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Full text of "Anthropologie"

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University  of  Toronto 


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L'ANTHROPOLOGIE 


CONDITIONS  DE  LA   PUBLICATION 

L'Anthropologie  paraît  tous  les  deux  mois. 
PRIX   DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  : 
Paris,  25  fr.  —  Départements,  27  fr.  —  Union  Postale^  28  fr. 
Prix  du  numéro  :  5  fr. 


Angers.  —  Imprimerie  A.  Blhoin  et  C' 


MATERIAUX  POUR  L'HISTOIRE  DE    L'HOMME 
REVUE  D'ANTHROPOLOGIE—  REVUE   D'ETHNOGRAPHIE 

RÉUNIS 


L'ANTHROPOLOGIE 

Paraissant  tous  les  deux  mois 

RÉDACTEURS    EN    CHEF 

MM.  BOULE  —  VERNEAU 

PRINCIPAUX      COLLABORATEURS 

MM.  ALBERT  GAUDRY  —  BREUIL  —  CARTAILHAC  —   COLLIGNON 

DÉCHELETTE  —  DENIKEK  —  HAMY  —  LALOY  —  MONTANO 
SALOMON    REINAGH  —  Pkingb   ROLAND  BONAPARTE  —  TOPINARI) 


Bulletin    bibliographique,   pak    M.  UENIKKH 


X03VIE:    IDIX:-SEF»XIEIVEE 

ANNÉE   1906 


PARIS 


MASSON   ET   O',  EDITKUHS 

LIB  II  AIRES      DE      l'aCADÉMIB      DB     MBUBCINK 
i20,      BOUI.  BVAKD      SAINT-OHKMAIW 


/ 


L'ANTHROPOLOGIE 


MÉMOIRES  ORIGINAUX 


LES  PREMIERS  GAULOIS 


PAR 


Le  D"^  E  -t.    HAMY 

Membre  de  l'iustitiit  et  de  l'Académie  de  Médecine, 
F'rofesseur  au  Muséum  d'Histoire  Naturelle. 


Les  nombreuses  fouilles  exécutées  depuis  quelques  années  dans 
les  tumulus  de  nos  départements  orientaux  ont  été  particulièrement 
fructueuses  pour  l'étude  des  antiquités  nationales  (1).  Les  objets 
que  recelaient  ces  grossiers  monuments,  interrogés  avec  sagacité 
par  des  archéologues  érudits  et  prudents,  ont  fourni  des  indications 
précieuses  et  une  certaine  lumière  a  pu  se  répandre  sur  quelques- 
uns  des  points  les  plus  obscurs  de  notre  elhnogénie. 

On  sait  maintenant,  grâce  aux  travaux  de  Saulcy,  de  Flouesl, 
d'Alexandre  Bertrand,  etc.  qu'à  une  époque  antérieure  de  plusieurs 
siècles  à  Tère  chrétienne,  une  population  nouvelle  s'est  implantée 
dans  l'Est  de  notre  pays  et  qu'elle  y  a  apporté  avec  elle  des  mœurs, 
des  coutumes,  des  industries  jusqu'alors  inconnues. 

Ces  nouveaux  venus  se  montrent  alliés  de  près  aux  tribus  établies 
vers  le  même  temps  à  Torient  de  la  Gaule  dans  les  hautes  vallées 

(1)  F.  DK  Saulcy,  Note  sur  la  nécropole  gauloise  de  Brully...  et  sur  celle  du  Bois  de 
la  Perrouse,  dépendant  d\4uvenay  {Hev.  Arch.,  Nouv.  Sér.,t.  IV,  p.  U0,1S6I);  —In., 
Fouilles  des  tumulus  dans  les  Vosges  et  dans  la  Côte-d'Or  (Ibid.,  t.  XVI,  p.  418,  1867)  ; 
—  Bru/ard,  Fouilles  du  tumulus  de  Genag  (Bull.  Soc.  Se.  Hisl.  et  Xal.  de  Se77iur,  t.  V, 
p.  38,  1868)  ;  —  Ed.  Flouest,  Notespour  servir  à  l'élude  de  la  haute  antiquilé  en  Bour- 
gogne (/6id.,t.  VIII,  p.  281,  1871;  t.  X,  p.  68,  1873;  t.\ll,p.41,  1875)  ;  —Al.  Bertrand, 
Archéologie  Celtique  et  Gauloise,  Paris,  1876,  iu-8o,  p.  272-333;—  Etc. 

L'AiNTUROPOLOOlE.  —   T.    XVK.  —    1906.  1 


2  D'   E.  T.   IIAMV. 

danubiennes  ou  sur  les  bords  du  Pô,  do  l'Elbe  et  de  l'Oder,  avec 
lesquelles  ils  ont  en  commun  un  certain  nombre  de  caractères  ethno- 
graphiques plus  ou  moins  importants. 

