterie du haut Amazone, Pérou, d'une finesse remarquable ; ipl.) — 33. Notes on the
form, etc. {Notes sur la forme de gouvernement de Béni, à Bénin; d'après un rapport
officiel). — 34. Swan. Note on Stone implements, etc. {Sur les outils en pierre
trouvés à la surface du sol ou à une faible profondeur dans le Pahang, presqu'île
Malaise : tranchets, etc.; fig.). — 43. H. K. Hall, Discovery, etc. {Découverte d'un
temple de la XI^ dynastie à Deir el-Bahari, Egypte, par Naville et Hall. ; 1 pi.). — 44.
Andr. Lang, A. Theory, etc. {Une théorie du totémisme des Australiens Arunta, qui,
comme on sait, ne sont pas exogames et ont des totems provenant des esprits
locaux). — 43. W. Allardycf, The Fijians, etc. {Les Fidgiens en guerre et en paix;
notes ethnographiques; 3 fig-). — 46. Edge Partington, A « Domestic Idol », etc.,
{Une idole domestique de l'île de Pâques ; 1 fig.)- — 47. Edge Partington, Tien-tsin,
^ic. [Une figurine très artistique représentant un vieillard, faite avec de la boue, à
Tien-tsin; fig.). — Giglioli, Ilafted copper implements, etc. (Les outils emmanchés
en cuivre provenant du Pérou, haches de cérémonie, etc., trouvés avec leurs
(1) Cf. ma Revue d'Anthropologie dans 1' « Année psychologique » de Binet pour
1903 et 1904.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 507
manches en bois dans les tombes, présentant différents modes d'emmanchures.
1 pi.). — 53. N. W.Thomas, Further remarli.3 etc. {Encore quelques observations
à propos des idées de Hill-Toui sur le Tolémisme. Confusion des termes dans l'ouvrage
de Hill-Tout, etc.). — 34. Latcham, Notes on an ancient, etc. [Sur un crâne ancien,
provenant d'un tumulus des Andes du Chili (prov. de Coquimbo), probablement pré-
iûcasique, c'est-à-dire antérie-ur à la fin du xiv^ siècle. Descripliou, mesures ; fig.].
— 67. Garstang, Excavation, etc. [Fouilles à Beni-Hassan, Haute Egypte, 2^ cam-
pagne. Sculptures de la période allant de la Vie à la XI^ dynasties et contenant des
statuettes, des modèles de bateaux, des flèches, etc. ; réexcavation de Negada ; IpL).
— 68. N. Thomas, Arunta Totemism, etc. (Le totémisme des Australiens Arunta ; note à
propos de la théorie de M.Lang sur l'origine du totem avec descendance paternelle).
— 69. Th. AsHBYywn, Excavations, etc. [Fouilles à Caerwent, dans le Monmouthshire;
ruines de la cité romaiue de Venta Silurum; fig.). — 77. Flinders Pétrie, Excavations,
etc. [Fouilles à Ehnasya; site de ruines de la Xll^ à la XVIII^ dynasties ; 1 pi.). —
78. Dalton, Easter Island, etc. [L'Ue de Pâques: écriture. Liste bibliographique avec
notes des ouvrages omis dans l'article publié dans le « Man » (Voy. plus hautn» 1)].
— 80. E. Torday, Songs of the Baluba, etc. [Chansons des Balouba du lac Moero, av.
musique notée). — 87. Thomas, Animal Folklore, etc. [Le folklore grec se rapportant
aux animaux. Résumé des réponses à un questionnaire envoyé par l'auteur). — 86.
Edge Pautingtoki, Note on Funerary Ornaments, etc. [Ornementation des objets funé-
raires de l'île Rubiana et le cercueil de fîle Santa Anna (crâne dans un poisson en
bois), Archipel Salomon ; 1 pi.]. — Andeuso.n, A Melhud, elc. [Méthode singulière de
provoquer le sommeil artificiel chez les enfants dans le district de Simla, bides; on
fnil couler l'eau contre la tête de l'enfant, couché face à terre ; fig.). — 88. Bjelsko-
siTCiiE, Animal Folklore, etc. Le folklore se rapportant aux animaux dans l'Herzé-
govine: réponse au questionnaire de N. W. Thomas). — 93. L. Abbot, Stone imple-
nioots. etc. [Outils en pierre retirés du gravier gelé à l'estuaire du Yenisseï, par
70' lat. N. Types très variés des haches, pointes et tranchets polis ou taillés avec
quelques inclusions d'or natif; 1 pL). — 96. — S. G. Gray, Another type, etc. [Un
autre type rf'« idole domestique » de l'Ile de Pâques. Fgurine humaine à côtes sail-
lantes; fig.). — 97. N. AnnandalEj A modem instance, etc. Un exemple de Vexistence
actuelle des ordalies en Ecosse. Membrane animale découpée en forme de poisson,
qui se gondole sous l'influence de la chaleur et de l'humidité. Il y a 80 ans, on la
plaçait dans la main de la personne pour déterminer si elle était coupable). — 104.
GiGLioLi, Portrait, etc. [Portrait d'un Indien Guayaqui, déjà, publié par Lahitte et Ten
Kate dans les « Anales del Museo de la Plata », 1897 ; 1 pi.). — S. Gkorge Gray, A remar-
kably, etc. [Une pointe de flèche en silex trouvée à Masden Caslle, Dorchester, remar-
quablement mince, longue de 38 mm.; sa plus grande épaisseur n'est que de
2,5 mm. ; fig.) — 106. Whitehouse, Note on the « Mbari », etc. [La fête de « Mbari »
chez les indigènes du pays d'ibo, Nigérie méridionale. 3 photogr. représentant les
figurines que Ton fabrique à propos de cette fête de filles). — 107. N. W. Thomas,
Studies, etc. [Etudes terminologiques : I. Magie. Proposition de classer les fait dits
de maiîie sous cinq chefs : magie naturelle, chamanisme et sorcellerie, magie
théurgique (esprit divin dans l'homme qui en est le porteur inconscient et passif),
incantation et récitation, divination]. — 111. A von Huegel, Maori feather-box [Boîte
à plume des Maoris du Musée de Cambridge ; 1 pL). — 102. Kabbadias, Prehistoric
arcUeology, etc. [Archéologie préhistorique de la Grèce ; résumé de l'état actuel des
études préhistoriques). — 113. Wright, A skuU, elc. [Un craniopho?'e pour la photo-
graphie: fig.). — 114. C. Seligmann, Note concerning, etc. [Nouvelles de l'Expédition
de Cook-Daniels dans la Nouvelle-Guinée et les îles Salomon. Types variés. Toté-
misme). — 115. Blackrurn, Animal, etc. [Superstitions se rapportant aux animaux
chez les Zoulou, Bassouto, Griqua, Magalzis et les Cafres du Natal. Réponse au
questionnaire Thomas).
508 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Izviestia, etc. {Bulletin de la Soc. des Amis des se. nat., d'anthropoL et d'ethnogr.
de Moscou), t. CVI (formant le t. XXIII, des « Troudy » ou travaux de la section
anthropologique), Moscou, 1905, in-4o (en russe).
Ce volume de 140 colonnes, av. 48 tableaux et quelques ;figures est entièrement
consacré au iVlémoire de A. A. Aroutinof : Oudiny, etc. (Les Oudes ou Oudines, ma-
tériaux pour V anthropologie du Caucase. — 1. Esquisse historique et ethnographique.
La tribu des Oudes, forte de 7.300 individus, habite deux villages, dans les distr.
de Noukha, prov. d'Élisavetpol. Ce sont les restes des anciens Albanais que les
uns rapprochent des Votiaks et les autres des Lesghi et des Ourartou. Quelques traits
ethnographiques : habitations, mariage, agriculture, etc. — 2. Esquisse anthropolo-
gique : caractères descriptifs (couleur et nature des cheveux, dents, couleur de la
peau et des yeux, pilosité, etc.) et anthropométrie (plus de 70 mesures sur la plu-
part des 175 sujets mesurés. Taille moy. : 1644 mm. ; les indiv, aux yeux foncés sont
de taille plus petite que ceux aux yeux clairs, etc.; rapports des mesures; compa-
raisons avec d'autres peuples, etc.). Conclusion : les Oudes, petits, bruns, très bra-
chycéphales, mésoprosopes et leptorhiniens ne ressemblent pas du tout aux Votiaks
ou Permiens et se trouvent isolés parmi les tribus caucasiennes anthropologiquement
connues aujourd'hui. — Bibliographie].
Travaux antkropologiques publiés dans difféi^ents recueils.
Bulletin du Muséum d'histoire naturelle, Paris, 1905.
P. 7. E. T. Hamy, Los Tchouang (de la Chine méridionale), esquisse anthropolo-
gique (de trois crânes de rebelles exécutés, recueillis par M. François, près de
Lieou-tcheou-fou, prov. de Kouang-toung. Type indonésien. Ind. céph. : 73,9, 73,3,
82). — P. 70. F. Delisle, L'âge de pierre au Congo (collection de coup de poing, etc.,
recueillie par M. Brumpt près Tumba, station de ch. de fer du Congo Belge, à
187 kil. de Matadi. tête de la ligne sur le Congo inférieur). — P. 285. L. Lapicque,
Note sommaire sur une mission ethnologique dans le sud de Plnde : la race noire
prédravidienne (dont le prototype était petit, crépu, platyrhinen, noir et dolichocé-
phale et dont il ne reste que des métis, tandis que le type « protodravidien » paraît
s'être conservé chez les Toddas). — P. 368. E. T. Hamy, crâne de Métreville (Eure)
(d'une sépulture néolithique; i. c. 76,6).
Bulletin archéologique du Comité des travaux hist. et scientifiques, Paris, 1905.
3' faciscule.
P. 315. G. MiNGAUD, Epingles de l'époque du bronze découvertes à Vers (Gard).
(Grandes, très ornementées, elles contiennent 10 p. c. d'étain).
Annales de l'Institut colonial de Marseille, 13' année (2e sér. t. III), 1905.
P. 1-29. Madagascar en 1756 par Bernard, chirurgien au service de la Compagnie des
Indes (préface de Gaffarel). (Quelques renseignements sur les habitations, les armes,
le vêtement, la superstition des « Madegasses » de Foulepointe, tels qu'ils étaient au
xviH' siècle ; d'après un manuscrit communiqué par le D' Ph. Rey).
Bulletin de la Société philomatique de Paris. 9^ série, t. VII, 1905.
P. 86. V. CaoLLET et H. Neuville, Note préliminaire sur les mégalithes observés
dans le Soddo (Abyssinie méridionale) ; [groupes de pierres levées, portant des sculp-
tures de figures humaines et d'objets usuels, surtout des armes (poignards) ainsi que
des signes idéographiques fort simples : 0, X, >, S ; probablement monuments
funéraires et, acessoirement, objets de culte. Cependant les fouilles n'ont rien
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 509
donné : ni objets, ni squelettes ; l'absence de ces derniers peut s'expliquer par la
nature acide des roches dont sont faits ces monuments (rhiolithes). 12 fig.]
Zeitschrift der Gesellschaft fur Erdkunde, 1906, n» 6 (juin).
P. 426. — Léo Frobenius' Forschungsreie, etc. {Explorations de L. Frobenius dans
la région de Kassaï : 3^ Rapport adressé d'Ikoka à l'Institut K. Ritter le 25 mars 1906.
Voyage dans la région bordière entre le bassin du Congo et le plateau sud-africain ,
le long de Sankourou. Le peuple Mundekete, dont parlent les annales portugaises
du xvie siècle, constitue le groupe ethnique « Ba-louba récent », branche du peuple
Be-Tchouana. Parti du plateau de l'Afrique australe vers le nord avant le xvi" siècle,
il a trouvé dans le bassin du Congo les Bena-Lula et les Bassongué (qui ne sont
autres que les « Balouba anciens ») en train de supplanter les aborigènes du pays :
les Batoua pygmées et les Ba-kete, constructeurs des palafûtes, dont une partie vit
encore à la manière ancienne dans le pays parcouru par le voyageur).
Abhandlungen d. k. Gesellsch. d. Wissenschaften zu Gôttingen. Math. Phys.
klasse. Nouv. sér., t. IV, 1905, 4».
iV» 4. — Max Verworn, Die Archaeolitische Cultur in den Hipparionschichten, etc.
[La culture archaeolithique dans les couches à Hipparion de VAurillac (Cantal). Histo-
riques sur les éolithes et lesarcbaeolithes. Critérium du travail intentionnel. Culture
de l'époque miocène. Subdivisions culturelles de l'âge de la pierre : Éolithique
(pierres sans travail intentionnel), Archéolithique (travail rien que dans la partie à
utiliser), Paléolithique (formes conventionnelles de taille). Néolithique (pierre polie).
Travail fait surtout d'après la collection rapportée par Klaatsch ; fig. et 5 pi.].
Globus, lUustrirte Zeitschrift, etc., t. LXXXIX, Braunschweig, 1906, in-4o.
JV» 1. — Klose, Musik, Tanz etc. {Musique^ danses et jeux dans le Togo; fig.). —
D' Stephan, Anthropologische Angaben etc. {Données anthropologiques sur les Barriai,
Nouvelle Poméranie. Mesures de trois individus; fig., types).
.N° 2. — Karutz, Von Buddhas heiliger etc. [Etudes sur l'empreinte sacrée du pied
de Bouddha. Revue des différentes empreintes, description de celle qui se trouve au
Musée de Lnheck {fig.)]. — S. Weisseisberg, Speiseuud gebâck etc. [Mets et aliments
cuits au four chez les Juifs de la Russie méindionale, au point de vue ethnologique.
Façon de manipuler la viande; défense de certains laitages ; gâteaux sculptés {fig.),
etc.]. — G. Friederici, Der Trânengruss der Indianer {Le salut pleureur chez les
Indiens de l'Amérique du sud et du nord et chez les Andamans. Commisération pour
les peines subies par le voyageur qui arrive?).
N" 3. — GoLDSTEiN, Die Menschenopfer im Lichte etc. {Les sacrifices humains au
point de vue de la politique et des sciences sociales. Motifs toujours réels : faire peur
aux dirigés par les dirigeants ; diminution des bouches inutiles, etc.). — Karutz (D^" R.),
Von Buddhas heiliger etc. {Etude sur Vempreinte sacrée du pied de Bouddha; fin).
iVo 4. — G. Mehlis, Die neolithische Ansiedelung etc. [La station néolithique
près du moulin d' Eyersheim {Palatinat); fig.; des fragments de poterie, avec dessins
géométrique»]. — Friederici, Ueber aines als couvade, etc. {Etude sur une cérémonie
de réincarnation ou d'appellation chez les Tupi, interprétée jusqu'ici comme couvade.
N° 5. — Klosb, Musik, Tanz etc. [Musique, danses et jeux dans le Togo (fin). Chant,
jeu d' « Adi >> analogue à 1' « Uri » des Arabes ; fig.].
N" 6. — C. R. Prâshistoricher Bergbau, etc. {Exploitation préhistorique d'une mine
de cuivre à Mitterberg^ près de Bischofshoven, Alpes de Salzburg). — Biehringer, Die
rJlO BULLETIN BllJl.lOCiHAIMIIQUE.
Sage voii Ilero etc. [La léfjeiide d'Iléro et de Léandre, daus l'Iude, eu Perse, en Alle-
magne, etc.).
N* 1. — R. Lascu, Einige besondere Arten etc. {Quelques modes particuliers de
Vemploi de Vœufdans les croyances et les coutumes populaires; nourriture des morts;
prédictions avec l'œuf; l'œuf symbole de ûançailles et des cérémonies du mariage).
— Passarge, Der paliiolitische Mench etc. {Vhomme paléolithique aux cataractes du
Zambèze dits Victoriafalls. A propos des objets trouvés par Feildén (« Nature »,
t. LXXIII, n° 1882). Leur âge est incertain. Peut-être quaternaires ou récents).
A'» 8. — BiEBEF^, Reiseeindrucke und wirtschaftliche, etc. {Impressions de voyage et
observations d'ordre éco?iomique sur le pays des Gallaet sur Kaffa ; fifj. Monolithes avec
inscriptions de Soddo, les mômes qu'avait décrits Neuville. (Voy. plus haut, Bullet.
Soc. philom.) ; types, armements, etc.). — Zur Baskeukunde {Contribution à létude
des Basques ; à propos de l'ouvrage de Aranzadi).
N' 9. — BîEBEu, Reiseeindrucke, etc. [Impressions de voyage etc. sur le pays des
Galla et sur Kaffa {fin); fig. et carte]. — Schultz, Noch ein, Steinuagel aus Samoa
[Encore un clou en pierre des îles Samoa; fig.]. D'après les remarques de Schemely
{Globus, 1889, p. 211) ce serait un pilon.
N° 10. — K. Sappeh, Der Eiutluss des Menschen, etc. {L'influence de l'homme sur l'as-
pect du paysage au Mexique et dans V Amérique centrale] .
N" il. — Gh. KocH-GRiiNBERG, Kreuz und quer, etc. [Excursions à travers le
Brésil nord-occidental. Indiens Ipurina {fig.); notes ethnographiques : poterie {fig.).,
etc.]. — C. Mehlis, Die Bemalten Kiesei, etc. {Les galets peints de « Bhol » près de
Neustadt dans le Harz, Palatinat. Ils sont analogues à ceux de Mas d'Azil, seule-
ment les dessins sont plus petits ; signes alphabétiformes ? 1 planche, 1 plan et fig.).
— Haherlin, Brennmaterial und Feuerherd {Combustible, bouse du bétail, et les foyers
dans les îles Halligen dans la mer du Nord).
No 12. — A. Andrae, Hausinschriften aus deutschen, etc. {Inscriptions sur les
maisons dans les villes et les villages allemands ; fig.). — J. Rkindl, Die letzten spuren,
etc. [Les dernières traces de V agincullure préhistorique dans la Bavière méridionale.
Culture des plantes que l'on rencontre dans les palafittes : Triticum vulgare L. var.
compactum. Hordeum hexastichus L , etc.)
N° 13. — GuTMANN, Trauer und Begrâbnissitten, etc. {Deuil et funérailles des
Bantou Wadsjagga, étude descriptive). — Rôwer, Bilder von der Gazelle-Halbinsel
{Pages sur la presqu'île de la Gazelle, Nouvelle Poméranie, ancienne Nouvelle-Bre-
tagne ; quelques notes ethnographiques et fig. des types, des sépultures, etc.)
N^ 14. — B. A., Eine religiôse Bewegung, etc. {Le mouvement religieux dans
CAltaï, provoqué parmi les Kalmouks par Tcheta Tchlepanov en 1904. La nouvelle
religion cherchait à accommoder les croyances animistes des Kalmouks d'Altaï avec
un lamaïsme simplifié ; répression sanglante du mouvement par le gouvernement
russe). — Lehmann-Nitsche, Palâoanthropologie {Paléoanlhropologie, leçon d'ouver-
vcrture. Division de cette science).
N^ 15. — Fric, Eine Pilcomayo-Reise etc. [Un voyage vers Pilcomayo dans le Chaco
central; fig. Contient les notes ethnographiques qui font défaut dans le commence-
ment de l'article paru dans le n" 14). — Goldstein, Der Moaotheismus, etc. {Le mo-
nothéisme dii Canada),
No 16. — HÉLÈNE Nieiîus, Zenana-Leben, etc. [La vie du Zénana {gynécée) dans V Inde ;
Description de l'habitation, du costume des femmes hindoues et musulmanes ; bonnes
photogravures],
Memoirs and Proceedings of the Manchester Lit. and Philos. Soc, t. L, 1906.
Mémoire IV. — J. Allan, Battack Printing, etc. [{Uimpression sur tissus dite des
Battac à Java (description du procédé, suivie de notes : sur le Kris malais (distinct
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 511
du « Kouleveng » à un seul tranchant; fabrication); sur le Soumpitan de Bornéo; et
sur le poison Upas (préparation, etc.)].
Biologische Untersuchungen von Prof. D' Gustaf Retzius. Nouv. sér., t. XIII,
Stockholm, 1906, in-fol.
No 15 [p. 117). — G. Retzius, Die Gaumenleisten des Mensechen und der Tier {Les
bourrelets palataux chez l'homme et chez les animaux^ depuis le» Monotrèmes jus-
qu'aux Primates. Cette formation, qui atteint son maximum chez certains Cétacés
(fanons des baleines) et chez les Ongulés, tend à disparaître chez les Pinnipèdes et
chez les Primates. Chez l'homme, les bourrelets existent à l'état fœtal, mais dispa-
raissent en grande partie chez l'adulte; la réduction se fait d'arrière en avant;
chez les Anthropoïdes, la réduction est moins complète que chez l'homme; sous le
rapport de la ressemblance avec ce qui se passe chez l'homme, ils se rangent ainsi :
Chimpanzé, Gorille, Orang.
Verhandlungen d. Naturforschenden Gesellschaft in Basel, t. XVill, n» 2, 1906.
P. 428. — Fr. Sarasin, Bericht uber die Sammlung, etc. {Rapport sur la collection
ethnographique du Musée de Belle, pour l'année 1905. Entre autres : spécimen de
canot en tronc d'arbre creux d'Aegin-See en Suissse ; fig. Masques en bois et autres
objets de la vallée de Lôtsch, Suisse. Armement complet d'un guerrier Bornu avec
la cuirasse et le harnachement du cheval en étotie ouatée, etc.; fig-).
Bulletin de la Soc. Neuchâteloise de géographie, t. XVI, Neuchâtel, 190S.
P. 18. P. GiRARDiN, Les glaciers de Savoie. Étude physique, limite des neiges,
retrait. (Morphologie de la « Savoie massive ». Climat et glaciers. Oscillations pério-
diques : grande extension vers 1818, puis un second maximum en 18o5-S6, et une
nouvelle crue vers 1890). — P. 49. P. H. Trilles, Proverbes, légendes et contes
Fang (La race des Fang ou Pahouins. Ce dernier nom n'est que la corruption par
les M'PoDgoué du mot Faog. Ils se divisent en B'Osyebas, auxquels se rattachent
aussi les Mekrouk, et eu Fang prop. dits qui comprennent les tribus de Meke, Bétsi,
Mvengé et Boules. Ils sont plusieurs millious d'anthropophages, entre 6® lat. N.-
2° lat. S. et 70-13° long. E. La langue, de la famille bantou, possède des clics.
Religion : '< Nzam » ou être suprême. Adègne ou maison commune. Texte et tra-
duction de plusieurs proverbes, légendes et chants). — P. 296. A. Schenk, Notes sur
dix crânes du (uord du) Congo français. Tribu des Yeveug; race des Fang (10 ca-
lottes crâniennes peintes en rouge, appartenant à huit générations de la famille
Mvongé; i. c. moy. : 74 pour les hommes et 75,4 pour les femmes.
Ânnals of thô New-York Academy of sciences, t. XVI, part 2, [1905].
P. 97. Waldemar Jochelson, Essay on the Grammar, etc. [Essais d'une grammaire de
la langue des Youkaghirs, avec la carte de la distribution des deux dialectes de cette
langue, aujourd'hui et jadis. La langue possède surtout des suffixes, mais aussi des
préfixes ; autres différences d'avec les langues ouralo-altaïques et rapprochements
avec les langues américaines). — P. 155. M. Fisuberg, Materials for the physical, etc.
[Matériaux pour l'Anthropologie physique des Juifs de l'Europe orientale) (1).
Field Columbian Muséum. Anthropological Séries, Chicago, 1905.
T. 17, 71° 2 {public, ??» 97). — M. R. Voth, Oraibi natal customs, etc. (Les coutumes
(1) Voy. l'analyse dans « L'Anthropologie », 1906, p. 178.
^12 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
qui accompagnent la naissance chez les Oraibi, Indiens Hopi. Soins donnés au nouveau
né; le nom; cérémouies et croyances, etc.;/î^). — No 3 {publ, 100). M. R Voth
Hopi proper names elc. [Les noms propres chez les Hopis, groupés par clans avec
l'explication de leur signification). - T. IX, u<-« 1 et 2 {publ. 99 et 103). ^ G. Dorsey,
ïhe Cheyenne [Les Cheyennes : 1. Organisation des cérémonies. Tentative de la recons-
titution de l'organisation sociale primitive des Cheyennes d'après les cérémonies et
les mythes; nombr. pi. d'après les artistes indigènes. 2. La danse du soleil (Descrip-
tion détaillée jour par jour. iNomb. pi.]. j, Deniker.
Le Gérant : P. Bouchez.
Angers. — Imp. A. Burdin et Ci«, rue Garnier, 4.
MÉMOIRES ORIGINAUX
RËdHËRCHES SUR mmU RLËS ANCIIS
PAR
MM. C ETj. COTTE
Nous avons pu mettre à jour, à l'abri de la Font-des-Pigeons
(Châteauneuf-les-Martigues), un certain nombre de débris végé-
taux (1) carbonisés, parmi lesquels se trouvaient des grains de blé
qui nous ont paru mériter un examen approfondi. Nous avons éga-
lement reçu de M. Pistât, de Bézannes, des échantillons de blé
gaulois et de M. Pages- Allary, de Murât, des grains alimentaires
provenant de la station du Rocher-de-Laval (2).
A la Font-des -Pigeons (3) nos fouilles, minutieusement con-
duites, nous ont permis de recueillir les grains de blé qui étaient
épars dans la couche archéologique à des hauteurs très diverses.
Nous n'avons pas eu la bonne fortune de rencontrer les amas de
végétaux des palafittes ou les vases contenant encore leurs provi-
sions qui enrichissent certaines collections; mais nos découvertes,
pour fragmentaires qu'elles aient été, ne nous ont pas moins
montré des faits intéressants.
Comme les autres débris carbonisés, les grains de blé étaient en
général admirablement conservés. Aussi sommes -nous surpris que
les céréales n'aient pas été encore trouvées dans les abris du sud-
est de la France; il est probable que Tattention des archéologues
n'avait pas été suffisamment attirée par ces menus fragments de
charbon, disséminés dans la terre, et que l'on ne recherchait d'ha-
(1) Voir G. et J. Cotte. Note sur l'ancienaeté du pin d'Alep en Provence {BulL
tiéun. Biol. Mars., in : C. R. Soc. BioL, t. LV, p. 5o9, 1903).
(2) M. Pagès-AUary a fait sur cette station une communication au Congrès de l'A.
F. A. S. à Grenoble, 1904.
(3) M. Baudouin nous a accordé le droit de fouille dans ses propriétés avec une
amabilité dont nous tenons à le remercier.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 33
514 C. KT J. COTTE.
bilude que dans les palafittes et les terramares. Nicolas a bien
signalé l'existence de graines diverses dans un dolium trouvé dans
les environs d'Arles, mais il s'agit là de restes de Tépoque histo-
ri(jue, dont l'étude n'a d'ailleurs pas été approfondie.
Dans l'abri dont nous nous occupons, les grains, avons-nous dit,
sont généralement épars, témoignage, pourrait-il sembler, que
c'était là une denrée abondante et de peu de valeur. Par endroits,
cependant, la récolte est plus fructueuse pour l'archéologue, et
nous avons en mains deux mottes de terre assez riches en débris
de blé. Nous avons cru reconnaître que ces derniers débris, moins
bien conservés qu'à l'ordinaire, avaient été autrefois bouillis. Nous
nous expliquons ainsi facilement leur accumulation en un même
point : nous serions en présence d'une pâtée renversée.
Les déformations produites par l'ébullition se retrouvent d'ail-
leurs avec la plus grande netteté sur plusieurs grains de notre col-
lection. Ce mode de cuisson paraît avoir été assez généralement
employé à la Font-des-Pigeons, ainsi que l'un de nous Ta déjà
fait remarquer (1).
Comme autre déformation on peut également noter un grain à
demi écrasé dont les téguments, en partie entraînés et légèrement
soulevés, laissent apercevoir les tissus profonds qui tranchent par
leur aspect brillant. D'autres exemplaires possèdent des orifices de
sortie faits par des insectes parasites. Nous citons ces faits comme
exemples de la perfection avec laquelle les plus petits détails peu-
vent être conservés. Pour les apercevoir il est souvent nécessaire
d'examiner des restes végétaux recueillis depuis plusieurs mois au
moins, car la gangue de terre mêlée de cendre qui les enveloppe au
moment de leur exhumation se détache peu à peu. C'est ainsi qu'un
noyau du môme gisement, lisse en apparence quand nous l'avons
découvert et que nous avions cru (2) pouvoir rapporter à un cerisier
[Cerasus sp.), laisse apercevoir maintenant les rugosités de sa sur-
face qui permettent de l'attribuer avec certitude au Prunus spi-
nosa.
La carbonisation semble avoir également respecté la dimension
primitive des grains ; on observe en effet des échantillons présen-
tant des tailles très variables, ainsi que le fait se produit dans les
(1) Ch. Cotte. La carie dentaire et ralimentation dans la Provence préhistorique*
L'Homme préhistorique, t. 111, 190j.
(2) C. et J. CoTiE, loc. cit.
RECHERCHES SUR QUELQUES BLÉS ANCIENS. 515
récoltes modernes quand elles n'ont pas été débarrassées de leurs
grains mal venus (fig. 1 (1)).
Leur parfaite conservation permet d'étudier la forme des
semences en elle-même, puisque malheureusement nous ne pou-
vons pas baser nos recherches sur des fragments d'épis, ainsi qu'il
a été possible de le faire dans les palafittes.
L'œil est tout de suite frappé, à Texamen de nos collections pré-
historiques, par une sailhe exagérée existant sur la face dorsale
d'un grand nombre de grains de blé, qui sont en même temps courts
et trapus. Leur face ventrale est élargie, traversée par une fente
peu profonde et assez large ; aussi sont-ils souvent échancrés aux
deux extrémités. Leur longueur moyenne est de o à 6 mm., leur
largeur de 3 à 4 mm. (fig. 1, 2, 3).
Nous les avons comparés à un certain nombre de variétés de
froments ; la collection que nous en avons formée a été composée
FlG. 1.
principalement de types classés scientifiquement par M. Vilmorin-
Andrieux, et d'échantillons commerciaux étrangers fournis par
M. Martel, négociant à Marseille. Nous leur en exprimons notre
reconnaissance. Sur aucun des blés actuels en notre possession
nous n'avons observé une exagération de la saillie dorsale pareille
à celle qui existe sur certains grains de la Font-des-Pigeons.
D'autre part la fréquence de ce caractère sur des semences, grandes,
moyennes ou petites, de l'abri dont il s'agit permet d'y voir autre
chose qu'une simple malformation. La coexistence de la gibbosité
dorsale, de la forme courte et trapue du grain, de la largeur de la
face ventrale, forme l'ensemble des caractères extérieurs habituels
aux caryopses du Triticum turgidum^ considéré dans ses diverses
variétés, et qui se retrouve à un degré bien moins élevé dans les
races de T, compactum que nous avons pu étudier (2). Aussi
(1) Les dessins ont été faits à la chambre claire.
(2) En employant ce nom de T. turgidum nous n'entendons pas désigner ainsi
une espèce distincte, ainsi que l'avait fait Linné; on admet plutôt maintenant qu'il
s'agit d'une sous-espèce de T. sativum Lam. D'une manière générale, nous avons
518 G. ET J. COTTE.
('teinte, s'éloigne du l)lé ordinaire autant que le font le ble poulard
et le ble dur.
Nous nous demandons pourquoi Hecr n'a pas essayé de rappro-
cher cette variété, du blé poulard à gros grains qu'il signalait dans
les mêmes gisements. Il s'est certainement laissé guider par un
caractère très saillant, qui est la présence de la barbe, constante
chez les blés poulards actuels et en partie conservée dans l'épi
de T. turgidwn de Robenhausen ; l'absence de celle-ci chez les
épis du petit blé des palafittes a servi de base à sa classification.
Nous ne croyons pas que Ton puisse accorder une telle importance
à cet appendice qui, nous le savons, tombe au moment de la matu-
rité chez un certain nombre de variétés actuellement cultivées du
T. turgidum [pétanielle blanche, pétanielle noire de Nicey etc.) ; n'ou-
blions pas aussi que chez le blé de miracle proprement dit ce carac-
tère possède une signification encore moindre puisque les barbes y
sont courtes et peu nombreuses. Nous ignorons jusqu'à quel point
la présence de ce moyen de protection peut-être une caratéristique
dans le temps et dans l'espace des diverses variétés du T, turgidum^
et l'on sait que chez une sous-espèce voisine T. vulgare Vill. , la barbe
a pu être perdue ou acquise avec une certaine facilité,
Nous estimons qu'il faut tenir compte davantage de la coexistence
chez le petit blé des palafittes de deux caractères généralement
donnés pour baser la diagnose des blés poulards : la forme du
grain, et principalement cette carène saillante bien marquée sur
toute la hauteur de la balle. Cette arête tranchante, sur laquelle
Heer insiste dans sa description, est parfaitement visible sur ses
dessins si consciencieux (fig. 14 à 16 de sa planche). Les dessins
des grains isolés sont malheureusement bien moins instructifs, car
ils sont à trop petite échelle et ne donnent pas de vue de profil; il
est donc impossible de savoir si les grains étudiés par lui présen-
tent la gibbosité exagérée que nous avons fait remarquer plus haut
sur le froment de la Font-des-Pigeons.
En résumé, il est logique d'admettre avec Heer que son petit
blé des palafittes se distingue nettement du T. vulgare Vill. type,
mais il semble aussi qu'il n'y a pas lieu d'en faire une sous-espèce
du blé tendre et de conserver le nom de T. vulgare antiquorum. Il
est impossible de le classer parmi les diverses races de T, sativum
compactum, car la carène des enveloppes n'existe chez celui-ci que
dans leur partie supérieure, caractère qui lui est commun avec
T. vulgare. Ce petit blé doit donc être rapproché des autres variétés
RECHERCHES SUR QUELQUES BLÉS ANCIENS. 519
de blé poulard ; il prendrait alors le nom de T. turgidum antiqiio-
rum. Par la dimension de ses épis, tout d'abord, par la forme de
ses enveloppes ainsi que par la taille moyenne de ses grains, cette
variété se distingue nettement de celle que Heer avait déjà attribuée
au T. turgidum.
Sur le blé moyen des palafittes nous avons bien peu de renseigne-
ments ; Heer a signalé seulement quelques épillets de Robenhau-
sen, composés de trois fruits mûrs et qui semblent rte pas avoir été
barbus. Les grains sont longs de 6 à 7 mm., larges de 3 à 4,4 mm.,
bien voûtés sur le dos. Il a assimilé ce blé au Binkelweizen, variété
de T. compactiim actuellement cultivée, et lui a donné le nom de
T. vulgaire compactum muticiim. 11 est difficile de se faire une opi-
nion précise sur les rapports de cette variété, d'après les dessins
fournis. Toutefois les enveloppes semblent posséder une carène
dorsale, bien accentuée dès leur base, et c'est là, nous le savons,
un caractère anatomique commun aux blés poulards et aux blés
durs. La forme des grains permet, ici encore, d'exclure immédiate-
ment tout rapprochement avec les blés durs, sans que nous puissions
trouver sur les dessins des renseignements suffisants pour nous
permettre d'attribuer définitivement le blé moyen des palafittes au
T. compactum plutôt qu'au 7. turgidum.
Heer semble encore s'être basé surtout sur la taille des grains, in-
termédiaire entre celles de ses deux variétés précédemment étudiées.
Ce caractère mis à part, il est difficile de distinguer certains grains
de blé moyen représentés dans la figure 19 (c, /) de ceux que Ton peut
voir classés sous le nom de T. vulgare antiquorum au musée d'An-
necy et provenant de Mosseedorf. Cette station est citée par Heer
comme ayant fourni du petit blé des palafittes, ce qui nous permet
d'avoir confiance dans la détermination des échantillons d'Annecy.
Dans les deux cas la gouttière est profonde, le grain est large,
échancré à ses extrémités et semble en quelque sorte bilobé.
Bien différent est un T. vulgare antiquorum que l'un de nous a
pu voir au musée de Lausanne ; la taille de ce blé semble devoir le
faire ranger plutôt avec le blé moyen de Heer. Il en est de môme
pour du blé de Wangen, bien voûté et fortement échancré, qui
est conservé au musée de Genève. Dans ce dernier musée se trouve
aussi, au milieu d'autres, un« gros froment » provenant d'échanges,
qui a de bien grands rapports avec le gros blé des palafittes de
Heer, et un « petit froment », provenant aussi d'échanges, de
dimensions intermédiaires entre celles du petit blé et du blé moyen
des palafittes.
)20
C. ET J. COTTE.
Bien que d'origines diverses, les échantillons dont nous venons de
parler présentent des caractères analogues, permettant d'établir
entre eux des liens de parenté, et leur nombre semble bien venir
corroborer les déductions que nous avons cru pouvoir tirer des
descriptions données par Heer.
Les blés poulards auraient donc été fréquemment cultivés aux
temps préhistori(|ues. On sait que ce sont des blés d'automne, qu'ils
sont assez sensibles au froid, ce qui limite leur culture actuelle; nous
voyons cependant la Nonnette de Lausanne continuer à jouir d'une
certaine faveur dans la terre classique des palafittes. Ce qui les fait
estimer par les agriculteurs modernes, c'est leur résistance aux
maladies cryptogamiques, leur rusticité habituelle et leur produc-
tivité, qualités qui devaient être précieuses pour des populations
primitives, mais qui sont contrebalancées aux yeux de nos contem-
porains par la qualité inférieure du grain qu'ils fournissent.
Le r. turgidmn n'était pas le seul connu des anciens agriculteurs.
Nous ne savons pas s'il faut accepter sans réserves l'attribution à
cette sous-espèce de certains échantillons du lac du Bourget, con-
servés au musée de Chambéry, car la voussure des grains nous a
paru bien peu marquée. Elle est certainement aussi nette chez un
certain nombre de races actuelles de blé tendre. C'est d'ailleurs
sous le nom de T. vulgare que sont exposés dans le même musée
d'autres grains, de la même provenance, très allongés et très peu
renflés ; certains échantillons ont même la face dorsale légèrement
excavée. Le musée de Genève possède également du blé, en fort
beaux grains, qui nous paraît devoir être rapporté au blé tendre.
Notre collection de végétaux de l'abri de la Font-des-Pigeons
renferme, à côté du blé poulard sur lequel nous avons insisté, des
grains de forme allongée dont nos dessins (fig. 4 et 5) donnent
une idée suffisante (1). Il serait imprudent sans doute de vouloir
(1) Au muséum d'Aix-en-Provence sont exposés des végétaux carbonisés qui,
d'après l'étiquette, proviennent de Robenhausen. Cette indication doit être exacte
car Mii« Rostan, qui a légué ces objets à la ville d'Aix, faisait ses acquisitions chez
RECHERCHES SUR QUELQUES BLÉS ANCIENS. 52*
les rattacher comme types aberrants au T, turgidiim, dont les dif-
férencie le seul caractère que nous puissions utiliser en l'absence
des enveloppes, la voussure dorsale, et ce serait, semble-t-il, vou-
loir admettre pour le 2\ iurgidum de Ghàteauneuf une amplitude
de variations vraiment exagérée que de lui attribuer des grains
aussi allongés. La forme générale est celle d^un certain nombre de
variétés de T. sat, viilgare. Le T. sat. diirum qui d'ailleurs, d'après
de CandollC;, n'est connu dans nos régions que depuis l'ère chré-
tienne, est à la fois fortement allongé et pointu : nous n'aurons pas
à nous occuper de lui, non plus que des épeautres dont les balles
seraient certainement restées adhérentes aux grains, au moins sur
quelques échantillons. On comprendra facilement qu'en l'absence
d'épis et même d'enveloppes nous n'ayons pas essayé de comparer
nos exemplaires isolés aux races actuellement cultivées. Leur
forme est d'ailleurs très variable ; la cause peut en être dans l'insuf-
FiG. 5.
fisance de fixité de la race de T. vulgare dont les populations de
Ghàteauneuf nous ont laissé des témoins, ou bien dans des métis-
sages, peut-être suivis de variation désordonnée, avec le blé pou-
lard qui l'accompagne. Mais peut-on parler de métissage du blé en
dehors de l'intervention voulue de l'homme et peut-on attribuer à
l'homme de cette époque la connaissance d'une opération aussi déli-
cate?
Nous n'osons pas nous prononcer non plus sur les affinités du
grain allongé qui est représenté dans la figure 6, et qui provient
du même gisement que les précédents, où il n'existe qu'à Tétat de
rareté.
Il est regrettable que nous manquions d'indications sur les ins-
truments de culture de la population néolithique de Ghàteauneuf,
Stiier. Malheureusement on ne peut affirmer que ces végétaux ne soient pas le
mélange de produits de fouilles faites en des points différents. Il est cependant
intéressant de constater la présence simultanée de grains nombreux rappelant celui
de la Qgure 5 pour Timportance de la voussure, alors que d'autres se rapprochent de
ceux des figures 2 et 6.
522 C. ET J. GOTÏE.
(jiii aj)partiont à une époque antérieure, sans doute, à celle pendant
la(]uellc a lleuri la civilisation mégalithique de la région. L'un de
nous a décrit (1) un fragment de tibia de bœuf, taille en biseau et
paraissant avoir servi à creuser la terre; les cornes de cerf, qui ont
fourni beaucoup d'instruments agricoles des palafittes, ne sont
encore représentes à l'abri de la Font-des-Pigeons que par deux
extrémités d'andouillers non travaillés. En revanche les meules et
les molettes sont très nombreuses dans la station.
Dans cette dernière nous n'avons pu caractériser avec certitude,
comme animaux domestiques, que le bœuf, le porc et la chèvre. A
cote du nom du mouton il faut mettre un point d'interrogation.
Les marques laissées par les dents de carnassiers sur quelques
ossements sont de tailles très variées ; en outre elles sont relative-
ment rares dans notre collection, bien que nous ayons ramassé avec
soin un grand nombre de débris ostéologiques pour les laver et les
FiG. 6.
examiner à loisir ; aussi pensons-nous qu'elles ne sont pas dues au
chien domestique. Parmi les végétaux cultivés nous ne pouvons
signaler que le blé. Un examen approfondi de fragments qui res-
semblaient à de Torge nous amène à croire que le froment était la
seule céréale cultivée à cette époque aux bords de l'étang de Berre.
Il semble donc, en l'état actuel de la question, que ces antiques
Provençaux étaient dans un état de civilisation plus incomplet que
les habitants de Robenhausen.
Il est difficile de se faire une opinion ferme sur les variétés
actuelles auxquelles il conviendrait de rattacher les deux autres
blés que nous avons à étudier.
Les grains recueillis par M. Pistât dans les loyers gaulois de la
Marne sont généralement allongés, certains même sont extrême-
ment étroits.
Vus de profil, ils ont leurs deux extrémités atténuées, parfois
(1) Objets en pierre et en os de l'abri de la Font-des-Pigeons. Congrès de VA. F.
A. S., 1904, 2e vol., p. 968.
RECHERCHES SUR QUELQUES BLÉS ANCIENS. 523
même pointues, et leurs deux faces sont; convexes. Un certain
nombre d'entre eux sont fortement comprimes latéralement, ce qui
a déterminé la formation d'une voussure dorsale qui prend presque
la forme d'une carène. La section du grain (A) a alors la forme d'un
triangle à angles arrondis dont le plus petit côté est parfois consti-
tué par la face ventrale. Mais tandis que les épeautres et la majorité
des blés durs ont une sorte d'arête vive qui borde cette dernière
face de chaque côté, sur notre blé gaulois les lèvres de la fente du
grain sont presque toujours à section arrondie. Cette fente est très
étroite. Les dimensions du grain sont en moyenne de 5 à 6 mm.
pour la longueur, et pour'la largeur de 2 à 2°'",5.
Nous n'avons pu identifier ce blé avec aucune variété moderne,
cependant certaines races de T. sat, vulgare et de T. sat. compac-
tum offrent avec lui des analogies assez marquées. Le blé connu
dans le commerce sous le nom de Tendre red winter est celui qui
FiG. 7.
s'en rapprocherait le plus, néanmoins les échantillons que nous en
avons ne présentent pas des flancs aussi comprimés et une région
dorsale aussi proéminente que dans le froment gaulois.
Ce dernier paraît donc nettement distinct des blés préhistoriques
que nous avons passés en revue. Il renferme quelques grains très
allongés, parfois à face ventrale aplatie, qui n'ont pas le moindre
point de ressemblance avec les blés de notre collection ; au contraire
ils sont absolument identiques aux graines d^yEgiiops ovata que
nous avions récoltés en vue de cette étude. Nous n'osons tirer
aucune conclusion de ce fait^ d'autant plus que certains exemplaires
semblent établir une transition entre les formes extrêmes de ce lot
de grains. Ceux que nous avons étudiés en premier lieu sont en réa-
lité de formes et de tailles assez variables, ce qui semble indiquer
(}ue nous avons affaire à une race présentant des variations éten-
dues.
La dernière récolte qu'il nous reste à étudier est celle que
M. Pagès-Allary a faite à la station du Rocherde-Laval. Elle pré-
524 C. ET J. COTTE.
sente des caractères absolument originaux. On ne peut espérer la
rencontrer sur nos marchés, d'où l'exclueraient ses dimensions
extrêmement réduites. Il ne s'agit cependant pas de grains mal
nourris : ils sont au contraire bien pleins, bien formés, sans aucune
ride. La région dorsale est assez régulièrement convexe, et les
extrémités très obtuses ; la région ventrale, plane dans son
ensemble, est échancrée à ses extrémités et coupée dans son
milieu par une fente étroite et peu profonde que limitent deux
lèvres à faible convexité. Si ce n'était cette saillie des lèvres, il serait
possible de comparer ces caryopses à des grains de café. Certains
d'entre eux cependant, tout en conservant la même allure géné-
FiG. 8.
raie, prennent une forme beaucoup plus allongée et s'écartent nota-
blement du type.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, leurs dimensions sont très
réduites : la longueur moyenne est de 4 mm. et la largeur de 2°"°,5
en général.
Ce caractère fait songer immédiatement au petit blé des palafittes ;
on pourrait également voir une analogie entre ces deux races dans
les échancrures des extrémités et dans l'aspect comme bilobé de la
face ventrale, mais la voussure de la région dorsale permet de dif-
férencier complètement les deux blés. Il nous paraît certain qu'il
s'agit d'une variété non encore décrite appartenant au T. sat. md-
qare et, cette fois encore, complètement éteinte en Europe alors
qu'elle y était cultivée durant notre ère.
NOTES
SUR LES
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENNES
PAR
M. LE Lieutenant DESPLAGNES
(avec 2 planches)
La connaissance plus approfondie que nous avons acquise, pendant
ces dernières années, des populations soudanaises, par l'observa-
tion de leurs mœurs et coutumes, par le recueil de leurs légendes
et traditions, par Fétude de leur langage; enfin les dernières décou-
vertes archéologiques et la comparaison des monuments préhisto-
riques trouvés tant au Soudan, au Sahara, en Guinée qu'en Ethiopie
et en Nubie, permettent actuellement de discerner vaguement l'ori-
gine de quelques-unes des grandes migrations qui ont amené sur les
bords du Niger moyen ces divers groupements ethniques de types
si différents, dont les éléments, plus ou moins métissés et mélangés
parles événements politiques, occupent par leurs clans ou confédé-
rations notre Empire soudanais.
*
Les premières traces d'Humanité retrouvées jusqu'à ce jour sur
les bords du Niger appartiennent toutes à la période néolithique
africaine.
L'observation des nombreux ateliers laissés par les primitifs sur
les berges de la branche orientale du Niger, sur les émergences de
la région lacustre, enfin sur les bords des oueds sahariens et des
dépressions de l'Azaouad, démontre que pendant cette période le
climat, bien plus humide que de nos jours, fournissait à ces popu-
lations des ressources suffisantes. Toutefois il apparaît que déjà à
cette époque la grande région lacustre nigérienne avait trouvé un
déversoir par la faille de Tosaye, et que le cours oriental du Niger
recevait comme tributaire l'Oued Telemsi, collecteur des massifs de
FAdrar, roulant encore des eaux abondantes et poissonneuses.
Dans les débris des foyers et des cuisines, nombreux parmi les
l'anthropologie. — T. xvn. — 1906.
526 M. DESPLAGNES.
ateliers, s'observent beaucoup d'ossements de poissons, de san-
gliers, d'antilopes, mêlés à des fragments de vases en pierre, en
jaspe, et à quelques ornements en agathe, en silex ou môme en
terre cuite. Tout autour sont éparpillés une grande quantité de
ptîtits instruments : couteaux, burins, retouchoirs, racloirs, grat-
toirs, pointes, perçoirs, poinçons et lames à dos rabattu, avec
les rognons de silex qui ont servi à les produire. Ces silex pro-
viennent de l'Adrar oriental et des massifs sabariens. Les gros
instruments sont plus rares dans les ateliers eux-mêmes car, à part
quelques bacbettes, ciseaux, gouges de petite taille, on ne trouve
en surface que des broyeurs concasseurs de formes variées, avec
des meules dormantes. En revancbe, les grandes bâches, massues,
marteaux, ciseaux sont disséminés abondamment aux environs
et dans les cimetières des nomades. Ils proviendraient en grande
partie, au dire des indigènes, de sépultures néolitbiques situées
dans les massifs de l'Adrar, où les cadavres des primitifs seraient
accroupis dans les cavernes, entourés de tout un mobilier de l'âge
de la pierre polie soudanaise.
On peut remarquer que les sépultures retrouvées au milieu des
ateliers contiennent également des corps accroupis recouverts par
un vase renversé entouré d'un petit cercle de 4 à 5 pierres, couron-
nant un léger tertre funéraire (1).
La poterie, en effet, est apparue pendant cette période néolitbique ;
car on en trouve de nombreux fragments mêlés aux cendres des
foyers, et ornés d'une décoration variable, en creux ou en relief.
Cet âge de la pierre polie africaine nous a également laissé dans
la région lacustre nigérienne quelques curieux monuments méga-
lithiques. Ce sont ces groupes si caractéristiques de monolithes
polis, cylindro- coniques, ornés de sculpture, généralement attribués
par les traditions aux Bosos, premiers pécheurs du grand fleuve.
Si nous comparons les objets recueillis et les monuments
observés dans notre Soudan nigérien, avec ceux retrouvés dans les
différentes parties de l'Afrique du Nord, en ces dernières années,
nous sommes obligés de constater d'étonnantes similitudes, et cer-
tains rapprochements paraissent s'imposer à l'esprit. M. l'adminis-
(1) Des sépultures de ce genre ont été trouvées dans la province de Constantine.
M. Cristy a fouillé en 1863 « 14 cromlechs qui étaient des tombeaux. Le cadavre
y avait été déposé dans une position assise, accompagné quelquefois d anneaux de
cuivre ou de fer, de silex travaillés et de fragments de poteries w {Recueil de no-
lices el mémoires de la Société Archéologique de la province de Constantine, 1863,
page 214.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENNES. 527
trateur Arnaud vient de signaler au Tag'out, dans le Sud de la Mau-
ritanie, des groupements de pierres levées et des figurines ru-
pestres (1).
Sur les plateaux éthiopiens, la mission du Bourg de Bozas a ren-
contré des monuments litliiques semblables à ceux qui furent élevés
sur les bords des grands lacs nigériens. Enfin le capitaine Duche-
min a découvert en Gambie, soit isolés, soit accompagnant des
tumuli, des monolithes qui paraissent également avoir une grande
analogie avec les précédents.
Les petits instruments de l'âge de la pierre polie récoltés au
Somal, en Abyssinie et sur les plateaux éthiopiens par les missions
Revoil et du Bourg de Bozas, en ce moment étudiés par le D'" Delisle
au laboratoire d'Anthropologie du Muséum, présentent de grandes
similitudes de forme et de travail avec les pointes de lances, les
couteaux et les lames à dos rabattu de nos ateliers soudanais.
Quant à l'outillage néolithique récolté dans les ateliers des environs
de Timbo (Haute Guinée) par M. l'administrateur P. Guebhard, il
est exactement semblable à celui des plaines nigériennes. Les frag-
ments de poteries trouvées dans le désert Somali, dans le Sahara
et sur les bords du Niger sont également de composition et de fac-
tures identiques. Elles ont été obtenues, comme M. le D'" Hamy
et M. Hébert l'ont si judicieusement fait observer au musée du Tro-
cadéro, en poussant de la terre dans des nattes faites en feuilles de
palmiers Doums (Cucifera Thebcdca). Cette méthode est encore
employée par les Songhoï, les Sorkos et les primitifs soudanais de
l'Est. De même les pointes de flèches soudanaises se rapprochent
beaucoup de celles que l'on trouve bien plus au Nord dans les oasis
sahariennes.
Quelques-uns des instruments les plus caractéristiques du Néoli-
thique de cette région restent encore en usage chez certaines
populations noires des rives Est du Niger, à l'exclusion des derniers
conquérants du pays. Ce sont les broyeurs, pilons, cylindres écra-
seurs et les formes variées des meules dormantes que E. F. Gau-
tier a trouvés si abondamment sur les pentes de l'Adrar.
Enfin, dans la décoration de Tâge néolithique, un motif très parti-
culier, signalé par M. le D*^ Hamy sur les fragments de poteries
récoltés au milieu de Toutillage préhistorique delà grotte de Kakimbo
à Rotoma, près de Konakry (Guinée française), dessin représentant
(1) Bullei. de ta Société d'Anthropologie de Paris, 1906, n° 2.
528 M. DESPLAGNES.
une espèce de digitation inégale (^t imbriquée en désordre, a été
retrouvé dans l'ornementation d'une poterie funéraire surmontant
une des tombes d'un tumulus du Yagba (Haut Dahomey), puis sur
une des grandes pierres cylindro-coni({ues du monument lithique
de Tondidarou (pi. II, fig. 1), dans la région lacustre nigérienne.
Enfin, un motif ornemental analogue a été observé dans des débris
de poteries d'un ancien atelier de « noumou » près de Bamako ; il
figure dans les dessins rupestres de Sangoi (pi. III, fig. 2) et reste
encore employé de nos jours dans les broderies indigènes du
Haoussa et du Mossi.
Decet ensemble de faits et de constatations, il n'est peut-être pas
trop prématuré de supposer que, vers la fin du Quaternaire, une
civilisation néolithique assez avancée régnait sur toute la région
saharienne et soudanaise actuelle, de la mer Rouge à l'Océan
Atlantique. Cette civilisation était probablement très voisine, si
elle ne s'assimilait pas complètement, à celle des races éthiopiennes
qui, d'après M. Blanckenhorn(l), auraient peuplé l'Egypte à l'époque
quaternaire. En effet, dans cette partie du globe on constate que la
distinction entre le Paléolithique et le Néolithique est bien moins
marquée qu'ailleurs, et on a été conduit à l'hypothèse, d'après les
observations sur les ateliers, les outillages et les divers documents
récoltés, que les Paléolithiques et les Néolithiques d'Egypte étaient
apparentés les uns aux autres et appartenaient peut-être au môme
peuple. Us représentaient la partie la plus progressive du tronc
hamitico-libyen qui, venu d'Arabie, peuplait le nord de l'Afrique
et qui a occupé temporairement les îles grecques et les côtes sep-
tentrionales de la Méditerranée avant la période mycénienne.
Ces Néolithiques différaient, par leurs caractères physiques et par
leurs mœurs, des populations qui ont dominé l'Egypte pendant l'é-
poque historique : les envahisseurs Sémites-sumériens, qui, venus
des vallées de l'Euphrate aux temps préhistoriques, se mélangè-
rent aux autochtones en leur apportant la connaissance de l'agri-
culture, de la construction, de la métallurgie et de l'écriture.
D'après Schweinfurth, ces Néolithiques éthiopiens se rattache-
raient aux populations nubiennes, en particulier auxBegaou Bedjas.
Ils seraient venus du Sud et du Sud-Est et auraient habité avant
d'arriver en Egypte les déserts arabiques et libyques dont le climat
était encore humide.
Ils avaient des instruments en silex et en jaspe, des vases de
(1) Voir V Anthropologie, t. XVI, n» 6, 1905.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGERIENNES 529
pierre, ils connaissaient la poterie, mais toujours ignorèrent l'art de
construire des maisons et la confection des briques. Nomades
vivant de chasse, ils brûlaient les corps de leurs chefs, tandis que
ceux des autres personnes étaient enterrés en position fléchie.
De nombreux rapprochements semblent donc s'imposer entre les
Néolithiques égyptiens et nos Néolithiques soudanais et sahariens
de la fin du Quaternaire; mais toutes ces présomptions et ces proba-
bilités ne peuvent devenir des certitudes que lorsque, dans les ateliers
soudanais, les études stratigraphiques des gisements et les obser-
vations craniométriques des documents découverts établiront scien-
tifiquement les corrélations existantes entre ces types humains pri-
mitifs et les périodes géologiques pendant lesquelles ils vécurent.
II
Parmi le métissage extraordinairement varié des différents grou-
pements poKtiques de notre Empire soudanais, onretrouve, dans cer-
taines castes d individus et même dans quelques tribus, des survi-
vances de traditions, coutumes, mœurs, industrie, qui semblent
devoir nous les faire rattacher aux Néolithiques soudanais et nous
autorisent à prendre en considération les légendes, qui attribuent à
leurs ancêtres directs la construction des grands monuments mégali-
thiques nigériens.
Les tribus et les familles qui, de nos jours, ont conservé un très
grand nombre de points communs avec les Néolithiques sont répar-
ties sur les bords du Niger, du Sénégal et de leurs affluents; on les
retrouve dans toutes les régions montagneuses et boisées du pla-
teau central soudanais, du Mossi, de la Guinée, mais elles existent
également dans tout le Soudan, plus ou moins métissées et réduites
à Tétat de castes industrielles.
Ce sont de grands beaux hommes, de teint très noir, au progna-
thisme peu prononcé, caractérisés par des jambes longues. Us habi-
tent presque tous des huttes rondes, paillottes en forme de ruches,
dont la membrure est constituée par des perches flexibles fixées
dans le sol et réunies au sommet. C'est ce genre d'habitation que
nous retrouvons à travers toute l'Afrique, de la mer RougeàlWtlan*
tique ; il est employé par les Somali, Danakil, les peuples de l'Ethio-
pie et du Chari (D"" Decorse)^ parles riaoussas,les Songhoï, les Mossi,
les pêcheurs des grands fleuves soudanais, enfin par certaines castes
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906. 34
530 M. DESPLAGNES.
sénégalaises comme les Laobé, Diawando, N'Dao (pi. III, fig. 6).
On peut toutefois faire remarquer que dans la boucle nigérienne,
au contact des populations qui emploient des cases cylindriques en
terre surmontées d'un toit conique, des groupements de ces primi-
tifs ont souvent adapté sur leurs ruclies ovoïdes, des toits coniques
et un léger revêtement intérieur en terre.
Les dialectes de ces descendants des primitifs appartiennent à
des idiomes isolants avec tendance à la flexion et par là se rappro-
chent des langages éthiopiens.
Ces tribus et ces familles paraissent en général n'avoir pas eu de
totem particulier, mais presque chez toutes, parmi la collection des
nombreux animaux éponymiques, qu'elles ont été obligées d'accep-
ter successivement en passant sous la domination de nouveaux
conquérants, nous retrouvons un poisson, ce qui montre qu'à une
époque lointaine elles ont été englobées dans la confédération « des
poissons », dont le clan principal des Ma (lamentin) a donné un
nom à toute une région soudanaise du N.-O. Mandingue (1).
Chasseurs et pêcheurs, ces indigènes se livrent à quelques cul-
tures mais restent actuellement les seuls à broyer leurs grains avec
des pierres sur des meules dormantes et à fabriquer de la poterie
ornementée. Tous les hommes portent un bracelet généralement
en pierre, passé au bras au-dessus du coude. Chez ceux qui ne
sont pas trop englobés par des populations musulmanes, on trouve
les restes d'une religion spiritiialiste ? culte rendu à des génies
locaux sous la protection desquels ils se placent particulièrement
et avec qui ils échangent des signes d'aUiance. Ils ont des intermé-
diaires officiels avec ces génies et peuvent devenir propriétaires
exclusifs de la protection d'une de ces puissances occultes.
Les cérémonies religieuses consistent surtout à offrir des sacri-
fices et des libations à ces divinités de puissance variable avec
accompagnement de danses par des jeunes gens masqués. Dans les
tribus indépendantes, toutes ces cérémonies sont publiques.
Ils se livrent à des pratiques de « magie y> pour se préserver de
la maladie, des sortilèges et connaître l'avenir.
(1) Mandé veut dire : Père des Ma ou Nda du Ma. Ce culte paraît être un culte plus chal-
déeo qu'égyptien, c'est la représentation d'Anou de Bel chez les Phéniciens. Chez les
Garthagiuois, la famille des Barca avait des poissons sacrés comme totem (Salambo).
L'introduction de ce totem parait revenir aux peuples sémites-sumériens que nous
verrons apparaître après les Ilamites primitifs, se superposant et se mélangeant à
eux.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENHES.] 531
Enfin si les hommes sont circoncis, les femmes ne sont jamais
excisées. Les relations sexuelles sont très libres, le mariag^e existe
par consentement réciproque et la polygamie reste admise.
Les morts, excepté dans les groupements islamisés, sont placés
accroupis ou fléchis dans des excavations verticales ou même dans
de grands vases enterrés dans le sol, l'ouverture supérieure de la
tombe est fermée par un vase renversé, entouré d'un petit cercle de
8 à 10 grosses pierres.
Lorsqu'à une époque ancienne les chefs étaient placés dans une
chambre funéraire sous tumuli, le revêtement extérieur du monu-
ment servait de cimetière au peuple.
Jusqu'à nos jours, on plaçait auprès de chaque mort les objets
nécessaires et utiles pour une nouvelle existence dans un monde
lointain, et même on chargeait le mort d'offrandes, de cadeaux (1)
et de commissions pour les gens qui l'avaient précédé dans l'autre
vie.
Mais des idées religieuses et les restes d'une conception philoso-
phique orientale, dont l'étude plus complète présenterait un intérêt
capital, se retrouvent également chez les tribus des primitifs non
islamisés; toutefois, dans l'état actuel de nos observations, il ne
semble pas que ces idées soient absolument personnelles à ces pri-
mitifs, elles ont pu être empruntées aux envahisseurs Rouges venus
du Nord, actuellement musulmans fervents pour la plus grande
partie.
Chez ces peuples nous retrouvons les éléments d'un Culte Astral
et d'une Triade Divine. Le grand chef religieux et le feu portent le
même nom (2) et dans plusieurs cérémonies on transporte le feu, on
lui offre des sacrifices et des libations; puis, chez ces mêmes indi-
gènes, la femme, le soleil, et la divinité sont désignés parle même
terme (3) : enfin des cérémonies cultuelles sont rendues au Soleil
(1) Usage ayant cours au Yagha chez les Songhoï non islamisés, vers Tera, la Sirba,
le Mossi, le Gourma.
Au Mossi-Gourma-Tera-Doforohi, le grand prêtre, chef théocratique, se désigne
par « Hougon » et « Bougon », le feu se dit Bougo.
(2) Chez les Songhoï, la femme se dit « Oueï », féminin « Oueïnne » et soleil
« Oueina?» Chez les Mosschis, la femme se dit « Oneïna », le soleil « Oneïniga »,
(Dieu Onendé); (« Onendiga Gourma ngo tiengo Tieno » Dieu Tiengo). C'est le Dieu
féminin que l'on invoque.
(3) Les tribus mâles sont précédées du terme qui signifie mâle « Ahr, Har, Sar,
Mar, Ht^r, Kar »; ainsi on a « Har-Onar » la tribu des Ona-màles; de même « Ilarma
Kar-amba Markas, Sar Kollé », et la divinité, Dieu, devient pour eux comme à
Tombouctou « Har-Koï » ou '< Herkoi », le chef des mâles, divinité masculine ; le
532 M. DESPL AGNES.
emblème générateur du l'eu fécondant et à la lune honorée comme
principe actif (celte dernière coutume a laissé des traces nond)reuses
chez les musulmans nig-ériens et principalement chez les Markas,
qui saluent la lune). Au-dessus de ces deux forces divines et les
englobant existe la grande divinité toute puissante Amma, Ammo,
Amba : Éternelle puismnce créatrice.
Mais ce qui est encore plus curieux que cette reproduction de la
triade thébaine des forces créatrices, c'est la division des tribus en
mâles ou femelles, selon le principe divin qu'elles adorent; cette
coutume, très répandue dans la Boucle nigérienne, est caractérisée
par la dénomination des familles, la décoration donnée à leurs
monuments et la forme des autels élevés à la puissance céleste sui-
vant le principe divin adoré par le groupement. Chaque tribu est
dirigée par un chef théocratique dont le devoir est de prier lui-
même pour une triade sur un autel à trois pointes^(pl. III, fig. 1).
Mais les observations et les études de ces conceptions philoso-
phiques n'ont été jusqu'à ce jour que très imparfaitement recueil-
lies; il serait donc prématuré d'attribuer, comme on l'a dit plus
haut, ces idées religieuses ainsi que leur diffusion dans les régions
nigériennes, exclusivement aux descendants des primitifs néoli-
thiques. Car si, d'après les légendes locales, ces Éthiopiens noirs
néolithiques, en colonisant les bords du Niger, trouvèrent dans ces
régions des Négrilles et des peuplades sauvages avec qui elles s'al-
lièrent, tradition qu'aucun document n'a encore permis de vérifier
jusqu'à ce jour, nous voyons également les traces nombreuses
d'une migration lente et continue de populations à' Hommes Ronges
descendues dès la plus haute antiquité des régions méditerranéennes
du Nord et venant se mélanger et se superposer aux primitifs noirs
en leur apportant une civilisation, une industrie, des arts, un lan-
gage et un esprit religieux nouveaux, se rattachant également aux
conceptions orientales et asiatiques.
111
Tous les documents écrits (1) que nous possédons sur la période
protohistorique soudanaise nous parlent de peuplades rouges,
graod prêtre des Mosscliis adorant le soleil principe générateur femelle; « Hougo
Ouango )', le prêtre du Feu de la tribu de Oua femelle, et toutes ces tribus femelles
se terminent par « ngo ».
(1) El BEKRr, Yakhout, Ibn-Khaldoun, Ms. de Belle, et Tarick-es-Soudan.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENNES. 533
cuivrées, établies sur les bords du Niger Moyen, confirmant ainsi
les récits que nous avait légués l'antiquité grecque et latine sur
les Éthiopiens rouges habitant les régions sahariennes de l'Ouest
Africain.
Au commencement de la période historique, l'auteur du Tarick-
es-Soudan (page 8, traduction 0. Houdas) nous parle de Ganna, la
capitale de cet empire des Ouakorc qui avaient étendu sa domina-
tion sur toutes les populations noires du Soudan actuel. Cette ville
voisine du Niger (1) était le grand centre de la confédération des
Oua (2) (Aigle) dans laquelle toutes les tribus confédérées prirent
comme totem un oiseau, coutume qui permet de retrouver facile-
ment de nos jours d'anciens membres de ces groupements chez les
Touareg, les Maures Senahdjah, les Foulbé et les Noirs pêcheurs.
D'ailleurs les historiens nous apprennent que cette confédération
formait une triade de tribus, car on avait les Oua-Kore (les Oiseaux
blancs), les Oua-Gara (les Oiseaux rouges) et enfin les Oua-bibi
(Oiseaux noirs) ou Gabibi. C'est cette confédération des oiseaux
(Oua) qui supplanta dans le Nord l'ancienne confédération des Pois-
sons (Mandé). Aussi, dans tout le Soudan actuel nigériennes peuples
soumis ou raJliés prirent le titre de Rouge (Ouïe ou Gara) qui est
celui de la famille régnante des Anna, dont la capitale est Ga-anna
(campement des gens Anna) (3).
Si l'époque de l'immigration de ces Rouges, que nous voyons ainsi
établis sur les bords du Niger dès la période protohistorique, reste
encore inconnue, les légendes des tribus du plateau central soudanais
et celles des Maures de l'Ouest Saharien s'accordent pour donner à
leur venue dans la région soudanaise une très haute antiquité. Selon
les traditions des montagnards soudanais, ceseraient ces envahisseurs
qui apportèrent sur les bords du Niger l'industrie du fer, Fart de
(1) Ganatha était situé à cheval sur un petit marigot à quelques kilomètres du
Nif^er, près de Banamba, où, d'après les indigènes, ses ruines sont très visibles. Je
n'ai malheureusement pas pu vérifier personnellement les dires de mes indicateurs
(25 kil. au N, de Nyamina).
(2) Dans les tribus nouonkcs de la montagne, le chef religieux est salué du titre
Hogon-Oua (Aigle des Hogou) ainsi que de Har-Hogon-Hogon des mâles. Les chefs
de village âgés se nomment auna-gara (Hommes rouges) oaKas-anna (Hommes des Kas).
(3) Le terme Ga signifie : campement (des gens de); il est très employé dans le
Nord Soudanais, partout on trouve des u Ga-Korë » (campement des blancs),
« gabihi n (campement des noirs), « Gagara » (campement des rouges). Les capi-
tales des Oua s'appelleront souvent « Ouaga ^> (ex. près de Nioro et dans le
Mossi). C'est quand les Sosos et Malinké arrivèrent qu'ils ajoutèrent par superféta-
tion « dou >» ou « dougou » qui fait « Ouagadou » et « Ouagadougou ».
534 M. DESPLAGNtS.
construire ilos maisons on terre, en briques ou en pierres, connais-
sances (ju'ils transmirent avec le titre de « oulé » ou de « gara » à
toutes les tribus de la Boucle qui leur furent soumises. Partout ils
essaimèrent des colonies de pasteurs et de commerçants que nous
rencontrons avec leur langage si spécial dans tout le Soudan, sous
les noms de Sonninkés (1), Sarakollés, Ouakorés, Ouagara,
Nononkés, Ilaroua Poulo et Markas. Enfin nous pouvons contrô-
ler leur aire d'extension jalonnée parles tombes à tuyaux de pote-
ries et par ces grands tumuli de l'âge du fer à cheminée centrale,
monuments funéraires de leurs chefs, qui marque l'extrême limite
de leur domination dans le Haut-Dahomey, la Haute-Côte d'Ivoire
et sur les bords des fleuves de la Sénégambie.
Mais en dehors du Soudan, dans tout l'Ouest Saharien, le Tagant,
le Hodh et l'Adrar, ces peuples ont laissé d'autres monuments
témoins de leur passage. Sur les crêtes des plateaux et les rebords
des falaises, M. l'administrateur Arnaud, delà mission Coppolani,
vient de retrouver des quantités de ruines, de constructions en pierre
(pi. Il, fig. 2) que les Beïdhan (Blancs), Maures Berbères, disent avoir
été élevées par les Ga-gara (gens Rouges) qui occupaient le pays avant
eux. Ces constructeurs, chassés de leur territoire par les invasions des
Maures, seraient venus occuper les plateaux du Mandingue qui
portent leur nom, le Gangara, vers Kitha. Ces ruines se retrouvent
sur toutes les hauteurs jusqu'aux limites de la zone forestière sou-
danaise (2), semblables à celles des Nononkés des plateaux de Ban-
diagara.
Dans ces constructions, ils avaient mis un véritable art architec-
tural des plus curieux et d'une originalité pleine d'imprévu. Les
constructions de Djenné et de Tombouctou, l'ornementation déco-
rative des maisons dans la montagne de Bandiagara, le style des
mosquées nigériennes, celles du Touat du Tidikelt (3) et Tornemen-
(1) Les Sonninkés qui ont fait partie de Ja confédération des Sanhadja ou Souna
comme beaucoup de pêcheurs du fleuve (légende de Faram) et de Berbères,
Maures et Touareg faisaient dans le clan des « Oua » partie des blancs, taudis que
les Maures AUouchs, les Meschdoufs, les Foulbé faisaient partie des rouges. Ces
derniers avaient auparavant fait partie du clan des poissons « Ma » sous le nom de
« Gara-mà ».
(2) D"^ E. Ruelle, Populations noires du deuxième Territoire... in L'Anthropologie,
t. XV, no 6.
(3) Voir le numéro de V Illustration du 28 décembre 1901, n» 3070, page 419. Les
photographies du marabout de Zaouïet Kountah, du marabout de Meragaen (Touat)
et du marabout Sébaïn Salah (in Salah) sont exactement semblables aux mosquées de
Tombouctou, de Nyamina, Sansanding ou de Kong.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENNES. 535
tation des maisons de Tazeur, dans le S. Tunisien, montrent une
unité de conception architecturale surprenante (pi. II, fig-. 3, 4, 5, 6).
Ce sont les restes de cette civilisation que Duveyrier a découverts
à Garama, au Quecir-el-Watwat^ si semblables aux curieuses ruines
du Ksar-el-Barca à Tidjikdja au Tagant (Mauritanie) (1).
Avec ces principes architecturaux, ils apportèrent Fart du tissage
de la laine, agrémentée de dessins originaux {kassa), la fabrication
et l'utilisation des métaux, la confection des bijoux filigranes et
fondus à cire perdue, dont les modèles de nos jours se retrouvent
immuables dans les grands tumuli côte à côte avec quelques ins-
truments de l'âge de la pierre et des poteries décorées et faites au
tour. Ce tour de modelage très primitif, il est vrai^ n^est en usage que
chez les pêcheurs qui ont été les alliés des Rouges, les Korongoï,
chez qui on retrouve également l'usage des grands filets [serines]
qu'ignorent encore les Sorkos et les pêcheurs primitifs de l'Est.
Ces peuples ont amené du Nord le bœuf et le cheval barbe avec des
troupeaux de chèvres et de moutons; dans tout le Sahara, dans le
Hombori et les grandes plaines, ils ont creusé pour abreuver leurs
troupeaux ces admirables puits de plus de 60 mètres souvent, qui
servent de temps immémorial avec leur revêtement de pierres (2).
Ils apportèrent également aux populations soudanaises des con-
ceptions religieuses nouvelles et des principes de philosophie ani-
miste nouveaux, introduisant un culte des morts consistant en
offrandes aux mânes des défunts sur leuTs tombeaux et sur l'autel
de famille où les âmes des ancêtres viennent se reposer avant de se
réincarner dans la famille pour perpétuer la race. Leurs morts
sont ensevelis couchés souvent en collectivité, mais non par famille,
les gens de même âge ensemble, dans des chambres funéraires
placées sous les rochers ou dans des caveaux sous tumuli; ils
orientent les corps différemment suivant le sexe ou la fonction
de l'individu, mais ménagent toujours dans le tombeau une com-
munication avec l'extérieur. Les pêcheurs « korongoï » placent à
la tête du mort un tuyau de poteries; les Peuhls souvent des mor-
ceaux de bambous creux (3), disposition que nous trouvons ména-
(1) Voir Dépêche coloniale illustrée, 6^ année, n» 3, 15 février 1906. Œuvre de la
France en Mauritanie.
(2) Lieutenant Moreau, Les races soudanaises ou Ethnographie des races du Soudan ,
page 20.
(3) M. l'administrateur Monteil dans sa Monographie de Djenné, ai démontré que
Djenné (comme Tombouctou d'ailleurs) avait été fondée par des Ouakoré, des gens
538 M. DESPLAGNES.
l'île de Tekrour sur le marig-ot de Diaka, qui h la chute de Ganna de-
vint le centre d'un empire musulman noir. Depuis, le nom de Tekror
ou Tekoror ou Tokolor (l) a été donné à tous les métis musulmans
de Peulils et de noirs, tandis que les tribus foulbés qui nomadisaient
autour du lac Débo conservaient leur nom de Oiuni-Garbès (2).
Mais jusqu'à maintenant l'origine de ce mouvement de migration
et la composition ethnographique de ces peuples, que les anciens et
les Nigériens nomment Ethiopiens rouges (pi. III, fîg. 3 et 5) res-
tent encore très obscures, car on trouve des traces de leur passage
dans toute l'Afrique du Nord.
Nous pouvons constater seulement qu'ils ont apporte avec eux
d'évidentes coutumes et traditions asiatiques, sémites ou babylo-
niennes, que M. G. Ghatelier avait déjà signalées dans son livre
ï Islam en Afrique occidentale.
Peut-être rétro uvera-t-on chez les sédentaires Gara la suite des
invasions sémites-sumériennes qui pénétrèrent en Egypte pendant
la période préhistorique, apportant les éléments de la civilisation
de l'Euphrate, la culture du blé, la domestication du bœut et du
mouton, l'art de préparer les métaux et de faire des briques (3), et
peut-être devrait-on rechercher l'origine d'une partie de ces enva-
hisseurs nomades vachers (Ouïe) dans cette suite de migration de
peuples pasteurs qui envahirent l'Egypte 2300 ans avant notre ère
et n'en furent chassés que vers 1700, d'ailleurs pour continuer leur
marche vers l'Ouest sous la conduite de leur roi Arclès (4). C'est
à cette époque préhistorique que les légendes, grecques, romaines
et arabes (5) font arriver, à l'extrémité orientale du Maroc, un Her-
cule et son armée composée de cent peuples divers.
En tout cas, on peut attribuer facilement à l'un de ces groupe-
ments d'envahisseurs rouges, aux sédentaires industriels venus du
Nord, les textes anciens sur les Farnsi ou Phaimsi que les premiers
(1) La ville a été fondée à Tekrour Rundee (île des Nénuphars). Tous les pêcheurs
noirs mangent beaucoup de nénuphars (lotus), fruits ou racines et les appellent
Tekrou, = Tokoror^: Pays des Nénuphars. Hérodote cite déjà des populations loto-
phages.
(2) « Ouagaro » fait au pluriel « Ouangarbé ».
(3) Df Blanckenhorn, U Anthropologie, t. XVI, page 672.
(4) Voir Maspebo.
(5) Dans les traditions arabes rapportées dans le manuscrit de Bello ces peuples
sont appelés Berbères et pendant qu'elles signalent une invasion qui suit les côtes
de la Méditerranée jusqu'au Maroc s'arrètant au pays de Soussa, elles nous eu mon-
trent une autre allant en Abyssinie et une troisième conquérant.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENNES. 539
chroniqueurs latin nous montrent s'enfonçant de plus en plus vers
le Sud.
D'après les légendes, Farès serait le fondateur de Fèz. Salluste
nous dit d'abord que les fils Persée ou Perses de l'armée d'Hercule
(Pharusi),ense mêlant aux Gélules, ont formé la nation des Numides.
Salluste, au chapitre XVIII de sa Guerre de Jugurtha^ dit que les
Perses de l'armée d'Hercule, après la mort de celui-ci, s'étaient éta-
blis dans la région des Syrtes en s'abritant sous leur vaisseau ren-
versé, et leurs descendants auraient adopté cette disposition pour
leurs cases [i] (mapalia). Strabon (XVII, ni, 7) parlant, lui, des popu-
lations marocaines au commencement de notre ère, dit : « Ces
peuples sont appelés Maurusii par les Grecs, et Mauri par les
Romains et les indigènes ». Plus loin, il signale leurs relations
avec les Pharusii et les Nigrètes qui habitent au-dessus d'eux
dans le voisinage des Éthiopiens occidentaux... « Les Pharusii
communiquent à de rares intervalles avec les Marusii. Ils suspendent
alors, pour la traversée du désert, des outres d'eau sous le ventre de
leurs chevaux... Dans le pays des Pharusii on prétend que l'été est
la saison des grandes pluies et que l'hiver au contraire est la saison
sèche » (XVIII, lu, 7).
Il ressort de ces écrits de l'antiquité, que les anciens distinguaient
parfaitement les Maures marocains des Pharusii, des Éthiopiens
noirs, et des Nigrètes noirs prognathes (Pline Y, 1, 17); que, d'après
leurs traditions, des peuplades d'origine asiatique se seraient enfon-
cées peu à peu dans le Sahara et qu'au commencement de Fère chré-
tienne elles étaient déjà établies dans la région des pluies équato-
riales, sur les bords des grands fleuves du Sénégal et du Niger.
Actuellement les provinces qui bordent la rive nord du lac Débo
s'appellent Farimaké ou Pharmagha ou Farmaga, et les noms et
titres de Far, Faram, Fari sont très employés dans toute l'histoire
soudanaise [Tarich). D'ailleurs ces légendes latines sont en concor-
dance avec la tradition arabe de « Bello » dont le manuscrit rap-
porté par Clapperton nous dit en parlant des peuples du Sénégal,
« les Sarankali du Sénégal (Sarakollés) descendent des Perses ».
(1) Oa peut retrouver cette forme de navire renversé dans les cases des tribus
Ouamgara, Ouagarbes du Farimanke ou Farmaga.
540 M. DESPLAGNES.
Malgrt' tout, le problème dos orip^incs et des groupements eth-
ni(jues (jui composaient ces lloug-es reste jus(|u'à maintenant
très obscur, toujours réduit à d(;s liypothèses fondées sur d'incer-
taines probabilités que seules des rechercbes dans le Sud Maro-
cain, l'Adrar occidental et les oasis saliariennes de Mauritanie
nous permettront peut-être d'élucider. Cependant un fait nous reste
acquis, c'est l'arrivée au Soudan d'une population nouvelle qui, en
s'infiltrant lentement et en se mélangeant aux noirs Étbiopiens,
leur a apporté les éléments de la civilisation soudanaise.
IV
Mais cette civilisation soudanaise créée par le mélange et le
contact, dans le Sahara et sur les rives du Niger, de plusieurs races
humaines bien distinctes, va s'écrouler et disparaître sous les coups
répétés d'une série d'invasions de peuples barbares et destructeurs,
apportant de l'Est et du Sud des éléments nouveaux qui vont encore
se superposer au métissage déjà si disparate des populations nigé-
riennes.
(^e sont des hordes de cavaliers composées d'individus de toutes
races, pasteurs nomades (1) et trappeurs des forêts, venus du Sud-Est,
formant le grand clan des serpents groupés autour d'une tribu qui
les dirige, les Keïtas, sous le cornmandement du Silatigui. La pre-
mière de ces invasions est celle des Sousous (2), arrivant par le
Haoussa et le Ouadaï, leurs dernières conquêtes. Ces barbares en
envahissant le Soudan, fondent l'empire féodal des Mossis, renversent
l'empire Ouakoré en détruisant sa capitale Ganna (3) vers 1230. Ces
pillards, après avoir longtemps séjourné dans la Boucle nigérienne,
où toutes les tribus ont dû adopter le « totem » du serpent, pous-
sent jusqu'à l'Atlantique où nous les retrouvons sous des noms
divers :
Sousous de Sierra-Leone, Soces de Cazamance, de Gambie et
des pays sérères, enfin Soses ou Sissoko de la Falémé, du Sénégal
et du Kassonké. Mais leur tribu principale, stationnée sur le plateau
(1) Ces pasteurs étaient probablement d'origine Foulbé plus ou moins métissés.
(2) Sousous, Soces, Sansan, Sanké, Sara, les peuples et tribus qui se rallient à ce
clan des serpents deviennent les so, si, sa, fankara, etc.
(3) Tarick es-Soudan, 0. Houdas.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGÉRIENNES. 541
Mandingue, réorganise, en s'alliant aux « Markas » (1), l'ancien em-
pire de Ganna en formant le grand clan des Hippopotames (Malinké)
sur les anciennes tribus Oua ou Mandés réduites en servage.
Cependant dès 1430 cette féodalité s'etTrite pour donner nais-
sance aux différents clans; du lion dans le nord-ouest, de la pan-
thère au centre, sur les plateaux, et de la hyène sur le fleuve
(Korongoï-Markas). C'est à cette période de désorganisation que
correspond la formation, sous les Malinkés Couloubali, du nouveau
clan des Bammanas ou Caïmans composé par une masse hétéro-
gène de primitifs prognathes sortis des forêts du Sud. Pendant
tout le xvu® et le xvui^ siècle, les bandes de ce clan progressent vers
le Nord réduisant en captivité ou en servage les groupements qui
ne se raUient pas à leurs confédérations poHtiques. Il vient
échouer^ au commencement du xix*" siècle, aux limites du désert,
sur le plateau Mandingue, où la conquête européenne les trouve et
leur donne le nom de Mandé, quoique la plupart de ces familles de
Bammanas, n'aient jamais fait partie des anciens clans du « Pois-
son ». Tous ces envahisseurs parlaient la même langue, dont les
idiomes des Soces et des Malinkés méridionaux sont restés purement
agglutinants détaillant bien les assonances, tandis que les idiomes
des Malinkés du Nord et des Bambaras, acquéraient aux contacts
des langues Peuhls ou Sonninké une physionomie différente par de
nombreuses élisions ou additions euphoniques.
Les individus de ces groupements, s'intitulant des Moro-Fing (2)
(hommes noirs) avaient une civihsation bien inférieure à celles des
populations soudanaises qu'ils soumirent; car ils ignoraient l'art de
fabriquer le fer, les étoffes et même la poterie, etc. La plupart de
ces envahisseurs n'utilisaient que des ustensiles faits avec des fruits
de calebasses (courges) : de même ils ignoraient l'art de construire
en briques ou en pierres, l'industrie du tissage, et l'usage de
pierres meulières pour écraser le grain. Ils habitaient des cases
cylindriques en terre avec toit conique en paille. La polygamie était
la règle de leurs unions, la femme s'obtenait par achat et occupait
un rang inférieur dans la famille. Tous tatoués portaient de larges
incisions et leurs dents étaient souvent limées en pointe.
Partout ils ont établi une forme de gouvernement féodal, au
(1) Markas-taraoré.
(2) Ce terme « moro >> ou a boro » fait au pluriel, sui^âût les idiomes, Mori, Moroï,
Mosschis, Moriba, Moroïbaj Morogoïba, Mossibés.
544 M. DESPLAGNES.
inconnu qu'ils appelaient Sons comme Sousoti et Soiisi des Assy-
riens (Piètrement). Mais au Soudan ces envahisseurs Sousous appe-
lèrent aussi le cheval Soiio, terme encore employé par tous les
Moro et Malinkés et dont le radical est le même chez tous les peuples
berbères du Nord, comme l'a démontré Faidherbe (1).