Leurs  restes,  qui  gisent,  plus  ou  moins  profondément  enfouis 
sous  des  amas  de  pierrailles  quelquefois  fort  volumineux,  sont 
accompagnés  assez  habituellement  de  longues  épées  de  fer  à  soie 
plate  et  à  rivets,  dont  le  tranchant  est  double  et  dont  la  pointe  est 
mousse,  ou  encore  de  rasoirs  de  bronze  en  demi-lune  ou  d'anneaux 
plus  ou  moins  dilatés.  Parfois  on  a  découvert  à  côté  des  corps 
d'autres  objets,  situles  et  vases  de  bronze,  terres  cuites  peintes, 
caractéristiques  de  l'art  étrusque. 

Ce  sont  bien  nos  premiers  Gaulois,  ceux  qui  au  iv*^  siècle  avant 
notre  ère,  ravageaient  la  Haute  Italie  et  en  rapportaient  les  dé- 
pouilles, que  nous  retrouvons  ainsi  ensevelies  au  voisinag-e  de 
leurs  squelettes. 

Qu'étaient  ces  premiers  Gaulois,  au  point  de  vue  de  leurs  carac- 
tères physiques?  C'est  ce  qu'un  examen  minutieux  de  leurs  osse- 
ments pourrait  nous  apprendre,  dans  une  certaine  mesure.  Malheu- 
reusement les  restes  que  l'on  retrouve  dans  les  tumulus  sont  très 
rarement  intacts  et  depuis  trente  ans  que  j'appelle  l'attention  des 
archéologues  sur  leur  conservation,  je  n'en  ai  reçu  qu'un  très  petit 
nombre  qui  se  prêtassent  à  des  mesures  multiples  et  précises,  à  des 
descriptions  détaillées. 

Les  pages  qui  suivent  renferment  le  résultat  de  cette  enquête 
prolongée.  On  y  retrouvera  d'abord  un  peu  plus  développées  les 
notes  que  j'ai  autrefois  consacrées  aux  restes  osseux  des  tumulus 
d'Auvenay  (1)  ;  j'y  ai  ajouté  des  détails  inédits  sur  ceux  de  Méloisey, 
de  Magny-Lambert,  de  la  forêt  de  Châtillon,  enfin  j'ai  fait  connaître 
les  pièces  découvertes  dans  la  plaine  lorraine,  dans  les  Vosges,  etc. 
On  trouvera  à  la  suite  des  deux  chapitres  où  sont  coordonnées  ces 
descriptions,  une  comparaison  méthodique  des  crânes  tirés  des 
tumulus  avec  ceux  de  plusieurs  nécropoles  de  date  postérieure 
rencontrées  dans  la  même  contrée.  Ce  parallèle  démontrera  Tiden- 
tité  de  race  de  nos  premiers  Gaulois  avec  les  autres  barbares  qui  se 
sont  succédé  pendant  une  longue  suite  de  siècles  dans  nos  contrées 
occidentales  jusqu'au  début  du  Moyen  Age.  Je  me  propose  de  dé- 
montrer  que  ces  derniers  dont  nous  connaissons  la  morphologie 

(1)  E.  T.  Hamy,  Noie  sur  les  ossements  humains  des  tumulus  du  bois  de  la  Perrouse 
à  Auvcnay  {Côle-d'Or)  {Bull.  Soc.  Se.  liist.  et  Nal.  de  Semur,  t.  XII l,  p.  61,  1876). 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  3 

ethnique  de  la  manière  la  plus  complète  ne  diffèrent  point  de  leurs 
devanciers  des  tumulus  du  premier  âge  du  fer. 

Chapitre  l''^  —  Ossi<:mknïs  des  tumulus  du  Beaunois. 
1°  Tumulus  d'Auvenay. 

Les  premières  recherches  véritablement  scientifiques,  que  Ton  ait 
pratiquées  au  fond  de  ces  tumulus  dans  notre  pays,  sont  celles  aux- 
quelles M.  F.  de  Sanlcy,  membre  de  l'Institut,  président  de  la  Com- 
mission de  Topographie  des  Gaules,  s'est  livré  en  1861  au  bois  de 
la  Perrouse,  à  Auvenay,  canton  de  Nolay,  arrondissement  de  Beaune . 

Ces  fouilles  ont  été  sommairement  décrites  dans  le  numéro  de 
décembre  1861  de  la  Revue  archéologique  et  la  Société  des 
sciences  historiques  et  naturelles  de  Semur  a  publié  une  seconde 
édition  de  ce  récit  quelque  peu  modifiée  et  à  laquelle  est  jointe  une 
belle  lithographie  qui  représente  les  objets  les  plus  intéressants 
que  M.  de  Saulcy  y  ait  découverts  (1).  On  sait  par  ces  deux  descrip- 
tions que  la  nécropole  du  bois  de  la  Perrouse  se  composait  de 
deux  grands  tumulus  de  4  mètres  de  hauteur,  de  70  a  80  mètres 
de  circonférence  et  d'un  certain  nombre  de  tumulus  plus  petits 
placés  en  arrière  des  premiers  ;  que  tous  ces  monuments  étaient 
de  véritables  galgals  formés  de  pierres  de  dimensions  médiocres 
«  placées  avec  un  soin  évident  les  unes  sur  les  autres  de  manière  à 
former  une  masse  compacte,  dont  la  durée  devait  braver  l'action 
des  siècles  «  ;  que  les  pierres,  en  se  tassant,  avaient  malheureuse- 
ment écrasé  en  grande  partie  les  corps  des  personnages  qu'elles 
étaient  destinées  à  protéger;  que,  par  suite,  les  squelettes  et  le 
mobilier  funéraire  qui  les  accompagnait  étaient  en  fort  mauvais 
état,  au  moment  où  ils  revirent  le  jour. 