Si donc l'assertion de Bello est fondée, c'est-à-dire si nous pou-
vons considérer ces Sousous comme une partie de l'invasion ber-
bère confondue avec celle des peuples pasteurs, il ne serait pas
étrange de retrouver des survivances du type mongol parmi leurs
chefs, cardans une communication faite le 21 janvier d875 à la
Société d'Anthropologie de Paris, M. le D"" E. T. Hamy a
démontré que les rois Hyksos dont les bustes furent trouvés dans
les ruines de Tanis étaient Mongols.
C'est également à cette invasion que l'on peut attribuer une des
origines des si nombreux radicaux phonétiques chinois ou anna-
mites observés et recueillis par M. le général Frey dans les dia-
lectes soudanais occidentaux. D'ailleurs Bello nous dit très explici-
tement que ces envahisseurs de races diverses avaient, d'après les
traditions, des alliances Mongoles. « Les Berbères descendent
« d'Abraham,, quelques-uns prétendent qu'ils sont issus de Japliet
« et d'autres de Gog et Magog dont une tribu qui se trouvait à
« Gaïroum s'était unie avec les Turcs et les Tartares Africus
« régnait en Yemen et les Berbères en Syrie ».
Dans le chaos de tribus superposées et métissées que nous ren-
controns dans notre empire soudanais nigérien, paraît donc exis-
ter d'après les légendes, traditions, et documents scientifiques.
4^ Un fonds de tribus très primitives et de négrilles dont, sauf
dans quelques légendes locales, on ne retrouve plus de traces en
dehors de la zone forestière.
2** Une couche de peuples noirs peu prognathes, que les anciens
nommaient Éthiopiens noirs, descendants des populations néoli-
thiques soudanaises d'origine hamitique, qui ont laissé de nom-
(1) Grammaire Poul du Général FAinHERHE. Oa y voit que cheval se dit : « Si » ea
sonninké, « is » et « itchoa » en zénaga, « fas » en oulof, « poutchiou » en peulh,
« eis >' et « issan » en touareg.
ORIGINES DES POPULATIONS NIGERIENNES. 545
breuses traces dans tout le nord africain. Ces peuples sont carac-
térisés actuellement par l'emploi d'outils en pierre, Tusage de la
poterie. Ils se livrent à rag"riculture,la chasse et la pêche^ habitant
des cases de paille en forme de ruche. Les femmes ne sont pas
excisées. Tous restent fortement attachés à leur culte spiritualiste
et ne donnent quede tièdes musulmans. Morts ; ils ont enterrés assis,
accroupis ou repliés.
3" Toute une série de populations dénommées Rouges par les
légendes locales et les écrivains anciens^ parmi lesquelles nous
entrevoyons une juxtaposition de plusieurs éléments ethniques
dont l'un^ probablement sémite- sumérien, est représenté par les
sédentaires industriels auteurs de la civilisation saharienne et sou-
danaise, caractérisée par des habitations en terre ou en pierre édi-
fiées avec un sentiment de la décoration très prononcé. Ce groupe
reste de préférence industriel et commerçant quoique bon agricul-
teur.
L'autre élément se compose des tribus pastorales nomades de civi-
lisation primitive et stationnaire provenant selon toute probabilité
des peuples Pasteurs que les traditions locales de Bello assimilent
aux Berbères. Les individus non islamisés de ces deux groupes ont
introduit au Soudan une philosophie animiste avec culte des an-
cêtres, le respect des morts et la croyance à une Triade Divine ; mais
dès qu'ils sont convertis à la religion musulmane, ils deviennent tous
des prosélytes fervents de l'Islamisme.
4° Nous voyons se superposer enfin toute une série d'invasions
provenant du Sud et de l'Est, dont les populations hétérogènes com-
posées en grande partie de Nègres prognathes et de Peuples Pas-
teurs cavaliers nomades, viennent occuper l'Ouest Soudanais con-
duits par quelques familles d'origine et de type mongols, que les
traditions locales et la linguistique font également venir des inva-
sions des Pasteurs en Egypte^ que Bello décrit dans son manuscrit
comme un exode vers le Sud d'une partie des Berbères.
Ils amènent avec eux des bœufs et des chevaux (type Dongola)
de l'Afrique orientale, et produisent une forte régression dans la
civilisation soudanaise, en méprisant toutes les industries même
celle de construction; car ils habitent des cases cylindriques en
terre à toit conique de paille. Ils apportent avec eux une langue
agglutinante et établissent de fortes organisations féodales. Mais,
ignorant tout travail d'art, ils réduisent les vaincus en serfs indus-
triels. Polygames, ils introduisent Texcision chez les femmes qu'ils
l'anturopolooie. — T. XVII. — 1906. 35
546 M. DESPLAGNES.
se procurent par achat. Enfin n'ayant que des idées religieuses sim-
plistes,, tournant au fétichisme, ils restent généralement réfractaires
à rislamisme.
Mais toutes ces hypothèses et probabilités doivent encore être
sérieusement confirmées par une série de recherches nombreuses,
dans la préhistoire, l'archéologie, l'anthropologie et la linguis-
tique des peuples soudanais et sahariens ; vastes champs ouverts
à l'activité des explorateurs, des chercheurs et des savants dont les
découvertes et les trouvailles permettront sans doute de soulever
peu à peu le voile qui recouvre dans ce coin de l'Afrique les ori-
gines de l'Humanité.
Explication des fig^ures des Planches II et III.
Planche II.
Fig. 1. — Monuments lithiques de Tondidarou, région lacustre du Niger moyen.
Fig. 2. — Ruines d'un village construit en pierres et en briques sur une arête
rocheuse (ces constructions sont attribuées aux Ga-Gara ou « Hommes
rouges »).
Fig. 3. — Maison de Dourou (la porte est munie d'une serrure sculptée repré-
sentant les ancêtres de la famille).
Fig. 4. — Maison de Bandiagara, dans le style de Djenné (l'ornementation est
celle des tribus adorant le principe mâle de la triade divine).
Fig. 5. — Maison de Kori-Kori, Monts de Bandiagara.
Fig. 6. — Maison Hambé de Touré, avec autel en pierre élevé à la triade divine.
Planche III.
Fig. 1. — - Autel du chef religieux Hogon, destiné à offrir des sacrifices à la
triade divine.
Fig. 2. — Dessins rupestres, en couleurs, des Hambés non islamisés de la mon-
tagne de Bandiagara.
Fig. 3. — Pêcheur de la confédération des Rouges {Korongoï)^ métis de primitifs
et d'envahisseurs du Nord.
Fig. 4. — Pasteur Foulbé et forgeron du Killi.
Fig. 5. — Un Djennenké-Gara (Bouge), descendant des fondateurs de Djenné
réfugiés dans la montagne, et deux types de tribus primitives des plaines
du Sud.
Fig. 6. — Type de pêcheurs Bozos (coiffure de Djenné, semblable à celle des
Apolloniens).
mWi mmm crais humains de otës mmm
(AGE DE LA PIERRE POLIE ET AGE DU BROxNZE)
EN .SUISSE
PAR
M. Eugène PITTARD
Le musée archéologique de Genève possède, dans ses collec-
tions, deux crânes de Lacustres qui n'ont jamais été décrits. Ces
deux crânes proviennent du lac de Neuchâtel qui a déjà fourni
tant de matériaux à Tanthropologie des populations palafittiques.
On sait combien,, sur ses bords, les stations lacustres ont été nom-
breuses et ont été riches. Elles ne sont certainement pas épuisées.
Ces deux crânes proviennent, Tun de la station de la Lance,
l'autre de la station de Concise. Le premier est de l'époque néoli-
thique, le second est de l'âge du bronze. Le premier, malheureu-
sement est très incomplet. Il est réduit à sa voûte. Le second, par
contre, est en parfait état. Nous les décrirons par ordre chrono-
logique.
*
L — Crâne néolithique.
Il provient, avons-nous dit, de la station de la Lance, sur la rive
gauche du lac de Neuchâtel. Il a été récolté à environ dix-huit ou
vingt mètres du bord actuel, à une profondeur de 1™,10 à 1"\20.
Il était dans la vase, dont il est encore imprégné en partie, mêlé à
des débris d'os, de cornes de cerf, de poteries. La trouvaille a été
faite en biver.
Les crânes de la période néolithique provenant des stations
lacustres de la Suisse sont très rares, malheureusement. Et
comme les cités lacustres virent se succéder des types humains diffé-
rents, il est nécessaire d'examiner avec un peu de détails toutes
les portions de squelettes qu'on y découvre. C'est pourquoi nous
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906.
548
M. Eugène PITTARD.
prendrons la peine de décrire cette pièce, tout incomplète qu'elle
soit.
Ce crâne est réduit à sa calotte. Et même celle-ci n'est pas tout
à fait complète. La partie antérieure du frontal est rasée au dessus
des arcades orbitaires de telle façon qu'une portion des sinus fron-
taux sont encore bien visibles. L'écaillé frontale ne subsiste donc
guère qu'à partir du point métopique. Les pariétaux sont à peu
près complets. Sur le pariétal droit, l'empreinte de l'écaillé tempo-
Fig. 1. — Cràae de Lacustre (âge du bronze). Station de Concise dans le lac de
Neuchàtel (Suisse).
raie est usée, probablement par le charriage des sables sous Fac-
tion de la vague. L'occipital manque complètement.
Ce crâne a la coloration brune caractéristique des crânes
lacustres. Cette coloration est moins intense que celle que j'ai
observée sur les crânes de Corcelette par exemple, mais elle est
semblable à celle que j'ai remarquée sur un autre crâne provenant
de la station du Point décrit dans cette môme Revue.
L'aspect général de ce crâne indique la robustesse. Toutes les
parties qui la composent sont épaisses. On ne voit nulle part de ces
amincissements, qu'on distingue si facilement dans la lumière,
comme en présentent tous les crânes modernes. Le sexe est difficile
DEUX NOUVEAUX CRANES HUMAINS DE CITÉS LACUSTRES. 549
à préciser; mais il est très probable qu'il s'agit d'un crâne mas-
culin. Les sutures sont encore bien visibles. La première portion
de la coronale gauche est oblitérée. La suture métopique est persis-
tante et sa dernière portion en allant vers le bregma est également
oblitérée sur une longueur de deux centimètres environ. Les
bosses frontales et les bosses pariétales sont bien visibles quoique
sans être marquées d'une façon particulière. La crête frontale est
encore indiquée sur la partie gauche du front. Elle est accusée au
dessus de l'orbite gauche marquant une forte empreinte muscu-
laire.
Cette calotte crânienne est trop incomplète pour que toutes les
mesures nécessaires puissent être prises. Telle qu'elle est, cepen-
dant, on peut encore connaître assez exactement son indice cépha-
lique, calculé dès le point métopique. Le point postérieur maximum
est pris exactement au lambda. Cette région ne doit pas être loin
de représenter le point postérieur maximum si l'on considère la
construction postérieure des crânes lacustres de la période néoli-
thique et en particulier le beau crâne néolithique de la station du
Point que nous avons rappelé ci-dessus. Dans tous les cas, étant
donné l'absence de l'occipital, les chiffres des diamètres A. P. et
M. sont indiqués sous réserves; surtout celui du diamètre A. P.,
puisque la glabelle manque. Nous avons reconstitué assez exacte-
ment la place de celle-ci.
D. A. p. (approx.) 168 mm.
D. M. (approx.) 164 —
D. T 148 —
Frontal minimum 104 — (?)
— maximum 129 —
Courbe frontale vraie 105 —
Courbe pariétale 116 —
L'indice céphalique approximatif calculé avec D. A. P. =z 88,10.
Le même indice calculé à l'aide de D. M. ^ 90,24. Ce crâne est
d'une brachycéplialie très prononcée, qui rappelle celle du crâne
néolithique provenant de la station du Point (1). Il rappelle aussi
beaucoup le crâne décrit par M. Verneau (2) dans les colonnes de
celte revue. Mais ce dernier proviendrait de l'âge du bronze.
Pour indiquer mieux encore le degré de parenté que le présent
(1) Eugène Pittakd. Sur de nouveaux crânes provenant de diverses staliona lacustres
de Vépoque néolithique et de l'âge du bronze en Suisse, L'Anthropologie, Paris, 1899.
(2) R. Verneau. Un nouveau crâne humain d'une cité lacustre, L'Anthropologie y
1894.
550 M. Eugène PITTARD.
crâne possède avec celui que nous avons décrit en 1899, voici
quelques chiffres comparatifs :
(Point 1899). (La Lance 1906).
D. A. P. maximum 166 mm. 168 mm. (?)
Diamètre métopique 165 — 164 —
D. T 152 — 148 —
D. frontal minimum 104 — 104 — (?)
Indice céphalique (avec D. A. P.) . 91,56 88,10
— — (avec D. M.) . . 91,57 90,24
Ce crâne possède bien les caractères de sa « race ». On se
rappelle en effet que les stations lacustres de la Suisse, apparte-
nant à la période néolithique, ont été habitées — et construites —
par des brachycéphales. L'individu de la Lance que nous venons
d'étudier accentue celte homogénéité du type à tête arrondie qui
est si remarquable à cette époque.
II. — Crâne de l'âge du bronze.
Il provient de la station de Concise, également sur la rive
gauche du lac. Dans cette localité il y a deux stations lacustres.
L'une, la plus rapprochée de la voie ferrée Yverdon-Neuchâtel, est
de la période néolithique ; l'autre, plus en avant dans le lac, est de
l'âge du bronze.
Ce crâne a été trouvé pendant l'hiver 1888-1889, à vingt ou
vingt-cinq mètres environ de la ligne du chemin de fer. Il a été
ramassé dans la couche archéologique, entre les pilotis de la sta-
tion, à la profondeur d'environ un mètre. La couche archéolo-
gique, riche en cet endroit, le recouvrait et le crâne en question
n'a pu, de ce fait, subir aucun déplacement. Ce dernier point est
important à signaler à cause de la forme particulière de ce crâne
qui rappelle parfaitement la forme brachycéphale ordinaire des
crânes de la période néolithique, et entre autres celle du crâne pro-
venant de la station du Point que nous avons rappelé tout à
l'heure. Il se rapprochera, par contre, du crâne décrit par
M. Verneau, découvert lui aussi dans la couche archéologique
datant de l'âge du bronze et dans la même station de Concise. On
verra que le crâne que nous allons décrire prendra, de la trou-
vaille même décrite par M. Verneau, une importance plus grande.
Ce crâne de Concise est un crâne d'homme (celui de M. Verneau
est un crâne féminin). Il a appartenu à un adulte. Il est complet,
parfaitement bien conservé. Il ne lui manque que trois incisives.
DEUX NOUVEAUX CRANES HUMAINS DE CITÉS LACUSTRES. Fîb
Rien que sa couleur pourrait servir à le caractériser comme un
Lacustre. Il a cette belle coloration brune si remarquable chez les
crânes qui proviennent des palaiittes suisses. La partie antérieure
et supérieure est couverte d'une sorte de patine g-risâtre, reliquat
du séjour de ce crâne dans la vase. Ces régions sont aussi un peu
usées par le frottis des particules vaseuses et quelques petites
excoriations, notamment dans diverses parties des sutures, peuvent
être dues à des algues perforantes comme il y en a tant dans le lac
de Neuchâtel.
Toutes les sutures sont encore bien visibles, bien ouvertes. La
sagittale et la lambdoïde sont bien denticulées. La métopique est
persistante. Il n'y a presque point d'os wormiens : deux ou trois très
petits dans la branche gauche de la lambdoïde et quelques-uns, plus
gros à droite, un peu en avant de Tastérion (0,015 X 0,008) et un
peu au dessous de cette région (0,012 X 0,012).
L'aspect général de ce crâne indique une musculature solide.
Les apophyses orbitaires sont bien accusées, proéminentes ; la
glabelle est saillante. Les bosses frontales sont aussi marquées. Le
front, d'ailleurs, s'élève régulièrement. Vues de face, les crêtes fron-
tales divergent nettement.
En vue latérale la remarque que nous venons de faire à propos
du front se confirme. Celui-ci s'élève régulièrement jusqu'au
bregma. Les apophyses mastoïdes sont bien développées. Dans
cette vue, ce crâne se présente comme un crâne court. Nous indi-
querons tout à l'heure son degré de brachycéphalie. Il présente
aussi, dans une certaine mesure, cette chute à partir de l'obélion
que l'on a remarquée fréquemment chez les crânes brachycéphales
suisses, mais cette « chute » est voilée par une forte plagiocé-
phalie; celle-ci fait que, si l'on regarde le crâne de son côté gauche
ou de son côté droit, il paraît encore plus court dans cette dernière
vue.
Postérieurement, on remarque un élargissement marqué de la
région pariétale. L'inion est bien marqué sans être très proémi-
nent. La crête occipitale est également bien marquée mais sans
faire une saillie très nette. Ce faible développement de la région
iniaque est intéressant à signaler chez ces crânes de Lacustres.
Nous l'avons relevé déjà à propos d'un crâne néolithique de la sta-
tion du Point, également très robuste, dont il est parlé dans le
premier paragraphe de cette note.
En norma verticalis, ce crâne montre une plagiocéphalie très
556 M. Eugène PITTÂRD.
Vers le milieu de la période néolithique ces brachycéphalcs ont
déjà des compagnons dont les formes crâniennes sont mésaticé-
phales et dolichocéphales (dolichocéphales néolithiques de Hamy;
type de Genay, etc.).
A la fin de la période néolithique, au début de la période du
bronze, ces dolichocéphales forment la majorité. A Tâge du bronze
ils paraissent avoir définitivement submergé tous leurs prédéces-
seurs.
Enfin, quand se termine Tâge du bronze reparaissent (?) des bra-
chycéphalcs. Et ces derniers semblent être d'une brachycéphalie
plus accentuée que leurs prédécesseurs de la période néolithique.
Voici rapidement esquissé, un essai de synthèse ethnique, telle
que les découvertes d'il y a quelques années pouvaient nous le per-
mettre (1). Le crâne brachycéphale de l'âge du bronze de M. Ver-
neau faisait déjà un accroc à cette reconstitution ethnogénique. El
voici que le crâne que nous décrivons en fait un autre. Que faut-
il penser?
La station de l'âge du bronze de Concise est bien délimitée. Elle
est pure. Elle est bien connue des archéologues pour son unité.
Deux solutions paraissent se présenter. Ou bien les brachycéphalcs
néolithiques ont continué à vivre avec les dolichocéphales de l'âge
du bronze et mêlés à eux, acquérant toute la civilisation nouvelle,
tous les progrès industriels de ces derniers, ou bien ils ont continué
d'exister en dehors des dolichocéphales. Dans tous les cas, ces
brachycéphalcs n'ont pas pu disparaître subitement, s'évanouir, se
volatiliser. S'ils n^ont plus participé à la vie sociale des Lacustres
du bronze, ils sont allés quelque part, Oii? Peut-être s'étaient-ils
retirés sur la terre ferme? Peut-être sont-ils venus, quelques-uns
d^entre eux, s'établir parmi les dolichocéphales de l'âge du bronze,
soitpargoût soit parbesoins? Toutes les suppositions sont permises.
D'ailleurs nous reviendrons un jour sur cette question de la suc-
cession des types crâniens en Suisse.
Il est encore un point sur lequel nous voulons dire un mot. Dans
les diverses stations lacustres de la Suisse, parmi les crânes exhu-
més de la vase des lacs, il s'en trouve un assez grand nombre qui
(1) C'est à M. G. Hervé que l'on doit ce bel essai de synthèse ethnologique, qui s'est
maintenue jusqu'à présent. Voir G. Hervé, Les populations lacustres {Rev. mens.
École d'Anthropologie de Paris, 1895).
DEUX NOUVEAUX CRANES HUMAINS DE CITES LACUSTRES. 557
portent des lésions, des empreintes de coups. Bien des hypothèses
ont été émises à propos de ces empreintes. Pour aujourd'hui nous
en retiendrons une. On a pensé que les crânes que l'on trouve dans
les palafittes sont, non pas ceux des habitants des stations lacustres,
mais des trophées g^uerriers. Les Lacustres auraient inhumé leurs
morts sur terre ferme. Les crânes que Ton retrouve dans la vase
seraient ceux d'ennemis tués dans une rencontre. La tête, coupée,
aurait été suspendue, comme trophée, au devant de la hutte, de la
maison.
Il me paraît difficile de prendre parti dans la question. Les docu-
ments que l'on possède sont encore trop peu nombreux. Ils seraient
d'ailleurs, tous à revoir. Mais si nous soulevons cette question,
c'est que le crâne que nous éludions ici présente aussi une lésion.
Celle-ci est très nette. Elle intéresse le bord gauche du pariétal droit,
proche de la suture sagittale. Cette empreinte a une longueur do
38 millimètres et une largeur de 18 millimètres. Le coup, évidem-
ment donné par derrière, a été très violent. La table externe est
fracturée, plus fortement à droite qu'à gauche; et à l'endroit de la
plus forte fracture, elle est même enfoncée de 2 millimètres. La
lésion est ovalaire et au milieu de Tovale, dans le sens du grand
axe, le crâne porte une coupure. La fracture a aussi intéressé la
table interne. On peut s'en rendre compte en examinant la voûte
du crâne par le trou occipital. Nous signalons cette blessure sans
oser lui donner, pour le moment, l'interprétation qu'on a donnée aux
blessures de »;e genre sur les autres crânes lacustres.
ENTENTE INTERNATIONALE
Pour r unification des mesures craniométriques
et céphalométriques (1).
Sur la proposition de MM. Hamy, Papillault et Verneau, le
Comité du Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie
préhistoriques avait inscrit au nombre des questions qu'il proposait
tout particulièrement aux recherches de ses membres l'unification
des mesures anthropologiques.
Dans la séance d'ouverture, qui eut lieu à Monaco le 16 avril 1906,
M. Hamy, président du Congrès, attira l'attention sur l'urgence
d'une entente internationale dans la technique anthropométrique,
sur les difficultés presque insurmontables que l'on rencontrerait à
examiner en séance les mesures si nombreuses qui ont été utili-
sées jusqu'à présent, et sur lanécessité, pour aboutir à une solution,
de nommer une commission qui travaillerait pendant la session et
présenterait, dans la dernière séance, à l'approbation du Congrès,
un projet d^unifîcation.
Cette proposition fut adoptée, et la Commission nommée immé-
diatement, fut composée ainsi qu'il suit :
MM. Giuiïrida-Ruggeri, secrétaire de la Société romaine d'Anthro-
pologie, assistant à la chaire d'Anthropologie. Rome.
Hamy, Professeur d'Anthropologie au Muséum d'histoire natu-
relle, membre de l'Institut. Paris.
r
G. Hervé, Professeur d'ethnologie à TEcole d'Anthropologie,
ancien président de la Société d'Anthropologie. Paris.
Lissauer, Professeur, Président de la Société d'Anthropologie.
Berlin.
Von Luschan, Professeur d'Anthropologie de l'Université*
Berlin.
Papillault, Directeur adjoint du Laboratoire d'Anthropologie
(1) Rapport présenté par le D' G. Papillault au Congrès d'anthropologie et d'ar-
ehéologie préhistoriques tenu à Monaco, en 1906.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
560 UNIFICATION DES MESURES
de l'Ecole des JJautes-Études, Professeur à l'École d'An-
thropologie. Paris.
Pillard, Privât docent à l'Université. Genève.
Pozzi, Professeur à la Faculté de médecine, ancien président
de la Société d'Anthropologie. Paris.
Sergi, Professeur d'Anthropologie, Directeur de l'Institut an-
thropologique de rUniversité. Rome.
Verneau, Assistant à la chaire d'Anthropologie au Muséum
d'histoire naturelle. Professeur temporaire à l'Ecole d'An-
thropologie. Paris.
Waldeyer, Professeur, secrétaire perpétuel de l'Académie des
sciences de Berlin (1).
Aussitôt après sa nomination, la Commission pour ïunificalion
des mesures anthropologiques se réunit afin de procéder à Téleclion
de son bureau et d'arrêter le programme de ses travaux.
M. Waldeyer fut élu président, M. Sergi vice-président, et M. Pa-
pillault secrétaire-rapporteur.
Ce dernier donna connaissance d'une lettre qu'il avait reçue de
M. Chantre, en réponse à la demande qu'il lui avait faite de son
rapport sur les essais d'unification des mesures anthropologiques
entrepris par le Congrès international d'Anthropologie de Moscou.
En voici le passage essentiel : « J'avais été, en effet, chargé de ce
rapport au Congrès de Moscou pour le Congrès de Paris. La ques-
tion n'ayant pas été mise à l'ordre du jour dans cette session,
M. Virchow, président de la Commission internationale de cranio-
métrie, de concert avec quelques-uns de nos collègues, a demandé
que le dit rapport ne soit présenté qu'à la prochaine session ; c'est
pour cela que j'y songeais de nouveau, après l'avoir négligé quelque
temps. Mais comme actuellement je suis surchargé de travail... je
suis enchanté de vous voir endosser cette besogne intéressante,
mais lourde si l'on veut faire quelque chose de complet et d'utile. »
Dans le Compte rendit^ fait par M. Chantre, c/es travaux anthropo-
logiques de la XI" session des Congrès internationaux d Archéologie
préhistorique et d'Anthropologie, réuni à Moscou^ nous lisons que
(1) MM. Ghanthe, sous-directeur du Muséum d'histoire naturelle, Lyon ; — Mino-
vici, directeur adj. de l'Institut médico-légal, Bucarest; — G. Retzius, professeur à
l'Université, Stockliolm; — Schenk, privât docent d'anthropologie à l'Université, Lau-
sanne, avaient été également désignés, mais ils ne sont pas venus prendre part aux
travaux du congrès.
GRANIOMÉTRIQUES ET CÉPHALOMETRIQUES. 561
deux commissions furent nommées pour unifier les mesures
anthropologiques.
i° Commission anthropométrique. Après une communication de
M. Zograff intitulée : Note sur les méthodes anthropométriques
pratiquées en Russie et sur la nécessité détablir une entente
internationale pour les recherches anthropométriques^ une com-
mission « qui doit s'efforcer d'unifier autant que possible les
méthodes d'observation anthropométrique, devra présenter un rap-
port dans la prochaine session. Elle est composée de MM. Anout-
chine, Bogdanow, Chantre, KoUmann, Malieff, Sergi, Tikhomiroff,
Virchow, Zograff. M. Bogdanow a été élu président, et M. Zograff
secrétaire -rapporteur. Son siège est à la Société impériale des
Sciences naturelles et d'Anthropologie de Moscou, » •
2" Commission craniométrique. « Sur la proposition de M. le pro-
fesseur Kolimann, de Baie, le Congrès a nommé une Commission
pour reviser la convention de Francfort en vue de doter l'Anthro-
pologie de mesures craniomélriques internationales. Ont été élus
membres de cette commission : MM. Anoutchine, Bogdanow,
Chantre, KoUmann, Malieff, Sergi, Virchow, Zograff. — M. Vir-
chow a été élu président, M. Anoutchine secrétaire-rapporteur. »
La lettre de M. Chantre prouve qu'aucune de ces commissions n'a
abouti à des résultats appréciables. La commission anthropomé-
trique semble ne s'être jamais réunie ; et la Commission craniomé-
tique n'a eu que deux séances pendant la session de Moscou : une
entente n'était pas possible dans ces conditions.
M. Papillault insiste sur la nécessité de se réunir au moins deux
fois par jour pendant toute la session afin de faire un examen
approfondi des différentes techniques employées actuellement et
d'arriver à une entente. Il y a urgence. La convention de Francfort
est abandonnée par la plupart des savants allemands eux-mêmes. La
méthode française n'est pas plus unifiée. A Paris même, les dis-
ciples de Broca ont peut-être l'illusion d'avoir la même technique,
mais une petite enquête a permis de constater des divergences qui
rendent incorrecte toute comparaison entre certaines de leurs men-
surations. Chaque école nationale présente donc souvent entre ses
membres des divergences qui égalent et dépassent même celles qui
la séparent des autres Écoles- Cette simple constatation fera dispa-
raître de nos débats toute préoccupation étrangère à la science.
Aucun de nous ne songera à défendre une tradition nationale qui a
été incapable de conserver son unité de doctrine^ et qui, en fait,
l'anthropolooie. — T. XVII. — 1906. 36
^"^es UNIFICATION DES MESURES
n'existe plus. Ce qui doit nous guider uniquement dans le choix
d'une technique, c'est sa commodité, sa simplicité, sa précision,
et la valeur biologique de la mesure ainsi déterminée.
Sur la proposition de son président, M. Waldeyer, la Commission
décide de se limiter à l'étude de la tète, dont les mesures sont
assez nombreuses pour que leur étude prenne tout le temps dont
elle dispose. Toute mesure consacrée par un usage même limité
sera soumise à l'examen de la Commission par le secrétaire, qui
rappellera les principales variantes de technique. Quand l'enlente
se sera établie, il rédigera entre les séances la définition et la tech-
nique de la mesure, et soumettra son texte à l'approbation de la
Commission.
Le samedi 21 avril, la Commission avait terminé ses travaux.
Le secrétaire-rapporteur prenait la parole au début de la séance
du Congrès, pour annoncer que son rapport était déposé dans une
salle voisine, où chacun pouvait aller le consulter. Lui-même se
tenait à la disposition des membres du Congrès prêt à leur donner
les explications nécessaires. A la fin de la même séance le Congrès
approuvait à r unanimité le texte suivant que M. Hamy, président,
avait soumis à son approbation.
Projet d'entente internationale sur les mesures craniométriques et
céphalométriques.
Remarques préliminaires :
La Commission a classé sous le titre de facultatives certaines
mesures qui lui paraissent intéressantes, mais sur lesquelles elle
n'a pas de documents suffisants pour apprécier leur portée et con-
seiller leur usage journalier. Elle s'est donc contentée de préciser
leur technique sans se prononcer sur leur emploi.
Pour chaque mesure on a donné une indication en abrégé de
l'instrument qui doit être employé.
C. G. — Compas glissière.
C. E. =z Compas d'épaisseur.
R. M. ~ Ruban métrique, toujours en matière très souple, le
moins extensible possible. La toile légèrement empesée est une
des meilleures.
Il est d'ailleurs indispensable de comparer souvent le ruban avec
un étalon en métal.
GRÂNIOMETRIQUES ET GEPIIALOMÉTRIQUES. 563
I. Craniométrie.
A. Crâne proprement dit.
l** Longueur maxima du crâne ou diamètre antéro- postérieur
maximum. CE.
C'est le plus grand diamètre dans le plan sagittal et médian du
crâne.
Points anatomiques :
en avant : le point le plus saillant de la protubérance inter-
sourcilière (glabelle de iJroca) ;
en arrière : le point le plus saillant du sus-occipital donné par
le maximum d'écartement des branches du compas.
2^ Diamètre antéro-postérieur iniaque. C. E. (facultatif).
Dans le plan sagittal et médian du crâne.
Points anatomiques :
en avant : comme le précédent;
en arrière : sur l'inion, dont les variétés individuelles devront
être évitées.
3** Largeur maxima du crâne ou diamètre transverse maximum,
CE.
Cest le plus grand diamètre horizontal et transversal qu'on
puisse trouver avec le compas d'épaisseur sur la boite crânienne.
Point anatomique, déterminé seulement par le maximum; mais
si ce dernier tombait sur les crêies sous-temporales, il faudrait évi-
ter leur saillie, en plaçant le com-
pas au-dessus. ^ — -^^--- ^
4^^ Hauteurs du crâne, y^ ^ n.
a) Hauteur basilo-bregmatique» /, >\
C- E- Ml •'-. '- n\
Points anatomiques : V/"^ V>-j^"^"~-NÎC5
en bas : le basion ou point \ /) ^y \\\j^ \\ /
médian du bord antérieur W ^^/ fï >--^ v/
du trou occipital (éviter les p-C l / ^eyf
exostoses qui s'y rencon- \r\ j \ (XJ
trent quelquefois); tltûtJxiÛQIiw
en haut : le bregma ou point i^'ig- 1.
médian de la suture coronale.
h) Hauteur auriculo'ôregmatique (U^ fig. 1).
Cest la dilférence de niveau entre le bregma et le bord supérieur
du trou auditif.
564
UNIFICATION DES MESURES
Points anatomiques :
en bas : point oii la ligne idéale unissant les bords supérieurs
des trous auditifs coupe le plan médian du crâne;
en haut : bregma.
5^ Largeur frontale minima ou diamètre frontal minimum. G. G.
G'est le diamètre horizontal le plus court entre les deux crêtes
temporales du frontal.
6** Largeur frontale maxima ou diamètre frontal maxïm,um. G. G.
G'est le diamètre horizontal le plus large de Fécaille frontale.
(Le bistéphanique de Broca est abandonné).
7° Diamètre bimastoïdien maximum. G. E. (m, m. fig. 2.)
Point anatomique : face externe de l'apophyse mastoïde au
niveau du centre du trou auditif.
A ce niveau chercher avec le com-
pas d'épaisseur la ligne transversale
d'écartement maximum.
8° Diamètre Mzygomatique. G. G.
Point anatomique ; face externe
des apophyses zygomatiques.
A ce niveau chercher avec le com-
pas la ligne transversale d'écarte-
ment maximum.
9° Diamètre naso'basilaire. G. E.
Points anatomiques :
en avant : le nasion ou point
médian de la suture naso-frontale ; en arrière : le basion.
10° Diamètre alvéolo-basilaire . G. G.
Points anatomiques :
en avant : point alvéolaire ou point médian du bord antérieur
de l'arcade alvéolaire ;
en arrière : basion.
ii^ Diamètre naso'mentonnier. G. G.
Points anatomiques :
en haut : nasion;
en bas : bord inférieur de la mandibule, dans le plan médian.
Mettre préalablement la mandibule en place, les mâchoires rap-
prochées, et noter Tétat des dents.
i^'' Diamètre naso-altséolaire. G. G. (1).
Fig. 2.
(1) L'iûdice facial est exprimé par le rapport
diam. naso-alvéolaire X ^^O
diam. bizygomatique
CRANIOMÉTRIQUES ET CÉPHALOMÉTRIQUES.
m
Points anatomiques :
en haut : nasion;
en bas : le point le plus inférieur du bord alvéolaire, entre lea
deux incisives médianes et supérieures.
13o Hauteur du nez. C. G. (N E, fig". 3).
Points anatomiques :
en haut : nasion ;
en bas : point situé dansleplan médian du crâne, sur la ligne
tangente aux deux échancrures de l'ouverture piriforme.
Si le bord de ces échancrures est remplacé par une gouttière,
prendre le niveau du plancher des fosses nasales.
i^^ Largeur duriez. G. G.
Points anatomiques : bords latéraux de l'ouverture piriforme.
Chercher avec le compas la ligne horizontale et transversale d'é-
carlement maximum.
IS'* Largeur interorbitaire. C. G.
Point anatomique bilatéral :
Le point oii la crête lacrymale posté-
rieure rencontre le bord inférieur du fron-
tal.
16® Largeur orbitaire.
Points anatomiques :
en dedans : le dacryon, ou point de
rencontre des sutures formées par
le frontal, le lacrymal et la branche
montante du maxillaire supérieur.
(Si le dacryon est soudé, ou s'il est dans une situation anormale,
on choisira le point où la crête lacrymale postérieure rencontre le
bord inférieur du frontal.)
en dehors : bord externe de l'orbite, au point où aboutit Taxe
transversal de l'orbite mené par le point interne et parallèle,
autant que possible, aux bords supérieur et inférieur de For-
bite.
17° Hauteur orbitaire. G. G.
Points anatomiques : bords supérieur et inférieur de l'orbite,
en évitant les échancrures supérieure et inférieure, quand
elles existent.
Prendre l'écart maximum entre les deux bords, suivant un axe
perpendiculaire au précédent.
18» Largeur du bord alvéolaire supérieur. G. G.
Fig. 3
566
UNIFICATION DES MESURES
Points anatomiques : Faces externes du bord avéolaire ; s'il y a
des exostoses au niveau du bord libre, on les évitera en se
plaçant au-dessus.
Prendre la ligne transversale mesurant le maximum d'écartement.
18 bis. Hauteur ou flèche de la courbe alvéolaire. G. G. (F, fig. 4).
Points anatomiques :
en avant : face antérieure du bord alvéolaire, entre les deux
incisives médianes;
en arrière : point situé dans le plan médian, sur la ligne tan-
gente aux extrémités postérieures des bords alvéolaires.
On obtient facilement cette
ligne en tendant un fil placé le
plus profondément possible
dans l'échancrure qui sépare le
bord alvéolaire de l'apopbyse
ptérygoïde (1).
19 ^Palais osseux. G. G. (me-
sures facultatives).
a) Longueur de la voûte pala-
tine (L, fig. 4).
Points anatomiques :
en avant : point médian,
sur la ligne tangente au bord
alvéolaire postérieur des incisives médianes ;
en arrière : point médian, sur la ligne tangente au fond des
échancrures du bord palatin postérieur.
b) Largeur de la voûte palatine.
Distance des bords alvéolaires au niveau des deuxièmes molaires.
20 ^Hauteur orbito-alvéolaire (mesure facultative). G. G.
Prendre la distance minima entre le bord inférieur de l'orbite et
le bord alvéolaire.
21» Trou occipital. G. G.
a) Longueur.
Points anatomiques :
en avant : basion.
en arrière : opisthion, ou point médian du bord postérieur.
b) Largeur.
Fig. 4.
(1) L'indice maxillo-alvéolaire sera:
Largeur du bord alvéolaire X "100
Hauteur de la courbe alvéolaire
= X.
CRANIOMÉTRIQUES ET CEPHALOMETRIQUES. 567
Points anatomiques : bords latéraux, sur la li^ne transversale
d'écartement maximum.
22° Courbe sagittale du crâne. R. M.
Points extrêmes :
en avant : nasion ;
en arrière : opisthion.
Points intermédiaires. Appliquer le ruban sur la voûte, dans le
plan médian et sagittal du crâne.
Cette courbe se subdivise en trois parties principales qu'on relè-
vera séparément et qui répondent aux trois os de la voûte, frontal,
pariétal, occipital.
23° Courbe transversale. R. M.
Points extrêmes bilatéraux : sur la crête la plus saillante de la
racine zygomatique postérieure, exactement au-dessus du
trou auditif.
Points intermédiaires : sur la voûte, dans le plan transversal
déterminé par les deux points précédents et le bregma.
23 bis. Courbe dite horizontale, R. M.
Points anatomiques ;
en avant, au-dessus des arcs sourciliers ;
en arrière, sur le sus-occipital, de façon à obtenir la courbe
maxima, en ayant bien soin que cette courbe soit à la même
hauteur de chaque côté et soit tout entière contenue dans
un même plan.
24° Capacité crânienne.
Sans choisir entre les méthodes et tout en reconnaissant la
valeur du cubage de Broca, la Commission conseille d'avoir
toujours quelques crânes de contrôle^ de capacités très diffé-
rentes, auxquels on devra se reporter pour vérifier l'exactitude
des cubages exécutés ; mais elle conseille aussi d'utiliser,
toutes les fois qu'il sera possible, le cubage direct par Teau
au moyen d'une vessie en caoutchouc.
B. Mandibule.
25° Largeur bicondylienne. C. G.
Points anatomiques : extrémités externes de chaque condyle,
dont on mesure l'écartement.
26° Largeur bigoniaque C. G.
568
UNIFICATION DES MESURES
Poiats anatomiques : g-onions ou sommet des angles que forment
les branches montantes avec le corps de la mandibule.
Mesurer leur écartement en appliquant le compas sur la face
externe.
27'' LoncjiœuT de la branche montante C. G. (L, fig. S).
Points anatomiques :
en haut : bord supérieur du condyle ;
en bas le gonion; mais comme ce point est souvent très diffi-
cile à déterminer sur le bord mandibulaire, prendre l'inter-
section des deux lignes
prolongeant les deux
bords inférieur et posté-
rieur.
On l'obtient en faisant re-
poser la mandibule sur
son bord inférieur et en
plaçant latige du compas
le long de son bord pos-
térieur.
28° Largeur de la branche.
G. G.
a) Largeur minima (M,
fig. 6).
Chercher l'écartement minimum entre les deux bords antérieur
et postérieur.
b) Largeur maxima (M, fig. 6) (facultatif).
Points anatomiques :
en avant : point le plus saillant du bord antérieur de l'apophyse
coronoïde;
en arrière : point le plus reculé du bord postérieur de la
mandibule.
Mesurer cet écartement maximum en appuyant une branche du
compas tangentiellement au bord postérieur delà mandibule
et en mettant Tautre branche en contact avec le bord anté-
rieur de l'apophyse coronoïde.
29° Hauteur symphy sienne. G. G.
Points anatomiques, dans le plan médian :
en haut : point le plus élevé du bord alvéolaire ;
en bas : bord inférieur de la symphyse.
Mesurer leur écartement réel, et non leur distance en projection.
Fig. 5.
CRANIOMÉTRIQUES ET CÉPHALOMÉTRIQUES.
569
SJ"" Hauteur du corps mandibulaire. G. G.
Même technique, mais dans un plan vertical passant entre la
première et la deuxième molaire.
31° Épaisseur maxima du corps mandibulaire (facultatif).
Dans le plan passant entre première et deuxième molaire, cher-
cher l'écartement maximum des deux faces.
32° Angle mandibulaire ,
Mesurer avec le goniomètre de Broca et avec la technique que
Fig. 6.
conseille cet auteur, l'inclinaison du bord postérieur de la branche
sur le bord inférieur.
II. Céphalométrie.
1° Longueur maxima de la tète ou diamètre antéro-postérieur
maximum. G. E. (1).
Même technique que pour le crâne; ne pas presser.
2° Largeur maxima de la tête ou diamètre transverse maxima. G. E.
Même technique que pour le crâne.
3'' Hauteur de la tête (placée bien d'aplomb sur ses condyles). Ins-
trument : toise anthropométrique.
(1) Dans toutes les mesures où on cherche sur le vivant avec le compas d'épais-
seur un maximum d'écartement, il est indispensable de chercher d'abord .le plus
grand écart des branches, puis de fixer ces dernières dans cette position avec la vis
et de repasser pour vérifier si l'écartement obtenu est bien le maximum.
570 UNIFICATION DES MESURES
Points anatomiques :
en haut : vertex;
en bas : bord supérieur du trou auditif, dont le point de repère
(toujours à vérifier) est ordinairement le fond de l'échan-
crure comprise entre le tragus et l'hélix.
4^ Largeur frontale minima. CE.
Même technique que pour le crâne.
5^ Diamètre birnastoidien maximum. C. E.
Même technique que pour le crâne, en se plaçant derrière le sujet.
6*^ Diamètre bizygomatique. CE.
Même technique que pour le crâne. Chercher avec soin le maxi-
mum qui est souvent plus en arrière qu'on ne le suppose.
7'' Diamètre bigoniaque. C. E.
Même technique que pour le squelette. Eviter avec soin la partie
charnue du masséter.
8^ Hauteur totale du visage (facultatif). C G.
Points anatomiques dans le plan médian :
en haut : naissance des cheveux;
en bas : bord inférieur de la mandibule, en pressant un peu
pour ne pas tenir compte des épaisseurs adipeuses.
9^ Diamètre naso-mentonnier. C G.
Mêm.e technique que sur le squelette, en pressant un peu comme
pour le précédent.
Chercher le nasion en remontant
\ avec l'ongle le dos du nez jusqu'au
^\. léger ressaut que fait le bord infé-
^m\ rieur du frontal.
^^^^y 10^ Diamètre 7iasO'buccaL C. G.
/^ ^\^^ Points anatomiques dans le plan
y ^ médian :
Fig. 7. en haut : nasion;
en bas : interligne des lèvres.
11^ Diamètre naso-alvéolaire. C. G.
Même technique que sur le squelette. Il est toujours facile de
faire retrousser les lèvres au sujet pour qu'on puisse apercevoir le
bord libre des gencives.
12*^ Hauteur du nez. C. G.
Points anatomiques :
en haut : nasion;
en bas : sous-cloison du nez, au niveau de son union avec la
lèvre supérieure.
CRANIOMÉTRIQUES ET CÉPHALOMETRIQUES.
jH
Fig. 8.
E
Ne pas presser.
13** Largeur du nez. C. G.
Points anatomiques : face externe des ailes du nez.
Chercher, sans exercer aucune pression, la ligne transversale
d'écartement maximum.
14^ Saillie de la base du nez (fig. 7).
Points anatomiques : ,
en avant : le point le plus saillant
du lobule nasal;
en arrière : le point oii le plan mé-
dian est coupé par la ligne trans-
versale joignant le point le plus
reculé de chacun des plis naso-
labiaux.
Prendre la distance en projection de
ses deux points avec un instrument ap-
proprié.
15^ Largeur bipalpébrale externe. C. G. (E, fig. 8).
Points anatomiques : an-
gle externe de chaque œil,
dans sa région profonde, en
contact immédiat avec le
globe de l'œil.
Les yeux du sujet étant
bien ouverts, le regard un peu
au-dessus de l'horizon, viser
ce point avec les branches du
compas appuyé sur les joues
du sujet.
16^ Largeur bipalpébrale
interne. C. G. (I, fig. 8).
Points anatomiques : an-
gle interne de chaque œil,
sans s'occuper de la caron-
cule (fig. 8, I).
17° Largeur de la bouche.
C.G.
Points anatomiques : commissures des lèvres, au point où la
muqueuse se continue avec la peau. Prendre leur distance, la bou-
che étant dans sa position moyenne.
Fig. 9.
572 UNIFICATION DES MESURES CRANIOMETRIQUES ET CÉPIIALOMÉTRIQUES.
18° Hauteur bilahiale. C. G.
Points analomiques :
en haut : sommets des courbes de l'arc labial supérieur;
en bas : sommet de la courbe labiale inférieure.
Placer la tige du compas bien verticale et ses branches tangentes
aux sommets des deux courbes.
19° Oreille, C. G.
a) Longueur maxima (fig. 9, trait plein).
Points anatomiques :
en haut : le point le plus élevé du bord de l'hélix;
en bas : extrémité inférieure du lobule.
Placer la tige du compas parallèle au grand axe de Toreille et ses
branches tangentes aux points indiqués, sans presser.
b) Longueur de l'oreille cartilagineuse (fig. 8, trait pointillé).
Points anatomiques :
en haut, comme précédemment;
en bas : bord inférieur de la conque cartilagineuse.
Appliquer le compas comme précédemment, mais en déprimant
légèrement le lobule avec la branche inférieure afin de ne prendre
que la portion cartilagineuse du pavillon.
c) Largeur,
Distance entre deux lignes parallèles au grand axe de l'oreille,
dont l'une est tangente au bord antérieur de l'hélix, et l'autre tan-
gente à son bord postérieur.
La technique de chacune de ces mesures a été, après discussion,
adoptée à l'unanimité.
Ont signé :
Le Président^ Le Vice-Président^
Waldeyer. g. SERor.
Les membres de la Commission^
Giuiïrida Ruggeri; E. T. Hamy; G. Hervé; Lissauer; Von Lus-
chan; Pittard; Pozzi; Yerneau.
G. Papillault, rapporteur.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
EN FRANGE ET A L'ÉTRANGER
HowoRTH (Sir Henhy H.).Ice or Water (Glace ou Eau). 2 vol. 8°. Londres, Longmans,
Green et G», 1905.
Sir H. Howorth, membre du Parlement britannique, président de
l'Institut royal archéologique, écrivain abondant, agréable et spirituel,
a consacré une partie de son activité intellectuelle à combattre les
idées modernes sur les grands phénomènes des dernières époques géo-
logiques. Dans un premier ouvrage, qui date d'une vingtaine d'années,
Le Mammouth et le déluge^ l'auteur avait tiré de l'examen de faits
innombrables, puisés dans la littérature scientifique de tous les pays,
des conclusions en contradiction avec les idées contemporaines ou les
idées à la mode. Pour expliquer les dépôts superficiels, les vastes champs
d'alluvions, le transport d'énormes blocs, la formation des limons,
l'extinction subite du Mammouth, ce n'est pas aux causes actuelles
qu'il faut recourir, ce n'est pas non plus à l'hypothèse glaciaire. Il
faut invoquer des actions extraordinaires, tout au moins violentes,
subites et rapides. Il faut admettre une catastrophe ou, pour l'appeler
par son nom, un véritable déluge provoqué probablement par de
grands mouvements orogéniques et produit par des vagues gigantes-
ques, parcourant les terres basses, anéantissant le Mammouth et
l'Homme son contemporain, transportant de grands blocs, déposant des
cailloux et des limons. C'est, on le voit, une vieille conception, celle du
diluvium, reprise et rajeunie par l'examen d'un grand nombre de
données nouvelles et à laquelle Prestwich, vers la fin de sa vie, apporta
son adhésion. Ce premier ouvrage, «grand arsenal de faits », fut appré-
cié comme une remarquable compilation, mais la doctrine n'eut pas
grand succès. Avant tout on veut être de son temps.
Il fut suivi, quelques années plus tard (1892), de deux volumes inti-
tulés : Le Cauchemar glaciaire, second appel au sens commun contre les
extravagances d'une géologie récente. L'auteur attaquait vigoureusement
la théorie des extensions glaciaires qui, modérée au début avec son
créateur Charpentier, a pris, avec Agassiz, Schimper et leurs disciples,
des proportions tout à fait inacceptables. Cette théorie ne repose sur
aucune observation positive; elle s'appuie sur une idée uniformiste
purement théorique, à savoir que tout peut s'expliquer par un travail
lent, continu, accumulé des causes actuelles. On a cherché à l'étayer
574 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
par des hypothèses astronomiques, dont aucune n'a résisté à la critique.
Elle fait appel à des phénomènes d'une amplitude prodigieuse, incom-
préhensible, alors que la théorie d'une catastrophe diluvienne, qui
explique tout aussi bien les phénomènes observés, a le mérite d'être
d'accord avec les lois de la nature.
Comme le précédent, ce livre, remarquable par le côté historique,
très soigné, témoigne d'une grande érudition. Mais il ne paraît pas avoir
fait plus de conversions que son aîné. M. Howorth a cru utile de
reprendre et de compléter l'exposé de sa thèse dans un nouvel ouvrage :
Neige ou Eau, en 3 volumes, dont deux seulement ont paru à l'heure
actuelle. Les phénomènes qui ont marqué les temps quaternaires, ainsi
que les théories relatives à ces phénomènes, y sont traités d'un point de
vue critique. Je vais essayer de le résumer aussi brièvement que pos-
sible.
Les premiers chapitres sont consacrés à l'examen des principales
théories imaginées pour expliquer l'époque glaciaire. Les unes se rat-
tachent à des phénomènes normaux, périodiques, les autres font appel
à une cause accidentelle. Les premières sont des théories purement
astronomiques. L'auteur avait déjà fait le procès de celles-ci dans ses
précédents ouvrages. Il y revient surtout pour combattre, en s'aidant
des répliques de Gulverwell, les assertions récentes et si pleines d'as-
surance de l'astronome Sir R. Bail. La théorie de Croll est également
l'objet d'un nouvel examen; elle a d'ailleurs complètement cessé de
plaire. Le mot banqueroute peut servir d'épitaphe finale aux diverses
formes de l'hypothèse astronomique.
Les corollaires géologiques de celle-ci sont en effet insoutenables.
Rien ne prouve qu'à une époque glaciaire dans un hémisphère ait cor-
respondu une époque chaude dans l'autre hémisphère. Les géologues
s'accordent, au contraire, à regarder les phénomènes glaciaires des
deux hémisphères comme contemporains. Et les prétendues traces
glaciaires de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Gap, etc., n'ont
rien de comparable à celles de l'Europe ou de l'Amérique du Nord. Le
maximum du phénomène glaciaire ne paraît pas devoir s'être produit
au pôle comme le voudrait la théorie; les centres de dispersion des
glaces en sont tout à fait indépendants. Croll avait dit : « Ma théorie
exige que les périodes glaciaires des temps géologiques aient été mul-
tipliées ». Certains géologues se sont attachés à retrouver les traces de
ces périodes. D'autres soutiennent encore l'unité de la période glaciaire.
Les diverses phases de glaciation auraient dû être séparées par des
phases interglaciaires au climat chaud. M. Howorth consacre une grande
partie de son ouvrage à réfuter ces dernières propositions. Pour lui, la
conception des périodes interglaciaires doit aller rejoindre dans les
limbes les théories astronomiques.
L'auteur examine ensuite les théories qui font appel à un événement
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 575
unique, accidentel. « Celles-ci sont aussi inépuisables que la perversité
de l'imagination humaine ». Il s'agit d'un changement accidentel de
l'inclinaison de l'axe de la terre sur le plan de l'écliptique; du dépla-
cement des pôles sur la croûte terrestre ou des changements relatifs
survenus entre celle-ci et le noyau liquide ; de variations de la chaleur
solaire ; de changements dans la constitution de l'atmosphère; de sou-
lèvements ou d'affaissements en masse des domaines continentaux,
etc. Sa conclusion, partagée par beaucoup de savants, c'est que toutes
ces théories sont absolument insuftîsantes. « Postuler une période gla-
ciaire, afin de coordonner et d'expliquer un grand nombre de faits
physiques, serait parfaitement légitime si l'on montrait que la cause
invoquée est possible, mais cela ne saurait être permis quand cette
cause est inexplicable ». Or, jusqu'à présent, on n'a fait appel à aucune
cause rationnelle, ou se prêtant à une vérification scientifique. De plus
on ne s'est pas suffisamment demandé si la glace, véritable Deus ex
machina, est capable de produire tous les effets qu'on lui attribue.
L'auteur n'a jamais cessé de se plaindre que les glacialistes n'aient
jamais pris la peine de démontrer cette capacité. Il est curieux de voir,
par exemple, que dans le Great Ice Age de J. Geikie, sur 600 pages, deux
et demie seulement soient consacrées à l'examen de ce postulat fon-
damental : le pouvoir dynamique de la glace.
La plupart des auteurs qui ont écrit sur l'époque glaciaire n'ont
jamais vu de glaciers. La glace qu'ils invoquent est une glace hypothé-
tique, transcendantale, aux qualités purement imaginaires. M. Howorth
a traité longuement des propriétés physiques de l'eau congelée et de
ses effets dynamiques qui sont très limités. Non seulement la glace
n'est pas capable de creuser mais elle ne saurait, comme on le dit, se
déplacer sur de vastes plaines horizontales. Les ultra-glacialistes n'ont
jamais répondu à ces objections que par des phrases constituant des
aveux d'impuissance.
Les caractères physiques des formations prétendues glaciaires n'im-
pliquent pas nécessairement l'action de la glace. La striation, le polis-
sage des cailloux ou des blocs, le moutonnement de surfaces rocheuses,
l'aspect anguleux des éléments de certains drifts doivent être attribués à
d'autres agents si l'on veut rester fidèle à la méthode inductive. Il en
est de même du mode de distribution, de l'arrangement interne, des
dispositions topographiques du drift, lequel n'a pas les caractères des
moraines actuelles. On a l'habitude de parler des moraines de fond,
mais celles-ci sont virtuellement inconnues dans les glaciers actuels et
l'auteur n'a jamais pu se rendre compte de leur modus operandi. Les
diverses manières d'être du drift, auxquelles on a donné les noms de
dsar, eskers, kames, drumlins, fournissent d'autres exemples de l'in-
croyable ingénuité des glaciairistes qui ont cherché à les expliquer. En
réalité, la glace est incapable de faire tout ce qu'on lui attribue.
576 MOUVEMENT SGlExNTIElgUE.
Il faut abandonner l'hypothèse glaciaire, théorie fantastique d'une
géologie par trop uniformiste. Il vaut mieux revenir aux idées des
anciens maîtres, Murchison, Sedgwick, Philips, de Buch, elc, qui
étaient d'excellents géologues doublés de bons physiciens. Ils attri-
buaient d'une part à des mouvements de l'écorce terrestre, d'autre part
à l'action de l'eau ce que leurs successeurs attribuent uniquement à la
glace. « Ils avaient ce grand avantage, m limine, que les forces invoquées
par eux sont non seulement explicables mais efficaces. Ils pouvaient en
garantir les effets. Nos nouveaux philosophes ont une pierre de touche
très différente. Ils font appel à ce qui est à la fois inexplicable et inef-
ficace ».
Ici s'arrêtent les deux premiers volumes de Ice or Water. Dans le
troisième l'auteur se propose de passer en revue, pour les soumettre à
sa critique, toutes les régions où l'on a décrit des formations glaciaires.
Il a déjà entrepris, dans le dernier chapitre du deuxième volume,
l'examen des contrées arctiques. Celles-ci (notamment le Groenland), au
lieu d'être des contrées plates et basses, couvertes d'une énorme cara-
pace de glace comme Croll et d'autres l'ont dit, sont des plateaux
élevés. Le dernier mouvement de la croûte terrestre a été un soulèvement
qui est encore en progrès, de sorte que le climat de cette région, au lieu
d'être moins rude actuellement qu'autrefois, ne l'a jamais été autant
qu'aujourd'hui et le devient de plus en plus. En fait, on n'observe, ni
en Islande ni au Groenland, aucune trace d'une ancienne période
glaciaire. L'auteur montrera, dans son troisième volume, que pareille
conclusion s'applique à toutes les autres régions prétendues glaciaires
et que les divers phénomènes qu'on y observe s'expliquent facilement
par la seule action de l'eau, thèse déjà développée dans ses ouvrages
précédents.
J'ai lu le nouveau livre de M. Howorth avec curiosité et j'ai trouvé à
cette lecture un grand charme qui ne tient pas seulement au style
agréable, primesautier, plein d'humour de l'écrivain. Certes l'auteur ne
m'a nullement converti à ses idées. Mes convictions sur l'existence
d'anciennes périodes de vastes extensions des glaces ne s'appuient pas
seulement sur ce que j'ai appris dans les livres mais aussi sur mes
observations personnelles et les parties les plus faibles du livre de
M. Howorth sont, à mon sens, celles où il cherche à démontrer que la
glace est incapable de produire les phénomènes auxquels nous recon-
naissons son intervention, tels que le moutonnement des surfaces
rocheuses, la striation des cailloux, les dispositions topographiques des
drifts à éléments anguleux, etc. Mais si l'auteur ne m'a nullement con-
verti, si je ne veux pas revenir, avec lui, à de vieilles conceptions que
je trouve beaucoup plus inexplicables ou beaucoup moins efficientes
que la théorie glaciaire, il m'a obligé à réfléchir sur une foule de points
qu'on adopte parfois un peu légèrement, sans critique suffisante.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 577
M'obligeant à rentrer en moi-même, il m'a rendu un service dont je lui
suis reconnaissant. Plus j'avance dans l'étude des dernières époques
géologiques, qui sont celles que nous devrions le mieux connaître, plus
je suis effrayé du nombre de problèmes qui restent sans solution sa-
tisfaisante et de la difficulté de ces problèmes. Plus je suis étonné
aussi de la facilité avec laquelle on adopte les théories nouvelles, sans
les passer au crible d'une critique serrée et parfois simplement pour
obéir à la mode, pour paraître au courant du mouvement scientifique.
Je crois qu'à ce point de vue, les écrits de M. Howorth peuvent rendre
de grands services. Comme l'a dit l'auteur lui-même dans un de ses
ouvrages précédents, il n'est pas mauvais qu'au moment où de tous
côtés on paraît s'endormir dans la quiétude d'une théorie scientifique
généralement adoptée, il se trouve un esprit indépendant et quelque
peu hérétique, qui vienne secouer les fondations de l'édifice pour en
éprouver la solidité.
M. B.
Lamplugh (G. W.). On the british Drifts and the interglaoial Problem (Sur les
dépôts superficiels des lies Britanniques et le problème interglaclaire). Nature,
n° du 16 août 1906.
Texte d'un discours prononcé devant la section de géologie de l'Asso-
ciation britannique par son président M. Lamplugh.
Entre les rares naturalistes qui ne croient pas du tout à une époque
glaciaire, comme M. Howorth dont je viens de parler, et les glaciai-
ristes à outrance qui multiplient les périodes d'extension des glaces,
comme MM. J. Geikie ou Penck, il y a des savants aux opinions intermé-
diaires : ceux qui croient à l'unité de l'époque glaciaire et ceux qui
admettent une périodicité limitée. On peut dire qu'aujourd'hui l'hy-
pothèse de la périodicité est acceptée par la majorité des géologues.
Quelques-uns pourtant sont restés sur les anciennes positions et se
refusent à admettre l'alternance, pendant les temps quaternaires, de
périodes chaudes et de périodes froides. M. Lamplugh, qui étudie
depuis un quart de siècle les terrains superficiels du Yorkshire, nous
apporte les résultats de son enquête personnelle sur ce pays.
Il commence par passer en revue l'état de la question dans les prin-
cipales régions où elle a été étudiée. Il rappelle la classification compli-
quée de iM. James Geikie, qui embrasse toute l'Europe et qui est, par
cela même, difficile à critiquer. En Norwège, Suède, Danemark on croi^
généralement à une époque interglaciaire, bien que cette vue soit éner-
giquement combattue par Holst. En Allemagne, la discussion est loin
d'être close, et les partisans de la périodicité ne s'accordent par sur le
nombre des périodes. Quelques géologues, comme Geinitz, sont encore
pour l'unité. En Russie les opinions sont divisées. MM. Penck et
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 37
S78 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Bruckner,dans les Alpes, admettent quatre périodes glaciaires avec trois
ou peut-être quatre périodes interglaciaires. En Amérique, où elle a fait
les frais d'une littérature énorme, la question se présente sous le même
aspect qu'en Europe. Tout le monde admet de grandes oscillations du
bord (les champs de glace. Pour les uns les oscillations correspondent
à de véritables phases glaciaires et inlerglaciaires; pour les autres elles
ne suffisent pas à enlever son unité à l'époque glaciaire. La plupart des
géologues ont adopté l'opinion moyenne d'une seule grande interruption
du régime froid. Cette dernière vue trouve un grand appui dans les
études de Gilbert et Russel sur les variations des anciens lacs Bonne-
ville et Lahontan.
L'auteur revientau problème qu'il est particulièrement préparé à trai-
ter, celui de l'interglaciaire des lies Britanniques, en examinant une à
une chacune des phases glaciaires et interglaciaires de James Geikie.
Les premières {Scanien et Norfolkien) ne sont nullement démontrées.
Les Iles Britanniques sont absolument dépourvues de toutes formations
erratiques pouvant se rapporter au Scanien. L'existence en Scanie de
moraines plus anciennes que l'argile à blocs inférieure d'Angleterre ou
d'Allemagne est une pure supposition. Quant au caractère interglaciaire
des dépôts du forest-bed il n'est pas reconnu par des savants tels que
Clément Reid et Harmer.
Pour l'apréciation de la valeur des termes Saxonien (2^ période gla-
ciaire), Belvétien (2^ période interglaciaire), et Polandien (3^ période
glaciaire), les documents anglais sont au contraire très nombreux. Un
peu partout;, aussi bien dans l'ile de Man qu'en Irlande, que dans Test et
le nord-est de l'Angleterre on connaît depuis longtemps la présence
d'un drift stratifié, à éléments roulés, d'un drift fluviatile ou marin
intercalé entre deux ou un plus grand nombre d'argiles à blocs d'origine
glaciaire; ce sont les middle sands. Parfois ces sables renferment des
coquilles marines, de sorte qu'on a pu attribuer leur formation à une
époque de submergence pendant laquelle la glace aurait disparu, c'est-
à-dire à une époque interglaciaire. M. Lamplugh combat cette proposi-
tion. Voici ses principaux arguments.
Le drift stratifié offre avec l'argile glaciaire des rapports si étroits,
les deux formations se présentent si souvent en lambeaux mêlés sans
aucun ordre, on voit si fréquemment le passage de l'une à l'autre, qu'on
ne peut s'empêcher d'admettre que l'argile à blocs et les sables stratifiés
ont dû souvent se former simultanément, sur des points peu éloignés
les uns des autres. Les sables représentent probablement les dépôts
formés sur les marges des nappes de glace, soit par des eaux provenant
du glacier lui-même, soit par les eaux descendant des terres voisines.
On sait aujourd'hui que les coquilles marines^ qu'on trouve parfois,
toujours très clairsemées, dans les middle sands, ne sauraient prouver
l'origine marine de ces sables. Depuis que nous savons que les mers
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 579
anglaises ont été remplies par de vastes lobes de glace balayant le fond
de la mer et poussant, sur la terre ferme, des matériaux empruntés aux
dépôts sous-marins préexistants, nous ne saurions être étonnés d'en
observer des détritus dans les moraines formées par ces lobes de glace
ou abandonnés sur place après leur fusion. Ceci s'accorde, il faut
bien le remarquer, avec ce que divers savants ont observé dans les
glaciers des contrées circumpolaires et M. Kendall a démontré que dans
l'ouest de l'Angleterre ce n'est que lorsque les glaciers ont passé sur
d'anciennes surfaces marines qu'on observe des coquilles dans les dépôts
de drift. De cette façon, la présence de. coquilles marines à des altitudes
très différentes, parfois très élevées comme à Moel Teyfaen, s'explique
aisément par de simples considérations topographiques.
Les fossiles recueillis dans les prétendues formations interglaciaires dé-
notent une faune ou une flore parfaitement compatibles avec une basse
température. Dans les cas exceptionnels où ils accusent une température
vraiment élevée, les relations stratigraphiques des gisements par rap-
port au boulder-clay ne sont pas clairement établies.
Les derniers termes du tableau de la classification de M. James Geikie :
Neudeckien (3^ interglaciaire), Mecklemhourgien (4^ glaciaire), Forestien
inférieur (4« interglaciaire), Turbasien inférieur (5« glaciaire), forestien
supérieur (5^ interglaciaire) et Turbasien supérieur (6*^ glaciaire) sont
encore bien plus difficiles à admettre. Leur ensemble correspond à ce
que la majorité des géologues anglais désignent sous le nom de post-gla-
ciaire. Les données tirées de l'Europe septentrionale, et sur lesquelles
M. Geikie s'est appuyé, sont attaquées même par des interglaciairistes.
Quant aux phénomènes observés en Ecosse ils sont parfaitement expli-
cables par l'hypothèse d'un retrait progressif avec, de temps à autre,
quelques oscillations dues à des variations dans la chute des neiges.
En résumé, d'après M. Lamplugh, une classification détaillée et chro-
nologique des drifts anglais est encore prématurée. Il n'y a aucune
preuve décisive qu'il y ait eu une ou plusieurs périodes interglaciaires
avec climat chaud. L'époque glaciaire parait avoir été continue depuis
la première apparition des champs de glace jusqu'à leur fusion défini-
tive. Les terrains pliocènes et pléistocènes des Iles Britanniques
indiquent les passages progressifs d'un climat tempéré à un climat
subarctique et de celui-ci au climat actuel.
M. B.
Verworn (Max). Die archaeolithische Cultur in den Hipparionschichten von
Aurillac (Cantal) (L'industrie archéolithique dans les couches à Ilipparion d'Au-
rillac, Cantal). Extrait de : Abhandlungen der /cgi. Gesellschafl der Wissenschaften
zu Goetlingen. Malhematisch-physikalische Klasse. Neue Folge, vol. IV, Nr. 4.
Berlin, 1905.
Très sceptique pendant longtemps sur la question de l'origine des
580 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
éolithes, M. M. Verworn prit la résolution, au printemps de 1905, d'abor-
der le problème dans une localité classique et de faire des fouilles à
Aurillac (Cantal).
L'auteur, s'appuyant sur les recherches d'une série de savants fran-
çais, MM. Rames, Boule, etc., expose d'abord la géologie de la région.
La base du Cantal est formée par le terrain archéen, sur lequel reposent
des couches carbonifères. Dans les strates suivantes, d'âge oligocène
(Sannoisien, Tongrien et Aquitanien) s'intercalent des bancs de silex.
Ce sont ces silex oligocènes d'eau douce qui ont fourni la matière des
éclats qu'on rencontre dans les dépôts susjacents et que M. Verworn
considère comme intentionnellement travaillés. Immédiatement au-
dessus des couches oligocènes se trouvent les sables et tufs miocènes
du Pontien (à Dinotherium giganteum, Mastodon longirostris, Hipparion
gracile etc.). C'est de cette époque que datent aussi les premières
éruptions des volcans du Cantal, dont les déjections se montrent tantôt
au-dessus, tantôt au-dessous des strates miocènes, lesquelles sont assez
fréquemment remaniées et englobées par elles. Au Puy de Boudieu,
p. e., on voit les sables miocènes en forme de lentilles enclavés dans le
tuf andésitique.
C'est dans ces couches miocènes, spécialement dans les graviers et
sables flumaiiles des environs d'Aurillac, qu'on a signalé les fameux
éolithes du Cantal. Leur abondance varie suivant les localités. M. Ver-
worn écrit qu'il a récolté au Puy de Boudieu environ 30 0/0, au Puy
Courny env. 20 0/0, près de Veyrac 15 0/0, à Belbès 8 0/0 d'éolithes cer-
tainement travaillées par l'homnîe ou un de ses précurseurs; il s'em-
presse d'ajouter que le nombre des silex certainement non travaillés n'(3st
que de 15 à 20 0/0. La plupart de ces derniers sont roulés, tandis que
les silex travaillés ne montrent ordinairement que peu ou point de
traces de transport. Les arêtes des éolithes du Puy Courny et de Belbès
p. e. sont ordinairement bien roulées, celles du Puy de Boudieu par
contre sont restées presque toutes tranchantes.
Au-dessus des formations d'eau douce et volcaniques miocènes repo-
sent les couches pliocènes du Plaisancien, de l'Astien et du Sicilien
(caractérisées par VElejphas méridional? s, le Mastodon arvernensis^ etc.).
Des éruptions volcaniques contemporaines couvrent les tufs miocènes
et forment les grandes masses d'andésite et de basalte des plateaux.
L'activité volcanique du Cantal s'est éteinte vers la fin du Pliocène, et
les sommets de cette région sont devenus des centres de glaciers qua-
ternaires. On y peut facilement distinguer deux époques glaciaires, un
« glaciaire des plateaux » et un « du fond des vallées », séparés par une
phase interglaciaire. 11 semble que la terrasse supérieure contienne des
instruments primitifs quaternaires en silex; la terrasse inférieure a
donné une riche récolle de silex amygdaloïdes et de pointes moustié-
riennes. La surface actuelle enfin présente une industrie néolithique.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 581
M. Verworn est d'avis qu'on ne peut soutenir qu'il y ait eu encore
des éruptions à l'époque quaternaire et que les éolithes situés au-
dessous du basalte puissent dater de cette période, parce que les deux
terrasses quaternaires aux environs d'Aurillac ne sont nulle part cou-
vertes de dépôts volcaniques. Le fait, qu'on peut distinguer plusieurs
formations volcaniques séparées par des couches d'eau douce bien
caractérisées, lui fait penser que les strates avec éolithes, reposant
tantôt au-dessous, tantôt immédiatement au-dessus du basalte le plus
profond, ne peuvent appartenir à la fin du Tertiaire. Il déduit aussi
leur âge plus reculé de l'observation que les couches à éolithes n'af-
fleurent librement qu'aux bords de la couverture volcanique^ là où des
vallées les ont entamées à une certaine profondeur. Elles en sont, par
contre, recouvertes sur les plateaux, où ce creusement n'a pas eu
lieu et où les éruptions plus récentes ne se sont pas étendues. Mais
parce qu'on rencontre encore au-dessus de ces matières volcaniques les
plus anciennes des couches à flore et à faune du Miocène supérieur
(p. e. à Joursac), les strates à éolithes ne peuvent être plus récentes que
celui-ci, ce que M. Keilhac a cru, en émettant l'opinion que les osse-
ments d'Hipparioriy de Dlnotherium n'auraient été remaniés avec les
graviers à éolithes que plus tard.
Il ne reste donc à M. Verworn qu'à prouver, chose fort importante,
que les silex certainement miocènes, sont travaillés. 11 consacre tout
un chapitre aux signes du travail intentionnel. Après avoir parlé une
fois de plus du bulbe de percussion, du plan de frappe, des éclats, des
retouches, etc., il conclut qu'aucun de ces critériums, pris en soi-
même, ne suffit à établir la « manufacture ». « Nous devons plutôt —
d'après ses propres expressions, — nous efforcer, de développer un
diagnostic critique, formé comme celui du médecin. Plus nous dé-
velopperons ce diagnostic par l'observation et l'expérience, plus le
nombre des cas douteux diminuera. C'est seule l'analyse critique
d'une combinaison donnée de caractères, qui nous permet d'arriver à
une décision. » J'avoue que cette explication ne se présente ni avec
clarté ni avec simplicité ; bornons-nous à dire que M. Verworn a trouvé
toute une série de silex au Puy de Boudieu, extraits par lui-même
d'une couche non remaniée, qui offrent « tout le complexe des symp-
tômes » nécessaires, et qui prouvent par conséquent « d'une façon
inébranlable l'existence d'un être qui a taillé le silex vers la fin du
Miocène ».
L'auteur donne ensuite une description détaillée de l'importante récolte
de silex taillés, qu'il a eu le bonheur de faire, et parmi lesquels se
trouvent des pièces intactes avec deux patines successives, des pièces
ouvrées par conséquent deux fois à l'époque miocène. Leur grandeur
est bien différente, car à côté des silex de quelques centimètres, il en
est qui ont 15 à 20 centimètres de diamètre. La matière première pos-
582 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
sède en général la forme de dalles avec surfaces parallèles, qui prédo-
mine aussi parmi les outils mêmes. M. Verworn décrit alors les éclats,
les nucléus, les marteaux, les enclumes, les racloirs, les pointes, les
perçoirs, etc., et donne sur cinq planches de belles figures des pièces
principales. Après avoir exposé le milieu dans lequel vivaient les
anciens habitants du Cantal, il insiste sur l'existence de traces mon-
trant qu'il y avait ici au Miocène une culture qui était déjà sortie des
premières ébauches et qui suppose un long développement. Le grand
nombre des outils lui indique néanmoins qu'on ne les a pas gardés
longtemps, mais abandonnés de suite, sauf à les reprendre et refaire
par hasard. Le silex est seul utilisé.
M. Verworn attribue à la localité qu'il a examinée une plus grande
importance que les autres visiteurs qui l'ont étudiée avant lui ne
l'ont fait. Il lui semble nécessaire de distinguer et diviser encore plus
exactement les produits industriels qu'on a réunies jusqu'ici sous le nom
d'éolithes. Les éolithes du Cantal représentent pour lui l'époque où
l'on a déjà éclaté les pierres et travaillé les bords, mais oii de véritables
types sont encore inconnus. 11 propose d'appeler cette industrie
« archéolithique » ; elle s'intercalerait entre les industries éolithiques et
paléolithiques; elle aurait déjà existé au Miocène supérieur. Les indus-
tries éolithiques comprendraient les époques où Ton .n'aurait pas
encore ouvré la pierre, mais seulement utilisée telle qu'elle était. Les
véritables et pures industries éolithiques ne seraient même pas encore
trouvées; on devrait remonter à des périodes géologiques beaucoup
plus reculées. Une utilisation purement éolithique n'est connue jus-
qu'ici que chez les singes actuels, qui ne réussissent encore ni à con-
naître ni à distinguer les silex. M. Verworn concède qu'il sera difficile
de vérifier ces traces certainement très faibles, mais il espère néanmoins
que notre œil s'aiguisera pour cette tâche délicate.
Si les éolithes présentaient jusqu'ici (pour beaucoup d'archéologues)
le travail d'un être intellectuel, il n'y aurait pas de doute que les
beaux échantillons dont parle M. Verworn ne soient a fortiori dans le
même cas. Toutefois, il est désormais acquis que ces pièces considérées
comme travaillées intentionellement peuvent avoir une origine pure-
ment naturelle. Les séries recueillies à Mantes ont fourni non seule-
ment des pièces représentant des traces apparentes d'un travail rudi-
mentaire, mais des formes d'aspect beaucoup plus perfectionné et
particulièrement des éclats, grattoirs et perçoirs, que M. Verworn
n'hésiterait pas à classer dans l' « archéolithique » le plus soigné. A
Mantes cependant nous avons affaire à des éclats provenant de blocs
de faibles dimensions et d'un silex dur qui ne s'éclate pas très facile-
ment. On peut se demander ce que donnerait dans les turbines de
Mantes le silex en grandes plaquettes du Puy Courny, dont l'extrême
fragilité ne fait aucun doute et exagérerait vraisemblablement beau-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 583
coup tous les aspects de pseudo-taille, constatée sur les éclats du silex
sénonien. Cette explication est d'autant moins invraisemblable, que
des sommets très élevés du grand cône volcanique miocène devaient
dévaler de très puissants cours d'eau torrentiels, dont nous savons
qu'ils étaient de merveilleux fabricants d'éolithes. Il n'est pas jusqu'à
la différence dans l'usure des arêtes, quelquefois tout à fait nulle, et
d'autres fois très accentuée, qui ne s'explique par l'analogie avec une
différence aussi considérable, que j'ai pu constater, après quelques
heures de transport, dans les turbines de Mantes.
D"" H. Obermaier.
J'aurais bien des choses à dire au sujet de ce travail et d'autres
mémoires du même genre, parus depuis peu sur les gisements à éolithes
des environs d'Âurillac. Leurs auteurs donnent à la géologie du Cantal
des entorses graves, font des confusions regrettables, mettent dans le
même sac des choses très différentes, ou bien, comme M. Verworn, s'es-
criment à démontrer des cho«es connues depuis les travaux des premiers
géologues auvergnats. Aussi bien n'est-ce pas l'âge des sables à silex du
Puy Courny qui est l'objet du litige. Si la nature exacte de ce gisement
est à mes yeux un des problèmes les plus difficiles de la géologie canta-
lienne, ce dont personne ne parait se douter, son âge miocène supérieur
n'a jamais été sérieusement mis en doute par personne. Ce qu'il s'agirait
de prouver autrement que par des affirmations ou des dissertations à
côté, c'est que les silex du Puy Courny sont vraiment le produit d'une
intervention intelligente. Et cela on ne le fait pas. Tout ce qui a été
écrit dans ces dernières années sur ce sujet n'est que la répétition de
ce qui fut dit, écrit, ou imprimé il y a une vingtaine d'années.
Ce principal côté de la question est purement subjectif, comme on le
verra par un mémoire de M. le Dr Mayet que je publierai dans le pro-
chain numéro.
M. B.
Boule (M.). Les Grands Chats des Cavernes {Annales de Paléontologie, t. I (1906),
fasc. I et II).
Les travaux descriptifs de fossiles quaternaires ne sauraient trouver
leur place normale dans L'An^/^ropo/opie pour diverses raisons et, notam-
ment, parce que les descriptions doivent le plus souvent être accompa-
gnées de planches d'un format supérieur à l'in-S". Le nouveau recueil
que je viens de créer, avec le bienveillant concours de MM.Masson etC'^,
sous le titre d'Atinales de Paléontologie^ et destiné surtout à la publica-
tion des travaux qui sortent de mon laboratoire du Muséum, renfermera,
de temps à autre, des mémoires sur les animaux quaternaires.
J'espère continuer ainsi la série si appréciée de tous les travailleurs,
des Matériaux pour C histoire des temps quaternaires entreprise par
584 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
M. Albert Gaudry et pour laquelle mon cher et illustre maître avait bien
voulu me prendre comme collaborateur.
Les premiers fascicules des nouvelles Annales renferment une étude
détaillée des matériaux que possède le Muséum en fait de grands
Chats quaternaires ; matériaux exceptionnels comme je l'ai déjà dit
dans un article de cette revue [L'Anthrop. ,Wl, p. 413).
Mon travail débute par un chapitre préliminaire qui pourra être fort
utile aux préhistoriens désireux de déterminer eux-mêmes les produits
de leurs fouilles dans les cavernes. C'est une étude sur l'ostéologie com-
parée du Lion et du Tigre où les caractères différentiels sont soigneuse-
ment établis et figurés. La description de nos grands squelettes entiers
de L'Herm, de Cajarc et de Vence est accompagnée de mensurations et
de planches en photocollographie. Le mémoire se poursuit par un cha-
pitre intitulé : Des Lions des cavernes en général où, après avoir montré
que dans tous les gisements européens les restes des grands Chats qua-
ternaires sont toujours plus voisins du Lion que du Tigre, je donne la
répartition géographique et leur répartition stratigraphique.
Le Lion des Cavernes n'apparaît qu'avec le Quaternaire; même il
est très rare dans le Quaternaire inférieur. A cette époque son rôle paraît
avoir été tenu par les derniers Machairodus. C'est doncà tortque certains
préhistoriens regardent le Lion des cavernes comme une forme animale
caractéristique du Chelléen. C'est auxépoquesultérieuresqu'elle est vrai-
ment abondante ; elle est en effet un des éléments essentiels de la faune
du Mammouth et de l'époque moustiérienne des archéologues. Encore
fort répandu à l'époque du Renne, le grand Chat des cavernes paraît
avoir disparu de nos contrées vers la fin du Quaternaire. On ne l'a
jamais signalé dans le Néolithique. L'hypothèse de la disparition du
Lion du Sud etdePEst de l'Europe à une époque historique, combattue
par M. Salomon Reinach, a été récemment soutenue de nouveau par
M. Meyer, qui croit à Texistence du Lion en Grèce pendant l'antiquité
classique.
Enfin en terminant, j'ai cherché à retrouver les ancêtres des Lions
quaternaires. On ne peut comparer à ces derniers que certains fossiles
du Pliocène de France et d'Italie auxquels on a donné le nom de Felis
arvernensis. Malgré de nombreuses différences, ces Chats pliocènes
offrent avec les Lions quaternaires ou actuels assez de points de con-
tact pour qu'il ne soit pas trop téméraire de supposer qu'ils descendent
les uns des autres. Le l^elis arvernensis serait donc au Felis leo ce que le
Canis etruscus pliocène est au Loup, ce que VHijœna Perierri et VB.
arvernensis, également pliocènes, sont à l'Hyène tachetée et à l'Hyène
brune.
M. B.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 585
EwART (J. C). The Tarpan and its relationship with wild and domestic Horses
(Le TarpaD et sa parenté avec les Chevaux sauvages et domestiques). Nature,
31 mai 1906.
Cet article est le résumé d'un travail paru dans les Proceedings de la
Société royale d'Edimbourg (vol. XXVI). L'auteur se propose d'éclairer
la question de l'origine des Chevaux en recherchant si le Tarpan peut
être regardé comme une forme ancestrale des races actuelles.
Depuis la découverte du Tarpan par Gmelin vers 1740, les opinions
les plus diverses ont été formulées à son sujet. Quelques naturalistes
l'ont regardé comme représentant une véritable espèce sauvage ;
d'autres, comme Nehring, l'ont considéré comme le dernier survivant
des Chevaux préhistoriques; les zoologistes anglais adoptent plutôt
la vue de Pallas qu'il s'agit de descendants de Chevaux domestiques
revenus à Tétat sauvage.
Tandis que les divers individus étudiés depuis Gmelin et Pallas of-
fraient quelques différences dans la crinière^, la queue et le nombre
des châtaignes, ils ont tous présenté un caractère ostéologique impor-
tant, celui de n'avoir que cinq vertèbres lombaires, comme dans le
Kyang, le Cheval de Prejvalsky, certains Chevaux arabes, au lieu de six
comme chez les Chevaux européens {Equus caballus typicus). Il s'ensuit
que le Tarpan ne saurait être considéré, même s'il représente une
espèce sauvage, comme le seul ancêtre de notre Cheval commun. Après
avoir d'abord regardé comme insoluble le problème de l'origine du Tarpan,
l'auteur a pensé qu'il pourrait peut-être le résoudre par des expériences
de croisement qui conduisent parfois à la restauration de types anciens
dans leur pureté primitive. En croisant une jument à robe souris des
Shetland avec un poney noir d'ancienne race britannique, il a obtenu
un animal aujourd'hui âgé de trois ans et qui est un Tarpan aussi
typique qu'aucun individu des steppes russes.
Suit une longue description de ses caractères morphologiques, la-
quelle conduit à cette conclusion que le Tarpan, autrefois commun dans
l'Est de l'Europe, ne peut pas être considéré comme une espèce sau-
vage particulière. On peut affirmer de plus que les Tarpans ont une
triple origine : 1° une forme identique à VE. Prejvalskii ou très voisine
de celui-ci ; 2" une variété ayant les caractères du Poney celtique ou
E. caballus celticus (1) ; 3° une variété ressemblant à VE. caballus
typicus.
Par de nouvelles expériences, M. Ewart espère pouvoir déterminer
la part qui revient au Cheval de Prejvalski dans la formation du Tarpan
et apporter de nouveaux arguments à sa théorie sur la multiple origine
de nos Chevaux domestiques, qui auraient eu pour ancêtres à la fois des
Chevaux à robe uniforme et des Chevaux à robe rayée.
M. B.
(1) Voir à ce sujet V Anthropologie, XVI, p. 322 et XVII, p. 150.
586 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Laville (A.). Amande chelloise accompagnée de VElephas antiquus à Créteil
(Seine). Feuille des jeunes naluralisles^ !<>' juillet 1905.
lit. — Le Pliocène à E/ep/ias meridionalh dans le département de la Seine, ibici.,
lf«- août 1906.
Dans la première de ces notes, l'auteur décrit des carrières de graviers
situées à 3 kilom. 500 au sud-est du confluent de la Seine et de la
Marne, sur les territoires de Maisons-Alfort et de Créteil, à l'altitude de
48 mètres, soit de 16 à 18 mètres au-dessus de la Seine (30 m.) et de la
Marne (32 m.). Ces graviers ont une épaisseur de 7 à 8 mètres. A leur
base, très près du substratum formé par le calcaire grossier, à l'altitude
de 40 mètres, on a recueilli, sur des points très voisins, un beau silex
taillé en amande^ de type chelléen (M. L. préfère dire chellois) et une
molaire d'Élépbant antique. Cette observation est des plus précieuses
pour fixer l'âge des diverses terrasses fluviatiles des environs de Paris.