Le  grand  tumulus  de  droite  ne  renfermait  que  les  restes,  en  très 
petite  quantité,  d'un  sujet  presque  complètement  détruit,  avec  des 
débris  de  bracelets  de  bronze,  et  un  gros  rasoir  de  fer  à  lame  très 
convexe.  Dans  le  grand  tumulus  de  gauche  un  squelette  gisait 
pareillement,  en  fort  mauvais  état,  accompagné  d''un  double  rasoir 
de  bronze,  avec  tige  de  suspension  terminée  en  anneau,  et  d'une 
grande  épée  de  fer,  mesurant  encore  0"*,93  de  longueur,  à  la 
pointe  obtuse,  à  la  soie  large  et  plate,  rivée  de  bronze,  à  la  lame 

(1)  F.  DE  Saulcy,  Note  sur  les  fouilles  des  tumulus  du  bois  de  la  Perrouse  à  Au- 
venaij  {Céle-d'Or)  {Ibid.,  p.  57). 


4  Df  E.-ï.  IIAMY. 

échancrée  au  dessous  de  la  poignée  cl  s'élarg-issant  vers  son  milieu  , 
et  qui  devait  avoir  atteint  un  mètre  au  moins  dans  son  intégrité. 

Plusieurs  autres  sujets  furent  exhumés  des  tumulus  secondaires; 
près  de  l'un  d'eux  gisait  une  petite  coupe  en  bois  de  cerf.  Quelques 
mauvais  fragments  de  poterie  et  des  débris  de  fer  indéterminables 
se  sont  également  rencontrés  çà  et  là  dans  la  fouille. 

M.  de  Saulcy  a  recueilli  attentivement  tout  ce  qui  pouvait  jeter 
quelque  jour  sur  les  sépultures  d'un  type  jusqu'alors  inconnu  qu'il 
venait  de  découvrir.  Les  ossements,  si  brisés  qu'ils  fussent,  furent 
rassemblés  avec  soin  et  adressés  au  laboratoire  d'anthropologie  du 
Muséum,  en  même  temps  que  les  objets  archéologiques  provenant 
de  la  fouille  allaient  enrichir  le  nouveau  Musée  des  Antiquités 
Nationales.  Ces  débris  humains,  dont  j'ai  publié  une  première 
description  en  1876  dans  le  Bulletin  de  Semur,  ont  appartenu  à 
cinq  sujets  au  moins,  trois  hommes  adultes,  une  femme  et  un 
enfant  de  quatre  ou  cinq  ans. 

Deux  d'entre  eux  (n^"  1  et  2),  moins  incomplets  que  les  autres, 
gisaient  sous  deux  des  tumulus  secondaires;  le  n°  3,  extrêmement 
mutilé,  provient  d'un  des  grands  tumulus;  le  plus  jeune  enfin  a 
la  même  origine  que  les  deux  premiers  adultes.  Il  a  été  possible  de 
reconstituer,  non  sans  peine,  à  l'aide  des  nombreux  petits  fragments 
de  crânes  ramassés  pendant  la  fouille,  quatre  voûtes  de  crânes 
incomplètes. 

N*  1.  —  La  première^  restituée  à  l'aide  d'une  trentaine  de  petits 
morceaux^  patiemment  juxtaposés,  comprend  le  frontal,  moins 
son  quart  inférieur  gauche,  les  pariétaux  presque  entiers,  l'écaillé 
occipitale,  deux  fragments  du  temporal  gauche  et  la  portion 
mastoïdienne  du  temporal  droit.  La  voûte  incomplète,  ainsi  recom- 
posée, est  mince  (6  mm.)  et  de  densité  moyenne.  Elle  a  la  forme 
d'un  ovale  très  allongé  (d.  a.  p.  198  mm.)  et  très  régulier,  et  offre 
des  dimensions  considérables  (cire,  horiz.  550  mm.). 

Le  frontal,  au-dessus  de  sinus  fortement  accusés,  monte  presque 
droit  d'abord,  puis  s'inQéchit  assez  rapidement,,  tout  en  continuant 
à  s'élever  jusqu'au  bregma,  distant  de  plus  de  140  mm.  de  la  racine 
du  nez.  Ce  développement  exceptionnel  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur, coexiste  avec  une  amplitude  remarquable  de  l'os  dans  le 
sens  transversal.  Le  diamètre  frontal  minimum  est  de  103  à  104  mm. 
et  le  maximum  en  dépasse  125.  La  vaste  surface  osseuse  ainsi  cir- 
conscrite ne  présente  pas  de  détails  anatomiques  spéciaux  à  relever  ; 
on  n'y  constate  ni  voussure  médiane,  ni  bosses  bien  accusées.  La 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  o 

portion  temporale  est  relativement  petite  et  légèrement  bombée. 

Les  pariétaux  sont  de  longueur  moyenne  (123  mm.)  mais  large- 
ment étalés.  Leur  diamètre  transverse  n'a  pas  moins  de  145  mm., 
et  Tindice  céphalique  qui  se  lire  de  la  comparaison  de  ce  diamètre 
avec  Tantéro-postérieur,  égale  73,23.  Les  bosses  sont  mal  circons- 
crites et  les  courbes  qui  limitent  la  fosse  temporale  se  distinguent 
à  peine. 

Reliés  au  frontal  par  une  suture  assez  simple,  en  arrière  de 
laquelle  ils  se  dessinent  légèrement,  surtout  au  voisinage  du  plan 
médian  antéro-postérieur,  les  pariétaux  développent  d'ailleurs  avec 
beaucoup  de  régularité  des  courbes  sans  aucun  ressaut.  Tout  ce 
que  l'on  y  trouve  à  signaler,  c'est  un  enfoncement  peu  marqué  de 
la  suture  sagittale,  fort  compliquée  dans  ses  dentelures  et  tendant 
à  s'oblitérer  au  lieu  d'élection  de  la  synostose  commençante. 

L'écaillé  occcipilale,  triangulaire,  longue  et  large  tout  ensemble, 
prolonge,  sans  changement  de  courbure,  les  deux  pariétaux,  de 
manière  à  donner  au  crâne  postérieur  une  convexité  très  accusée. 
La  bosse  occipitale  est  saillante,  la  protubérance  externe  se  montre 
à  peine  indiquée,  les  lignes  courbes  et  les  insertions  musculaires 
n'offrent  rien  d'exceptionnel.  Les  bosses  cérébelleuses  formentdeux 
saillies  bien  distinctes  et  les  angles  externes  sont  légèrement  dépri- 
més. 

L'apophyse  mastoïde,  projetée  quelque  peu  en  dehors  du  tempo- 
ral, est  particulièrement  robuste. 

iN°  2.  —  La  deuxième  voûte  crânienne  de  la  Perrouse,  recom- 
posée à  l'aide  de  vingt-cinq  fragments,  est  formée  des  trois  quarts 
du  coronal,  du  pariétal  et  du  temporal  gauche,  presque  entier, 
d'une  partie  des  mêmes  os  du  côté  droit  et  de  l'occipital  à  peu 
près  complet.  Elle  a  aussi  appartenu  à  un  individu  ayant  un  peu 
dépassé  l'âge  adulte  et  dont  la  synostose  se  présente  à  peu  près  la 
même  que  celle  du  sujet  n^  1. 

Les  différences  les  plus  frappantes  que  montre  cette  pièce  com- 
parée à  la  précédente,  se  tirent  des  inflexions  plus  brusques  de  la 
voûte,  qui  donnent  au  profil  quelque  chose  de  plus  mouvementé  et 
de  plus  anguleux,  et  surtout  de  la  descente  rapide  des  pariétaux  en 
arrière,  qui  a  pour  résultat  de  diminuer  d'un  centimètre  la  long-ueur 
du  crâne  (d.  a.  p.  188  mm.),  la  largeur  demeurant  à  peu  près  la 
même  (d.  tr.  max.  144  mm.)  et  de  faire  monter  l'indice  céphalique 
de  73,23  à  76,59. 

L'exagération  des  courbures  a  pour  [conséquence  l'accentuation 


6  D'  K.-T.  (lAMY. 

dos  bosses  qui,  aux  pariéUiux  ol  surloul  au  frontal^  présonlenl  des 
reliefs  assez  bien  circonscrits. 

La  bosse  occipitale  est,  au  contraire,  moins  accusée,  quoique 
l'os  du  même  nom  montre  un  profil  plus  indépendant  du  reste 
de  la  voûte  que  celui  du  crâne  n°  1.  La  protubérance  externe  fait 
saillie  en  manière  de  crochet,  les  lignes  courbes  et  les  autres  impres- 
sions musculaires  sont  assez  bien  marquées.  Les  bosses  cérébel- 
leuses sont  saillantes,  la  base  de  l'os  se  renfle  même  assez  pour  que 
les  condyîes  viennent  occuper  un  plan  un  peu  inférieur  à  celui  des 
aphophyses  mastoïdes,  ce  qui  fait  monter  à  136  mm.  le  diamètre 
basilo-bregmatique. 