La seconde note n'est pas moins intéressante. M. Laville décrit et
figure une molaire d'Éléphant méridional qui lui a été remise par le
propriétaire de la carrière de Bicêtre, bien connue de tous les géologues
parisiens. Cette molaire aurait été trouvée en 1876, rue du Pont-Neuf,
à Gentilly, dans les graviers recouvrant la terrasse de Bicêtre dont l'al-
titude est de 60 mètres. Cette terrasse serait donc pliocène.
La conclusion est peut-être un peu prématurée, car cette trouvaille est
bien isolée et des molaires d'Éléphants peuvent provenir d'alluvions plus
anciennes par voie de remaniements. Il faut observer en outre que les
alluvions de la terrasse correspondante de Vincennes, de l'autre côté
de la Seine, ont livré au Bas-Montreuil une faune à Elephas antiquus
qui n'a rien de pliocène. Je ne vois d'ailleurs aucune objection de principe
à ce que ces terrasses soient à peu près de l'âge de Saint-Prest, comme
M. Laville l'indique pour celle de Bicêtre. J'ai toujours été frappé de la
très faible altitude des graviers de Saint-Prest et mes études dans le
Massif central de la France m'ont appris de la façon la plus nette que
le principal creusement des vallées actuelles est l'œuvre du Pliocène
supérieur. L'horizon de Saint-Prest est d'ailleurs un terme de passage
du Pliocène au Pléistocène. Ce n'est plus du Tertiaire, ce n'est pas en-
core du Quaternaire.
Quoi qu'il en soit de cette question d'accolade sans grande impor-
tance au fond, c'est en accumulant des observations consciencieuses
comme celles que M. Laville nous fournit de temps à autre, que nous
arriverons peut-être à débrouiller un jour l'histoire si compliquée des
dernières époques géologiques dans le Bassin de Paris.
M. B.
PiGORiNi. Materiali paletnologici dell' Isola di Capri (Matériel palethnologique de
nie de Capri). Boll. di palelhnologia italiana, XXXIt (1906).
Il s'agit d'une découverte fort importante dont M. Pigorini avait déjà
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 587
dit quelques mots au Congrès de Monaco (UAnthr., XVII, p. 121) et
sur laquelle cet article nous apporte quelques données complémen-
taires, fournies jiar les auteurs de la découverte, le D"" Cerio et le géo-
logue qui s'est occupé spécialement de Capri, M. Bellini.
Déjà en 1901, M. Bellini, en examinant une tranchée de la route en
construction de Cerlosa à Marinella, avait observé et recueilli quelques
silex taillés dans une couche d'argile ferrugineuse renfermant aussi des
débris d'ossements. Cette couche d'argile reposait sur le calcaire com-
pact crétacé qui forme l'ossature de l'île; elle était surmontée de
produits volcaniques tufacés, puis d'une nouvelle couche d'argile, le
tout recouvert de blocs éboulés des hauteurs voisines. L'Homme avait
donc été le témoin des éruptions des Champs phlégréens.
L'année dernière le D"" Cerio eut la bonne fortune d'observer un gise-
ment analogue, mais beaucoup plus riche, à l'ouest de Capri, près de
l'hôtel Quisisana. Là, de profondes tranchées creusées pour des cons-
tructions montrèrent la coupe suivante, de haut en bas :
1. Terre végétale, 1 m. 70 environ.
2. Matériaux volcaniques, de nature sanidinique, alternant avec des
détritus calcaires, 2 m. 80 environ.
3. Argile rouge, homogène, non stratifiée, avec ossements d'animaux
et pierres travaillées, de 2 à 5 mètres.
4. Calcaire infra-crétacé.
C'est à la surface de l'argile n» 3 qu'ont été recueillies les pierres tra-
vaillées, les ossements d'animaux étant répandus dans toute la masse.
M. Cerio a reconnu : Elephas antiguus, Hippopotamus, Rhinocéros
tichorhinus, Ursus spelœus, Cervus sp. Sus scrofa, Canis, Felis tigris (?).
Plusieurs de ces déterminations me paraissent très sujettes à caution,
notamment Rhinocéros tichorhinus et Felis tigris.
Les pierres travaillées sont de deux sortes : des instruments en quart-
zite, de la forme de Saint-Acheul — qu'on croirait venir, à en juger
d'après les photographies, des gisements de la Haute-Garonne —et des
silex pyromaques. Nous n'avons pas de détails sur la forme de ces der-
niers et il serait à désirer qu'on en publiât quelques-uns. On peut noter
dès à présent, que Capri étant complètement dépourvue de gisements
naturels de quartzite et de silex, ces roches ont été importées. Cette
découverte agrandit l'aire de distribution des formes chelléennes en
Italie qu'on ne connaissait guère, à cette latitude, que sur le versant
adriatique.
M. Pigorini pense que le fameux passage de Suétone sur le musée
d'Auguste et les armes des héros peut aussi bien s'appliquer aux quart-
zites taillés qu'aux ossements de grands animaux.
M. B.
588 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
ScHARFF (R. F.), UssHKR (R. J.), GoLE (Grenville A.), Newton (E. t.), Dixon (Francis)
et Westropp (T.). The exploration of the caves of county Clare (Exploratioa des
cavernes du couité de Clare). Trans. of the roijal Irish Academij, vol. XXXIU,
section B, part. I, Dublin, 1906.
C'est le deuxième rapport du comité d'exploration des cavernes
irlandaises sous le patronage de l'Académie d'Irlande et de l'Associa-
tion britannique. Les auteurs ci-dessus se sont partagé la rédaction
de ce mémoire.
Après une introduction de M. Scharff, M. Ussher décrit les cavernes
et fait le compte rendu des fouilles; M. Cole donne quelques détails
géologiques ; M. Scharff expose les résultats de ses études sur les restes
d'animaux recueillis à l'exception des Oiseaux ; ces derniers sont déter-
minés par M. Newton ; M. Dixon examine les quelques ossements
humains trouvés au cours des fouilles et M. Westropp traite de l'occu-
pation humaine des cavernes. Enfin M. Scharff résume les principaux
résultats scientifiques obtenus.
Les cavernes d'Ederwale et de Newhall, explorées dans cette
deuxième campagne, sont situées à 30 milles environ du rivage ; elles
sont creusées dans le calcaire carbonifère. La plupart sont petites; celle
dite des Catacombes est extraordinairement ramifiée suivant les joints
et les plans de stratification du calcaire, et forme ainsi un réseau à
mailles quadrangulaires. Elles étaient remplies d'argiles ferrugineuses
et manganésifères avec parfois des parties graveleuses, des concrétions
calcaires, des cailloux détachés des parois, etc. Malgré la présence de
cailloux striés dans les Catacombes, il est difficile d'établir un rapport
quelconque entre ces cavernes et les phénomène glaciaires. Il est pos-
sible que les cailloux situés aient été introduits après coup dans la
caverne par des fissures.
Les fouilles, conduites par M. Ussher^ ont duré 32 semaines pendant
les étés de 1902 à 1904. Elles ont été faites avec soin. Pourtant on n'a
pu distinguer que deux couches ne présentant pas grandes différences
au point de vue de la faune. Mais il est vrai de dire que les blaireaux
ont causé de grandes perturbations dans les dépôts. Les Mammifères
donnent lieu à quelques remarques intéressantes. Le Sanglier s'est ren-
contré partout. De même le Cerf élaphe et, chose plus curieuse, le
Mégacéros s'est montré plus abondant dans les couches supérieures que
dans les couches inférieures. Le Renne est également réparti aux deux
niveaux. M. Scharff attribue à l'/Egagre quelques restes de Chèvre
trouvées surtout dans les couches supérieures et qui ont les caractères
de l'animal qui vit encore dans un état mi-sauvage sur les montagnes
d'Irlande. Le Mouton, représenté par une petite race qui vit encore
dans la petite île de Soa, au large des côtes occidentales irlandaises, et
aussi par une plus forte race, a été observé aussi bien dans les couches
inférieures que dans les couches supérieures. Les débris de Chevaux
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 589
dénotent en général une forme petite, de la taille des poneys de Conne-
mara. Les restes de Bœufs accusent aussi des animaux de petite taille.
Une trouvaille curieuse est celle du Lemming à collier déjà signalé'dans
les cavernes de Kesh (Voir le compte-rendu du 1" rapport dans
VAnthr.^ XV^ p. 202). Les ossements de Léporidés étaient très nom-
breux; les uns se rapportent au Lièvre variable, l'autre à un Lapin de
taille plus petite que la forme actuelle surtout par le membre antérieur.
L'Ours brun a été rencontré à tous les niveaux ; le Chien également. Il
est difficile parfois de distinguer ces ossements de ceux du Loup, qui
parait avoir été beaucoup plus rare. A signaler encore pour la première
fois en Irlande le Canis lagopus, ou Renard bleu, qui n'a été trouvé que
dans un gisement tandis que le Renard ordinaire était commun partout.
Une autre espèce intéressante est le Felis ocreala (= F. maniculata
•=. F. caligata) actuellement vivant en Afrique et dont M. Scharff
signale la présence dans les dépôts supérieurs de plusieurs cavernes.
La liste des Oiseaux n'offre rien de remarquable et l'ensemble pré-
sente, d'après M. Newton, un aspect très moderne. Quelques ossements
humains très dispersés ont fait penser à M. Dixon que leurs proprié-
taires se tenaient habituellement accroupis. D'ailleurs ils ne paraissent
pas avoir différé beaucoup des Irlandais actuels.
Les traces d'occupation humaine n'ont offert rien de bien intéressant.
Quelques outils en os, quelques grattoirs peuvent être assez antiques,
sans qu'on puisse préciser cette antiquité, mais un bracelet en or, des
épingles en bronze ne sauraient remonter au-delà de ce qu'on appelle
la période danoise.
M. B.
Lewis (Francis J.). The Plant Remains in the Scottish Peat Mosses (La flore des
tourbières d'Ecosse). Trans. Royal Soc. Edinburgh, XLI (1905).
jD. The history of the Scottish Peat Mosses and their relation to the glacial pericd
(L'histoire des tourbières d'Ecosse et leurs relations avec la période glaciaire).
The Scottish geographical Magazine, maii 1906.
Geikik (James). Late Quaternay Formations of Scotland (Les dernières formations
quaternaires d'Ecosse). Extr. de Zeilsch.fûr GZe^soAer/mwde, Bd. 1,1906.
Id. From the IceAge to the Présent (De l'époque glaciaire aux temps actuels]. The
Scottish Geogr. Journal, XXII (1906), p. 397.
Depuis longtemps M. James Geikie soutient que les formations dési-
gnées par la plupart des géologues anglaissous le terme de post-glaciaires
fournissent la preuve de variations climatériques analogues à celles des
temps glaciaires proprement dits. En somme les deux systèmes ne
sauraient être séparées, le premier n'est que la continuation du second
et tous deux offrent des alternances de régime froid et de régime chaud
ou tempéré. Le savant professeur d'Edimbourg a été amené à établir,
590 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
dans les dernières formations quaternaires de l'Ecosse, plusieurs étages
correspondant à des périodes glaciaires ou interglaciaires :
1° 4« période glaciaire (Mecklemôourgien). Nappes glaciaires régio-
nales et grands glaciers de vallées. Plages émergées à 30-45 mètres;
climat arctique.
2^ 4° période interglaciaire {Forestien inférieur). Correspond à un
mouvement négatif qui agrandit le domaine continental. Couches à
troncs d*arbres reposant sur les moraines de la période précédente.
Climat doux et relativement sec.
3" 5« période glaciaire [Tourbien inférieur). Correspond à un mouve-
ment positif qui permet la formation des plages aujourd'hui émergées
à 15-17 mètres d'altitude. Couches de tourbe reposant sur les couches
à troncs d'arbres. Climat froid et humide.
4° 5« période interglaciaire (/'^oréî^fien supérieur). Nouveau mouvement
négatif. Nouvelles couches à troncs d'arbres reposant sur la tourbe pré-
cédente. Climat doux et relativement sec.
5° 6« période glaciaire (Tourbien supérieur). Mouvement positif cor-
respondant aux plages de 8-10 mètres. Retour à un climat un peu plus
froid, mais il n'y a de glaciers que sur les hautes montagnes. Forma-
tion d'une tourbe reposant sur le Forest-bed supérieur.
6^ Temps actuels. Retrait de la mer jusqu'à ses limites actuelles.
Climat plus sec. Dessiccation graduelle et ravinement des tourbières
écossaises.
On sait que cette classification a été combattue ; beaucoup de bons
esprits estiment que les oscillations, élevées ici à la dignité d'étages,
géologiques, ne méritent pas cet honneur et que, dans leur ensemble,
elles ne représentent que les diverses étapes du retrait final des grands
glaciers pléistocènes. Il s'agirait, pour s'entendre, de connaître la
valeur de ces oscillations ou, ce qui revient au même, la valeur des
variations climatériques correspondantes. Les travaux récents d'un
savant de l'Université de Liverpool, M. F. J. Lewis, sur les tourbières
d'Ecosse, jettent une vive lumière sur ce sujet.
La distribution des tourbières dans les Iles Britanniques est en rela-
tion étroite avec la distribution des pluies; beaucoup plus abondantes
à l'Ouest qu'àTEst, c'est dans les Hébrides, l'Ecosse et l'Irlande occiden-
tales qu'elles sont le plus développées. Non seulement ces tourbières ne
s'accroissent plus mais encore elles sont soumises aux effets de l'érosion
et souvent ravinées sur 4 ou 5 mètres de profondeur, ce qui permet d'en
étudier la composition. Quand le sous-sol est visible, on voit des accu-
mulations de tiges et déracines ayant vécu surplace et parfois plusieurs
de ces foresl-beds se superposent en alternant avec des couches de
tourbe. Les traces de ces antiques forêts s'observent fréquemment dans
des régions actuellement sans arbres, à plus de 1.000 mètres d'altitude.
La grande épaisseur de beaucoup de tourbières (de 10 à 17 mètres), la
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 591
lenteur de formation bien connue de la tourbe, la présence de deux zones
forestières au sein du dépôt prouvent des changements considérables
dans le régime climatérique de ces régions depuis que ces gisements
ont commencé à se former.
On peut ranger ces derniers en 3 catégories : 1" ceux qui se tiennent
sur les plages émergées de 8 à 40 mètres ; 2° ceux des terres basses,
entre 30 et 100 mètres; 3° ceux des hautes vallées et des plateaux, de
300 à 700 mètres. .
Les plus anciennes tourbières sont postérieures aux formations mo-
rainiques de la 4« période glaciaire de M. James Geikie. Tandis que le
climat s'améliorait vers la fin de cette période, une végétation arbores-
cente s'installait sur les terres libres de glace et la tourbe la plus pro-
fonde renferme des débris de Betula alba, Calluna vulgaris, Salix re-
pens.
Cette période forestière paraît avoir duré longtemps. Elle fut suivie
d'une autre plus humide, à laquelle correspondent des lits de tourbes,
d'abord à Sphagnum, puis à Eriophorum vaginatum avec quelques iSdr-
pus. Au-dessus viennent des couches compactes formées de tiges à'Em-
petrum nigrum^ Salix lierbacea^ S. reticulata, Betula nana, Loiseleuria
pvGCumbens. Ces quatre dernières espèces sont actuellement caractéris-
tiques des régions arctiques et leur présence, à un certain niveau des
tourbières, indique, pour les vallées du Sud, un climat au moins aussi
rigoureux que celui qui règne actuellement sur les plus hauts sommets
de l'Ecosse.
A ces couches succèdent des lits de tourbe kScirpus, Sphagnum, Erio-
phorum, surmontés d'une nouvelle végétation forestière à Pinus sglves-
tris et Betula alba, avec Calluna ; toutes ces plantes indiquent un
nouveau retour à de plus douces conditions climatériques.
Une tourbe supérieure, à Scirpus et Sphagnum corresi^ond à une der-
nière période froide, moins rigoureuse pourtant que les précédentes.
Comme cette succession s'observe sur de grandes étendues, aussi
bien dans le Nord que dans le Sud du pays, les phénomènes qui l'ont
produite doivent avoir présenté un caractère général. Et toutes ces
observations concordent parfaitement avec les vues de M. Geikie. La
présence au milieu des tourbes d'un lit de plantes arctiques ne saurait
s'expliquer dans l'hypothèse d'un retrait progressif et continu des der-
niers grands glaciers. Elle implique un retour momentané à un climat
très froid.
La succession indiquée pour les tourbières:
1^ Forêts de Bouleaux ;
1* Régime de tourbières ;
S^' Plantes arctiques;
2* R-égime de tourbières;
3" Forêts de Pins ;
3* Régime de tourbières
592 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
est exactement semblable à celle indiquée par l'étude des formations
glaciaires :
1« Période douce, inter^^laciaire, succédant aux grands glaciers des
districts montagneux;
2» Période des glaciers des vallées. Climat rigoureux dans les
régions basses ;
30 Période douce ou interglaciaire se reliant aux temps actuels, la
dernière période glaciaire ayant été si peu importance que la flore en a
été à peine affectée.
Il est à souhaiter que M. Lewis publie bientôt la suite de ces éludes
dont la première partie a seule paru.
M. B.
Sinclair (William J.). New Mammalia from the Quaternary caves of California
(Nouveaux Mammifères quaternaires des cavernes de Californie). Extr. des Uni-
versity of California publications. Geology, vol. IV, n» 7, pp. 145-161, avec 5 pi. 1905.
Les explorations spéléologiques entreprises par le département
anthropologique de l'Université de Californie ont procuré aux paléonto-
logistes une nouvelle source d'informations sur sur la faune des Verté-
brés quaternaires. Les débris de cette faune sont clairsemés et très
incomplets dans les formations géologiques superficielles; les grandes
espèces y sont seules représentées. Dans les cavernes, au contraire, les
documents sont plus abondants et la petite faune est conservée. Beau-
coup d'espèces des cavernes de Californie sont nouvelles. M. Sinclair en
décrit un certain nombre provenant pour la plupart de Potter Creek
(NOiv VAnthr., XV, p. 712).
Il y a d'abord des Rongeurs, un Platygonus, un Camélidé, le curieux
Euceratherium déjà décrit (L'Anf/i?\, XV, p. liA),VBaplocerus montamis
actuel, plusieurs espèces de Megalonyx dont une serait nouvelle
[M. Sierrensis) quoique ressemblant beaucoup au M. Jeffersonni.
M. B.
FuRLONG (EusTACE L), Preptoccras, a new ungulate from the Samwel cave, Cali-
fornia {Preploceras, nouvel Ongulé de la caverne Samwel en Californie). Université
or California Publications. Geology, vol. IV, n° 8, pp. 163-169, avec 2 pi. 1905.
La caverne Samwel, dans le comté de Shasta, a livré plusieurs crânes
et le squelette presque complet d'un grand herbivore qui paraît devoir
constituer un type nouveau pour la science. Avec ces ossements et dans
les mêmes couches de la caverne on a recueilli des restes d'Fucerathe-
rium cotlinum (voy. LAnlhr., XV, p. 714).
M. Furlong adonné à cet animal le nom de Preploceras Sinclairi. Son
étude ostéologique montre quelques affinités avec le Bœuf musqué et
avec Budorcas. C'est à son contemporain V Euceratherium qyx'W ressemble
le plus. Mais il en diffère par plusieurs caractères, la forme des cornes
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 59^
(qui rappellent celles des Bœufs), leur écartement, la disposition des
os du crâne, la dentition, très voisine de celle du Bœuf musqué; mal-
gré cela, Preptoceras Qi Euceralherium devront être raprochés pour for-
mer un groupe à part.
M. B.
Béxard. Découverte et fouilles d'un dolmen à Champigaolles. Extr. des Mém. de
la ^'îc. académique de l'Oise, t. XIX, l''^ partie, 1905.
Ce dolmen est situé dans la forêt de Thelle, triage de Champignolles,
sur la commune de Flavacourt. C'est une allée couverte dont les tables
ont disparu et dont il ne reste que les supports formés de 14 dalles ;
elle a la forme d'un rectangle de 8™, 50 de longueur sur l'",50 de lar-
geur moyenne ; orientation du N. N. E. au S. S. 0. 11 y a un vestibule
et une chambre. Un des supports du vestibule a servi de polissoir, de
même qu'une des dalles séparant le vestibule de la chambre.
Le dolmen renfermait trois couches bien distinctes :
La première, de 0'",80 à 0"^,90 d'épaisseur, accuse des remaniements.
La deuxième (G™, 50) formée d'argile, de marne, contenait de nom-
breux ossements humains, un mobilier funéraire composé d'instru-
ments en silex, d'os travaillés, de poteries, de grains de colliers et
d'amulettes.
La troisième, localisée au fond du monument, à la base des supports,
était composée de marne remaniée (0"^,20).
M. Bénard évalue à 55 le nombre des squelettes qu'a dû renfermer la
chambre sépulcrale. Malheureusement les os étaient enchevêtrés et mal
conservés. Un individu un peu isolé, dont les os étaient restés en place,
avait les jambes ramenées sous le menton et le dos collé contre la paroi
de la chambre. Il portait au cou un morceau d'os poli en guise d'amu-
lette. Une douzaine de crânes ont pu être recueillis en plus ou moins
bon état de conservation. M. Manouvrier doit les étudier.
Le mobilier archéologique est assez varié. L'auteur donne des pho-
togravures d'un certain nombre d'objets. Ce sont d'abord des haches
polies, parfois avec leur gaîne en bois de cerf; puis des lames et des
pointes de flèche en silex. On a trouvé quatre aiguilles en os, des
fragments de poterie et un petit vase grossièrement façonné, en
forme de coquetier. Les grains de collier ou les amulettes com-
prennent : 82 fragment d'encrines ou rondelles de nacre recueillis sous
les crânes d'enfants ; un fragment d'ambre ; douze grains en os poli ;
trois morceaux de quartz et quelques galets de silex percés d'un trou ;
une petite boule de terre cuite; trois dents également perforées, etc.
Au total, l'allée couverte de ChampignoUes, dont l'exploration paraît
avoir été parfaitement conduite par M. Bénard, semble appartenir à la
fin du Néolithique, aucune trace de métal n'y ayant été constatée. C'est
une sépulture de famille ou de tribu. La présence de poiissoirs semble
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906. 38
594 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
indiquer qu'un atelier a existé aux environs; les vestiges de l'industrie
néolithique sont rares dans la contrée ; mais la forêt, encore inexplo-
rée, réserve peut-être (juclque surprise.
M. B.
DuBus (A.). Fonds de cabanes néolithiques à Lucy, prés de Neufchâtel-en-Bray.
Extr. du Bull, de la Soc. géolog. de Normandie, t. XXIV, juillet 190o,
A Lucy, au lieu dit Les Briqueteries, les ouvriers travaillant à
l'exploitation de la terre à briques rencontrent, de temps à autre, cer-
tains trous remplis de terre végétale et de morceaux de poteries.
M. Dubus a reconnu qu'il s'agit d'une véritable agglomération de fonds
de cabanes séparés les uns des autres par des intervalles de 4 à 6 mètres.
La plupart, de forme circulaire, ont de 1"',15 à l'",25 de largeur sur l'^jlo
à l°i,40 de profondeur; les fonds sont arrondis en forme de marmites.
L'un d'eux cependant mesurait 4 m. de longueur sur 1^',10 de largeur
et 1™,20 de profondeur; les extrémités étaient arrondies. Toutes ces
cuvettes sont remplies de terre végétale et dans le fond on trouve, en
quantités plus ou moins considérables, de toutes petites lames de silex
et des fragments de poteries de composition et de couleurs diverses et
plus ou moins brûlées. Il y a aussi des morceaux de charbon et des
cailloux craquelés sous l'influence du feu. L'auteur décrit et figure
quelques fragments de vases. L'un d'eux représente la moitié d'une
coupe faite au tour avec une pâte gris bleuté, tendre, ornée de festons
et de chevrons et d'un galbe si élégant qu'on est étonnné de le trouver
en pareil milieu.
M. B.
KooLAKOvsKi (Julien). Sur la question des squelettes colorés, br. 8" de 14 p. avec
1 pi. Kiev, 1905.
Texte publié à Kiev, en 1905, d'une communication lue au Congrès
international des Sciences historiques à Rome le 8 avril 1903, par
M. Koulakovsky, professeur à l'Université de Kiev.
Les squelettes peints en rouge, aux jambes repliées, sont très com-
muns en Russie, depuis les gouvernements de Kiev et de Poltava j usqu'à
la mer d'Azof. L'auteur a eu l'occasion d'en faire l'étude au cours de ses
fouilles dans les sépultures de la Crimée. Il décrit ces sépultures.
La coloration rouge des squelettes s'observe tantôt uniformément sur
tous les os, tantôt avec une intensité plus grande sur les os de la partie
supérieure du corps, la tête, le cou, les mains (quand celles-ci sont
voisines du visage). La matière colorante se retrouve au niveau du
squelette en une couche assez épaisse et assez compacte pour fournir
parfois des morceaux de la grosseur d'un œuf de pigeon. Cette matière
est de l'ocre. Bobrinskoy a décrit de semblables sépultures dans les
MOUVEMEiNT SCIENTIFIQUE. 595
Kourgaaes de Sméla. On s'accorde ea Russie à les considérer comme de
la fin de l'âge de la pierre.
Il s'agit de se rendre compte du procédé employé pour la coloration
des squelettes, question discutée plusieurs fois dans les réunions
archéologiques russes. La plupart des arcriéologues de l'Europe occi-
dentale croient que les os ont été peints après avoir été décharnés.
M. Koulakovsky combat cette théorie « de la décarnisation ». Il croit
pouvoir affirmer que la coloration des squelettes aux jambes repliées,
tels qu'on les observe dans les sépultures de la Russie méridionale, au
lieu de confirmer l'existence de la « décarnisation », prouve au contraire
qu'un tel usage n'a pas existé. Il fait valoir l'argument tiré de l'inté-
gralité des squelettes où tout est en place jusqu'aux petits os. Actuelle-
ment un anatomiste consommé n'arriverait pas à réunir tous les os
séparés d'un squelette sans le secours d'un fil d'archal. D'autre part, si
la teinture des os se faisait avant les funérailles, comment expliquer que
la matière colorante forme, dans la fosse, une couche plus ou moins
épaisse autour du squelette? Enfin les os à l'état frais ne peuvent pas
prendre la teinture parce qu'ils renferment de la graisse.
M. Jakimovitch, professeur d'histologie, a examiné au microscope les
os teints du musée d'archéologie de Kiev (figures coloriées de ses
préparations). L'action de la matière colorante n'a pu commencer
qu'après la disparition des matières organiques, linceuls, vêtements,
parties molles du cadavre. Cette action a été lente et graduelle : elle a
duré pendant des centaines ou des milliers d'années. La matière colo-
rante est de l'ocre naturelle enrichie en oxyde de fer par l'action
des eaux superficielles; « la terre rouge que l'Homme de la pierre
répandait sur ses morts n'avait pas la couleur intense du rouge que
nous voyons maintenant sur les squelettes ».
On est ainsi en droit d'affirmer l'existence, à une époque extrême-
ment reculée, sans doute antérieure à l'époque scythique, d'une popu-
lation qui occupait un vaste territoire dans le sud de la Russie actuelle
et qui avait la coutume de recouvrir les cadavres d'ocre rouge.
L'auteur se demande quel pouvait être le sens d'un pareil usage. 11
pense qu'en dirigeant les recherches du côté de l'antiquité romaine on
peut obtenir une réponse satisfaisante. Il cite beaucoup d'usages de la
religion romaine où l'on peut reconnaître les survivances d'un passé
préhistorique. Certains faits ont trait à l'emploi d'une couleur rouge.
On sait que le simulacre de Priape était toujours teint en cette couleur.
Pline l'Ancien nous apprend qu'à une époque très ancienne, aux jours
de fête, on peignait en rouge la face du dieu suprême de Rome,
Jupiter Capitolin. Plus tard cet usage en amena un second. Comme les
triomphateurs, lorsqu'ils montaient au Capitole, étaient censés repré-
senter le dieu, ils avaient aussi, dans cette occasion solennelle, le corps
et le visage peints en rouge. C'est ainsi fardé que Camille monta au
596 MDIjVEMENT scientifique.
Capilole vers l'an 400 av. J.-C. Plus tard encore, il ne restait plus de
cet usage que le souvenir; on mêlait de la couleur rouge aux essences
parfumées qu'on offrait aux convives lors du festin donné par le triom-
phateur le jour de son triomphe.
« Nous trouvons ainsi, dit l'auteur en terminant, chez le plus conser-
vateur de tous les peuples, la couleur rouge en usage dans la sphère
la plus immuable de la vie nationale, dans la religion et le culte; il me
semble que cela vient à l'appui de l'hypothèse que l'usage de couvrir
de couleur les cadavres, usage qui se rencontre chez la plus ancienne
population de la Russie méridionale, avait un sens religieux. 11 faut
convenir cependant que la nature même des conceptions religieuses
qui s'y rattachaient reste et restera toujours pour nous un mystère ».
M. B.
Reid (Clément). The Island of Ictis (L'île d'Ictls). Extr. de Ârchaeologia, t. LIX(1905).
On a beaucoup commenté les textes de Diodore de Sicile et de César
sur Tancien commerce de l'étain, sans arriver à un accord définitif.
Mictis, Ictis et Vectis paraissent désigner la même île située près des côtes
de la Grande-Bretagne. Or Vectis est le nom de l'île de Wightà l'époque
romaine. Le texte de Diodore de Sicile parle d'Ictis comme étant une
île qu'une étroite bande de terre unissait aux îles voisines à marée
basse et permettait le passage des véhicules chargés d'étain. On n'y
trouve d'ailleurs aucun renseignement ni sur le lieu d'origine du métal
ni sur le chemin parcouru pour arriver à Ictis. M. Reid, qui est un
naturaliste, a repris la question au point de vue de la géologie et de la
géographie physique et il a cherché à montrer que seule l'île de Wight
répondait pleinement à la description de Diodore de Sicile.
De ses recherches sur le terrain et de leur exposé qu'il serait trop
long de reproduire ici, il résulte que l'île de Wight, qui faisait partie
de la terre voisine vers la fin des temps pliocènes, s'en est séparée
peu à peu. A l'époque néolithique elle y était encore rattachée par un
isthme d'une certaine largeur, dont l'axe était formé par une roche cal-
caire, le Bembridge limestone. Cet isthme se rétrécit peu à peu, de
sorte que, vers 100 av. J.-C, c'est-à-dire il y a 2000 ans, le rocher cal-
caire n'émergeait plus qu'à marée basse. Alors il pouvait servir aux
communications temporaires entre l'île de Wight et la Grande-Bre-
tagne.
On peut se demander pourquoi les marchands d'étain se don-
naient la peine d'amener leur métal jusqu'à l'île de Wight puisqu'il ne
manquait pas de ports sur la côte voisine. D'après M. Reid, ces ports,
tous plus ou moins exposés aux vents du sud-ouest, n'étaient pas
abrités; leur accès était rendu difficile et dangereux par des bancs de
sable. Au contraire, sur la côte de l'île, il y avait une série de ports
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 597
fermés, bien abrités, avec des saillies rocheuses formant des quais natu-
rels d'embarquement.
M. B.
CoFFEY (George). Two finds oflate bronze âge objects (Deux trouvailles d'objets de
l'âge du bronze récent). Proc. of the royal Irish Acad., vol. XXVI, section G,
no 7 (1906).
La première trouvaille, faite dans une tourbière de la paroisse
d'Armoy (comté d'Antrim) comprend une petite hache à douille et à
bords élargis, une gouge, un rasoir encore en place dans son étui en
cuir, un morceau d'étoffe de laine, une sorte d'écharpe en crin de
cheval et quelques morceaux de bois. Les caractères des objets métal-
liques permettent de les attribuer à la fin de l'âge du bronze, 400 à
800 ans av. J.-G. et de dater ainsi les autres objets beaucoup plus rares
et plus curieux.
Le rasoir, à double tranchant, était enfermé dans un étui formé d'un
simple morceau de cuir replié sur lui-même et sans trace de couture.
Le morceau d'étoffe de laine a été fort endommagé lors de sa décou-
verte; actuellement très fragmenté, il est formé de deux pièces réunies
par une couture. Il est difficile de se faire une" idée de la forme du
vêtement auquel il a appartenu ; il ne paraît pas y avoir eu de manches.
L'auteur de la trouvaille dit avoir remarqué des morceaux de courroie
en cuir et des sortes de boutons qu'on n'a pas recueillis. Ce qui est cer-
tain c'est que l'étoffe ne présente pas de boutonnières. Cette intéres-
sante relique, unique jusqu'à présent en Irlande, rappelle certaines
trouvailles danoises.
La crinière tressée en écharpe [tassel-like) est un objet encore plus
remarquable. Les extrémités sont frangées. Sa fabrication témoigne
d'une grande habileté; le tissage présente un dessin en chevrons. Les
franges sont formées de touffes de crins d'abord resserrées par un lien,
puis se divisant et se subdivisant en un certain nombre de branches
liées comme la branche mère et terminées par de petites pelotes glo-
buleuses. Les franges sont réunies à la pièce d'étoffe par l'intermé-
diaire d'une bande formée de cordons de crins disposés horizontalement.
La seconde trouvaille, beaucoup moins importante et plus ancienne,
car elle remonte à 1861, a été faite dans une tourbière du comté de
Clare; elle comprend des objets en bronze sensiblement de même âge
que les premiers.
M. B.
CoFFEY (George). Graigywarren Crannog (Le « crannog » de Craigy warren) . Proc,
of the royal Irish Acad., vol. XXVI, section C, n» 6, 1906.
Le crannog de Craigywarren est situé au bord sud du marais du
même nom, près de Ballymena, dans le comté d'Antrim (Irlande). Il a
598 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
été soigneusement exploré par MM. Knowles et Cofley; la description
qu'en donne ce dernier, très claire et très précise, intéressera tous les
lecteurs du continent en leur permettant de se rendre un compte très
exact de ce genre de monuments.
Le crannog de Craigywarren, de forme à peu près circulaire, avait
environ 20 mètres sur 18. Sur un tapis de bruyère et de petites bran-
ches on avait disposé des troncs d'arbres et de grosses branches avec
des pieux de chêne et de frêne; ces derniers ont été appointés avec un
instrument en fer. Par dessus s'étendait une nouvelle couche de
bruyère. Vers le nord, cette sorte d'édifice était consolidé par des
amas de pierres et aussi par des planches aujourd'hui éparses. Cer-
taines de ces planches offrent des trous et des mortaises. Les ruines
d'une hutte ont été exhumées, tout près d'anciens amas de cuisine. Le
plan est un carré de 8 pieds de côté; les planches sont encore munies
de chevilles; il y a des morceaux de charpente assez compliqués. Le
foyer consiste en une pierre plate de 30 centim. de diamètre entourée
de pierres plus petites, le tout noyé dans un amas de cendres.
Les fouilles ont livré une foule d'objets. 50 silex taillés, notamment
des grattoirs, des pointes et des lames; pas un seul nucléus; certaines
pièces à bords rabattus ont pu servir à obtenir du feu. D'autres objets
en pierre : marteau, lissoirs, fragment d'une hache ayant servi d'en-
clume, disques percés. Autour de la hutte et de son foyer étaient
dispersés quelques ornements en bronze, fragments de fibules, anneau,
bracelet, parfois argentés. Divers objets en fer : une épée bien con-
servée, un bout de lance, une tarière, deux serpes, une poêle, etc. La
poterie était rare; à signaler deux creusets avec de la matière vitreuse
encore adhérente. Quelques morceaux de chaussures en cuir sont
décorés avec goût (motifs en trompette).
Ce mobilier témoigne d'une civilisation avancée. La forme de la
fibule, l'argenture du bronze portent l'auteur à assigner au crannog la
date du x^ siècle, bien que plusieurs objets paraissent être un peu plus
anciens.
Beaucoup d'ossements d'animaux ont été recueillis. Ce sont les
espèces actuelles qu'on trouve toujours dans les gisements de ce genre.
Il faut pourtant signaler trois crânes de Chevaux, dans un parfait état
de conservation et présentant, d'après M. Ridgeway, les caractères des
crânes de Chevaux arabes.
M. B.
Debruge (Arthur). Bougie : Compte rendu des fouilles faites en 1904. {Rec. Notes et
Mém. de la Soc. archéol. de Constanline, vol. XXXIX, 1905. 57 pages et figures).
En 1904, M. Debruge a exploré aux environs de Bougie un abri sous
roche qui n'a fourni aucun vestige préhistorique, une station de
pêche où il a trouvé de nombreux Mollusques marins, des débris de
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 599
Poissons et de Tortue, quelques ossements de Cheval, de Grand Bœuf,
de Cerf, Chèvre ou Mouton, de Sanglier, d'Éléphant, de Lion, de Chacal
et de Porc-épic. L'industrie comprend des vases non ornementés et des
cylindres en argile « qui pourraient bien être des poids de filets », des
incisives de Sanglier usées en bec de flûte et que M. D. pense être de
très primitifs hameçons, d'autres dents de petits Ruminants portant
au-dessous de la couronne une encoche bien nette, quelques morceaux
de bracelets en ivoire d'éléphant, une plaquette elliptique bombée,
polie et portant deux encoches aux deux extrémités, des lissoirs et
poinçons en os poli et enfin des perles en os. L'industrie du silex n'est
représentée que par des petits silex de forme géométrique si communs
dans le Néolithique algérien.
La trouvaille la plus curieuse est celle de perles en terre blanche
émaillée qui ont été fabriquées sur place.
Le cuivre fait son apparition et paraît avoir été employé sous forme
d'hameçons.
Une petite grotte voisine de cette intéressante station n'a rien
fourni.
Un peu plus loin M. D. a fouillé un ensemble de foyers qu'il qualifie
de u tumulus berbère ». Dans ces foyers il a trouvé des vases de
« facture néolithique », des meules concaves avec des broyeurs à main,
un débris d'entonnoir (?), une lame de fer, des scories cuivreuses,
quelques coquilles marines, un fragment de meule (?) avec rayons
gravés associés à des restes de Sanglier et de Bœuf.
De ces trouvailles, l'auteur conclut que la station de pêche paraît
devoir se rattacher à la période transitoire entre la pierre et les métaux
et il admet comme probable la contemporanéité des foyers avec cette
station de pêche.
P. Pallary.
H. RouzAUD. Notes et observations sur le pays narbonnais, 40 p. 8°. Narbonne
1905 (Ext. du Bull. Com. archéol. Narbonne, Vlll).
A quatre kilomètres au couchant de Narbonne, à la limite de la
plaine, isolée, dominant un très lointain horizon s'élève la petite col-
line de Montlaurès, rocher calcaire, ici jurassique dur et compact là
miocène et plus tendre. Jadis c'était une île. Naguère des étang avoisi-
naient encore. En 1864, on trouva par hasard un beau vase grec orné
de peintures à personnages que Tournai signala. Quarante ans plus
tard, M. H. Rouzaud put le faire donner au Musée. C'est tout ce qu'on
savait sur Montlaurès. La tradition était muette.
Docteur ès-sciences, ancien député et percepteur à Narbonne M. H.
Rouzaud prit la colline pour but de promenade dès 1899 et ayant
remarqué que le sol était couvert de débris de céramique il se mit à les
faire recueillir par ses enfants. J'ai eu l'avantage de voir chez lui la
600 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
collection très nombreuse, remplissant une quantité de tiroirs, fort
bien classée et finalement cet amateur distingué est arrivé à en tirer
des conclusions de première importance, d'autant plus qu'il a pu étu-
dier dans le terrain des vestiges inattendus de la très ancienne occu-
pation. Il a constaté que le rocher de Montlaurès fut couvert de
tombes. J'ai vu les cases aussi nombreuses que nettement accusées,
mais ouvertes et ruinées, rappelant celles de Tharros et de Cagliari. Ce
sont les épaves des mobiliers funéraires qui jonchent le sol surtout au
pied du monticule.
M. Rouzaud classe ainsi la céramique recueillie :
1" Poterie dite mycénienne dont l'importation a pu commencer (?) du
xii^ au XIV® s. av. notre ère;
2° Poterie grecque à figures noires du vi® s. ;
3° Poterie grecque à figures rouges, v^et iv^ s. ;
4° Poteries feintes gréco-italiotes de la décadence, fin du iv^ s. ;
5° Poteries noires, dites de Cumes du ni® s.
Il résulte d'une lettre de M. E. Pottier, de l'Institut et du Louvre,
que le vase de 1864 à figures noires « est le plus important vase grec
ancien qui ait été recueilli sur le sol de France ». Pour diverses rai-
sons réminent archéologue fixe sa date vers 550 av.
Les poteries de style mycénien — les premières signalées en France —
prennent encore plus de valeur en face des constatations de M. P.
Paris en Espagne. Il y a entre les spécimens de Montlaurès et ceux
d'Amerejo d'incontestables ressemblances, à tous les points de vue.
M. Houzaud, très sagement, expose ses découvertes laissant la porte
ouverte à toutes les explications. Il donne ses poteries pour du vrai
Mycénien, c'est-à-dire comme directement importée de centres ioniens
à déterminer où aurait très longtemps persisté une fabrication archaïque.
Le problème des imitations mycéniennes n'a pas reçu encore de solu-
tion.
Espérons que Montlaurès nous réserve de nouvelles surprises et tous
nos compliments à notre confrère.
E. Cartailhac.
Reinach (Salomon). Cultes, mythes et religions. T. I, viri-468 p. 1903. T. II, xvni-
467 p. 1906. Paris, Leroux.
Le premier tome renfermait 35 mémoires pour la plupart imprimés
déjà ailleurs, mais revus et mis au point. Le second (qui ne sera sûre-
ment pas le dernier) en ajoute un pareil nombre. Ces 70 travaux ont
paru dans L'Anthropologie, la Revue Celtique, la Revue Archéologique,
la Revue de V Histoire des Religions, la Revue des études grecques, la
Revue Scientifique, la Revue des études juives, la Revue de l'Université
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 601
de Bruxelles, le Dictionnaire des Antiquités, les Mélanges Boissier. 11 y
a aussi des conférences, des leçons à l'Ecole du Louvre... Nous ne pou-
vons songer à analyser ceux de ces travaux qui intéressent spéciale-
ment les lecteurs de notre périodique, ni même à reproduire la table
des matières, il suffit de signaler à l'attention ces documents réunis
qu'on sera bien aise souvent d'avoir sous la main. C'est une mine de
renseignements.
Je crois qu'un des articles les plus curieux est celui qui expose les
idées de l'auteur sur la domestication des animaux et des plantes par
le Totémisme.
M. Reinach qualifie de roman l'origine ordinairement supposée des
animaux domestiques et des plantes cultivées. La nouvelle théorie
découle d'un ensemble d'idées tout particulier, du scrupule de tuer ou
de manger tel animal, une des formes les plus anciennes et les plus
répandues de la religion. Cet animal qu'on ne tue pas est généralement
considéré comme l'ancêtre de la tribu, on a alliance avec lui. M. Reinach
admet qu'on a tenu à l'avoir près de soi. On a pris dans ce but des
petits, on les a gardés et quelques-uns se sont apprivoisés, sont devenus
domestiques. Cela s'est passé on ne sait où? et peut-être dans plusieurs
régions à la fois.
M. Reinach est-il bien sûr de ne pas opposer un roman à un autre ?
Nous voyons, dans son introduction du tome IL, que les objections ne
lui ont pas manqué. Mais il persiste de plus fort dans sa manière de
voir et il va tout à fait au bout des conséquences par exemple pour le
blé. « L'expérience seule ne peut avoir enseigné aux hommes à bêcher
et à labourer la terre pour en accroître la fécondité ; ce furent des rites
superstitieux avant d'être des procédés utilitaires... Il me semble que la
grelTe, principe de l'arboriculture scientifique, est elle-même, à l'origine
un rite religieux, une sorte de mariage sacré, d'hiéi^o g amie comme
disaient les Grecs, accompli entre deux végétaux de même famille... ».
De pareilles assertions nous étonnent profondément, mais M. Reinach
nous ferme la bouche par une^déclaration très acceptable : « Mille néga-
tions ne valent pas une affirmation ».
Cette attribution au totémisme de l'origine des animaux domestiques
et des plantes cultivées qui furent les facteurs de la civilisation n'est
pas un chapitre tout à fait isolé de ces livres.' Un lien unit, dans la
pensée de M. Reinach, tous ses mémoires sur les cultes, les mythes et
religions. Il considère comme un devoir de soulever le voile qui cache
encore à la plupart des hommes l'origine et la signification intime de
leurs croyances. « L'évolution est la loi suprême des choses du règne
de la matière comme de celui de l'esprit. Aucune idée n'est plus propre
que celle-là à inspirer aux hommes des habitudes de tolérance, à les
rendre indulgents pour les erreurs et même pour les crimes du passé,
comme pour les crimes ou les erreurs du présent, aucune idée n'est
602 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
d'ailleurs plus consolante... Tévolation est la loi des études sur Thu-
manité parce qu'elle est la loi de l'humanité elle-même ».
E. Cartailhag.
J. Leite de Vasconcellos : Religiôes de Lusitania (Les religions de la Lusitanie),
vol. II. Lisboa, 1905, xviii-376 p. in-S».
J'ai annoncé le premier tome de cet excellent ouvrage il y a plu-
sieurs années [U Anthropologie, t. IX, p. 87). Il fut accueilli partout
avec honneur: Hubner, Reinach, Gaidoz, D'Arbois de Jubainville et
Uéville, et bien d'autres parmi les maîtres ont adressé de justes
louanges à l'auteur. On lui sut gré d'avoir mis en lumière une quantité
de faits minutieusement, scientifiquement relevés et son livre est
comme un arsenal où l'on peut puiser à Tenvi des armes et des mu-
nitions.
Ce premier tome fut publié sous les auspices delà Société de Géogra-
phie de Lisbonne. Le second également illustré a paru comme publi-
cation officielle du Musée ethnologique portugais grâce à la bonne
volonté intelligente du Ministre des travaux publics et des autorités
portugaises ^1).
Le volume consacré aux temps protohistoriques c'est-à-dire aux pé-
riodes écoulées entre le Préhistorique et l'arrivée des Romains dans la
péninsule, c'est-à-dire jusqu'au iii^ siècle.
M. L. de V. après avoir exposé sa méthode, énumère ses éléments
d'investigation (les auteurs antiques, monuments, traditions, la biblio-
graphie). Il donne la géographie de la Lusitanie avec les appellations
les plus lointaines ; l'Ethnologie lusitane voit intervenir tour à tour
Ibères, Phœniciens, Ligures, Grecs, Celtes, Africains ; l'Ethnographie
arrive avec les groupes ethniques, les lieux dits, les langues, les cos-
tumes, les caractères des Lusitaniens.
Tout cela n'est en quelque sorte qu'un avant-propos.
La majeure partie du volume (p. 99 à 344) est consacrée aux reli-
gions protohistoriques. Tout un monde, qu'on reconnaît souvent, passe,
pour ainsi dire, en procession sous vos yeux. M. L. de V. profondément
érudit, a su trouver dans son petit pays un tel nombre de documents
que le Portugal peut en être orgueilleux. Les phénomènes célestes, la
terre, montagnes et pierres, les bois sacrés et les plantes, le dieu
Endovellico et son sanctuaire, la déesse Ategina adorée entre le Tage et
le Guadalquivir. Puis les déesses mères, les lares, les nymphes avec
leurs dénominations locales inscrites sur les autels votifs, Tarmucen-
baci Ceceaeci, Cusicelenses, Findenetici, Erredici, Cerenaeci, Capeti-
corum gentilitatis,Coniumbrigensium, etc. et sur ces inscriptions appa-
(1) N'y a-t-il pas uq inconvéoient à ne lire sur le titre aucun nom de libraire ?
Imprensa national, c'est trop peu pour ceux qui voudront se procurer l'ouvrage.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 603
raissent les noms d'indigènes absolument comme nous sommes habi-
tués à le voir dans Tépigraphie pyrénéenne; comme dans notre sud-ouest
gaulois nous reconnaissons les Génies et Tutèle. H y a aussi des lies,
des promontoires, des lieux sacrés ou maudits.
Les cours d'eau avec quantité de superstitions et de croyances et les
fontaines, les sources parmi lesquelles se distingue Tongoenabiagus et
son singulier monument figuré. Puis Bormanicus, l'émule peut-être de
notre classique Taranus, le tonnant, le fulminant, et autres.
Enfin nous voyons énumérés les animaux étudiés comme tout le
reste avec une connaissance approfondie de la littérature, ces chèvres
que je remarquais déjà il y a 25 ans et que l'habile crayon de M. Boule
me permettait alors de publier très fidèlement dans mes Ages préhisto-
riques de l'Espagne^ et ces barbares et étranges Taureaux qu'Estacio
da Veiga figurait le premier dans ses Antiguédades do Algarve
vol. IV, et ceux du xMinho et ceux de Guisando.
Nous interrompons forcément cette énumération qui prouve la va-
riété des matières. Les érudits qu'elles intéressent voudront avoir cet
ouvrage fondamental sur l'ouest de la péninsule.
E. Cartailhac.
Hamy (Dr E.-T.). La vie rurale au xvine siècle dans le Pays reconquis, étude de
sociologie et d'ethuographie. Imprimerie G. Hamain, Boulogne-sur-Mer, 1906.
On sait que le nom de J^ays reconquis fut donné au Calaisis après la
prise de Calais en 1558. Dans son très savant et très intéressant travail,
M. E.-T. Hamy s'est proposé de reconstituer la vie ménagère et écono-
mique d'une ferme de ce pays au cours de l'avant-dernier siècle,
d'après le livre rfe comptes de Jean-Jacques Desaint, fermier à Leulingue,
paroisse de Saint-Tricat. Ouvert en 1711. ce registre se continue sans
lacunes apparentes jusque vers 1730, les années subséquentes n'étant
représentées que par des comptes partiels.
Nous ne saurions mieux faire, pour donner une idée de Tenquéle à
laquelle s'est livrée M. E. T. Hamy avec sa maîtrise et sa conscience cou-
lumières, que d'en résumer, d'après l'auteur lui-même, les principaux
résultats.
« Au début de la période dans laquelle se circonscrit notre compta-
bilité, le numéraire est rare : cependant le paiement des fermages se
fait en espèces, mais les gages des serviteurs sont en grande partie
réglés par des avances en nature. Le bail est de 9 ans, comme presque
partout alors, mais il se prolongera de neuf en neuf années jusqu'à la
Révolution.
« Le revenu qu'il assure au propriétaire suit une marche ascendante,
en même temps qu'augmentent la valeur du sol et celle de ses produits.
c Toutes choses enchérissent d'ailleurs graduellement; l'argent se
604 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
répand dans les campagnes; les transactions en nature diminuent et
finissent par cesser presque complètement. Le travailleur des champs
qui subissait, sous le régime des avances, la tutelle incessante du fer-
mier, s'afTranchit parle payement de plus en plus régulier de ses gages
en numéraire. Mais en même temps qu'il devient le maître de ses
salaires, il augmente ses dépenses en se créant des besoins qu'il n'avait
pas. L'usage du tabac, presque inconnu dans nos campagnes, gagne
les villages, et les liqueurs fortes font leur apparition.
« Le costume se transforme ; la casaque, le justaucorps, etc., qui se
transmettaient de génération en génération, sontabandonnés pourThabit
et le gilet, moins solide et moins durable, que fournit une industrie qui
va prendre en Picardie une grande importance, tandis que la toilette
féminine se compliquera et enchérira.
« L'alimentation se modifie en même temps d'une manière profonde
par la conquête de la pomme de terre et le développement de l'élevage
des porcs. Les troupeaux de vaches et de moutons augmentent par la
création de prairies artificielles; les cultures industrielles (colza, œil-
lette, betterave) apparaissent et se généralisent. Mais de ces dernières
choses, le registre des Desaint ne nous a rien appris ; les fermiers de
Saint-Tricat ignoraient encore ces progrès en 1785 ».
Telle est dans ses grandes lignes la physionomie de la classe sociale,
de la province et de l'époque que M. E.-T. Hamy s'est plu à reconsti-
tuer avec une belle précision de méthode, une grande minutie de
détails. c< Je donne ici deux monographies (psychologiques), disait à
peu près Taine dans son Intelligence, mais il en faudrait cinquante ».
En une matière aussi complexe que la sociologie dans ses rapports avec
l'ethnographie et l'histoire, ce n'est plus cinquante de ces monogra-
phies qu'il faudrait, mais cinquante mille, — à condition qu'elles
fussent toutes de la valeur de celle-ci.
Maurice Reclus.
Franc (Louts). De l'Origine des Pahouins, essai de résolution de ce problème
ethnologique. 1 pi. — Maloine, éd., Paris, 1906.
Le but de ce travail est de montrer qu'il est possible d'assigner une
origine européenne à la nation si mystérieuse des Fans [Ba-Fân) ou
Pahouins.
L'historien grec Zozime rapporte qu'en l'année 254 une bande de
Francs traversa toute la Gaule, franchit les Pyrénées, pilla l'Espagne
pendant douze ans, détruisit presque Tarragone, puis alla se perdre en
Afrique.
L'auteur voit dans cette horde l'élément originel des Pahouins, et se
fonde sur de a. nombreuses » et « frappantes » ressemblances qui exis-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 605
teraieat entre ce peuple encore sauvage de l'Afrique et la race germa-
nique à l'époque des grandes invasions.
D'abord, le nom de Fans : l'allongement de la voyelle initiale â indi-
querait la disparition d'une consonne voisine, sans doute 1'?% si difficile
à prononcer pour la plupart des Nègres. Ensuite^, et surtout, les carac-
tères physiques de ces indigènes, qui n'ont des Nègres ni la couleur, ni
les traits, ni les cheveux. Beaucoup sont dolichocéphales. C'est une
race guerrière, chaste et polygame, qui ignore l'esclavage. Une de leurs
divinités se rapproche de la Holda des Germains, et le type de leurs
javelines rappelle la framée...
Si non e vero... M. R.
D"" J. Degorse. Da Congo au lac Tchad (mission Ghari-Lac Tchad 1902-1906).
Paris, 1906.
Le carnet de route du D"" J. Decorse n'est pas entièrement nou-
veau pour les lecteurs de L Anthropologie, Ils reconnaîtront, au hasard
de la lecture et des itinéraires, beaucoup d'observations éparpillées, qui
ont été réunies pour eux dans les trois études publiées l'année dernière
par cet auteur sur : Le tatouage^ les mutilations ethniques et la parure
chez les populations du Soudan (VAnthrop., 1905, p. 129); La chasse et
l'agriculture chez les populations du Soudan {Idem., p. 457); Lhabiiation
et le village au Congo et au Chari {idem, p. 639). Nous laisserons de côté
tout ce qui a été ainsi utilisé. Il restera cependant encore à glaner
une copieuse moisson de faits ethographiques.
Nous allons avec le D"* Decorse des chutes du Congo au Tchad par le
chemin que voici: Congo, Oubanghi, la Kemo, fort de Powei, la Tomi,
fort Sibut, le Gribinghi, fort Campel, fort l'Archambault, puis le Chari,
jusqu'à fort Lamy et au Tchad. Membre correspondant du Muséum, le
Dr Decorse était désigné, dans la mission, pour étudier les bêles et les
gens, mais en vrai naturaliste, il ne s'est pas fait faute de voir et de
noter tout ce qui valait une mention. A côté des mésaventures de
voyage, les détails de toute espèce abondent sur son carnet, zoolo-
giques, topographiques, géographiques, etc. Il est impossible de le
suivre pas à pas dans son récit et, après avoir signalé la variété de son
livre et son constant intérêt, nous ne nous arrêterons qu'à ce qui regarde
les peuplades rencontrées.
D'abord, les habitants du bas Oubanghi : Bondjo, M'bwaka, Ngérés
des environs de Banghi, qui présentent d'assez curieuses aptitudes
picturales. M. Decorse donne peu de détail à leur sujet; il n'a fait que
traverser rapidement la région en descendant très peu sur les rives.
Aux environs de Ouadda et de Fort Powel, commencent les Banda. On
les trouve mêlés quelquefois avec les Banziri, pêcheurs, piroguiers et
très nomades, originaires de la rive française du Koango.
606 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Les Banda sont très répandus et prédominent àKrébedgé. Le D^ De-
corse considère leur ensemble comme très composite et déclare qu'on ne
saurait actuellement définii' un type Banda. C'est une race très métissée,
à peau foncée, à système pileux peu fourni, à cheveux crépus et
rudes ; tète étroite, nez large, lèvres fortes, prognathisme modéré ;
taille moyenne, reins cambrés, fesses proéminentes. Ils présentent
beaucoup de points communs avec les populations du sud de l'Oubanghi.
Habitant, il y a environ cinquante ans, beaucoup plus à l'Est, une
région limitrophe de l'Ouadaï, ils en ont été chassés par les incursions
des Arabes et des Anglo-Egyptiens et se sont répartis en îlots peu fixes,
que l'on rencontre jusque sur la Sanga, tandis qu'à Test d'autres
Banda avoisinent le Bahr-el-Gazal. Les tribus réparties dans cette
vaste, étendue portent des noms très nombreux et, bien qu'il faille sans
doute y distinguer plusieurs groupes, il est jusqu'ici impossible de les
reconnaître sûrement. A ces aperçus, se joignent d'intéressantes obser-
vations sur le mariage, le divorce, les rapports des époux et de leur
descendance, la description d'nn marché, de danses, de la fête des
circoncis, etc.
Les Lulos qui se trouvent sur le Gribinghi et qui s'appellent en
réalité Léto, sont quelquefois rattachés aux Banda. Ils ne parlent cepen-
dant pas leur langue et se réclament du groupe Ndohoa ; cette parenté
semble fort probable au D"" Decorse, mais elle ne lui paraît pas empê-
cher la possibilité d'une parenté avec les Banda, la distinction actuelle
semblant surtout d'ordre politique.
Un séjour prolongé à Fort l'ArchambauU a permis au B^ Decorce
d'étudier d'assez près les pays Sara qui environnent ce poste. On
désigne sous le nom de Sara tous les gens sans exception, qui habitent
ces régions depuis le Logone jusqu'aux frontières ouaddiennes. Comme
les Banda, dont ils sont bien différents, ils forment un ensemble très
complexe presque impossible à débrouiller. Parmi eux, Le D"" Decorse
étudie surtout avec beaucoup de détails les Tounia, les Niellim, les
Kaba, les Iloro, et décrit leurs armes et instruments de pêche ou de
chasse, leurs petites industpies, mégisserie, forge, fabrication de pipe,
leur mœurs, enterrement, initiation avant le mariage, etc. On doit tenir
pour non fondée la croyance à la taille géante de ces peuplades, qu'on
leur avait attribuée à la suite de Maistre. Ils sont néanmoins de taille
élevée, 1^,75 environ. Leur caractère d'ensemble le plus net, détermi-
nant un véritable type Sara sur la rive gauche du Chari, est la largeur
de la tête, poussée souvent jusqu'à l'hyperbrachycéphalie ; c'est un trait
constant. En dehors de là, tout n'est qu'obscurité et il est même impos-
sible de savoir sous quel nom désigner toutes ces populations : le mot
Sara est erroné ; tous les autres désignent de petits groupes, d'origine
plus orientale, et dont certains, tels que les Ngama, les Dagba, et les
Mbaï, contiennent à coup sûr des éléments d'origine différente. Enfin
MOUVEMENT SClEiNTlFIQUE. 607
il se pourrait que dans les pays Sara, quelques types, tels que les
Boiingoul, les Nâr et les Bouna fussent les derniers survivants les plus
purs d'un noyau ethnique primitif. Pour le D' Decorse, c'est l'étude des
régions plus orientales qui seule permettra, — peut être, — de
débrouiller les problèmes Sara et Banda.
En descendant de Fort l'Archambault vers le Tchad, et surtout à
partir de Bousso, on commence à rencontrer des types plus affinés,
marquant l'approche de l'Islam. D'abord les Sarroua et les Ndam, débris
du grand groupe des Somré, qui occupaient autrefois les deux rives du
Chari et que leurs luttes avec les Boulala, quand ceux-ci fondèrent le
Baghirmi, ont démembré, une partie restant sur place pour s'accom-
moder à la domination Barma, les autres se répandant dans l'Est jus-
qu'au Logone. Ensuite, après Bousso, les M'bio, ou Kanouri du Bornou,
émigrés en colonies et soumis par les Barma qui ont changé leur nom.
A Mafaling, on sort des pays fétichistes, les nègres sont musulmans.
Dans les études signalées plus haut et publiées dans L'Anthropologie,
on a vu de quels changements dans la vie sociale s'accompagne cette
différence de religions.
Le village infect de Fort Lamy est un véritable carrefour, où se
coudoient les races les plus diverses. Le premier rang est aux Arabes,
qui représentent la partie noble, les conquérants; tout le monde se
réclame de leur sang; ces Arabes ne sont pas venus vers le Tchad par
le nord, mais au contraire par Fouest et probablement vers le xv^ siècle.
Avec eux voisinent beaucoup de rabistes, c'est-à-dire d'anciens captifs
de Raba, très hétéroclites, et des Barma, Banda, Kotoko, desKanouris,
commerçants et voleurs. A propos des Fellata qui se retrouvent sous
le nom de Peuls au Sénégal, beaux types élégants, assez grands, à nez
droit, intelligents et dont Forigine est demeurée jusqu'ici mystérieuse,
le D^" Decorse fait observer que les auteurs arabes les signalent dès le
xiu^ siècle au Kanem et que, peut-être, on pourrait voir en eux les
débris de la race autochtone qui peupla le nord de l'Afrique, entre le
Tchad et la Méditerranée, et qu'on retrouve parmi les Fellahs, peut-être
même les Nubiens de Fhistoire antique.
Jean Lafitte.
HuGUET (Dr J.). Superstition, Magie et Sorcellerie en Afrique. Extrait de la Revue de
VEcole d'Anthropologie, Paris, 1905.
<L II ne saurait y avoir religion, à mon sens du moins — a écrit M. Vin-
son — sans une certaine conception métaphysique, sans une croyance
à un être, à une puissance extérieure à la nature ambiante, à une per-
sonnalité extrahumaine qui se manifeste par des phénomènes maté-
riels, en un mot sans la croyance à une cause invisible d'effets visibles.
Or, les peuples qui en sont encore au fétichisme ne sortent point des
GOS MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
limites de la nature ». Déférant à cette idée, en soi très défendable, le
D"" J. Iluguet, considère un grand nombre de faits se rattachant au féti-
chisme comme étant, non pas d'ordre religieux au sens scientiri([ue du
mot, mais bien plutôt d'ordre parareligieux. L'expression est heui'euse.
Un des premiers points dégagés parle travail de l'auteur est la toute
puissance des magiciens ou devins, sorciers ou médecins, dans la
société noire. En certaines régions de l'Afrique occidentale, on voit
souvent deux rois régner côte à côte : un roi fétiche ou religieux, et un
roi politique; mais le roi fétiche est, réellement et protocolairement, le
plus important.
L'influence des sorciers est-elle de nos jours ce qu'elle était lors des
relations des premiers voyageurs? L'auteur s'attache a démontrer l'affir-
mative à l'aide de documents récents; il doute que la pénétration de la
civilisation européenne puisse ruiner, d'ici longtemps, le prestige de ces
Maîtres-Jacques du surnaturel, faiseurs de pluie à la fois et rebouteurs,
exorciseurs non moins qu'empoisonneurs, voire officiers de police judi-
ciaire au moyen de toutes épreuves, tous jugements de Dieu que l'on
voudra. Leur prestige résiste également à leur manque total de tenue :
ils s'enivrent, en effet, bien volontiers.
La bonne foi des bons sorciers n'est d'ailleurs pas douteuse, dans un
grand nombre de cas. Ils croient les premiers à leur pouvoir magi-
que et bravent toutes les tortures pour en faire usage au profit de leurs
vengeances. Cela ne les empêche nullement, remarquons-le, de tirer
matériellement un très bon parti de la crédulité des Noirs.
Les sorciers et devins se mêlent en Afrique à la plupart des actes
importants de la vie sociale. Leur rôle principal consiste à écarter un
danger imminent ou à solliciter du fétiche la faveur d'une bienfaisante
averse. Les indigènes ne sauraient partir en voyage sans s'être au préa-
lable fait féticher au moyen de décoctions et de passes magiques. Les
sorciers ont encore d'autres sources de profits, par exemple la vente
d'amulettes. Maurice Reglus.
H. R. Vorii. a) Oraibi Natal customs and cérémonies (Les cérémonies et les cou-
tumes relatives à la naissance à Oraibi). Fze/c? Columbian Muséum. Anthropological
séries, vol. VI, n" 2. Chicago, février 1905, 12 p.
Id. h) Hopi proper names (Les noms propres des Hopis). Id., vol. VII, n" 3.
Chicago, mars 1905, 56 p. in-8.
Les deux opuscules vont ensemble, car la cérémonie la plus importante
que nous décrit le premier est celle de la dation du nom. La première
brochure nous donne des indications très précises sur les cérémonies
qui accompagnent le travail et la délivrance des femmes d'Oraibi. Ces
cérémonies sont d'ailleurs peu nombreuses. La femme est laissée seule,
car elle possède à ce moment un caractère sacré, le mari est réguliè-
rement absent, surtout s'il s'agit d'une femme qui va avoir son premier
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 609
enfant. Quelquefois cependant, si Taccouchement est laborieux, il est
présent ; on laisse généralement les enfants, qui n'ayant pas été initiés
ne courent aucun danger à avoir contact avec les choses sacrées, assis-
ter à toutes les phases de la parturition. L'accouchée a une assistante,
généralement une parente. L'enfant étant né, le cordon ombilical et le
délivre sont portés en un lieu spécial où ils sont enterrés. Puis le nou-
veau-né est enduit de cendre ou d'une terre spéciale. L'assistante
fait avec de la farine quatre traits sur le mur, pour représenter la mai-
son où l'enfant doit vivre son existence. Vient alors une période de
vingt jours pendant laquelle l'enfant ne doit pas voir la lumière et la
mère doit observer certains tabous.
Tout le groupe auquel ils appartiennent doit aussi s'abstenir de cer-
tains actes (par exemple de marcher nu-pied). Tous les cinq jours, l'as-
sistante efface une des lignes tracées sur les murs avec la farine sacrée.
Le vingtième jour, en présence de femmes appartenant au clan de la
mère, elle efface la dernière de ces marques; on peut supposer que la
vie de l'enfant est alors assurée.
Toutes les femmes présentes peuvent alors lui donner un nom, mais
un seul est conservé. Ici existe une grave contradiction dans les dires
de l'auteur : en un endroit (p. 7), il dit que les femmes appartiennent
toutes au clan de la mère et de l'enfant; ailleurs (p. 12), décrivant une
cérémonie à laquelle il a assisté à Oraibi, il nous assure que toutes les
femmes qui vinrent le vingtième jour appartenaient au clan du père et
que l'assistante était la mère du père de l'enfant! Que croire, surtout
lorsqu'on nous dit {Hopi names, p. 1) que le nom d'enfance appartient au
clan de la mère? Le nom gardé est un « nom d'enfance », qui ne sera
conservé que jusqu'aux cérémonies d'initiation de la puberté. Cependant,
il existe des gens qui conservent leurs appellations infantiles jusqu'à
un âge très avancé. Le nom qui est donné lors de l'initiation dans l'un
des ordres secrets des Hopis n'a aucun rapport avec le clan auquel
appartient le récipiendaire. L'interprétation du vocable ainsi donné est
parfois très difficile : la personnalité du parrain, le rang qu'il occupe
dans la société où son filleul a été admis sont parfois nécessaires à
connaître pour en donner une traduction exacte.
Nous n'entrerons pas dans le détail des interprétations que les Hopis
ont données de leurs noms à M. Voth. Contentons-nous de dire qu'ils
représentent un classement de noms analogue à celui des Zufiis. Mais
l'intérêt des textes reproduits par M. Voth est ailleurs. Ils nous montrent
que le nom de clan n'est pas toujours définitif, même chez un peuple
comme les Hopis où le régime de clan a encore toute sa puissance : le
nom conféré par les société secrètes a plus de valeur; comme le nom
de potlatch des Indiens du Nord-Ouest américain, c'est lui qui donne à
un homme sa place dans la société, sa véritable valeur.
H. Beuchat.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 39
610 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Leuma.nn-Nit3che (R.). Marchen der argentinischen Indianer (Contes des Indiens de
l'Argeutine). Extrait du Bulletin de la Société d'Ethnologie de Berlin^ 2, 1906.
Il s'agit des fables des Araucans de la Pampa dont M. R. Lehmann-
Nitsche donne une demi-douzaine à la fin de son intéressante commu-
nication.
Ces historiettes sont, pour une part, de fond purement araucan, mais
pour une part aussi très influencées par des éléments indiens non-arau-
cans^ voire par des éléments européens. 11 est vrai que, d'après l'auteur
lui-même, il est parfois scabreux de décider si telle idée, telle tournure
sont d'origine européenne ou, au contraire, de provenance nettement
locale. Mais on peut se convaincre à la lecture que beaucoup de ces
fables sont plus ou moins européennes.
Nous donnons pour mémoire les titres des contes traduits dans le
travail de M. R. Lehmann-Nitsche : 1° Histoire d'un tigre et d'un homme ;
2° Histoire d'une vieille sorcière; 3» Le Renard et la Grenouille ; 4« Le
Chien et le Rat; 5° La Vieille et son Mari ; 6° L'âne, le Cochon, le Chat
et le vieux Coq.
Influence adventice et fortuite des littératures spontanées de l'Europe,
soit, mais si la diversité physique des éléments humains répandus à la
surface du globe est l'une des vérités fondamentales mises en lumière
par l'anthropologie, la psychologie ethnique ne nous enseigne-t-elle
pas l'identité profonde, intime, essentielle des manières de penser? Il
n'y a pas deux façons d'amuser les enfants ni d'édifier les grandes
personnes, et j'estime que, sur ce point, la moindre vieille Araucane eût
concouru sans désavantage avec Alcman, Ésope ou La Fontaine.
Maurice Reclus.
Rudolf Por;cH. Beobachtungen ùber Sprache, Gesange und Tiinze etc. (Observa-
tions sur la langue, les chants et les danses des Monumbo de la Nouvelle-Guinée
allemande, exécutées au moyen du phonographe). Mitleilungen der anlhropologi-
schen Gesellschaft in Wie7i, t. XXXV, p. 231 (1 pi. et 2 fîg.).
Les Monumbo habitent les environs de Potsdamhafen. Dans certaines
solennités ils exécutent des danses compliquées qui sont accompagnées
d'un chant dont ils ne comprennent pas eux-mêmes les paroles. Il
semble qu'il s'agit d'une langue morte et non de syllabes forgées de
toutes pièces pour accompagner la musique. Les danseurs portent des
masques. Ils figurent par leurs mouvements des occupations journa-
lières, par exemple le tressage des fibres de rotang, le vol et la pour-
suite du voleur, des ruses de guerre. Lorsqu'on donne aux adolescents
leur ceinture, on représente par des danses les travaux auxquels ils
auront à se livrer, maintenant qu'ils ont pris rang parmi les hommes
faits. D'autres danses imitent les jeux et la démarche du kangourou, de
la frégate et d'autres animaux. Cependant les Monumbo ne paraissent
pas avoir de culte totémique. Us auraient emprunté ces danses à des
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 611
peuples avec lesquels ils ont été en contact, sans en comprendre le sens
caché. L'auteur a trouvé des traces de totémisme à l'archipel Bismarck;
un homme de Morlon refusait de manger d'un certain oiseau, parce que
« c'était son oiseau; s'il en avait mangé il serait mort ».
Ces indigènes se prêtent très bien aux expériences faites avec le
phonographe. C'est le seul produit de la civilisation européenne qui ait
le don de les étonner. L'auteur a pu recueillir ainsi des chants et des
échantillons de langage parlé. Le chant est toujours accompagné de
tambour. Le rhytme de cet instrument est très compliqué, il ne corres-
pond pas apparemment à celui du chant. Cependant il y a un rapport
intime entre les deux ; car les indigènes ne peuvent chanter qu'avec cet
accompagnement.
Le tambour sert également de signal d'un village à l'autre, non seu-
lement en cas de guerre ou de danger, mais pour annoncer les faits de
la vie courante, par exemple la capture d'un sanglier. Chaque phrase du
signal a un sens particulier et indique comment l'animal a été pris,
tué^ dépecé et préparé pour le festin. Chaque homme adulte a son signal
particulier, au moyen duquel on Tappelle; pour les femmes il y a un
signal commun. Ces signaux personnels s'accompagnent souvent de
paroles qu'on dit ou qu'on chante. Ces textes sont les uns en langue
ordinaire, les autres tout à fait incompréhensibles. La langue des
Monumbo est très compliquée et montre par sa structure que ces indi-
gènes n'ont que de faibles facultés d'abstraction.
D"" L. Laloy.
Baf.ssler. Tahitische Legenden (Légendes tahitiennes). Zeitschrift fur Ethnologie^
t. XXXVII, 1905, p. 920.
Id. Fischen auf Tahiti (La pêche à Tahiti). Ibid, p. 924.
L'un des premiers habitants de Tahiti, trouvant qu'il ne faisait pas
assez chaud, avait attaché le soleil avec une corde et s'efforçait de le
rapprocher de la terre. Dans ce but, il avait fixé l'autre extrémité de la
corde à Tahiti en la faisant passer sous l'île, à l'endroit où se trouve
actuellement Taravao. Distrait de cette occupation par la vue d'une
femme, il lâcha brusquement la corde, le soleil remonta en Tair et le
câble étrangla l'île et provoqua la formation de l'isthme de Taravao.
Depuis cette époque le soleil est resté plus près de la terre, ce qui
explique pourquoi il fait si chaud à Tahiti. Une autre légende explique
l'origine du cocotier : il est né de la tête d'une anguille miraculeuse qui
avait été enterrée. Aussi le fruit a une bouche et des yeux. D'après une
troisième légende il semble que l'anthropophagie ait régné autrefois à
Tahiti. Un quatrième récit explique pourquoi l'île de Huahine porte ce
nom. Les gens de cette île, autrefois nommée Mateira, amenaient des
jeunes filles aux fêtes de Moorea, oia Ton manquait souvent de femmes.
612 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Aussi en les voyant venir, les habitants de Moorea s'écriaient avec joie :
« Voici les bateaux de Iluavahine » {Hua zz membre viril, Vahiné
= femme). Ce nom, donné d'abord par plaisanterie, a fini par rester à
l'île. Les missionnaires l'ont trouvé choquant et en ont fait Huahine qui
n'a aucun sens.
11 est assez remarquable que les Tahitiens, qui vivent en grande par-
lie de poisson, n'aient pas de mot pour désigner la pêche en général,
mais seulement des termes concrets pour les différentes manières de
pêcher, ou pour la pêche des diverses sortes de poissons. On pêche à la
main ou avec des paniers près du rivage. D'autres foison attire le pois-
son la nuit, près du canot, au moyen d'une lanterne et on l'abat d'un
coup de balon. Celui-ci était parfois armé d'une pierre fixée avec des
fibres de coco. Actuellement cet ustensile est remplacé par un morceau
de cercle de tonneau en fer.
Un autre mode de pêche consiste à étourdir le poisson en plaçant
dans l'eau des fruits d'un certain arbre. Les hameçons étaient autrefois
en bois ou en nacre ; ils étaient parfois attachés en grand nombre à un
flotteur. On péchait le requin et certains crustacés ail moyen de nœuds
coulants. Avant l'arrivée des Européens les Tahitiens ne connaissaient
pas les filets. Ils avaient un faubert composé d'une longue corde à
laquelle étaient suspendus des faisceaux de feuilles. Tandis que l'une
des extrémités restait à terre, l'autre était emportée par un canot et
ramenée au point de départ en décrivant un vaste arc de cercle. On
balayait ainsi la mer. Actuellement les Tahitiens fabriquent des filets ou
en achètent de fabrication européenne ou américaine. Le propriétaire du
filet reçoit la moitié du produit de la pêche, l'autre moitié est partagée
entre les 25 ou 30 hommes nécessaires pour manier l'appareil. Ces asso-
ciations sont dirigées par un chef de pêche qui fait également la répar-
tition des produits. Elles persistent pendant des générations et n'ad-
mettent pas les Européens.
D^ L. L.
E. Demonet. Recherches sur la capacité vitale absolue et relative suivant le sexe
et suivant certaines dimensions du corps. Bidlet. Soc. d'Anthropol. de Paris,
no 1, 1905.
Cet important travail est la thèse de doctorat en médecine d'un jeune
élève de l'école du Service de Santé militaire de Lyon.
Il a été inspiré par M. L. Manouvrier, qui, en écrivant un récent
mémoire sur les« Rapports anthropométriques et les principales dimen-
sions du corps », s'était aperçu que l'on ne connaissait que bien peu de
chose encore sur le développement pulmonaire chez l'homme. C'est
alors qu'il engagea M. Demonet à étudier cette question. Pour résoudre
le problème, le plus simple eût été pour ce dernier de prendre directe-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 613
ment le poids et le volume des poumons à Tautopsie. Mais cette opéra-
tion, simple en apparence, était en réalité, et pour de nombreuses raisons,
difficile à réaliser; aussi, M. Demonet préféra- t-il aborder la question
par son côté physiologique. A cet effet, il a adopté la méthode spiromé-
trique, à l'aide de laquelle il a pu déterminer la capacité vitale. La capa-
cité vitale est définie, on le sait, par la quantité d'air mise en mouve-
ment par une inspiration maxima suivie d'une expiration maxima. Elle
peut être considérée comme [proportionnelle au volume intrapulmo-
naire. Après avoir manifesté ses regrets, bien légitimes d'ailleurs, que
la spirométrie ne soit pas plus souvent pratiquée parles médecins aux-
quels elle pourrait cependant rendre de grands services, l'auteur donne
une bibliographie soignée de la question qu'il se propose d'étudier.
L'appareil spirométrique dont s'est servi le D'* Demonet est un comp-
teur à gaz de précision, à l'aide duquel il a mesuré la capacité vitale sur
100 individus de sexe masculin de 20 à 25 ans (élèves de l'école du Ser-
vice de Santé militaire) et sur 100 individus de sexe féminin de 20 à
25 ans (malades de la clinique des maladies cutanées et syphilitiques).
L'auteur a rapporté la capacité vitale ainsi obtenue à un certain nombre
de dimensions somatiques et il a pu arriver de cette façon aux résultats
que nous allons maintenant énoncer.
La capacité vitale absolue d'un Français (sexe masculin de 20 à
25 ans, d'une taille de 1"',70, macroskèle et macroplaste par éducation),
est de 3.912 centimètres cubes. Cette capacité vitale croît d'une façon
absolue et relative proportionnellement à la taille; mais, comme cette
dernière ne représente que d'une façon très imparfaite le développe-
ment total de l'organisme, il est plus exact de dire que la capacité
vitale croît proportionnellement à la mégasomie ; les hommes les plus
petits, sont tout compte fait, plus favorisés que les grands au point de
vue respiratoire.
La capacité vitale croît proportionnellement et relativement à la lon-
gueur du buste. Elle affecte avec cette dernière des rapports beaucoup
plus réguliers et beaucoup plus significatifs qu'avec la taille.
Un sujet bien constitué a, en général, une circonférence thoracique au
moins égale à la longueur des membres inférieurs. Si l'exactitude de ce
rapport était confirmée, il y aurait là, pour les médecins militaires, un
indice derobusticité qui pourrait leur rendre de grands services.
Les brachyskèles sont considérablement plus favorisés que les mesa-
tiskèles et surtout que les macroskèles au point de vue de la capacité
vitale. La largeur biacromicale ne présente pas par elle-même une
grande importance dans ses rapports avec la capacité vitale. A mesure
que la longueur du sternum s'accroît, la capacité vitale s'accroît égale-
ment, mais M. Demonet ne considère pas avec Maëstrelli que cette lon-
gueur soit de toutes les dimensions du thorax celle qui traduise le plus
exactement le développement pulmonaire.
614 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Chez les sujets bien portants, la capacité vitale croît absolument et
relativement avec le poids, mais l'augmentation parallèle de ces deux
quantités ne se fait pas suivant une progression régulière.
La capacité vitale est d'autant plus grande que la circonférence tho-
racique est plus élevée.
La capacité vitale croît en raison inverse de la mégasomie. A mesure
que Teuryplastie s'accentue, la capacité vitale diminue assez régulière-
ment.
Cette première partie du travail de M. le D' Demonet est uniquement
consacrée à Tétude de la capacité vitale chez l'homme; la seconde par-
tie traite de la capacité vitale chez la femme.
Celte partie du mémoire de M. Demonet est, avec le travail de Pagliani,
(1857) le seul document existant sur la capacité vitale de la femme.
Les conclusions auxquelles il est arrivé sont les suivantes :
La capacité vitale absolue d'une femme française quelconque de 20
à 25 ans est en moyenne de 2. 747 centimètres cubes.
Le corset diminue la capacité vitale d'un sixième de sa valeur envi-
ron. La plupart des rapports concernant le sexe masculin s'appliquent
aussi au sexe féminin. Toutefois les dimensions influencées par le
tissu adipeux (poids, circonférence thoracique) ne contractent plus avec
la capacité vitale que des relations extrêmement irrégulières. La capa-
cité vitale absolue de la femme est à celle de l'homme comme 70 est à
100.
D'une façon générale, la capacité ne croît d'une manière régulière-
ment mathémathique avec aucun facteur. C'est en premier lieu la taille,
en second lieu la longueur du buste qui semblent être en connexion la
plus régulière et la plus intime avec la capacité vitale. Le poids et la
circonférence thoracique, soumis aux variations de développement du
tissu adipeux, affectent avec la capacité vitale des rapports moins
importants.
Nous nous sommes bornés, dans cette analyse, à rappeler les princi-
paux résultats de M. Demonet. Comme on a pu s'en rendre compte, ils
sont extrêmement importants. Mais si l'on doit, au point de vue du fond,
faire à l'auteur les plus grands éloges, on doit lui reprocher de ne pas
avoir suffisamment soigné la forme. Le travail de M. Demonet est écrit
dans un style obscur, les résultats les plus importants sont pour ainsi
dire perdus au milieu d'un fouillis de détails inutiles, de hors-d'œuvre,
de trop longues citations. Le mémoire eût gagné a être diminué de lon-
gueur de moitié. Malgré ces quelques critiques, le travail de M. Demonet
restera le document le plus précieux que nous ayons actuellement sur
la valeur absolue et relative de la capacité vitale chez l'homme.
R. Anthony.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 615
UgoVram, Metodaper determinare l'inclinazione dell' orbita. Méthode pour déter-
miner l'inclinaison de l'orbite). AUi del Socielà Romana di Anthropologia. Roma,
1906.
Le professeur Ugo Vram donne dans cette courte note un moyen
pouvant paraître ingénieux et pratique pour calculer Tinclinaison de
l'orifice orbitaire suivant l'horizontale. Généralement cette inclinaison se
calcule, comme on sait, soit à l'aide du goniomètre, soit par la méthode
des projections; dans l'un et l'autre cas, c'est une opération longue,
délicate et pour laquelle il faut être muni d'instruments spéciaux.
La méthode nouvelle proposée par le professeur Ugo Vram consiste
essentiellement en ceci : on trace du bord externe de l'orbite droit au
bord externe de l'orbite gauche, une ligne droite dite ligne biorbitaire;
une autre ligne va du bord externe au dacrion de l'orbite qu'on examine ;
l'angle que forme ces deux lignes au bord orbitaire externe donne la
mesure de l'inclinaison de l'orbite sur l'horizontale. L'opération se
fait, nous dit l'auteur, à l'aide du compas à trois pointes, en fixant deux
des pointes aux extrémités de la ligne biorbitaire et l'autre au dacrion.
En reportant ensuite l'instrument sur le papier et en traçant les lignes,
il est facile de mesurer l'angle au rapporteur.
L'idée du professeur Ugo Vram est intéressante, et à retenir. On
peut toutefois faire à sa note de très sérieux reproches : elle est trop
courte et pas assez explicative; les points de repères ne sont pas suf-
fisamment précisés, et l'on serait en somme assez embarrassé pour
savoir comment tracer exactement la ligne biorbitaire. Une figure très
simple eut, en précisant les points de repère, rendu l'explication claire
et nette et dissipé tous les doutes. Il est très regrettable que M. Ugo
Vram n'ait pas songé à la donner.
R. A.
EuG. PiTTARD : Influence de la taille sur l'indice céphalique dans un groupe
ethnique relativement pur. Bull. Soc. Anlhrop., n° 3, 1905.
L'influence de la taille sur la valeur de l'indice céphalique n'est pas
encore bien élucidée. M. Eug. Pittard s'inspirant des travaux connus de
M. L. Manouvrier sur ce sujet s'est attaché à la solution de ce pro-
blème. Au lieu de s'adresser pour cela à des populations mélangées
comme le sont toujours les populations européennes, il a eu la chance
de pouvoir s'adresser à un groupe ethnique relativement très homo-
gène, celui des Tsiganes de la Péninsule des Balkans. Cette population
est, en effet, restée relativement pure grâce à ses habitudes nomades,
grâce aussi au mépris dont les autres hommes entourent les Tsiganes,
et à la répulsion qu'ils éprouvent à s'allier avec eux. Grâce à ce choix
judicieux, M. Eug. Pittard a pu éviter la plupart des causes d'erreurs
inhérentes, comme on sait, aux séries hétérogènes.
616 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Le matériel anthropométrique de l'auteur est représenté par 1205
Tsiij;anes adultes (775 hommes et 430 femmes) dont il a mesuré la taille
et dont il a calculé l'indice céphalique.