N'^  3  —  Il  ne  s'est  retrouvé  du  crâne  n'*  3  qu'un  anneau  osseux, 
comprenant  une  moitié  du  frontal  et  des  pariétaux  correspondant 
à  la  courbe  transverse,  les  deux  temporaux  moins  le  rocher  et  la 
moite  supérieure  de  Técaille  gauche,  enfin  la  protubé  rance  et  la  por- 
tion cérébelleuse  de  Toccipital.  C'est  encore  le  crâne  d'un  homme, 
moins  avancé  en  âge  et  plus  robuste  que  les  autres.  L'épaisseur 
maxima,  qui  n'était  que  de6  à7  mm.  sur  les  deux premiers_,  s'élève 
sur  le  troisième  à  9  mm.  L'apophyse  mastoïde,  très  développée, 
est  fortement  rejetée  en  dehors;  la  crête  temporale  postérieure  est 
des  mieux  accusées;  la  protubérance  occipitale  se  montre  très 
épaisse  (17  mm.)  et  les  empreintes  des  muscles  de  la  nuque  sont 
vigoureusement  dessinées.  Les  formes  générales  indiquent  une 
dolichocéphalie  à  peu  près  intermédiaire  à  celle  des  deux  crânes 
précédents.  Ce  qui  reste  de  la  courbe  antéro-postérieure  rappelle 
le  nM . 

N°  4.  —  Il  ne  s'est  rencontré  aucune  parcelle  de  crâne  du  sujet 
féminin  que  nous  avons  désigné  sous  le  n°  4. 

N»  5.  —  Le  n°  5  est  un  crâne  d'enfant  âgé  d'environ  quatre  ans. 
Autant  que  l'on  en  peut  juger  par  les  os  qu'il  nous  en  reste,  le  fron- 
tal et  le  pariétal  droits,  tous  les  deux  incomplets,  ce  crâne  devait 
être  plus  ou  moins  brachycéphale.  On  ne  s'étonnera  point  de  trou- 
ver cette  brachycéphalie  enfantine  juxtaposée  à  une  dolichocéphalie 
qui  donne  chez  les  hommes  l'indice  moyen  75  environ.  Des  varia- 
tions semblables  se  manifestent  dans  toutes  les  races,  de  l'enfance 
àTâge  adulte,  et  les  Crania  Ethnica^n  fournissent  maints  exemples. 

Les  faces  étaient  plus  écrasées  encore  que  les  crânes,  et  M.  de 
Saulcy  n'a  pu  recueillir  que  de  petits  fragments  de  maxillaires  supé- 
rieurs et  des  parties  plus  importantes  de  mâchoires  inférieures. 


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8  D-^  E.-T.  H  A. M  Y. 

Les  premiers,  au  nombre  de  trois,  appartiennent  lous  au  côté 
gauche  de  l'arcade  dentaire.  L'un  de  ces  débris,  que  je  suppose 
appartenir  au  crâne  n*^  1,  décrit  plus  haut,  porte  l'incisive  externe, 
la  canine  et  les  deux  prémolaires,  toutes  assez  usées,  pour  que  le 
collet  des  dents  ne  soit  plus  sur  les  prémolaires  qu'à  4  ou  5  mm.  de 
la  couronne.  Un  lég-er  bourrelet  marque  seul  la  racine  de  la  canine,, 
la  fossette  incisive  est  à  peine  indiquée  et  la  fosse  canine  n'a  rien 
d'exceptionnel.  La  direction  générale  de  la  face  antérieure  de  Tos 
correspond  à  un  orlhognathisme  très  décidé,  et  ce  qui  reste  de  la 
face  palatine  indique  une  voûte  profonde  relativement  étroite  et 
allongée. 

Les  mêmes  indications  peuvent  se  tirer  de  Texamen  du  deuxième 
fragment,  que  je  rapporte  au  crâne  n''  2,  dont  les  dents,  encore  en 
place,  canine  et  première  prémolaire,  ne  sont  pas  moins  usées  que 
sur  la  pièce  que  je  viens  de  décrire.  Le  bord  de  l'orifice  nasal  se 
laisse  voir  en  partie  et  semble  correspondre  à  une  ouverture  pyri- 
forme  relativement  étroite. 

Le  troisième  fragment,  appartenant  probablement  au  crâne  n"  3, 
ne  diffère  morphologiquement  des  deux  autres  que  par  une  saillie 
beaucoup  plus  accusée  du  bourrelet  canin  et  l'excavation  plus  pro- 
fonde de  la  fossette  incisive.  Les  dents,  canine  et  première  prémo- 
laire, y  sont  bien  moins  usées 

Des  trois  portions  de  maxillaires  inférieurs,  celle  qui  convient 
le  mieux  au  crâne  n°  1 ,  est  à  peu  près  complète,  du  côté  droit, 
auquel  il  ne  manque  que  l'apophyse  coronoïde.  Sa  forme  est  parabo- 
lique,la  branche  horizontaleest  haute,  massiveet  robuste,  labranche 
montante  est  relativement  fine,  quoique  solidement  établie.  La  face 
externe  est  assez  mouvementée,  les  attaches  musculaires  y  sont  for- 
tement empreintes.  Le  menton  triangulaire  est  un  peu  relevé,  et  son 
profil  donne  un  angle  de  72°  ou  environ.  Le  bord  inférieur  de  l'os 
est  épais,  l'arcade  loge  quatre  dents,  deux  prémolaires  et  deux 
molaires  de  taille  moyenne  et  assez  usées  pour  que  le  fût  dentaire 
ne  mesure  que  5  mm.  environ  au-dessus  du  collet.  La  face  interne 
montre,  plus  encore  que  l'externe,  des  insertions  musculaires  bien 
accusées;  les  apophyses  géni  y  sont  très  fortes  et  les  lignes  myloï- 
diennes  très  nettement  découpées.  La  branche  montante,  haute  de 
51  mm.  n'en  a  que  33  de  large,  et  sa  largeur  oblique  l'emporte  un 
peu  (34  mm.)  sur  sa  largeur  transverse. 

La  deuxième  mandibule  diffère  de  la  première  par  ses  propor- 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  9 

lions,  sans  en  différer  par  ses  tormes.  Elle  est  un  peu  moins  forte; 
les  détails  analomiques  y  sont  moins  accentués  et  l'usure  dentaire 
s'y  montre  un  peu  moins  avancée. 

Il  ne  reste  de  la  troisième  mandibule  qu'un  tout  petit  fragment, 
que  ses  dimensions  nous  empêchent  de  rapporter  au  crâne  n»  3  de 
la  description  précédente.  Ce  fragment  a  appartenu  à  un  sujet 
adulte,  mais  beaucoup  plus  faible  et  plus  jeune  que  ceux  dont  il 
vient  d'être  question,  et  probablement  féminin.  C'est  notre  n«  4, 
dont  nous  aurons  plus  loin  quelques  autres  pièces  à  faire  connaître. 


TABLEAU  H.  —  Mesures  des  maxillaires  inférieurs. 


LA    PERROL'SF, 

MAGNY- 

N°  1  Cf 

No  2  cr' 

N'o  4   9 

lambertc/' 

Diamètre  bicondylien 

108? 

89? 

0 

» 

—       bigonial 

100? 

86? 

» 

105 

Écart,  des  2es  molaires    .... 

48? 

40? 

)) 

47 

—      des  canines 

24? 

20 

)) 

25 

Distauce  angul.  syraph 

8S 

82 

» 

87 

/    hauteur 

Branche    \ 

I                 i  transverse  . 
mont.       j  largeur  < 

\                 (  oblique  .     . 

51 
33 
34 

ol 
31 
36 

» 
1) 

33 
30 

/                     (  symph.    . 
l     hauteur   < 
Branche     l                    (  2^  mol.    . 

34 
32 

33 

29 

)) 

28 

o3 
32 

horizont.    ]                    i  symph.    . 
/  épaisseur  < 
(                     (  2e  mol.     . 

14 
13 

14 
14 

» 
13 

15 
14 

Angle  mandibulaire 

1120 

118" 

1) 

» 

—    alvéolo-mentonnier    .     .     . 

720 

70° 

» 

y, 

Les  os  du  tronc  sont  en  petit  nombre  et  en  fort  mauvais  état, 
ainsi  qu'il  arrive  presque  toujours.  Ce  sont  les  débris  de  six  ver- 
tèbres, quelques  fragments  de  côtes,  une  clavicule  brisée,  une  apo- 
physe coracoïde  et  deux  fragments  d'épine  d'omoplate,  enfin  une 
portion  d'os  iliaque  droit. 

Trois  des  vertèbres  sont  des  lombaires,  et  semblent  provenir 
d'un  des  sujets  les  plus  âgés.  La  clavicule  est  remarquable  par  Texa- 


10  Di-  E.-T.  IIAMY. 

gération  de  sa  courbure;  l'apophyse  coracoïde  est  volumineuse  et 
les  gouttières  sous-épineuses  des  omoplates  sont  profondes.  Enfin 
ce  qui  reste  de  l'iliaque  droit  indique  un  sujet  d'une  laille  et  d'une 
vigueur  peu  communes. 

Les  membres  supérieurs  sont  représentés  dans  l'exhumation  du 
bois  de  la  Perrouse  par  une  tête  d'humérus  droit,  qui  paraît  provenir 
du  sujet  n"  4  dont  nous  avons  plus  loin  examiné  un  fragment  de 
mandibule;  par  la  diaphyse  humérale  droite  et  la  moitié  inférieure 
de  rhumérus  gauche  d'un  homme  robuste;  enfm  par  une  tête  de 
radius  droit,  sans  aucun  caractère  spécial. 

Les  deux  portions  de  bras  du  sujet  masculin  m'ont  paru  corres- 
pondre à  une  longueur  de  0°',33  environ,  ce  qui  donnerait  pour  la 
taille  l",7o  à  l™,76.  Le  corps  de  l'os,  mesuré  au  niveau  du  trou 
nourricier  est  large  de  20  mm.  à  droite  et  de  iS^'^'jO  à  gauche,  épais" 
de  22  mm.  à  droite  et  à  gauche  de  19.  L'extrémité  inférieure  est 
relativement  aplatie  et  assez  large;  son  épaisseur,  prise  au-dessus 
de  la  fosse  olécranienne,  est  de  18  mm.  et  sa  largeur  maxima  en 
atteint  61. 

Il  reste  des  membres  inférieurs  deux  paires  de  fémurs  incomplets, 
deux  paires  de  tibias  dont  un  seul  est  intact^  un  calcanéum  droit 
brisé  et  le  quatrième  métatarsien  gauche  auquel  manque  son  extré- 
mité phalan^iennes. 