Nous nous bornerons à rappeler les principales conclusions de cet
intéressant travail : La taille semble avoir une influence manifeste sur
la valeur de l'indice céphalique. — La dolichocéphalie s'accentue au
fur et à mesure que la taille s'élève. — Au fur et à mesure que croît la
taille, les diamètres antéro-postérieurs et transverses croissent d'une
façon absolue. — La dolichocéphalie, plus accentuée chez les individus
de haute taille, provient d'une augmentation relativement plus grande
du diamètre antéro-postérieur et non d'un raccourcissement relatif du
diamètre transverse. — Les faits ci-dessus se vérifient aussi bien dans
les séries féminines que dans les séries masculines. Comme le fait
remarquer M. Eug. Pittard, les constatations exposées au cours de
son travail, contribuent avec les recherches deiM. L. Manouvrier (L'indice
céphalique et la pseudo-sociologie, Rev. de l'École d'Anthropologie,
Paris, 1899) à détruire cette théorie bien connue de l'attirance des villes
pour les individus dolichocéphales et de haute taille : le développe-
ment plus grand de la taille est dû aux conditions de la vie urbaine et
l'abaissement de l'indice céphalique est lié à cette augmentation de
taille. Celte prétendue sélection sociale s'explique tout simplement par
Texistence simultanée de deux caractères anatomiques.
R. A.
H. Hubert. — Étude sommaire de la représentation du temps dans la religion et
la magie. Paris, 1905 {École pratique des Hautes-Études. Section des sciences reli-
gieuses).
Comme la plupart des idées qui servent d'ossature à notre vie men-
tale, et que nous employons inconsciemment, sans en chercher la
cause formatrice, principes d'identité ou de causalité, notion d'espace,
etc., la notion du temps, d'après un examen superficiel, semble d'une
telle clarté et d'une telle commodité qu'on serait difficilement amené à
croire — à moins d'être psychologue — qu'elle puisse servir de thème
à des discussions. Il ne faut cependant pas être allé loin en philosophie
pour s'apercevoir, même sans approcher de la métaphysique, combien
cette apparente simplicité est trompeuse et combien la question du
temps soulève de difficultés, aussi bien au sujet du contenu et de l'es-
sence de cette notion qu'au point de vue de son origine.
Dans un subtil et captivant mémoire, M. Hubert s'est trouvé ramené
à ces hauts problèmes, à la suite d'un parcours où il a récolté des obser-
vations pleines de portée sur l'historique de la pensée humaine. On sait
que les rites des diverses religions et les événements mythiques se
passent dans l'espace et dans le temps; or, tandis que la notion nor-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 617
maie du temps et de l'espace est celle d'un émiettement, d'une succes-
sion de finis au long d'une ligne indéfinie, le caractère du sacré est au
contraire l'infinité, l'immutabilité, l'indivisibilité absolues. Puisque
nous voyons cependant que les choses sacrées se réalisent couramment
dans le temps, par quels moyens est-on arrivé à résoudre cette anti-
nomie? La notion normale du temps et la notion du sacré ne se prê-
taient pas à un tel résultat : il a fallu sans nul doute imaginer une
notion du temps à l'usage des choses sacrées, une notion religieuse du
temps?
Les moyens employés pour résoudre l'antinomie du sacré indivis et
du temps divisible se répartissent en deux groupes : 1° On fait entrer
de force les mythes dans la chronologie. Pour cela le procédé le plus
simple est de les situer dans le lointain du temps, soit au début, soit
à la fin des mondes; d'où la fréquence des mythes qui rendent compte
de la fin ou de l'origine des choses : ce n'est pas en effet que leur fonc-
tion essentielle soit de fournir de telles explications, mais ils revêtent
cette forme à cause de la position qu'ils prennent dans le temps. Le
même but peut être atteint d'une façon diff'érente, par ce que M. Hubert
appelle le rajeunissement : on mêle pour ainsi dire le fait mythique au
courant des faits ordinaires, de telle sorte qu'il apparaisse sous la figure,
sous le masque parfois, d'un fait historique plus ou moins récent, et,
précisé ainsi, entre naturellement dans la série des choses datées.
2^ Les faits sacrés ne sont pas rangés arbitrairement dans la série
chronologique, placés avant, après ou à côté d'autres faits : on imagine
à leur usage un temps milieu idéal où on les situe, temps à peu près
abstrait, presque entièrement dégagé des choses qui durent. Ce temps
sacré n'est pas, comme le temps normal, mesurable sur le calendrier :
il n'emploie cet appareil de notation que comme un moyen de repérer
et de marquer son rhythme. L'existence d'un rhythme spécifique, impli-
quant des périodes semblables, à renouvellement indéfini, est en effet
la caractéristique de cette conception. C'est par la périodicité que les
éternités mythiques peuvent concilier leur caractère transcendental
avec la notion du temps.
S'expliquent dès lors les particularités de la notion sacrée du temps,
religieuse ou magique et en quoi elle diffère de la notion commune.
Ainsi, dans le domaine sacré, les parties successives du temps ne
sont pas homogènes; on tient seulement pour telles et pour équiva-
lentes certaines parties considérées comme semblables, non à cause
de leur grandeur, mais de leur place et de leurs propriétés : la notion
du temps n'est pas ici celle d'une quantité pure. Voici, trop sommaire-
ment, quelques-uns des faits d'observation qui soutiennent cette thèse :
les dates critiques interrompent la continuité du temps, dans l'ordre
naturel elles introduisent arbitrairement des coupures rhythmiques, une
périodicité, qui ne lui appartiennent pas (à Sparte, de 9 en 9 ans, sou-
618 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
mission des rois à une ordalie) ; — les intervalles compris entre deux
dates critiques associées, sont, chacun pour soi, continus et insécables
(rites d'entrée et de sortie dont ces périodes sont Tobjet, interdiction
d'entamer la guerre ou de j^raves entreprises au cours de l'une d'elles,
constante indication du caractère spasmodique du temps rituel); — les
dates critiques sont équivalentes aux intervalles qu'elles limitent (un
rite accompli au début d'une période vaut pour toute sa longueur, un
phénomène observé à cette heure décisive est significatif pour la durée
qu'elle inaugure); — les parties semblables (même position sur le
calendrier) et les durées de grandeurs différentes prises tour à tour,
comme unités de temps (année, cycle, mois, semaine) sont équivalentes
(retour périodique de mêmes événements, malédictions, charmes, déli-
vrances, mêmes fêtes aux mêmes dates) ; — des durées, quantitative-
ment inégales, sont égalisées et inversement (années de vie magique
valant une heure de vie humaine).
Le temps sacré n'est donc pas un pur concept, un lieu géométrique;
c'est une chose en soi, avec des qualités actives, une forme efficace
comme celle d'un acte magique, objectivement distincte des phéno-
mènes successifs et durables, et, dans ses parties, capable d'une action
sur eux. L'aptitude à recevoir des qualités est la marque essentielle du
temps sacré. Cette nature fait que ses parties ne sont pas indifférentes
aux choses qui peuvent se passer en elles : elles les attirent ou les
excluent et de ces rapports naissent une infinité de pratiques (tabous
du temps, etc.).
Depuis quelques années, surtout à la suite des analyses de M. Bergson,
la philosophie contemporaine tend h admettre que la notion ordinaire
que nous avons du temps n'est pas, elle non plus, exempte de qualités;
son principe générateur dans la conscience est la constatation de ten-
sions actives différentes de grandeur; le temps devient ainsi une sorte
d'échelle de ces images. De même, les éléments qualitatifs de la repré-
sentation du temps sacré sont des images associées, images de faits
concomitants, dont l'association est retenue en vue d'actes possibles.
Il y a là une sorte de concordance qui peut mener à chercher les rap-
ports d'origine des deux notions du temps.
iM. Hubert recherche d'abord si Tinstitution des calendriers est d'ori-
gine expérimentale ou conventionnelle. La concordance des phénomènes
calendaires avec des phénomènes naturels, saisonniers ou astronomiques,
a été invoquée en faveur de l'origine expérimentale; on a même voulu
que la division du temps en semaines ait cette même origine, les nombres
qui servent de base à ces périodes courtes étant contenus un certain
nombre de fois dans des périodes plus grandes à durée définie naturel-
lement. En fait, le plus souvent, le chiffre de base de l'élément primor-
dial du calendrier correspond à la base d'un système de numération
préétabli, et c'est secondairement que le cycle annuel, par à peu près,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 619
a été accordé avec les phénomènes astronomiques. Cette base numé-
rique même a une origine mystique, ces nombres ne semblant pas chez
les primitifs des comptes fortuits d'objets totalisés, mais des synthèses
subjectives. Ainsi le rythme du temps sacré n'a pas nécessairement
pour modèles les périodicités naturelles constatées par l'expérience;
les sociétés avaient en elles-mêmes le besoin et le moyen de l'instituer.
On observe que la qualification des jours sacrés et leur choix sont
également arbitraires. De plus, si Ton fait abstraction des mille asso-
ciations spéciales attachées aux dates et aux périodes de façon à réduire
les différentes parties du temps aux qualités qu'elles peuvent possé-
der en commun, — on s'aperçoit que, derrière la diversité des qualités
distinctives, c'est l'idée de pouvoir sacré, magique ou religieux, qui
demeure en dernière analyse. Cette présence du sacré à la racine de
la notion du temps religieux montre que cette notion a dû, en magie
ou en religion, se développer à la faveur de conditions émotionnelles
et logiques, bien différentes de celles où elle semble devoir apparaître
normalement chez les individus. Ces conditions ne peuvent guère se
trouver réalisées qu'en des états d'agitation collective, d'émotions mul-
tipliées de toute une société, états qui semblent nécessaires à la forma-
tion du sacré, émotions primitives, exceptionnelles, momentanées, qui
laissant derrière elles un résidu de croyance, continuent, alors même
qu'elles ne sont plus, à conditionner la pensée par la force logique des
catégories et des concepts.
Le travail de M. Hubert, plein de raisonnements d'une extrême
finesse, constitue, à notre sens et, selon la volonté de l'auteur, une
excellente introduction à l'étude des anomalies que présente le décompte
du temps dans la religion. En même temps, par la hauteur des ques-
tions où il s'élève, il apporte une contribution indirecte, mais pré-
cieuse, à la philosophie générale.
Jean Lafitte.
A. Meillet. Quelques hypothèses sur des interdictions de vocabulaire dans les
langues indo-européennes. Paris [1906], s. 1. n. d. In-8, 19 p.
L'observation montre que certains mots, régulièrement formés et
appartenant au vieux fonds de la langue, sont évités aujourd'hui par
suite de quelque scrupule : ainsi le féminin de gars en français, qui est
devenu grossier, le nom de TKtre suprême dans les jurons parbleu^
morbleu, etc. Ce sont là des phénomènes de tabou. Chez les primitifs,
ces phénomènes sont bien plus fréquents encore; on évite les mots
où entre le nom d'un grand chef mort, ceux qui désignent certains
animaux ou même certaines parties du corps de ces animaux pendant
la saison de la chasse. L'existence de ces tabous du langage peut expli-
quer pourquoi les noms de plusieurs animaux, certainement connus des
G20 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Indo-Kuropéens à l'état indivis, ne se rencontrent plus dans quelques
langues de la famille et y sont remplacés par des épithètes ou des péri-
phrases. M. Meillet a cité des exemples qui sont très instructifs à cet
éi^ard. Le nom de l'ours se trouve en sanscrit {riksah), en grec {arktos)^
en latin [ur&us), en celtique [art)y en arménien [arj)\ mais en vieux-
slave l'ours s'appelle « mangeur de miel » ou « grognon», en lithuanien
« le lécheur » {lokis), en vieil-haut-allemand « le brun ». Ces dénomi-
nations rappellent celles qu'on rencontre chez les Esthoniens, les Fin-
landais, les Lapons, qui désignent l'ours par des périphrases : « la gloire
de la forêt », « le vieux », « la superbe patte de miel », « le poilu »,
« le pied large », etc. Même dans les langues celtiques, où le nom de
l'ours n'a pas disparu, on trouve le gallois Melfockyn signifiant « porc
à miel ». Les Macédoniens appelaient l'ours kynoûpes, ce qui paraît
signifier « animal sauvage ». Dans le groupe des langues finno-ou-
griennes, alors que l'ours est connu sur tout le domaine de ces langues,
il n'y a pas un mot commun pour le désigner, mais seulement des péri-
phrases. Ce qui est vrai de l'ours. Test du serpent, dont le nom (san-
scrit ahi), se retrouve en zend, en arménien, en grec {ekhis), en slave et
en latin, mais est souvent remplacé, dans ces langues mêmes, par des
périphrases répondant à la signification de « rampant » (seryens, grec
herpeton), de « marchant sur le ventre » (sanscrit et vieux-slave; cf.
Genèse^ i, 3, 14), de « vert » (lithuanien). La souris s'appelle mus en grec,
en latin, en sanscrit, en persan, en vieux-slave, en vieil-haut-allemand ;
en baltique, la souris s'appelle « la grise » et, aujourd'hui encore,
les Suédois la qualifient de « petite grise ».
Dans une île malaise, il est interdit de parler des yeux pendant la
saison de la chasse. M. Meillet suppose qu'un tabou de ce genre explique
pourquoi l'irlandais, au lieu d'employer le nom indo-européen de l'œil,
se sert à cet effet du mot qui désigne le soleil, « l'œil qui voit tout ».
La forme germanique augo est trop voisine de la forme indo-européenne
pour en être séparée, mais elle ne peut y être ramenée phonétique-
ment; peut-être a-t-on recouru à une forme voisine de l'ancien nom
parce que le nom même aurait été taboue. Nous avions déjà l'analogie
comme élément perturbateur de la phonétique: voici venir le tabou.
Peut-être faudrait-il ajouter le totem. Car il me semble bien probable,
en ce qui concerne les noms d'animaux paraphrasés, que le totémisme
y est pour quelque chose. Le précepte du Décalogue {Exode, xx, 7) :
« Tu ne prendras point le nom de TÉternel ton Dieu en vain », n'est
pas de l'invention d'un législateur, mais la simple formule d'un tabou
imposé par les croyances totémistes.
Salomon Reinach.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
Une nouvelle chaire d'Anthropolog^ie préhistorique.
Ce n'est malheureusement pas en France que cette chaire vient d'être créée.
C'est en Suisse. M. l'abbé Breuil, dont l'éloge n'est plus à faire, surtout dans
cette Revue, a été nommé professeur agrégé de préhistoire et d'ethnographie à
la Faculté des Sciences de l'Université de Fribourg, faculté qui a pour doyen un
autre de nos jeunes et très distingués compatriotes, M. Jean Brunhes, géographe.
M. Breuil avait pris pour sujet de thèse : Stylisation et dégénérescence dans
Vart quaternaire. J'avais été prié de faire sur ce travail un rapport dont les
conclusions, tout à fait honorables pour l'auteur ont été ratifiées parle Conseil
de la Faculté.
M. Breuil entrera en fonctions au début du semestre d'hiver prochain. Il fera
son cours sur l'âge de la pierre taillée et sur les origines de l'art d'après les
études ethnographiques. M. B.
Cours de palethnolog:ie à Bruxelles.
L'exemple du Louvre a été suivi en Belgique dans les Musées royaux du Cin-
quantenaire. Depuis plusieurs années des cours faits par les conservateurs ont
beaucoup de succès. Ils se composent de vingt leçons chacun et ont lieu le
jeudi et le dimanche. Cette année M. le baron Alfred de Loë continuera l'étude
des âges de la pierre et du métal et des antiquités belgo-romaines et franques.
Les auditeurs seront conviés à des excursions et à des fouilles. Le prix des ins-
criptions est de 20 fr. Les professeurs peuvent en limiter le nombre à raison de
la nature spéciale des leçons qui seront données directement sur les objets
faisant partie des collections des Musées.
E. C.
L'Archéolog:ie à l'Université de Pensylvanie.
Le dernier fascicule de la publication que l'Université de Pensylvanie consa-
cre à l'archéologie {Transact. of the départ, of Archœology Free Muséum of
Science and Art) témoigne d'une grande activité, aussi bien sur le terrain que
dans les laboratoires. Il faut signaler, comme particulièrement intéressants ou
rentrant plus spécialement dans le domaine de nos études : un mémoire, riche-
ment illustré de M. G. Byron Gordon sur Le motif du serpent dans l'art ancien
de r Amérique centrale et du Mexique ; un rapport des plus substantiels sur les
fouilles pratiquées à Gournia (Crète), en 1904 et un arlicle sur les plus
anciennes poteries peintes de cette localité; ces derniers travaux sont signés de
deux noms féminins : Harriet A. Boyd et Edit H. Hall. Un autre rapport sur
les fouilles à Vasiliki par M. Scager. M. B.
622 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Cours de TEcole (l'Anthropolo[fie.
Les cours de l'Ecole d'Anthropologie, qui entre dans sa 31^ année d'existence,
ouvriront le lundi 5 novembre, 15, rue de l'École-de-Médccine; en voici la
liste :
Anthropologie préhistorique (L. C-vpitan). — Les bases de la Préhistoire (suite).
In(lu<;trie, Arts. Le samedi, à 4 heures.
Ethnologie (Georges Hehvé). — !«> Le problème nègre aux États-Unis (fin). Histoire
(le r Etlinolofji'j {état et progrès de la science au xviii« siècle). Le mardi, à 5 heures.
Anthropologie zoologique (G. P. Mauoudeau). — Origine de l'Homme. Nos voisins zoo-
lo(//'/ues : les Svnieus et les Anthropoïdes. Le mercredi, à 5 heures.
Anthropologie physiologique (L. MANouvBitR). — Physiologie psychologique (suite).
Le veudredi, à 5 heures.
Technologie ethnographique (Adrien de Mortillîst). — Étude comparée des indus-
tries primitives anciennes et modernes. — Les Armes, leur classification et leur
évolution. Le mercredi, à 4 heures.
Sociologie (G. Papillault). — Les Associations chez les peuples primitifs [Associa'
lions spontanées, volontaires, secrètes, religieuses, etc.) (suite). Le mardi, à 4 h.
Géographie anthropologique (K. Schrader). — L'impulsion du milieu cosmique et L'évo-
lution de la pensée cosmologique. Le vendredi, à 4 heures.
Ethnographie (S. Zaborowski). — L'Europe : origines des nations, langues, mœurs.
Le pourtour de la Méditerranée : Préaryens, Eurafricains (suite). Le samedi,
à 5 heures.
Ethnographie générale (J. Huguet. professeur-adjoint). —Religions et superstitions
dans l'Ethiopie, la côte orientale d'Afrique et la région des Lacs. Le lundi, à
5 heures (de mars à jauvier).
Anthropologie anatomique (E. Rabaud), professeur-adjoint). — Bases analomiques
des théories relatives à la criminalité (suite). Le lundi, à 5 heures (de novembre à
janvier).
Paléontologie humaine (Cours complémentaire) (R. Verneau). — Les races quater-
naires de l'Europe (suite). — La race négroïde de Grimaldi et la race de Cro-
Magnon. Le lundi, à o heures (de novembre à janvier).
En dehors des cours, des conférences seront faites par MM. Anthony, Dussaud
et Marie. M. Amhony parlera de La morphologie du cerveau chez l'homme et chez
Zes singes (les lundis 25 février, 4, 11, 18 et 25 mars 1907, à 4 heures). — M. Dus-
saud traitera de La civilisation mycénienne à Rhodes et à Chypre (les lundis 21,
28 janvier, 4, 11, et 18 février 1907, à 4 heures). M. A. Marie s'occupera de
Psychopathologie comparée, en particulier des psychoses anciennes et modernes dans
leurs rapports avec l'évolution mentale normale (les mardis 16, 23, 30 et les
samedis 19 et 26 mars 1907, à 3 heures).
R. V.
Le salon noir préhistorique de l'Arièg^e.
L'année est féconde pour l'archéologie préhistorique! Le 24 septembre
M. Cartailhac était averti par une dépêche de M. le D'' Garrigou, alors à Taras-
con, Ariège, que son voisin de campagne. M. le commandant Molard, visitant
avec ses fils les grottes de la région et levant le plan des plus vastes, avait
aperçu quelques dessins au fond d'une galerie. Le 27, il arrivait et visitait sous
leur conduite la grande grotte de Niaux qui s'ouvre près des forges de
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 623
M. Blazy, à 100 mètres au-dessus de la rivière de Vie de Sos. Elle est bien
connue dans le pays, souvent visitée. Elle a au moins 1.400 mètres d'étendue.
Sa galerie, en zig-za^s, a des montées et des descentes qui se compensent,
tantôt étroite, tantôt large et haute. Partout elle a des gours, partout des traces
d'inondation. Cette année elle est très sèche, sauf dans les régions lointaines
où sont des cascades et des lacs. Arrivé à 611 mètres on trouve à droite une
galerie très ample qui va montant et dans laquelle ont coulé des masses énormes
de sable. On la suit 161 mètres, on arrive dans une superbe rotonde.
C'est là, par conséquent à 112 mètres de l'entrée, fort étroite d'ailleurs, et
du jour, que d'un côté, sur plus de 20 mètres de longueur, la muraille est cou-
verte de dessins d'animaux, au trait noir. M. Cartaiihac put rassurer
MM. Molard sur l'ancienneté de ces images dont il découvrit de nouvelles séries.
Si quelques-unes sont aussi fraîches que les signatures des touristes malheu-
reusement voisines, elles ont aussi, par place, des voiles de stalagmite, des con-
crétions calcaires assez épaisses pour nous garantir contre toute supercherie.
De plus ce sont nos animaux ordinaires, plus de 30 Bisons, 8 ou 9 Chevaux,
3 Bouquetins, 2 Cervidés; enfin on reconnaît le style inimitable de notre
art quaternaire, et plusieurs de ces œuvres sont certainement les meilleures que
M. Cartaiihac ait encore vues.
Il y en a de petites, un Bouquetin au galop, les jambes fléchies et les sabots
en arrière, admirable d'allure, qui a 0™,25 de long. Beaucoup ont environ
1 mètre et quelques-unes atteignent 1°^,50.
Les figures couvrent plusieurs conques larges qui se suivent. Elles s'étalent
aussi haut que la main peut atteindre et, dans le désordre habituel, descendent
jusqu'au sol, qui n'a donc pas changé, et sur lequel M. Molard a ramassé quel-
ques silex, un petit grattoir, un morceau d'ocre jaune et un charbon d'os. A
certains endroits le rocher se creuse et forme voûte très basse, les dessins n'y
manquent pas ; l'artiste a dû, comme à Altamira, s'allonger sur le dos pour
exécuter son croquis. Sur un point il faut ramper absolument, on entre dans
une anfractuosité qui se termine en cul de sac ; des Bisons sont encore là! Et
çà et là, dans ces régions et ailleurs, des traces de dessins semblables et très
effacés se retrouvent.
Nous avons dit que tous ces dessins sont en noir, comme au fusain, mais
peut-être au pinceau, c'est à étudier, et il y a par places des hachures habiles.
Les détails importants sont toujours très soignés.
M. Cartaiihac observa que sept Bisons avaient des flèches inscrites sur le
ventre, la pointe barbelée en haut, 1, 2, 3 ou 4. Une d'elle est barbelée en haut
et en bas; deux fois il y a mélange de flèches rouges et de flèches noires, au
milieu les noires ayant env. 0"',20, et de chaque côté les rouges bien plus
courtes. M. Cartaiihac pense que la présence de ces flèches, sept fois, est une
démonstration ferme de la réalité de l'envoûtement ou de quelque autre
opération magique analogue comme il fut d'abord dit par MM. Reinach et Hamy
à propos de toutes ces peintures et gravures.
M. Cartaiihac ayant vu ces signes se mit, avec MM. Molard, à les rechercher
ailleurs et ils ne tardèrent pas à les rencontrer au bas de la galerie, à droite et
à gauche. C'étaient surtout des pointillés comme à Marsoulas. Sur le rocher
d'angle de la grande galerie et de la galerie de la rotonde, il y a deux pan-
neaux d'inscriptions. La disposition des signes rouges et noirs, points et traits,
624 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
alignements de points et de traits, cercles, signes divers parmi lesquels peut-
être, en très petit, le naviforme d'Altamira, paraît justifier l'emploi du mot ins-
cription.
L'exploration continuera avec la collaboration de M. Breuil. Des fouilles
seront entreprises. En attendant M. Cartailhac a prié M. le commandant
Molard et M, le D' Garrigou de l'aider à afTermcr la caverne, propriété doma-
niale dont Niaux a l'usufruit. Il faudra surtout que les visiteurs soient sur-
veillés; les dessins sont en partie très fragiles et déjà l'un d'eux vient d'être
très abîmé par un curieux ignorant.
E. G.
Les mains inscrites de roujre ou de noir de Garg^as.
La grotte de Gargas, commune d'Aventignan (Hautes-Pyrénées), est bien
connue par les découvertes d'animaux quaternaires dues à M. Félix Regnault,
de Toulouse, et qui ont enrichi la galerie de paléontologie du Muséum (1).
M. F. Regnault y revenait plus tard et mettait à découvert un foyer situé près
de l'entrée qu'il signalait à une réunion de l'A. F. A. S. et que MM. Cartailhac
et Breuil considèrent comme l'un des plus anciens des Pyrénées. Ils sont dis-
posés à le ranger dans ce qu'ils appellent le Présolutréen.
M. F. Kegnault tout récemment a fait dans la même caverne une curieuse
constatation : sur une stalagmite de couleur claire, un groupe de mains rouges.
Il a communiqué le fait au mois de juillet à la Société d'Anthropologie de Paris.
MM Cartailhac et Breuil l'ont étudié aussitôt. Il a été reconnu au premier
coup d'œil que ce groupe de mains n'était pas isolé. Il y en a un peu partout
sur les plis et les replis des stalagmites et sur les murailles de la grande salle.
Elles commencent à gauche de l'entrée. On en compte plus de 80 distribuées au
hasard par petits groupes. Mais elles ne sont pas uniquement rouges, il y en a
de noires et le rapprochement des unes et des autres semble intentionnel.
D'autre part ce sont en réalité des mains sur fond rouge et sur fond noir.
La technique est singulière. On a posé la main sur le rocher, les doigts
écartés, et on a passé tout autour de la couleur ; la main enlevée, sa silhouette
se détache en clair. C'est le procédé dit « au patron » ou « en épargne ».
Or il y a identité à cet égard et au point de vue de l'aspect, entre les mains
de Gargas et celles que les voyageurs retrouvent en Australie, dans les mêmes
conditions, c'est-à-dire sur les rochers et les cavernes.
MM. Cartailhac, et Breuil ont pu dire que les planches éditées pour l'Australie
donnent une idée parfaite de ce qu'on voit à Gargas, sauf qu'ici les mains ne
sont jamais alignées et que la couleur blanche n'a pas été employée. De plus
ici il n'y a que des mains, tandis qu'en Australie interviennent les boomerangs
et autres objets.
L'étude qu'ils ont pu faire des mains de Gargas a donné lieu à d'intéressantes
observations. Ils avaient déjà trouvé la main rouge à Altamira et ils proposent
(1) Voir A. Gaudry et M. Boule, Matériaux pour Vliistoii^e des temps rjuaternaires,
fascicule IV.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 625
de considérer comme des mains très stylisées quelques-uns des signes linéaires
qui jouent évidemment un grand rôle dans les décors de toutes les cavernes
peintes.
Un mois plus tard, sur les indications de M. Alcalde de Rio, qui a découvert en
Espagne comme V Anthropologie Ta fait connaître, quatre nouvelles cavernes
ornées de gravures et de peintures, M. l'abbé Breuil sur ses indications, notait
dans l'une d'elles quantité de mains faites à la manière de celles de Gargas.
Voilà donc un fait nouveau qui vient enrichir l'ethnographie préhistorique.
Il est bien difficile de ne pas admettre que le fait pyrénéen dérive de la même
mentalité que celui de l'Australie ou d'autres que l'on connaît aussi en Amé-
rique, Californie, etc. On peut raisonnablement importer dans notre Europe
les explications exotiques.
MM. Cartailhac et Breuil sont disposés à attribuer ces peintures aux gens qui
stationnèrent dans la grotte et dont M. Regnault a retrouvé le foyer. Elles
seraient ainsi très anciennes, comme d'ailleurs la plupart des peintures et gra-
vures pariétales.
La grotte de Gargas est domaniale, en usufruit à la commune d'Aventignan
Elle est publique moyennant une faible redevance au gai de-fermier, Mansas à
Jonac.
E. C.
Cavernes espagnoles peintes et gfravées.
Nous extrayons d'une lettre de notre savant collaborateur, M. l'abbé Breuil,
les passages suivants :
Je ne veux pas laisser attendre trop longtemps aux lecteurs de V Anthropolo-
gie des nouvelles de mon voyage de cet été aux cavernes nouvelles de la pro-
vince de Santander. Grâce à l'aimable accueil et à la conduite de MM. Alcade
del Rio et du Père Sierra, leurs inventeurs, j'ai pu, dans les meilleures condi-
tions possibles, réaliser une exploration des plus fructueuses.
Je me suis occupé d'abord d'Altamira, où j'ai passé deux journées, par-
tiellement à revoir ce que je connaissais bien déjà — puisque c'est le troisième
séjour que j'y faisais —, partiellement à étudier quelques gravures nouvelles
découvertes par M. Alcade. J'avoue qu'il n'a pu me convertir à considérer
comme des dessins d'oiseaux certains assemblages de traits ; l'un de ceux qui,
a première vue, lui aurait donné raison, s'est trouvé, après un examen appro-
fondi, devenir les pieds d'une de ces étranges figures anthropomorphes que
nous avions, M. Cartailhac et moi, précédemment signalées ; M. Alcalde l'a d'ail-
leurs reconnu avec moi. Pour plusieurs autres dessins nouveaux, j'ai reconnu
le bien fondé de ses observations.
J'ai examiné sous sa conduite le gisement, et ai pu aussi dessiner les princi-
pales pièces de la remarquable collection recueillie au cours de ses fouille? -
nous reparlerons ici-mème du mobilier archéologique qu'elle renferme.
Le principal but de mon voyage était d'explorer avec M. A. del Rio, en faisant
de nouveaux relevés aussi exacts que possible, les cavernes qu'il avait récem-
ment signalées dans un livre dont j'ai ici-même donné l'analyse. Avec beaucoup
de courtoisie et de désintéressement, M. A, del R. m'a secondé dans ce travail,
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906. 40
62G NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
me livrant ses propres relevés, et accueillant volontiers les corrections que je
jui;eais nécessaires d'y apporter, après étude des originaux sur rochers. De la
sorte, j'ai repris l'examen des cavernes de Hornos de la Pena et de Castillo,
découvertes par M. A. del R., et de celles de la Haza et de Covalanas, qu'il avait
découverte avec le P. Sierra, et y ai ajouté l'exploration de la caverne de San
Isabel, où, avec M. A. del R. j'ai constaté l'existence de dessins grossiers d'un
art tout différent, et de la grotte de la Venta de la Perra, où le P. Sierra venait
de reconnaître des dessins gravés.
Voici très laconiquement, ce que j'ai relevé de plus important dans ces ca-
vernes.
Hornos de la Pefia (San Felice de Ruelna). — Quelques gravures très profondes
à l'entrée de la grotte, dont le fond est obstrué de débris de cuisine à peine
entamés par un sondage très fructueux en silex bien retouchés rappelant un
peu l'Aurignacien. Dans les salles humides qui continuent cette grotte, dessins
gravés de plusieurs techniques : trait large et assez profond ; trait fin, mais se
multipliant en stries multiples ; trait fin, et simple ; trait large, fait avec le doigt
sur argile, le plus souvent comme si on avait voulu prendre de l'argile, parfois
au contraire, figurant des animaux très grossiers. Animaux figurés : Chevaux et
Bisons nombreux, quelques Capridés, un Cerf, quelques Bœufs ; le plus remar-
quable de ces dessins semblerait figurer un Singe à queue, dressé et le bras
levé ; le dessin est d'une authenticité certaine, et parfaitement clair ddns ses
contours ; j'ai l'intention d'examiner plus tard à quelles interprétations il peut
donner lieu.
San Isabel. — C'est au fond d'un corridor généralement inondé que la séche-
resse avait rendu abordable, que M. A. et moi avons remarqué, sur le toit tapissé
d'argile, une série de dessins faits anciennement avec le doigt, et figurant des
Bœufs et un Sanglier d'un dessin vraiment sauvage. Je ne me prononce pas
sur la date qu'il convient d'assigner à ces dessins ; je les ai crus d'abord rela-
tivement modernes; toutefois, rapprochés de plusieurs de Hornos, ils semblent
moins étranges.
Castillo, à Puente Viesgo. — Immense grotte, présentant d'énormes dépôts
archéologiques où M. A. del Rio n'a fait qu'un sondage. J'ai prié M. A. del Rio
de me préciser sur place le point exact de la découverte de la flèche de silex à
forme néolithique et des tessons de poterie qu'il avait signalés comme recueillis
avec des harpons à aspect magdalénien ; sa réponse et ses indications, sans
solutionner la question, me permettent de renforcer mes réserves expresses :
les deux n[vtidi\ix néolithique et paléolithique (?) à harpons, sont à peine séparés
par une veinule argileuse de la même couleur que les foyers ; aussi y a-t-il
possibilité d'erreur, ou même de pénétration d'objet ; la suite des fouilles
éclaircira probablement ce problème. Quant aux œuvres d'art, elles sont innom-
brables. En voici la mention rapide : gravures profondes, àtrait simple, d'Équi-
dés, de Cervidés, de Capridés et de Bœufs; gravures sériées passant aux graffitis
de très nombreux Cervidés, d'Izards, de Bouquetins, de Bisons. Peintures :
a) mains cernées de rouge ; b] signes rouges figurant de nombreuses variantes
des tectiformes, des figures scutiformes, rhomboédriques, des points groupés
diversement, des disques alignés jalonnant une grande galerie, etc. ; c) dessins,
linéaires ou plus ou moins modelés en couleur noire ou rouge, de Bisons, Che-
vaux, Cervidés, Capridés ;cZ) fresques polychromes assez peu nombreuses, plus
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 621
récentes que les précédentes qui sont elles-mêmes antérieures aux mains. Le
plus important des dessins est une image, dessinée en rouge d'un Éléphant que
la brièveté de ses défenses, son manque de toison et ses formes générales écar-
tent des images du Mammouth livrées par les cavernes françaises.
Covalanas. — Dans un site sauvage au-dessus de Ramales, et tout au voisinage
delà Biscaïe ; fresques rouges, peu modelées, figurant des Biches, un Cheval, un
Bovidé ; le trait est exécuté par des points juxtaposés plus ou moins concrescents;
j'ai remarqué à Castillo, parmi les dessins linéaires rouges, et en particulier
pour l'Éléphant, la même particularité du trait, formé de points juxtaposés.
La Haza. — Toute petite grotte, qui n'est distante que de plusieurs centaines
de mètres de la précédente, et contient des dessins du même style mais fort
décomposés, représentant des Chevaux et probablement deux Carnassiers.
La Venta de La Ferra. — En Biscaye, et sur le territoire des Thermes de Moli-
nar. Simple grotte dont les parois ont gardé les traces de nombreux traits
profonds désormais indéchiffrables, sauf plusieurs Bisons, et un bel Ours ù
front très convexe, qui semblerait \espelxus.
J'ai l'intention de donner à V Anthropologie nne étude plus approfondie sur les
œuvres d'art de ces six nouvelles cavernes, illustrées d'un choix des décalques
et pastels que j'y ai pris, et de photographies exécutées par M. A. delR,
S. A. S. le Prince de Monaco veut bien comprendre les monographies des
nouvelles grottes ornées dans la série de celles dont il dirige la publication, elles
seront publiées avec la collaboration de M. Alcaide del Rio et du Père Sierra.
H. Breuil.
Les rochers sculptés au dessus du col de Tende.
Une carte postale de M. G. Brecknell, partie du Val Casterino de Tende, nous
informe que notre confrère a fait cette année une très heureuse campagne dans
les hautes régions alpines dont les rochers sont couverts d'images gravées. Il a
pu trouver de telles inscriptions en grand nombre et toujours de nouvelles
figures, sur les rochers auprès des Haghi hunghi, avant d'arriver à la région
maintenant célèbre du lac des Merveilles.
E. G.
l^n «-isement solutréen province de IVamur;
M. le baron Alfred de Loë nous apprend qu'au devant d'une caverne vidée,
dite le trou de l'ahime à Couvin, sur une terrasse bien exposée il a recueilli plus
de 200 silex parmi lesquels un certain nombre de fort belles pièces très délica-
tement façonnées et rappelant beaucoup la belle taille solutréenne.
E. C.
Silex taillés d'Eg:ypte, une opinion inexacte.
Dans le Bulletin de V institut Égyptien du. 6 mars 1905 que nous recevons
tardivement, il y a quatre pages du D"" Lortet sur Momie!^ de singes et nécropole
du dieu Thot, p. 43-46. Thot est représenté le plus souvent sous la forme d'un
singe cynocéphale, mais quelquefois aussi sous celle d'un singe cercopithèque
à longue queue. Les momies de singes sont très rares dans les musées. M. le
iVM) NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
pelils galets de schiste vert auxquels M. Carlailhac suppose qu'on avait attribué
une vertu prophylactique. M. Cartailhac, qui assistait à l'exhumation des
Négroïdes et M. le D^ Verneau qui les dégagea et consolida leurs ossements,
savent que rien n'a été introduit dans cette sépulture depuis que les corps y
furent déposés.
Il faut donc conclure que ces galets fixés à la voûte palatine chez un des
sujets, et chez l'autre, sur un des côtés de la mâchoire inférieure, se trouvaient
dans la bouche de chacun des individus quand on les enterra.
11 ne semble pas douteux qu'on ne les y ait placés intentionnellement. Un cas
isolé pourrait être attribué à une cause fortuite, mais sa répétition ne permet
guère d'y voir un efîet du hasard.
D'ailleurs cet usage ne serait insolite que pour la période préhistorique. Il
paraît intéressant de pouvoir faire remonter jusqu'à cette haute antiquité une
coutume dont l'existence est bien constatée, mais dont les origines sont restées
usqu'ici ignorées.
En 1898, je fus chargé d'opérer le triage par séries d'une grande quantité
d'ossements découverts dans un ossuaire néolithique à Monte-Carlo. En faisant
le nettoyage de ces débris osseux, je remarquai que la terre noirâtre dont
étaient bourrées les boîtes crâniennes renfermait quelques petits galets plats,
régulièrement arrondis, noirs ou blancs et ne dépassant guère le diamètre
d'une pièce de cinquante centimes. Ils ne se trouvaient que dans le remplissage
terreux des tètes. Le sol de la grotte n'en contenait aucun.
J'ai noté cette observation dans la partie descriptive d'une étude faite en col-
laboration avec M. le D^ Verneau et publiée, en 1899, dans L'Anthropologie. Le
passage cité de l'article de M. Debruge me la remet en mémoire.
En rattachant le fait que je viens d'exposer à celui bien constaté de la pré •
sence d'un petit galet dans la bouche de chacun des Négroïdes de la grotte des
Enfants, je me demande donc si ces données, malheureusement restreintes à un
territoire de trop peu d'étendue, ne fourniraient pas matière à un doute sur
l'existence aux âges préhistoriques d'une pratique dont l'usage a été constant
aux époques grecque et romaine.
La coutume de placer une obole dans la bouche ou dans la main d'un mort
(dont la mythologie grecque a fait le droit de péage prélevé sur chaque défunt
par le nocher Charon), procède vraisemblablement d'une croyance plus antique
que l'explication qu'on en a donnée et que Charon lui-même. Perdue par
quelques peuples, conservée chez quelques autres avant d'être introduite dans
le rituel funéraire officiel, elle trahit, dès l'origine de la période historique, une
habitude traditionnelle depuis longtemps acquise.
Des morts, dont les tombeaux découverts dans les montagnes voisines de
Rome sont attribués au vi« siècle avant notre ère, avaient leur obole entre
les dents, et il est probable que leurs ancêtres, si on les retrouvait, auraient,
eux aussi, une pièce de monnaie, ou ce qui en tenait lieu.
Quoi qu'il en soit, le fait observé sur les Négroïdes de la grotte des Enfants
est certain; celui de l'obole de Charon dans les sépultures grecques et romaines
est incontestable. Entre les deux l'intervalle est considérable, mais déjà la sub-
stitution d'une monnaie de métal au galet coloré des âges reculés de l'huma-
nité inclinerait à penser que la croyance restant la même, la matière de l'obole
seule a changé et que l'usage des petits galets des temps préhistoriques aurait
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 631
préludé de très loin à l'emploi des pièces d'or, d'argent et de bronze de nos
temps modernes. De Villeneuve.
Le château de Kernuz, collection du Ghatellier.
M. Paul du Ghatellier a réuni dans son château de Kernuz, près Pont-l'Abbé,
d'admirables collections , célèbres dans l'Europe entière. Tous les savants» tous
les amateurs accueillis avec la plus aimable courtoisie ont trouvé là un musée
préhistorique vraiment incomparable. Pour le former il fallait une terre mer-
veilleusement riche et un archéologue passionné, fortuné aussi, animé d'un
esprit très scientifique. Paul du Ghatellier est à l'œuvre depuis bientôt qua-
rante ans, et son œuvre a honoré notre pays.
Les collections n'ont été publiées qu'en très petite partie. Elles sont métho-
diquement installées dans des galeries spécialement construites. Un ami de la
maison, M. l'abbé A. Millon, a eu l'excellente idée de nous en donner un cata-
logue sommaire sous ce titre : Le ckâteau de Kernuz, son histoire, ses collée-
lions, Saint-Brieuc, 1905, 40 p. 8". E. G.
La collection Benjamin Tournier.
Le pasteur Benjamin Tournier, décédé l'an dernier, avait formé une admi-
rable collection contenant surtout des objets de trois régions principales. Il
était originaire de l'Aveyron, il s'était allié à une famille des Hautes-Alpes, il
exerçait son ministère en Suisse. Le,?, Matériaux pour V histoire de l'Homme ont plu-
sieurs lois publié de lui d'excellentes notices et Ghantre, dans ses beaux ouvrages
sur le bronze et le premier âge du fer, a publié bon nombre de ses objets
remarquables. M™^ veuve Tournier vient de donner généreusement la moitié des
collections à la Suisse, à Genève et l'autre moitié au musée de Gap, qui va être
installé dans un édifice en construction et qui est sous la direction de M. Mar-
tin. Notre confrère a bien voulu me faire voir tous ses tiroirs. Le musée de Gap
devient un des plus importants de l'Est de la France au point de vue de l'ar-
chéologie préhistorique. Pourquoi les cahiers de notes si précieux n'ont-ils pas
suivi les collections? E. G,
Les cartes postales et rArchéolog^ie.
Dans un des derniers numéros de V Anthropologie (t. XVI, p. 120) notre colla-
borateur, M. Gartailhac, invitait nos lecteurs à dresser avec lui l'inventaire des
cartes postales illustrées ayant trait aux monuments préhistoriques de toutes
sortes. C'était un bon mouvement qui n'a pas été suivi d'effet. M, Déchelette a
fait des collections pour son propre compte. 11 vient de publier dans la Revue
archéologique (1906, p. 329) un catalogue des cartes postales d'après les monu-
ments romains de la France. La liste est établie suivant l'ordre géographique.
L'auteur a transcrit littéralement les titres imprimés en les complétant et les
rectifiant, quand il y avait lieu, par des indications placées entre crochets. Il a
aussi donné le nom de l'éditeur.
Ce premier essai est nécessairement incomplet. M. Déchelette fait appel à tous
ses confrères pour la rédaction d'un supplément.
M. B.
632 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Le Celtique flamI)oyant.
Noire collaborateur M. Déchelette vient de publier un très curieux article
{Bull, de la Diana, i. XIV), sur une plaque d'ornement en bronze trouvée dans le
cimetière de Saint-Clément, commune de Montverdun (Loire) et qu'il attribue à
l'époque gallo-romaine, bien que par le style de son ornementation flamboyante
elle paraisse au premier abord devoir être attribuée à l'art gothique de la fin du
xive siècle. Il base son argumentation sur divers objets de la période Late Celtic
des Iles Britanniques, d'abord classés comme du moyen âge et sur certains
ornements et fibules similaires trouvés en Allemagne.
Le style flamboyant se serait donc épanoui à deux reprises dans l'Europe
occidentale, une première fois à une époque proto-historique et plus tard à
l'époque gothique. Dans un article tout récent du Bulletin monumental,
M. Enlart cherche à établir que les Iles Britanniques ont été le berceau de ce
style.
M. B.
Préhistoire tunisienne.
DansTun des derniers numéros du Bullelindela Société archéologique de Sousse,
M. Pallary donne la liste bibliographique des travaux publiés jusqu'à ce jour
sur l'âge de la pierre en Tunisie. Cette liste ne comprend que quatorze numé-
ros. M. Pallary pense que celte pénurie de travaux tient à la pénurie des docu-
ments et que si ces derniers sont rares c'est parce qi:e la Tunisie n est pas
favorisée au point de vue de l'eau potable. La zone côtière en est à peu près
dépourvue ; c'est dans la région montagneuse, plus riche en sources, que se
rencontrent les âges de la pierre, comme le montre la carte publiée par
M. le D-^ Collignon.
M. B.
Distinctions honorifiques.
A l'occasion de son quatrième centenaire, l'Université d'Aberdeen a célébré
récemment de grandes fêtes auxquelles avaient été conviés de nombreux savants
étrangers. Le roi Edouard VII présida lui-même la cérémonie d'inauguration
dos nouveaux bâtiments de la vieille Université écossaise, et, à la suite de cette
cérémonie, le titre de docteur honoraire fut conféré à un certain nombre d'invités
qui avaient répondu à l'appel des organisateurs.
Parmi les noms des nouveaux docteurs, nous trouvons ceux de quelques
savants qui s'intéressent particulièrement à nos études; je me bornerai à citer
celui du Prince Albert I" de Monaco et ceux de deux de nos plus fidèles colla-
borateurs : M. Salomon Reinach et J. Deniker.
R. V.
Mimétisme?
J'extrais ce qui suit d'un rapport adressé à l'Alliance Israélite :
« La ville de Diarbékir (Kurdistan) se trouve au milieu d'une belle plaine
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 633
d'origine volcanique excessivement fertile. La terre est de couleur rouge foncé,
mélangée de pierres ignées noires (pyroxène et péridot). Toute la contrée, ville
et villages, a un aspect sombre ; toutes les pierres à bâtir sont noires. Les
habitants ont le teint foncé; les animaux ont de préférence la robe noire; tous
les chiens de Diarbékir sont, sans exception, de couleur noire. Est-ce un effet de
mimétisme? »
S. R.
Charme pour obtenir la pluie.
Je trouve dans ce même rapport le très intéressant passage que voici :
« Il existe une habitude détestable dans le Kurdistan : quand la pluie tarde à
venir au printemps ou au commencement de l'hiver, on va au cimetière juif, on
déterre les cadavres récemment inhumés, on coupe les têtes et on les jette à la
rivière. Les Kurdes prétendent que de cette façon on apaise la colère du ciel et
on fait venir la pluie. Les israélites sont avertis que ce sacrilège se commettra.
Ils n'osent pas sortir de leurs maisons pendant la nuit et les malfaiteurs sont
tous armés. On se plaint au gouverneur; mais comment saisir les coupables?
Qui les désignera? »
S. R.
Erratum.
M. l'abbé Breuil me signale, tardivement, une grosse faute typographique
qui a passé inaperçue dans mon compte-rendu sommaire du Congrès de Monaco.
A propos de l'évolution de la peinture et de la gravure murales dans les caver-
nes, on lit {V Anthropologie, t. XVII, p. 125) : « Cette évolution, à de faibles
détails près, se retrouve dans les grottes du Périgord, des Pyrénées françaises
et de Cannstadt », au lieu des Pyrénées françaises et des Cantabres, »
L* Anthropologie a assez souvent parlé des recherches de MM. Breuil et Car-
tailhac dans les cavernes ornées de l'Espagne pour que nos lecteurs aient pu
faire eux-mêmes la correction. Il n'en est pas moins de mon devoir de rectifier
l'erreur qui a été commise.
R. V.
636 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
h Sirp/fW, dans le pays des Kouyaves, Posnanie. A l'origine elles servaient au culte
païen, comme aujourd'hui au culte catholique. 2 fig. : église et pierre). — E. Schnu'pfx,
reste einer steiuzeitlichen Ansiedelung, etc. {Vestiges d'une station de l'âge de la
pierre daris le haut pays du nord-ouest de la Prusse Orientale; très petits silex tail-
lés et tessons de poterie ornementée; //17.). — G. Fkitscii, Verzierte, etc. [Un bois de
renne ornementé, trouvé à Stargard, Lusacie. J^'empreiiite d'un mokassin indien due
problablement aux dépôts d'une source riche en calcaire, vendue au Canada comme
pied de l'homme préhistorique). — Baessleh. Présentation des photographies des
cercueils en bois, sculptés par les Maoris et conservés au Musée d'Auckland, 3 pi. et
1 fig. Les sculptures représentent des hommes, des lézards et des phoques {?). —
Séance du 16 décembre 1903. — G. Oesten, Bericht, etc. {Rapport sur les fouilles à
Rethra, près Prillwitz. Palafittes, etc.; carte et fig.). — H. Ten Kate {Ob s erv a tioîis sur
la communication citée plus haut de Kollmann). — IL Virchow, Bericht ueber die
Oertlichkeit, etc. {Rapport sur le lieu dit « Flintholm >», sur les bords d'Alsensund.
Fouilles exécutées pour le compte de la « fondation Virchow >-). — E. Seler, Azte-
kische, etc. {Les noms des lieux aztèques en Amérique centrale sont en grande partie
récents et ont été donnés par les auxiliaires aztèques des troupes espagnoles). —
— LissAUER, Eine Doppelaxt, etc. {Une hache double en cuivre trouvée à Ellierode,
cercle Northeim, Hanovre ; fig. Comme les 18 haches trouvées précédemment, elles
représentent soit un lingot de cuivre pur, soit une monnaie, soit un ex-voto) (1). —
Max Kikssling, Das ethnische Problem [Le problème ethnique de la Grèce antique.
1er article. Étude linguistique et toponymique. Les peuples parlant les dialectes
helléniques sont venus du nord, dans la presqu'île Balkanique. Ils ont été repoussés
vers la Grèce par les peuples parlant diiierents dialectes illyriens. Exposé des con-
ditions linguistiques dans le nord et le sud de l'Asie Mineure principalement d'après
Kretschmer, qui a découvert la parenté de toutes les langues du sud (Karie, Lycie,
Cilicie, etc.), caractérisées par l'adoucissement de la ténue en médiane devant une
nasale. La langue souche, ni sémite, ni aryenne, a dû y être parlée encore au v^ ou
ive siècle av. J.-C. Cette même langue a été remplacée beaucoup plus tôt par l'idiome
des Thraces dans le nord de l'Asie-Mineure. Elle a été parlée aussi par les insulaires
de l'Archipel, et dans l'Argolide (Kariens d'après Aristote) et dans le reste de la Grèce
avant l'arrivée des Hellènes]. — Hahne, Ueber die Beziehungen, etc. {Rapport entre
les délayeurs de la craie et les éoliihes. L auteur arrive, à la suite des expériences
faites dans un délayeur de Sassnitz, Rugen, et les comparaisons avec les colithes
de la collection Rutot, à des résultats opposés à ceux de Boule et d'Obermaier).
Rousskiy antropologhitcheskiy Journal {Revue russe d'Anthropologie)^ Moscou,
5e année, livr. 17 et 18, 1904. nos 1 et 2.
N. A. Aristov_, Etnitcheskiia otnochéniia, etc. [Tableau ethnique du Pamir et des
pays adjacents d'après les données historiques anciennes^ principalement chinoises
(suite) : 5. Yue-ji Tokhara, Kouchan, Kidarites, Ephtalites ; discussion des textes
chinois et des commentaires (à suivre).] — C. Waïssenberg, Karaïmy {Les Kara'imes
ou Criméens israélites anti-talmoudistes de race assyroïde. Hyperbrachycéphales de
taille moyenne, très poilus. Mensurations de 20 hommes et de 10 femmes. Données
historiques; fig.). — I. Maïnov, Litsevoï ougol, etc. [L'angle facial des Yakoutes
(77,3"), des Toungouz (76,7° dans le sud, 78,1° dans le nord) et des Russes natifs de
la province de Yakoutsk (78°), d'après les mensurations de Gekker et les siennes
propres]. — P. Weinberg, Glavnieïchié priémy, etc. {Les principales méthodes de la
technique anthropologique contemporaine, en grande partie d'après R. Martin ;
Bibliographie ; fig.). — Th. Biélodiéd, K' antropologhii malorousskago nassélénia, etc.
(l) Voy. L'Anthropologie, 1906, p. 437.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 637
{Contributions à l'anthropologie de la population petit-russienne de la prov. de Tcher-
nigov. Mensuration de 186 individus du distr. Krolevets. Taille moy. 1665 mm.
pour les hommes ; i. c. moy. 85,6). — A. Kojoukhov, Malorossy, etc. Les Pelit-Rus-
siens 'de la Volhinie ; mensurations de 48 hommes du distr. Vladimir-Voynskiy.
Taille moy. : 1657 mm.; i. c. moy. : 79,8). — Talko-Hryncewicz, Zamietki, etc.
{Notes sur l'anthropologie des allophiles de la région du Volga : 1. Tatars de Kazan.
Anthropométrie de 70 hommes. Petite taille, hruns, sous-brachycéphales à 82,1). —
N. VoLOGiim, 0 vsaïmo-otnochenii tcherepnykh doug, etc. {Corrélation des arcs et
des çhordes du crâne. Étude de 679 crânes, normaux et déformés. Pas de conclu-
sions). — Analyses.
b) Articles anthropologiques publiés dans les différents recueils.
Annales de l'Institut National Agronomique, 2^ série, t. V, fasc. 1, Paris, 1906.
P. 85. — M. RiNGELMANN, Essais sur l'histoire du génie rural. La Chaldée et
l'Assyrie (suite). Chap. 2. Travaux et machines agricoles, charrues, sacs à semailles,
moyens de transport ; harnais, outres et kouffa, etc., fig.).
Zeitschrift fiir Morphologie und Anthropologie. Dir. Df Schwalbe. Stuttgart.
T. VU (1904). — Fasc. 1. — P. 1. R. Kolster, Ueber Lângenvariationen, etc. {Varia-
tions de la longueur de V œsophage en rapport avec Vdge. Chez le nouveau-né l'œso-
phage est relativement plus long que chez l'adulte; il se raccourcit ensuite par
rapport à la taille jusqu'à 20 ans; puis il s'allonge de nouveau mais faiblement et
n'atteint, même à 85 ans, les dimensions relatives qu'il a eues chez l'enfant de 1 an).
— P. 22. E. HoERSCHELMANN, Ucbcr die Form, etc. {La forme de mamelles chez les
Esthoniennes. 1 fig. La descente commence à 20 ans ; avant cet âge les seins raides
se trouvent dans 2/3 de cas, après dans 1/5 seulement ; 85 p. c. ont la forme hémisphé-
rique, 8 p. c. en segment, 10 p. c. coniques. Par rapport au développement des
seins, l'Esthonienne est au-dessous de la femme russe et au-dessus de la Livonienne.
— P. 63. MiEs et Bartels, Ueber die grôsste, etc. {La largeur maxima de la partie
cérébrale du crâne d'après les mesures sur 15.350 crânes de toutes les races. La
largeur varie de 101 à 173 mm. Moyenne 140 mm. Les plus faibles largeurs sont
chez les Australiens, les Nègres; les plus fortes chez les Européens). — P. 81.
P. Bartels, Untersuchungen, etc. {Recherches et expériences sur 15.000 crânes humains;
1 pi. Application à différentes séries de la méthode de l'auteur pour établir 1' « utili-
sabihté » de ces séries (1). — P. 133. B. Adaciii. Ilâuûgeres Vorkommen, etc. {Fré-
quence trois fois plus grande du muscle sternal chez les Japonais que chez les
Européens; on le rencontre chez 10 sujets sur 100. De même l'absence du long pal-
maire et du pyramidal sont plus rares chez les Japonais que chez les Européens ;
1 fig.). — P. 142. A. VON TôRûK, Ueber einen neuen Fund, etc. {Nouvelle découverte
de deux crânes macrocéphaks en Hongrie, 1 fig. Description et mesures. Fig.).
Fasc. 2. — P. 230, G. Scuwalbe, Ueber das Gehirnrelief, etc. {Le relief du cerveau à
l'extérieur du crâne chez les Mammifères; 2 pi. et fig. Bosses correspondantes aux cir-
convolutions, principalement dans la région temporale ; elles sont surtout bien accusées
chez les Carnivores, les Lémuriens et chez certains singes, mais pas chez les Anthro-
poïdes) (2). — P. 261. Inbz L. WmppLE, The ventral surface, etc. {La face ventrale du
chiridium, ou face plantaire et palmaire, chez les Mammifères et plus spécialement
chez l'homme. Description des plis et des crêtes papillaires; 2 pi. et nombr. fig.).
(1) Voy. mon analyse de ce travail dans V Année Psychologique^ t. H, 1905.
(2) Voy. U Anthropologie, 1906, p. 496.
638 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
— P. 369. B. Adachi, Ueber die Kuôchelchen, etc. {Sur les osseleta intercalaires
à la symphijse mandihulaire de l'homme; 14 fig.). — /'. 373. B. Adaciii, Die Porositiit,
etc. {La porosité de la voûte crânienne^ dans uu cràue de Duyak et d;ms uu crâne
égyptien. Anomalie très rare, consistant en une accumulation de cupules dans la
région postérieure du pariétal; 2pL). — Fasc. 3. — P. 379. B. Adachi, Die Orbita, etc.
[Les orbites et les dimensions principales du crdne chez les Japonais; les méthodes de
mensuration des orbites (4e chapitre des Recherches anatomiques sur les Japonais) ;
k pi. et fig. Etude sur 90 crânes de la prov. Okoyama. Ilypsi-mésocéphalie; cap.
crânienne 148G c. c. chez les hommes; 1319 chez les femmes. Méthodes de mesures
des orbites. L'orbite du Japonais est presque toujours hypsyconque; les dolicho-
céphales ont l'indice orbitaire plus faible que les brachycéphales. En général le volume
de l'orbite varie peu et c'est pour cela qu'il paraît être plus grand par rapport au
volume du crâne chez les femmes]. — P. 48j. B. Adachi. Topographische Lage, etc.
[Position topographique du globe oculaire chez les Japonais (5^ mémoire des Recherches
anatomiques sur les Japonais) ; fig. Confirmation par les mesures de la saillie du
globe ocul. en avant beaucoup plus forte chez les Japonais que chez les Européens
(la différence est de 4 mm. en moyenne) et qui est rendue encore plus évidente
par l'enfoncement fréquent de la racine du nez. Ce caractère est plus accusé chez
les dolichocéphales que chez les brachycépales, chez les chamoeprosopes que chez
les leptoprosopes]. — P. 505. G. Schwalbe, Ueber die Stirnnaht, etc. {La suture
mé topique chez les Pinmaies. Très fréquente chez les Catharrinien?, elle est très rare
chez les Anthropoïdes). — K. Peabson, On a criterion, etc. {Le critérium pour Vexa-
men des différentes théories de Vhêrédité. La plupart des expériences pèchent par ce
fait qu'elles prennent pour pointdedépart unindividu, qui lui-même est le produit des
diverses hérédités précédentes. La variabilité établie d'après les caractères des parents
est représentée par la ligne droite dans la théorie de l'hérédité ancestrale ; par une
parabole à axe parallèle à celui des caractères des parents dans la théorie mendé-
lienne; enfin par une hyperbole à axe perpendiculaire à l'axe parental, dans la théo-
rie de l'hérédité alternante). — H. Kantob, Geteilte Scheitelbein, etc. (Os pariétal
divisé en deux parties chez un Macacus rhésus; fig.).
Globus, Illustrirte Zeitschrift, t. LXXXIX, Braunschweig, 1906, in-4o.
A» 17. — Schilling (Dr C), Tamberma {Les Tambermn, peuplade inconnue de la
partie est de Togo, limitrophe du Dahomey ; /î^y. Habitations; fourreau pénial ; type :
taille élevée, jambes très longues). — N° 18. — Vortisch, Die Neger, etc. {Les nègres
delà Côte d'Or. Type; vêtement; vie publique; marchés, voyages; mœurs fami-
liales). — B. F., Randall Mac Iver etc. {Les idées de M. Raddall, Maciver sur les ruines
du pays des Maschona. Ce sont les restes des constructions des indigènes, antérieures
au xvie siècle) (1). — jS° 19. — Vortisch, Die Neger, etc. {Les nègres de la Côte d'Or
(fin). Etat politique et social. Mu?ique notée ; fig. : instruments de musique). — A'» 20.
— Th. Koch Grunberg, Kreuzund quer etc. {Excursions à travers le nord- ouest du Bré-
sil; fig. Manaos, Santa-Izabel. Indiens Ipourina, Yanapery, etc.). — iVo21. — Weiss,
Laud und Leute, etc. {Pays et habitants de Ypororo, angle nord-ouest de V Afrique orien-
tale allemande. Le pays est habité par les Wahima envahisseurs et les Wapororo
ou Wanjambo aborigènes: fig. : types). — iV» 22. — Der Doppeladler Ornament, etc.
{L'aigle double, ornement des tissus chez les Aymara; fig.). — Haeberlin (D'), Gui-
delsteine, etc. {Galets à repasser de forme ovoïde, en usage dans le nord de l'Alle-
magne et en Scandinavie; fig.). — Weissenberg (D'S.). Anthropometrische Prinzi-
pien, etc. {Principes et méthodes de V anthropométrie. A propos de leur multiplicité.
Vaut mieux peu de mesures sur un grand nombre d'individus que le contraire. Sug-
(1) Cf. V Anthropologie, 1906, p. 430.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 639
gestions pour l'enteiite). — .V® 23. — Hedinger, Das virkliche Ende, etc. {La fin de
la question du néphrite, par suite de sa découverte en Silésie et dans les Alpes). —
Das volk der Tanala {Le peuple de Tanaia, Madagascar; fig. : enterrement, chants en
chœur, etc.). — Mehlis (D' C). Archâologische Forschungen {Fouilles archéologiques
dans le Palatinat ; fig. Disques en bronze comme ornement, etc.). — Th. Koch-
Grunberg, Kreuz und quer, etc. {Excursions à travers le Nord-Ouest du Brésil ; fig. :
dessins des Indiens Baré. Les Indiens Maku, etc.). — \V. Planert, Eine vergleichende
Grammatik {Une grammaire comparée des idiomes Bantou de Meinhof ; analyse détail-
lée).
Verhandelingen der K. Akademie van Wettenschappen te Amsterdam, 2'^ section,
t. Xll, n° 4 (juillet 1906).
Ce fascicule de 193 -f- 2 pages, avec 9 pi , est entièrement consacré au mémoire
de J. H. KoHLBKUGGE, Die Gehirnfurchen der Javanen, etc. {Les circonvolutions céré-
brales des Javanais. Étude d'anatomie comparative. Discussion de la valeur du poids
du cerveau au point de vue de la race. Il existe des races à cerveau lourd et des
races à cerveau léger sans que cela paraisse influer sur l'intelligence. Le poids
augmente avec l'augmentation du travail de la tête, que ce soit celui d'un savant ou
d'un commerçant. Les personnes distinguées n'ont pas le poids cérébral beaucoup
plus gros que celui des classes supérieures dont elles sortent. Poids et description
détaillés de 19 cerveaux de Javanais. Les variations dans les circonvolutions ne
peuvent pas caractériser les races).
Zapiski, etc. [Bulletin de la Soc. Ouralienne des amateurs des se. nat.), t. XXV,
Ekaterinbourg, 1905, in-S».
P. 35. D. G. ZÉLÉNiNE, Svadébniy Obriad, etc. {Les cérémonies nuptiales, les chan-
sons et les charmes chez les paysans russes du cercle de Tomsk, d'après le manuscrit
deKAFFKA, rédigé en 1890-91. Textes des chansons, etc.).
International Congress of Americanists, 13e session, tenue à New-York en 1902.
Easton, 1905, 1 vol. in-S» de 345 p. av. nombr. pi. et fig.
P. 1. W. J. HoLLAND, The Petroglyphs, etc. {Les pélroglyphes du Smitlis Ferry,
Pennsylvanie, courte note). — P. 5. A. F. Chamberlain, The Algonkian linguistic
stock {La famille linguistique algonquine. Mois algonquins passés dans les langues
européennes : canot, totem, pemmikan, caucus, tamanni, tobogan, etc.). —P. 9.
J. Ambrosetti, Ressemblance entre les civilisations pueblo et colchaqui. (Confirmation
des vues de Moreno, de L. Quevedo et de Ten Kate. Analogies anthropologiques et
folkloristiques). — P. 17. J. Me Guire, Anthropological information, etc. {Données
anthropologiques contenues dans les écrits américains anciens. Résumé de ces infor-
mations). — P. 21. Cl. R. Moore, Archaeological research {Recherches archéolo-
giques dans le sud des États-Unis. Résumé de ses recherches, publiées en détail dans
les Mém. Acad. Se. Nat. Philadelphie). — P. 41. Alph. Cbavero, Palenke, etc.
{Calendrier palenké est d'accord avec celui de Mexico. 11 est différent du calendrier
maya. Explication). — P. 67. G. Dorsey, One of the sacred altars, etc. {Un des
autels sacrés des Pawnee. Description de la cérémonie). — P. 75. L. Lejal, La
collection de M. de Sartiges et les « aryballes » péruviens du Musée ethnographique
du Trocadéro ; 2 p/. Étude descriptive. Point de contact de la civilisation des
« Chiuni » et de celle des « Kitchua-Aymara »). — P, 85. S. W. Williston, On the
Lansing Man {Sur Vhomyne de Lansing. A propos du crâne préhistorique trouvé
dans cette localité, considéré comme quaternaire). — P. 91. Fr. Boas, The Jesup,
640 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
etc. {Expédilion organisée par Jesup dans le nord du Pacifique. Historique. Som-
maire des principaux résultats). — P. 101. C. S. Dubois, The mythology, etc. [La
mi/thologie des Dieguefios, Indiens des Missions du comté de San Diego, Californie^
comme preuve que leur état de civilisation est supérieur à ce que l'on pense gcoérale-
ment). — P. 107. G. N. Pepper, Thethrowing-stick, etc. Le propulseur d'un peuple préhis-
torique du sud-ouest des États-Unis : les Gliiï Dwellers de l'état de Colorado. 4 p/. et
fig. Etuie monographique complète). — P. L. C. van Panhuys, Are there pygmies, etc.
Les pigmées Maskalilis, mentionnés par G. Rousseau dans ses» Richesses de la Guyane,
etc., » existent-ils réellement dans la Guyane française'! Pas de réponse). — G. B*
Grinn'ell, Social, organisation, etc. {Organisation sociale des Cheyenyies). — P. 147.
A. TozzER, A Navajo, etc. Un dessin des dieux de la pluie fait avec du sable par les
Indiens Navajo et les cérémonies qui s'y rattachent). — P. 157. Ed. Seler, On the
présent, etc. [Etat actuel de nos connaissances sur V écriture hiéroglyphique du Mexique
et de V Amérique centrale). — P. 171. Ed. Selbr, On ancient, etc. {Sur l'ancienne
poésie religieuse des Mexicains). — P. 189. Ed. Thompson^ The mural paintings, etc.
[Les peintures murales de Yucatan). — P. 193. Fr. Belmar. Indian tribes, etc. {Les tribus
indiennes de l'Etat d'Oaxaco et leurs langues. Familles Zapotèque et Zoque). —
P. 203. W. Blake. The racial unity, etc. {Unité de race des aborigènes historiques et
préhistoriques de V Arizona et du Nouveau Mexique). — P. 205. L. C. van Panhuys
About the oraementation, etc. {L'ornementation chez les tribus sauvages de la Guyane
hollandaise et sa signification', 2 pi.). — P. 245. L. Donay, de la non-parenté de cer-
taines langues de l'Ancien Monde (en particulier du japonais) avec celles du Nou-
veau, et spécialement, du groupe Maya. — P. 265. Adela Breton, Some obsidian,
etc. {Les objets en obsidienne de Mexico). — P. 278. Signe Rink, A comparative Study,
etc. [Étude comparée de deux légendes, indienne et esquimo). — P. 327. J. Swanton,
Social organisation, etc. {L'organisation sociale des Haïda). — P. 339. Cl. Wisslbr,
Symbolisme, etc. {Symbolisme de Vart décoratif des Sioux, 2 pi.)
University of California publications. American archaeology and ethnology,
t. II, Berkeley, 1904-5.
No 1 (1904). — W. SiNCLAiRE, The exploration, etc. \^L' exploration de la caverne de
Potier Creek, Californie, Outils en os, uomb. pi. et fig.).
N° 2 (1904). — A. L. Kroeber, The languages, etc. {Les langues de la côte Califor-
nienne au sud de San Francisco, à l'exception du Chochone et du Yuma. Les deux
langues méridionales : Chumasin et Salinan sont apparentées entre elles, de même
que les deux septentrionales : le Costanoan et l'Esselen, 1 carte; vocabulaire, gram-
maire, etc.).
N* 3 (1904). — A. L. Kroeber, Types, etc. {Les types de la culture indienne en Cali-
fornie. Religion, mythologie, chamauisme, etc.).
iV» 4 (1905). — A. L. Khoeber, Basket, designs, etc. {Dessins sur les paniers et
autres objets trouvés chez les Indieris du nord-ouest de la Californie ; fig. et pi.)
J. Deniker.
Le Gérant : P. Bouchez.
Angers. — Imp. A. Burdin et C'^, rue Garnier, 4.
MÉMOIRES ORIGINAUX
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE
NOTE SUR LES ALLUViONS A « HiPPARlON GRACILE
DE LA RÉGION D'AURILLAC
ET LES GISEMENTS D ÉOLITHES DU CANTAL
(PUY DE ROUDIEU, PUY COURNY')
PAR LE
D' Lucien MAYET
»
Le problème de l'homme tertiaire est entré dans une nouvelle
phase depuis quelques années. La notion des silex utilises ou
éolithes (2) Fa remis à Tordre du jour. Mais cette doctrine des in-
(1) Communication faite à la section d'Anthropologie du XXXV^ congrès de l'Asso-
ciation Française pour l'Avancement des sciences, Lyon, 3 août 1906.
(2) On donne le nom d^o^j/Zies aux premiers outils (ou silex regardés comme tels)
dont l'homme se soit servi au début des temps préhistoriques et dont il a continué
à faire usage pendant une grande partie de ceux-ci^ concurremment avec les outils de
pierre taillée.
L'ensemble de ces outils constitue les industries éolithiques (eo; aurore, X:'ôo;
pierre) par opposition aux industries paléolithiques (uaXaîo;, ancien) et néolithiques
(r,£o;, nouveau). Si les industries néolithiques comme lesindustries paléolithiques sont
assez bien différenciées, les industries éolithiques forment — d'après M. Rutot —
un seul groupe très homogène et restant tel, sans grandes modifications durant la
longue série des âges qu'il a traversés pendant le Tertiaire et le Quaternaire infé-
rieur. Il est donc permis d'employer la désignation industrie éolilhique préférable-
ment à industries éolithiques.
Le caractère essentiel, qui domine tous les autres caractères de cette industrie, est
la simple utilisation par l'homme primitif des matériaux durs et résistants (silex
dans l'immense majorité des cas) dont il pouvait disposer, ayant comme corollaire
Vabsence de toute idée de taille intentionnelle. On reconnaîtra donc les éolithes aux
marques de cette utilisation.
Les silex utilisés se présentent sous forme de fragments irréguliers dus à l'éclate-
ment naturel et dont l'arête ou les arêtes tranchantes ont été employées aux usages
qu'on peut imaginer (grattage, raclage, section, etc.).
Cette utilisation a laissé comme traces : a) Vémoussage pur et simple de l'arête
tranchante utilisée; 6) une série de retouches — petits éclata contigus dont l'en-
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 41
642 Dr Lucien MAYET.
(luslries éolithiques — par elle-même et par ce qu'on s'en est im-
médiatement servi d'argument pour reporter très au-delà des temps
quaternaires, la première apparition de l'homme sur le sol de l'Eu-
rope occidentale — a soulevé des discussions fort vives.
Il est également exagéré d'accepter ou de rejeter en bloc la tota-
lité de la doctrine des éolithes telle que l'a édifiée M. Rutot. J'ai la
conviction, après avoir visité gisements et collections, surtout les
très nombreuses séries de silex que M. Rutot a rassemblées et remar-
quablement disposées au Musée d'Histoire naturelle de Bruxelles,
qu'il s'impose, en préhistoire, de faire une place importante à la
pierre utilisée', j'ai aussi cette conviction qu'il y a beaucoup d'exa-
gération dans les affirmations de la plupart des éolithophiles. Leurs
généralisations ont été trop hâtives et prêtent facilement le flanc à
la critique. Aussi le nombre est-il grand de leurs adversaires et
les éolithes paraissent-ils actuellement quelque peu en défaveur
dans les milieux scientifiques.
Cela me semble tenir en grande partie à ce que la question est
engagée dans une voie difficile, sinon dangereuse, du fait qu'elle
s'appuie à peu près exclusivement sur la forme et l'aspect des silex_,
alors que nous manquons de critérium pour affirmer qu'un silex a
été utilisé, retouché, taillé. La technique paléolithique du silex,
telle que nous l'imaginons aujourd'hui, est toute conventionnelle.
A plus forte raison la technique éolithique et rien ne permet pré-
sentement d'infirmer l'hypothèse de causes naturelles — encore
imprécisées pour la plupart parce que le calme géologique ne per-
met guère de nos jours de les saisir sur le fait — ayant pu, dans
certains cas, et en certains lieux, produire les mêmes effets que
l'utilisation.
On remarquera les réserves que je crois devoir faire. Car si,
semble constitue un nouveau tranchant — qui peuvent avoir été obtenues au moyen
d'un autre silex — le retouchoir; la retouche répétée plusieurs fois sur la même
arête transforme peu à peu celle-ci, l'angle aigu du tranchant en un angle de plus
en plus ouvert; c) V accommodation pour la facile préhension. Cette accommodation
consiste principalement en un écrasement par martelage, d'arêtes tranchantes situées
à l'opposé de celle qui est utilisée et sur lesquelles la main doit s'appuyer.
Emoussage, accommodatioo, retouches surtout, sont les trois caractères de l'indus-
trie éolithique, qui a fait très justement introduire en préhistoire cette notion nou-
velle de rutillsation, remplaçant ou venant se surajouter à celle de la taille inten-
tionnelle. Malheureusement ces trois caractères ne sont pas un critérium suffisant
de l'intervention humaine et bien souvent les actions naturelles suffiseutà lessirauler.
Pour l'exposé de l'industrie éolithique, cf. A. Rutot, Le préhistorique dans l'Europe
Centrale. Congrès archéologique de Binant, août 1903, 270 p.
Il
LA QUESTION DE L'HOMME TERTL\IRE. 643
comme il sera indiqué au cours de cet exposé, il me semble possible
d'affirmer l'orig-ine naturelle des éolithes du Miocène supérieur du
Cantal, cette même origine naturelle serait insoutenable pour
nombre de silex belges, documents indiscutables d'après lesquels a
été établie la description des industries éolithiques. Je me hâte de
dire que ces silex belges, auxquels je fais allusion, ont infiniment
plus d'affinités avec les pièces paléolithiques qu'avec les éclats
découverts dans les alluvions des environs d'Aurillac.
11 importe, si on ne veut pas aboutir à de regrettables erreurs,
d'étudier sans parti-pris les éolithes et surtout leurs gisements,
comme de passer au crible dune critique serrée toutes les idées théo-
riques s'y rapportant. M. Rutot se trouve mal placé pour résister à
Fentraînement de ses propres conceptions et aux exagérations de
partisans téméraires parce qu'appréciant mal la plupart des diffi-
cultés du sujet. Il lui est à peu près impossible de ne pas glisser
insensiblement sur une pente qui conduit à des conclusions parfois
invraisemblables (1). D'autres, plus indépendants, peuvent mieux
juger et exposer ce qu'il y a d'artificiel et d'erroné dans la question
des éolithes.
Celle-ci, quoi qu'on en puisse dire, est plus que jamais en dis-
cussion. Les polémiques qu'elle a soulevées n'ont pas encore eu de
résultat définitivement acquis. Elles ont toutefois mis en lumière :
d'une part le peu de valeur des divisions classiques du Préhisto-
rique d après G. de Mortillet, divisions toutes conventionnelles,
n'ayant qu'un intérêt didactique, et la nécessité d'attribuer une
large place à certains instruments très différents des formes admises
comme caractéristiques de l'intervention humaine dans le Paléoli-
thique ; d'autre part, la nécessité aussi de rendre à leurs gisements
d'innombrables cailloux soigneusement recueillis et décrits par les
éolithophiles ou soi-disant tels.
Voici, me semble-t-il, où en est aujourd'hui la question des
éolithes : généralisations imprudentes de ses partisans, d'oii exagé-
rations dans les idées de ses adversaires.
Je n'ai nullement l'intention de discuter ici cette question des
(1) Dans une de ses plus récentes publications {Eolithes et pseudo-éolithes; Soc.
d'Anthropologie de Bruxelles, 1906). M. Rutot semble comprendre ce danger : « La
connaissance et l'appréciation des éolithes ne sont pas choses simples, élémentaires,
comme tant de personnes le croient à tort... Il peut être dans certains cas aussi dif-
ficile de distinguer un pseudo-éolithe d'un vrai que de déterminer deux formes voi-
sines de Gérithes ou de Pleurotomes, ce dont n'est pas capable le premier venu... w
(144 D"- Lucien MAYET.
eolithes par le détail. Un volume entier serait nécessaire et cette
note est consacrée aux seuls silex des sables pontiens des environs
d'Aurillac.
Il m'a semblé qu'il pouvait y avoir un réel intérêt à étudier de
près ces gisements d'éolithes pour de nombreuses raisons. Parmi
les principales :
Le fait qu'on s'est appuyé à peu près exclusivement sur ces
silex (1) pour reporter en pleine période tertiaire l'apparition de
l'homme dans notre pays, ce qui, en l'absence de tout document
paléontologique, est singulièrement discutable;
Les pièces recueillies par mes prédécesseurs au Puy-Courny et,
plus récemment au puy de Boudieu étaient données comme d'excel-
lents types d'éolithes et M. Rutot, à Bruxelles, me les présentait
comme tels ;
Il y avait beaucoup de chances de trouver dans ces gisements ter-
tiaires, formés à une époque oii Texistence sur notre sol de VHomo
sapiens est très incertaine, la confirmation de cette thèse que
nombre d'éolithes pourraient bien être simplement de silex taillés
par eux-mêmes et par d'autres silex.
En octobre 1905, j'ai visité une première fois les deux gisements
du puy Courny et du puy de Boudieu (2) et en juillet 1906, j'y ai
entrepris des recherches plus importantes qui m'ont permis des
constatations que je vais brièvement résumer.
PUY DE BOUDIEU
Le puy de Boudieu (altitude : 839 m., commune d'Yolet) domine
la vallée de la Gère (618 m. d'alt.) d'un peu plus de 200 m. et fait
partie de la série de crêtes qui sépare cette dernière vallée de celle
de la .lordanne (fig. 1 et 2),
La coupe géologique, telle que j'ai pu la relever avec M. Pierre
Marty (3) est la suivante :
(1) Les silex de Thenay n'ont jamais été sérieusement admis et personnellement,
après les avoir étudiés avec mon ami le D"" Houssay (de Pontlevoy), je les récuse
absolument; les quelques pièces d'Otta sont extrêmement suspectes comme origine,
plus encore comme utilisation.
(2) Le gisement de Belbès à quelques kilomètres d'Aurillac (V. carte, p. 655), bien
qu'ayant fourni des silex assez nombreux n'a qu'un intérêt bien moindre; les autres
gisements de Braqueville, de Vayrac, du Doux (P. Marty) n'ont aucune importance.
(3) L'amicale collaboration de M. Pierre Marty, dont on connaît les belles recher-
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
645
Tout d'abord, l'Oligocène :
1" A la base, au-dessus de la Gère et apparaissant immédiatement
après les alluvions modernes, une argile sableuse, rougeàtre
(Sannoisien) ;
2° Une couche de marne, de couleur claire, répondant au Ton-
grien ;
3° Calcaire aquitanien (supportant la route nationale N« 126) ;
calcaire blanc, dans lequel abondent les fossiles. Dans les échan-
tillons que j'ai rapportés, j'ai déterminé : Lymnaea pachygaster,
Planorbis cornu ^ etc.
Fro. 1. — Carte de la région du puy de Boudieu (carte au oO.OOQe, feuille d'Aurillac).
Les traits situés au dessus du mot « Boudieu » indiquent la direction des trois
coupes que nous donnons plus loin (fig. 3, 4, 5).
Dans rOligocène, des lits de silex assez abondants et formés de
blocs parfois très volumineux.
Au-dessus de l'Oligocène d'origine sédimentaire, lacustre, on
trouve le Miocène et le Pliocène volcaniques.
40 Agglomérats andésitiques :
a) Conglomérat andésitique (Boule) ou trass.
b) Par places, reposant immédiatement sur le calcaire oligocène,
des lambeaux ou blocs de brèche andésitique enclavés dans le trass.
ches sur la flore des cinérites du Cantal, ma été parliculièremeut précieuse. 11 m'a
laissé sans compter mettre son dévouement à contribution et faire appel à son iné-
puisable bonne volonté. Qu'il veuille bien me permettre de l'en remercier ici.
646
D«" Lucien MAYET.
La distinction de l'un et de l'autre a ici peu d'importance car ce
sont simplement deux faciès d'une même formation (Boule) (1).
0° Coulée de basalte, intercalée dans le conglomérat andésitique,
à l'extrémité sud-ouest du puy de Boudieu. Ce lambeau basaltique
FiG. 2. — Le puy de Boudieu, vue de Caillac (photographie de M. P. Marty). Au
niveau du cadre du dessin, la Gère; à mi-côte, la route nationale n" 126.
Légende de la coupe géologique : 1. Argiles rouges (Sannoisien) ; 2. Marnes (Ton-
grien) ; 3 calcaires et marnes (Aquitanien] avec bancs de silex; 4. Conglomérat
andésitique (Trass) allant du P»)ntien au Plaisancien; 5. Brèche andésitique du
même âge, par lambeaux dans le trass; a, sables pontiens à éolithes, englobés
dans le trass; b, coulée du basalte miocène.
se rapporte aux vestiges des éruptions miocènes du Cantal, vestiges
que l'on retrouve à la périphérie du massif résultant des éruptions
pliocènes dont les déjections ont recouvert la plus grande partie des
(1) On sait avec quelle autorité M. Marcellin Boule a étudié la géologie du Cantal.
Ses deux ouvrages: Le Cantal miocène et la Géologie des environs d'Aurillac, doivent
être les livres de chevet de quiconque s'occupe de cette régiou.
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
647
formations volcaniques miocènes. Ce basalte miocène est, en cet
endroit, très altéré.
Ce qui est intéressant ici, c'est de trouver en avant de cette cou-
lée basaltique, des sables quartzeux pontiens, isolés sur une sur-
face très réduite, accumulés en hauteur par un redressement à peu
près vertical, représentant des lambeaux d'alluvions miocènes, ar-
Coupe ouost.
Coupe médiane.
Coupe est.
FiG. 3, 4 et 5. — Trois conpes du puy de Boudieu, ialéressant les sables pontiens à
éolithes, relevées par MM. Pierre Marty et Lucien Mayet, 1905.
i. Oligocène, calcaire blanc caractérisé par Lymnœa Pachygaster, Planorbis cornu
Potamides Lamarkii etc., avec lits de silex.
2 et 3. Allavions quarizeuses. Dans les deux coupes est et ouest, les lambeaux d'al-
luvions englobées daûs le trass paraissent sensiblement horizontaux ; la coupe
médiane, répondant à la fouille, indique un amas sans stratification nette. Dans
les uns et les autres les silex prédominent à la partie inférieure (2). La partie
supérieure (3) comprend des graviers plus fins.
4. Conglomérat andésiuque pontien et 4' cinérite rubéfiée par le basalte (coupe
médiane^.
5. Basalte plaisancien.
6. Brèche andésitique par lambeaux englobés dans le trass.
rachés, emportés, englobés dans le trass et ayant une grande ana-
logie avec les alluvions du puy Courny, dont je parlerai dans un
instant.
Ces g:raviers sont de couleur jaunâtre, plutôt foncée et rouillée
648 D-- Lucien MAYET.
par places. Ils forment aux silex une sorte de gangue assez dure
lors(ju'on Faltaquo par le pic, mais s'eiïritant facilement une fois
isolée et desséchée. Les éléments de ces alluvions sont les suivants:
a) Du sable quœHzeux plus ou moins fin, renfermant d'innom-
brables petits débris de cristaux noirs d'ampliibole (dont, entre
parenthèses, on ne trouve pas trace au puy Courny);
b) Du quartz roulé, se présentant sous forme de cailloux arrondis,
très blancs, de grosseur variable, les pluspetiis se confondant avec
les éléments fins du sable, les plus gros atteignant le volume d'une
orange et plus;
c) Silex : blocs d'un volume considérable^ entassés sans ordre
et superposés pele-mele dans la couche de sable; un de ces blocs,
péniblement dégage par mes terrassiers pesait approximativement
plus de 150 kgr. Entre ces blocs, des éléments plus petits : des
plaques de silex, des rognons, des morceaux brisés, des éclats, des
fragments divers, de formes extrêmement variées — les éolithes.
Je n'ai trouvé aucun débris fossile dans ces alluvions déblayées
par nombreux mètres cubes, mais M. MaxVerworn (de Gôttingen),
quelques jours avant mes premières recherches de 1903, y avait
découvert une dent (débris d'une canine de?) et cette année,
M. Westlake, un Anglais qui a passé de longs mois à Aurillac pour
collectionner des éolithes tertiaires, m'a dit avoir trouvé une dent
d'Hipparion.
Les premiers éolithes trouvés au puy de .Boudieu auraient été
découverts par M. A. de Mortillet; depuis sont venus de nombreux
chercheurs : M. Capitan; mon savant collègue de la Société d'an-
thropologie de Berlin, M. Klaatsch; MM. Verworn et Kallius
(de Gôttingen); M. Westlake ... en dernier lieu, M. Rutot, qui a
passé quelques jours dans le Cantal après le Congrès de Monaco.
La fouille qu'il m'a été possible de pratiquer grâce à l'autorisation
de M. le maire d'Yolet, qui a mis une grande bienveillance à faci-
liter mes recherches, a été l'agrandissement, poussé aussi loin que.
possible, de la tranchée commencée par mes prédécesseurs.
Ce qui m'a frappé, au fur et à mesure que s'accomplissait le tra-
vail des ouvriers, c'était l'évidence de la puissance des actions na-
turelles qui avaient ainsi accumulé sur une hauteur de plusieurs
mètres, les blocs de silex dont je parlais il y a un instant, et qui
avaient si complètement bouleversé, redressé les alluvions primi-
tives en brisant et fragmentant les silex plus petits ou plus minces.
Aussi, entre ces blocs, des éclats de toutes grandeurs, ayant presque
LA QUESTION DE L HOMME TERTIAIRE. 649
tous quelque caractère d'éolithe. L'an dernier j'en avais facilement
rassemblé un nombre considérable; M. Verworn en avait em-
porté plus d'un millier; cette année, c'est par centaines que je dé-
gageai ces débris de silex.
Le gisement du puy de Boudieu, tel qu'il est actuellement
déblayé, est extrêmement intéressant parce qu'il apparaît comme
une véritable fabrique naturelle d'éolithes.
Les pièces qu'on pourrait dire utilisées, retouchées, débitées
intentionnellement même, y sont dans une très forte proportion.
Beaucoup ont des arêtes vives au point qu'on les croirait fraîche-
ment préparées et qu'il m'a fallu attendre pour certaines d'entre
elles, que le séchage fasse apparaître la patine caractéristique afin
déjuger si les outils n'avaient pas produit le débitage du silex en
l'extrayant ou si celui-ci avait bien été retiré intact.
Toutes les objections possibles, je me les suis faites et, au gise-
ment môme, il me paraît bien difficile d'attribuer logiquement ces
éclats de silex à une action humaine. Leur amoncellement ; la
fraîcheur de leurs arêtes ; leur accumulation avec des blocs de
toutes dimensions ; la présence de rognons fragmentés, mais non
encore disséminés, les éclats étant maintenus au contact par la
gangue sableuse... rendent cette intervention humaine par trop
invraisemblable.
M. Rutot a pu constater tout cela et juger tout au moins qu'il ne
fallait pas dédaigner trop des actions naturelles capables de mettre
en mouvement de tels blocs de silex, de brasser de telles alluvions
en les redressant sur plusieurs mètres de hauteur.
Juger des pièces soigneusement triées dans les casiers d'une
collection et les examiner sur le terrain, mélangées à tous les autres
matériaux du même genre, après les avoir vues en place sur la
paroi de la tranchée, conduit à des interprétations très dilTérentes
des mêmes pièces.
Au puy de Boudieu, tous les blocs, tous les fragments de silex,
tous les éclats, présentent en quelque point, des traces de choc, de
percussion ou de débitage. Suivant les idées préconçues, on trie et
on met de côté certains d'entre eux. Une série d'éolithes est vite
constituée dont les éléments seront dénommés, selon le genre de
vie qu'on prête à l'Homme tertiaire et l'utilisation qu'il est supposé
avoir faite des dits silex : niiclei (fig. 6); enclumes pour les mor-
ceaux volumineux dont les bords ont eu particulièrement à souffrir
des chocs reçus (fig. 7) ; percuteurs simples, pointus, tranchants
650 D' Lucien MAYET.
(fig-. 11) ; râcloirs (fig. 8, 9. iO, 12, 13, 14); perç.oirs, s'il s'agit de
pointes assez fréquentes et qui me semblent tenir à un mode de
cassure facilement réalisable de certains morceaux de silex à
vacuoles (fig. 15, 16); couteaux, retouchoirs, etc.. enfin pien^es
de jet ipouv les morceaux plus ou moins polyédriques parce que
brisés assez régulièrement, ne pouvant rentrer dans aucune autre
catégorie.
Fio. 6. — Puy de Boudieu. Plaque Je silex avec éclats détachés sur toutes ses faces
latérales. L'étude de cette pièce résume toute la question des éolithes miocènes du
Canlal. Silex jaune foncé. Dimensions réelles : 10 cm. X 13 cm. (1).
Certaines pièces considérées isolément sont troublantes, par
exemple la plaque de silex représentée par la figure 6 et qui peut
passer pour un remarquable nucleus, de toute la périphérie duquel
des éclats auraient été détachés. Mais quand on saisit sur place
(1) Je n'ai pas à insister sur l'extrême difficulté d'obtenir des photographies pas-
sables de silex tels que ceux des alluvions miocènes de la région d'Aurillac. Leur
patine très spéciale, leur couleur foncée sont de sérieux obstacles. Le quadrillage
de la photogravure détruit ce qui pouvait rester de détails et de demi-teintes...,
aussi les figures qui accompagnent cette note ne donnent-elles qu'une idée très
incomplète des silex qu'elles représentent.
C'est d'ailleurs pièces en mains que doivent se discuter les questions relatives aux
éolithes et les reproductions données ici l'ont été simplement pour signaler l'exis-
tence de ces pièces.
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
651
toutes les transitions entre de telles pièces et le caillou indéniable-
ment le plus banal, on arrive à exprimer cette conclusion que les
éolilhes du Miocène des en-
« virons d'Aurillac sont des mor-
-a
o
es
a
«
(M
eu
a>
3
c
o
d
3
O
co
a
3
t3
a
O)
eu
(0
(x«
3
03
'O
3
O
-a
>.
3
eu
c»
O)
3
cr
kl
ni
FiG. 8. — Puy de Boudieu. Silex noir. 314
de grandeur réelle. Vu sur les deux
faces. CoUectioQ Ch. Puech. Dessin
de M. Rutot et désigné par lui « beau
grattoir avec encoche et retouche la-
térale pour la préhension ».
Fio. 9. — Puy de Boudieu. Silex noir.
o
ceaux de cailloux choisis et
triés parmi d'autres morceaux
de cailloux, sans que l'intervention du travail intentionnel et hu-
main soit absolument nécessaire pour expliquer leur aspect.
652
Dr Lucien MAYET.
Mais puisque nombre de ces silex pourraient facilement être
placés dans des séries de la fin du Paléolitliique, c'est toute l'in-
dustrie de la pierre taillée, que vous niez? m'a-t-il été objecté.
Nullement. Mais je saisis cette occasion pour affirmer que dans
la plupart des collections, nombre de pièces devraient être enlevées
qui n'ont du silex travaillé par l'Homme que l'apparence et qu'elles
n'y sont entrées que parce que nous manquons de critérium permet-
tant de dire exactement : telle pièce a passé par les mains de Thomme,
telle autre, non.
C'est pourquoi je reproduis ici quelques-uns des silex qui ont été
FiG. 10. — Puy de Boudieu. Silex
brun clair.
FiG. 11. — Puy de Boudieu. Silex jaune fon-
cé, pouvant être qualifié de « percuteur».
recueillis au puy de Boudieu — soit par M. Verworn qui a bien
voulu mettre très aimablement à ma disposition quelques-unes de
ses photographies originales, soit par moi personnellement — lais-
sant à chacun la liberté de les étiqueter comme il lui plaira.
Toute description préjugerait d'une destination qu'ils semblent
n'avoir jamais eue.
On m'a objecté — et c'est aussi une des premières objections que
je m'étais faite — la difficulté de débiter expérimentalement le
silex, à plus forte raison la difficulté de trouver réahsées les actions
naturelles capables de le débiter. Par grandes quantités, j'ai brisé
des morceaux de silex au puy de Boudieu et j'ai vite été à même de
constater quelle peine on avait pour arriver à un débitage relative-
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
653
FiG. 12. —
.'i^^wiyi »^
Puy de Boudieu. Éclat avec marques d'utilisatioa (?) très accentuées sur l'arête
tranchante. (Photographie communiquée par M. Max Verworn.)
Fio. 13. — Puy de Boudieu. Éclat de moyenne
grandeur. (Photographie de M. Verworn.)
Fia. 15. — Puy de Boudieu. Pointe en
silex jaune brun, clair.
FiG, 14. — Puy de Boudieu.
Silex jaune brun.
FiG. 16. — Puy de Boudieu.
Pointe silex noir.
FiG. 17. — Puy de Boudieu.
Silex noir.
G54
D» Lucien MAYET.
ment satisfaisant. Mais encore une fois, je ne saisis pas bien l'im-
possibilité d'admettre que les chocs des blocs du puy de Boudieu
soient capables de réaliser ce que j'obtenais avec mon percuteur. On
dit bien aujourd'hui que le conchoïde de percussion, que les
FiG. 18. — Pièce présentée par M. Verworn comme un outil pointu pour fendre ou
creuser, obtenu avec une rognure de silex dont la pointe aurait été dégagée de la
croûte au moyen de coups donnés dans une même directioD. Les silex ayant cet
aspect ne sont pas très rares au puy de Boudieu.
retouches, n'ont pas de valeur absolue mais éveillent simplement
une présomption en faveur de la taille intentionnelle !
Je ferai remarquer en terminant cette première partie, que les
éolithes sont simplement des éclats naturels ou volontairement
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
655
détachés, utilisés par l'Homme. Aucun critérium sérieux ne permet
d'affirmer l'utilisation de telle ou telle pièce. On conçoit facilement
la complexité et les difficultés du problème.
PUY COURiVY
Le puy Courny est situé au sud-est de la ville d'Aurillac. C'est
un éperon volcanique terminant ici les pentes du volcan du Cantal
et dominant la très large vallée qui continue celles de la Jordanne
et de la Gère réunies, autrement dit la plaine d'Arpajon.
iVi ■■i>)W>SWf '
FiG. 19. — Carte dé la région dû puy Courny et de Beibès.
(Carte au 50.000^ : feuille d'Aurillac.)
La colline du puy Courny repose sur le calcaire oligocène et
s'élève brusquement par une pente assez raide de la route natio-
nale n° 126 à un premier ressaut — le puy de Couëssy, 705 m.
d'altitude — et de là, au point culminant, le puy Courny, 763 m.
d'altitude.
L'étude géologique en a été faite de façon très détaillée par
J. B. Rames (1) et par M. Boule (2). L'un et l'autre en ont publié
(1) J.-B. Rames. La géologie du puy Courny. Matériaux pour VHisl. de l'Homme,
août 1884.
(2) M. Boule, Le Cantal miocène {Bull, du Service de la Carte géolog. de France)^
no 54, 1896.
Voir aussi Ch. Puech. Les silex tortoniens du bassin d'Aurillac, in-S», 32 p., 1902;
Ch. Pubch. L'état actuel de la question de l'antiquité de l'homme. Aurillac, 1905;
M. Charles Puech, iDgéuieur des Ponts-et-Chaussées de l'arrondissement d'Aurillac,
656
Dr Lucien MAYET.
une coupe. Celle-ci, très simple, peut être facilement relevée et
vérifiée, les affleurements étant nombreux (fig. 20).
A la base, le Tongrien, puis Y Aqintamen représentés par du cal-
caire tantôt compact, tantôt feuilleté (suivant le niveau de l'assise)
avec bancs de silex intercalés à différentes hauteurs. Les fossiles
d'eau saumâtre, puis d'eau douce sont d'une extrême abondance
dans ces couches du calcaire aquitanien. On n'y a encore rencon-
tré aucun débris de vertébré.
Pu y Courny. Puy de Couëssy. Fouille.
Route nat. n" 126.
Fio. 20. — Coupe du puy Courny, d'après Rames et Ch. Puech.
1 et 2. Marnes et calcaire oligocènes; 3. Basalte miocène ; 4. Alluvions quartzeusesà
éolithes et basalte supérieur; 5. Conglomérat andésilique; cinérite à la partie
supérieure.
Au-dessus du calcaire, une épaisse coulée de basalle à cristaux
d'olivine très apparents, que sa dureté permet d'exploiter pour
l'entretien des routes et dans laquelle est ouverte l'importante
carrière de Couëssy. Ce basalte provient des premières manifesta-
tions volcaniques qui se sont produites dans le Plateau central à
l'époque miocène.
La partie supérieure du basalte est altérée, transformée en une
sorte d'argile rouge (au niveau de la fouille, que j'ai pratiquée tout
au moins) sur laquelle repose la formation alluviale de sables dans
lesquels on trouve les éolithes.
Ces alluvions sont recouvertes par une coulée de basalte égale-
ment miocène, mais très altérée.
a pour le gisement du puy Couruy une tendresse toute paternelle et l'entoure de
soins vigilants.
Comme mes prédécesseurs j'ai usé et abusé de Texlrême amabilité de M. Puech :
il peut être assuré de toute ma gratitude pour son amical concours.
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE. 657
Il y a eu là une véritable dislocation du Miocène, probablement
par des phénomènes éruptifs locaux.
Enfin, sur une hauteur de 55 à 60 m., se sont accumulés des
produits volcaniques andésitiques et des cinérites, provenant des
éruptions pliocènes du Cantal.
Une grande partie de Tintérêt présenté par les sables du puy
Courny tient à ce fait que je viens de signaler; leur inclusion dans
une formation basaltique, et à la présence de débris de Mammifères
fossiles. Ils sont parfaitement datés et il ne saurait y avoir de dis-
cussion sur l'âg-e des silex qu'ils renferment.
Aussi le puy Courny est-il un nom classique, constamment cité
en préhistoire, depuis le moment où J.-B. Rames, le savant phar-
macien-géologue d'Aurillac, qui a tant fait pour la connaissance
du grand volcan français, présenta les silex taillés qu'il avait décou-
verts dans les graviers pontiens d'abord en 1869, puis à diverses
reprises, notamment en 1878.
Souvent le gisement fut fouillé, mais, en réalité aucune recherche
bien importante n'y a été faite. Cela tient aux difficultés considé-
rables qu'on ne tarde pas à éprouver dès qu'on essaye de prati-
quer une fouille un peu étendue, du fait de la profondeur à laquelle
se trouve la couche d'alluvions, de la faible épaisseur des sables
quartzeux à éolithes, épaisseur qui ne dépasse guère 0,10 centi-
mètres, du peu de solidité de la coulée basaltique formant le toit
de la fouille, etc.
La plupart de mes prédécesseurs se sont bornés à retirer une
petite quantité de cette couche de sables quartzeux, ils ont mis au
jour quelques silex et... sont partis. Le D'' Klaatsch (1) et
M. Puech, le D"" Capitan ont fait des recherches plus sérieuses.
Personnellement, j'ai fait déblayer aussi largement qu'il m'a été
possible le basalte et les alluvions recouvrant les sables à éolithes.
Il m'a été possible d'extraire une assez grande quantité de sables
et de graviers desquels j'ai retiré près de 150 morceaux de silex.
Un petit nombre seulement peut être présenté comme éolithes.
La grande majorité consiste en éclats, débris, rognons intacts, deux
ou trois (( enclumes » c'est-à-dire fragments aplatis, plus volu-
mineux, avec cassures sur la tranche comme si des lames de débi-
tage avaient été enlevées ou comme s'ils avaient subi un véritable
martelage de leur arête.
(1) Cf. H. Klaatsch. Résultats d'un voyage d'études anthropologiques et paléonto-
logiques en Allemagne, en France, en Belgique. Zeitschrift f. Ethnologie, i9Q2, n° 1.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 42
658
Dr Lucien MAYET.
Tous ces silex sont notablement roules et, en général, sensible-
ment plus petits que ceux du puy de Boudieu. Ils viennent donc
d'assez loin.
Les recherches, qu'avec l'appui de l'Association Française pour
TAvancement des sciences j'ai pu mener à bien, m ont permis d'étu-
dier : la coupe des alluvions miocènes du puy Courny et les silex
présentés comme utilisés par l'Homme.
J'ai relevé aussi exactement que possible la coupe mise à décou-
vert et la figure 21 la résume.
Terre végétale.
^^^H
^^H
^^H
^^H
!^^
^^^H
^^1
^^H
^^^
-V "
^^_j^
^^^H
^^H
p^^
-r"-"'^
_:/'
_
^^^^^^^1
^^^^^1
^^^^^^^»-«~
,. -.
— ;
^^^^^^^1
^^r
"^ ^, ■ B.
^l ■"'. — ■
-v^ ^
" *"■
— -^^^
^^^^^
T'-T ""^"^'
-T^ ■'
■—'J^
Ip?"-,"
7v^-
^^^^
- ' ^
■ "-"^tS" '1—
— "li--^
-rr^T^--"
/•,..'?-
'- :■'.•''■'■
■V • •■/- '-^
V '.-"•"'• \"N
-r ■■■' - '
~'~^ 'S^^
j:^>'r^^^^r^.
"•.'.■.■.' .':.
,'>•->„.',
^'"•j!"
T' '■ ~- '
"i^^-^"^
1 ;"•.''. V"- ■■• .'.
1 •■'•'.
'';'• '»^A.
'^; ■'.',■;
'■';'■■'.'■■■
ë^^'
■/■•^'■:.
■J";-:'^::^'".-.
V:^,■•'■■
êà
^
jl^t-'^^fJ^
••j."^:J
«-i^-^
,S ; -. * ■ '■ ■
-. ^' '■ '■•'^
'.;. •■ -^-^-7^3^
'^iyi^èJjt
-i*îiS
— rr —
^— T^r"
'.'v * , ■ ■*"" .■
r .: i-^** ,• v^^_
-• •'^^^
— —
=^__ .~
■
m^^
-.'i^gj-^--— -_
- — =^^
r-^= —
— ^^
:^ — =r^
^
'^^y_ —
— -
-^
Basalte.
Sables argileux, 0^,30 à 8'",40,
Sable très fin, sans fossiles ni silex, de couleur gris clair
presque blanc, 0™,50 à û^jôG.
Sables quartzeux fossilifère à éolithes, à éléments plus
ou moins volumineux : graviers de quartz roulés, blanc
ou rose, du volume d'une tète d'épingle à celui du
poing, Oni,10 d'épaisseur moyenne.
Argile rouge foncé séparant les alluvions du basalte in-
férieur.
FiG. 21. — Coupe de la fouille faite par le D^ L. Mayet, juillet 1906.
La base des alluvions est formée par une argile de couleur rou-
geâtre sur laquelle reposent les sables quartzeux.
Ceux-ci proviennent d'un des nombreux cours d'eau qui exis-
taient dans cette région sud du Massif central de la France à l'époque
miocène supérieure.
La portion inférieure, épaisse de quelques centimètres — dix en
moyenne — est constituée par des graviers dont les éléments sont
du quartz blanc, ou rose, ou translucide, se présentant sous forme
de petits cailloux, dont les plus gros atteignent le volume d'une
mandarine (ces cailloux de quartz sont très roulés, arrondis) ; du
mica blanc, du feldspath ; une sorte de ciment argileux de couleur
jaune rouille; enfin des silex sur lesquels je vais avoir à revenir.
La portion la plus épaisse de la couche — un mètre environ —
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE. 6d9
est formée de sable très fin, blanc sans stratification bien nette, mais
coupé par d'étroites bandes légèrement colorées de jaune rouille.
La partie supérieure de cette zone sableuse est très argileuse.
Je n'insiste pas sur le basalte et sur la terre végétale qui recou-
vrent les sables.
Les débris d'ossements fossiles ont toujours été trouvés dans la
couche des graviers quartzeux de la base.
Ces quelques débris fossiles ont été décbuverts par Mailhe, Rames,
Ghibret (d'Aurillac) et L. Mayet (de Lyon). Ils datent les sables
quartzeux du puy Gourny de façon précise.
M. Boule a donné la description et la photographie de ceux exis-
tant au Muséum de Paris et au musée Rames, à Aurillac (1). J'y
ajouterai ceux qui sont dans les vitrines du Muséum d'Histoire natu-
relle de Lyon et une volumineuse molaire
à' Hipparion gracile que j'ai eu la bonne
fortune de découvrir au cours de ma ré-
cente fouille du puy Gourny \2) :
Dinotherium giganteiim, Kaup. M. Boule
figure une deuxième molaire supérieure
gauche, une deuxième et troisième mo- Fig. 22. — Puy Courny. Mo-
I . • nr • 1 -, . I > 1 XdÀve à' Ripparion gracile.
laires mferieures droites appartenant a la ^^^ ,^^ ^.^^^^ ^^^^^ ^^
ville d'Aurillac. Lyon.
Le Muséum de Lyon possède un frag-
ment de quatrième molaire inférieure droite de taille moyenne.
Mastodon longirostris, Kaup. Plusieurs fragments, malheureuse-
ment très mutilés, sont au musée Rames. M. Boule figure un de ces
fragments. C'est la partie antéro-externe d'une arrière-molaire.
Rhinocéros Schieiermacheriy Kaup. M. Boule donne la photogra-
phie d'un fragment d'incisive droite et d'une molaire inférieure. A
Lyon, un fragment d'incisive que je n'ai pas cru devoir photogra-
phier.
Hipparion gracile, Kaup. X la ville d'Aurillac, une dernière mo-
laire supérieure gauche. A Lyon, un fragment de molaire supé-
rieure (fig. 22); une deuxième molaire supérieure gauche (fig. 23);
une molaire supérieure gauche, que j'ai découverte en juillet 1906
(fig. 24) et qui est remarquable par son volume.
(1) M. Boule. Le Cantal iriocène.
(2) Les pièces du Muséum de Lyou sout étiquetées : Hoc de Coudssy, près Le Barra,
Aurillac.
660
Dr Lucien MAYET
Dicroceriisl Une molaire inférieure droite de Cervide placée sous
cette étiquette est au Muséum de Lyon. Mais cette détermination
me paraît très douteuse et le fragment en question (fig. 25) serait
plus exactement rapporté à Tragocerus amaltheus, Wagner, sp,
dont M. Boule figure une astragale du musée d'Aurillac.
Cerviis, sp. Une prémolaire photographiée par M- Boule fait par-
F;^>^A
Fig. 23. — Puy Courny.
Molaire (VHipparion gra-
cile. Muséum d'Hist. n.
de Lyon.
Fig. 24. — Puy Courny.
Molaire d ' Hipparion
gracile.H^ Lucien Mayet.
Fig. 25. — Puy Courny.
Molaire de Tragocerus
amaltheus . Muséum
d'Hist. n. de Lyon.
tie de la collection d'Aurillac. A Lyon, un fragment de bois d'un
petit Cervidé, sans intérêt.
Gazella deperdita^ Gervais. Astragale au musée d'Aurillac, figu-
rée par M. Boule.
Il y a trois ans, M. Klaatsch (d'Heidelberg), dans la fouille relati-
vement importante qu'il a faite, aurait trouvé un fragment de dent
(probablement d'une molaire de Rhinocéros) et un petit fragment
de côte d'un animal de taille moyenne (Hipparion?). M. Puech a
également trouvé un petit fragment de côte, qu'il possède encore
actuellement.
Les fragments de silex existant dans les sables quartzeux du
puy Courny ont tous une couleur foncée, une patine profonde et
brillante de couleur noire, chocolat^ bistre foncé, rouge vif, acajou,
jaune sombre... Quelques plaques volumineuses offrent la même
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
661
patine que les petits fragments et portent sur leurs bords, la trace
de chocs qui ont enlevé des éclats de toutes dimensions (Puech).
Certains fragments sont profondément altérés et sont devenus blancs
en même temps que leur densité est très diminuée.
J'ai dit que ces silex étaient tous plus ou moins roulés, et que cela
indiquait très vraisemblablement une origine assez lointaine. Ils dif-
fèrent profondément par ce caractère des siJex du puy de Boudieu,
pour la plupart nés sur place. Ils en
diffèrent encore par leur taille qui est
plus petite. Je n'insiste pas sur la des-
cription détaillée des éolithes du puy
Courny, renvoyant aux publications
des auteurs qui en ont parlé avant
moi et surtout au travail récent de
M. Max Verworn (1) qui leur a con-
sacré de longues pages et en a donné
de très belles figures.
Les photographies que je repro-
duis ici — malgré l'extrême difficulté
de photographier bien de tels silex et
parce que le dessin même le plus
remarquablement fait interprète trop
le silex — permettront, je l'espère,
de se rendre compte des éolithes du
puy Courny, comme de ceux du puy
de Boudieu.
J'insisterai seulement sur ce point que Rames avait cru remar-
quer et qui a été répété de confiance après lui, d'une sorte de triage
intelligent des silex de la couche de sable quartzeux, provenant,
toujours suivant l'idée de Rames, du calcaire aquitanien immédia-
tement sous-jacent. Tout récemment, je relisais sa très belle étude
de la Géologie du Piiy -Courny et voici ce qu'il a écrit : « Tous ces
fragments de silex ont une patine brillante noire, bistre foncée, plus
rarement jaune sombre. Ils appartiennent absolument tous aux
deux plus belles variétés de silex corné et pyromaque ; ceci est un
fait très extraordinaire vu le grand nombre de variétés offertes par
FiG. 26. — Puy Courny. Silex noir.
Grandeur réelle. (Collection de
M. Gh. Puech.)
(1) Max Verworn. Die archaeolithische Kultur in den Ilipparionsschichten von
Aurillac (Cantal), Abliandl. d. K on. Gesellschaft der Wissenschaflen Gôtlingen, 60 p.
in-40, nombreuses figures.
662
D"- Ll'cif.n MAYET.
les bancs de silex (corné, pyromaquc, résinite, jaspoïde, ménilite)
que nous avons sip^naii' dans TAquitanien... Si ces deux variétés se
trouvent seules dans leTortonien, c'est qu'elles étaient plus dures,
plus faciles à tailler et les seules jugées propres à être mises en
œuvre ».
Cela n'est malheureusement qu'une simple hypothèse. D'où
viennent ces silex ? quelles variétés existent à leur lieu d'origine?..
nous l'ignorons absolument et nous ne le saurons probablement
FiG. 27. — Puy Gourny. Silex de la figure 26, vu de face, de profil, de dos. Dessin
de M.Rutot, aux 3/4. Pour lui, « racloir-pointe très bien travaillé et retouché ».
jamais puisqu'il ne s'agit ici que de lambeaux respectés par les
phénomènes volcaniques et par les puissantes érosions qui ont
découpé la masse du Cantal.
On s'explique mal aussi la présence naturelle de ces morceaux de
silex dans les alluvions miocènes. Je remarquerai que sans doute
leur présence est assez anormale mais qu'elle n'implique nullement
l'intervention de l'homme. Comment se sont formées ces alluvions ?
pourquoi après les graviers relativement grossiers, formés de
quartz roules, se sont déposés des sables d'une très grande finesse
et formant une couche épaisse? Pourquoi ces sables fins ne se
retrouvent-ils pas avec les mêmes caractères de stratification et de
composition minéralogiques au puy de Boudieu appartenant à la
même formation? Pourquoi rencontre-t-on toujours des silex abon-
dants dans les lambeaux relativement éloignés les uns des autres
de Belbès, puy de Boudieu, puy Courny et pourquoi pas de silex
dans d'autres alluvions identiques et de même âge affleurant en
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
663
d'autres points?... autant de questions auxquelles on peut répondre
dans tel ou tel sens sans apporter d'éclaircissements notables à ce
P roblème obscur de l'utilisation humaine des silex miocènes de la
région d'Aurillac.
Je termine ce rapide exposé par quelques réflexions qui viennent
naturellement à l'esprit en étudiant ces silex.
Une des marques les plus sûres de Tutilisation — d'après
FiG. 28. — Puy Courny. Fig. 29. — Pay Courny. Silex Fig. 30. — Puy Courny.
Silex brun. « Petit per-
çoir bien travaillé » vu
sur les deux faces.
Dessin de M.Rutot 3/4.
(Coll. de M. Puech.)
brun. Dessin de M. Rutot,
3/4, avec cette légende: beau
grattoir, bien retouché, avec
deux encoches latérales pour
la préhension. (CoUect. de
M. Puech.)
Silex en pointe.
M. Rutot — est l'accumulation des retouches d'avivage : le tran-
chant d'un grattoir ou d'un instrument quelconque, ébréché par
Tusage était avivé par une série de retouches, c'est-à-dire de petites
esquilles détachées par le choc d'un autre silex, le retouchoir. Par
accumulation des retouches l'angle aigu de Tarète devenait de plus
en plus droit, puis obtus même. Gela est parfaitement imaginé et
c'est aujourd'hui un bon procédé de fabrication artificielle des
éolithes que de procéder ainsi. Mais alors nous ne sommes plus en
présence d'éclats simplement utilisés, mais bien de silex taillés
6H4 D' LuciBN MAYET.
très bien taillés parfois, encore que certains esprits chagrins com-
prennent mal pour(juoi il était juge préférable d'arrondir un tran-
chant pour l'améliorer et lui permettre de mieux couper. Cette
technique d'utilisation du silex et bien d'autres intentions prêtées
aux hommes éolithiques apparaît comme un pur roman. La dé-
monstration qu'en donne très aimablement M. Rutot aux visiteurs
auxquels il présente ses « plateaux de Saint-Thomas » m'a paru
absolument factice. Je le dis ici en toute sincérité, sans aucune idée
d'hostilité vis-à-vis de M. Rutot, pour qui j'ai la plus vive sympathie
et dont j'admire profondément les conceptions véritablement origi-
nales. On peut ne pas partager toutes ses idées, on ne peut nier
le profond sillon qu'il a tracé, les discussions utiles qu'il a pro-
FiG. 31. — Puy Gourny. Fig. 32. — Puy Courny. Silex brun clair.
voquées. M. Rutot a jusqu'ici joué en préhistoire le rôle de Lom-
broso en anthropologie criminelle : les conceptions du maître de
Turin sont combattues de tous côtés, la plus grande partie de sa
doctrine s'est effondrée à peine élevée, on ne saurait nier la gran-
deur du mouvement d'idées qu'il a provoqué et les effets heureux
qui en ont été la conséquence.
On ne saurait nier l'emploi par l'homme de certains éolithes. Ils
étaient connus bien avant les travaux de l'École belge, mais nul ne
s'en préoccupait. C'est en exagérant leur importance, que M. Rutot
les a fait discuter et étudier scientifiquement.
A ce propos je crois utile de signaler l'opposition qu'il y a entre
les silex miocènes du Cantal et la base même de la doctrine des
éolithes :
« L''industrie éolithique — primitive, rudimentaire — est basée
sur l'utilisation directe, pure et simple, du silex sous les formes
naturelles dans lesquelles il se rencontre. » (Rutot.)
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE.
665
Tout le monde est bien d'accord, je crois, pour dire avec M. Ver-
worn, que la pierre est employée telle que l'offre la nature, sans la
moindre culture artificielle et les instruments sont seulement
reconnaissables aux traces laissées par leur emploi (émoussage de
l'arête, retouche, accommodation, dit M. Rutot).
Et comme type de cette industrie tout à fait rudimentaire prove-
nant du plus ancien gisement, celui du puy Courny dont la faune s'est
trouvée profondément renouvelée jusqu'aux temps pléistocènes,
M. Rutot lui-même présente « des pointes très bien travaillées.,, des
polyèdres obtenus par enlèvement intentionnel d éclats (c'est-à-dire
FiG. 33. — Puy Courny. Grand
Grattoir bien accommodé. Silex
brun foncé. (CoL de M. Puech.
Dessin de A. Rutot, 3/4).
Fio. 34. Puy Courny.
taillés)... ces polyèdres ressemblent absolument à d'autres, moins
anciens, considérés généralement comme des projectiles à main
ou pierres de jet ».
Ainsi, non seulement l'industrie éolithique dès son extrême début
présente des pièces taillées remarquablement (cf. fig. 27), mais cer-
tains silex étaient même taillés pour être lancés comme projectiles !
L'examen de ces pièces au gisement même et leur comparaison
avec les divers débris découverts font justice de ces hypothèses fan-
taisistes. Les pierres de jet du Cantal sont simplement des débris
de petits nodules de silex et les pointes finement taillées et retou-
chées (fig. 27 et 28) sont un mode particulier assez fréquent de frag-
mentation de morceaux de silex à vacuoles.
666
Dr Lucien MAYET.
Rien n'est plus artificiel que l'attribution dune localisation des
traces (rutilisation sur telle ou telle arête du silex. Je parle bien
entendu exclusivement des éolithes du Miocène cantalien. Toutes
les arêtes présentent ces esquillements plus ou moins marqués.
Les unes, un ou deux à peine et le silex apparaît comme s'il venait
d'être brisé; d'autres, en ont au contraire une succession ininter-
rompue sur toutes leurs arêtes.
M. Rutot admet de façon toute théorique que Tensemble du tra-
vail manuel humain peut se résumer en cinq opérations qui sont :
frapper, couper, racler, gratter et percer. D'après cette idée pré-
conçue, les éolithes sont triés parmi les éclats qui paraissent, à
l'heure actuelle, réaliser le mieux les actes précédents. Les blocs
FiG. 35. — Puy Courny.
FiG. 36. — Puy Courny.
Silex noir.
trop volumineux pour prendre place parmi les nuclei, lames tran-
chantes, racloirs, grattoirs, perçoirs, pierres de jet, deviennent
enclumes et..., à peu près tous les silex éraillés, brisés peuvent être
considérés comme éolithes miocènes.
Comme le plan de frappe et le conchoïde de percussion, si chers
à G. de Mortillet, sont chose banale et se rencontrent sur un grand
nombre de silex brisés par des actions mécaniques quelconques,
toute l'argumentation en faveur de l'utilisation des silex miocènes
du Cantal se réduit à la présence d'encoches, de retouches, à des
traces de martelage. Or cette base est bien fragile pour affirmer
l'existence de l'homme tertiaire, alors surtout que presque tous les
silex du gisement du puy de Boudieu, présentent plus ou moins
LA QUESTION DE L'HOMME TERTIAIRE. 667
ces marques el qu'il serait plus difficile d'y récolter des silex intacts
que des éolithes.
CONCLUSIONS
Je terminerai cette courte note, résumant mon étude de la ques-
tion des éolithes du Miocène supérieur du Cantal, par les conclu-
sions suivantes :
I. — Les sables pontiens à Hipparioit gracile de la région d'Au-
rillac sont bien datés par leurs débris fossiles. Ils renferment en
assez grande abondance des silex dont un certain nombre ont tous
les caractères des éolithes et sont présentés comme tels par M. Rutot
lui-même.
II. — L'étude du gisement du puy de Boudieu montre que les
actions naturelles très intenses qui ont remué les sables et les silex
en ce point, ont parfaitement pu suffire à produire les éolithes, sans
qu'il soit nécessaire de faire intervenir l'industrie humaine.
III. — Les éolithes du puy Courny ont été roulés par les eaux
probablement sur une assez grande distance et diffèrent sensible-
ment de ceux du puy de Boudieu. Ils ont été vraisemblablement
produits par les mêmes actions naturelles.
IV. — On ne peut préciser celles des actions naturelles — agents
atmosphériques, variations de température, eaux torrentielles,
tassement des couches géologiques et certainement bien d'autres
que nous ignorons — qui ont joué un rôle prépondérant dans la
production des éolithes du Cantal.
V. — Sans préjuger de l'origine et de la valeur en tant que docu-
ments humains des éohthes belges, anglais, etc., que M. Rutot a
réunis et dont il a su tirer un si remarquable parti pour ses démons-
trations, on ne peut arguer de leur analogie avec ceux du Cantal
pour attribuer ceux-ci à l'intervention intelligente de l'homme.
Les éolithes des alluvions miocènes des environs d'Aurillac ne
peuvent être invoqués jusqu'à plus ample informé comme une
preuve décisive de l'existence de l'homme sur le sol de l'Europe
occidentale en pleine période tertiaire.
Ces conclusions sont le résultat de recherches faites sans aucune
idée préconçue et je serai le premier à ne plus les défendre lors-
668 t)r Lucien MAYET.
qu'une démonstration meilleure ou la découverte de pièces plus
probantes, aura indiqué Terreur de l'interprétation que je viens
de donner des gisements du puy de Boudieu, du puy Gourny,
ainsi que des silex qu'on peut y recueillir.
JSote de la Direction. — Je rappellerai que V Anthropologie est une tribune
libre, où toutes les opinions scientifiques peuvent être exposées, sans qu'elles
soient le moins du monde partagées par la Direction de la Revue. Cette décla-
ration me paraît utile à propos d'un travail qui porte sur des gisements que je
connais et que j'étudie depuis mon enfance, car je ne saurais souscrire à toutes
les considérations de l'auteur, surtout au point de vue géologique. Ceci dit, et
cela n'enlève rien aux mérites d'un travail sur des éolithes,]e ne puis que re-
mercier M. le Dr Mayet d'avoir tenu à donner aux lecteurs de U Anthropologie la
primeur de son intéressant mémoire.
M. Boule.
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES
DANS LE SOUDAN
PAR LE
D-^ DECORSE (1
J'ai mis à profit mon passage à travers le Sahel pour recher-
cher, autant que je l'ai pu, des matériaux préhistoriques. Je n'ai
sans doute pas fait d'observations bien remarquables; mais telles
qu'elles sont, je vous les envoie, espérant qu'elles contribueront à
élucider cette question si captivante.
Mes échantillons comprennent toute une série de pièces ayant
entre elles la plus grande analogie. Ce qui peut être intéressant,
c'est la variété des localités d'oii elles proviennent. En m'aidant
des renseignements extirpés à grand'peine aux indigènes, il me
paraît possible de dire que ces matériaux deviennent de plus en
plus rares à mesure qu'on s'avance vers le Sud. Dans le Nord, au
contraire^ les indigènes — et surtout les Maures nomades — signalent
des gisements plus abondants qui doivent être en rapport avec les
gisements sahariens et ceux de l'Erg.
Leur dispersion semble limitée par une courbe qui, partant du
Sénégal, s'infléchit vers le Nord et l'Est pour gagner la vaste
cuvette d'épandage du Niger.
Cette courbe suit d'une façon remarquablement exacte la ligne
d'eau qui, du marigot de Khoullou, remonte vers le Nord en lon-
geant la région des mares : Ngaké, Toïa oii existent des grottes,
Oummou etc. Les récentes découvertes dont mon ami de Zeltner
m'a fait part contirment cette opinion. De là, cette limite s'étend
vers l'Est par Nioro, par les régions accidentées du Haut-Kolim-
biné; — contourne au nord Goumbou et Sokolo, englobe Nampala;
— puis gagne la ligne des lacs à Léré; — et s'étale largement sur
les plateaux rocheux où sont creusées les cuvettes de Tenda, Haro,
Takadji, Gawàti, Fati et du Faguibine.
Le petit croquis ci-joint vous permettra de reconnaître approxi-
(1) Extrait d'une lettre à M. le Professeur Hamy.
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906.
670 l)r DEGORSE.
mativement cette
zone de répartition.
Vous pourrez égale-
ment constater pres-
que partout la co-
existence de l'eau et
des hauteurs rocail-
leuses d'où les maté-
riaux bruts étaient
tirés.
Au point de vue
géologique, j'ai cru
remarquer qu'aux
environs de Nioro
les roches sont
principalement des
schistes ardoisiers
dont la consistance
deviendrait plus den-
se, moins fîssible,
à mesure qu'on s'ap-
proche de Goum-
bou. Les grès, au
contraire , moins
abondants aux en-
virons deNioro^pré-
dominent dans la
région du Tenda .
Aux deux extrémi-
tés de cette ligne
(Yélimané et vallée
du KhouUou d'une
part, plateaux du
Horo d'autre part),
la roche a plus net-
tement Taspect pé-
tro-siliceux.
En dehors des
mouvements ro-
cheux, le terrain est
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES DANS LE SOUDAN. 671
partout composé de sable, plus ou moins pur, plus ou moins argi-
leux, mais surtout de latérites qui forment le substratum de beau-
coup de mamelons. Vers le nord, les dunes mouvantes masquent
la texture géologique et ont défiguré vraisemblablement l'aspect
de ces régions, par endroits, tourmentées. La cuvette du lac Horo,
par exemple, semble le résultat d'un immense effondrement.
Mon ami de Zeltner m'a signalé, dans une lettre, l'existence en
sa région de certaines superstitions au sujet des pierres polies. Je
ne puis les confirmer qu'en partie : toujours les indigènes affirment
que ces pierres sont tombées du ciel. La petite hache que j'ai
ramassée à Doungel s'est même trouvée à point pour justifier une
rupture déjà ancienne du fil télégraphique : son tranchant a été de
ce fait ébréché !
Seuls les Touareg et leurs affranchis, les Bellati, les dédaignent
et ne leur attribuent pas de vertus providentielles.
Le peu de temps et de moyens dont je disposais en cours de
route, m'a empêché de faire des fouilles. De Zeltner est plus
heureux, mais il aura à vaincre de très grosses difficultés matérielles,
qu'augmenteront encore les dépenses inévitables et la rareté de la
main d'œuvre.
Pour ma part, j'ai dû me borner à recueillir des pièces trouvées
en place aux hasards de la bonne veine. Elles m'ont permis, en les
montrant aux Noirs, d'acquérir quelques autres spécimens. Par
conséquent je ne vous envoie que des échantillons trouvés soit sur
le sol, soit à la faible profondeur qu'exige le labourage deslougans.
Quelques formes de celts un peu trapus me paraissent être des
instruments retaillés après une ou plusieurs fractures. Ces formes
sont, en effet, moins fréquentes et moins familières aux yeux des
indigènes, qui les reconnaissent plus difficilement.
Le gros spécimen, provenant de Tondidaro, me paraît être une
pièce en préparation, à moins qu'on en fasse un marteau. On en
trouve, paraît-il, de plus gros encore.
L'éloignement, les difficultés de transport, m'ont fait négliger
une quantité considérable de fragments et de rognons trouvés aux
stations de Tondidaro et du lac Horo. Il faudrait d'ailleurs les étu-
dier avec beaucoup de soin pour ne pas les confondre avec des
galets; un grand nombre sont défigurés par Tusure. Je vous en
envoie seulement quelques-uns dont les apparences vous serviront
peut-être d'indices.
Vous trouverez enfin quelques pierres (pierres à moudre?) qui
612 D"- DEGORSE.
sont probablement moins anciennes, et un fragment de poterie que
je crois récent, mais de destination douteuse : est-ce un bouchon
de gargoulette? je le pense, car l'usage se retrouve ici d'en faire
encore d'une autre forme.
Ces fragments ont d'ailleurs été trouvés dans d'autres conditions.
Une multitude de débris couvre, en effet, le pays. Ils pourraient
presque nous redire l'histoire de ces civilisations disparues si
l'Histoire ne s'en était fiée à la perpétuité des seules traditions.
Aujourd'hui le voyageur erre au milieu d'eux, sans guide. A peine
peut-il rencontrer quelque vieillard ayant entendu dire, dans sa
jeunesse, que des villages existaient là, qui furent détruits par
Cheikou Ahmadou ou quelque autre conquérant.
Mais au milieu de ces ruines récentes, on trouve parfois des
traces ayant l'air plus anciennes. Je ne sais quelle intuition vague
et irraisonnée me fait leur trouver une si grande ressemblance avec
ce que je vis dans le delta du Ghari.
A côté de ce sentiment, négligeable lorsqu'il s'agit de détermi-
ner des données précises, j'ai été frappé de la coexistence très fré-
quente de ces débris avec des accumulations considérables de lai-
tiers et de scories. Partout ils gisent sur de petites éminences,
dont le nombre est tel que l'hypothèse « tumulus mortuaires » me
paraît s'exclure sans examen.
D'ailleurs, les tumulus types, à qui s'applique la dénomination in-
digène de koï bouroiiy paraissent assez nettement localisés (sans pré-
juger de ce que j'ignore), à l'Ataram, au Tioki, au Kili et au Kisou.
Beaucoup de ces élévations ne doivent être autre chose, à mon
sens , que le résultat de l'extraction du fer pendant une longue période.
J'ai vu évoluer des tumulus semblables au Ghari, sans qu'il y ait
rien dedans. Le traitement rudimentaire d'un minerai pauvre laisse
d'énormes quantités de résidus, auxquels viennent s'ajouter,
en quantités non moins considérables, les débris des creu-
sets et ceux des canaris servant de fours et de cheminées. Les
cendres et l'argile forment le reste. Les amas s'exhaussent
surtout parla périphérie, gardant au centre une dépression. Ils ont
pu servir aux Noirs pour y enterrer leurs morts, mais ils ne me
paraissent pas avoir eu une sépulture comme but initial.
D'ailleurs, je crois qu'une grande circonspection s'impose, et qu'il
ne faudrait pas trop généraliser. Le terrain est couvert d'embûches,
aux apparences desquelles on pourrait se laisser prendre, pour leur
attribuer une origine préhistorique.
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES DANS LE SOUDAN.
673
On trouve, par exemple, en maints endroits des amas réguliers de
pierres, alignés en longues files : ce ne sont que des traces de cul-
tures anciennes en terrain rocailleux.
Ailleurs, on remarque des cercles ou des rectangles dessines avec
de gros cailloux, et présentant généralement une ouverture tour-
née vers rOuest : ce sont simplement de petites enceintes à prières
érigées par les Musulmans^ pasteurs ou nomades, et non point des
tombeaux; on pourrait s'y tromper.
A côté de ces pseudo-monuments, on en rencontre d'autres,
beaucoup plus rares, qui ne laissent aucun doute.
FiG. 2. — Aspect d'uQ coia d'un monument de Tondidaro,
d'après un dessin de l'auteur.
Je ne vous parlerai pas de celui de Sahaba, entre Lire et N'tringa;
j'y passai de nuit et me tais par crainte d'inexactitude. Il est du
même genre que ceux de Tondidaro. Plus heureux que Desplagnes,
qui dut se contenter des morceaux apportés à Sumpiparles Noirs (l),
je pus aller voir ces monuments en compagnie de mon ami,
M. Tadministrateur Descemet. Vous trouverez ci-joint quelques
croquis d'après nature, qui s'y rapportent. J'envoie des clichés à
(1) Le Df Decorse a dû être induit eu erreur, car le lieutenant Desplagues a pbo-
lographié les monuments de Toiididaro; nous avons reproduit un de ses clichés dans
le dernier numéro de L'Anthropologie. Cette photograptiic étant à très petite échelle,
il est impossible de se rendre compte du travail des pierres ; aussi sommes-nous
heureux de donner ici les croquis qu'en a faits le D' Decorse.
l'anthropologie. — T. XVH. — 1906.
43
014
Dr DECOUSE.
développer au vérascope Richard,, qui sur mon invitation vous
communiquera les sléréoscopies.
J'y ai fouillé le groupe le plus important toute une journée, sans
rien trouver d'autre que le fragment que je vous envoie et des
débris de poteries paraissant dater de deux époques ; beaucoup
d'entre eux étaient de même facture que d'autres débris couvrant
un monticule voisin, rocheux, mais recouvert de sable. Ces frag-
ments étaient tous dans les couches les plus superficielles, formées
par du sable amoncelé par le vent.
Je n'ai pas trouvé de pierres, portant sculptées les acanthes
FiG. 3. — Pierres taillées d'un monument de Tondidaro,
d'après un dessin de l'auteur.
reproduites par Desplagnes. Par contre, la tradition locale attri-
buant à ces pierres levées une ressemblance humaine existe tou-
jours, mais me semble un peu présomptueuse. Certaines pierres
m'ont paru figurer plutôt un phallus. D'autres présentent une sorte
d'ombilic qu'on pourrait prendre aussi pour une bosse de zébu. Le
plus grand nombre ne portent aucune incision.
Faut-il adopter la thèse de la figuration humaine et rapprocher
ces pierres levées des pieux symboliques érigés sur les tombeaux
dans le moyen Chari? Les fétichistes symbolisent ainsi d'une façon
grossière le mort, ses femmes, ses enfants, ses serviteurs et même
ses biens.
RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUE DANS LE SOUDAN. 675
Faut-il, au contraire, admettre la ressemblance avec des phallus,
et penser à une influence punique?
Je vous avoue que, pour ma part^ je crois plus prudent de ne
rien supposer.
Mon ig-norance me conseille cette sage réserve. C'est pourquoi,
de crainte de détruire irrémédiablement un document précieux pour
l'archéologie, je n'ai pas voulu faire de fouilles plus étendues.
J'espère qu'un plus compétent que moi y mettra un jour la pioche
et nous dira ce que sont les trois monuments érigés côte à côte sur
les bords du lac de Takadji.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER
Fk. Wie(;ehs. Die naturliche Entstehung der nord-deutschen Eolithe (L'origine
uatiireile des éolitiios de rAliemagae du Nord). Zeitschrifl filr Ethnologie,
t. XXXVIll, 1906, p. 395.
M. Wiegers n'admet pour TAllemagne du Nord que deux extensions
glaciaires séparées par un interglaciaire. Il montre que dans les dépôts
correspondant à la première extension, on ne trouve pas d'éolithes.
S'il en était autrement, ce serait une preuve directe de l'origine natu-
relle de ces pierres, qui auraient acquis leur aspect éolithique par
l'action mécanique de la glace et de ses eaux de fusion. Dans les dépôts
interglaciaires on n'a trouvé que des instruments nettement paléoli-
thiques (Taubach, Hundisburg, grottes de Rubeland dans le Harz,
sablière de Schilling près de Posen). Les terrains situés en dehors de
la dernière extension, mais contemporains de cette extension, ont donné
quelques instruments paléolithiques (Thiede, Westeregeln, grotte de
Lindenthal près de Géra, Buchenloch près de Gerolstein).
Les dépôts fluvio-glaciaires de la dernière extension ont donné du
paléolithique (Neuhaldensleben, Salzwedel) et un grand nombre d'éo-
lithes (Dessau, Bière près Magdebourg, Neuhaldensleben, Salzwedel,
Britz, Rixdorf, Rudersdorf, Eberswalde, Freyenstein). Il est à remar-
quer que dans toutes ces localités, les éolithes n'apparaissent pas dans
le sable, mais dans le cailloutis plus ou moins grossier. Cette revue
des gisements quaternaires de l'Allemagne du Nord a ce résultat
curieux de montrer que les instruments supposés les plus anciens appa-
raissent dans les couches les plus récentes. D'ailleurs il n'y a dans
cette région aucune trace de l'homme antérieure à la première glacia-
tion et il est douteux qu'on en trouve jamais. Car à cette époque les
silex de la craie étaient encore presque partout recouverts par les
dépôts tertiaires et n'ont été mis à jour que par l'érosion glaciaire.
C'est pendant Tinterglaciaire que l'homme apparaît dans l'Alle-
magne du Nord ; il est dès lors pourvu de grattoirs en forme de feuilles,
et de couteaux prismatiques, sans retouches. C'est l'étage de Taubach.
Pendant la seconde extension, l'homme vivait dans les \ arties épargnées
par la glace, et perfectionnait son outillage. Ses couteaux prismatiques
et ses grattoirs présentent des retouches : étage de Thiede. Enfin la
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 677
glace se retire, l'homme la suit. Cette période n'a donné que des os
travaillés : stations de Liibeck et Endingen en Poméranie.
Pour expliquer la présence des éolithes trouvés en si grande abon-
dance, il faudrait admettre un recul tout à fait invraisemblable de la
civilisation entre l'étage de Taubach et celui de Thiede. 11 est plus
rationnel de penser que ces pierres ont une origine naturelle. Les con-
ditions de leur gisement et leur abondance même prouvent qu'elles ont
pris naissance dans les couches où on les rencontre et que les déforma-
tions qui les font ressembler à des instruments proviennent des chocs
subis par les silex dans les eaux courantes. Outre ces actions méca-
niques datant de l'origine même du dépôt, il y a, ce me semble, lieu de
tenir compte de la dénudation souterraine, c'est-à-dire des pressions et
des frottements réciproques subis par les cailloux lorsque les couches qui
les englobent sont enlevées par l'érosion.
Dans la discussion qui a suivi cette intéressante communication,
M. WahnschafTe reproche à M. Wiegers de n'admettre que deux exten-
sions au lieu de trois dans l'Allemagne du nord. M. Wiegers répond que
le sondage de Rixdorf est insuffisant pour trancher la question. Le banc
à Paludines est effectivement situé entre deux moraines, mais celle
qui devrait se trouver au-dessus n'existe pas en réalité dans la coupe.
Ce sondage ne prouve donc pas l'existence de trois extensions glaciaires.
Les objections de M. Hahne portent surtout sur les éolithes eux-
mêmes. 11 renonce aux soi-disant éolithes trouvés en masse. Mais alors
il ne reste d'une part que les éolithes rencontrés avec des instruments
paléolithiques et il ne peut s'agir que de déchets de fabrication; en
tout cas ces éolithes ne nous apprennent rien de nouveau sur l'exis-
tence de l'homme; et d'autre part les éolithes trouvés isolément qui
nécessitent une discussion pour chaque cas particulier, discussion qui,
à mon sens, peut se prolonger indéfiniment, puisque dès que les
caractères d'utilisation du caillou sont nets, par définition il ne s'agit
plus d'un éolithe, mais d'un instrument paléolithique.
h^ L. Laloy.
Max Verworn. Archaolithische und palâolithische Reisestudien in Frankreich
und Portugal (Études archéolithiques et paléolithiques en France et en Portugal).
Zeitschrift filr Ethnologie, t. XXXVIII, 1906, p. 611 (35 flg.}.
M. Verworn a fait en 1905 un voyage à Thenay, à Aurillac, aux Eyzies
et à Otta en Portugal, dans le but de voir par lui-même ce qu'il y a de
fondé dans l'hypothèse des silex tertiaires. Les impressions qu'il a
rapportées de son voyage ne nous apprennent rien de bien nouveau,
mais elles sont intéressantes justement parce que ce sont celles d'un
savant non spécialisé en préhistoire. Les fouilles qu'il a faites à Thenay
l'ont convaincu que rien dans la forme générale ou les détails des silex
678 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
de ce gisement ne peut donner à penser qu'ils ont été taillés de main
d'homme. Les craquelures que présentent un grand noml)re d'entre eux
proviennent d'agents physiques ou chimiques.
En revanche les silex du Puy Boudieu, près Aurillac, paraissent à
M. Verworn incontestablement taillés de main d'homme. 11 s'appuie
d'une part sur leurs caractères, d'autre part sur le fait qu'ils gisent
dans une formation de rivage où ils n'ont pas été soumis à des actions
torrentielles capables de les faire éclater. Tout au plus pourrait-on
penser que c'est la pression réciproque des silex dans l'intérieur de la
couche, qui en a fait partir des éclats. Mais M. Verworn répond à cette
objection en montrant qu'il y a des silex qui ont été roulés postérieure-
ment à la formation des éclats. Ils ont donc reçu leur forme avant
d'être enfouis dans le terrain en question. Du reste les silex ne s'y
compriment pas réciproquement. Car ils sont séparés l'un de l'autre
par de la terre et du sable.
Une visite à Ota près de Lisbonne a montré que les couches tertiaires
situées à la base du mont Redondo, et où se trouvent les silex sont inces-
samment remaniées par les eaux. Il y a du paléolithique et même du
néolithique dans la région et il est très vraisemblable que les silex dits
tertiaires proviennent d'une station de l'une ou l'autre de ces époques.
Ceux en place dans le terrain tertiaire ne présentent aucun caractère de
taille intentionnelle.
M. Verworn est revenu, comme tout le monde, émerveillé de sa visite
aux Eyzies, cet ensemble unique au monde pour lequel il conviendrait
de prendre des mesures de préservation. Je ne retiendrai que la
réflexion que lui a suggérée la vue des peintures et gravures dans les
grottes. Le naturalisme de ces représentations prouve que les paléoli-
thiques n'avaient qu'un sentiment religieux faible ou nul. Il en est ainsi
des Bochimans, des Eskimos, des Grecs et des Romains de l'antiquité,
des peuples civilisés modernes. Dans tous ces cas l'idée religieuse ne
joue qu'un rôle très subordonné et l'art est naturaliste. Au contraire,
dès que l'idée religieuse pénètre et domine toute la vie, l'art devient
conventionnel. C'est ce qui est arrivé chez les néolithiques, c'est ce
qu'on observe chez les Indiens des Pueblos, les Mexicains, les Egyptiens
anciens, les Européens du moyen âge, les Polynésiens et les Nègres
d'Afrique.
A part quelques signes indéchiffrables sur les parois de certaines
grottes, le paléolithique n'adonné aucun dessin symbolique; pas d'amu-
lettes non plus. A l'époque néolithique apparaît l'ensevelissement des
morts avec toutes les complications que nous observons chez les primitifs
actuels. Il y a des amulettes sous formes de dents, de fragments d'os,
de pierres, de figurines; enfin la trépanation est une coutume religieuse.
Si l'art devient conventionnel, ce n'est pas tant parce que la religion
ordonne directement de ne reproduire que des formes stylisées, mais
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 679
parce que l'esprit, devenu conservateur, ne sait plus qu'exprimer
indéfiniment la même idée. On ne cherche plus à figurer les objets tels
qu'on les voit, mais à donner leur représentation traditionnelle et sym-
bolique.
D' L. L.
Fr. FRECH.'Studien ùber das Klima der geologischen Vergangenheit (Études sur
le climat des époques géologiques). Zeitschrift der Gesellschaft fur Erdkunde zu
Berlin, 1906, p. 533 (3 PL).
C'est Tyndall qui a le premier montré l'importance de l'absorption des
rayons calorifiques par l'acide carbonique et la vapeur d'eau. Cette idée
a été précisée plus tard par Arrhenius. D'après ces recherches la dispa-
rition totale de l'acide carbonique existant dans l'atmosphère provoque-
rait un abaissement de température trois fois plus fort que celui qui a
régné pendant Tépoque glaciaire. La vapeur d'eau agit de même en
empêchant le rayonnement de la chaleur obscure émise par la terre.
M. Frech applique ces données à l'étude du climat pendant les diverses
époques géologiques. D'après lui les périodes chaudes sont caractéri-
sées par des éruptions volcaniques projetant dans l'atmosphère de
grandes quantités d'acide carbonique. Puis, après une longue période
de repos volcanique pendant laquelle l'acide carbonique a partiellement
disparu de l'atmosphère, on voit se former des zones climatiques,
comme au Crétacé, ou une période glaciaire, comme au Permien ou au
Quaternaire.
La température de l'époque carbonifère était modérée, car une tem-
pérature trop élevée aurait eu pour effet de faire disparaître les débris
végétaux par oxydation, comme dans les régions tropicales actuelles.
Après la période glaciaire permienne, le Trias a présenté des phéno-
mènes éruptifs intenses : des dépôts volcaniques ont été rencontrés en
Nouvelle-Calédonie, en Nouvelle-Zélande, dans l'Amérique du Sud, au
Mexique et surtout dans la Colombie britannique. Cette activité volca-
nique explique le relèvement de la température pendant le Jurassique.
Elle s'abaisse de nouveau à l'époque crétacée, pour se relever au Ter-
tiaire.
On sait que M. Frech n'admet qu'une seule invasion glaciaire à
l'époque quaternaire, et qu'il base cette hypothèse sur la distribution
des Mammifères au cours de cette époque. Seules les zones de bordure
situées en avant des Alpes, le long de la Baltique, dans l'Allemagne du
nord, auraient été le siège d'oscillations étendues, les centres de gla-
ciations n'auraient subi aucune interruption du phénomène. Il me
semble que cette théorie ne diffère pas autant qu'elle en a l'air de celle
des invasions multiples. Celle-ci n'a jamais prétendu que le centre des
massifs ait été dégarni de glace pendant les périodes interglaciaires. Le
680 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
tout est de savoir où s'arrête la partie centrale et où commence la zone
de bordure, avec ses oscillations.
M. Frecli fait ressortir qu'il n'y a pas eu d'invasion glaciaire en Sibé-
rie. 11 n'y a dans les montagnes de Verkiioiansk, dont l'altitude atteint
2.000 mètres, ni glaciers actuels, ni traces de glaciers anciens. La
sécheresse du climat est entretenue par un phénomène assez particu-
lier, observé par A. V. Bunge. Le sol gelé se fend au printemps et, dans
ces crevasses s'engloutissent les eaux de surface, qui se congèlent dans
la profondeur et disparaissent pour toujours. C'est ce qui explique
l'accumulation dans le sol d'immenses quantités de glace non stratifiée
qui englobent et tendent à refouler les dépôts stratifiés. En somme ce
phénomène a pour effet d'enlever aux couches superficielles du sol et
à l'atmosphère de la Sibérie l'humidité, qui, dans d'autres conditions,
aurait pu donner naissance à des glaciers. Le climat, sec et continental
dès l'origine, continue à se dessécher. C'est -dans ce territoire froid
mais non soumis à la glaciation que s'est constituée la faune du
Mammouth.
D"" L. Laloy.
Fr. Frech. Ueber die Grûnde des Aussterbens der vorzeitlichen Tierwelt (Causes
de rextiaction des faunes préhistoriques). Archiv fur Rassen und Gesellschafts-
Biologie, t. III, 1906, p. 496.
Ce volumineux mémoire ne nous apporte pas de données bien nou-
velles. 11 peut se résumer de la façon suivante. L'extinction des ^espèces
animales est due d'une part à des causes internes, telles que le gigan-
tisme ou l'adaptation à des conditions étroitement limitées; et d'autre
part à des causes externes qui ont une influence bien plus marquée.
Telles sont les modifications climatiques et géographiques, qui amènent
la destruction des espèces organiques et l'apparition brusque de formes
mieux adaptées aux conditions nouvelles. 11 y a trois de ces périodes
de transformations (Permien, Crétacé supérieur et Quaternaire); elles
sont caractérisées par un refroidissement marqué et par des invasions
glaciaires. Au fond l'auteur se rattache à la doctrine cataclysmique
de Cuvier.
En ce qui concerne la faune du Mammouth, qui nous intéresse plus
directement, Frech fait ressortir que cet animal, avec ses compagnons
habituels, Bison priscus et Rhinocéros tichorhinus, n'a pas dépassé les
Alpes et les Pyrénées et n'a pas pénétré en Scandinavie, parce que ce
pays était couvert d'un manteau de glace, de même que les montagnes
du sud de l'Europe. Cette absence du Mammouth dans les péninsules
du nord et du sud de notre continent serait une preuve de la non-exis-
tence de périodes interglaciaires : il n'y aurait eu, d'après M. Frech,
qu'une seule grande extension des glaces. Dès avant celle-ci, le Mam-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 681
moath existait en Sibérie, et ce pays jouissait d'un climat semblable à
son état actuel, comme le prouvent les restes de végétaux trouvés dans
l'estomac ou entre les dents des Mammouths gelés de Sibérie. Au mo-
ment du refroidissement du climat, les grands herbivores ne purent émi-
grer vers le sud; car les montagnes et les steppes de l'Asie centrale ne
leur fournissaient pas de ressources. Une partie d'entre eux passa en
Amérique part la langue de terre qui occupait l'emplacement du détroit
de Behring. D'autres émigrèrent vers l'Europe. Les causes de l'extinc-
tion du Mammouth résident d'une part dans sa spécialisation (énorme
développement des défenses) qui en faisait un type inadaptatif, d'autre
part dans l'élévation de la température après la période glaciaire.
L'ouverture du détroit de Behring empêcha les Mammouths d'Amé-
rique de regagner leur domaine primitif. La transgression de l'océan
arctique dans l'est de la Russie, et le développement pris par le bassin
caspien ferma la route de Sibérie au Mammouth d'Europe. Cependant
le Mammouth et le Rhinocéros persistèrent encore longtemps en Europe.
Mais ils ne s'adaptèrent pas. Le Renne était au contraire une forme plus
adaptative. Si le Renne des toundras de l'Extréme-Nord conserve encore
les caractères du Renne quaternaire, le Renne des forêts de Scan-
dinavie et le Caribou du Canada sont des formes nouvelles de taille plus
grande et à cornes plus petites. Le Bison arrivé en Amérique avec le
Mammouth, y avait trouvé des conditions à peu près semblables à celles
des steppes asiatiques. Au contraire le Bison d'Europe avait dû se mo-
difier fortement après l'époque glaciaire pour s'adapter à la vie dans
les forêts. Les relations des deux continents à l'époque quaternaire sont
illustrées de la façon la plus remarquable par l'identité de la faune cir-
cumpolaire. Ce n'est que dans l'idaho que l'élément américain prend
décidément le dessus.
En somme ce sont surtout les variations de température qui ont
provoqué l'extinction des faunes quaternaires. Au début de la période,
le refroidissement fait disparaître les formes adaptées à la chaleur.
Après la fusion des glaces, le relèvement de la température cause
l'extinction des formes froides. Quelques-unes d'entre elles (Renne^ Bœuf
musqué) ont persisté parce qu'elles ont pu émigrer dans les régions
arctiques. Le Mammouth et le Rhinocéros n'ont pu regagner la Sibérie,
à cause de conditions géographiques nouvelles et se sont éteints sur
place, en Europe et en Amérique. Quelques espèces enfin ont pu ga-
gner les montagnes et y persister; d'autres se sont adaptées aux con-
ditions nouvelles (Renne des forêts).
M. Frech fait remarquer combien les faunes terrestres des divers
âges sont restées indépendantes dans l'Amérique du Nord et combien
sont rares les espèces nouvelles nées après le changement de climat.
Ces deux circonstances prouvent d'après lui l'unité de la période gla-
ciaire. Car des invasions répétées auraient provoqué un mélange plus
GS2 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
complet des formes autochtones et immij^rées, et des espèces nouvelles
se seraient constituées pendant les périodes interglaciaires.
Dans les périodes géologiques anciennes c'est aussi les formes les
plus difl'érenciées que nous voyons disparaître les premières : Reptiles
jurassiques, Rudistes de la craie, i/ac/iairorfu^ de l'époque tertiaire, etc.
Dans tous ces cas les causes externes, c'est-à-dire les transformations
physiqueset géographiques, jouent le rôle principal. Les causes internes
ne sont qu'accessoires, car on ne saurait admettre qu'une espèce déve-
loppe d'elle-même des propriétés nuisibles qui provoquent directement
son extinction. D"" L. L.
Paul Sarasin. Zur Einfùhrung in das prahistorische Kabinett der Sammiung fur
Vôlkerkunde im Basier Muséum (Introduction à l'étude du cabinet préhistorique
du Musée de Bàle). Bàle, 1906, 8°, 52 p.
Ce petit guide s'adresse au public instruit et donne un exposé clair et
précis des principaux problèmes préhistoriques. 11 permet ainsi de
comprendre l'intérêt des collections qui cessent d'être un assemblage
confus de matériaux, pour prendre vie et éclairer les questions qui se
rattachent à l'origine de l'homme. Nous trouvons dans cette brochure
une courte discussion de la question des pygmées et des théories oppo-
sées de KoUmann et de Schwalbe; plusieurs pages sont consacrées à
l'homme tertiaire et à la question toujours brûlante des éolithes. Se
rangeant à l'opinion soutenue par M. Boule, l'auteur déclare que les
haches chelléennes ont eu certainement des précurseurs, qu'on finira
par trouver, mais que ni les éolithes de Rutot, ni ceux du Puy-Courny
ou de Thenay ne peuvent être considérés comme ces précurseurs.
Les époques paléolithique, néolithique et du bronze donnent égale-
ment lieu à des remarques fort suggestives. L'illustration de la brochure
est très bonne : ce sont des figures en photogravure tirées en général
des collections de Bâle. L'une des plus intéressantes est celle qui montre
l'analogie du temple grec avec une palaffitte, dont le premier serait une
forme idéalisée et stylisée. Les figures qui ont servi à illustrer cette idée
ne sont pas des schémas : ce sont des photographies d'une palaffitte de
Célèbes et du temple de Poestum. Il faut se rappeler que dans les
temples primitifs les colonnes étaient en bois et qu'à l'époque grecque
il y avait des constructions sur pilotis, non seulement au bord des eaux,
mais en pleine terre. Les grandes palaffittes du centre de Célèbes qui
servent à la fois de maison commune, de temple et d'auberge jouent
un rôle analogue à celui du temple grec. D^" L. L.
F. Wahnschaffe. Zur Kritik der Interglazialbildungen, etc. (Les formations inter-
glaciaires des environs de Berlin). Monatsberichte der deutschen geologischen Ge-
sellschaft, 1906, n» 5.
Dans des publications récentes, Wiegers et Menzel avaient soutenu
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 683
qu'il n'y a dans les plaines de l'Allemagne du Nord qu'un seul intergla-
ciaire et par suite deux extensions glaciaires. C'est contre celte opinion
que s'élève M. Wahnschafîe. Il démontre qu'on rencontre, dans les
régions considérées, les traces de deux interglaciaires séparant trois
phases de glaciation. Voici quelle est la succession des couches dans la
province de Brandebourg :
0 à 0 mètres. Sables et alluvioos.
5 — 22 n Moraine supérieure.
22 — 27 .> Sable.
27 — 35 » Moraine moyenne.
35 — 65 ). Sable.
65 — 75 » Marne.
75 — 81 » Banc à paludines.
81 — 99 )) Sable inférieur.
99 — 136 » Argile rubanée.
136 — 178 » Moraine inférieure.
C'est entre les deux moraines supérieure et moyenne que se présente
la faune de Mammifères de Rixdorf.
B' L. L.
G. ScHWALBE. Studien zur Vorgeschichte des Menachen (Contributions à la préhis-
toire de l'Homme), Zeilschrift fur Morphologie und Anlhropo/ogie. Volume spécial;
1906, 228 p., 4 pi. et 62 fig.
J'ai rendu compte d'une façon régulière des travaux de M. Schwalbe
dans les dix derniers volumes de L'Anthropologie. Aussi pourrai-je
être assez bref sur l'ouvrage que j'ai sous les yeux et qui est, pour sa
plus grande partie, le développement des idées soutenues depuis long-
temps par le professeur de Strasbourg. Mais ce livre rendra des services,
car il met en évidence les conceptions générales de l'auteur qu'il n'est
pas toujours facile de retrouver dans chacun des mémoires qu'il a con-
sacrés aux divers crânes paléolithiques et au Pithecanthropus erectufi.
D'après M. Schwalbe la série évolutive qui conduit à l'homme doit être
séparée des anthropoides dont elle se distingue par la station verti-
cale, le développement du cerveau et la disparition du rôle locomoteur
de la main. A ces Ilominides appartiennent : Pithecanthropus, Homo
primigenius et Homo sapiens. Schwalbe considère aussi bien Pithecan-
thropus que H. primigenius comme les ancêtres directs de H. sapiens
11 a été amené à cette manière de voir par une série d'études anato-
miques qui ont été analysées ici même. Une monographie du fragment
de crâne de Brux, contenue dans le présent ouvrage, vient corroborer
cette théorie.
La première partie de cet ouvrage traite de la descendance de
l'homme d'une façon générale et a surtout pour but de réfuter l'hypo-
thèse de Kollmann, d'après laquelle l'ancêtre de l'homme actuel ne
serait pas H. primigenius^ mais des pygmées provenant de petits anthro-
684 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
poïdes {Anthrop., t. XV, 1904, p. 385 et t. XVI, 1905, p. 683). Schwalbe
s'élève éijjalement contre la théorie de Klaatsch, qui fait descendre
l'homme directement de Mammifères éocènes, sans passer par les Sinj^es.
Avant Klaatsch, Cope avait déjà donné pour ancêtres directs à l'Homme
des Lémuriens fossiles, Schwalbe insiste sur les caractères communs à
l'Homme et aux Singes et qui font défaut chez les Lémuriens. Ils
montrent la parenté étroite qui existe entre l'Homme et les Singes et
spécialement les Anthropoïdes. Keith, dont les chiffres ont été publiés
par iMacnamara, a montré que l'Homme a 396 particularités anatomiques
en commun avec le Chimpazé, 385 avec le Gorille, 272 avec l'Orang-ou-
tang et 188 seulement avec le Gibbon. Celui-ci se serait donc détaché le
premier du tronc conduisant à l'Homme, l'Orang un peu plus tard, les
deux autres anthropoïdes en dernier lieu. Notons que d'après Keith,
312 particularités anatomiques seulement sont spéciales à l'Homme.
Cette méthode de statistique pour déterminer la parenté des êtres paraît
assez ingénieuse. Elle donne cependant des résultats moins concluants
que la réaction biologique du sang (Anthrop., t. Xlll, 1902, p. 553) que
je m'étonne de ne pas voir citée par M. Schwalbe puisqu'elle confirme
sa théorie de l'affinité zoologique de l'Homme et des Anthropoïdes.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée avons-nous dit, au crâne
de Brux ; elle constitue une monographie très complète de cette pièce, à
laquelle M. Schwalbe a appliqué les méthodes qui lui ont permis d'étu-
dier certains fragments crâniens très incomplets. Il a pu ainsi rectifier
les idées qu'on s'en faisait et établir leur véritable place dans la série.
C'est ainsi qu'il a montré que le crâne d'Egisheim n'appartient pas au
groupe Neanderlhal, mais bien à l'Homme actuel. Celui de Brux forme
avec celui de Galley Hill^ la transition entre H. primigenius et H, sapiens.
On peut donner à ce groupe le nom de H. sapiens, var. fossilis. C'est
surtout par l'indice de hauteur de la calotte (47,5) que le crâne de Brux
est intermédiaire entre le groupe Spy-Neanderthal (40 à 44) et l'Homme
actuel (52 à 68). L'angle bregmatique est de 44" à 47'' chez H. primige-
nius, de 48° sur le crâne de Brux, de 53° à 64^ chez H. sapiens.
Dans un troisième chapitre, Schwalbe étudie le crâne de Cannstatt et
montre qu'il doit être définitivement rayé du grou'pe primigenius. Il n'a
pas les bourrelets sus-orbitaires du Neanderthal. Tandis que chez celui-
ci la partie glabellaire du frontal, est égale aux 44 centièmes de sa partie
cérébrale, sur le crâne de Cannstatt cet indice n'est que de 18. L'angle
bregmatique de ce crâne est de 60°. Son indice de hauteur de la calotte
est de 59 à 60. Tels sont les principaux caractères qui montrent que le
crâne de Cannstatt appartient au groupe moderne. On pourra s'en
occuper encore au point de vue de l'histoire de l'Anthropologie ; il ne
sera plus possible d'en faire le type d'une race préhistorique.
D*" L. L.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 685
J. NuEscH. Das Kesslerloch bei Thayngen, neue Grabungen und Funde (Le Kess-
lerloch, près de Thayugeu, canton de Schaffhouse, uouvelles fouilles et décou-
vertes). Anzeiger filr schweizerische Altertumskunde, 1905, fasc. 4 (13 fig.) (1).
Le Kesslerloch est exploité depuis 1898 avec le soin minutieux que
M. Nuesch et ses collaborateurs apportent dans ce genre de travaux et
qui n'est possible que lorsqu'on dispose de moyens pécuniaires suffi-
sants. Les gisements étrangers sont pauvres comparativement à nos
dépôts des Eyzies; on peut juger des résultats que donneraient ceux-ci
si on disposait de ressources suffisantes pour les étudier à fond, au lieu
de les laisser gâcher par les touristes et les marchands de curiosités.
Parmi les 650 objets qu'ont mis au jour les fouilles récentes du Kess-
lerloch, il faut citer particulièrement deux statuettes représentant
l'une un homme, l'autre un poisson; toutes deux assez rudimentaires.
Ces figurines sont en bois de Renne. Il y a des harpons, des « bâtons de
commandement» et d'autres instruments en bois de Renne ou en ivoire
couverts d'ornements géométriques très réguliers, parmi lesquels les
rangées de losanges prédominent; des gravures représentent l'une un
Cervidé, l'autre un animal indéterminé; d'autres peuvent être inter-
prétées comme des plantes. Aucun de ces dessins ne saurait être com-
paré comme facture à ceux du renne broutant et du cheval trouvés pré-
cédemment.
Si l'on se rappelle que la même station avait déjà donné une tête de
bœuf musqué et un lièvre sculptés en ronde-bosse, on voit que les arts
plastiques y sont fort bien représentés. On peut y étudier leurs divers
stades, depuis la ronde-bosse jusqu'à la gravure au trait et aux orne-
ments géométriques. Mais on ne saurait sans injustice placer, comme
le fait Wôrmann, dans son Histoire de lart, les productions artistiques
de la Suisse au dessus de celles des Pyrénées et de la Dordogne.
Les instruments de silex ont été recueillis au nombre de plus de
10.000. 11 est certain que dans ce chiffre sont compris des éclats insi-
gnifiants, puisque certains n'ont que 15 millimètres. Ces instruments,
comme ceux du Schweizersbild, répondent le plus souvent aux types
de la Madeleine. La faune correspond à Père de la toundra et à celle des
steppes^ comme dans les deux couches inférieures du Schweizersbild.
Les restes de -mammouth et de rhinocéros sont assez nombreux, alors
qu'au Schweizersbild il n'y en a que des traces. Au Kesslerloch il y a
des défenses de mammouth brutes ou travaillées. Un foyer contenait
des os brisés et calcinés de mammouth, de rhinocéros, de renne, de
cheval et de lièvre polaire. On trouve en outre des espèces forestières
et d'autres qui vivent dans l'eau ou daus son voisinage. Nehring
(1) La publication détaillée, avec la coopératiou de MM. Studer et Schôtensack a
paru daus les Neue Denkschriflen der aUf/emeinen Schweizerischen nalurforschenden
GeselLschaft, t. XXXIX, fasc. 2, Zurich 1904 (34 pi.).
686 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
fait remarquer que les parties subarctiques de la Sibérie présentent
encore aujourd'hui un pareil mélange de faunes, à la limite de la steppe
et de la toundra, dans les endroits coupés de vallées fluviales bordées
de forêts.
Le Kesslerloch a donné dès 1874 les débris d'un squelette humain
actuellement conservés au musée de SchafThouse. C'est un individu
•adulte de très petite taille, à ossature gracile. Son fémur mesure
32 centimètres, ce qui correspond à une taille de 1"',20; celui des pyg-
mées du Schweizersbild varie de 35 à 39 centimètres (taille moyenne
l'",42). Ce squelette était acccompagné d'os de cerf et de cochon et de
tessons de poterie. Il appartient donc à l'époque néolithique.
Le Kesslerloch et le Schweizersbild sont postérieurs au maximum de
la dernière grande glaciation alpine. Le Kesslerloch est plus ancien que
le Schweizersbild : il a été habité à la fin de l'âge du Mammouth et au
début de celui du Renne. Le Schweizersbild n'a été colonisé qu'a la fin
de Tâge du Renne. Ses couches paléolithiques correspondent au stade
glaciaire de Buhl, tandis que le Kesslerloch est synchrone à l'oscillation
d'Achen, où la température était un peu plus clémente. Il y a eu, du
Kesslerloch au Schweizersbild, une régression marquée de la production
artistique, sur laquelle Penck a insisté. Le développement artistique du
Kesslerloch est dû sans doute aux conditions plus favorables où vivait
l'homme à cette époque, et à l'abondance de la faune qui lui laissait
des loisirs. Le Kesslerloch apporte la preuve indiscutable de la contem-
poranéité de l'homme, en Suisse, avec le Mammouth, le Rhinocéros et
le Lion des cavernes. Avec le Schweizersbild, cette station forme un
ensemble qui jette une vive lumière sur les variations de la faune et
de la flore, sur les changement du climat, et le développement de la
civilisation, depuis la dernière glaciation alpine jusqu'à l'époque
actuelle.
D' L. L.
E. T. Hamy. Matériaux ponr l'histoire de l'archéologie préhistorique, 22 p. S».
Ext. de la Revue archéol.^ Paris, 1906.
J'ai publié jadis un volume sur L'Age de la Pierre dans les Souvenirs
et Superstitions populaires et aussi, dans les Matériaux, diverses suites
à cet ouvrage, par exemple des textes de nos précurseurs, Mercati,
Mahudel, Hehving, de Jussieu et autres auteurs qui les premiers firent
de l'archéologie préhistorique et de l'ethnographie comparée. Je me
réjouis de voir que notre ami, le D"" Ernest Hamy qui avait, avant moi,
traité ce sujet y revient aujourd'hui avec sa profonde érudition, sa pré-
cision bibliographique. II a publié pour certains textes des traductions
et à la place de mes résumés des documents originaux qu'il a su retrou-
ver dans des dépôts peu accessibles au public. Il a donné à des faits en
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 687
partie connus une saveur nouvelle et des compléments essentiels. Ce
sont mes matériaux revus, corrigés, augmentés, présentés comme sait
si bien le faire le D'" Hamy, en une gerbe fort séduisante, il nous donne
la biographie de Mahudel à peu près ignorée de nous et le texte com-
plet de son mémoire intitulé : Les monuments les plus anciens de Vin-
dustrie des hommes et des arts reconnus dans les Pierres de Foudre, con-
servé dans les Archives de l'Académie des Inscriptions.
E, Cartaildac.
G. Hervé. Contribution à l'histoire des mégalithes, p. 70-72. Bull, de la Soc.
d'Anthrop. Paris, 1906.
M. Hervé nous signale un document en rapport avec la survivance
des cultes mégalithiques. Au procès fait à Nantes en 1440 contre Gilles
de Laval, maréchal de France et sire de llays convaincu de sorcellerie,
de magie, de démonolâtrie, et condamné au supplice, un témoin et com-
plice vint raconter leurs invocations diaboliques. « Une nuit, par un
grand vent. Monseigneur et maître François eurent fantaisie d'invoquer
certain démon qui tient sous sa puissance les trésors cachés : nous par-
tîmes de Machecoul vers la mi-nuit, couverts de capes de pluie, car il
ventait et pleuvait à merveille; nous allâmes ainsi en un pré où. sont
de grandes pierres levées. Maître François traça un cercle magique avec
un coutelas trempé dans le sang, et planta ledit coutelas au milieu, la
pointe en haut; après quoi il nous dit de venir dans le cercle, pour
éviter l'atteinte des démons, etc. (voir P. L. Jacob, Curiosités de l'Hist.
de Fr., procès célèbres, 1858, p. 84).
A la suite de cette communication on a souhaité la recherche des
dites pierres aux environs de Machecoul. Peut-être le temps les a-t-il
épargnées.
E. C.
Paul Goby. Description et fouille d'un nouveau dolmen près Cabris, prés Grasse.
20 p. 8°, fig.
M. Goby est un des plus zélés préhistoriens du midi et l'un des plus
heureux. Il est aussi des mieux inspirés. Il travaille avec méthode et
patience. Son mémoire sur ce nouveau dolmen pourrait servir de
modèle. Sans exagérer les informations il donne toutes celles qu'il faut :
situation, nature du terrain, moyens d'accès, altitude, aspect du dol-
men avant les fouilles. Description et relevés de coupes et de plans
après les recherches, objets recueillis, conclusions forment autant de
parties étudiées avec soin. Ce dolmen, au centre d'un tumulus surbaissé,
avec antichambre et chambre sépulcrale, déjà ruiné, et violé a livré
quantité de fragments d'os de 35 à 40 individus ; 94 perles ou pende-
loques en os, en coquilles, pierres diverses, deux silex taillés^ deux
688 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
anneaux, une sorte de boucle, etc., en bronze, des tessons de poteries
variées, de la forme dite tulipe et autres. Les ossements calcinés étaient
assez nombreux et à divers niveaux.
E. G.
D'Arbois de Jubainville. Le culte des menhirs dans le monde celtique, p. 146, 152,
Comptes rendus de VAcad. des Inscr., 1906.
Jules César (Vi, 17 du De bello gallico) signale en Gaule les Simulacra
de Mercure. Ces Simulacra étaient des pierres brutes dressées debout,
des menhirs comme le faisait observer en 1890 M. S. Reinach.
L'expression Simulacrum, donl Jules César fit usagepour désigner ces
menhirs divinisés, se trouve aussi dans une vie de saint Samson,
évêque-abbé de Dol au vi^ siècle, écrite probablement au commence-
ment du siècle suivant.
Saint Samson allait en Bretagne, il entendit en route des hommes
adorant une idole à la manière des bacchantes. Il vit devant eux, sur
le sommet d'une montagne, une image abominable, Simulacrum abomi-
nale. « J'ai été sur cette montagne, dit Thagiographe, et j'ai adoré la
croix que de sa propre main, avec un instrument de fer, saint Samson
avait gravée sur la pierre levée, in lapide stante, j'ai touché de la main
cette croix ».
Saint Samson se conformait à une constitution de l'çmpereur Théo-
dose II, promulguée en 435 et qui a été insérée au Code Théodosien
promulgué en 438.
M. D'A. de J. cite plusieurs exemples du culte des pierres levées dans
le monde celtique, deux en Irlande couvertes d'or et d'argent. Une de
celles-ci, dépouillée de cette parure, fut plus tard conservée dans
l'église de Clogher, comté de Tyrone. Un auteur de notes ajoutées au
martyrologe d'Oengus a vu cette pierre et remarqué les traces des
attaches par lesquelles aux temps païens les ornements d'or et d'argent
étaient fixés.
M. D'A. de J. ajoute que nous ne voyons nulle part que les menhirs ado-
rés par les Gaulois continentaux portassent des ornements'd'or et d'ar-
gent. Mais il cite des textes prouvant la permanence du culte. Un traité
de droit irlandais cite quelque fois parmi les bornes de délimitation une
pierre d'adoration.
Le savant auteur termine sa note en disant que « le culte des pierres
levées peut remonter à la population primitive qui a précédé les Indo-
Européens et à laquelle on doit les monuments mégalithiques. Les
Indo-Européens, se superposant à cette population sans la supprimer,
ont pu adopter en partie son cuite sans abandonner complètement pour
cela l'usage de leurs pratiques religieuses traditionnelles, ainsi qu'ont
fait les Germains, vainqueurs des Romains et devenus chrétiens à l'imi-
tation des vaincus ». E. C.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 68^
Th. Thomsen et A. Jassen. Une trouvaille de Tancien âge de la pierre, la trouvaille
de Braband. {Mém: Soc. R. Antiq. du Nord, 1904), p. 162-232. Copenhague.