Des  deux  paires  de  fémurs,  la  première  est  remarquablement 
robuste  et  grande.  On  ne  saurait  évaluer  la  taille  du  guerrier 
auquel  elle  a  appartenu  au-dessous  de  l'",76  ou  l"",??,  puisque 
les  dimensions  des  parties  qui  en  subsistent,  correspondent 
à  des  fémurs  de  0°',47  au  moins.  Le  caractère  le  plus  frappant  de 
leur  morphologie  se  tire  de  la  saillie  et  delà  largeur  considérables 
de  leur  ligne  âpre.  Cette  saillie  est  assez  forte  pour  donner  à  Tos 
une  épaisseur  de  34  à  35  mm.  tandis  que  la  largeur,  au  même 
niveau,  c'est-à-dire  au  point  le  plus  étroit  de  la  diaphyse  fémorale 
est  seulement  de  30  à  31.  La  ligne  âpre  est  en  même  temps  fort 
large,  puisque,  de  l'une  de  ses  lèvres  à  l'autre,  on  mesure  9  à  11  mm. 

Les  mêmes  caractères  se  remarquent  sur  la  deuxième  paire  de 
fémurs,  un  peu  plus  courts  que  les  premiers;  les  pièces  qui 
la  composent  correspondent  à  des  fémurs  de  0'",4S,  ce  qui  donne 
pour  ce  second  sujet  une  taille  de  1™,70  à  1™,71.  La  largeur 
maxima  de  ces  fémurs  est  de  28  mm.  pour  le  gauche,  de  25  pour  le 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  11 

droit.  L'épaisseur,  au  même  niveau,  est  pour  l'un  et  pour  l'autre 
de  30  mm.  Les  condyles  mesurent  74  et  75  mm. 

A  la  première  paire  de  fémurs,  semblent  répondre  deux  frag- 
ments de  diaphyses  de  tibias  très  robustes,  bien  triangulaires,  et 
dont  le  moins  brisé  mesure  28  mm.  de  largeur  et  37  d'épaisseur. 
Le  tibia  gauche  intact,  qui  fait  partie  de  la  seconde  paire  de  tibias, 
provient  vraisemblablement  du  sujet  féminin  n*"  4,  auquel  apparte- 
naient la  mandibule  et  la  tête  d'humérus  mentionnées  précédem- 
ment. Il  mesure  33'""^S  et  indique  par  conséquent  une  taille  de 
i°',54.  La  largeur  de  cet  os,  au  niveau  du  trou  nourricier  est  de 
21  mm.,  l'épaisseur  correspondante  atteint  32  mm.  Le  tibia  droit 
est  épais  de  34  mm.  et  large  de  22  au  même  niveau.  Le  rapport 
centésimal  de  la  largeur  à  l'épaisseur  est  de  65,  tandis  que  sur  le 
sujet  masculin  il  atteint  75.  Cette  diminution  d'indice  est  en  rapport 
avec  un  certain  degré  de  platycnémisme. 

Les  deux  os  du  pied  n'offrent  rien  d'exceptionnel.  La  saillie  du 
calcanéum  est  de  37  mm.,  ce  qui  n'a  rien  d'insolite,  et  le  métatar- 
sien, large  et  fort,  mais  de  longueur  ordinaire,  paraît  en  avoir 
atteint  65  environ  (1). 

2°  ïumulus  de  Méloisey. 

Les  tumulus  de  Méloisey  à  cinq  kilomètres  à  l'ouest  de  Beaune 
ont  été  explorés  à  deux  reprises  par  M\L  de  Saulcy  et  Alex.  Ber- 
trand en  1864,  par  M.  de  Sauley  seul  trois  ans  plus  tard.  Le  groupe 
funéraire  qu'ils  composent  est  situé  au  lieu  dit  le  Cingle.  Il  est 
formé  de  six  gros  tumulus  reliés  entre  eux  par  de  longues  traînées 
de  pierres  et  constitués  essentiellement  de  laves  posées  à  plat,  non 
sans  un  certain  soin,  les  unes  sur  les  autres. 

Le  premier  tumulus,  celui  que  Bertrand  désigne  par  la  lettre 
A  dans  le  carnet  de  fouilles  qu'il  a  bien  voulu  me  communiquer, 
renfermait  un  certain  nombre  de  sépultures  secondaires,  dont  les 
fouilles  de  la  Perrouse  n'avaient  pas  montré  de  vestiges.  C'est  une 
de  ces  sépultures,  surajoutées  beaucoup  plus  tard  à  la  nécropole,  qui 
renfermait  le  crâne  brachycéphale,  dont  Broca  a  longuement  parlé 
devant  la  Société  d'Anthropologie,  en  janvier  1865  (2). 

(1]  Les  restes  osseux  des  tumulus  de  la  Perrouse  sont  conservés  dans  la  collection 
du  Muséum. 