C'est dans le Jutlaad oriental, à environ 4"^™, 7 à l'O. S. 0. de la ville
d'Aarhus, à l'extrémité est du lac allongé et étroit de Braband. lequel
se déverse dans le Cattegat par la rivière d'Aarhus. Un îlot de l'ancien
âge de la pierre se composait de couches irrégulières de gravier, de
sable, de vase marine, sur un fond de gravier et de sable. Toutes
avaient des objets. Le grand tranchet à tranchant large est ici très
abondant, ordinairement très fatigué par l'usage, brisé, hors de service.
11 y a des exemplaires neufs et des ébauches. Les plus grands ont
11<="\5, les plus petits 4 de long sur une largeur de 2<^™,6, ceux-ci, fort
grêles par conséquent, on les employait comme pointes de flèches à la
façon des petits tranchets. Leur nombre diminue de haut en bas. En
haut ils étaient associés à quelques haches et herminettes de silex. En
haut et en bas étaient de rares haches en diorite à sommet arrondi,
parmi lesquelles trois gouges. Nombreuses étaient les lames de silex;
les grattoirs étaient variés ; les pointes de flèches à tranchant transver-
sal peu fréquentes.
En fait d'objets en corne de cerl on cite un petit nombre de haches,
des formes ordinaires, en général usées, avec douille pour le manche
en bois qu'on a recueilli entier une fois (en bois de coudrier) ; un spéci-
men porte des motifs ornementaux. Eu bas sont les haches dont le
sommet est formé par le gros bout de la corne. Il y a aussi des percu-
teurs, « ces outils si nécessaires pour façonner délicatement le silex ».
En os étaient des pointes, deux outils désignés sous le nom de poi-
gnards, analogues à ceux qui chez les Esquimaux du détroit de Behring
servent à percer les peaux épaisses. Un peigne à queue semblable à
celui de Meilgaard, bien connu. On a découpé des rondelles d'os dans
des omoplates, et Ton fabriquait avec elles de petits anneaux.
Poteries. — On a pu reconstituer trois vases dont un en terre mal
cuite, élargi aux bords et à la panse, le fond pointu. On a des fragments
en nombre.
Les objets en bois se sont conservés par exception grâce aux pro-
priétés de la couche vaseuse. Le plus remarquable est un « boomerang »
en érable de 0^"%41, larg. max. 5 cm. s'amincissant régulièrement
vers les deux extrémités et l'une de celles-ci est plus épaisse, forme poi-
gnée. Les auteurs rappellent que cette arme n'est pas spéciale à
l'Australie, qu'elle existait de nos jours chez les Kolariens du sud de
l'Inde, chez des nègres de l'Afrique orientale, et dans l'antiquité en
Egypte. On l'avait déjà rencontrée dans une tourbière danoise.
Braband a fourni en outre un arc en bois de frêne, une petite mas-
sue en coudrier, d'autres plus trapues, des baguettes aux bouts pointus,
ayant pu servir à faire des « fouines » pour harponner le poisson, des
l'anthropologie. — T. XVII. — 1906. 44
C90 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
piquets légers en coudrier disposés sans ordre apparent devaient avoir
joué un rôle dans l'eau, peut-être pour la poche.
Les os de cerf dominaient, puis le sanglier, puis l'aurochs [Bos tau-
rus Urus) — c'est ainsi que les auteurs s'expriment; d'oii nous pouvons
conclure qu'il n'est en rien question du bison, c'est l'Urus qu'ils appellent
Aurochs — le chevreuil, la marte des bois, puis le chien et le phoque
gris [Halichœurus gripus). On a trouvé Félan dans le haut du dépôt. Il
faut citer aussi le dauphin, le renard, le chat sauvage, l'ours. Encore
plus rares quelques oiseaux, un seul poisson.
Les conditions géologiques de ce gisement sont étudiées avec soin par
le second des auteurs dans un chapitre spécial et elles fournissent de
précieux renseignements pour l'étude des oscillations du sol du Dane-
mark La conclusion est que la partie inférieure de la couche vaseuse
et les couches marines de sable et de gravier côtiers placés en dessous
et qui contiennent aussi des objets préhistoriques, doivent être plus
anciennes que les amas de coquilles, et se relient aux trouvailles de
Maglemose, près de Mullerup.
En terminant M. Thomas Thomsen recherche l'origine de tant
d'objets. Il écarte nettement l'hypothèse d'une cité lacustre. Il ne croit
pas non plus à des habitations flottantes. Peut-être les hommes ont-ils
stationné sur l'eau glacée. En somme on ne peut pas expliquer un cer-
tain nombre de faits pourtant bien observés.
E. C.
E.-T. Hamy. Pierres levées et figures rupestres du Tagant, p. 100-103, 1 fig.
Bull. Soc. (VAnthr. Paris 1906.
M. Robert Arnaud, attaché à la mission qui a exploré la Mauritanie, a
découvert des dalles de grès, stèles grossières arrondies au sommet qui
mesurent en moyenne l°i,20 de hauteur, 1 mètre de largeur et 0™,40
d'épaisseur, à face lisse, regardant le Sud, formant une sorte de quil-
lier aux pièces équidistantes. Cet ensemble rappelle au D'" Hamy les
S'nbs des Denhadja que ces montagnards dressaient encore sur les
hauteurs et que leurs voisins et ennemis les Ouled-Meçaoud et les
Hazelsa s'acharnaient à renverser.
M. R. Arnaud a découvert et photographié des roches peintes et gra-
vées au voisinage des sources de l'Oued Garaouat, un bouclier, des
guerriers armés de ce bouclier et brandissant un javelot au bout d'un
bras démesurément allongé, des cavaliers montés sur des équidés.
Aucun signe ne rappelle les alphabets berbères, anciens ou actuels. On
ne connaissait encore aucun vestige de ce genre au-dessous des itiné-
raires du rabbin Mardochée dans le Sous-Marocain.
E. G.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 691
Lieut. Desplagnes. Le plateau central nigérien, p. 73-86 et VIII pi. Bull. Soc. dCAn-
throp. Paris, 1906. — Une mission archéologique dans la vallée du Niger, p. 81-
99, Xm, 2, 1906 {La Géographie). Paris.
L'auteur est l'un des plus sympathiques parmi les nombreux officiers
qui sont attachés à notre œuvre de pénétration dans l'Afrique occiden-
tale. Il a les qualités d'observateur méthodique et très avisé. J'ai
admiré à l'exposition coloniale de Marseille non seulement ses éton-
nantes collections d'objets de l'âge de la pierre, mais surtout ses pho-
tographies, ses dessins, ses cartes, documents inédits et précieux dont
je souhaite, sans trop l'espérer, la publication intégrale. Il est si ordi-
naire en France de voir tomber dans l'oubli les travaux des explora-
teurs lorsqu'un éditeur en a tiré un livre expurgé de salon ou de jour
de l'an, et quelques revues de courts articles.
Le lieutenant Desplagnes avait obtenu une mission de l'Académie des
Inscriptions qui doit bien se réjouir aujourd'hui d'avoir favorisé ces
recherches. Il a donné à la Société d'Anthropologie un résumé de ses
observations diverses sur le plateau central nigérien, et à la Société de
Géographie un exposé archéologique très sommaire.
Dans la partie moyenne de son cours le Niger décrit un grand arc de
cercle vers le Nord, autour d'un haut massif rocheux, véritable plateau
central soudanais. Il y a là quantité de régions élevées, de plateaux,
de tables, de pilons, séparés les uns des autres par de profondes cassures
(5 à 600 m.), on dirait parfois les causses du Quercy. Ce massif déli-
mite le rebord sud de la grande cuvette lacustre nigérienne où, dans la
saison des hautes eaux, émergent sur leurs îlots de sable les paillotes
des villages dans la verdure. C'est une merveilleuse zone de pâturages,
riche terre à céréales, déjà très peuplée à l'âge de la pierre polie afri-
caine ; les instruments et les monuments mégalithiques y abondent.
Les ateliers, ainsi que des stations de pécheur, également néolithiques,
sont remarquables par la grande quantité d'éclats de grès, de quartz
et de silex dont ils sont parsemés, avec hachettes, couteaux, grattoirs,
pointes de flèches en silex, objets de parure, ossements, poteries. De
plus gros objets, des haches de 0"^,60 de long, se rencontrent principa-
lement dans les cimetières actuels des nomades, qui les placent auprès
de leurs morts, en raison de leur origine soi-disant surnaturelle et
céleste.
Les monuments sont des pierres levées, tantôt des trilithes, la pierre
médiane s'élevant à S'^^TO et les autres à 1"^, 50, dans un spécimen — se
rattachant peut-être à celles que l'on trouve encore aujourd'hui dans
tous les villages Habbés et sur lesquelles les indigènes font des liba-
tions et des sacrifices — tantôt des groupes de nombreux monolithes,
15, 20, colonnes ouvragées, ornés de dessins linéaires ou sculptés en
forme de tête humaine, ayant évidemment de l'analogie avec les
menhirs anthropoïdes de France.
692 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Il y a encore de grands murs de défense en gros blocs barrant les
vallées et les cols.
Des dessins rupestres grossiers exécutés en rouge (oxyde de fer) sur
les rochers quartzeux, cavaliers, chameliers, différents animaux,
quelques signes.
Les sépultures variées, de diverses races, couvrent le pays. Les
tombes berbères formées de grands cercles de pierres levées ; la cou-
tume en existe encore chez les Kel Antassars et les Iguellads. Puis les
tombes Mosschis et Gourmankès dans lesquelles le cadavre est placé
avec ses vêtements et ses armes au fond d'un puits, qui est fermé d'une
dalle surmontée d'un vase renversé et entouré d'un cercle de grosses
pierres. Les tombes sont marquées par une pierre verticale et des ran-
gées de poteries funéraires percées de trous.
Bien avant notre ère les populations connurent l'art de travailler les
métaux, de tisser les étoffes, de fabriquer des poteries et Ton en trouve
de multiples témoignages dans de gigantesques tumuli qui ont une aire
de dispersion fort étendue et grâce auxquels on pourra déterminer la
civilisation et la répartition des peuples qui appartenaient au célèbre
empire de Ganatha au x^ siècle.
Dans les massifs montagneux les cadavres sont placés sous des abris
de rochers ou entassés dans des grottes, tantôt enfermés sous des
espèces de dolmens formés par une fissure naturelle et verticale des
rochers que l'on recouvre de larges dalles; enfin, d'autres sont abrités
par dizaines dans de petites cases minuscules, accrochées sous des
abris de rochers les plus difficilement accessibles, et dont l'usage con-
tinue.
M. Desplagnes a noté soigneusement tous les rites des populations
actuelles, en particulier tout ce qui concerne les morts. Nous signalons
un détail plein d'intérêt pour nos études comparatives. Nous voyons le
corps lavé et colorié en rouge, etc., avant d'être grimpé dans sa demeure
dernière, la petite case de la montagne, sous une fente de rocher.
Que de faits intéressants un peu partout signalés I lorsqu'il est ques-
tion soit du chef sorcier, le Laggam redouté, intermédiaire entre les
divinités malfaisantes et les hommes, qui habite seul au sommet de la
montagne dans une case très ornementée de sculptures et de bas
reliefs, soit des fêtes et des danses auxquelles prennent part nombre
déjeunes gens, masqués et travestis, représentant l'esprit des ancêtres.
Chaque famille doit entretenir et orner plusieurs de ces travestisse-
ments. Tous ces renseignements sont illustrés par des centaines de
photographies dont 25 ont été publiées.
Le lieutenant Desplagnes^ au moment où j'écris, repart pour l'Afrique,
nos vœux le suivent.
E. G.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 693
A. DOS Sântos Rocua. Le musée municipal de Figueira da Fos ; Catalogue général
Figueira, 1905, 208 p. 8°.
Voilà an bon exemple que donne le Portugal, décidément toujours
plus éveillé que sa voisine l'Espagne. En 1892 on fonde un musée dans
une ville de province, c'est l'œuvre de quelques notables du pays. En
avril 189411 est inauguré, et grâce à l'activité de la Société archéologique
locale dont j'ai signalé les travaux, il compte déjà 8400 numéros^ et il
a la bonne fortune d'avoir un catalogue imprimé 1 Nous y voyons
61 pages consacrées à l'âge de la pierre. Le reste à l'avenant. Il y a une
section de protohistorique, une section luso-romane, des sous-sections
pour la suite des antiquités. Nous notons aussi une salle des comparai-
sons qui ferait envie à de très grands musées. Le nombre considérable
des donateurs est la preuve du zèle du conservateur du musée et de
l'estime qu'il inspire-.
E. C.
F. Tavares de pkoença. Notice sur deux monuments épigraphiques. Goimbra,
1905, 14 p. 8°, 2 phot.
L'auteur s'intéresse aux recherches d'archéologie préhistorique. Il a
fouillé aux environs de Castello Branco plusieurs nécropoles dolméniques,
et sa collection ne compfe pas moins de 450 haches de pierre polie.
A 3 kilomètres de cette ville, et au sud-est, au lieu dit Mercoles,
sont les vestiges d'une ville romaine du nom de Castra Leuca, et la tra-
dition parle d'une autre ville nommée Belcagia. A côté est la colline de
S. Marlinho au sommet de laquelle on a trouvé les deux monolithes
qu'il signale. L'un mesure l'^jôS de haut sur O'^fi^ de face et 0°',32
d'épaisseur. L'autre 2°^,22 sur 0°^,40 de face et 0°^,40 de côté. Ce sont
des blocs destinés à être plantés dans la terre; dans ce but leur base
n'a pas été façonnée. Tous deux ont des figures sommaires, gravées au
trait sur une face : sur l'un on dirait deux silhouettes humaines, deux
bonhommes, et, au bas, une rangée de lignes ornementales; sur l'autre,
un bonhomme tirant de l'arc, vers le ciel, d'autres signes inexplicables,
et peut-être des barques dans le genre de celles qui sont gravées sur
les dolmens bretons. Le mystère, malgré notre bonne volonté, reste
entier, et je ne vois pas la possibilité d'une comparaison à faire; mais
je ne serais pas surpris que ces menhirs fussent pré-romains.
E. C.
Dr A. GuEBHARD. Essai d'inventaire des enceintes préhistoriques (Castélars) du
département du Var, p. 64, 8°, 32 flg.
P. GoBY et A. GuEBHARD uous out déjà donné (Afas, t. XXXIÎI, 1904,
p. 1068-1109; fîg. carte) sur les enceintes préhistoriques des Préalpes
maritimes les meilleurs renseignements. Nous avons pu les appré-
(;<)i MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
cicr au cours de riuuabiiable excursioa qu'ils guidèrent avec tant de
bonne grâce après le Congrès de Monaco, cette année môme. 11 s'agis-
sait dans ce consciencieux travail de 87 enceintes du seul arrondisse-
ment de Grasse. M. Guebhard, avec son zèle admirable et qui touche à
tant de domaines, a dressé le même inventaire pour le département
voisin.
Son essai d'inventaire, repéré sur la carte au 1/320000% marque après
les coordonnées géographiques, l'allitude, les désignations locales, les
références bibliographiques, pour plus de 160 enceintes. Puis, emprun-
tant des notes à de nombreux collaborateurs dévoués à ces recherches,
il fournit une fiche illustrée, détaillée, sans phrases inutiles sur quantité
de ces monuments. Il y a bien longtemps que j'ai engagé M. Guebhard
à étudier ces camps prétendus ligures. Je me réjouis de constater que
grâce à son impulsion, un peu partout en France, les enceintes fortifiées
préhistoriques sont à Tordre du jour.
E. G.
Harriet a. Boyd. Gournia, Report of the american exploration Society's excavation
at Gournia, Crète, 1904. University of Pennsylvania. Transactions of Lhe depart-
ment of archaeolorjy. Free Muséum of science and art. Vol. 1, fasc. li, 1905. p. 177
(2 pi.).
EDITH H. Hall. Early painted pottery from Gjurnia, Crète, ibid., p. 191 (8 pL).
Richard B. Seager. Excavations at Vasiliki, 1904, ibid., p. 207 (2 pi.).
Gournia est situé dans l'isthme de llierapetra. Les fouilles poursui-
vies depuis 1901 ont mis à jour une petite ville mycénienne avec son
palais et ses maisons. II y a de plus, à Gournia même et dans le voisi-
nage, des sépultures et des ruines remontant à une époque plus
ancienne. Les trouvailles faites dans l'isthme rentrent dans trois groupes
principaux : 1° une époque très ancienne caractérisée par une poterie
grossière; 2° la période de « Kamares »; 3° la fin du Mycénien. En réu-
nissant toutes les données fournies par la céramique on a une série qui
va du troisième millénaire avant notre ère jusqu'à l'âge du fer.
1° Poteries sub-néolithiques à décor géométrique, noir sur fond blanc
clair. Elles ressemblent à celles des Cyclades et proviennent de tombes
pratiquées dans des dépressions de la roche à Gournia et à Aghia
Photia, et de la couche la plus profonde de Vasiliki.
2° Poteries de formes troyennes, à becs démesurément longs, à décor
noir et rouge, bigarré et à surface polie.
3° Poteries blanches sur fond noir, à ornements géométriques, pro-
venant d'un dépôt situé au nord de Gournia.
4" Type de « Kamares» et prototypes des formes locales de Gournia,
trouvés en dessous du sol des maisons.
5" Poterie de Gournia, avec diverses subdivisions allant du stade de
Théra, du style des Cyclades, au style du palais de Knossos.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 695
6* Style mycénien réceiil.
7° Sous-mycénien, de Vronta et du kastro de Kavousi. Apparition du
fer.
8° Style géométrique du premier âge du fer.
M. Boyd décrit les classes 1 et 4; le travail de M. Seager a pour objet
la classe 2; M'if Hall enfin s'occupe des poteries du groupe 3. Comme
il est presque impossible, en Tabsence de figures, de décrire conve-
nablement des poteries, nous nous attacherons surtout au travail de
M. Seager, qui donne un exposé complet des fouilles effectuées à Vasi-
liki.
La Kephala de Vasiliki est une crête calcaire basse située dans une
vallée étroite, entre les montagnes abruptes qui traversent Tisthme de
Hierapetra. Sur le sommet de cette crête se trouvent des murs attei-
gnant 3 mètres de hauteur. 11 est probable qu'il s'agit d'une seule
construction complexe et non d'un assemblage de maisons distinctes.
On trouve d'ailleurs les restes de plusieurs édifices superposés et se
rapportant à trois périodes. La céramique permet d'en distinguer
quatre. En effet la poterie la plus ancienne date d'une époque anté-
rieure à la construction du bâtiment le plus ancien. Ce sont des vases
sub-néolithiques, à décors géométriques, du même type que ceux des
tombes de Gournia. La deuxième période a donné des vases du style
des Cyclades, à dessins géométriques peints en noir sur fond clair.
Ces dessins dérivent directement de ceux qui sont marqués en creux
sur les poteries néolithiques, et qui étaient remplis d'une pâte blanche.
Mais cette évolution n'est pas marquée à Vasiliki, où dès le début on
trouve la poterie peinte entièrement développée et où la poterie néoli-
thique ne présente pas de remplissage blanc. Les vases de cette période
sont d'ordinaire faits à la main, et de forme assez lourde.
A la troisième période, les murs de l'ancien édifice ont été jetés à
bas pour faire place à une construction nouvelle. C'est la phase de plus
grande prospérité de la station. Le style des Cyclades a entièrement
disparu, et est remplacé par une poterie qui n'était représentée jusqu'à
ce jour que par un fragment provenant de Zakro. En réalité cette céra-
mique forme une catégorie spéciale dans l'évolution de la Crète et a
régné sans conteste à une certaine période, du moins dans l'est de l'Ile.
Ce type se retrouve à Gournia et à Aghia-Photia. Il est caractérisé par
Texagération des cols, des becs et des anses. La pâte est marbrée par
l'action du feu; elle présente en général un fond rouge-orangé et des
taches noires. Ces vases rappellent les poteries libyennes de l'époque
pré-dynastique de Pétrie.
Dans la quatrième période, des constructions peu solides ont succédé
aux fortes murailles de la période précédente. La poterie présente des
dessins géométriques blancs sur fond noir; les formes sont moins
variées qu'avec les vases marbrés. A Vasiliki les tessons de ces poteries
G96 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
sont épars au niveau supérieur et rien n'a succédé à cet établissement.
A Cournia au contraire ils ont été rassemblés en tas par les envahis-
seurs, qui se sont établis sur les ruines des constructions des époques
précédentes. Ce type conduit directement au Minoen moyen ou type de
Kamares.
D"^ L. Laloy.
René Dussaud. Questions mycéniennes. Rcv. hist. des Religions. Paris, 1905, 40 p.,
10 fig. — La Troie homérique et les récentes découvertes en Crète, p. 37-56,
25 fig. Rev. Bull, de l'École Anlhr. Paris, 1905. — La civilisation préhellénique
dans les Cyclades, p. 105-132, Ibidem 19ÛG, 54 fig. — Fouilles récentes dans les
Cyclades et en Crète, p. 109-132, 12 fig. Bull. Soc. Anthr. Paris, 1906.
L'Anthropologie a eu la bonne fortune de publier en 1902 p. 1-39, 1904,
p. 257-296 des articles fort remarqués de M. Salomon Reinach sur la
Crète avant V histoire. Notre confrère nous a également parlé des coupes
de Vaphio et des autres découvertes d'intérêt capital qui se sont succédé
dans l'orient de la Méditerranée. Nos lecteurs sont donc au courant.
Mais ceux qui ne connaissent pas les articles de M. R. Dussaud qui
supplée avec autorité M. Philippe Berger au Collège de France nous
sauront gré de les leur signaler. Ici d'ailleurs nous devons consigner
la bibliographie aussi complète que possible du pré et du protohisto-
rique.
M. R. Dussaud ne se contente pas de résumer les travaux publiés par
A. Evans et ses émules, par tant d'érudits qui se passionnent un peu
partout pour ces études préhelléniques. Il ajoute sa note très person-
nelle ; ses critiques ont une réelle portée car il a étudié lui-même les
localités et les monuments. Et je ne crois pas commettre une indiscré-
tion en ajoutant qu'après un nouveau voyage en Orient il a le projet de
visiter avec le même soin le bassin occidental de la Méditerranée. II
sera évidemment très en mesure de répandre beaucoup de lumière sur
une foule de questions posées et d'en faire surgir de nouvelles.
E. Cartailhac.
René Dussaud. La matérialisation de la prière en Orient, p. 213-220. Bull, de la
Soc. d'Anlhr. Paris, 1906.
On a signalé chez les Indiens d'Amérique des exemples de la maté-
rialisation de la prière. M. Dussaud montre qu'elle n'est nullement
inconnue chez les peuples deTOrient. Il s'agit pour l'individu de trans-
mettre par ses propres moyen une prière (naturellement une prière-
demande) à une puissance invisible. La parole est un moyen très efficace.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 697
Mais il est un procédé non moins en faveur. La puissance invisible se
matérialisant ou, si l'on veut, s'incorporant dans certains objets, il suf-
fira de matérialiser la prière et de mettre en contact les deux objets
pour que la prière atteigne, touche la puissance invisible. Ainsi les
Juifs de la Palestine rédigent leur supplique et la glissent par un trou
ad hoc jusqu'aux tombeaux d'Abraham, d'isaac, de Jacob... En Syrie
M. Dussaud a vu un Druze, la prière finie, déposer une pierre sur le
tombeau vénéré d'un dieu local, Genius loci. Dans l'Orient et l'Afrique
du Nord, après la prière l'indigène dépose une pierre sur le mur du
sanctuaire ou déchire un bout de son vêtement qu'il glisse par lafenêtre
ou attache à une des branches de l'arbre qui abrite le sanctuaire.
M. D. distingue ce fait du jet de pierre destiné à chasser le mauvais
esprit. Dans les deux cas on se sert d'une pierre, mais peu importe;
dans le premier on peut déposer au lieu d'une pierre de la terre, du grain
ou de la farine, il y a toujours une prière et l'offrande a pour but d'ob-
tenir qu'elle soit exaucée. C'est au Maroc un gage du vœu. C'est une
matérialisation de la prière. Il en est de même lorsqu'on met un cierge
à Notre-Dame-des-Victoires. Il remplace la pierre ou le chiff"on des
Orientaux et Africains. Toutefois on doit éviter de confondre avec la
prière-demande matérialisée la plupart des ex-voto qui sont des actions
de grâce.
E. G.
V. GiuFFRiDA-RuGGERî. Elenco del materiale scheletico preistorico e protostorico
del Lazio.
C'est un simple catalogue descriptif des ossements préhistoriques et
protohistoriques découverts dans cette région de l'Italie. La plupart
d'entre eux ayant déjà été décrits en temps opportun par différents
auteurs dans des mémoires spéciaux, M. Giuffrida-Ruggeri se borne à
rappeler les principales caractéristiques morphologiques de chacun
d'eux, sans émettre à leur sujet aucune conclusion générale, se bornant
simplement à compléter le catalogue en décrivant ceux qui ne l'ont pas
encore été. Ces ossements sont les suivants :
1<» Un squelette masculin trouvé dans une tombe enéolithique auprès
de Sgurgola (étudié par Incoronato).
2<> Deux crânes, les deux seuls existant encore de tous ceux trouvés
à Cantalupo Mandela dans une grotte artificielle enéolithique. L'un est
masculin et adulte; l'autre en mauvais état /)a?^az7 masculin (étudiés
par Ponzi).
3« Un crâne de la tombe de l'Esquilin appartenant au Musée préhis-
torique. Ce crâne, qui est masculin, n'aurait jamais été étudié et
M. Giuffrida-Ruggeri en donne très brièvement les principales caracté-
ristiques morphologiques.
698 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
4** La série de 28 crânes qui lut étudiée en 1895 par le professeur
Sergi et dont la plupart provenaient des lombes de l'Esquilin.
5" Enfin un dernier squelette masculin incomplet appartenant au
Musée étrusque de Villa Giulia. Ce squelette était encore inédit et
M. GuifTrida-Ruggeri le décrit brièvement.
R. Anthony.
G. Papillault. — Crânes d'Abydos. Bull. Soc. Anthrop., n° 3 1905.
M. G. Papillault étudie au cours de celte note une série de 11 crânes
provenant des fouilles exécutées par M. Amélineau à Abydos. Ces
crânes semblent remonter aux temps préhistoriques ; il y en a 7 mas-
culins et -1 féminins.
Comme ils sont trop peu nombreux pour pouvoir caractériser le type
moyen de la population de Tancienne Egypte, M. Papillault a eu l'excel-
lente idée de rapprocher les mensurations qu'il a effectuées sur ces
crânes de celles qu'avait effectuées jadis Broca sur 51 crânes de Sakka-
rah, et des chiffres qu'a plus récemment obtenus M. Chantre de Lyon
en étudiant une série de 35 crânes d'El-Khozan. En comparant ces
différents chiffres, on voit que les caractères anatomiques crâniens des
habitants de l'ancienne Egypte varient énormément. L'indice cépha-
lique, par exemple, va de la dolichocéphalie extrême jusqu'à la sous-
brachycéphalie ; l'indice nasal varie dans les mêmes proportions, et il
en est à peu près de même des autres caractères.
Il semble donc qu'il y ait plusieurs éléments ethniques en présence
dans la composition de l'Egypte ancienne. Mais quels ont pu être ces
éléments? M. Papillault ne se croit pas autorisé à trancher cette ques-
tion d'une façon catégorique. Le seul résultat auquel il soit arrivé à ce
point de vue est de former trois groupes assez nettement différenciés
et répondant respectivement à trois types déjà décrits par le D"" Ver-
neau. L'un de ces groupes comprend des crânes d'une forme pentago-
nale très nette et très particulière. Mais l'auteur ne saurait dire s'il
s'agit là de véritables groupes ethniques ou de variations individuelles.
L'intéressant travail du D"^ G. Papillault se termine par l'étude du
crâne dit « d'Osiris » que M. Amélineau lui avait demandé d'étudier
tout particulièrement et dont il l'avait prié de déterminer le sexe. Une
étude minutieuse de ce crâne a conduit M. Papillault a admettre qu'il
avait très probablement appartenu à une femme.
R. A.
D"" E. HouzÉ. L'Aryen et l'Anthroposociologie, Étude critique. Instituts Solvay
{Travaux de llnslilul de Sociologie. Notes et Mémoires, fascicule 5, 1906).
Cette étude comprend trois parties : 1° l'Aryen ; 2° l'Anthropologie ;
3° l'Anthroposociologie,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 699
M. Vacher de Lapou^e a émis, sur ces trois ordres de questions, des
idées qui, sous une apparence scientifique, ne reposent pas sur un
ensemble de documents suffisamment sérieux et qui, par le fait d'un
langage trop affirmatif, ont pu fausser l'esprit de lecteurs incapables
de faire le départ entre la vérité et la simple hypothèse plus ou moins
fantaisiste.
M. Houzé s'est efforcé de montrer combien est vicieuse la méthode
de M. de Lapouge et, par les textes qu'il discute largement, il montre
l'insuffisance de l'argumentation de cet écrivain.
Au fond, c'est la linguistique, si fortement envahissante, qui, au lieu
de rester tranquillement chez elle, est venue trébucher dans les buis-
sons de l'anthropologie. « La vérité c'est que langue et race sont deux
notions entièrement distinctes, entre lesquelles on ne doit pas admettre
l'ombre même d'un rapprochement ; c'est qu'aucune discussion anthro-
pologique ne doit jamais, sous le moindre prétexte, contenir un seul
mot de linguistique, ni une discussion de linguistique un seul mot
d'anthropologie » (1). C'est que l'Aryen est, en effet, purement d'origine
linguistique; ce sont les fouilleurs de langues qui l'ont enfanté dans
leur cabinet de travail pour embrouiller les pauvres ethnographes du
temps actuel. Et, par malheur, il y a eu des gens pour le prendre au
sérieux, pour lui supposer un type quelconque, imprécis, fatalement,
mais pour lesquels il est d'existence certaine.
Les fouilles exécutées en Europe depuis un demi-siècle, auxquelles
s'ajoutent quelques trouvailles plus anciennes, ont permis de constater
que depuis l'époque quaternaire il y a eu des populations de types dif-
férents, qu'on dénomma Spy ou Canstadt, Cro-Magnon, Furfooz, du lieu
des trouvailles, puisqu'il n'était pas possible de les rattacher à une race
précise d'une époque quelconque, antérieure à l'histoire, et ces désigna-
tions ont servi à caractériser anatomiquement des types ethniques non
encore disparus.
Tel n'est pas le cas pour l'Aryen. C'est contre les faiseurs de systèmes
de ce genre que M. Houzé s'élève avec une juste virulence, et en parti-
culier contre ces termes insidieux, l'Aryen, l'Indo-Germain, l'indo-
Européen qui sont uniquement d'essence linguistique.
Au point de vue anatomique, l'Aryen n'a pas été découvert encore ;
cela pourra tarder longtemps. Les transformations linguistiques, les
analogies de prononciation, ne suffisent pas pour établir des affinités
ethniques dans le temps et dans l'espace, pour imaginer un type
humain, et c'est sur de pareilles considérations que se basait entre
autres Antoine d'Abbadie pour rapprocher les Basques des populations
de l'Ethiopie qu'il visitait alors.
Tant que la question anatomique ne sera pas fîxée^ l'Aryen sera un
(1) Lettre de M. J. Havet à M. Salomon Reinach, in L Anthropologie^ t. XI, 1900,
p. 483.
700 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
simple sujet de déclamation à Fusage des faiseurs de systèmes. Aussi
M. Ilouzé a-t-il raison de dire « qu'en dehors du point de vue linguis-
tique, la question aryenne est la plus audacieuse et persistante mysti-
fication de Térudition moderne qu'elle discrédite ».
Ce sont les écrits de M. Vacher de Lapouge et de ses coreligionnaires
aryanisants que vise M. Houzé et dont il cite de nombreux passages,
fortement contradictoires les uns des autres.
Le dolichocéphale blond, c'est l'Aryen, supérieur au brachycéphale
qui est fait pour être Tesclave du premier, parce que moins intelligent.
Et M. de Lapouge et amis éprouvent une véritable peine à constater
la probable et prochaine disparition du type dolichocéphale blond, de
la race supérieure. M. Houzé démontre (oh, cela sans pitié) que ses
adversaires ne sont pas si férus qu'ils le prétendent des doctrines de
Darwin et de la sélection naturelle, voire qu'ils s'en servent pour les
fausser.
Il nous semble inutile d'insister davantage sur ces théoriciens qui
ont été l'objet de multiples critiques de la part de nombre d'anthropo-
logistes et de philosophes.
Scientifiquement l'Aryen est mort, M. de Lapouge ne pourra le faire
revivre.
M. Houzé a fait bonne besogne en donnant son avertissement.
D"- F. Delisle.
ÀDACHr (Bqntabo). Das Knorpelstûck in der Plica semilunaris etc. (Le cartilage
du repli semilunaire de la conjonctive des Japonais). Zeitschrif't fur Morphologie
und Anthropologie, t. IX, 1906, p. 325 (1 pL).
C'est Giacomini qui a le premier signalé dans le repli semilunaire
de la conjonctive de l'homme une lamelle cartilagineuse, qui est bien
développée dans la troisième paupière des singes et d'autres mammi-
fères. Il l'a trouvée presque constamment chez les Nègres (12 fois sur
16 individus), mais très rarement chez les Européens (3 fois sur 548
individus observés). M. Adachi a étudié au microscope les conjonctives
de 25 Japonais (13 o^, 12 ^ ). Il a trouvé le cartilage chez 5 individus,
et chaque fois aux deux yeux. Cette proportion de 20 0/0 est intermé-
diaire entre celle des Européens et des Nègres. Il est à noter encore
que sur les 5 individus, un seul appartenait au sexe masculin. Le car-
tilage est toujours plus ou moins aplati ; sa longueur peut atteindre
7 millimètres; d'autres fois il est épais et court.
Df L. Laloy.
MKr Lavest. Race indigène ou toù-jen du Kouang-Si {Revue Indo-Chinoise 1905,
p. 1570).
Le nom de tou-jen (indigènes) est celui qui est donné par les Chinois
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 701
à la race qui forme les deux tiers de la population de la province
céleste de Kouang-Si. Eux-mêmes n'appellent les Chinois que Ké (hôtes
ou étrangers). Leur langue, très différente du chinois par les mots et
par la syntaxe, est proche parente de celle des Siamois ; il semble
qu'ils aient eu aussi autrefois une écriture particulière, mais actuel-
lement ils se servent des caractères chinois, ils se marient entre eux et
réprouvent Tunion avec les Chinois. Leur mariage, très instable, se
rompt souvent par volonté d'un seul. Le costume des hommes est celui
des Chinois. Celui des femmes, spécial à la race, se compose d'un panta-
lon large, d'un caraco riche et d'une ceinture serrée à la taille, pen-
dant sur le côté gauche. Leur principal culte est celui des ancêtres.
En plus, les sorciers, qui sont très nombreux et qui passent pour pos-
sédés, ont à charge de les préserver ou de les guérir des maladies et de
prédire l'avenir.
J. Lafitte.
M^r Jos. CcAZ. Le jugement de Dieu {Revue Indo-Chinoise, 1903, p. 8).
Cette petite note donne la traduction d'un curieux texte siamois de
l'an 899 de l'ère civile (an 1537 de l'ère chrétienne, portant réglemen-
tation des épreuves qu'il y avait alors et qu'il y a eu assez longtemps
lieu d'encourir au Siam pour terminer un litige. 11 y avait sept moyens
de vérifier l'innocence ou la culpabilité : plonger la main dans du plomb
fondu; — prêter serment; — marcher sur des charbons ardents; —
être submergé ; — remonter un fleuve à la nage ; — traverser un fleuve ;
— s'en remettre à la flamme d'un cierge. Des offrandes précédaient
chaque épreuve. Chacune de celles-ci était applicable de préférence
suivant les cas. Enfin, pendant qu'elles s'accomplissaient, par une sorte
de contre-épreuve, on faisait se battre entre eux deux coqs. Ces cou-
tumes barbares ont disparu ; toutefois le serment est encore fréquem-
ment employé pour trancher les cas où l'accusateur n'a ni preuves ni
témoins.^
J. L.
AdhémardLeclère, Cambodge : Thvoeu-bon sdâChMedikh {Revue Indo-Chinoise, 1905,
p. 1378).
Jusqu'à ces vingt-cinq dernières années au Cambodge, et il y a encore
cinquante ans au Siam, le roi abdiquait chaque année pendant le mois
de Méakh le pouvoir, et le remettait au chef des bakous, tandis que
lui-même s'enfermait dans la retraite (on sait que les bakous, brahmanes
venus autrefois de Basse-Birmanie, constituent au Cambodge une caste
privilégiée, parmi la({uelle, en cas d'extinction de la race royale, il y
aurait à choisir le nouveau roi, ce qui d'ailleurs n'a jamais eu lieu). Le
bakou, investi pour trois jours de la puissance royale, portait le nom de
702 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
roi de Méakh. On lui remettait une couronne et des armes de bois, et,
sans faste ni de chevaux ni de costume, il parcourait la ville en proces-
sion, à la tête de ses dignitaires et de 200 hommes, armés de matraques
et de massues. En dépit de la pauvreté de ce cortège, qui avait fait
donner au roi temporaire le surnom populaire de roi cloche-pied, il est
plus que probable qu'il faut voir dans ce fait non pas une parodie ou un
dénigrement du pouvoir royal, comme on Ta cru, mais plutôt un rappel
liturgique des mœurs antiques. M. Leclère montre, en efï'et, qu'à côté de
cette cérémonie volontairement très pauvre, le règne du roi méakh
était au contraire marqué, pour son couronnement et pour son abdi-
cation, par des fêtes d'un luxe et d'une solennité exceptionnelles.
D'ailleurs, l'origine de cette curieuse coutume est tout à fait inconnue.
J. L.
Adhkmard Leclère. Cambodge : Le Thvoeu-bon chaul prah vossa {Revue Indo-
Chinoise, 1905, p. 717).
L'année cambodgienne comprend trois saisons ; celle de la chaleur
{Kimhanta), celle des pluies {Vossanta), celle du froid [fJémanta). La
retraite des religieux du Buddha a lieu pendant la saison des pluies, ou
du moins pendant ses trois premiers mois. C'est une période de jeûne,
de recueillement et de prière, pendant laquelle les fidèles pourvoient
par l'aumône aux besoins des retraités. L'entrée en retraite donne lieu
à des fêtes spéciales. Quinze jours à l'avance, Vachar, ou lettré du village,
recueille parmi les habitants les olFrandes d'argent, destinées notamment
à l'achat de cire d'abeille dont on fait deux cierges, un gros sans mèche,
et un petit avec mèche. Celui-ci est allumé le jour de l'entrée en retraite
et, en compagnie de l'autre, promené solennellement en procession sur
une civière à travers le village, avec accompagnement de chansons
sacrées. Une cérémonie parallèle a lieu à la cour^ par les soins des
bakous, pour l'entrée en retraite des cinq Maha Khsatriyas. Enfin, la
période de retraite est terminée par une fête de sortie, où prennent part
à la fois les religieux et les fidèles. Elle comprend les offrandes ordi-
naires d'aliments végétaux, et une confession publique des religieux, qui
doivent s'examiner sur les 227 fautes du Patimouk, code des fautes
qu'un religieux ne doit pas commettre. Celui qui avoue avoir péché est
exclu à jamais ou suspendu pour un temps variable, quelquefois cité
devant les tribunaux. Ensuite, sur des petits radeaux en écorce de
bananier, on dispose des cierges allumés et des offrandes. Les lumières
qui descendent ainsi la rivière, emportées par le courant, sont les âmes
des ancêtres, qui retournent au pays mystérieux oii elles attendent la
réincarnation.
J. L.
MOUVEMENT SClEiNTlFIQUE. 703
Adhémard Leclère. Cambodge : Le Thvoeu-bon ak ambok sampah prah kbê
[Revue Indo-Chinoise, 1905, p. 658).
La fête de Tavalage du paddy grillé et du salut à la Lune a lieu dans
la nuit qui suit la fête des eaux de la pleine lune de Kadoek, le huitième
mois des années ordinaires et le neuvième des intercalaires (courant
d'octobre) Rappelant beaucoup la fête hindoue de l'automne (Saratpar-
van) où Laksmi, déesse de l'abondance, descend sur la terre et apporte la
fortune à tous ceux qu'elle trouve éveillés, la fête cambodgienne passe
pour avoir été introduite au xvii« siècle par le roi apostat Prah-Rama
(1038-1656). Tombée en désuétude, elle a été rétablie en 1850 et elle fut
célébrée tous les ans à la cour jusqu'à l'avènement du roi Noroudam,
qui la supprima. Cependant elle persiste dans beaucoup d'endroits,
bien que les lettrés la traitent de plaisanterie. Les femmes préparent
le matin un gâteau de paddy grillé et pilé que l'on dépose à la nuit
tombante sur le sol, en compagnie de diverses autres offrandes, riz,
bananes, noix de coco, eau parfumée, bétel, feuilles d'aréquier, fleurs,
etc. Au-dessus de ces objets, se trouve une traverse de bambous sup-
portée par deux pieux. Quand la lune est au plus haut de sa course
nocturne, on dispose sur cette traverse des bougies en cire d'abeille et
des bâtonnets odoriférants que l'on allume, puis Ton adresse des invo-
cations au Prah-Chant, ou éminent régent de la lune : « Prah-Chant!
Grand, magnifique, superbe et splendide, plus beau que le diamant, que
les pierres précieuses, que l'or, salut! » et on l'invite à se régaler des
offrandes. Souvent la cérémonie, qui se prolonge tard et se termine par
des jeux, est accompagnée de consultations pour connaître la richesse
des récoltes futures.
J. L.
Adhémard Leclère. Le Thvoeu-bon hé Kathoen {Revue Indo-Chinoise, 1905, p. 326).
La fête du don des robes a lieu tous les ans, en octobre ou novembre.
Elle consiste essentiellement en l'aumône solennelle aux religieux
de robes faites en une seule journée et en une seule nuit. Des offrandes
— bananes, oranges, ananas, pastèques, concombres, etc. — sont dis-
tribuées sur une civière, et sur une autre des cierges, des bâtonnets
odoriférants, du bétel, etc. La cérémonie commence par une procession
à l'intérieur du temple, puis le lettré du village fait aux religieux
l'offrande des robes bordées. Le chef des religieux répond en récitant
au peuple assemblé les cinq préceptes de Tabstinence elles trois pro-
tections ; ensuite a lieu l'acceptation des robes — ou plutôt de la robe,
bien que la formule soit toujours employée au pluriel. Le chef des reli-
gieux enlève pièce à pièce l'ancienne robe qu'il portait et, pièce à pièce,
se revêt de la nouvelle. 11 doit dès lors entrer en retraite pour trois
mois.
J. L.
704 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
H. BoiiATTA. Das javanische Drama. (Le drame javanais). Mitieilungen der Anlhrop,
Gesellsch. in Wien, t. XXXV, 1905, p. 278.
L'auteur fait ressortir que le drame javanais est une production
absolument originale, tant par le contenu des légendes que par leur
réalisation. Il a émigré à Bali, Sumatra et Bornéo. Mais les jeux d'ombres
des Chinois et des Turcs n'ont rien de commun avec lui. Il est possible,
en revanche, que le drame siamois dérive du javanais. Il ne semble pas
que celui-ci ait été influencé par l'Inde. Le drame javanais ou wajang
est d'origine religieuse, et aujourd'hui encore ce caractère fonda-
mental est distinct. Dans sa forme la plus typique, le wajang consiste à
projeter l'ombre de poupées articulées sur une toile blanche. Dans
d'autres formes, les poupées apparaissent en personne à travers une
ouverture de la toile. Ces représentations n'ont pas lieu seulement chez
les grands ouïes riches, mais même dans les villages, à l'occasion d'une
réjouissance. Le rôle du montreur de silhouettes ou dalang est diffi-
cile. Il organise la représentation, il fait manœuvrer les poupées, récite
les dialogues et les chants, imite le bruit des combats en frappant des
cymbales avec son pied, enfin il dirige l'orchestre. Il lui faut d'excellents
poumons, car la représentation dure de 8 heures du soir à 6 heures
du matin. On exige de lui une connaissance exacte des vieilles légendes,
et une certaine verve pour faire rire le public en intercalant dans le drame
des dialogues entre des poupées comiques qui jouent le rôle de clowns.
Les poupées sont découpées dans du cuir de buffle, les bras et les Jambes
sont articulés et dirigés par des baguettes attachées aux mains et (aux
pieds. Du milieu du corps de la poupée part une baguette qui sert à la
tenir ou à la ficher sur un support lorsqu'elle ne joue pas. Ces poupées
ont une tête pointue, un long cou, de grandes mains; elles n'ont pas
la prétention de représenter la nature, mais des esprits.
La représentation se compose des parties suivantes : Bjanturran, le
dalang, accompagné doucement par la musique, présente les person-
nages qui vont paraître. Renggan, louange d'une personne ou d'une
localité, improvisée par le dalang. Suluk, récitatifs tirés d'anciennes
poésies javanaises, le dalang les chante, en général sans les comprendre.
Potjapan, dialogue des personnages du drame, Banjolan, scènes
comiques, Prang, combats singuliers. Dans ces deux dernières scènes
le dalang peut se livrer à son improvisation, tandis que pour le reste
du drame, il est lié à la tradition, M. Bohatta termine son travail en
donnant des extraits copieux du drame Lakon Abijasa.
B^L. Laloy.
H. Bab. Geschlechtsleben, Geburt und Missgeburt in der asiatischen Mythologie
(Vie sexuelle, naissance et monstruosité dans la mythologie asiatique). Zeitschrifl
fur Ethnologie, t. XXXVIIl, 1906, p. 269 (26 fig.).
Une partie des figures monstrueuses que nous offrent les mythologies
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. ir05
sont obtenues par la combinaisons arbitraire d'organes normaux. Mais
il en est d'autres qui sont la copie directe d'anomalies et semblent
empruntées à un musée d'anatomie pathologique. On a souvent com-
paré les dessins des enfants avec ceux des peuples primitifs. Mais les
enfants ne représentent jamais des individus à deux têtes ou à bras
multiples, parce qu'ils n'en ont jamais observé. Ces monstruosités
sont, au contraire, communes dans la mythologie indoue. Schatz (1) a
étudié les dieux antiques au point de vue de l'anatomie pathologique.
Quelques-uns de ses rapprochements paraissent d'ailleurs assez dou-
teux, et je me demande s'il était nécessaire de voir une hernie cérébrale
occipitale pour imaginer le mythe d'Atlas supportant la sphère du
monde sur sa nuque, ou si les Centaures représentent des monstres
doubles postérieurement. D'autres (Cyclopes, Janus, hydre à plusieurs
têtes, etc.) sont plus admissibles.
M. Bab ajoute à cette liste un certain nombre d'autres cas empruntés
soit à la mythologie grecque soit aux religions orientales. La délicatesse
de goût des Grecs les a empêchés d'utiliser dans leurs mythes des mons-
truosités trop inesthétiques. Les Asiatiques n'ont pas eu de ces scrupules
et c'est pourquoi nous trouvons dans leur mythologie de nombreuses
légendes ayant trait à la vie sexuelle et à ses déviations, et parmi leurs
monuments figurés des représentations des monstruosités les plus
accentuées. C'est surtout l'Inde que l'auteur a étudiée, mais les religions
de l'Extrême-Orient ne sont guère moins riches à ce point de vue.
11 est impossible d'entrer dans le détail de tous les rapprochements
établis par l'auteur. Les figures — un peu trop rares — où il repré-
sente, en face du monument figuré, la monstruosité dont il dérive, sont
particulièrement instructives. Nous citerons seulement le cas suivant,
qui n'avait pas encore été signalé. Chez les syncéphales il y a deux têtes
fusionnées par l'un des côtés; cela donne l'apparence d'une tête
unique, à contour anguleux, pourvue de quatre yeux, superposés
deux à deux, d'un nez et d'une bouche très larges. Or le dieu indou
Yama a des chiens à quatre yeux, et à large nez. Le Musée d'ethnologie
de Berlin possède des masques de Pang-syang-si provenant de Corée
où l'identité avec la monstruosité pathologique est complète. Les yeux
occupent la même situation des deux côtés du nez, ceux d'en haut sont
plus rapprochés que ceux d'en bas, la bouche est large, et sur la ligne
médiane on voit des accidents dus à la soudure des deux têtes.
Cet exemple suffit à montrer l'intérêt de ces recherches : elles
prouvent que les conceptions des Orientaux ne sont pas toujours le pro-
duit d'une imagination déréglée, mais qu'elles témoignent au contraire
de l'esprit observateur de ces peuples, qui n'ont fait que transposer des
(1) F. Schatz. Die gi^iechischen Gotier und die mensclilichen Missgeburlen WiesbadeDj
Bergmann, 1901,
l'anthropologie. -— T. xvH. — 1906. 45
"0<> MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
faits réels dans le monde supraterrestre, qui, par définition doit con-
tenir tout ce que peut offrir la nature.
D»- L. L.
G. Fhitsch
ethnogra
p. 347.
. Die ethnographischen Problème im tropischen Osten (Les problèmes
aphiques de l'Orient tropical). Zeitschrifl fur ethnologie, t. XXXVIII, 1906,
L'auteur montre qu'il y a des modes en anthropologie. A une certaine
époque on cherchait partout les tribus perdues d'Israël, puis ce fut
le tour des éléments mongoloïdes qu'on trouvait dans toutes les races ;
actuellement on veut voir de tous côtés des pygmées. Or les peuples
primitifs actuels ne sont pas des pygmées au sens propre du terme. Si
la taille de certaines de ces races est au dessous de la moyenne, il ne
faut pas oublier que la limite de taille de l'armée romaine était fixée à
1",48 et que la taille des Japonais ne dépasse guère ce chiffre.
Les Weddas de Geylan sont loin d'être des nains. 11 faut rapprocher
de ce peuple primitif les Chuang et les Yeruba de l'Inde, les Senoï de la
presqu'île de Malacca, les Hieng du Cambodge et les Miao-tse du sud
de la Chine. Les différences somatiques légères que présentent entre
elles ces populations s'expliquent facilement par la grandeur de leur
aire de dispersion et le mélange avec des peuples voisins. Même dans
les villes de la côte, par exemple à Shanghai, on rencontre dans les
basses classes des éléments qui n'ont presque aucun caractère mongo-
lique, et qui rappellent les Hieng, par leur peau foncée, leurs cheveux
ondulés et leur face osseuse et sauvage. Ils portent le nom de Mand-
choures, qui signifie simplement qu'ils proviennent de l'intérieur. Enfin
le dernier rameau de cette race primitive asiatique est constitué par
les Aïnos.
Dans les îles de l'Indonésie la complication est plus grande, à cause
des mélanges avec la race malaise. A Sumatra, il y a des primitifs
vivant comme les Weddas dans des forêts, sans habitations ni vête-
ments ; leurs cheveux sont ondes. On leur donne le nom de Kubu-kubu.
Plus à l'est, on rencontre les Alfourous,dont l'aspect rappelle celui des
Européens, et qui se rattachement également aux Weddas. Mais à
mesure qu'on gagne l'est de l'archipel on rencontre de plus en plus
d'éléments australiens.
Le type australien est caractérisé par un nez large, à racine dépri-
mée, un front fuyant, de fortes arcades sourcilières, une taille plutôt
élevée, des jambes longues, des cheveux crépus ou ondulés. 11 est pur
surtout dans le nord-est et le centre de l'Australie. Dans le sud, il est
plus trapu et plus velu, dans l'ouest plus élancé, avec des traits plutôt
nigritiques. Ces différences ne prouvent rien contre l'unité du type,
elles peuvent être attribuées à des immigrants venus par mer. Le type
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 707
australien se retrouve très nettement aux Nouvelles-Hébrides, moins
distinctement aux Salomon, il n'est pas rare en Nouvelle-Poméranie, et
paraît même exister aux Philippines, notamment à Mindoro. Dans le
mélange connu sous le nom de Negritos, il y a en effet des individus à
cheveux ondés^ dont l'apect n'est pas du tout nigritique.
Il paraît hors de doute qu'à une époque reculée où les connexions
continentales étaient tout autres qu'aujoud'hui, des éléments ethniques
venus d'Afrique se sont répandus jusqu'aux Philippines au nord, aux
Fidji au sud. Les Bravidiens du sud de l'Inde laissent soupçonner un
mélange de sang nigritique. Quant aux Andamans, ils sont incontesta-
blement nigritiques, leurs cheveux sont roulés en spirale, leur face est
négroïde, seul le crâne difïère de celui de la majorité des Nègres par sa
forme mésocéphale ou faiblement brachycéphale ; mais ces formes
existent ausi en Afrique. C'est précisément l'isolement actuel de ce
groupe ethnique qui porte à admettre l'existence d'une connexion an-
cienne avec les territoires où vivent encore aujourd'hui des gens du
même type. Il est remarquable que ni aux Nicobares, ni à Nias ou à
Mentawei on ne retrouve de nigritiques : tous ces indigènes sont malais.
En revanche, les Semang de Malacca ont tout à fait l'aspect africain.
Ces Nègres pélagiques ou Negritos au sens propre ont un centre de
dispersion dans les archipels réunis sous le nom de Mélanésie. Ils ont
envoyé des rameaux dans diverses directions. Les Tasmaniens paraissent
devoir être rattachés aux Mélanésiens. Il en est en tout cas ainsi des Fid-
jiens. Beaucoup d'indigènes de la Nouvelle-Guinée ressemblent à des
Souahéli ou à des Zoulous. Les Papous ont cependant subi plus d'in-
fluences étrangères que les indigènes situés plus à l'est;, ceux des îles
Salomon par exemple. Sur la côte sud de la Nouvelle-Poméranie il y a
des Négroïdes qui se déforment le crâne et lui donnent un acpect turri-
céphale. Dans une autre partie de cette île, les hommes ont de longues
barbes divisées en boucles ; il est dificile de dire d'où provient ce groupe
ethnique. C'est aux Philippines que se trouve le foyer où viennent se
mêler toutes les races de cette partie du globe. Le groupe dit Negrito
renferme une forte proportion de Nègres pélagiques.
La race qu'on peut qualifier d'arienne a.dans l'Inde, une couleur foncée
qui ne peut s'expliquer que par des mélanges avec des races primitives.
Il s'est formé ainsi une quantité de types mixtes. Chez les Kols des
Nilgherries, il y a toutes les transitions du type hindoustani le plus pur
au type le plus sauvage. Les Todas également ne sont plus à l'état de
nature^, comme les Weddas. Dans l'est, en haute Birmanie, les Ariens
se sont mêlés à des Mongols. Ils n'ont pu se maintenir à Java ; à Suma-
tra, leurs descendants, les Battaks, sont entièrement dégénérés.
La race jaune, partie des territoires situés au nord de l'Himalaya, se
répandit d'abord à l'est puis au sud-est. Pour M. Fritsch, les différents
groupes réunis sous la dénomination de Malais représentent des mé-
708 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
langes, à des titres divers, d'Hindous et de Chinois. Par suite^ les popula-
tions de rindo-Chine seraient le véritable noyau d'origine des Malais. Les
Malais des côtes portent encore ce type mixte d'une façon très distincte,
tandis que ceux de l'intérieur, devenus sédentaires, ont absorbé d'autres
éléments, notamment des restes des populations autochtones. Les Java-
nais, les Sumatrais, les Madourais et les Dayaks se distinguent par une
plus forte proportion de sang hindou, les Hovas, par un mélange d'élé-
ments nigritiques. C'est en Océanie que le problème est le plus complexe.
Les caractères mongoliques ont à peu près disparu, s'ils ont jamais
existé ; l'habitus général et la facilité des croisements avec la race
blanche portent à penser que les Polynésiens sont apparentés à cette
race par une voie totalement perdue aujourd'hui. Les Maoris se rap-
prochent parleurs caractères physiques et par leurs mœurs des Indiens
du Nord-Ouest américain, sans que rien permette d'expliquer ces
analogies qui sont peut-être de simple phénomènes de convergence.
Quant k la Micronésie, sa population peu nombreuse a des caractères si
variables et le hasard a joué un tel rôle dans la colonisation de ces îles
situées entre la Mélanésie et la Polynésie, qu'on ne peut en tirer aucune
considération générale.
D' L. L.
A. Kaisisr. Rassenbiologische Betrachtungen ûber das Masai-Volk (Biologie eth-
nique des Masaï). Archiv fur Rassen- und Gesellschaft-Biologie, t. III, 1906,
p. 201 (14 fig.).
On sait que d'après Merker {Anthrop., t. XV, 1904, p. 439) les Masaï
de l'Afrique orientale seraient un débris du peuple sémite qui occupait
le nord de l'Egypte à une époque reculée. M. Kaiser, qui a résidé long-
temps parmi eux, fait ressortir qu'on ne trouve une confirmation de
l'origine asiatique des Masaï ni dans leurs caractères somatiques ou
psychiques, ni dans leurs traditions ou leur degré de civilisation. Les
quelques similitudes de VhabiLus extérieur, de la langue et des mœurs
des Masaï et des Israélites sont tout à fait insuffisantes pour établir
une parenté des deux peuples. Il n'y a pas non plus de raisons pour
chercher l'origine des Masaï sur les côtes de la Méditerranée ou de la
mer Rouge, quoiqu'ils aient de nombreux traits communs avec les
peuples de ces régions.
Les Masaï semblent habiter de temps immémorial les steppes de
lAfrique orientale, dans lesquelles ils mènent une vie semi-nomade.
On ne saurait admettre qu'un peuple barbare ait pu traverser les
États fortement organisés de la vallée du Nil pour aller s'établir au
cœur de l'Afrique. Le Masaï en est à peu près resté au stade de l'âge
de la pierre. Il se nourrit de viande à peine grillée, il boit le sang des
animaux; dans sa peur des morts, il jette les cadavres des siens en pâ-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. lOQ
tureaux bêtes féroces, comme l'homme primitif les brûlait ou les en-
fermait dans des tombes après les avoir garottés. Ses principaux usten-
siles sont des écorces de citrouilles creusées, et une épée qui sert moins
comme arme que pour déterrer des racines. Ses vêtements sont des
peaux cousues avec des tendons. Les lances, les parures en fils métal-
liques et en perles de verre sont des produits modernes empruntés
aux peuples voisins ou aux Européens. La langue est très riche en ho-
monymes et ne se comprend qu'au moyen des gestes, l'écriture est
limitée aux marques de propriété et à celles des tribus. Si on voulait
rattacher les Masaï aux Hébreux, il faudrait admettre que ceux-ci ont
dégénéré d'une façon extraordinaire.
Au point de vue physique les Masaï rappellent, il est vrai, les Sémites
actuels. Mais ils ont encore plus de ressemblance avec les Africains du
Nord non-sémitiques, avec les anciens Égyptiens et même avec certains
Nègres du nord-est de l'Afrique. A ce point de vue les photographies
de M. Kaiser sont très instructives : les types nègres etsomalis y pré-
dominent. Les Masaï ont le crâne allongé : 12 hommes mesurés par
Mecker ont tous un indice inférieur à 77 ; sur 39 femmes, 20 0/0 ont un
indice supérieur à ce chiffre. Mais ce caractère ne nous dit rien sur
leur parenté.
M. Kaiser rattache les Masaï aux Hamites, en faisant de ceux-ci la
population autochtone de l'Afrique du Nord et peut-être du sud de l'Eu-
rope. Ce seraient eux qui auraient employé les éolithes et façonné les
paléolithes trouvés par Schweinfurth. Ces Hamites, dont le type phy-
sique rappelle celui de Cro-Magnon, sont apparentés aux Sémites,
mais ne sont pas un mélange de Sémites et de Nègres, comme on l'a
cru. Hs constituent une race adaptée à la vie dans les déserts et les
steppes et sur les montagnes stériles de l'Afrique. Ce n'est qu'au con-
tact des races supérieures des rives delà Méditerranée que les Hamites
ont adopté une civilisation supérieure. Les Masaï vivent surtout de
chasse, d'élevage et de brigandage; à l'occasion ils font de l'agriculture,
mais ils abandonnent celle-ci aux femmes et redeviennent nomades
dès que les circonstances sont favorables. On ne saurait distinguer,
comme on l'a fait, des Masaï chasseurs, pasteurs et agriculteurs, car
les changements entre ces trois genres de vie sont incessants. Le chas-
seur se transforme en agriculteur lorsque le gibier se raréfie; il de-
vient pasteur lorsqu'une expédition heureuse Ta mis en possession de
bestiaux. L'agriculteur se fait chasseur quand la sécheresse a détruit
ses récoltes; le berger se métamorphose en chasseur ou en agriculteur
quand les épidémies ravagent ses troupeaux. Même les tribus très
différenciées dans l'un des trois sens sont toujours capables de chan-
ger de vie quand les circonstances l'exigent, et c'est précisément cette
adaptivité qui leur permet de subsister dans ces régions plus ou moins
désertiques. '
710 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Les mœurs sexuelles des Masaï sont de nature à favoriser la mater-
nité et par suite à compenser la forte mortalité produite par des condi-
tions d'existence particulièrement difficiles. Merker a observé que
83 femmes avaient donné 548 enfants (6,3 par femme). Avant son
mariage la jeune fille vit dans le kraal des jeunes guerriers tantôt avec
l'un, tantôt avec l'autre. Le mariage est polygame et la femme ne doit
pas avoir de relations avec les hommes non mariés; mais son mari la
prête à ses amis et à ses hôtes mariés. Si la femme abandonne le kraal
de son mari, celui-ci est toujours prêt à adopter les enfants qu'elle a en
dehors du mariage, surtout s'il s'agit de garçons. Le prix payé pour la
fiancée est très faible, ce qui permet à la sélection sexuelle de s'exer-
cer; on ne paie rien pour une veuve qui n'a donnné naissance qu'à des
filles; une veuve sans enfants ne donne lieu à un prix d'achat que
lorsque dans son second mariage elle a donné jour à un enfant. En
résumé, malgré les mélanges qu'ils ont subis avec des éléments nègres,
les Masaï constituent, par l'ensemble de leurs mœurs, une race biolo-
gique, un produit direct du milieu où ils vivent.
D^ L. L.
H. Werner. Anthropologische, ethnologische und ethnographische Beobachtungen,
etc. (Observations anthropologiques, ethnologiques et ethnographiques sur les Bo-
chimans Heikum et Kung). Zeitschrift flir Ethnologie, XXXVIII, 1906, p. 241 (6 fig.).
Un séjour de plusieurs mois à 50 km. au sud de Grootfontein et à
120 km. au nord-est de Waterberg a permis à l'auteur d'étudier les
Bochimans delà horde Heikum. Il a mesuré 44 adultes masculins, 17
femmes et 8 enfants ; mais, comme ses instruments ont été construits par
lui-même sur place, on ne peut accepter que ses mesures de la taille :
celle des hommes est de 1°',553, celle des femmes de i'^/idl. La couleur
de la peau est un brun tirant sur le jaune. Les cheveux, longs de 0"',06
chez les femmes, de 0"\04 chez les hommes, sont disposés en grains de
poivre. Les poils font presque entièrement défaut sur le corps et la
face.
11 y a trois sortes de tatouages. Des incisions peu profondes, colorées
en bleu par du charbon, disposées en lignes sur les joues, le front, les
tempes, la poitrine, le ventre, le bras ou la cuisse. Ce tatouage, très
commun surtout chez les femmes, est purement ornemental. D'autre
part, tous les Heikum, quel que soit leur âge ou leur sexe, portent entre les
sourcils des cicatrices plus marquées, formées de traits parallèles longs
de O'^jO'i. Chez les individus âgés ces cicatrices deviennent saillantes en
forme de crêtes de coq. 11 s'agit peut-être là d'une marque de tribu. Le
troisième genre de cicatrices provient d'une pratique extrêmement
curieuse : on introduit sous la peau des enfants mâles de petits morceaux
de chair d'antilope dans le but de leur conférer la rapidité de cet animal.
Ces inoculations ont lieu sur les fesses, le dos ou la poitrine.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 711
Une particularité à noter, c'est la saillie des glandes parotides; il a
été impossible de déterminer s'il s'agit d'une hypertrophie de la glande
ou si celle-ci est refoulée par un masséter particulièrement développé
par le régime végétarien. Ce caractère se retrouve aussi chez les Here-
ros. Les dents ne sont jamais cariées, mais chez les vieillards elles sont
usées jusqu'à la racine. Les Heikum ne mutilent pas leurs dents. Ceux
qui ont été esclaves chez les Hereros présentent la mutilation caracté-
ristique de ce peuple : incisives médianes limées du côté interne, les
quatre incisives inférieures arrachées.
M. Werner n'a observé de stéatopygie ni chez les Heikums ni chez les
Kung du pays de Kaukau, Le gros orteil est dirigé directement en
avant; dans la plupart des cas c'est le deuxième orteil qui est le plus
saillant (27 cas sur 39); quelquefois c'est le premier (2 cas) ou le pre-
mier et le deuxième (7 cas) ou le deuxième et le troisième (3 cas). La
démarche des Bochimans est caractéristique : ils lèvent beaucoup la
jambe, pour éviter les plantes épineuses et conservent cette démarche
même sur le sol uni. Ils font des courses très longues sans apparence
de fatigue, par exemple 130 kilomètres en 48 heures.
Parmi les danses observées par l'auteur, la plus intéressante est une
sorte de duel où les deux adversaires sont accroupis l'un en face de
l'autre, se surveillent du regard, battent le sol des mains, parant les
coups, jusqu'à ce que l'un des combattants tombe en arrière, vaincu, et
que l'autre fasse un geste de triomphe. Ce jeu est très animé, le duel
semble avoir pour objet des aliments dont l'un des adversaires s'est
emparé et que l'autre cherche à lui reprendre. Dans une autre danse,
des femmes se jettent de l'une à l'autre, tout en marchant en cercle,
une courge que les hommes essaient d'attraper au vol. Il y a égale-
ment une danse où le principal participant porte un masque d'aigle et
imite avec les bras le vol plané de cet oiseau. Un autre danseur porte
un nid dans sa main. A un certain moment, tous les danseurs font le
geste des oiseaux qui ramassent de la nourriture sur le sol. Ces danses
sont accompagnées de battements de mains et de cris. Le mémoire se
termine par un vocabulaire heikum, kung et nama. Les deux langues
bochimanes, très semblables entre elles, n'ont aucun rapport avec le
nama. Les Heikum parlent aussi le nama, tandis que les Kung, isolés au
milieu du Kalahari ne parlent que le Bochiman.
D'- L. L.
M. Mauss (en collaboration avec H. Beuchat). Essai sur les variations saisonnières
des sociétés eskimos. Étude de morphologie sociale {L'Année .sociologique, IX,
1904-1905, pp. 39-132).
Comme l'indique son titre, l'ouvrage de MM. Mauss et Beuchat. dont
les notes nombreuses témoignent d'un travail d'érudition considérable
et contiennent les éléments d'une bibliographie complète pour un tra-
712 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
vail sur les Eskimos, n'est pas un mémoire d'ethnographie, mais de socio-
logie. Les auteurs ont voulu établir comment la morphologie sociale
(le substrat matériel des sociétés, la forme qu'elles affectent en s'éta-
blissant sur le sol, le volume et la densité de la population, la manière
dont elle est distribuée, ainsi que l'ensemble des choses qui servent de
signe à la vie collective), est liée aux différents modes de l'activité
sociale. La recherche de ce rapport est relativement facile chez les
Eskimos, parce que leur morphologie varie aux différents moments de
Tannée et que l'amplitude de ces variations précise le rapport de la
morphologie avec les modes d'activité sociale, et écarte la possibilité
d'autres facteurs non vus.
Les Eskimos ont pour véritable unité territoriale, non pas la tribu,
qui reste chez eux très rudimentaire, mais l'établissement (seulement),
c'est-à-dire un groupe de familles agglomérées, unies par des liens
spéciaux et occupant un habitat qui est leur domaine propre, où se
trouve le massif de leurs maisons, l'ensemble des places de tentes et de
chasse. Cette unité sociale et territoriale est marquée par Tunité du
nom, désignant à la fois l'habitat et les habitants, par une délimitation
nette dans l'espace, et par des traits distinctifs de langue,, de religion
et de morale. A cause du mode de vie des Eskimos, que leur technique
immuable restreint à vivre seulement de chasse et de pêche, et dans des
conditions de gibier très spéciales, ces établissements sont peu nom-
breux, espacés et limités comme nombre, une sélection artificielle
(émigration, infanticide, élimination des inutiles) s'ajoutant, pour main-
tenir cette limitation, à la sélection naturelle (morts accidentelles fré-
quentes, par suite de mode de vie).
La morphologie de cette unité fondamentale est double, suivant les
saisons. En été, habitation dans des tentes dispersées (cône de perches
recouvert de peaux de renne, avec des variations secondaires) ; en hiver,
habitation dans des maisons reserrées (grandes maisons, de type
variable, suivant les matériaux et la situation géographique). Tandis
que la lente est habitée seulement par une famille au sens étroit (père,
mère, descendants directs non mariés) et par ses hôtes accidentels et
peu nombreux, la grande maison contient toujours plusieurs familles
(au moins 2, et jusqu'à 6, 7, 9, 10), l'individualité familiale restant tou-
tefois marquée par le fait que chaque famille possède son emplacement
déterminé et sa lampe. La concentration hivernale est encore soulignée
par l'existence (qui tend à disparaître mais qui fut générale) du kaskim,
maison d'hiver agrandie, non divisée en compartiments, et commune
à la station tout entière, où se tiennent des cérémonies qui réunissent
toute la communauté, ou des groupes de la communauté.
De plus, la distribution des habitations sur le sol varie aussi avec les
saisons. Les maisons d'hiver forment une station, dont la densité est
maximum, et le volume social (aire effectivement occupée et exploitée)
iMOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 713
minimum, cette concentration matérielle pouvant aboutir, comme à
Aggmagsalik, à donner une seule maison par établissement (jusqu'à
58 habitants, 8 familles). Si cet état extrême est rare, il semble, du
moins, qu'autrefois le groupe d'hiver ait été constitué par une maison
unique et multiple à la fois, formée par la réunion des unités secon-
daires, autour d'un kashim central, et communiquant directement avec
lui.
Au contraire, les tentes d'été sont très éloignées les unes des autres;
et cette dispersion esi souvent accentuée par des voyages et par des
migrations lointaines.
On ne saurait admettre que cette morphologie ait pour seule explica-
tion la situation géographique. Ainsi l'organisation de la longue maison
d'hiver n'est pas seulement un moyen de lutte contre le froid {\^ : les
Eskimos n'habitent pas les régions les plus froides du globe, et ce type
d'habitation leur est cependant propre; 2^* : des peuples, leurs voisins,
vivant dans des climats continentaux plus rudes, ne l'ont pas adopté;
3<* : il se conserve là, où, du fait climatérique, il n'aurait plus de rai-
sons d'être); une telle morphologie tient bien plutôt à ce que, attachés
à leur régime de vie par un esprit très traditionnel, et liés, par leur
technique, à leur gibier, les Eskimos vivent avec lui une véritable sym-
biose, se concentrant et se dispersant comme lui, la société humaine
s'animant d*un mouvement synchronique à celui de la vie ambiante.
Pour ne pas s'égarer, il faut observer d'ailleurs avec MM. Mauss et
Beuchat, que si, par là, l'influence des facteurs biologiques est certaine,
elle explique seulement le moment où se manifestent les deux mouve-
ments du rythme social eskimo, rythme qui a peut-être des raisons
plus profondes.
Quoi qu'il en soit, le rythme de la morphologie se retrouve : 1^ dans
la vie religieuse, qui, nulle en été, s'exagère l'hiver en une exaltation
contmue et à caractère profondément collectif (fêtes communes dans le
kashim, fêtes et rites à portée collective, accompagnés de communisme
sexuel), et, par la vie religieuse, dans les idées, les représentations collec-
tives, la mentalité du groupe (classement des gens, des choses, en
groupe d'été et groupe d'hiver, avec des interdictions d'un groupe sur
l'autre) ; 2^ dans la vie juridique et le régime des biens : un droit d'été,
individuel ou familial sensu stricto, sous l'autorité du père, un droit
d'hiver, communiste (les objets, les produits de chasse, etc., sont biens
communs à tous les gens de la maison, qui forment une autre famille
plus grande, et souvent au groupe entier), et accompagné de la dispa-
rition du caractère patriarcal, le chef de maison étant désigné, quand il
existe, par des caractères personnels (vieillard, riche, magicien) et non
par la naissance. Bien entendu, ces deux régimes ne sont pas sans
réaction l'un sur l'autre (la petite famille, intégrée à la famille de mai-
son, conserve des caractères propres, sa place, sa lampe, etc.). Mais
714 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
ces réactions apparaissent toujours comme des survivances d'une
saison dans l'autre et n'infirment pas les oppositions.
Le mémoire se clôt en observant que cette allure rythmique de la vie
sociale, exagérée chez les Eskimos, ne leur est pas particulière; on
la retrouve chez beaucoup de tribus de l'Amérique Indienne, chez les
populations pastorales des montagnes d'Europe et jusque dans nos
sociétés occidentales civilisées. Aussi, l'on doit considérer que cette
nécessité d'une oscillation de la vie sociale entre deux pôles, Tun de
concentration, l'autre de dispersion, est une loi très générale, à ce
point même qu'on puisse inférer que les influences saisonnières sont
bien plutôt des causes occasionnelles marquant son rythme à ce mou-
vement que des causes déterminantes du mécanisme en soi. On se trouve
ainsi ramené vers cette idée de rythme social que Godfernaux avait
déjà indiquée en 1894 [Le sentiment et la pensée^ le rythme affectif
social, p. 125 de la 2« édition).
J. P. Lafitte.
R. Krone. Die Guarany-Indianer etc. (Les Indiens Guaranis du rio Itariri dans
l'Etat brésilien de Sao ?a.u[o). Milteilungeîi der anthropologischen Gesellschaflin
Wien, t. XXXVl, 1906, p. 130 (6 pi. et 4 fig.).
L'auteur a pu mesurer 9 indigènes (6 o^, 3 $ ) de ce groupe ethnique :
c'étaient les seuls sujets de sang pur que présentait cette tribu, qui ne
compte plus que 79 âmes. La couleur de la peau est brun jaunâtre ou
rougeâtre^ bien plus claire chez les enfants. La face est large, le nez
court, avec des ailes larges et des narines dirigées en avant. La bouche
est grande, les arcades sourcilières très développées chez les hommes.
Le corps est trapu, les mains sont larges, le pouce est très court dans
les deux sexes.
La taille varie de 1™,49 à l'",59, moyenne lf",53, chez les hommes;
les femmes ont une taille moyenne de 1°^,43. Ces chiffres peuvent être
comparés à ceux obtenus par Ehrenreich sur deux autres tribus du
groupe Toupi : 14 Anetos (f ont une taille moyenne de 1°',67 ; 14 Kama-
yuras a^, 1°*,64; 2 Anetos $, ln\48; 4 Kamayuras 9, 1°',54. La grande
envergure est chez les Guaranis masculins, égale à 105, la taille étant
prise pour 100; elle est de 105,8 chez les femmes.
La longueur de la tête est de 121 mm. chez les Guaranis cf , 122 mm.
chez les ^ ; la largeur de 98 (a") et 102 ($), la hauteur de 84 [(f) et
81 (9). Indice céphalique 80,6 [cf) avec variations de 75,6 à 83,3;
83,9 (9) avec variations de 82 à 85,5. Indice de hauteur-longueur
69,5 (a^) et 66,4 (9). La tête la plus courte est en même temps la plus
étroite; c'est elle qui a l'indice de 75,6: mais elle est par compensa-
tion très haute. A part cet indice aberrant, la série est très homogène :
4 o^ ont des indices compris entre 81 et 81,8. La hauteur de la face
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 715
(racine du nez au menton) est de 76 mm. (o^) et 72 mm, ($); le dia-
mètre bizygomatique est de 91 (cf) et 92 ( $ ).
Dans un appendice à ce mémoire, M. Toldt décrit un crâne guarani
du Musée de Vienne. Il a pour caractéristiques : longueur maxima 165,
largeur 142, hauteur sus-auriculaire 116; indice céphalique 86; indice
de hauteur-longueur 79; capacité 1355. La face est très prognathe ; le
plancher des fosses nasales se prolonge sans démarcation dans la face
antérieure du maxillaire supérieur; ii n y a pas trace d'épine nasale.
Diamètre'bizygomatique 110; hauteur naso- alvéolaire 60. Indice facial
54,5; indice orbitaire 81 à gauche, 86 à droite ; indice nasal 45.
D' L. Laloy.
G. Thilenius. Die Bedeutung der Meeresstrômungen fur die Besiedelung Mélané-
siens (Le rôle des courants marins pour le peuplement de la Mélanésie). Mittei-
lunqen der anthropologischen Gesellschaft in Wien, t. XXXVI, 1906 [Verhandl.),
p. 122 (3 fig.).
L'auteur fait ressortir que les Mélanésiens sont de mauvais naviga-
teurs et que toute leur civilisation doit provenir de Fextérieur. Aujour-
d'hui encore des éléments étrangers arrivent sur les côtes de la Méla-
nésie, et Ton peut déterminer leur lieu d'origine. On constate que les
trajets du sud au nord, ou réciproquement, ne constituent que 17 0/0 du
total, tandis que 83 0/0 des trajets ont lieu de l'est à l'ouest ou vice
versa. Ceci s'explique par la direction des courants marins. De mai à
octobre, les barques sont entraînées de Test à l'ouest, de novembre à
février, en sens contraire. Les trajets s'effectuent de l'ouest à l'est dans
la proportion de ^9 0/0; 71 0/0 se font de l'est à l'ouest, c'est-à-dire de
la Micronésie et de la Polynésie vers la Mélanésie. Cependant à la
période des moussons il y a quelques apports des Moluques et même
des Philippines. On a constaté des cas où des bateaux micronésiensont
parcouru 3.000 km. ; des barques polynésiennes ont pu rester trois mois
en route. Ces indigènes ne s'embarquent jamais sans provisions, et ils
ont toujours avec eux des instruments de pêche. Les lecteurs de
L'An^Aropo/o^ie apprendront sans doute avec étonnement qu'ils renou-
vellent leur eau potable en puisant de l'eau de mer à grande profon-
deur. J'ignorais que l'eau des couches profondes des océans fût douce.
Je serais heureux de savoir ce que M. Thilenius a voulu dire dans cette
phrase énigmatique; il ne paraît pas non plus se rendre compte
que puiser de l'eau à grande profondeur est un des problèmes les plus
délicats de l'océanographie.
Dans l'est de la Mélanésie on observe surtout des influences poly-
nésiennes, tandis que les éléments micronésiens dominent dans le
nord. Il est difficile de déterminer depuis quand existent ces échanges;
en tous cas, depuis 300 ans, car nous savons par Tasman que dès la
découverte de ces îles la distribution des formes des embarcations
716 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
était la môme qu'aujourd'hui. 11 faut tenir compte enfin des voyages
des Malais, dont l'influence se fait sentir dans l'ouest de l'archipel, et
de ceux des Européens qui ont souvent transporté des indigènes d'une
île à l'autre. Grâce à tous ces mélanges, il est fort difficile de se rendre
compte de ce qu'était le Mélanésien primitif.
D' L. L.
Ledouble. Traité des variations des os du crâne chez Thomme. Paris, 1903.
Ledouble. Traité des variations des os de la face chez Ihomme. Paris, 1906.
M. le D'" A. F. Ledouble est un travailleur infatigable. En 1897 il fit
paraître un Traité complet des variations du système musculaire de
l'Homme, mise au point définitive des nombreux documents anatomiques
recueillis par lui depuis de longues années dans les salles de dissection
de rÉcole de Médecine de Tours. Six ans plus tard, il fit imprimer son
Traité des variations des os du crâne (1903), et, au début de cette année
même, son Traité des variations des os de la face a vu le jour. Il est
vraisemblable que M. Ledouble ne s'arrêtera point là et que nous ver-
rons successivement paraître des traités des variations des différentes
parties du squelette, dont l'ensemble constituera un monument unique
en son genre, précieuse source de renseignements pour les anatomistes
de l'avenir.
Avant M. Ledouble, les observations de variations des os de la face et
du crâne de l'homme étaient éparses dans les périodiques les plus
variés d'Anatomie ou de Médecine, impossibles à trouver.
M. Ledouble a eu le mérite de rassembler tous ces matériaux dissé-
minés et y ajoutant le fruit de ses nombreuses observations person-
nelles, d'en faire un tout homogène dans lequel il est aujourd'hui facile
de se retrouver. Comme dans son livre sur les variations du système
musculaire, M. Ledouble, rejetant loin de lui cette idée que les disposi-
tions anatomiques qui s'écartent de l'habitude sont des jeux du hasard,
distingue avec soin des anomalies réversives ou ataviques tendant à
reproduire chez l'homme les dispositions anatomiques normales chez
un autre animal, un Anthropoïde ou un Singe quadrupède par exemple,
les anomalies tératolgiques et surtout les anomalies par adaptation
dues à une modification quelconque survenue dans les conditions de
fonctionnement normal des organes. Cette façon de comprendre les
choses est aujourd'hui admise par la très grande majorité des anato-
mistes qui se sont occupés des variations morphologiques : beaucoup
d'entre eux entrevoient maintenant, presque nettement dirons-nous,
les lois de la morphogénie des organes, et on regarde comme chose éta-
blie et prouvée que les formes organiques sont sous l'exclusive dépen-
dance de facteurs matériels mécaniques^ physiques ou chimiques. Les
recherches de morphogénie expérimentale faites dans ces dernières
années, et dont Marey peut être considéré comme un des principaux
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 717
promoteurs, ont levé sur cette question tous les doutes. Il est donc bien
rationnel de considérer, comme l'a fait M. Ledouble, les variations mor-
phologiques en rapport surtout avec les conditions d'adaptation.
Il serait fastidieux et peut-être peu profitable pour les lecteurs de
L Anthropologie de nous voir suivre pas à pas M. Ledouble dans ses des-
criptions des variations osseuses du crâne et de la face. Nous nous
bornerons à donner les renseignements suivants : le plan suivi par
l'auteur est celui des traités d'anatomie classiques. Ils passent en revue
successivement les différents os : occipital, pariétal, frontal, etc. pour
le crâne; os du nez, unguis, vomer, etc. pour la face. De chacun d'eux,
il énumère les différentes parties constitutives, décrivant successivement
et avec les plus grands détails pour chacune, les anomalies de nombre
(absence lorsqu'il y a lieu) ou de forme.
Ces descriptions sont accompagnées de considérations d'anatomie
comparée sur lesquelles M. Ledouble se base en très grande partie pour
séparer les variations par adaptation des anomalies héréditaires ou ata-
viques. Il nous faut bien le dire, ces considérations d'anatomie comparée
constituent la partie la plus faible des ouvrages de M. Ledouble. Il s'y
est malheureusement glissé quelques erreurs qu'on aurait mauvais gré
de reprocher à un auteur ayant assumé une tâche aussi considérable
que la sienne. Mais, et cela est peut-être plus grave, les considérations
d'anatomie comparée sont parfois difficilement compréhensibles : ce
sont des amas touffus et imprécis de renseignements pris un peu par-
tout, soit dans des traités d'anatomie comparée souvent anciens, soit
au hasard des observations recueillies au pied levé dans des Musées de
province sur des animaux isolés, trop peu nombreux et absolument
quelconques, le tout, résumé, insuffisamment illustré et exposé d'une
façon nécessairement vague. Il en résulte un amas de faits que rien ne
relie et dont la lecture présente souvent peu d'intérêt.
Puisque nous sommes au moment des critiques, M. Ledouble nous
permettra-t-il de le trouver trop indulgent encore en faveur des théo-
ries de Lombroso dont, depuis plusieurs années déjà, L. Manouvrier a si
bien fait justice? Après avoir montré, en ce qui concerne le squelette du
crâne et de la face, le peu de valeur de la plupart des différents stigmates
de la criminalité invoqués par Lombroso, M. Ledouble lui accorde «que
dans la race blanche tout au moins, avec un poids crânien à peu près
égal, la plupart des assassins ont un maxillaire inférieur plus fort que
les honnêtes gens ». N'est-ce pas bien là tout ce qu'il fallait à Lombroso?
Qu'un seul des stigmates invoqués par lui soit vérifié et sa théorie est
démontrée. Non, de même que Locke et Shakspeare ont eu le front
étroit et fuyant^ de même il a certainement existé et il existe encore des
hommes possédant avec une haute valeur morale un maxillaire inférieur
très développé. Le prognathisme inférieur, qui marque un développe-
ment considérable de l'appareil masticateur, est sans doute un caractère
71 s MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
rapprochant anatomiquement l'homme des formes animales; mais est-il
forcément l'expression d'instincts grossiers et féroces; voue-t-il irrémé-
diablement au crime? Le criminel n'est-il pas plutôt la victime de son
milieu, de son éducation mauvaise, de ses désirs, de ses passions, sou-
vent même, faut-il le dire, de ses besoins, auxquels il n'a pas la possibi-
lité de résister, plutôt que l'esclave d'une disposition anatomique?
Ces quelques critiques faites, qui d'ailleurs n'enlèvent rien à la valeur
des ou vrages, les deux traités de M. Ledouble sur les variations des os du
crâne et de la face chez l'Homme, resteront une des œuvres d'anatomie
humaine les plus importantes de ces dernières années et leur lecture
est à conseiller à toutes les personnes qui s'intéressent à l'anatomie phi-
losophique. Quant à celles qui, par métier, s'occupent au point de vue
spéculatif d'anthropotomie, elles auront sans cesse besoin de les consul-
ter. Il n'est pas enfin jusqu'aux médecins et aux chirurgiens, pour qui
l'anatomie reste encore Vancilla cliirurgiœ et medicinœ^ qui n*auront
besoin d'ouvrir sans cesse les livres de M. Ledouble.
R. Anthony.
Bêla Rkvesz. Der Einfluss des Alters der Mutter auf die Korperhôhe (Influence de
l'âge de la mère sur la taille de l'enfant). Archiv fur Anthropologie, t. IV, 1906,
p. 160.
La taille dépend de la race, de l'hérédité, de l'état de nutrition et, par
suite, de la position sociale, enfin de la constitution géologique du sol.
Un autre facteur mis en lumière par l'auteur est l'âge de la mère. En
effet, plus un organisme est âgé, tout en se maintenant à l'intérieur de
certaines limites propres à chaque espèce, plus sa descendance sera
développée et de grande taille. Les chiffres de Duncan cités par Topi-
nard [Anthropologie générale) et ceux de Kezmarsky sont instructifs à
cet égard, pour l'espèce humaine. Ce dernier a trouvé que lorsque l'âge
de la mère est de 16 à 19 ans, la longueur du nouveau né est de
49 centimètres ; elle est de 49,5 de 20 à 24 ans; de 49,9 de 25 à 29 ans ;
de 50,2 de 30 à 34 ans; et de 50,3 de 35 à 47 ans. On admet en général
que la croissance de la femme n'est terminée qu'à 25 ans ; il est dès
lors naturel de penser qu'au-dessous de cet âge l'organisme maternel
ne peut fournir autant de substance au fœtus que lorsque sa croissance
est achevée. Des mères de 15 à 16 ans ont des enfants faibles et petits,
les suivants sont plus robustes.
Dans les peuples où les femmes se marient très jeunes, leurs enfants
sont petits et ne peuvent à leur tour engendrer que des individus de
petite taille. La petitesse de la taille tend chez ces peuples à devenir un
caractère de race. A l'inverse, dans les peuples oij les mariages sont
tardifs, la taille tend à augmenter. Il est probable que les mères
seront, dans un pays donné, d'autant plus jeunes que la nuptialité
sera plus forte, parce que plus il y a de mariages dans une année, plus
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 719
les jeunes femmes ont chance de se marier. Les chiffres que fournit
l'auteur pour un certain nombre de pays d'Europe n'apportent cepen-
dant pas la preuve de cette relation entre la nuptialité et la taille. C'est
qu'en réalité lesfacteurs qui entrent enjeu sont extrêmement complexes.
Il est hors de doute que l'influence de la race est bien plus considérable
que celle de l'âge de la mère; elle agit tantôt dans le même sens, tantôt
en sens contraire. 11 en est de même de la situation sociale. Chez les
nations où, dans les classes civilisées, la tendance au mariage est plus
faible que dans les groupements à demi barbares, la taille tend à
s'élever. Mais quelle part faut-il attribuer dans ce phénomène à la pros-
périté économique et à Tàge plus avancé des mères qui est la consé-
quence de celle-ci t Les peuples du nord de l'Europe sont de haute
taille et se marient tard, ce qui semble confirmer la règle. Mais il y a
dans le sud de l'Europe le groupe dalmate et serbe, où la taille est
encore plus élevée malgré une forte nuptialité. Les juifs polonais sont
de très petite taille et se marient de bonne heure. Mais chez d'autres
peuples orientaux on trouve des mères tout aussi jeunes, sans constater
un abaissement de la taille. Enfin, si l'âge de la mère exerçait une action
réellement marquée sur la taille, on observerait, chez les peuples où
les filles se marient très jeunes, un abaissement progressif et illimité de
celle-ci. En effet, leurs enfants étant petits ne pourraient procréer que
des enfants encore plus petits, puisque l'influence de l'hérédité vien-
drait, à chaque génération, se surajouter à celle de Tâge de la mère. En
résumé, si l'âge de la mère paraît avoir une influence indéniable sur la
taille, cette influence est certainement assez faible et contrebalancée par
les autres facteurs tels que la race et l'hérédité, du milieu desquels il
est difficile de la dégager.
D"" L. Laloy.
J. Salmon. Description d'un fœtus achondroplase. Bull. Soc. Anthrop., n* 4.
Ce court travail, dont l'auteur a nom Julien Salmon et non Paul
Salmon comme il a été imprimé par erreur dans le Bulletin de la
Société d'Anthropologie, est une note préliminaire à un travail plus con-
sidérable sur la phocomélie, que cet auteur vient de faire paraître tout
récemment.
M. Julien Salmon, qui est conservateur-adjoint du Muséum d'Histoire
naturelle de Lille, y a fait l'étude d*un fœtus humain presque à terme
appartenant à la collection Dareste et portant l'étiquette de Phocornèle.
L'étude anatomique approfondie qu'il a faite de ce sujet lui a montré
qu'il présentait en réalité tous les caractères d'un fœtus achondroplase
typique. Il était, en effet, caractérisé : i^ par une tendance à la réduc-
tion de la diaphyse des os longs; 2° par une tendance à la localisation
des malformations sur les segments supérieurs des membres.
120 ^MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Si l'on se rapporte maintenant à la définition classique de la Phoco-
mélie et aux descriptions publiées (elles sont malheureusement bien
rares) des phocomèles les plus typiques décrits, on s'aperçoit que ces
monstres sont tout justement caractérisés par l'avortement plus ou
moins complet des segments intermédiaires entre les extrémités et le
tronc. Cet avortement porte uniquement sur les diaphyses osseuses
laissant les épiphyses intactes.
Il y a donc un rapport extrêmement étroit entre l'une des manifesta-
tions les plus essentielles de l'achondroplasie et la caractéristique de la
phocomélie. De là à considérer la phocomélie, non plus comme un simple
arrêt de développement, mais comme une forme, une manifestation en
quelque sorte de l'achondroplasie, il n'y a qu'un pas.
M. Julien Salmon espère, lorsqu'il aura pu faire l'examen histolo-
gique des os de phocomèle qu'il a eus à sa disposition et lorsqu'il aura
pu les comparer à des os d'achondroplases, pouvoir le franchir.
Virchow, d'ailleurs, en 1898, en s'appuyant sur des considérations un
peu différentes^ avait déjà entrevu l'intérêt de cette question.
La note de M. J. Salmon est extrêmement intéressante, la méthode
qu'il a adoptée est vraiment la bonne, et la voie qu'il poursuit ne peut
manquer de lui donner des résultats de tout premier ordre sur l'origine
encore complètement inconnue des monstres phocomèles.
R. Anthony.
F. VON LuscHAN. Ueber ein rachitisches Schimpansenskelett (Un squelette de
chimpaazé rachilique). Zeitschritft fur Ethnologie, t. XXXVIII, 1906, p. 115
(4 PI.).
Ce chimpanzé mâle est mort de tuberculose au jardin zoologique de
Dresde, où il avait vécu 8 ans. Il était âgé de 15 ans environ; son crâne
est énorme et pèse 970 gr. au lieu de 350 gr., poids du crâne d'un ani-
mal sain de même taille. Toute sa face externe est rugueuse et poreuse ;
il y a un épaississement considérable des os, surtout près de la ligne
temporale, où l'épaisseur de la paroi atteint 0'",031, tandis qu'elle n'est
que de 0°^,003 sur l'écaillé du temporal. La suture sphéno-basilaire est
encore ouverte, il en est de même de la majeure partie des sutures de
la face supérieure du crâne. Aux maxillaires, on n'observe que la den-
tition de lait; les dents définitives sont les unes entièrement cachées,
les autres visibles très loin de la surface de mastication. L'intérieur du
crâne est normal : son augmentation de volume a eu lieu seulement
par apposition de couches osseuses à l'extérieur.
Au squelette, les épiphyses ne sont en général pas soudées aux
diaphyses. C'est le bassin qui présente les déformations les plus remar-
quables ; les os iliaques sont coudés à angle droit, de sorte que le bord
supérieur de la symphyse n'est qu'à G™, 087 du promontoire, au lieu
de sa distance normale de 0'",154. L'humérus est courbé en S et épaissi j
MOUVEMENT SGIÉNTIFIQtJE. "Ï2l
il en est de même du radius. Les fémurs sont peu modifiés, les os de la
jambe sont légèrement courbés et poreux. Les os de la main et du pied
sont à peu près normaux.
Df" L. Laloy.
R. Lehmann-Nitschk. — f orschungsmethode einer wissenschaftlichen Ethnologie
(Méthode de recherches de l'ethnologie scientifique), Rapport présenté au Congrès
international d'expansion économique mondiale. Mons, 1905.
La question à laquelle répond ce rapport était formulée de la façon
suivante : « Quels sont, dans les pays neufs, les meilleurs modes de
faire des observations ethnographiques et sociologiques en vue d'arri-
ver à une connaissance scientifique de l'état social, des mœurs et des
coutumes des indigènes et de les élever à une civilisation supérieure ? »
M. Lehmann-Nitsche fait observer qu'on a réuni dans cette formule
deux problèmes distincts : l'étude scientifique des indigènes d'une part
et leur civilisation de l'autre. En ce qui concerne le premier, le monde
est assez bien connu maintenant pour qu'il n'y ait plus rien de réelle-
ment nouv.eau à découvrir. Aussi les voyageurs non spécialisés ne
peuvent-ils augmenter d'une façon sérieuse nos connaissances. Ce qu'il
convient de favoriser, ce sont des expéditions systématisées comprenant
des hommes qui ont reçu d'avance une éducation très complète. Les
observations rapides faites par un touriste ou par un voyageur spécia-
lisé dans une autre branche n'ont qu'une valeur restreinte. Il faut au
contraire un séjour prolongé parmi les indigènes pour bien se pénétrer
de leurs mœurs et de leur manière de penser. C'est surtout pour les
idées religieuses des peuples primitifs que la nécessité d'une instruc-
tion solide se fait sentir. C'est le rôle des ethnologistes actuels de
donner cette instruction à la fois théorique et pratique et de former le
personnel de ces expéditions.
Il me semble également qu'il y aurait lieu d'organiser l'étude de
l'ethnologie et de l'anthropologie dans les écoles de santé de la marine
et des colonies. Cet enseignement n'existe pour ainsi dire pas. Or les
médecins des colonies, qui résident longtemps sur place et en contact
permanent avec les indigènes, seraient à même de recueillir des obser-
vations intéressantes. Si quelques-uns d'entre eux l'ont fait avec succès,
cela ne peut que nous faire regretter qu'un plus grand nombre de nos
confrères ne s'intéressent pas à l'ethnologie.
Quant à la seconde question, celle de Télévalion des indigènes à une
civilisation supérieure, M. Lehmann-Nitsche fait ressortir avec raison
qu'elle ne comporte pas de solution générale, mais doit être étudiée
spécialement dans chaque cas particulier. Si par culture supérieure on
entend la civilisation européenne, il est très douteux qu'inoculée à
d'autre races elle puisse élever leur niveau.
Dr L. L.
l'anthropologie. — T. XVII. — 190G. 46
722 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Paul Siîuillot. La folk-Iore de France. Tome III. La faune el la flore.
E. Guilmoto, 1906. 1 vol. in-8e.
Après les deux précédents volumes de son grand travail sur le folk-lore
de France, consacrés l'un au ciel et à la terre, l'autre à la mer et
aux eaux douces, M. Paul Sébillot continue sa belle publication par
la faune et la flore. L'éloge de l'ouvrage de M. Sébillot n'est plus à faire.
On retrouvera, dans cette dernière partie, la clarté, la sûreté d'informa-
tion et la vie qui rendaient si intéressantes les premières et qui ne sont
pas diminuées ici.
Centrairementà ce quia été fait par la plupart des divers auteurs qui
se sont occupés de sujets analogues, celui-ci n'a pas cru devoir grouper
autour d'un même type d'animal ou de plante tout ce qui se rapporte
à ce type, en le présentant isolé de ceux qui l'entourent dans la nature.
Sans appliquer, d'autre part, une méthode géographique surperficielle, il
a divisé son exposé en grandes coupures où il réunit sucessivement tout
ce qui retire aux mammifères sauvages, aux mammifères domestiques,
aux oiseaux sauvages, aux oiseaux domestiques, aux reptiles, aux in-
sectes, aux poissons, aux arbres et aux plantes.
Danschacundesgrandschapitresainsiformés, il examine à tour de rôle
tout ce qui a trait aux origines, aux métamorphoses ou aux modifications
des principaux types, puis la collection d'erreurs bizarres ou de préjugés
dont ils sont l'objet, les présages, maléfices, pouvoirs magiques et autres
merveilleuses qualités dont ils sont doués, les rapports qui s'établisent
entre eux et les hommes, les personnages fantastiques qui prennent la
forme animale et végétale ; viennent ensuite, lorsqu'il y a lieu, l'indica-
tion de leur rôle dans la médecine, la sorcellerie, les jeux, et cou-
tumes, et enfin les légendes de métamorphoses, d'incarnations d'esprits,
et les épisodes des contes où il jouent un rôle principal ou accessoire.
Ce plan systématique permet très facilement l'utilisation des renseigne-
ments accumulés par M. Sébillot et le rapprochement des parties ana-
logues des divers chapitres. Nous ne pouvons suivre fauteur parmi la
profusion de faits et de citations qu'il a accumulés et su ranger avec
une parfaite méthode. Nous analyserons cependant brièvement le chapi-
tre consacré aux mammifères sauvages; l'uniformité du plan permettra
de se faire ainsi une idée concrète de tous les autres, auxquels nous ne
manquerons pas de faire allusion en plusieurs points.
Les mythes sur l'origine des mammifères sauvages et, d'ailleurs^ de
tous les animaux et des plantes, ne sont ni très répandus ni très subtils.
On trouve cependant, surtout en Bretagne et à un moindre degré dans
les diverses régions, F idée d'une création dualiste, les êtres bons, beaux,
ou utiles étant des créations de Dieu ; les mauvais, les laids, des créations
du Diable. Les deux créateurs opèrent souvent par couple et pour se
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 723
faire pièce : si Dieu a créé le mouton, le Diable s'empresse de créer le
loup, etc. On trouve ainsi opposés l'homme et le singe, l'aigle et le
chat-huant, l'hirondelle et la chauve-souris, l'anguille et le serpent,
l'abeille et la guêpe, etc. Parfois, comme dans le Roman du Renard,
Dieu et le Diable ont pour suppléants Adam et Eve. A côté de ces
histoires d'origines, il faut ranger les récits de métamorphoses ou ceux
de génération : ainsi les onrs dans les Pyrénées sont souvent des
hommes transformés ; la chauve-souris et la taupe ont fréquemment
eu la forme humaine, autrefois; les serpents sont des cheveux trans-
formés_, etc.
Les particularités réelles ou imaginaires des bêtes ont suscité grand
nombre d'explications et grossi le dossier des préjugés et des erreurs
dont elles sont l'objet. Sur le sexe, les amours, la naissance de ceux
qui nous occupent, la tradition est pauvre et se réduit presque aux
idées d'un changement de sexe périodique chez les lièvres et de la
paillardise des louves. Parmi les particularités physiques, on peut citer
que certains animaux passent pour dépourvus d'un sens, par exemple
la taupe « qui goûte ne voit >\ la chauve souris aveugle aussi. L'obser-
vation des animaux hibernants a été utilisée pour des fables qui repré-
sentent ce sommeil comme prolongé sept ans de suite, ou six mois, ou
comme lié à des conditions climatériques, que par contre il conditionne
à son tour en partie. La nuisance des bêtes est variable dans ses
effets suivant les types et les pays : la chauve-souris donne la teigne
ou rend aveugle par son seul contact, la belette paralyse les porcs
qu'elle approche, le hérisson provoque la grossesse des femmes qui le
touchent par mégarde, rend malades les vaches, les fait crever ou avor-
ter; la belette mange les œufs, la chauve-souris la poudre et l'huile des
lampes. L'attribution d'étonnantes qualités psychiques est également
fréquente : intelligence du renard et de l'écureuil, sociétés formées
par les blaireaux, les marmottes, parlement tenu par les loups; c'est
surtout à propos des oiseaux que sont nombreuses les légendes d'organi-
sation sociale ; c'est une véritable sociologie ornithologique. Dans le
même ordre d'idées, signalons le langage prêté aux bêtes. Viennent
ensuite des propriétés magiques plus singulières : il sera dangereux de
nommer tel animal par son nom, et, par crainte de maléfice, on par-
lera par périphrase du loup, du lièvre, de la belette.
Les religions naturalistes qui existaient en Gaule avant le christia-
nisme ont laissé derrière elles un véritable culte des arbres, séculaire-
ment combattu et toujours vivace dans de nombreuses régions. Les
offrandes aux arbres sont restées fréquentes, surtout de la part des
jeunes filles à marier. Clous fichés dans les troncs par les ouvriers, les
conscrits, les voyageurs, habitude des garçons ou des filles d'IUe-et-
Vilaine de se frotter à un chêne ou à un châtaignier dont une branche
brisée présente un aspect de phallus, ces quelques faits et bien d'autres
724 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
montrent la persistance de pratiques religieuses très anciennes, d'ail-
leurs beaucoup plus répandues encore sous la forme de culte des
pierres, des fontaines, etc. Le monde animal ne donne à peu près rien
de comparable. Cependant, en surplus des propriétés magiques signa-
lées plus haut, il y a encore lieu de lui tenir compte du rôle qu'il
joue dans les rencontres et des présages qu'il peut fournir. Le rôle
augurai, si considérable dans l'antiquité, a survécu d'une façon très
apparente. En général les animaux de bon augure sont de gros mammi-
fères, les autres étant de petite taille; d'ailleurs il y a des exceptions
et des différences suivant les circonstances. Le lièvre et la belette sont
presque toujours de mauvaise rencontre; cependant on peut détour-
ner leur fâcheux effet par des paroles conventionnelles ou par des
signes. Le loup, le plus redouté des mammifères sauvages et le plus
chargé de légendes dérisoires ou de superstitions apeurées, est natu-
rellement à éviter : son regard notamment est à craindre à cause de
son pouvoir de fascination. Cet ordre de croyances est aussi très déve-
loppé en ce qui concerne les oiseaux, les reptiles et les batraciens.
Les rapports que les hommes et les animaux peuvent avoir ensemble
sont souvent déterminés par la connaissance des particularités signa-
lées ci-dessus. Il y a ainsi des bêtes qu'il faut respecter, parce qu'elles
sont utiles ou que, nuisibles, elles procurent néanmoins la chance par
leur présence, d'autres que l'on extermine sans pitié. Beaucoup
d'hommes possèdent d'autre part, par retour, un pouvoir mystérieux,
sur les animaux : les meneurs de loups, de rats, de taupes. Quelque-
fois on se conciliera les bonnes grâces des plus dangereux, du loup par
exemple, par des offrandes en nature ou bien on rendra tabou, pour
le renard, un poulailler ou un enclos, par des sortilèges divers ou en
arrosant les alentours avec du bouillon d'andouilles. D'ailleurs, il y a
eu longtemps, et il y a encore en quelques endroits, de véritables sor-
ciers, puissants contre ces mêmes animaux, ou des saints protecteurs.
En même temps que ces dernières croyances, disparaissent aussi les
coutumes autrefois répandues de processions et de rites plus ou moins
compliqués dirigés contre les rats ; mais il reste de très nombreux
procédés individuels de conjurations des rongeurs, procédés qui con-
sistent à faire fuir ces animaux d'une façon magique et à les envoyer
chez le voisin. On pourrait aussi signaler la croyance aux bêtes
enchantées, très fréquente pour le règne animal, mais particulière-
ment développée dans le monde des insectes et dans celui des plantes.
Les animaux comme les plantes, par leurs particularités magiques,
étaient appelés à jouer un grand rôle en médecine, et à servir de
charmes. Les parties les plus diverses de leurs corps sont employées
à cet effet : cœur d'une belette mangé saignant rend somnambule;
amulette de corne de cerf met la bonne intelligence entre femme et
mari ; dent de loup rend le cheval prompt à la course; en Lauraguais,
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 725
la cendre de chauve-souris est un sortilège d*amour; se promener à
dos d'ours préserve contre tous les maux à venir; manger la tête d'un
lièvre fait que les enfants ont la lèvre fendue ; la viande de lapin ou de
lièvre en rut donne la syphilis; le nombre des produits dangereux ou
utiles, graines, poudres d'os, cervelle, gencive, dents, sang, etc., est aussi
illimité que celui de leurs applications. On retrouverait d'aussi merveil-
leuses propriétés dans tous les recoins du monde vivant, sans compter
celles que l'on a prêtées à des animaux imaginaires, tels que le basilic^
et sans parler des plantes ni des herbes.
Même richesse et même variété dans la légende et dans le conte.
Un de leurs ressorts favoris est la métamorphose ; celle-ci s'applique
à des individus et non à des espèces ; elle est produite par la puissance
des fées et des sorcières et pour un temps limité. D'ailleurs, des talis-
mans ou des circonstances imprévus peuvent très souvent rompre le
charme et ramener l'être transformé à sa première forme. Si beaucoup
de ces récits de métamorphose sont des artifices littéraires dont n'était
nullement dupe leur auteur, on a cru pendant longtemps sérieusement,
et l'on croit encore en maint endroit, à la possibilité pour l'homme
d'être changé en bête, soit qu'un sorcier prenne l'aspect d'un loup ou
d'un lièvre pour se rendre au sabbat, soit que des revenants ne puissent
se manifester sous une autre apparence, soit qu'un châtiment ait
déterminé cette transformation.
Jean Lafitte.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
Souscription internationale pour élever une statue à Lamarck.
Les Professeurs du Muséum national d'Histoire naturelle adressent aux natu-
ralistes du monde entier l'appel suivant :
« L'homme qui a été le véritable créateur de la doctrine transformiste, qui, le
premier, a posé sur le terrain physiologique le problème de l'origine des formes
organiques, c'est l'illustre naturaliste et philosophe Lamarck, membre de l'A-
cadémie des Sciences et professeur au Muséum d'Histoire naturelle.
« Tandis que Darwin cherchait à expliquer pourquoi la chaîne des êtres était
discontinue et brisée en espèces, Lamarck montrait comment il était possible
d'expliquer les procédés par lesquels les formes organiques s'étaient constituées
et continuaient à se transformer.
« Darwin repose à Westminster. Lamarck n'a pas encore de statue.
« Les Professeurs du Muséum, estimant que le moment est venu de réparer cet
injuste oubli, se proposent d'élever dans le Jardin des Plantes, où toute sa vie
scientifique s'est passée et oij il a élaboré ses immortels travaux, un monument
à la gloire de l'auteur de la Philosophie zoologique, du Système des Animaux
sans vertèbres, de la Flore française, des Fossiles des environs de Paris, du Système
des connaissances positives, de VHydréologie et de tant d'autres ouvrages. Avec
l'approbation de M. le Ministre de l'Instruction publique, ils prennent l'initiative
d'une souscription universelle et viennent vous prier de leur donner votre
concours pour honorer celui que, dans tous les pays, l'on considère comme le
père de la conception moderne de l'évolution du monde. »
Les Professeurs du Muséum national d'Histoire naturelle :
Ed. Perrier, directeur; L. Vaillant, assesseur; A Mangin, secrétaire ;
Arnaud; H. Becquerel; Boule; Bouvier ; Bureau, professeur honoraire ;
Chauveau ; Constantin ; Gaudry, professeur honoraire, Gréhant ; Hamy;
JouBLX ; Lacroix; Lecomte ; Maquenne ; S. Meunier; Van Tieghem ;
Trouessart.
Nous recommandons vivement cette œuvre patriotique à tous nos lecteurs.
Adresser les souscriptions à M. Joubin, professeur au Muséum, secrétaire du
Comité, 55, rue de Buffon, à Paris.
Une heureuse initiative.
La Faculté des Lettres de Toulouse ayant décidé la création d'un cours com-
plémentaire d'archéologie préhistorique a demandé que ce cours soit confié à
notre éminent collaborateur et ami M. Cartailhac.
Le Ministère a ratifié cette double proposition et le nouveau professeur a
inauguré son enseignement le 19 janvier 1907.
Cette nouvelle nous réjouit doublement. D'abord parce qu'elle témoigne d'un
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 727
acte de justice envers un savant indépendant, quia consacré sa vie et une partie
de sa fortune à la science et qui a fait, à diverses reprises, pendant sept ans,
soit à la Faculté des Lettres, soit à la Faculté des Sciences, un cours libre
dont le succès est resté, à Toulouse, dans !e souvenir de toutes les personnes
éclairées. Ensuite parce que nous y voyons la preuve que l'Université, si long-
temps réfractaire à nos études, en a enfin compris l'importance et la valeur.
Nous savions, de source certaine, que M. Bayet, Directeur de l'Enseignement
supérieur, était tout disposé à favoriser des créations du genre de celle que nous
sommes heureux de signaler aujourd'hui. Nous devons le remercier de l'appui
qu'il n'a pas manqu'^ de donner au projet présenté par l'Université de Tou-
louse. C'est d'un bon augure pour l'avenir.
L'archéologie préhistorique, comme toutes les sciences nouvelles, jette un
pont entre deux ordres d'études au premier abord assez diftérents : la Paléon-
tologie humaine, qui est du ressort des sciences naturelles et l'archéologie clas-
sique, d'un caractère plus littéraire.
Par son éducation première, par ses études et par ses travaux originaux,
M. Cartailhac devait plutôt trouver sa place à la Faculté des Lettres. 11 serait
à souhaiter que les Facultés des sciences ouvrissent aussi leurs portes à des
anthropologistes et des archéologues plutôt préparés, parleurs études scienti-
fiques, à traiter de l'histoire naturelle de l'Homme dans le présent et dans le
passé.
M. R.
Une nouvelle chaire officielle d'anthropolog^ie.
Nous apprenons avec une satisfaction qui sera partagée par tous nos lecteurs
que M. le Ministre de l'Instruction publique vient de décider la création d'une
chaire d'Anthropologie à la Faculté des sciences. Le Conseil supérieur de l'Ins-
truction publique a d'abord été consulté et il a émis un avis favorable. Nous
sommes fier de constater que, dans les sphères officielles, on ait tenu compte
du vœu émis à l'unanimité par le Congrès de Monaco; nous aimons à croire
qu'on ne s'arrêtera pas en si beau chemin et qu'après avoir créé des chaires
d'anthropologie dans les Facultés des sciences, on en créera dans tous les
établissements de Hautes-Études, conformément au vœu auquel je viens de
faire allusion.
La création d'une chaire dans une Faculté implique, pour les étudiants, l'obli-
gation de connaître les sujets qu'on y traite et, pour le professeur, le droit ■—
et même le devoir — de s'assurer, aux examens, que les élèves ont profilé de
son enseignement. Aussi nous attendons-nous h voir prochainement les ques-
tions anthropologiques figurer au programme des connaissances exigées des
candidats de l'ordre scientifique, ainsi que cela se passe déjà en divers pays. On
exigera enfin de ces candidats qu'ils aient sur l'Homme des notions aussi pré-
cises que sur la souris, la grenouille, le hanneton ou l'escargot.
Que le lecteur me pardonne de l'avoir un instant mystifié et de lui avoir donné
l'illusion qu'une réforme aussi importante ait pu se faire chez nous sans que
les bases de la société en aient été ébranlées ! Ce n'est pas en France qu'on a
eu l'audace de créer une chaire d'anthropologie dans une Faculté des sciences,
c'est en Italie, à l'Université de Pavie. Le titulaire de la chaire nouvelle est
728 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
M. Giuiïrida-Huggeri, dont j'ai eu plus d'une fois l'occasion d'analyser ici les
les travaux, et à qui j'adresse toutes mes félicitations.
Dopuis quelques années, nous avons eu maintes fois l'occasion de signaler des
créations analogues dans la vieille Europe et même dans le Nouveau-Monde. 11
est à espérer que le jour viendra où on estimera qu'une science qui a pris
naissance chez nous et que les élèves de Broca et de Quatrefages ont répandue
dans tous les pays civilisés, mérite bien une petite place dans nos Universités (1).
Mais nous n'en sommes pas là, et il nous faudra sans doute attendre encore de
longues années avant qu'on ne reconnaisse en France l'importance d'études qui
ont contribué dans une large mesure à détruire [les superstitions que nous ont
léguées nos pères.
R. V.
Cours d'Antiquités américaines au Collègue de France.
(Fondation du Duc de Loubat.)
M. L. Lejeal a repris ce cours le samedi 8 décembre 1906, salle n° 3. Les
leçons ont lieu les mercredis et samedis à 3 heures.
Cette année, le professeur expose les Éléments de la grammaire mexicaine^
avec explications de textes historiques et religieux (cours du mercredi); il étudie
la Magie, la Sorcellerie et C Astrologie dans Vancienne Amérique, spécialement au
Mexique et au Pérou (cours du samedi).
R. V.
L'exposition anthropologique et ethnog^raphique du D"" Rivet.
A l'heure où paraîtra ce fascicule, une exposition du plus haut intérêt pour
les anthropologistes et les ethnographes sera ouverte au Muséum d'histoire
naturelle de Paris ; je veux parler de l'exposition des immenses collections rap-
portées de rÉquateur par le W Rivet, attaché à la mission géodésique.
Pendant son séjour sur les hauts plateaux de la région interandine, notre
sympathique confrère s'est attaché à recueillir des documents de toute nature
sur les Indiens anciens et modernes. Il a récolté plus de 300 crânes, tous pré-
colombiens, à l'exception de deux crânes d'Indiens Colorados, d'innombrables
os longs, une série céramique unique en son genre, descasse-tètes, des haches,
(1) Ainsi que ranaonce ci-dessus M. Boule, la Faculté des Lettres de Toulouse
vient de douner le bon exemple en créant un cours « complémentaire » d'archéologie
préhistorique, qu'elle a confié à notre ami Emile Carlailhac. Le choix ne pouvait
être plus heureux; aussi félicitons-nous cordialement le titulaire de la nouvelle
chaire tt ceux qui l'ont nommé.
Toutefois, ou ne s'explique guère qu'un cours d'archéologie préhistorique ne soit
pas rattaclié a la Faculté de Sciences. M. Cartailhac est un lettré, personne ne le
conteste; mais il est également un savant distingué. Son enseignement reposera
tout entier sur des bases scientifiques, nous en avons la certitude, et quoi qu'on en
puisse penser à Toulouse, nous estimons qu'en l'an de grâce 1907, c'est dans les
Facultés des Sciences que l'archéologie préhistorique a sa place marquée, comme
les autres branches de l'anthropologie.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 729
un siège et une idole en pierre, des objets en os, en or, en argent, en cuivre, etc.
Il a recueilli également quelques collections à la côle et dans la région orientale.
Les documents qu'il rapporte sur les Jivaros vont lui permettre d'écrire une
monographie complète de ces Indiens, encore si mal connus; nos lecteurs
en auront la primeur, car le D' Rivet a bien voulu nous promettre de réserver
ce travail pour notre revue.
Je me propose de consacrer, dans le prochain numéro de L'Anthropologie, un
article détaillé à l'exposition de mon collègue. Pour le moment, je me conten-
terai d'ajouter aux quelques mots que je viens d'en dire, qu'elle comprend une
collection de costumes des Indiens de toutes les provinces de l'Equateur.
Nous engageons vivement ceux qui s'intéressent à nos études à profiter de
l'occasion qui leur est offerte de s'initier à l'anthropologie et à l'ethnographie
d'une région sur laquelle nous ne possédions encore que des renseignements
forts clairsemés.
R. V.
Le Congrès colonial français.
Le Congrès colonial français, que préside M. François Deloncle, député de la
Cochinchine, se réunit chaque année à Paris, au mois de juin, pour discuter
l'ensemble des questions intéressant notre domaine colonial. I! comprend entre
autres une section de Sociologie et d'Ethnographie, dont M. le D"" Hamy, de
l'Institut, a bien voulu accepter d'être le président d'honneur, et dont la prési-
dence effective a été confiée à M. René Worms. En 1905, cette section avait à
son programme l'étude des populations indigènes de Madagascar, el elle a reçu
sur ce sujet des mémoires approfondis de MM. le D"^ G. Papillault, Adrien de
Mortillet, Alfred Durand.
En 1907, au mois de juin, le Congrès se tiendra de nouveau à Paris et, celte
fois, la section de Sociologie et d'Ethnographie aura à son ordre du jour l'étude
des populations indigènes du Cambodge et du Laos. Tous les anthropologistes
sont invités à assister aux réunions et à y envoyer des mémoires ou des docu-
ments.
Ceux de nos lecteurs qui désireraient des renseignements plus circonstanciés
sont priés de s'adresser à M. René Worms, 115, boulevard Saint-Germain, à
Paris.
R. V.
Nouvelles entrées dans les collections de paléontologie du Muséum.
Parmi les entrées récentes dans les collections de paléontologie du Muséum,
les suivantes, énumérées dans l'ordre des dates, sont de nature à intéresser
particulièrement nos lecteurs :
1905. — M. le D'' Capitan nous a remis un morceau de peau du Neomylodon de
la Cueva Eberhart (Patagonie).
M. GiiAY, voyageur du Muséum, nous a rapporte un certain nombre d'osse-
ments de Lémuriens, d'Hippopotames, de grands Oiseaux et de Crocodile sub-
fossiles d'Ambolisaro (Madagascar).
730 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
(irâce à l'obligeance de M. Cartailhac, j'ai pu faire exécuter dans nos ateliers
un moulag-edu beau crâne de Panthère de la caverne de Malarnaud (Ariège),
dont rorii,nnal a éià cédé par M. Félix Uegnault au Musée do Toulouse.
M. le professeur St. Mkunikr a bien voulu nous offrir quelques fossiles marins
des plages quaternaires de Chypre recueillis par M. Albert Gaudry et déposés
au Service de géologie.
1906. — J'ai reçu de M. Berriat Saint-Prix à Thuret, par Aigueperse (Puy-de-
Dôme), un arrière-crâne de Bison nriscus des alluvions quaternaires de Gressen-
ville (Puy-de-Dôme).
Nous avons placé dans la galerie, à côté du squelette de Mégaceros mâle d'Ir-
lande une jolie statuette représentant cet animal à l'état de vie et due au talent
de M""= Alers-Abran.
M. le D' Martin nous a gracieusement ofTert quelques silex taillés et quelques
ossements portant [des traces de percussion provenant de la station de La
Quina (Charente).
Les fouilles pratiquées par le Laboratoire de Paléontologie au Moustier et à
la Micoque, lors de notre excursion publique dans la vallée de la Vézère, ont
enrichi nos collections d'un grand nombre d'ossements d'animaux et de silex
aillés.
M. Guillaume Grandidier nous a généreusement fait cadeau des matériaux
recueillis dans des grottes et des marais de Madagascar et notamment les échan-
tillons types qui lui ont servi à rédiger son beau mémoire sur les Lémuriens
disparus.
D'un autre côté, le Service de la Mammalogie du Muséum nous a transmis un
grand nombre d'ossements d'jEpyornis et d'Hippopotames de la même région.
Nous avons acquis en outre un œuï à'jEpyornis absolument intact, trouvé dans
le sable d'une dune aux environs du cap Sainte-Marie.
Ces diverses entrées de fossiles quaternaires malgaches constituent un ensembid
qui sera complété très prochainement par l'envoi d'une belle série de crânes
de Lémuriens recueillis par l'Académie malgache et offerts par elle au Muséum.
Ces pièces ont figuré à l'Exposition coloniale de Marseille.
Parmi les documents transmis à mon service par M. Trouessart, professeur de
Mammalogie, je dois signaler d'une façon toute particulière la petite mais très
précieuse collection d'ossements d'oiseaux fossiles quaternaires qui ont servi aux
travaux de A. Milne-Edwards. J'ai pu retrouver la plupart des échantillons
décrits et figurés soit dans le grand ouvrage de notre éminent et toujours
regretté confrère : Recherches sur les Oiseaux fossiles de France, soit dans la
note qu'il publia plus tard (1875) dans les Matériaux de M. Cartailhac.
Enfin il me reste encore à mentionner le don fait par M. Commont, d'Amiens,
d'une belle tète de Canis famitiaris trouvée dans la tourbière de Proyart
(Somme). ^ M. B.
Muséum d'archéologie projeté à Cambridg^e.
Cambridge, la splendide rivale d'Oxford, possède aux environs de ses col-
lèges Corpus Christy et Pembroke, un quartier où abondent les laboratoires,
les bibliothèques, les Musées, quelques-uns, tel « Sedgwick Mémorial Muséum
of Géologie », inaugurés en 1904. Là, dans un terrain fort ample, l'université
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 731
veut élever un Musée d'archéologie et d'ethnologie. La construction coûtera
500.000 francs. Un comité, qui comprend une foule de notabilités du Royaume
et de savants illustres, adresse un appel aux souscripteurs et ceux-ci déjrà
répondent avec empressement. La liste des collections qui trouveront de suite
place dans le prochain Musée est publiée, elle est magnifique. Le Préhistorique
en particulier y figure largement. Il y a surtout de nombreuses séries des
populations primitives les plus diverses.
E. G.
Les fouilles de Délos.
Les résultats des fouilles qui se poursuivent à Délos, grâce aux subventions
du duc de Loubat, ontété fort importants cette année, à en juger par le résumé
qu'en a présenté, à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, M. Holleaux»
directeur de l'École d'Athènes. Le grand portique du nord, qu'une inscription
de l'architrave paraît attribuer au roi de Macédoine, Anligone Gonatas, a été
complètement dégagé, et on a déblayé également deux nouveaux îlots du quar-
tier du théâtre, qui a été édifié deux siècles avant notre ère.
Parmi les découvertes les plus intéressantes, signalons celles d'un tombeau
mycénien, de nombreux débris de vases, de quelques statues — entre autres,
celle de la muse Polymnie —, de cinq énormes lions en marbre de Naxos, etc.
Une stèle, sur laquelle sont énumérés tous les sacerdoces de Délos à l'époque
de la seconde domination athénienne, constitue un document de premier ordre
pour l'histoire des religions de l'antiquité.
Les archéologues classiques doivent savoir gré au duc de Loubat de sa géné-
rosité et féliciter les chercheurs du parti qu'ils ont su tirer des fonds mis à leur
disposition.
R. V.
Découverte de ruines au Guatemala.
Dans La ISature du 3 novembre dernier, M. Maurice de Périgny signale l'exis-
tence d'une ville ruinée à Nacun, dans le district guatémalien de Peten. Les
monuments de cette ville, aujourd'hui enfouie sous les arbres, comprennent
des maisons d'habitation, des temples, une forteresse, qui, comme les monu-
ments de Ghichen itza ou d'Uxmal, sont construits au sommet de grandes pyra-
mides mesurant de 3o à 5o mètres de hauteur.
Faute de temps et d'ouvriers, le voyageur n'a pu fouiller la vieille cité, dont
les édifices sont généralement sans aucun ornement, mais offrent des propor-
tions imposantes. Il a déblayé néanmoins deux temples, auxquels on accède par
un large escalier très raide, et il a rencontré au pied de chaque escalier un
bloc de pierre décoré, planté en terre et atteignant 2 à 3 mètres de hauteur.
Sur l'un d'eux est représenté un guerrier; sur l'autre sont gravés des hiéro-
glyphes. C'était la première fois que M. de Périgny rencontrait de tels piliers
dans des ruines mayas.
11 est à espérer que les ruines de Nacun seront bientôt explorées sur une
plus vaste échelle, car elles peuvent fournir d'intéressants renseignements sur
le peuple qui a construit les monuments entrevus par notre compatriote.
R. V.
732 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Une ville polyglotte.
C'est de la villej d'Épcrlcs] qu'il s'agit. Située en Hongrie, sur les confins de
la Galicie, elle compte 15.000 habitants, qui parlent six langues difTérenles et
un grand nombre de dialectes. Tout le monde, d'ailleurs, s'entend parfaitement,
car tout le monde est polyglotte.
La raison de ce phénomène est fort simple : la ville d'Épertes est peuplée de
Hongrois, d'Autrichiens, de Russes, d'IUyriens, etc. ; elle est en outre visitée
continuellement par des touristes de tous les pays, de sorte que, d'après La
Nature, « dans un même établissement public, on peut entendre en même
temps six ou sept langues parlées par les différentes personnes qui s'y trouvent ».
A Épertes, il n'est venu à l'idée de personne de créer une langue unique.
Chacun préfère apprendre la langue de son voisin que d'amalgamer d'une
façon plus ou moins harmonieuse des syllabes empruntées à tous les idiomes
et d'en faire un espéranto que bien peu de gens arriveront à comprendre.
R. V.
La dégénérescence des peuples latins.
M. P. Nâcke (1) reconnaît que les peuples latins et la France en particulier
ne sont pas en voie de dégénérescence. Cet aveu nous est d'autant plus pré-
cieux qu'il vient d'un Allemand et que l'auteur déclare que, même au point de
vue de la morale sexuelle, nous ne sommes pas inférieurs aux peuples germa-
niques. Les seuls points noirs sont le développement de l'alcoolisme et la dimi-
nution de la natalité. Mais le remède est tout trouvé : une nouvelle infusion de
sang germanique ne peut que nous être profitable. En revanche M. Nacke
déconseille absolument le mélange des « Ariens » avec des races tout à fait
différentes, dont il ne peut rien sortir de bon. Les « mariages de Loti » ne sont
pas son fait. 11 a d'ailleurs parfaitement raison lorsqu'il affirme qu'aucun
peuple n'a disparu de la scène du monde par dégénérescence, mais que tous
ont été absorbés par des conquérants ou des immigrants étrangers. La dégéné-
rescence de certaines (classes d'une population est d'ordinaire contrebalancée
par des phénomènes progressifs dans d'autres classes. Elle n'a jamais pu ame-
ner l'anéantissement d'un grand peuple, mais seulement celui de quelques
hordes sans valeur.
D' L. Laloy.
Une secte féminine en Chine.
Un mandarin chinois, Ly-Chao-Pee, publie dans la Revue de curieux détails
sur la secte féminine dite des « Abstinentes », qui prend une véritable impor-
tance dans la Chine méridionale.
Les adeptes de cette société font le vœu de ne pas jamais manger la chair
d'aucun animal, ni même des œufs parce qu'ils contiennent un germe de vie.
(1) Archiv fur Rassen und Gesellschaft-Biologie, 1. 111, 1906, p. 373.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 733
C'est en réalité une secte végétarienne qu'ont formée les femmes du Céleste
Empire.
11 n'y aurait dans le fait rien qui méritât d'être particulièrement signalé si les
« Abstinentes » n'avaient des idées spéciales sur les vertus de l'alimentation
exclusivement végétale. Elles ont la conviction que si elles observent fidèlement
leur vœu, leur âme transmigrera dans un autre corps et qu'elles auront le bon-
heur de renaître hommes.
Devenir homme, quel beau rêve pour une Chinoise ! Aussi les « Abstinentes »
supportent-elles vaillamment la privation d'alimentation animale et toutes les
peines que le sexe fort leur fait endurer. Elles se promettent évidemment un
ample dédommagement après leur métamorphose, et sans doute n'est-il pas
téméraire de supposer « que quelques-unes d'entre elles savourent déjà, par
avance, un petit avant-goût de vengeance dans le cas où elles viendraient à
retrouver leur mari transformé en femme ».
R. V.
IVèg^res en Allemag-ne.
Le rôle des anthropologisles de l'avenir sera bien difficile : partout ils ne
rencontreront que les mélanges de races les plus hétéroclites. Maigre son sur-
peuplement, l'Allemagne a recours a la main-d'œuvre étrangère. Des Polonais
viennent remplacer, dans le Hanovre, les paysans émigrés : le village de Misburg
compte 3.000 Polonais. Pour les travaux des canaux on emploie des Galiciens,
des Serbes, des Croates, dont une partie s'établit définitivement dans le pays.
Voici que, d'après le Berliner Tagehlatt, des agents de Hambourg et de Brème
offrent pour l'agriculture des travailleurs nègres des deux sexes. C'est surtout
dans le district de Luneburg, dans la Hesse et le Hanovre que ces collaborateurs
sont appréciés.
D' L. Laloy.
Les IVèg^res aux Etats-Unis.
En 1750 le nombre des Nègres du territoire actuel des États-Unis ne paraît
pas avoir dépassé 220.000; ils sont aujourd'hui 9 millions. En 18\0, 9 0/0 seule-
ment des Nègres âgés de plus de 10 ans savaient lire et écrire; 55,5 0/0 sont
actuellement dans ce cas, et 3.000 Nègres ont fait des études supérieures. Il y a
746.717 fermes aux mains des Nègres; leur surface équivaut à peu près à la
moitié de celle du royaume de Prusse, et leur valeur dépasse 1 milliard de
francs. Les Nègres dirigent plus de 5.000 établissements de commerce, surtout
des épiceries, des merceries, des imprimeries, des drogueries, avec un capital
de 45 millions de francs. Il y a en outre 3 banques et de nombreuses coopéra-
tives, des établissements de bienfaisance, 7 hôpitaux, 20 orphelinats et au moins
100 caisses d'assurances contre les accidents et la maladie. Si l'on se rappelle
que CCS résultats ont été obtenus au cours d'une seule génération par les des-
cendants des anciens esclaves, on conviendra avec M. liurghard du Bois (1),
(1) Arcliiv fur Sozialwissenschaft und Sozialpolili/c, 1906, p. 31.
13» NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
que la race nègre est éminemment perfectible et ne mérite pas l'ostracisme et
les persécutions dont elle est l'objet de la part des Américains.
Dr L. Laloy.
La résurrection du peuple Maori.
Comme tant d'autres peuples primitifs, les Maoris de la Nouvelle-Zélande ont
rec!ilé devant la civilisation européenne, qui leur a apporté trois fléaux princi-
paux, la tuberculose, les maladies vénériennes et l'alcoolisme. Relégués dans
les parties les plus malsaines et les moins fertiles des deux îles, ils étaient voués
à une extinction rapide, lorsque le gouvernement de la Nouvelle-Zélande, qui,
à tant d'autres égards, se distingue par son esprit progressif, décida de sauver
ce peuple. L'agent de cette résurrection fut un Maori, nommé Mauri Pomare,
qui avait étudié la médecine en Angleterre et qui, pourvu de toutes les connais-
sances modernes, aidé de l'appui du gouvernement, se proposa d'inculquer à
ses compatriotes les principes de l'hygiène. Il parcourut les villages des deux
îles, y prêcha la rénovation, soit de vive voix, soit par ses écrits. Chose extra-
ordinaire, il réussit : on vit des Maoris détruire de leur plein gré leurs masures
sordides et les remplacer par des maisons modernes pourvues de planchers, de
fenêtres, de cheminées, de chambres distinctes et de cabinets d'aisance. Il y a
maintenant des villages entiers reconstruits de la sorte. Le pittoresque y perd,
mais, comme le dit le D"" Mauri Pomare (1), il est plus intéressant de sauver la
vie et la santé de nombreux êtres humains que de satisfaire la curiosité des
globe-trotters.
Pour les médecins européens qui connaissent la quasi-impossibilité de guérir
les gens du peuple de leur saleté et de leur alcoolisme, ce résultat est vraiment
surprenant et prouve que les Maoris ont beaucoup plus de ressort moral qu'on
ne le supposait. Leur nombre, qui était tombé progressivement à 39.000 en
1896, a maintenant tendance à se relever : 43.000 en 1901. Mais il y a encore
beaucoup à faire. Il faudrait interdire aux traitants d'importer des alcools de
mauvaise qualité, il faudrait isoler les tuberculeux dans des sanatoriums, il
faudrait enseigner aux mères à donner des soins rationnels à leurs enfants : la
mortalité de 0 à 1 an est de 50 0/0. Il conviendrait d'empêcher les sorciers
d'exercer la médecine, et les femmes d'adopter les modes européennes : Pomare
a rencontré un cas de rein flottant occasionné par le corset !
Il a déjà pu éduquer quelques-uns de ses compatriotes et en faire des inspec-
teurs sanitaires. Le désir de ce peuple de sertir de son état d'abjection est si
grand qu'on peut espérer un succès complet de celte tentative de relèvement,
qui n'a qu'un tort, c'est d'être un peu tardive et de succéder à une longue
période de refoulement et de persécution des indigènes. Sans établir de compa-
raison entre les Maoris, qui en sont presque à l'âge de la pierre, et les demi-civi-
lisés de Madagascar, on me permettra cependant de rappeler que l'école de
médecine de ïananarivc ne peut manquer d'exercer la plus salutaire influence sur
les Malgaches. C'est au médecin à remplacer le missionnaire dans l'œuvre de
relèvement des indigènes de nos colonies. D"" L. Laloy.
(1) Cité par M. Grober, Archiv fiir Rassen mid Gesellschafts-Biologie, III, 1906,
p. 704.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 53^
Les singles chirarj[îens. — Un anthropoïde inventeur.
Nous trouvons dans un journal médical l'entrefilet suivant :
« Les alouates de la Guyane sont peut-être les plus intelligents, les plus
étranges et les plus curieux des singes. Orateurs infatigables et chanteurs dis-
tingués, ces « ténors des bois » seraient aussi des chirurgiens émérites.
« Lorsqu'un alouate est blessé, tous ses petits camarades accourent, Ten-
tourent, s'empressent, le plaignent et, ce qui vaut mieux, le secourent. Ceux-ci
plongent leurs doigts dans la plaie comme pour en sonder la profondeur,
tandis que ceux-là vont chercher des feuilles d'arbres qu'ils insinuent dans la
blessure pour arrêter le flux du sang. D'autres enfin, s'en vont à la recherche
de plantes bienfaisantes qu'ils appliquent sur la plaie pour en activer la
guérison. »
Que nos lecteurs n'aillent pas croire que nous avons découpé ces lignes dans
un de ces journaux d'outre-mer habitués à lancer des nouvelles sensationnelles ;
c'est à la vénérable Gazette médicale de Faris, âgée aujourd'hui de 78 ans, voire
de 134 ans, si l'on tient compte des années pendant lesquelles elle s'est appelée
La Gazette de Santéy que nous les empruntons. Elle-même les avait extraites de
la Chronique médicale.
D'ailleurs, à tous ceux qui ont étudié les singes d'un peu près, le fait cité
par notre confrère ne semblera pas invraisemblable. Darwin a signalé bien des
exemples d'intelligence, de sentiments affectifs et même de raisonnement chez
des anthropoïdes, des pithéciens ou des cébiens. Le fameux Chimpanzé Edgar,
que les Parisiens ont admiré au Jardin des Plantes, a donné maintes preuves
d'intelligence avant d'être amené en Europe. Dans une vieille casserole, il
conservait des objets qui lui étaient précieux, notamment deux ou trois cailloux
qui lui servaient de percuteurs pour casser les noyaux, un fragment de bou-
teille et un chiffon noir. L'usage qu'il faisait de la bouteille cassée et du chiffon
est vraiment bien extraordinaire : en plaçant le chiffon derrière le verre, il
obtenait un miroir dans lequel il aimait à contempler ses traits. C'est, du
moins, ce que nous a formellement affirmé son ancien maître. Malheureuse-
ment, il s'habitua, chez nous, à boire à la régalade des boissons alcooliques, et,
comme à un vulgaire bipède, celte passion lui fut fatale.
L'invention du miroir par un anthropoïde est un fait qui dénote une intelligence
autrement développée que celle que montrent les cébiens de la Guyane lorsqu'ils
secourent leurs semblables blesses. Quelques-uns prétendront sans doute que les
alouates ne font, en la circonstance, qu'accomplir un acte instinctif. Ce serait le
cas de citer le passage où Voltaire raille si agréablement les philosophes du
xviii^ siècle discutant sur l'instinct et la raison, et de rappeler, avec Broca, ces
vers traduits de Prior :
Avez-vous mesuré cette mince cloison
Qui semble séparer l'instinct delà raison?...
Toutes les dissertations auxquelles on pourra se livrer n'empêcheront pas
que les alouates ne fassent preuve d'intelligence quand ils tamponnent une
plaie pour arrêter une hémorragie et lorsqu'ils appliquent sur une blessure
des plantes dont ils ont reconnu les propriétés bienfaisantes.
R. V.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
(avec notes analytiques.)
a) Travaux publiés dans les recueils anthropologiques.
Balletias et mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris,
5e série, t. VJI, 1906.
iV/o 2. — DucHEMiN, Tumulus de la Gambie {suite et fin, fig.). — Zaborowski, Les
Gaulois; l'industrie dite de La Tène est purement gauloise. Les Bastarnes. (A propos
de la communication de M. Volkov.Les Houzoules sont des descendants des Gaulois-
Bastarnes.) Discussion : M. Manouvrier. — Variot et Gbaumet, Tables de croissance
des enfants parisiens de 1 à 16 ans d'après les mensurations sur 4.400 enfants, gar-
çons et filles ; graphiques). Discussion : MM. Papill\ud, Manouvrier, Bloch. — Capitan,
Une couche de silex taillés, usés, sur la terrasse moyenne du Moustier, au milieu
des outils intacts. Explication. — Papillallt, Mon opinion vraie sur un point de
morphogénie osseuse (relatif à l'action bio-chimique du muscle dans la production
des excavations aux points d'insertion ; à propos de la discussion de cette opinion
par Antbony et F. Regnault). — Hervé, Contribution à l'histoire des mégalithes (pra-
tiques magiques et sorcellerie autour du menhir près Machecoul sur l'ordre de Gilles de
Laval vers 1440). Discussion: MM. Baudouin, Sébillot, Hervé. — Desplagnes, Le plateau
central nigérien dominant la grande boucle du fleuve. Monographie des Habès qui
habitent ce plateau et des « Sorkos» réfugiés dans les îles. Régime théocralique électif. Re-
ligion. Mariage. Funérailles, etc., 7 p/.). — P.d'Enjoy, Le Spiritisme en Chine (croyances,
superstitions, sorciers, etc.). — Hamy, Pierres levées et figures rupestres du Tagant
(Mauritanie), (découvertes et photographiées par R. Arnaud. Limite extrême au S.-E.
des pictographies ; alignements des mégalithes ; fig.). — Hébert, Survivances ethno-
graphiques. L'écorçoir (en os de cheval) dans les Ardennes, l'Indre et l'Yonne {fig.)^
Revue de l'École d'Anthropologie de Paris, 16^ année, 1906.
N" 8. — L. Manouvrier, Conclusions générales sur l'anthropologie des sexes et ap-
plications sociales (importance de la science dans l'art médical, etc.). — L. Capitan,
Le congrès international d'anthropologie préhistorique de Monaco (1906j (résumé des
communications). — A. deMortillet, La pierre folle de Bournaud et lesdolmens du
département de la Vienne (2 fig.). — L. Jacquot, Dessins rupestres de Mog'ar (Sud-
Orauais), (signalés par le D^" F. Jacquot en 1847 ; fig). — E. Rabaud, Anomalies de la
deuxième circonvolution pariétale, fig. (sorte de fosse pariétale, considérée par l'au-
teur comme un stigmate de dégénérescence). — ZAïiOROwsKr, Pour le nom d'« Aryen »
(contre celui d'Indo-Germain). Rappel de l'inscription de Behistoun où Darius est
qualifié d'Aryen).
A'o 9. — De Mortillet (A.), Cours de technologie ethnographique. L'allée couverte
de Coppière (Seine-et-Oise). (Revue descriptive. Description des fouilles: objets néo-
lithiques de l'âge du bronze et romains ; fig.). — Giuffrida-Ruggeri (V.), Crânes eu-
ropéens déformés (à propos du travail de Schliz sur la déformation « reihengrâbé-
rienne ». La déformation à l'aide de bandes a dû exister partout en Europe au
moyen-âge). — Fourdrignier, L'éclairage des grottes paléolithiques devant la tradi-
tion des monuments anciens ; fig. (Cet éclairage a pu avoir des analogies avec la
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 731
réflexion de la lumière du jour à l'aide de plaques en étain usitée dans les églises
mérovingiennes [d'après Fortuna] et dans les caves modernes.)
Zeitschrft f. Ethnologie, Berlin, iu-8.
Supplément zu i90o. — P. Ehrenreigh, Die Mythenund Legenden der Sudamerkanis-
chen Urvôlker, etc. {Mythe.^ et le'rjendes des peuples primitifs de l'Amérique du Sud,
et leurs rapports avec les mythes et les légendes de l'Amérique du Nord et du Vieux
Monde. Etude originale : Légendes et mythes des Indiens du centre de l'Amérique
du Sud; leur ressemblance avec les mythes Indiens du Nord-Ouest, et des Paléasia-
tiques, etc.).
Année 1906 (t. XXXVIII), N"^ 1 et 2.
a) Abliandlungen.
Wilke-Grimma, Zur Entstehung, etc. {L'origine delà décoration en spirale; ^(7. Com-
binaisons des segments des cercles concentriques. Les ornements encercles concen-
triques ont été connus dans le sud de l'Europe centrale 3.000 ans avant J.-C). —
BiNETSCH, Berichte der Missionare, etc. [Rapport des missionnaire.'; G. Binelchs et G.
Hàrtter sur les Ewés, principalement sur des Ewés anglo. 1. Réponse à plusieurs ques-
tions sur le peuple ewé et sur sa mentalité. 2. Mœurs et coutumes des Anglo (Gui-
née super.). 3. La pêche dans le pays ewé (avec un vocabulaire se rapportant aux
poissons et à la pêche). — Fritsch, Die Buschmauner der Kalahari, etc. {Les Bas-
chimans du Kalahari, Analyse du mémoire de S. Passarge. Critique assez sévère et
réponse aux observations). — Nordenskiôld, Ethnographische und archiiologische
Forschungen, tic. {Recherches ethnographiques et archéologiques dans le pays -frontière
entre le Pérou et la Bolivie, 1904-5 ; fig. Etude ethnographique des Quitchuas du
versant est des Andes, leur distribution; limite nord des « chulpar » c'est-à-dire de
sortes de dolmens que l'on attribue aux Aymara, vivant actuellement au sud du lac
Titicaca. Tribus des familles linguistiques pano ou tacana, en partie quitchuanisées :
les Lecam, les Lapatchu, etc.; en partie ayant conservé leur langue et les noms pri-
mitifs, vivant encore eu plein âge de la pierre : les Guarayo de la rivière de Tambo-
pata (parlant tacana), les Yamiaca (30 à 40 individus), elles Atsahuaca (23 individus). —
P. Traegeu, Die Troglodyten, etc. {Les Troglodytes du Matmata, Tunisie. Habitations.
Type physique. Droit de propriété,etc. ; ^gr.). Dz5ci/5S2on : MM.Mag^us,Traeger,Mielke,
ScHWEiNFURTH, Oppkrt, Giebeler, V. Luschan, Staudinger, Blanckenhorn. (Le troglody-
lisme répond au besoin d'avoir un abri frais et facilement défendable). — F. vois
LusciiAN, Ueber ein rachitisches, etc. {Un squelette rachitique de chimpanzé tubercw-
leux, av. 4 pi. Mensurations). — Seler (E.), Das Dorfbuch, etc. [Le livre de village
de Santiago Guêvea, Tehuantepec. — Un manuscrit mexicain zapotèque du milieu du
seizième siècle (1540), fig.]
b) Verhandlungen.
VoN Luschan, Die ethnologische Stellung, etc. {Jm position ethnologique des « Abys-
sins » exposés au Castan's Panopticum de Berlin. Ce sont probablement des Somalis
et des Gallas). — Opppert, Ein indischer Pilgerstab {Un bâton de pèlerin hindou ou
« ashada ». Présentation). — - P. Kupka, Neolitische Funde, etc. {Pièces néolithiques
trouvées à Arneburg; fig. 2. Le cimetière wende de Wahrburg] fig. Poterie, silex
taillés, etc.). — Th. Koch Grunberg, Die Indianerstamme am oberen Rio-Negro, etc.
{Les tribus Indiennes dans le Haut Rio-Negro et le Yapura et leurs affinités linguis'
tiques; 1 pi. h. t; fig. Types, distribution géographique et vocabulaires comparés
avec ceux des auteurs antérieurs. Carte ethnographique (réduction de celle du
« Globus »). — Wessing, Ueber den Gebrauch,etc. [Usage de V opium chez les Chinois.
Cartes. Culture (av. cartes); commerce, usage, conséquences, etc.)] Discussion.
l'anthropologif. — T. xvit. — 1906. 47
Vis BULLETIN BinLIOGRAPIIIQUE.
MM. Sthauch, Stai'dinger). — V. Majewski, Neuentdeckte poloische, etc. {Groupe
polonais, nouvellement découvert, de céramique avec orjiementalion en rubans
ondulés^ d'après les fouilles faites dans la prov. de Kiele]. — Kupk^, Eiu inkrustiertes
Ton»efa?8, etc. {Un vase incrusté de réporpie de La Téne au sud d' AenrjUngen ; fi'!.) —
Stal'dinoer (P.), Glassachen, nainentlich Armriage, etc. {Objets en verre, notamment
les bracelets, que l'on rencontre chez les Nupé, de la région Niger-Benué, fabriqués
sur place).
Journal (The) of tho Anthropological Instituts of Great Britain and Ireland,
t. 35 (jaavier-juin 1905).
Presidential adress {Discou7's du président sortant, IL Balfour). — D. Randal-
Mc Iver, The manufacture, etc. [La fabrication des poteries dans la haute Egypte à
l'heure actuelle : poterie colorée en rouge à l'aide de l'hématite rouge (probablem.
originaire de Nubie) ; poterie peinte (entre Assouan et Keneh) ; poterie ordinaire, non
peinte (au nord d'Assouan, inconnue dans la Nubie; 6 pi.]. — F. S. Parsons et
C. R. Box, The relation of the crauial sutures, etc. {Rapport entre les sutures du
crâne et Vdge. Étude approfondie sur une série de 87 crânes d'âge déterminé. Les
sutures commencent à se fermer du côté de l'endocrâne. A l'ectocrâne, la suture la
plus précoce est. au voisinage du stéphanion, puis celle de la région de robélion,mais
en général il n'y a aucune correspondance avec l'âge. A ce dernier point de vue, les
sutures endocrânieunes seules donnent des indications nettes; avant 30 ans elles sont
toutes encore ouvertes; puis, la coronale et la sagittale commencent à se fermer;
ordinairement, passé 50 ans, et parfois 60 ans toutes les sutures endocrânieunes sont
soudées). — Franlkin Whitk, Notes on the great Zimbabwe, etc. {Notes sur la
grande ruine elliptique de Zimbabwe, dans le sud de la Rhodésie, 20° 16' lat. S.,
31° T longit. E. Greenw. Description détaillée; 2 pi. et 1 plan). — R. E. Dennet,
Notes on the philosophy, etc. [Notes sur la philosophie des nègres Ra-vili, Loango;
titres du roi Ba-vili ; idées cosmologiques (principes mâle actif et femelle passif,
p. ex., mer et son dérivé la pluie et la terre); idées sur le temps : saisons, etc,)J. —
N. W. Thomas, Australian canoës \Les canots australiens : monographies du canot
en écorce, du canot avec balancier (côte N.-E., importation papoue) et du radeau
(répandu un peu partout). Les noms indigènes des canots. Bibliographie. Fig., 3 pi.
et 1 carte. Sur presque toute la côte ouest et sur la cô*^^e sud, à l'ouest de l'embou-
chure du Murray, la navigation et même la natation sont inconnues].— Gh. S. Myers,
Contributions to egyptian anthropométrie {Contribution à V anthropométrie égyptienne.
II. Anthropométrie comparée des habitants actuels et des habitants les plus anciens
de l'Egypte. Comparaison des mesures et des indices, comparaison de» variabilités,
des corrélations, etc., d'après la série de 138 crânes de Nagada, mesurés par
K. Pearson et une série de 136 tètes de vivants, soldats nés dans les environs de
Nagada. 11 n'y a pas de différence entre les deux séries, quant à l'indice céphalique et
les deux sont très homogènes). — R. N. Hall, Stone fort, etc. {Ruines d'un fort
en pierre et les puits dans Vélat dlnyanga, dans le sud-est de la Zambésie, à 400 kil.
environ au N. des ruines de Zimbabwe. Huttes circulaires à l'intérieur des enceintes
elliptiques, qui se touchent et dont l'ensemble constitue le fort; plans et 2 planches)
— T. W. Gann, The ancient monuments, etc. {Les monuments anciens du nord de
Honduras britannique, et des parties adjacentes de Yucatan et de Guatemala. Civili-
sation primitive de ces j^égions et caractéristique des races qui V habitent aujourd'hui :
les Maya, petits et brachycéphales. Visite des ruines de Rio Grande : mounds, etc. Pla?i),
— E. B. Haudon, The dog-motive, etc. {Le motif « chien » dans l'art graphique de
Bornéo. Stylisation et conventionnalisme démontrés par les formes de passage,
d*après l'étude des tatouages, des bois sculptés. Nombr. fig.). — Gh. Hill Tout,
Report on the ethnology, etc. [Étude ethnologique des Indiens Silatlumh ou Lillooets
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 739
(souche Salich), Colombie Britannique. Origines de tribus; origine et signification des
noms personnels et des noms de groupes ; nature des totems; cérémonies magiques
analogues à 1' « Intichiuma » des Australiens Aruuta; coutumes mortuaires;
mariage, etc. Abrégé de grammaire; vocabulaire; textes et traduction interlinéaire
et libre des mythes et légendes].
Internationales Archiv fur Ethnographie. Leyde, in-4o.
T, XVII (1905), n^^ 5 e^ 6. — S. W. baron van Hôevell, Het Paard, etc. (Le cheval
dans le pays de Gorontalo, Célèbes septentrional. Introduction du cheval, vers le
xvie siècle; harnachement, selle, etc.; 1 pL). — 0. Sierich, Samoauische Mârchen
[Les légendes des Samoans (suite et fin) : « Aventure guerrière extraordinaire » ; « puni-
tion d'une mauvaise femme », etc.], — H. Chevalier, Les charrues des Indes Néer-
landaises [mode d'attelage du bufile au moyen d'un collier à fourche emmanché sur
deux brancards est tout-à-fait particulier aux îles de la Sonde ; la charrue d'Atjet
a un type particulier; types de Java, Sumatra, Célèbes et Philippines (d'après les
objets et modèles des musées de Leydes, de Hambourg et de Paris); 2 pi.]. — J. D.
E. ScHMELTZ, Beitràge, etc. (Co7i^n'6'u^io;25 à l'etlmo graphie de la Nouvelle-Guinée, & pi.
Note n° 10. Les tribus de la région du fleuve Merauke, Nouvelle-Guinée méridionale :
habitations, vêtements, canots, armes, etc. ; n° 11 : deux objets du bord de la Guinée
Néerlandaise: arc orné de gravures et statuette. Ff^. et (î pi.). — Noies : V. d. Hoevel,
Statue de Ravaua sur un Rahsasa ailé (probablement de Bali; 1 fig.).
T. XVIII (1906). No i el 2. — Levinstein (D>- Phil. S.), Die Malereien der Busch-
mânner etc. {Les peintures des Boschimans dans l'Afrique méridionale ; l fig., '6 pi. colov.).
Monographie détaillée du D^ 0. Moszkik, qui a étudié les peintures sur place. Com-
mentaires de M. Levenstein. Technique; sujets; but, etc.). — J. Alb. R. Schwakz,
Ethnographica uit de Minahassa {Notes ethnographiques de Miyiahassa; fig., 3 pi. : La
pierre, portant des gravures appelée Watu Pinewetengan ou « pierre auprès de
laquelle a eu lieu le partage » de Minhassa entre les différentes tribus. Danses.
Costumes. Tissage. Objets religieux). — G. W. W. C. van Hoewell), Der Kris von
Sud-Celebes {Le criss dans le sud de Célèbes; fig., dont la poignée représente le pénis
du chien stylisé et dont la partie supérieure du fourreau est plus quadrangulaire
que dans les criss de Java et de Bali; fig.). — Bibliographie. Nouvelles (Musée de
Leipzig, etc.).
Izviestia, etc. {Bulletin de la Soc, des Amis des se. nat. d'anthropol. et d'ethnogr. de
Moscou), Moscou, in-4o (en russe).
T. CIX (formant le t. XXIV, des « Troudy » {Travaux de la Section anthropolo-
gique), 1905. Ce volume de 142 -|-n p., av. fig. est consacré au Mémoire de P. L.
Veinberg : Mozg Poliakov, etc. [Le cerceau des Polonais. Étude d'anatomie des races.
Aperçu sur le type somatique des Polonais d'après les travaux de Kopornicki,
Olechnowicz, Elkind, etc. Aperçu sur le poids du cerveau des Polonais d'après les
pesées de Biroulia-Bialynitski. Exposé des recherches personnelles de l'auteur sur
15 cerveaux de Polonais et 10 cerveaux de Polonaises morts à l'hôpital de Varsovie.
Confirmation du poids considérable du cerveau polonais (moy. 1366 chez 15 hommes
après maladie ou vieillesse). Présence très fréquente de la forme simple, non
ramifiée de la partie postérieure ou pariétale de la scissure de Sylvius; développe-
ment fréquent des anastomoses de l'extrémité externe (occipitale) de la scissure
occipilo-temporale avec l'interpariétale. Description individuelle et détaillée, avec
dessins, de chacun dés 25 cerveaux. — Bibliographie].
T. CXI (formant le t. XXV des « Troudy », etc. {Travaux de la Sec. d'Anthropo-
logie, 1905). Ce volume de 278 colonnes -f 1 p. av. fig.^ est consacré au travail de Ia.
"740 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
D. Galaïh, intitulé : Aatropologhitcheskiia danuyia, etc. {Données anthropologiques
sur les Grands-Russiens du dislr. de Slarissa, prov. de Tver : roeusuations et
observatious nombreuses sur 200 hommes, 100 femmes, 100 garçons et 100 filles.
Pigmentation : les bruns forment 11 0/0 parmi les garçons et 52 parmi les hommes
adultes; la proportion des yeux foncés reste presque la même chez les j,'arçons
(28 0/0) et chez les adultes (25). Taille moyenne des hommes : 1660 mm., des femmes :
1539 mm. Ind. ccph. moy. : 83 pour les hommes, 83,3 pour les femmes; il varie
de 82,8 à 83,7 chez les enfants, suivant le sexe et la pigmentation. Dans les deux
sexes les grands bruns ont l'ind. céph. plus élevé que les petits blonds. Tableaux
des mesures individuelles].
b) Travaux anthropologiques publiés dans différents recueils.
Bulletin de géographie historique et descriptive, 1905, n° 2, Paris, 8».
P. 267. Flamand et de Laquièue, Nouvelles recherches sur le préhistorique dans le
Sahara. (Description d'une collection. Formes d'ornements néolithiques beaucoup
plus fines dans le sud que dans le nord.) — P. 275. Flamand, Notes sur quelques
stations nouvelles ou peu connues de pierres écrites du Sahara (archipel Touatien,
Tadmait, Mouydir et région de la Saoura; 13 pi.) : inscriptions et pictographies.
Annales du Musée Guimet.
Bibliothèque d'études, t. XII, Paris, 1906, in-8°. Ce volume de 304 p., av. pi. et fîg.
est consacré au travail de L. de Milloué, Bod-youlou Tibet (Le paradis des moines).
Le pays. Le peuple, éducation, métiers, histoire. La religion : Bon ou religion,
primitive. Bouddhisme. Panthéon bouddhiste. Le Clergé. Le Culte, les Monuments.
Bibliographie. La plupart des planches proviennent de l'album Tsibikof-Nargounot).
— Bibliothèque de vulgarisation, t. XIX. Paris, 1906, iu-16°. — Conférences faites au
Musée Guimet : Sylvain Lévi. Les Jàtakas; étapes du Bouddha sur la voie des trans-
migrations. — R. Cagnat, Les vestales et leur couvent sur le forum romain. —
Salomon ReinauCh, Actéon (restitution du mythe d'après les monuments et les écrits
de l'antiquité; fig.). — V. Lobet, L'Egypte au temps du totémisme (Enseignes des
clans. Armoiries; fig. Bibliographie^. — E. Pottier, La collection Louis de Clercq.
Documents sur l'histoire des religions dans l'Orient antique.
Globus, t. XC, 1906.
A'° 1. — Koch-Grûnberg (D»" Th.), Kreuz undquer durchNordwestbrasilien (-E'a;cMr-
sions à travers le nord-ouest du Brésil [suite ;y^^. : types de Toukano; gravures
rupestres stylisées. Carte ethnographique de la région entre les hauts Rio Yapura
au S., Rio Negro à l'E. ; les Makou au S.-E.; les Arovak (Konati, Koroutona, etc.)
au N.-E.; les Betoyo (Toukano, Bara, Tokouna, etc ) au Centre; les Karaïbes,
(Oumaona, Corigona, etc.] au S.-O.]. — Kr/emer (Dr), Anthropologische Notizen etc.
Notes anthropologiques sur la population de Sierra- Leone; fig. mesures de 4 Mandés
2Timné, 6 Lokkoh, 2 FouUah, 2 Mandingues et 2 Krous. Tatouages).
N^ 2. — MAURi!:R(Dr F.),lsraelitisches Asylrecht {Droit d'asile israélite,da.us, les temps
anciens). — Martin (D^ R.), Zur Frage des anthropometrischen etc. {A propos des
principes et des méthodes anthi'opomé triques. Réponse aux critiques de M. Weis-
senberg).
N° 3. — LoHMANN, Durch Sophene und Kataonien {A travers le Sophène et la
Cataonie, bassin du haut Euphrate; carte et fig. : les tamaga des Tcherkess, ins-
criptions, etc.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 741
No 4. — LoHMANN, Durch Sophene und Kataonieo [A travers le Sophène et la
Cataonie) (suite). Ruines de l'époque grecque et romaine ; fig.]. — Lohmann (N.), Die
Mexikanische GriJnsteinBgur etc. La figure mexicaine en piéride verte, dont la
composition minéralogique n'a pas été déterminée, du musée Guimet à Paris ; fig.
Probablement le Tezcatlipoca, dieu des ténèbres, seulement avec l'image d'un
oiseau dans le dos). — W. v. Bulov, Die Bemuhuugen um die Fesststellung etc. (Les
essais de la détermination du pays d'origine des Polynésiens. Esquisse bistorico-lin-
guistique surtout d'après les travaux de Percy Smith).
iVo 4. — Preuss (K. Th.), Der Mitotetauz der Coraindianer {La danse propitiatoire
Mitoté des Indiens Cora, Mexique; fig. Autel, danse, instruments de musique, chan-
sons qui se rapportent à cette cérémonie). — Buchner (Max), Der Bogenschiessen
(Le tira l'arc; fig. Manière de bander l'arc chez les Anglais, chez les Chinois, chez les
Grecs de l'antiquité, etc:).
No 6. — Buchner (Max.) Der Bogenschiessen [Le tir à Varc (fin); fig. Arc japonais
asymétrique, manière de décocher la flèche, etc.).
A^° 7. — KocH-GRiiisBEHG (Th.), Kreuz imd quer durch Nordwestbrasilieo {Excursions à
travers le Nord-ouest du Brésil : les Tounoutis; les sparteries des Arovaques, etc.).
— D"* H. TEN Kate, Aus dem japanischeu, etc. {Croyances populaires des Japonais.
Introduction. 1. Magie, prédictions, rêves).
N° 8. — KocH-GRiJiNBiiRG (Th.), Kreuz u. quer durch Nordwestbrasilien {Excursions
à travers le Nord-ouest du Brésil; fig. Maisons communes (malora) chez certains
Indiens Tapouya. — Hinrichchsen. Die Landverteilung auf den Halligen {Les divi-
sions des terres dans l'île de Halligen. Description du système de propriété foncière.
— H. TEN Kate, Aus den japauischen etc. [Croyances populaires des Japonais (fin).
2. Astrologie et choses similaires. 3. Mythologie et service divin. 4. Médecine popu-
laire et l'art de la beauté artificielle). — Forschungen uber die Hyksos {Recherches
sur les Hyksos d'après l'article de Fiinders Pétrie dans Man.
N» 9. — F. Maurer (DO, Das Tabu im Alten Testament {Le Tabou dans r Ancien
Testament). — Tetzner (D' F.), Zur Volkskunde, etc. {Contribution à Vélude du Folk-
lore des Bulgares en Hoiigrie ; fig.).
iV» 10. — H. Muller-Braukl, Die Besiedelung der Gegend, etc. {L'occupation de la
contrée entre l'Elbe et la Weser à l'époque préhistorique. Étude descriptive ; fig.). —
Prowe, Das Wissen der Quiché-Indianer, etc. {La science des Indiens-Quiché de
Guatemala., sous sa forme mythique, d'après « Popol Vuh » et autres livres indigènes).
Journal of the North-China Branch of the R. Asiatic Society, t. 37, Changbai,
1906.
P. 1. W. A. P. Martin, The jewish monument, etc. {Le monument juif ou stèle
relatant les événements de la communauté juive de Kaï-foung-fou. État délabré du
monument, traduction des inscriptions). — P. 21. W. Kingsmill, Ancient Tibet, etc.
{Le Tibet ancien et ses frontières. Étude historico-linguistique d'après les anciens
écrits chinois). — P. 83. E. Alaraster, Notes ou chinese law, etc. {Notes sur la loi
chinoise et sur la procédure pour obtenir la révision d'une affaircYÀnàQ détaillée des
six parties composant le code {lu) et des « lois supplémentaires {li), etc.).— P. 150.
Isaac Taylor Hkadland, Chinese children's Games {Les jeux des enfants chinois; des-
cription méthodique et détaillée d'après de nombreuses observations).
Annual Report... of the Smithsonian Institution, for the year, 1904. Washington,
1905, in-8o.
P. 389. IIuGO DE Vries, The Evidence of Evolution (Le témoignage de l'évolution.
Conférence lue à l'Université de Chicago en 1904. Court exposé de ses travaux sur
742 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
la mutation des espècesj. — P. 397. O. F. Gook, The evolutionary significance of
species (Sif/ziificalion évolulionnelle des espèces). — .1. Cossak Ewart, The multiple
orijçme, etc. {L'origine muUiple des chevaux et poneys. Réimprimé de « Nature » du
21 avril 190i. A l'époque quateruaire, il existait plusieurs espèces de chevaux.
Aujourd'hui, il y a au moin^ 3 espèces : Equus Prjevalskii, le poney [E. cahallus
cellicus) et le cheval nordique {E. c. lypicus), sans compter certains Equidés de
l'Asie et de l'Afrique. 3 pi. et fig.). — P. 457. E. Pkisse d'Avennes, Egyptiau, etc.
{Les chevaux égyptiens et assyriens. Traduit du '< Cosmos ", 2 avril 1904). —P. 5i7.
A. Dastrk, The stature of Man {La taille chez Vhomme, trad. d'un article publié dans
la « Revue des Deux Mondes » du 1er sept. 1904). — P. 551. \V. Il Holmes, Contribu-
tions, etc. {Contributions de V archéologie américaine à Vliistuire de Vhumanilé. Note
lue au Congrès des Américanistes à Stuttgart en août 1904). — Harriet A. Boyd,
Excavations, etc. {Fouilles à Gournia, Crète, faites aux frais de l'American Explo-
ration Society ; fig. et pL). — E. von Rosen, Archeological researches, etc. {Recherches
archéologiques dans la région frontière entre VArgentine et la Bolivie en 1901-2, avec
lexpéditiou E. Nordeuskiold. Les habitants dont l'auteur a trouvé les restes à Ojo
de Agna et à Casabindo, tout en différant de ceux de la vallée de Tarija en ce qu'ils
enterraient leurs enfants dans des urnes et leur déformaient la tête, sont probable-
ment les ancêtres des Indiens Pouna qui occupent actuellement la région; 4 pL). —
Edg. L. IIewett, a gênerai view, etc. [Coup d'œil général sur ^archéologie de la
région des Puehlo, comprenant l'Arizona, le Nouveau-Mexique, le sud-ouest du
Colorado et le sud-est de Utah, ainsi que les provinces de Sonora et de Chihuahua
du Mexique. Distribution géographique. État de conservation. Mesures à prendre
pour empêcher leur détérioration ; plus, planches). — A. IIhdlicka, The painting,
etc. Peintures sur les ossements humains chez les Indiens. Aperçu sur cet usage
répandu dans d'autres pays : Océanie, Europe, surtout Tyrol, etc. La plupart des
ossements indiens sont coloriés, accidentellemeni ou intentionnellement en rouge
(ocre) ou en vert (cuivre); les ossements peints à la main ou portant des dessins
sont rares. L'usage est peut-être le prolongement post mortem de la coutume de
peindre le corps, car dans certaines ^ribus on peint encore le cadavre. Peut-être
ainsi est-ce un moyen de préserver les os, comme étant le récipient de l'àme ou
encore une façon de témoigner le deuil ; pi. planches coloynées). — F. Krause, Sling
contrivances, etc. {Combinaisons pour le lancement à l'aide des armes à propulsion.
Résumé du mémoire paru in : « Internat. Arch. f. Ethnogr. », t. XV, 1902). — P. 639.
A. Maire, Materials used to write, etc. {Matériaux ayant servi à Vécinture avant
l'invention de l'imprimerie : bois, pierre, métaux, peaux, os, papyrus, papier, etc.
Fig. et pi.). — P. 659. W. W. Rockhill, An inquiry, etc. {Recherches sur la popula-
tion de la Chine, historique. Données des recensements de 1761 à 1885. Discussion
des chiffres. Population probable actuelle de la Chine proprement dite : 275 millions).
— Steph. w. Buschell, Chinese architecture {L'architecture chiiioise, nombr. pi. et
fig-)-
J. Deniker.
TABLE DES MATIERES
DU TOME DIX-SEPTIÈME DE L'ANTHROPOLOGIE
MÉMOIRES ORIGINAUX
Pages,
BoDLE (Marcellin). — Les grottes de Grimaldi. Résumé et conclusions
des études géologiques ?.57
Garrette-Bouyet (Pierre). — Divisions des Somalis Issas 877
— et Neuville (Henri). — Les pierres gravées
de Siaro et de Daga Beid (Somal) . . . 383
Chevrter (A.). — Note relative aux coutumes des adeptes de la société
secrète des Scymos, indigènes fétichistes du littoral de la Guinée. 869
Cotte (C. et J.). — Recherches sur quelques blés anciens 5i3
Déchelette (Jules). — Les sépultures de l'âge du bronze en France. . 32o
Decorse (D""). — Recherches archéologiques dans le Soudan .... 66t)
Desplagnes (Lieutenant) , — Notes sur les origines des populations nigé-
riennes 525
Hamy (E. T.) . — Les premiers Gaulois i
Mayet (Lucien). — La question de l'Homme tertiaire. Note sur les allu-
vions à Hipparion gracile de la région d'Aurillac et les gisements
d'éolithes du Cantal (Puy de Boudieu, PuyCourny). 64»
Neuville (Henri). — Voy. Garrette- Bouvet (Pierre).
Obermaier (Hugues). — Les restes humains quaternaires dans TEurope
centrale 55
Papilalult (D' G.). — Entente internationale pour l'unification des me-
sures craniométriques et céphalométriques . 559
PiETTE (Edouard). — Le chevètre et la semi-domestication des animaux
aux temps pléistocènes 27
PiTTARD (Eugène). — Deux nouveaux crânes humains de cités lacustres
(âge de la pierre polie et âge du bronze) en Suisse 547
Reinach (Salomon). — L'épée de Brennus 343
Rivet (D'). — Le christianisme et les Indiens de la République de
l'Equateur 81
Verneau (D^'R.). — Les grottes de Grimaldi. Résumé et conclusions des
études anthropologiques 291
LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES
FIGURES
Pages.
I. Crâne du tumulus de Magny-Lambert, vu d'en haut . ... i4
1. Crâne du tumulus de Ma^^ny-Lambert, vu de profil .... i5
3,4. Tête d'équidé enchevêtrée. Saint-Michel d'Arudy 29
5,6. Tête d'équidé enchevêtrée. Rrassempouy 3r
7,8. Tête déquidé enchevêtrée. Caverne des Espélugues à Lourdes. Sa
9. Têtes d'équidés enchevêtrées, Mas d'Azil 33
io-i3. Têtes d'équidés enchevêtrées. Mas d'Azil 34
14-16. Tête d'animal enchevêtrée. Mas d'Azil 35
17,18. Partie antérieure d'une tête d'équidé enchevêtrée. Laugerie-
Basse. . 36
19,20, Tête d'équidé enchevêtrée, Mas d'Azil 37
21,22. Tête de cheval enchevêtrée. Mas d'Azil 38
23. Pièce rigide de chevêtre. Caverne du Placard ...... 39
24,25. Tête d'équidé enchevêtrée. Caverne des Espélugues à Lourdes. 40
26,27. Tète d'équidé enchevêtrée. Caverne des Espélugues à Lourdes. 4i
28. Tête d'équidé écorchée et enchevêtrée. Mas d'Azil 43
29. Tète d'équidé enchevêtrée, sculptée. Abri de Raymonden à
Chancelade 43
30. Os utilisé pour faire des représentations de tête d'équidé en-
chevêtrée 44
3 1,32. Os destinés à recevoir la gravure d'une tète d'équidé enchevê-
trée 45
33 . Os destiné à recevoir une gravure de tête d'équidé enchevêtrée. 46
34-37. Têtes d'équidé enchevêtrées 47
38,39. Tête d'équidé enchevêtrée. 48
40-43. Têtes d'équidé enchevêtrées 49
44,45, Tête d'équidé enchevêtrée 5o
46-49. Têtes d'équidé enchevêtrées 5i
5o. Asiné enchevêtré ? Caverne des Espélugues à Lourdes ... 5i
5i,52. Bois de renne ornementé, rapporté par M. Pigorini à une pièce
rigide de chevêtre 52
53. Indiens danseurs de la Fête-Dieu à Latacuaga (Equateur) . . 90
54. Indiens « danzantes « de la province de l'Azuay (Equateur) '. 91
55. Un « turbante » à une procession, en Equateur 96
56. « Aima Santa » à une procession, en Equateur ..... 97
57. Un « Saint Homme» à une procession, en Equateur. ... 98
58. Chanteur à une procession, en Equateur 98
59. Chef des soldats romains à une procession, en Equateur . . 99
60. Commissaire à une procession, en Equateur 99
LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES. 745
Pages.
6r. Vase en or incasique loo
62. Pointe à cran typique des couches inférieures de la caverne
d'Altamira (Espagne) 143
63. Gravure sur os plat des couches supérieures de la caverne
d'Altamira (Espagne) : i44
64. Figures peintes en rouge de la caverne de Castello (Espagne). i45
65. Harpons barbelés des couches paléolithiques supérieures de
Castello (Espagne) i46
66. Portrait d'Edouard Piette en 1886 214
67. Portrait d'Edouard Piette en 1901 2i5
68. Coupe longitudinale de la Grotte du Prince, à Grimaldi . . . 'iSg
69. Coupes longitudinale et transversale de la Grotte des Enfants,
à Grimaldi 267
70. Profil des Alpes et de la Méditerranée passant par les Baoussé-
Roussé 271
71. Graphique des périodes glaciaires et interglaciaires .... 286
72. Graphique des changements des lignes de rivages de ,1a Médi-
terranée pendant les dernières époques géologiques . . . 286
73. Bassin du grand sujet masculin de la Grotte des Enfants, vu
de face 298
74. Bassin du grand sujet masculin de la Grottes des Enfants, vu
d'en haut . • 299
75. Crâne de la vieille femme ^négroïde de la Grotte des Enfants,
vu de face 3o4
76. Crâne de la vieille femme négroïde de la Grotte des Enfants, vu
de profil. . 3o5
77. Crâne du jeune Négroïde de la Grotte des Enfants, vu de face. 3o6
78. Crâne du jeune Négroïde de la Grotte des Enfants, vu de profil. 307
79. Crâne d'une femme moderne de Bologne (Italie) à type négroïde. 3i2
80. Crâne d'une femme moderne de Bologne (Italie) à type négroïde. 3i3
8r-83. Sépultures de l'âge du bronze. Finistère 323
84-93. Poteries de l'âge du bronze I et II 325
94-97. Objets de la sépulture de Singleyrac (Dordogne) 327
98-102. Sépulture de l'âge du bronze, à Courtavant (Aube) .... 329
103-107. Objets de la sépulture tumulaire de Staadorf (Haut-Palatinat) . 33i
108-110, Objets de la sépulture tumulaire de la Combe-Bernard (Côte-
d'Or) • . . . . 332
1 1 i-i i3. Objets en bronze d'une sépulture tumulaire du Jura de Souabe. 333
114-118. Poteries des tumulus de l'Alsace. Age du bronze Il-III . . . 337
119-127. Poteries ornées de cannelures. Age du bronze IV 338
128-132. Poteries mamelonnées. Age du bronze IV 339
i33-i45. Poteries à sillons horizontaux et vases unis. Age du bronze IV. 340
147. Tambour taillé dans un seul bloc de bois de fromager, d'un
grand dignitaire de la Société secrète des Scymos (Guinée). 362
i48. Pierre gravée de Siaro (Somal) 385
149, i5o. Faces Nord et Sud des pierres gravées de Daga-Beid (Somal). 386
i5i. Chameau gravé sur une pierre de Daga-Beid (Somal). . . . 387
i52. Girafe gravée sur une des Pierres des Serpents (Somal) . . . 387
746 LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES.
Pages.
i53-i54. Signes gravés sur des pierres, au Somal 388
155-156. Signes gravés sur la Pierre de Siaro et sur les Pierres des
Serpents (Somal) 389
157. Signes gravés sur la face sud des Pierres des Serpents (Somal). 390
i58. Tableau des divisions généalogiques principales des Somalis
Issas 391
iSq. Coupe du rempart de la Steinburg 394
160. Coupe schématique d'un mur triplé 394
161. Grains de blé de stations préhistoriques 5i5
162. Grains de blé de stations préhistoriques 5 16
i63. Grains de blé de stations préhistoriques 5i7
164. Grains de blé de l'abri préhistorique de la Font-des Pigeons . 52o
i()5. Grains de blé de l'abri préhistorique de la Font-des-Pigeons . 52i
166. Grains de blé de stations préhistoriques 622
167. Grains de blé de stations préhistoriques 5^3
168. Grains de blé de stations préhistoriques .624
169,170. Face et profil d'un crâne de la station lacustre de Concise,
dans le lac de Neuchâlel (âge de bronze) 548
171. Mesure de la hauteur auriculo-bregmatique sur le crâne . . 563
172. Mesure du diamètre bimastoïdien maximum sur le crâne . 564
173. Mesure de la hauteur du nez 565
174. Mesure de la longueur de la voûte palatine 566
175. Mesure delà longueur de la branche montante de la mandibule. 568
176. Mesure de la largeur de la branche montante de la mandibule. 569
177. Mesure de la saillie de la base du nez sur le vivant .... 570
178. Mesure de la largeur bipalpébrale sur le vivant 671
179. Mesure de la longueur maxima de l'oreille sur le vivant . . 572
180. Le puy de Boudieu (Cantal), vu de Caillac 646
181. Coupe du puy de Boudieu 646
182-184 . Trois coupes du puy de Boudieu, intéressant les sables pontiens
à éolithes 647
i85. Plaque de silex avec éclats détachés sur toutes ses faces laté-
rales. Puy de Boudieu 65o
186. Face latérale d'une « enclume » ou d'un « nucléus » très
spécial en silex noir. Puy de Boudieu 65i
187, 188. Grattoir avec encoche en silex noir. Puy de Boudieu ... 65i
189. Silex noir. Puy de Boudieu 65 1
190,191. Objets en silex. Puy de Boudieu 652
192-198. Pointes et éclats de silex. Puy de Boudieu . 653
199. Outil en silex pour fendre ou creuser. Puy de Boudieu . . . 654
200. Coupe du puy Courny (Cantal) 656
201. Coupe delà fouille faite par le D"" L. Mayet au Puy Courny . 658
9.02. Molaire d'Hipparion gracile. Puy Courny 659
203,204. Molaires d'Hipparion gracile. Puy Courny 660
205. Molaire de Tragocerus almaltheus. Puy Courny 660
206. Outil en silex noir. Puy Courny. 661
207-209. Racloir-pointe en silex noir. Puy Courny 662
2io-2i3. Outils en silex. Puy Courny • 663
LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES. 747
Pages.
2i4,2i5. Outils en silex. Puy Courny 664
216,217. Grattoirs en silex. Puy Courny 665
218,219. Outils en silex. Puy Courny 666
220. Aspect d'un coin dun monument de Tondidaro (Soudan) . . 673
221. Pierres taillées d'un monument de Tondidaro (Soudan) . . . 674
CARTES
Carte de l'Europe centrale avec l'indication des localités où ont été
trouvés des restes humains sûrement quaternaires ... 5Q
Carte de la région du Puy de Boudieu (Cantal) 645
Carte de la région du Puy Courny et de Belbès (Cantal) 655
Carte indiquant la répartition des gisements préhistoriques dans le
Soudan 670
PLANCHES HORS TEXTE
I. — Processions des Indiens chrétiens de l'Equateur.
II. — Monuments anciens et modernes du Soudan.
ni. — Autel à sacrifices, dessins rupestres et types ethniques du Soudan
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE
(f)
Abri sous roche à\i Cap Roux, 114. — du Mamaaouth, à Métreville (Eure), 127. —
fouilles d'un — à Bougie, 598.
Abydos, crânes d' — , 698.
Aciiondroplasie chez un fœtus, 719.
Adachi (Buntaro). Le cartilage du repli semilunaire de la conjonctive des Japonais, 700.
Afrique, les industries de la pierre en — , 131; inscriptions rupestres du nord de
r — , 137 ; troglodytes modernes du nord de 1' —, 138 ; caractères physiques des
Juifs de r — du Nord, 178 ; l'âge de la pierre dans le sud de 1' — , 418 ; les ruines
de r — australe, 431 ; superstition, magie et sorcellerie en —, 607.
Age du bronze^ Voy. Bronze.
Age du cuiure, Voy. Cuivre.
Age du fer, Voy. Fer.
Age de la pierre^ Voy, Pierre.
Age glyptique^ représentations des chevêtres à 1'—, 27.
Age du renne, station de 1' — près de Fribourg en Brisgau, 153 ; une grotte du vieil
— à Saint-Pierre de Maillé (Vienne), 410; la dégénérescence des figures d'animaux
en motifs ornementaux à V — , 411.
Agriculture, Y — en Guinée, 368.
Akkhas, ethnographie des — du Yunnan, 452.
Albert I^r (Prince). Discours d'ouverture du Congrès international d'Anthropologie
et d'Archéologie préhistoriques de Monaco, 104.
Allée couverte de Bois-rAbbé, en Lorraine, 422.
Allemagne, les restes humains quaternaires de 1' — , 55.
Alfourous, ethnographie des — de Célèbes, 488.
Algérie, station quaternaire en — , 124; lepréhistoriquedela province d'Oran, — , 165.
Alpes-Maritimes, une plateforme néolithique dans les —, 114.
Alsace, âge des restes humains préhistoriques découverts en — , 66,
Amérique, les industries de la pierre en — , 131; art, mythes et légendes des Indiens
de r— du Nord, 182, 183, 185, 186; langue hupa de I' — du Nord, 188; dates
fournies par les monuments ruinés de 1' — centrale, 189 ; crânes de 1' — du Sud,
189; ethnographie des Indiens de P — du Sud, 191; contribution à l'anthro-
pologie de 1' —, 470; les jeux des Zuùis de 1' — , 470; les traditions des Indiens
Hopis d' — , 472; coutumes des Indiens d' —, 475-488.
Andernach, âge du gisement d' — , 58.
Animaux, origine des — domestiques en Europe, 420.
Annales de Glaciologie, 231.
Annam, les cultes en —, 463.
Anthropoides, comparaison anatomique entre les — et les races humaines fossiles,
315, 316, 317; un — inventeur, 734.
Anthropologie, V— en Amérique, 232;!' — à l'Université de Californie et le crâne de
Galaveras, 233.
(1) Les noms d'auteurs sont en petites capitales; ceux de peuples et les noms géo-
graphiques, en égyptiennes; les sujets traités, en italiques.
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. "749
Arapahos, traditions des Indiens — , 183.
Arbois de JuBAiNviLLK (d'). Le culte des menhirs dans le monde celtique, 688.
Archéologie du Pérou et de la Bolivie, 484; 1'— à l'Université de Peosylvanie, 621 ;
r— du Soudan, 669 ; 1'— du Niger, 691.
Argentine (République), contes des Indiens de la —, 610.
Ah.naud d'Agnel (abbé), Voy. Capitan.
Arnon (V.) Pointes de flèches et de lances en pierre du Sahara, 132.
Aroutinov (A.). Les Oudi, 176.
Art, documents nouveaux sur 1' — des cavernes, 124; 1'— des cavernes, 140; — de
la décoration chez les Indiens Huichols, 182; 1'— à l'âge du Renne, 411 ; l'— à ses
débuts, l'Enfant, les Primitifs. 412.
Arudy, tête d'équidé enchevêtrée d'— , 28.
Aryen, 1'— et l'Anthroposociologie, 698.
Asie, les industries de la pierre en — , 131.
Atelier de taille paléolithique aucien à Saint-Acheul, 403.
Atgier (D'). La Vienne aux temps préhistoriques, 406.
Australie, empreintes fossiles problématiques de pas humains en —, 399.
Australien, le type — et sa répartition, "706.
Aymara, mœurs des — , 484.
Bab (H.). Vie sexuelle, naissance et monstruosité dans la mythologie asiatique, 704.
Bade, âge des restes humains des stations préhistoriques du duché de — , 63.
Baessler. Légendes tahitieunes, 611. La pêche à Tahiti, 611.
Bagas, organisation sociale des —, 367; genre de vie des —, 369; mœurs des — ,
370.
Banda, les — du Haut-Oubanghi, 606.
Baoussé-Roussé, la question des grottes des — devant le Congrès de Monaco, 107;
excursion aux —, 107; les grottes des —, 237, 291; formations marines aux —,
269 ; les sépultures des—, 291; les squelettes humains des —, 295 ; le type de
Cro-Magnon aux —, 297; les problèmes des —devant le Congrès de Monaco, 407.
Bardon (L.), Voy. Bouyssonie.
Bassin, le — dans la race de Cro-Magnon, 299 ; le — , chez les Négroïdes de Gri-
maldi, 304.
Bateaux, la construction des — dans les îles Marshall, 206.
Bavière, âge des gisements préhistoriques de la — , 58.
Baye (J. de). Les sépultures à ossements colorés en rouge dans le pourtour de la
Méditerranée, 111.
Beaune, tumulus des environs de — , 3.
Bbaupré (Comte J.). La station funéraire du Bois-l'Abbé, 421.
Bêla Révesz. Influence de Tàge de la mère sur la taille de l'enfant, 718.
Belgique, l'âge du bronze en —, 133.
Bémahd. Découverte et fouilles d'un dolmen à Champignolles, 593.
Bedchat (H.), Voy. Mauss (M.).
Bidault de Gkésigny. Recherches préhistoriques dans la vallée de la Saône, 134.
BLAISKE^H0RN (D. M.). L'àgc de la pierre et les instruments de silex en Syrie-Pales-
tine, 158.
Blés, recherches sur quelques — anciens provenant de stations préhistoriques, 513.
Bloch (Dr a.). L'origine des Russes, 139.
Bochimans, observations anthropologiques, ethnologiques et ethnographiques sur
les —, 710.
Bohatta (H.). Le drame javanais, 704.
Bolivie, ethnographie et archéologie de la — , 484.
BoîsiFACY (A.). Travaux sur les Mans, 454.
BouDY, Voy. Capitan.
■ÎM) INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Bougie, la station quaternaire d'Ali-Baciia, à —, 124; compte rendu des fouilles
faitos à — en 1U04, 598.
Boughis, ethnographie des — de Célèbes, 488.
BouLK (Marcelliû). Stratigraphie et paléontologie des grottes de Grimaldi, 108. A
propos des éolithes, 118. Les grottes de Grimaldi. Résumés et conclusions des
éludes géologiques, 257. L'âge des derniers volcans de la France, 396. Les grands
Chats des Cavernes, 583. — lauréat du concours Alhumbert à l'Académie des Scien-
ces, 226.
Bourgogne, ossements des tumulus de la —, 3.
BouRLON (Lient.). Nouvelles fouilles au Moustier, 121.
BouYssoNiE (J.), BouYssoisiE (A.) et Bardon (L.). La Grotte de la Font-Robert, près
Brive (Gorrèze), 123.
Box (C. R.), Vou. Parsons (F. G.).
BoYD (Ilarriet A.). L'exploration de la Société américaine des fouilles à Gournia
(Crète) en 1904, 694.
Brachycéphalie, origine de la — par des actions intentionnelles sur le crâne infan-
tile, 209.
Bra.nco (W.). Sur les empreintes fossiles problématiques de pas humains de Var-
nambool et autres prétendues traces de l'Homme fossile en Austtalie, 399. Restes
et empreintes de pas problématiques de l'Homme tertiaire, 399.
Brassempouy, les représentations de chevêtres découvertes à — , 30.
Bri-nnus, l'épée de — , 343.
Brésil, les tribus indiennes du nord-ouest du —, 482; les Indiens Guaranis du rio
Itariri, au — , 714.
Breuil (abbé). A propos des éolithes, 120. L'époque prèsolutréenne, 122. L'évolution
de la peinture et de la gravure murales, 124. Stylisation des dessins à l'âge du
renne, 125. Nouvelles découvertes dans les cavernes de la province de Santauder,
143. Les Cottes, grotte du vieil âge du Renne à Saint-Pierre-de-Maillé (Vienne),
410. La dégénérescence des figures d'animaux eu motifs ornementaux à l'époque
du Renne, 411. L'art à ses débuts, l'Enfant, les Primitifs, 412. — Voij. Capitan et
Cartailhac.
Britanniques (Iles), les dépôts superficiels des — et le problème interglaciaire. 677.
Bronze, objets en — du tumulus de Monceau-Laurent, 15; rasoir en — du tumulus
de la Vie de Bagneux, 16; bracelet en — du tumulus des Vendues de Verroilles,
20; les débuts de l'âge du — en Espagne, 135 ; l'âge du — en Belgique, 135; inven-
taire des objets de l'âge du — découverts en Normandie, 136 ; distribution géo-
graphique des cachettes de — en France, 136 ; sphéroïdes de l'âge du— 136; l'âge
du — en Suède, 140; l'âge du — en Syrie, 160; le — à la période de Hallstatt,
167; les sépultures de l'âge du — en France, 321 ; les sépultures de l'âge du — I
et H, 322 ; les sépultures de l'âge du — HI, 330; les sépultures de Tâge du — IV,
334; objets en — d'une sépulture de la DorJogne, 327 ; le mobilier en — du dol-
men-tumulus de Courtavant, 330; l'âge du — en Allemagne, 340; sépultures de
l'âge du — en Suisse, 341 ; carte de la répartition des haches en — , 422;' épingles
en — trouvées à Vers (Gard), 435; crâne d'une cité lacustre suisse de l'âge du —
547; deux trouvailles d'objets de l'âge du — récent, 597; objets en — d'un cran-
nog d'Irlande, 598 ; cachettes de — en Seine-Inférieure, 629.
BuciiET (Gaston). Découverte dans un dolmen des environs de Tanger d'ossements
colorés en rouge, 112.
BuGGE (Alexander). Les Vikings, 444.
Bulletin bibliographique, 242, 504, 634, 736.
Cabanes, foûds de — néolithiques en Normandie, 594.
Cabanons en pierres sèches regardés comme un exemple de survivance préhisto-
rique, 117.
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 751
Cailloux peinlSf les — du « Bôhl » près Neustadt, 424.
Californie, nouveaux mammifères quateruaires des cavernes de —, 592 ; nouvel
ongulé de la caverne Samwel en —, 592.
Cambodge, fêtes et rites au —, 462; fêtes au —, 701-T03.
Canaries (Iles), les lésions bregmatiques des crânes des — , 180.
Cannstatt, âge du crâne de —, 63.
Cantal, industrie archéolitbique des couches à Hipparion du —, 579; les gisements
d'éolithesdu —, 641.
Capacité crânienne chez les criminels portugais, 209. — Voy. Crâne.
Capacité vitale^ la — suivant le sexe et suivant certaines dimensions du corps, 612.
Gapitan. Photographie d'une défense de mammouth ouvrée, 125. L'art des cavernes,
140.
Capitan (Dr) et Abnaud d'Agnel (abbé). Rapports de l'Egypte et de la Gaule à l'époque
néolithique, 426.
Capitan et Boudy. Instruments eu pierre des environs de Gafsa, 131.
Capitan, Breuil, Clehgeau et Peyrony. Gravures sur os et sur pierre, 126.
Capitan, Breuil et Peyrony. Dessins de félins, de proboscidiens et d'ursidés sur les
parois de grottes préhistoriques, 124.
Capitan (L.) et Papillault (G.). L'identification du cadavre de Paul Jones et son
autopsie 113 ans après sa mort, 171. — Voy. Cartailhac.
Capri, découverte de restes quaternaires à —, 121, 586.
Cardon (abbé). L'abri sous roche du cap Roux, 114.
Carrtte-Bouvet (Pierre). Division des Somalis Issas, 377.
Cakette-Bouvet (Pierre) et Neuville (Henri). Les pierres gravées de Siaro et de Daga
Beid (Somal), 383.
Carrière (G.). Explorations dans les Cévennes, 134. Instruments en fer d'usage
inconnu trouvés dans l'oppidum du mont Menu, 137.
Cartailhac (E.). Industrie des grottes de Grimaldi, 111. Le décharnement des ca-
davres avant l'inhumation, 113. Le Périgord préhistorique, 407. — est chargé d'un
cours complémentaire d'archéologie préhistorique à la Faculté des Letttres de
Toulouse, 726.
Cartailhac, Capitan, Breuil et Peyrony. Figurations humaines sur les parois des
grottes ornées, 126.
Cartes de types préhistoriques, 422.
Cartes postales ayant trait à l'archéologie, 631.
Cavernes^ âge des restes humains trouvés dans les — de Bavière, 60 ; — du Wur-
temberg, 61; — de l'Alsace, 66; — du Rhin, 6S; — de (a Suisse, 77; passage du
Paléolithique au Néolithique dans les — du Schweizersbild et du Kesslerloch, 126;
nouvelles découvertes dans les — de la province de Santander, 143 ; les — des
Toala de Lamontjoug dans l'île de Célèbes, 195; les grands chats des —,583;
exploration des — du comté de Ciare, 588; nouveaux mammifères quaternaires
des — de Californie, 592; nouvel ongulé de la— Samwel en Californie, 592; —
espagnoles peintes et gravées, 625. — Voy. Grottes.
Célèbes, anthropologie de l'île de — , 195 ; les populations de l'île — , 488.
Celtique, le — flamboyant, 632.
Cép/ialométrie, technique à employer en —, 569.
Céramique, la — néolithique est d'origine orientale, 127 ; — à cordon de la Pologne,
429. — Voy. Poteries.
Chaires, création de — d'Anthropologie dans la République Argentine, 501 ; une
nouvelle — d'Anthropologie préhistorique, 621 ; création d'une nouvelle — offi-
cielle d'Anthropologie à l'Université de Pavie, 727.
Ghancelade, tête d^équidc enchevêtrée de l'abri sous roche de —, 43.
Chants des Monumbo de la Nouvelle-Guinée, 610.
752 INDEX ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
Charme pour obtenir la pluie, 633.
Chais, les grands — des Cavernes, o83.
CheUéen, le — en Syrie, 159 ; instrument — accompagné de l'Elephas autiquus
découvert à Créteil (Seine), o86.
Cherokees, les mythes des —, 186.
(^Jieval, origine et rôle du — de sang, 150 ; les ancêtres du — , 583.
Chevêtre, le — et la semi-domestication des animaux aux temps pléistocènes, 27.
Cheveux, coloration des — en Russie, 173 ; coloration des — chez les Juifs de
rAfrique du Nord, 179.
Chevriek (A.). Note relative aux coutumes des adeptes de la Société secrète des
Scymos, indigènes fétichistes du littoral de la Guinée, 3o9.
Chimpanzé, squelette de — rachitique, 720.
Chine, une secte féminine en — , 732.
Christianisme, le — et les Indiens de la République de TÉquateur, 81.
Chronologie des monuments ruinés de l'Amérique centrale, 189.
Classification anthropologique de la population de la Russie, 175 ; — des temps
quaternaires, 261 ; — des époques de la civilisation minoenne, 440.
Climat, le — des époques géologiques, 679.
Cnémides àe lépoque de Ilallstatt, 131.
CoFFREY (George). Deux trouvailles d'objets de l'âge du bronze récent, o97. Le « cran-
nog » de Craigywarren, 597.
CoLE (Grenville A.), Voy. Schabff (R.F.).
Collection du Ghatellier^31 ; — Benjamin Tournier, 631 ; nouvelles entrées dans les
— de paléontologie du Muséum, 729.
Coloration, sur la — des squelettes, 594.
GoMMONT. Gontribution à l'étude des silex taillés de Saint-Acheul et de Moutières, 403.
Découverte d'une atelier do taille paléolithique ancien à Saint-Acheul, 403.
Congo, les populations du — au lac Tchad, 603.
Congrès, compte rendu du — international d'Anthropologie et d'Archéologie préhis-
toriques de Monaco, 103; — préhistorique de France, 230 ; — international d'An-
thropologie et d'Archéologie de Monaco, 410; — international d'Anthropologie et
d'Archéologie préhistoriques de Monaco. Rectifications au compte rendu, 498 ; —
colonial français, 729.
Contes des Indiens Arapahos, 183; — des Indiens de l'Argentine, 610.
GosTA DE Beauregard (0.). La distribution des objets d'or préromains sur le sol de
la Gaule, 130. Cuirasses et cnémides de l'époque de Hallstatt, 131.
Costume, le — chez les Bayas, 369.
GoTTE (Gh.). Les enceintes dites ligures, 113. Exploration de la Provence centrale et
occidentale, 134.
Cotte (G. et J.). Recherches sur quelques blés anciens, 513.
Cours de palethnologie à Bruxelles, 621; — de l'École d'Anthropologie, 622; — com-
plémentaire d'archéologie préhistorique à la Faculté des Lettres de Toulouse, 726;
— d'anthropologie à l'Université de Pavie, 727; — d'antiquités américaines au CoU
lège de Fiance, 728.
Coutil (Léon). Inventaire des objets de l'âge du cuivre et du bronze découverts en
Normandie, 136.
Crdnés des tumulus d'Auvenay, 4; mesures de quelques — des tumulus de la Haute-
Bourgogne, 6 ; — du tumulus de Méloisey, 11; — du tumulus de Monceau-MiJon,
13; — du tumulus de Monceau-Laurent, 15; — du tumulus de la Vie de Bagneux,
16; — du tumulus de Banges, 17; — du tumulus des Vendues de Verroilles, 20 ;
— du tumulus des Vendues de Montmorot, 21 ; — du tumulus de Savoisy, 22; —
des tumulus de la grande forêt de Ghâtillon, 23 ; mesures des — des tumulus du
Châtillonnais, 24 ; âge des — des cavernes de la Bavière, 59 ; âge des — des cavernes
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 753
du Wurtemberg, 61 ; âge du — de Cannstatt, 63; âge des — préhistoriques de
Bade et de la Hesse, 65 ; âge du — d'Eguisheim, 66; âge du — de Néauderthal,
69; âge des — des cavernes du Rhiu et de Westphalie, 74; âge du — de Rixdorf,
76 ; — quaternaires de la station d'Ali -Bâcha, à Bougie, 124 : — précolombiens de
Cuba, 132; — de Krapina en Croatie, 156; — de l'époque mérovingienne, 171;
caractères du — chez les populations de la Russie, 174; le — chez les Oudi, 177;
caractères du — chez les Juifs de l'Afrique du Nord, 179; lésions bregmatiques des
- des îles Canaries, 180 ; — péruviens, 189 ; caractères du — chez les habitants
des îles Mentawei, 194; étude sur les formes du — humain, 207; rapport entre les
sutures du — et l'âge, 207; capacité du — chez les criminels portugais, 209; bra-
chycéphalie et dolichocéphalie produites par des actions intentionnelles sur le —
infantile, 209; le — de Calaveras, 233; caractères du — chez les Cro-Magnons de
Grimaldi,300 ; caractères du — chez les Négroïdes de Grimaldi, 303; — trouvés dans
des tombes chrétiennes auprès de Niksii, 444; deux nouveaux — humains de
cités lacustres suisses, 547; — deBrux, 684; — anciens du Latium, 697; — d'Aby-
dos, 698; — de Guaranis, 714; variations des os du —, 716.
Craniectomie et régénération osseuse, 212.
Craniométrie, technique à employer en — , 563.
Crannog^ le — de Craigywarren, en Irlande, 397.
Crète, les civilisations anciennes de la —, 128; fouilles en — pendant l'année 1904,
694 ; poteries peintes de la — , 694 ; récentes découvertes en —, 696.
Criminels^ la capacité crânienne chez les — portugais, 209.
Cro-Magnon, le type de — aux Baoussé-Roussé, 297 ; le bassin dans la race de — ,
299.
Crows, traditions des —, 478.
CuAZ (Mer jos.). Le jugement de Dieu, 701.
Cuba, objets précolombiens de l'île de — , 132.
Cuirasses de l'époque de Hallstatt, 131.
Cuivre, armes de — des tumulus bretons, 325 ; haches de — du district de Kônig-
grâtz, 435 ; les haches doubles de l'âge du — en Europe occidentale, 436 ; la hache
double en — de Pyrmont, 436 ; hache double en — de Hanovre, 437 ; haches de
— des mounds américains, 444.
Culte phallique au Laos, 240 ; les — annamites, 463 ; — astral chez les popula-
tions primitives du Soudan, 531 ; — mythes et religions, 600; le — des menhirs
dans le monde celtique, 688.
Cupules snr les pierres des tombeaux des tumulus bretons, 326.
Gyclades, fouilles récentes dans les —, 696.
Da Costa Ferreira. La capacité crânienne chez les criminels portugais, 209.
Daga Beid, les pierres gravées de — (Somal), 388.
Daleau (F.) et Maufras (E.). Le dolmen du Terrier de Cabut, 421.
Danemark, îles flottantes artificielles du —, 126.
Danses des Monumbo de la Nouvelle-Guinée, 610; — des Bochimans, 711.
Danseurs indiens aux processions de la Fête-Dieu eu Equateur, 89.
Debruge. La station quaternaire d'Ali-Bacha, à Bougie, 124. Bougie ; compte rendu
des fouilles faites en 1904, 598.
Décharnement des cadavres avant l'inhumation, 112.
Déchelktte (J.). Distribution géographique des cachettes de l'âge du bronze en
France, 136. Les sépultures de l'âge du bronze en France, 321. Murs d'enceintes
à parements internes, 393.
Décoration, origine de la — en spirale, 433.
Decorse (Df J.). Du Congo au lac Tchad, 605. Recherches archéologiques dans le
Soudan, 669.
Dégénérescence des peuples latins, 732.
l'anthropologie. — T. xvir. — 1906. 48
•Î;i4 INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Délos, les fouilles de —, 731.
Demonet (E.). Recherches sur la capacité vitale absolue et relative suivant le sexe et
suivant certaines dimensions du corps, 612.
Denise, l'homme fossile de — , 397.
Dentition de la race négroïde de Grimaldi, 306.
Descendance, la — de l'Homme, 683.
Desplagnes (Lieutenant). Notes sur les origines des populations nigériennes, 523. Le
plateau central nigérien, 691. Une mission archéologique dans la vallée du Niger,
691.
Dessins sur os de la station néolithique de Sierentz (Haute-Alsace), 420.
Distinctions honorifiques, 225, 632.
Divinités, les — annamites, 465.
DixoN (François), Voy. Schaf.ff (R. F.).
Dolichocéphalie, origine de la — par des actions intentionnelles sur le crâne infan-
tile, 209.
Dolmen de Marchais (Aisne), 133; — de l'âge du bronze en Gironde, 326 ; — tumulus
de Gourtavant, 330 ; le — du Terrier de Gabut, 421 ; fouilles d'un — à Champi-
gnoUes, 593 ; fouille d'un nouveau — près Grasse, 687. — Voy. Mégalithes.
Domestication, la semi — des animaux aux temps pléistocènes, 27.
DoRSEY (Geo. A.). Traditions des Indiens Skidi Pawnee, 475.
DoRSEY (G. A.) et Kroeber (A. L.). Les traditions des Indiens Arapahos, 183.
DouMERGUE (F.). Nouvelles contributions au Préhistorique de la province d'Oran, 165.
Drame, le — javanais, 704.
DuBUs (A.). Fonds de cabanes néolithiques à Lucy, près de Neufchâtel-en-Bray, 594.
Dumas (Ulysse). La grotte des Fées, à Thasaux (Gard), 135.
DuMOUTiBR (G.). Les cultes annamites, 463.
DussAUD (René). Questions mycéniennes, 696. La Troie homérique et les récentes
découvertes en Crète, 696. La civilisation préhellénique dans les Gyclades, 696.
Fouilles récentes dans les Gyclades et en Crète, 696. La matérialisation de la
prière en Orient, 696.
Ecosse,, les tourbières d'— et leurs relations avec la période glaciaire, 589; les
dernières formations quaternaires d'— , 589.
Eqéen, V — ne correspond pas à une civilisation homogène, 128.
Eguisheim, âge du crâne d' — , 66.
Egypte, rapports de V— et de la Gaule à l'époque néolithique, 426 ; observations
sur le Préhistorique en — , 427; l'âge de la pierre en Haute —,429; la faune
momifiée de l'ancienne — , 437; silex taillés d' — , 627; crânes anciens d' — , 698.
Ehrenreich (Dr P.). Les mythes et les légendes des peuples primitifs de l'Amérique
du Sud et leurs rapports avec ceux de l'Amérique du Nord et de l'ancien conti-
nent, 480.
Empreintes problématiques de pas de l'Homme tertiaire, 399 ; les — murales de
Knossos, 443.
Enceintes, les — dites ligures, 115 ; — à gros blocs des environs de Grasse, 115; —
en pierres sèches du Gard, 116 ; inventaire des — préhistoriques du Var, 693.
Enseignement, vœu relatif à V — de l'anthropologie, 140 ; V — de l'anthropologie
dans la République Argentine, 501.
Eolithes, les — devant le Congrès de Monaco, 117; faux — dans les marnes de
l'Allemagne du Nord, 415; les — du Cantal, 580; les gisements d' — du Cantal,
641; l'origine naturelle des — de l'Allemagne du Nord, 676; les — de France et
de Portugal, 677.
Epées boïennes des environs de Nevers, 131 ; 1' — de Brennus, 343; la torsion des
— est un rite gaulois, 353.
Epingles en bronze trouvées à Vers (Gard), 435.
I
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 755
Equateur, le christianisme et les Indiens de la République de F—, 81 ; orographie
de r — , 84 ; climats de 1' — , 85.
Errata, 503, 633.
Eskimos, arrivée des — au Groenland, 180; les variations saisonnières des sociétés
—, 711.
Espagne, le Néolithique en — , 134; les premiers âges du métal dans le Sud-Est de
r — , 135 ; nouvelles découvertes dans les cavernes de la province de Santander,
en — , 143.
Espélugues, tête d'équidé enchevêtrée découverte dans la caverne des —, à Lourdes,
32, 40; asiné enchevêtré de la caverne des —, 51.
Etain, Y— des Cassitérides, 235 ; 1'— dans l'île d'Ictis, 596.
Ethnograp /lie, études à' — préhistorique, 27; — ancienne de l'île de Gélèbes, 196;
— des Vikings, 444; — des comitats de Kronstadt et de Fogaras en Transylvanie,
446; — du Pérou et de la Bolivie, 484.
Evans (Arthur). Les civilisations egéenne, minoenne et mycénienne, 128. Essai de
classification des époques de la civilisation minoenne, 440.
Evans (Sir John). A propos des éolithes, 120.
EwART (,T. C). Le Tarpan et sa parenté avec les chevaux sauvages et domestiques, 583.
Exposition anthropologique et ethnographique du D^ Rivet, 728.
Eyzies, gravures sur os et sur pierre delà grotte des —, 126; excursion scientifique
aux —, 227.
Famille, la — chez les Bagas, 370.
Faune de la station de Taubach, 57 ; — de la station d'Andernach, 58 ; — de la
« Rauberhoehle », en Bavière, 59; — des cavernes de Gailenreuth et d'Ofnet, en
Bavière, 60; — des cavernes du Wurtemberg, 61; — de Cannstatt, 63; — du
loess de Lahr, 65; — du loess d'P^guisheim, 66; — des cavernes du Rhin et de
Westphalie, 68 ; — des stations préhistoriques de la Thuringe, 75 ; — de la
caverne de Freudental, 77; — de la caverne de Kesslerloch, 77 ; — des grottes de
Grimaldi, 108; — de la station paléolithique de Munziugen, 153; — de Krapiua,
156; — paléolithique de Syrie, 159 ; — de la grotte du Prince, à Grimaldi, 258; —
de la grotte des Enfants, à Grimaldi, 268; ressemblances entre les — fossiles de
l'Europe, des îles de la Méditerranée et de l'Afrique, 279; — 'continentale pliocène,
280 ; ■— malacologique de Saint-Acheul, 405 ; — de la grotte de la Roche-au-Loup
(Yonne), 413; la — momifiée de l'ancienne Egypte. 437; — des couches à Hippa-
rion dans le Cantal, 580 ; — quaternaire de l'île de Capri, 587 ; — quaternaire des
cavernes de Californie, 592; — du Puy Courny, 659; causes de l'extinction des
— préhistoriques, 680; la — dans le folk-lore de France, 722.
Fémur, le — dans la race de Cro-Magnon, 300; le — dans la race de Grimaldi, 304.
Fer, épée de — du tumulus de Monceau-Laurent, 15; épée de — du tumulus de la
Vie de Bagneux, 16; objets en — du tumulus des Vendues de Verroilles, 20; bra-
celet en — du tumulus des Vendues de Moutmorot, 21 ; répartition des objets de
— en Hongrie, 129; instruments en — d'usage inconnu trouvé dans l'oppidum
du mont Menu, 136; l'âge du — en Syrie, 161 ; le — à la période de Hallstatt,
167 ; la coutume de ramasser du —, 235; objets en — d'un crannog d'Irlande, 598.
Fête religieuse d'une société féminine à Oraibi, 185.
Figurations humaines sur les parois des grottes ornées, 126 ; — sur un vase de terre
néolithique de Russie, 163.
FiscHKR (E.). Etude anatomique des parties molles de la tête chez deux Papous, 200.
FisHBERG (M.). Contribution à l'anthropologie physique des Juifs de l'Afrique v!u
Nord, 178.
Fletcher (Alice C.)- La cérémonie Pawnee du Hako, 475.
Flore préhistorique de l'Europe centrale, 414 ; — des tourbières d'Ecosse, 589; la — *
dans le fofk-lore de France, 722.
756 INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Folk-lore de France ; la faune et la dore, 122.
Fosse liypo troc haute rienne dans la race de Gro-Magnon, 300.
Fouilles, les — de Dôlos, 731.
Franc (Louis). De l'origine des Pahouins, 604.
Fhassrtto (Fabio). Étude sur les formes du crâne humain, 207.
Fhech (Fr.j. Etudes sur le climat des époques géologiques, 679. Causes de l'extinc-
tion des faunes préhistoriques, 680.
Fkitsch (G.). Les problèmes ethnographiques de l'Orient tropical, 706.
Frgehligiier (D"^). Quelques monuments néolithiques et gallo-romains de la partie de
l'Aisne située entre Sissoune et Marchais, 133.
Fuchs (K.), Notes d'ethnographie sur les comitats de Kronstadt et de Fogaras en
Transylvanie, 446.
Funérailles, pratiques en usage lors des — chez les Paléolithiques de Grimaldi, 293.
Gaide (D""). Notice ethnographique sur les principales races indigènes du Yunnan et
du nord de l'Indo-Chiue, 450.
Galie.n-Miisgaud. Épingles en bronze trouvées à Vers (Gard), 435.
Gallo-romains, monuments — de l'Aisne, 133.
Gaudry (Albert). A propos du décharnement des cadavres avant l'inhumation, 113.
Le berceau de l'Humanité, 114. Le prognathisme inférieur, 139. — Le nom d' — est
donné à une rue d'Amiens, 226.
Gaule, distribution en — des objets d'or préromains, 130; rapports de l'Egypte et
de la — à Tépoque néolithique, 426.
Gaulois, les premiers —, 1 ; les épées des —, 343.
Geikie (James). Les dernières formations quaternaires d'Ecosse, 589. De l'époque
glaciaire aux temps actuels, 589.
Gérin-Ricard (H. de). Silex importés d'Asie-Mineure, 132.
Gisements, vœu relatif aux — préhistoriques, 230.
GiUFFRiDA-KuoGERi (V.). Catalogue des matériaux squelettiques préhistoriques et pro-
tohistoriques du Latium, 697.
Glaciaire, découvertes paléolithiques dans Tinter— de Huudisburg, 416; la période
— dans la vallée du Rhin, 416; théories relatives à l'époque —, 574; le problème
inter —, 577 ; relation des tourbières d'Ecosse avec la période —, 589 ; de l'époque —
aux temps actuels, 589; la période — dans l'Allemagne du Nord, 676; invasion —
unique à l'époque quaternaire, 679; les formations inter — des environs de Ber-
lin, 682.
GoBY (Paul). Les enceintes à gros blocs de la région de Grasse, 115. Description et
fouille d'un nouveau dolmen près Cabris, près Grasse, 687.
GoDDARD (P. Earle). La morphologie de la langue hupa, 188.
Gordon (G. Byron). La continuité des dates fournies par les monuments ruinés de
l'Amérique centrale, 189.
Gorjanovic-Kramberger (K.). L'Homme paléolithique et ses contemporains du dilu-
vium de Krapina en Croatie, 156.
Gravure, évolution de la — dans les cavernes, 124; — sur os et sur pierre, 126; —
des cavernes de la province de Santander, 144; — dans des cavernes espagnoles,
625.
Grimaldi, stratigraphie et paléontologie des grottes de —, 108; anthropologie des
grottes de —, 110; archéologie des grottes de —, 111; les grottes de —, 257, 291 ;
la race négroïde de —, 302; les survivances de la race de — aux époques préhis-
toriques, 307 ; les survivances de la race de — à l'époque actuelle, 310.
Grottes, étude stratigraphique, paléontologique, anthropologique et archéologique
des — de Grimaldi, 108-111 , la — de la Font-Robert (Corrèze), 123; les — à parois
décorées, 124; gravures sur os et sur pierre de la — des Eyzies, 126; figurations
humaines sur les parois des — ornées, 126; la — de Remonchamps, 126; la —
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 757
des Fées, à Tharaux (Gard), 135; les — de Grimaldi; résumé et conclusions des
études géologiques, 257; la — du Prince, à Grimaldi, 257; la — des Enfants, à
Grimaldi, 266; les — de Grimaldi, résumé et conclusions des études anthropolo-
giques, 291 ; — naturelles utilisées pour les sépultures à l'âge du bronze, 327 ; — arti-
ficielles de l'âge du bronze, 328; une — du vieil âge du reane dans la Vienne, 410;
les — de la vallée de l'Yonne; la — de la Roche-au-Loup, 413; peintures dans
une — de l'Ariège, 623; peintures dans la — de Gargas, 624; — espagnoles peintes
et gravées, 625. — Vo}'. Cavernes.
Guaranis, les Indiens — du rio Itariri, 714.
Guatemala, découverte de ruines au —, 731.
GuEBHARD (D'A.). Essai d'inventaire des enceintes préhistoriques (Castélars) du dépar-
tement du Var, 693.
Guinée, les Scymos, indigènes fétichistes du littoral de la —, 359.
Haberek. Les races humaines de l'empire japonais, 447.
Habitation, ï — chez les Bagas, 369; 1' — d'hiver et d'été chez les Eskimos, 712.
Haguet (H.). Les Mois de la région de Quang-Ngai, 453.
Hall (Edith H.). Quelques poteries peintes de Gournia, 694.
Hallstatt, géographie de la civilisation de —, 129; la nécropole de —, 130; pénétra-
tion de la civilisation de — en Gôte-d'Or, 131 ; la période de — , 165.
Hampel (J.). Antiquités du commencement du moyen âge en Hongrie, 169.
Hamy (D' E.-T,). Les premiers Gaulois, 1. A propos des éolithes, 119. La vie rurale
au xviiie siècle, dans le pays reoonquis. Étude de sociologie et d'ethnographie,
603. Matériaux pour l'histoire de Parchéologie préhistorique, 686. Pierres levées et
figures rupestres du Tagant, 690.
Herman (0.). Le Solutréen de Miskolcz, 418.
IIermet (Abbé). Statues-menhirs de l'Aveyron et du Tarn, 135.
Hervé (G.). Contribution à l'histoire des mégalithes, 687.
HoERNES (M.). Classification des poteries néolithiques, 128. La nécropole de Hallstatt,
130. La période de Hallstatt, 165.
HôFLKR (M.). Pâtisseries rappelant le sacrifice des cheveux, 213.
Hongrie, répartition des objets de fer en — , 129; antiquités du commencement du
moyen âge en — , 169.
Hopis, les traditions des Indiens —, 472. Les noms propres des —, 608.
Hounis, ethnographie des — du Yunnan, 451.
HouzÉ (Dr E.). L'Aryen et l'Anthroposociologie, étude critique, 698.
HowoRTH (Sir Henri H.). Glace ou Eau, 573.
Hubert (H.). Étude sommaire de la représentation du temps dans la religion et la
magie, 616.
HuGUET (Di" J.). Superstition, magie et sorcellerie en Afrique, 607.
Huichols, l'art de la décoration chez les Indiens — , 182.
Hupas, morphologie de la langue des — , 188.
Incas ; religion des — , 82 ; les instruments de musique des — , 486.
Incinération, la nécropole à — de Timmari, 136; — à l'époque paléolithique, 294; —
dans les tumulus bretons, 326; — dans les sépultures de l'âge du bronze, IV, 335.
Inde, les Parias de 1' —, 177.
Indice céphalique en Russie, 174 ; — chez les Juifs de l'Afrique du Nord, 179 ; essai
de caractérisation systématique de 1' — , 210. — Voy. Crâne.
Indice crâniens des Gaulois de la Haute-Bourgogne, 6; — des Gaulois du Châtillon-
nais, 24. — Voy. Crâne.
Indice facial en Russie, 174; — chez les Juifs de l'Afrique 'lu Nord, 179. — Voy.
Crâne.
Indice nasal en Russie, 174; — chez les Juifs de l'Afrique du Nord, 179. — Voy.
Crâne.
75S INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Indiens, le christianisme chez les — de la République de l'Equateur, 81.
Indo-Chine, notes sur les populations de 1' —, 448-469; aperçu sur les races peu-
plant le 1" territoire militaire de I' —, 458; coutumes de 1' —, 701-703.
InscripUons rupesLres du Nord de l'Afrique, 137; — du Somal, 383.
Jnterçjlaciaire, les trouvailles paléolithiques de 1' — de Hundisburg, 416,
Issas, division des Somalis — , 377.
IséEL (A.). A propos des ossements préhistoriques peints en rouge, 112. Un exemple
(le survivance préhistorique, 117. Les problèmes des Baoussé-Roussé devant le
Congrès de Monaco, 407.
IvANOWKi (A.). Sur les éléments constitutifs de la population de la Russie, 172.
Jacquot (L.). Peuples troglodytes modernes du Djebel-Aurès, 138.
Japon, les races humaines du —, 447.
Japonais, le cartilage du repli semilunaire de la conjonctive des — , 700.
Jassen (A.), Voy. Thomsen (Th.).
Java, le drame à — , 704.
Jeux des Zuùis, 470.
Johnston-Lavjs. Une plateforme néolithique à Beaulieu (Alpes-Maritimes), 114.
Jones (Paul), ideotification du cadavre de — et son autopsie 113 ans après sa
mort, 171.
Jugement de Dieu, le — au Siam, 701.
Juifs, anthropologie physique des —de Russie, 175; caractères physiques des — de
l'Afrique du Nord, 178.
Kaiseb (A.). Biologie ethnique des Masaï, 708,
Khas, les — du Tranninh, 449; les — ou Akkhas du Yunnau, 452.
Kjellmark (K.). Une station de l'âge de pierre dans la falaise de Jâren, près Lim-
hamn, 425.
Knossos, la céramique de —, 441; les empreintes murales de —, 443.
KocH (Theodor). Les tribus indiennes du Rio Negro supérieur et du Rio Yapura, et
leurs relations linguistiques, 482.
Kouang-Si, race indigène du — , 700.
KocLAKOvsKi (Julien). Sur la question des squelettes colorés, 594.
Kraemer (A.). La construction des maisons et des bateaux dans les îles Marshall, 206.
Kf.oeber (A. L.), Voy. Dorsey (G. A.).
Krone (R.). Les Indiens Guarani du rio Itariri, dans l'Etat brésilien de Sao Paulo,
714.
Lacustres, deux nouveaux crânes humains de cités — suisses, 547.
Lahr, âge du squelette du loess de — , 65.
Lalanne (Dr G.). Contribution à l'étude des populatioas néolithiques du Bas-Médoc,
134.
Lamarck, souscription internationale pour l'érection d'une statue à — , 726.
Lamplugh (G. W.). Sur les dépôts superficiels des lies Britanniques et le problème
interglaciaire, 577-
Langue hupa de l'Amérique de Nord, 188; Indiens parlant la — quichua sur le ver-
sant oriental des Andes, 193; — des Monumbo de la Nouvelle-Guinée, 610; inter-
dictions de vocabulaire dans les — indo-européennes, 619.
Laos, le culte phallique au — , 240.
Lapons, caractères physiques des — , 175.
Latins, dégénérescence des peuples — , 732.
Latium, ossements préhistoriques et protohistoriques du —, 697.
Laugerie-Basse, tête d'équidé enchevêtrée de —, 36.
Lavest (Mer). Race indigène ou tou-jen du Kouang-Si, 700.
La VILLE (A.). Le Megaceros hibernicus aux environs de Paris dans les dépôts infra-
néolithiques, 420. Amande chelloise accompagnée de l'Elephas antiquus à Gréteil
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 759
(Seine), 586. Le Pliocène à Elephas meridionalis dans le département de la Seine,
586.
Leclère (Adhémard). Le Cambodge. Le thvoeu-bon Kant-boent, 462; Cambodge :
Thvoeu-bon Sdach Meakh, 701. Cambodge : Le Thvoeu-bon chaul prah vossa,
702. Cambodge : la fête du salut à la lune, 703. Cambodge : la fête du don des
robes, 703.
Ledouble. Traité des variations des os du crâne chez l'homme, 716. Traité des varia-
tions des os de la face chez l'homme, 716.
Légendes tahitiennes, 611.
Lehmann-Nitsche (R.). Les lésions bregmatiques des crânes des îles Canaries, 180.
Contes des Indiens de l'Argentine, 610. Méthode de recherches de l'ethnologie
scientifique, 721.
Leite de Vasgoncellos (J.). Les religions de la Lusitanie, 602.
Lewis (Francis J.). La flore des tourbières d'Ecosse, 589. L'histoire des tourbières
d'Ecosse et leurs relations avec la période glaciaire, 589.
LissAUER (A.). Second rapport sur l'activité de la commission chargée par la Société
allemande d'Anthropologie d'établir des cartes de types préhistoriques, 422. Les
haches doubles de l'âge du cuivre en Europe occidentale, 436. La hache double en
cuivre de Pyrmont, 436. Hache double en cuivre d'EUiérode, Hanovre, 437.
Loë (de). La grotte de Remonchamps, 126. L'âge du bronze en Belgique, 135. Un
objet en or trouvé récemment à Arlon, 136.
Lolos, ethnographie des — du Yunnan, 451,
Lortet et Gaillard. La faune momifiée de l'ancienne Egypte, 437.
LuMHOLTz (Cari). L'art de la décoration chez les Indiens Huichols, 182.
LuscHAN (F. von). Uu squelette de chimpanzé rachitique, 720.
Lusitanie, les religions de la —, 602.
Lûtes, les — du Gribinghi, 606.
Magdalénien, le — en Syrie, 160.
Magie chez les tribus des îles du détroit de Torres, 202; la — Afrique, 607.
Main, les lignes papillaires de la paume de la — chez les Primates, 496.
Maisons, la construction des — chez les Jabim de la Nouvelle-Guinée allemande,
201 ; la construction des — dans les îles Marshall, 206. — Voy. Habitation.
Majewski (E. V.). Groupe céramique à cordon trouvé en Pologne, 429.
Makassars, ethnographie des — de Gélèbes, 488.
MammouLh, défense de — ouvrée, 125; le régime alimentaire du — , 234.
Mandibules des tumulus de la Haute-Bourgogne, 8, 11; — des tumulus de Châtillon-
nais, 16, 18, 19, 23.
Manouvriër (L.). Crânes de répoque mérovingienne, 171.
Manuel de recherches préhistoriques, 152.
Mans, ethnographie des — du Yunnan, 452 ; travaux sur les —, 454 ; les — du
l«r territoire militaire, 460.
Maori, la résurrection du peuple —, 733.
Marie et Pelleiier. Crauiectomie et régénération osseuse, 212.
Marshall, la construction des maisons et des bateaux dans les îles — , 206.
Martin (Df H.). Superposition de deux tailles sur un môme silex, 137.
Marton (L. de). Répartition des objets de fer en Hongrie, 129.
Masaï, biologie ethnique des — , 708.
Mas-d'Azil, représentations de chevêtres de la grotte du - , 33, 43.
Maufras (E.). Voy. Daleau (F.).
Maoss (M.) et Beuchat (H.). Essai sur les variations saisonnières des sociétés eski-
mos. Étude de morphologie sociale, 711.
Mayet (D' Lucien). La question de l'Homme tertiaire. Note sur les alluvions à Hip-
parion gracile de la région d'Aurillac et les gisements d'éolithes du Cantal, 641,
760 INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Mead (Cliarles W.). Les iustruments de musique des Incas, 486.
Megaceros hibernicus, le — aux euvirous de Paris daos les dépôts infra-iiéoli-
thiques, 420.
Mégalithes, les — de la Vendée, 501 ; — du Soudan, 673 , contribution à l'histoire
des —, 687 ; les — du Niger, 691. — Voy. Dolmens et Menhirs.
Mehlis (C). Nouvelles trouvailles néolithiques dans la région du Rhin moyen, 161.
Les cailloux peints du « Bohl » près Neustadt, 424.
Meillkt (A.). Quelques hypothèses sur des interdictions de vocabulaire dans les
langues indo-européennes, 619.
Mélanésie, le rôle des courants marins pour le peuplement de la —,715.
Membres, proportions des — dans la race de Cro-Maguon, 298 ; proportions des —
dans la race de Grimaldi, 303, 315.
Membre inférieur, os du — provenant des tumulus de la Haute-Bourgogne, 10.
Membre supérieur, os du — provenant des tumulus de la Haute-Bourgogne, 10.
Menhirs, le culte des — dans le monde celtique, 688 ; — du Tagant, 690 ; — du
Niger, 691.
Mentawei, les habitants des îles —, 193.
Méos, les — du Tranninh, 449.
Mérovingiens, crânes —, 171.
Mesures, entente internationale pour l'unification des — craniométriques et cépha-
lométriques, 140, 559.
Miao-tse, ethnographie des — du Yunnan, 453.
Microcéphales, exhibition de jeunes — américaines, 503.
MiEG (Mathieu). Dessins représentatifs sur os de la station préhistorique de Sierentz
(Haute-Alsace), 420.
Migrations des populations de la Guinée, 365 ; — aryennes, 420 ; les — en Méla-
nésie, 715.
Mimétisme dans le Kurdistan, 632.
Minoen, classification du — , 440.
MoDESTOv, Les Osques sont-ils des Aryens?, 138.
Mois, les — de la région de Quang-Ngai, 453,
Momies australiennes, 241.
MoNTANÉ (Dr L.). Objets précolombiens de l'île de Cuba, 132.
MoNTELius (Oscar). L'âge du bronze en Suède, 140,
Montières, étude des silex taillés de — , 403.
Monuments du Soudan, 534.
MooNEY (James). Les mythes des Cherokees, 186.
MoGRE (Clarence B.). Restes aborigènes des États-Unis, 443.
MoRTiLLET (G, de), le nom de — est donné à une rue d'Amiens, 226.
Mounds, haches de cuivre des — américains, 444.
Mouslérien, le — en Syrie, 159 ; le — dans les grottes de Grimaldi, 265.
Moustier, les fouilles du lieutenant Bourlon au —, 121.
Ml'ller. Recherches préhistoriques dans la région de Grenoble, 133.
Murs d'enceintes à parements internes, 393.
Musées, les — d'histoire naturelle en Europe et eu Amérique, 231 ; catalogue géné-
ral du — de Figueira da Foz, 693.
Muséum, nouvelles entrées dans les collections de paléontologie du — 729 ; —
d'archéologie projeté à Cambridge, 730,
Musique, les instruments de — des Incas, 486.
Mutilations dentaires des habitants des îles Mentawei, 195.
Mythes des Indiens Arapahos, 183 ; les — des Cherokees, 186 ; cultes^ — et religions,
600.
Mythologie des Indiens Pawnee, 476 ; — des peuples primitifs de l'Amérique du
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 761
Sud, 480 ; vie sexuelle, naissance et monstruosité dans la — asiatique, 704.
Naissance, les cérémonies et les coutumes relatives à la — à Oraibi, 608.
Nanisme, cas de — chez les Kai de la Nouvelle-Guinée, 201.
Navigation, la — primitive en Europe, 139.
Néanderthal, âge du squelette de — 69.
Nécropole à incinération de Timmari, 136 ; — préromaine découverte à Gênes, 137.
Nègres blancs, 236 ; les — aux États-Unis, 236 ; les — en Allemagne, 733 ; les —
aux États-Unis, 733.
Regritos, la répartition des — , 707.
Négroïdes, gisement des — de Grimaldi, 268 ; la race — de Grimaldi est plus
ancienne que la race de Cro-Magnon, 292 ; caractères de la race — de Grimaldi,
308; à propos des — de Grimaldi, 410.
Néolithique, l'époque — dans la région de Monaco, 114; passage du Paléolithique
au —, 126; origine de la civilisation —, 127; le — en Crète, 128; monuments —
de l'Aisne, 133; crânes — des Cévennes, 134; populations — du Bas-Médoc, 134;
industrie — ancienne de la Provence, 134 ; chronologie du — espagnol, 134 ; le —
eu Syrie, 160 ; nouvelles trouvailles — dans la région du Rhin moyen, 161 ;
poteries et silex — du gouvernement de Perm, 163 ; vase — avec figuration
humaine trouvé en Russie, 163; instruments — du Sud de l'Afrique, 419 ; dessins
sur os d'une station — de la Haute-Alsace, 420 ; station funéraire — à Bois-l'Abbé,
en Lorraine, 421 ; cailloux peints — , 424 ; rapports de l'Egypte et de la Gaule à
l'époque — , 426; le — dans la région du Niger, 526; les descendants des — sou-
danais, 529 ; crâne d'une cité lacustre — de la Suisse, 547 ; fonds de cabanes —
en Normandie, 594 ; instruments — du Soudan, 671.
Neuville (Henri), Voy. Carette- Bouvet (Pierre).
Neuweiler (E.). Les restes végétaux préhistoriques de l'Europe centrale, avec réfé-
rence spéciale aux découvertes suisses, 414.
Newton (E. T.), Voy. Schabff (R. F.).
Nez, le — dans la race de Grimaldi, 303, 308, 311.
Niger, les origines des populations du — , 525; archéologie du — , 691.
NoRDENSKiôLD (E.). Contribution à l'étude de quelques tribus indiennes du rio Madré
de Dios, 191. Exploration scientifique au Pérou et eu Bolivie, 191. Des Indienspar-
laot le quichua sur le versant oriental des Andes, entre le Pérou et la Bolivie, 193.
Recherches ethnographiques et archéologiques a la frontière du Pérou et de la
Bolivie, 484.
Nouvelle-Guinée, cas de nanisme chez les Kai de la —, 201; la construction des
maisons chez les Jabim de la — , 201; langue, chants et danses des Monumbo de
la —, 610.
NuEscH (J.). La transition du Paléolithique au Néolithique dans les cavernes du
Schweizersbild et du Kesslerloch, 126. Le Kesslerloch, près de Thayngen, canton
de Schafi"house. Nouvelles fouilles et découvertes, 685.
Mùng, les — du ler territoire militaire de l'Indo-Chine, 459.
Oaqôl, cérémonie religieuse d' — à Oraibi, 185.
Obermaier (Hugues). Les restes humains quaternaires dans l'Europe centrale, 55.
Squelette de Briinn peint en rouge, 112. A propos des éolithes, 118.
Obole, V — de Charon dans les temps préhistoriques, 629.
Oppert (G.). Les Parias de l'Inde, 177.
Or, distribution en Gaule des objets d' — préromains, 130; objet en — récemment
découvert à Arlon, 136.
Orbite, détermination de l'inclinaison de 1' — , 615.
Os, objets en — paléolithiques des cavernes de la province de Santander, 146; ins-
truments en — des Toalade l'île de Célèbes, 197 ; industrie de V — dans la grotte
des Cottes, 410; dessins sur — de la station préhistorique de Siereutz, 420.
162 INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Osques, les —sont-ils des Aryens ?, 138.
Osaelels, les — meutonniers et leur signification, 493.
Ossements peints dans des sépultures préhistoriques, 111.
Oudi, les caractères physiques des — du Caucase, 176.
Pachundaki. Observations sur le Préhistorique en Egypte, 427.
Pahouins, origine des—, 604.
Paléogéoqraphie des Baoussé-Roussé, 269.
Paléolithique, instrument de type — rencontrés à Andernach, 58 ; passage du — au
Néolithique, 126; le — dans la province de Santander, 144; station — de l'âge du
renne de Munzingen, près de Fribourg en Brisgau, 153 ; l'Homme — de Krapina,
156; le — en Syrie, 159 : le — de l'île de Célèbes, 199; gisements — dans les grottes
de Grimaldi, 265; sépultures — de Grimaldi, 291; coutumes funéraires à l'époque
—, 293 ; incinération à l'époque — , 294, les silex — de Saint-Acheul et de Mon-
tières, 403; atelier de taille — , 404; les trouvailles — de l'interglaciaire de Hun-
disburg, 416; instruments — du sud de l'Afrique, 418; le — de France et de Por-
tugal, 677. — Voy. Pléistocene et Quaternaire.
Papillallt(Di' g.). Unification des mesures anthropométriques, 140,559. Entente in-
ternationale pour l'unification des mesures craniométriques et céphalométriques,
559. Crânes d'Abydos, 698.
Papous, étude anatomique des parties molles de la tête chez deux — , 200.
Pabat (abbé). La méthode employée pour dater les restes trouvés dans des couches
antérieures à la période actuelle, 121. Les grottes de la vallée de l'Yonne. La grotte
de la Roche-au-Loup, 413.
Parias, le — de l'Inde, 177.
Pakibeni (R.). Nécropole préromaine découverte à Gênes, 137.
Parsons (F. G.) et Box (C. R.) Rapport entre les sutures crâniennes et l'âge, 207.
Pas, empreintes fossiles problématiques de — humains, 399.
Pawnee, traditions et cérémonies des Indiens — , 475.
Pêche, la — à Tahiti, 611.
Peinture, évolution de la — dans les cavernes, 124 ; — des cavernes de la province de
Santander, 145; — de cailloux néolithiques, 424 ; — dans une grotte de l'Ariège,
623; — dans la grotte de Gargas, 624; — et gravures dans des cavernes espa-
gnoles, 625.
Pelletier, Voy. Marie.
Pekbdolski (W.). Figuration de l'homme sur un vase de terre néolithique, 163.
Périgord, le — préhistorique, 407.
Peri\guey (L.). L'âge de la pierre dans le sud de l'Afrique, 418.
Pérou, crânes du —, 189; exploration scientifique au — , 191 ; recherches ethnogra-
phiques et archéologiques au — , 484.
Peyrony, Voy. Capitan et Cahtailhac.
PiDANCE (R.). Notes sur le Tranninh, 448.
Pied, relief de la plante du — chez les Primates et l'Homme, 495 ; les lignes papil-
laires de la plante du — chez les Primates, 496.
Pierres dites utilisées ou travaillées aux temps préquaternaires, 117 ; les industries de
la — en Asie, en Afrique et en Amérique, 131 ; pointes de flèches et de lances en
— du Sahara, 132; les instruments en — de la station paléolithique de Munzin-
gen, 154; l'âge de la — en Syrie-Palestine, 158; instruments de — de Tasmanie,
161; instruments néolithiques en — de la région du Rhin moyen, 162; instru-
ments en — des Toala de l'île ds Célèbes, 196; instruments en — des tumulus
bretons, 324; l'âge de la — dans le Sud de l'Afrique, 418 ; une station de l'âge de
— en Scanie, 425; l'âge de la — en Haute Egypte, 429 ; l'âge de — dans la vallée
du Zambèze, 500 ; l'âge de la — polie dans la région du Niger, 526 ; instruments
quaternaires en — de l'île de Capri, 587; instruments en — du Soudan, 671;
INDEX ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE. 763
objets en — d'un ancien gisement du Jutland, 689; instruments en — du Niger,
691.
Pierres gravées de Siaro et de Daga Beid (Somal), 883.
PiETTE (Edouard), Le chevêlre et la semi-domestication des animaux aux temps pléis-
tocènes, 27. Mort de — , 214; publications de — , 219.
PiGORiNi (L.). A propos des squelettes préhistoriques peints en rouge, 112. Fouilles
récentes à Capri, 121. Nécropole à incinération deTimmari, 136. Matériel palethno-
logique de l'île de Capri, 586.
Pillard d'Arkaï. Synchronismes archéologiques sur les enceintes dites ligures, 116.
PiTTARD (Eugène). Deux nouveaux crânes humains de cités lacustres (âge de la pierre
polie et âge du bronze) en Suisse, 547. Influence de la taille sur l'indice céphalique
dans un groupe ethnique relativement pur, 615.
Placard, chevêtre de la caverne du — , 39.
Plages mariyies, formation et âge des — sur le pourtour de la Méditerranée, 269-289.
Platymérie à l'époque quaternaire, 296, 300.
Pléislocène, la semi-domestication des animaux à l'époque — , 27 ; les dépôts — des
grottes de Grimaldi, 109 ; caractéristiques du — inférieur et du — moyen, 262 ;
caractéristiques du — supérieur, 263 ; les couches de la grotte du Prince et de la
grotte des Enfants à Grimaldi, datent du — , 264, 268 ; les plages quaternaires sont,
pour la plupart, du — inférieur, 275 ; les mouvements de la Méditerranée pendant
le — , 276. — Voy. Paléolithique et Quaternaire.
Pliocène^ le — à Elephas meridionalis dans le département de la Seine, 586.
PôCH (R.). Cas de nanisme chez les Kaï de la Nouvelle-Guinée allemande, 201. La
construction des maisons chez les Jabim de la côte orientale de la Nouvelle-Guinée
allemande, 201. Observations sur la langue, les chants et les danses des Mooumbo
de la Nouvelle-Guinée allemande, exécutées au moyen du phonographe, 610.
PoHLiG (H.). La période glaciaire dans la vallée du Rhin, 416.
Pologne, groupe céramique à cordon trouvé en — , 429.
Polyglotte, une ville — , 731.
Portugal, les silex tertiaires de — , 677.
Poteries d'Eguisheim et de BoUweiler, 67 ; — des gisements de Togolsheim et de
Steeten-sur-Lahn, 68 ; — néolithiques des Alpes-Maritimes, 115; — des enceintes
en pierres sèches du Gard, 116; classification des — néolithiques, 128; les —
ibéro- mycéniennes, 129 ; — provençales, grecques et indigènes, 137 ; — peintes
de Suse et de Tépé-Moussian (Perse), 137 ; les types de — néolithiques dans la
région du Rhin moyen, 162; — néolithiques du type permo-livonien, 163; —
néolithique avec figure humaine trouvée en Russie, 163 ; — anciennes db l'île de
Célèbes, 198 ; — bretonnes de l'âge du bronze, 325 ; — de l'âge du bronze IV, 336;
minoeones, 440 ; — anciennes du Niger, 526 ; les — poussées du Somal, du Sahara
et du Niger, 527 ; — d'un abri sous roche à Bougie, 599 ; — anciennes du pays
narbonnais, 599 ; — d'un ancien gisement du Jutland, 689 ; — peintes de Gournia,
en Crète, 694. — Voy. Céramique.
Pou-Eunes, les — du Tranninh sont des Laotiens, 448.
Poulain (G.). L'abri du Mammouth, à Métreville (Eure), 127.
Pou Taïs du Tranninh, 449.
Pou Tengs, les — ou Khas du Tranninh, 449.
Préhistoire, la — chez les classiques, 500 ; — tunisienne, 632.
Préhistorique, études d'ethnographie —, 27 ; le — dans la région de Monaco, 107 ;
le — dans la région de Cannes, 115 ; recherches — dans la région de Grenoble
133 ; recherches — dans la vallée de la Saône, 134; manuel de recherches —, 152;
le — de la province d'Oran, 165 ; catalogue de la collection — du D»" Sturge, 401 •
la Vienne aux temps —, 406; le Périgord —, 407;. les végétaux — de l'Europe
centrale, 414 ; dessins sur os de la station — de Sierentz, 420 ; cartes de types
764 INDEX ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
— , 422 ; observatious sur le — eu Egypte, 427 ; le cabinet — du Musée de Bàle,
682 ; ossemeuls — du Latium, 697.
Prière, la matérialisatiou de la — en Orient, 696.
Processions des Indiens chrétiens de l'Equateur, 96.
Prognathisme, le — inférieur, 139 ; — de la race de Grimaldi, 303, 308, 3H. — Vuy.
Crâne.
Proportions du corps chez les populations de la Russie, 175 ; — dans la race de Cro-
Maguon, 298 ; — dans la race de Grimaldi, 303, 315.
Prolotiis toriques, les civilisations — dans les deux bassins de la Méditerranée, 128.
Puy-Courny, géologie du —, 655 ; faune du —, 659; éolithes du —, 660.
Puy de Boudieu, le gisement d'éolithes du —, dans la Cantal, 644.
Quaternaire, les restes humains de l'époque — dans l'Europe centrale, 55 ; les
dépôts de Grimaldi appartiennent au —, 108 ; classification des temps —, 121 ;
découverte de restes — à Capri, 121 ; la grotte — de la Font-Robert, 123 ; la sta-
tion — d'Ali-Bacha, à Bougie, 124 ; le — en Syrie, 159 ; classiûcation des temps
—, 261 ; dépôts — des grottes de Grimaldi, 264, 267 ; les rivages méditerranéens
aux temps — , 273 ; les sépultures des grottes de Grimaldi remontent au —, 292 ;
faune et instruments — de l'île de Capri, 587 ; les dernières formations — d'Ecosse ;
589 ; mammifères — des cavernes de Californie, 592. ^- Voy. Paléolithique et
Pléistocène.
Quartzite, instruments en — d'Andernach, 58.
Quichua, mœurs des — , 484.
Rachitisme chez un chimpanzé, 720.
Randall-Maciver (David). La Rhodesia au moyen âge, 430.
Rapports de l'expédition anthropologique de Cambridge au détroit de Torres, 202.
Ray Lankester. A propos des éolithes, 120.
Reid (Clément). L'île d'Ictis, 596.
Reinach (Adolphe-J.). A propos des empreintes murales de Knossos, 443.
Reinach (Salomon). Découverte à Milan de squelettes peints en rouge, 112. L'épée de
de Brennus, 343. Cultes, mythes et religions, 600.
Religioji primitive des Incas, 82 ; — des insulaires du détroit de Torres, 204 ; — des
Scymos de la Guinée, 361 ; — des Mans de l'Indo-Chine, 456 ; — des Indiens
Pawnee, 476; — des populations de l'île Célèbes, 4S9 ; le culte de la nature dans
les — des anciens Sémites, 496 ; — chez les populations primitives du Soudan, 530 ;
— animiste au Soudan, 535 ; — fétichiste chez les Noirs soudanais, 542 ; cultes,
mythes et —, 600 ; les — de la Lusitanie, 602.
RÉvÉRoNY (Commandant). Aperçu sur les races peuplant le l^r territoire militaire de
rindo-Chine, 458.
Revue préhistorique illustrée de l'Est de la France, 230.
Rey (Ferdinand), Pénétrations de Hallstatt et de la Tène en Côte-d'Or, 131.
Rhin, la période glaciaire dans la vallée du — , 416.
Rhodesia, la — au moyen âge, 430 ; les monuments ruinés de la ■ — , 431.
Ridgeway (W.). L'origine et le rôle du Cheval de sang, 150.
Rites cambodgiens, 462 ; — annamites, 463.
Rivages, déplacement des — méditerranéens pendant les dernières époques géologi-
ques, 273 ; abaissement progressif des lignes de — depuis le début du Pliocène, 274.
Rivet ij)'^). Le christianisme et les Indiens de la République de l'Equateur, 81.
Exposition anthropologique du — , 728.
Rouges, les — du Niger sont les descendants de peuplades anciennes, 533.
Roumains, ethnographie des — de Transylvanie, 446.
RouzAUD (H.). Notes et observations sur le pays narbonnais, 599.
Rupestres, inscriptions — du nord de l'Afrique, 137 ; les inscriptions — du Somal,
383 ; figures — du Tagant, 690 ; dessins — du Niger, 692.
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 765
Russes, origine des —, 139.
Russie, découvertes des poteries et d'instruments néolithiques en pierre dans la
—, 163; les éléments constitutifs de la population de la — , 172.
RuTOT. A propos des éolithes, 118, 120.
Sahara, pointes de flèches et de lances en pierre du — , 132.
Saint-Acheul, étude des silex taillés de — , 403 ; atelier de taille paléolithique ancien
à —, 403.
Saint-Venant (J. de). Les enceintes eu pierres sèches du Gard, 116. Épées boïennes
trouvées aux environs de Nevers, 131. Sphéroïdes de l'âge du bronze, 136.
Salmon (J.). Description d'un fœtus achondroplase, 719.
Santos-Rocha (A. dos). Le musée municipal de Figueira da Foz; catalogue général,
693.
Saras, les — de fort l'Archambault, 606.
Sarasin (Paul). Introduction à l'étude du cabinet préhistorique du Musée de Bâle, 682.
Sarasin (Paul et Fritz). Anthropologie de l'île de Célèbes. I. Les cavernes des Toala
de Lamontjong, 195. Voyage dans l'île Célèbes. 488.
Sabauw. Les îles flottantes préhistoriques du Danemark, 126.
Scanie, station de l'âge de pierre en — , 425.
ScHARFF (R. F.J, UssHKR (S. J.), GoLE (Greuville A.), Newton (E. T.), Dixon (Francis)
et Westropp (T.). Exploration des cavernes du comté de Clare, 588.
ScHLAGiNHAUFEN (0.). Étudc du relief de la plante des pieds chez les Primates et les
races humaines, 495. Les lignes papillaires de la plante du pied et de la paume de
la main chez les Primates, 496.
Schneider (L.). Haches de cuivre du district de Kôniggrâtz, 435.
ScHOETENSACK (0.). Instruments de pierre de Tasmanie, 161. Tessons de poteries
néolithiques du type permo-livonien et instruments de silex de Palkino, gouver-
nement de Perm, 163.
ScHULTz-LoRENTZEN. L' arrivée des Eskimos au Groenland, 180.
ScHWALBE (G.). Contributions à la préhistoire de l'Homme, 682.
ScHWEiNFURTH (G.). Faux éolithes dans les marnes de l'Allemagne du Nord, 415.
L'âge de la pierre en Haute Egypte, 429.
Schweizersbild, âge des ossements humains du — , 79 ; le passage du Paléolithique
au Néolithique dans le caverne du — , 126.
Sculptures en bois des Scymos de la Guinée, 362; — sur rochers au-dessus du col
de Tende, 627.
Scymos, coutumes des — du littoral de la Guinée, 359.
Seager (Richard B.). Fouilles à Vasiliki, 694.
Sébillot (Paul). Le folk-lore de France. T. III, La faune et la flore, 722.
Secte féminine en Chine, 732.
Sémites, le totémisme chez les anciens — , 496.
Sépultures, divers types de — dans la nécropole de Hallstatt, 130; — quaternaires
des grottes de Grimaldi, 291 ; les — de l'âge du bronze en France, 321.
Sergi. Contribution à l'anthropologie de l'Amérique, 470.
Siam, le jugement de Dieu au — , 701.
Siaro, pierre gravée de — (Somal), 385.
Silex néolithiques des Alpes-Maritimes, 114; — du Moustier, 121; ■— du Laos, 132;
— taillés importés d'Asie-Mineure, 132; — dans des tombes mérovingiennes, 134;
— néolithiques du Bas-Médoc, 134 ; superposition de deux tailles sur un même
— , 137; — taillés des cavernes de Santander, 143; — du gouvernement de Perm,
163; étude des— taillés de Saint-Acheul et de Montières, 403; outillage de — de
la grotte des Cottes, 411 ; les — taillés d'Egypte, 428, 627; — taillés des couches à
Hipparion du Cantal, 581; — taillés d'un cranuog d'Irlande, 598; les — tertiaires
de Portugal, 677: — du Kesslerloch, canton de Schaffhouse, 685. — Voy. Pierre.
766 INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
SiMMS (S. C). Traditions des Crows, 478.
Sinclair (VVlUiam J.). Nouveaux mammifères quaternaires des cavernes de Califor-
nie, 592.
Siiifjes, les — chirurgiens, 734.
SiRET (L.). Origine de la civilisation néolithique, 127. Comparaison entre la civilisa-
tion néolithique du sud de l'Espagne et l'ancienne civilisation égéenne, 129.
Chronologie du Néolithique espagnol, l.'U.
SiKET (H. et L.). Les premiers âges du métal dans le Sud-Est de l'Espagne, 135.
Société secrète des Scymos, en Guinée, 359; organisation de la — chez les Bagas,
367.
Sociologie des tribus des îles du détroit de Torres, 202.
SoLDi (Emile), mort de — , 225.
Soleil, le culte du — chez les Incas, 82.
Solutréen, existence d'un niveau pré — , 122; station de l'âge du renne appartenant
au — moyen, 154; le — en Syrie, 159; le — de Miskolcz, 418; un gisement —
dans la province de Namur, 627.
Somalis, division des — Issas, 377; les pierres gravées des —, 383.
Sorcellerie, la — en Afrique, 607.
Sorcières italiennes, 502.
Soudan, recherches archéologiques dans le — , 669.
Spéléologie, la — au xx« siècle, 502.
Spy, âge des squelettes de — , 72.
Squelettes, caractères des — humains quaternaires des grottes de Grimaldi, 295-310.
Statistique de la [)Opulation de la Tripolitaine, 237 ; — de la population blanche dans
les colonies allemandes, 239; — des Nègres des États-Unis, 733.
Statues-menhirs, nouvelles — de l'Aveyron et du Tarn, 135; nouvelle — du Gard, 628.
Statuettes en bois des Scymos de la Guinée, 362; — préhistoriques découvertes au
Kesslerloch, canton de Schaffhouse, 685.
Staddinger (P.). Objets de verre du pays de Nupé, 469.
STEiNMA?iN (G.). La statiou paléolithique de l'âge du renne de Munzingen, près de
Fribourg en Brisgau, 153.
Stevenson (Matilda Coxe). Jeux des Zuîiis, 470.
Stolyhwo (Casimir). Crânes péruviens, 189.
Stonehenge, un procès à propos de — , 233.
Stratigraphie de la grotte du Prince, à Grimaldi, 258; — de la grotte des Enfants,
à Grimaldi, 267.
Sturge (D' Allen]. Catalogue descriptif de sa collection préhistorique, 401.
Suisse, les gisements paléolithiques de la — , 76; flore préhistorique de la —, 414;
crânes de cités lacustres de la — , 547.
Superstitions des Indiens chrétiens de l'Equateur, 90; — des Scymos de la Guinée,
361 ; — magie et sorcellerie en Afrique, 607.
Sutures, rapport entre les — crâniennes et l'âge, 207.
Syrie, l'âge de la pierre en — Palestine, 158.
Tabariès de Grandsaignes. La navigation primitive en Europe, 139.
Taches lombaires, à propos des — , 240.
Taille des Gaulois de la Haute-Bourgogne, 10, 11; — des Gaulois du Châtillonnais,
16, 19, 20, 23; — des squelettes néolithiques d'Eguisheim, 67; — des sujets de l'abri
du Schweizersbild, 78; la — en Russie, 173; la — des Oudi du Caucase, 177; —
des habitants des îles Mentawei, 194; — des Toala de l'île de Célèbes, 199; — des
Saras de Fort l'Archambault, 606; influence de la — sur Findice céphalique,
615; — des Bochimans, 710; — des Guaranis du Brésil, 714; influence de l'âge de
la mère sur la — de l'enfant, 718.
Taïti, les légendes de —, 611 ; la pêche à —, 611.
INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE. 167
Talon, saillie du — chez les Gro-Maguons de Grimaldi, 300 ; saillie du — chez les
Négroïdes de Grimaldi, 305.
Tambours des fétichistes de la Guinée, 359.
Tarpan, le — et sa parenté avec les chevaux sauvages et domestiques, 585.
Tasmanie, instruments de pierre de —, 161.
Tatouage des habitants des îles Mentawei, 195; le — chez les Bochimans, 710.
Taubach, âge du gisement de — , 37.
Tavares de Proença (F.). Notice sur deux monuments épigraphiques, 693.
Temps, la représentation du — dans la religion et la magie, 616.
Téne, géographie de la civilisation de La —, 129; épées de La —, 344, 349.
Terpen, les — de Hollande, 234.
Tertiawe, empreintes problématiques de pas de l'Homme —, 399; industrie — dans
le Cantal, 581; la question de l'Homme —, 641.
Thaï, les — du Yunnan, 450 ; les — du l^-- territoire militaire, 458.
Thilenius (G.). Le rôle des courants marins pour le peuplement de la Mélanésie, 715.
Thomsen (Th.) et Jassen (A.). Une nouvelle trouvaille de l'ancien âge de la pierre, la
trouvaille de Braband, 689.
Tibia, le — dans la race négroïde de Grimaldi, 304.
ToLDT (C). Les osselets mentouniers et leur signification pour la formation du
menton, 493.
Toradjas, mœurs et coutumes des — de Gélèbes, 490.
TôRÔK (Aurel von). Essai de caractérisation systématique de l'indice céphalique, 210.
Torres, ethnographie des tribus des îles du détroit de —, 202.
Totémisme, le — chez les anciens Sémites, 496.
Tourbières, les — d'Ecosse et leurs relations avec l'époque glaciaire, 589.
Tours du silence dans l'Inde, 240.
Traditions des Indiens Arapahos, 183; les — des Indiens Hopis, 472; — des Indiens
Skidi Pawnee, 475; — des Crows, 478.
Tranninh, les populations du — , 448.
Transition entre le Paléolithique et le Néolithique, 126.
Transylvanie, ethnographie des Roumains de —, 446.
Tripolitaine, statistique de la population de la — , 237.
Troglodytes modernes du Djebel Aurès, 138.
Tbutat (Eug.). Le Congrès international d'Anthropologie et d'Archéologie préhisto-
riques de Monaco, 409.
Tumulus d'Auvenay, 3 ; — de Méloisey, 11 ; — de Magny-Lambert, 13 ; — de la Vie de
Bagneux, 16; — de Minot, 17; — des Vendues de Verroilles, 20; — des Vendues
de Montmorot, 21; — de Savoisy, 22;— de la grande forêt de Chàtillon, 23; —
bretons de l'âge du bronze, 323 ; — de l'Allier avec objets en bronze, 329 ; dolmen —
de Courtavant, 330 ; — de la Combe-Bernard, 332 ; — du Rhin, 333; — de Veux-
hauUes, 334 ; un — berbère à Bougie, 599; — du Soudan, 672.
Ugo-Vram. Fragments de squelettes trouvés dans des tombes chrétiennes auprès de
Niksii, 444. Méthode pour déterminer l'inclinaison de l'orbite, 615.
Unification des mesures craniométriques et céphalométriques, 140, 559.
Urnes cinéraires des nécropoles de la France centrale à l'âge du bronze, 335.
USSHER (R. J), Vog. SCHARFF (R. F.).
Variation des os du crâne et de la face chez l'homme, 716.
Vase en or incasique à personnage coiffé du « turhanle », 100,
Vasseur (G.). Les poteries ibéro-mycéniennes, 129. Poteries provençales, grecques
et indigènes, 137.
Vendée, les monuments mégalithiques de la — , 501.
Verneau (Dr R.). La XIII» session du Congrès international d'Anthropologie et d'Ar-
chéologie préhistoriques, 103. Les sépultures et les restes humains des grottes de
768 INDEX ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE.
Grimaldi, HO. A propos du décbarûement des cadavres avaot leur inhumation,
H2. Les grottes de Grimaldi. Résumé et conclusions des études anthropologiques,
291. — est nommé chevalier de la Légion d'honneur, 225.
]'erre, objet de — du Soudan occidental, 469.
Verworn (Max). L'industrie archéolithique dans les couches à Hipparion d'Aurillac,
Cantal, 579, Etudes archéolithiques et paléolithiques en France et en Portugal,
677.
Vienne, la — aux temps préhistoriques, 406; la grotte des Gottés, dans la —, 410.
Vikings, ethnographie des —, 444.
Ville d'Avray (Thierry de). Découvertes préhistoriques de la région de Cannes, 115.
Villeneuve (Chanoine L. de). Rapports entre les squelettes des Baoussé-Roussé et
les foyers, 113. L'obole de Charon dans les temps préhistoriques, 629.
Volcans, l'âge des derniers — de la France, 396.
VoLD (K.). Le culte de la nature (totémisme) dans les religions des anciens Sémites,
496.
VoLz (W.). Les habitants des îles Mentawei, 193.
VoTH (H. R.). La cérémonie d'Oaqôl à Oraibi, 185, Les traditions des Indiens Hopis,
472. Les cérémonies et les coutumes relatives à la naissance à Oraibi, 608. Les
noms propres des Hopis, 608.
Wahnschaffr (F ). Les formations iuterglaciaires des environs de Berlin, 682.
Walcher (G.). L'origine de la brachycéphalie et de la dolichocéphalie par des
actions intentionnelles sur le crâne infantile, 209.
Weddas, les — et leurs congénères orientaux, 706.
Werner (H.). Observations anthropologiques, ethnologiques et ethnographiques sur
les Bochimans Heikum et Kung, 710.
Westropp (T.), Voy. Scharff (R. F.).
Wiegers (Fr.). Les trouvailles paléolithiques de l'interglaciaire de Hundisburg près
Neuhaldensleben, 416. L'origine naturelle des éolithes de l'Allemagne du Nord,
676.
WiLKE (A. G.). L'origine de la décoration en spirale, 433.
WiiRTH (Dr). La race alpine, 138.
Wurtemberg, âge des restes humains des cavernes du — , 61.
Yeux, coloration des — en Russie, 173; coloration des — chez les Juifs de l'Afrique
du Nord, 179.
Yonne, les grottes de la vallée de 1' —, 413.
Yunnan, les principales races indigènes du —, 450.
Zaborowski. L'origine des animaux domestiques en Europe et les migrations
aryennes, 420.
Zambèze, l'âge de pierre dans la vallée du —, 500.
Zuùis, les jeux des —, 470.
L'Anthropologie.
Tome XVII. PI. I
(Mciuoirv Rivet).
Fiu. 1
V\o. 2
L'Anthropologi«=?.
T. XVII. PI. II
ifr-l^
Fig. 1
Fig. 2
'^èia
* • ».
S J2 î! ?T«fti
• •• • • ■ r ■
Fig. 3
Fig. 4
Fig. 5 Fig. 6
Monuments anciens et modernes du Soudan.
L'Anthropologie ,
T. XVII. PI. III
Fia. 1
Fia. 2
r A^^rrJ*^" :X-'tnJ«
•>^* »tï5^:
Fig. 3
Fig. 4
Fig. f)
Fig. G
Autel à sacrifices.
Dessins rupestres et types ethniques du Soudan.
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
I
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
* '*^*^'^-
ÈÊi
•V^';l
m
'■■■■:■■%
ili