(2)  P.  Brocv,  Crânes  de  Méloisy  (pour  Méloisey)^  [Bull.  Soc.  cVAnllirop.  de  Paris, 
t.  VI,  p.  '23  el  suiv.  1865).  —  Ce  crâne,  dit  Broca,  «  se  réduit  à  une  calotte  qui  s'arrête 
en  avant    vers  le  tiers    inférieur   de  l'écaillé  du  frontal,  en  arrière   vers   le    tiers 


12  D'  E.-T.  [lAMY. 

Les  autres  crânes  de  Méloisey  sont  franchement  dolichocéphales. 
Par  malheur,  des  trois  sujets  de  ce  type  conservés  dans  les  collec- 
tions de  la  Société  d'Anthropologie,  deux  sont  réduits  à  des  voûtes 
très  incomplètes,  dont  on  peut  seulement  constater  l'allongement 
et  l'étroitesse.  Le  troisième  présente  un  certain  degré  de  plagiocé- 
phalie  posthume;  Broca  l'a  cependant  mesuré  et  lui  attribue  un 
indice  céphaliquo  de  7i,4  (d.  a.  p.  0"',18G;  d.  Ir.  max.  0'",14l).  La 
circonférence  horizontale  s'élèverait  à  0",o33,  la  courbe  occipito- 
frontale  totale,  prise  de  la  sulure  fronto-nasale  au  bord  postérieur 
du  trou  occipital  atteindrait  0'",377,  le  diamètre  frontal  minimum 
mesurerait  0"\I06. 

Le  sujet,  masculin,  est  dans  toute  la  force  de  l'âge  ;  ses  dents 
blanches  et  saines  sont  cependant  déjà  passablement  usées^  sui- 
vant le  type  déjà  décrit  plus  haut.  Ce  caractère  se  retrouve  cons- 
tamment sur  toutes  les  autres  mâchoires  de  Méloisey,  il  est  parti- 
culièrement accentué  sur  deux  sujets,  l'un  d'apparence  masculine, 
l'autre  d'aspect  plus  féminin,  qui  portent  l'un  et  l'autre  des  inci- 
sives dont  le  fût  coupé  à  plat  est  raccourci  de  j>rès  d'un  tiers.  La 
mandibule  féminine  dont  les  molaires  sont  tombées,  est  remar- 
quable par  l'inclinaison  tout  à  fait  exceptionnelle  de  ses  incisives 
démesurément  prognathes.  La  saillie  que  ces  dents  accusent  est  à 
la  fois  osseuse  et  dentaire,  la  portion  alvéolaire  de  la  symphyse  se 
recourbant  en  même  temps  que  les  dents  qu'elle  loge,  tandis  que 
le  reste  de  Tos  se  projette  en  sens  inverse  en  un  court  tubercule  men- 
tonnier.  Les  branches  de  l'os  sont  épaisses  et  vigoureuses,  toutefois 
la  branche  montante  est  étroite  et  Tapophyse  coronoïde  est  raccour- 
cie. 

L'autre  maxillaire  inférieur  se  fait  remarquoH'  par  son  menton 


supérieur  de  l'écailIe  de  l'occipital,  on  ne  peut  donc  pas  connaître  le  diamètre 
antéro-postérieur;  le  diamètre  transversal  maximum  ne  peut  pas  être  déterminé  non 
plus.  Toutefois  il  est  facile,  à  la  simple  inspection,  de  reconnaître  que  ce  crâne  est 
brachycéphale.  Ce  qu'il  présente  de  plus  singulier,  c'est  l'épaisseur  extraordinaire  de 
ses  parois.  Cette  épaisseur,  partout  très  considérable  s'élève  à  10  millim.  au  niveau  du 
frontal.  »  Le  crâne  de  Méloisey  est  d'ailleurs  parfaitement  sain.  «  Les  deux  tables 
compactes  ont  leur  minceur  ordinaire,  continue  Broca;  c'est  le  tissu  spongieux  du 
diploë  qui  forme  la  presque  totalité  de  Tépaifseur  des  os  ;  ce  tissu  n'est  ni  plus  poreux 
ni  plus  dense  qu'à  l'état  normal.  11  est  donc  permis  de  croire  qu'il  ne  s'agit  pas  ici 
d'une  hypertrophie  et  que  ce  crdne  est  parfaitement  normal.  »  «  J'ai  déjà  observé 
plusieurs  fois,  dit  encore  Broca,  sur  des  crânes  très  anciens,  un  épaississement 
analogue,  quoique  moins  considérable,  et  j'ai  lieu  de  croire  que  les  crânes  très  épais 
étaient  plus  communs  dans  les  temps  préhistoriques  qu'ils  ne  le  sont  aujourd'hui  » 
{loc.  cit.,  p.  24). 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  13 

triangulaire,  échancré  par  dessous,  ses  branches  horizontales  forte- 
ment divergentes  et  ses  angles  mandibulaires  singulièrement 
extravasés. 

CHAPrrRE  IL  —  Ossements  des  tumulus  du  Chatillonnais, 

Beaucoup  plus  nombreux  que  les  tumulus  du  Beaunois,  ceux  du 
ChàLillonnais  sont  aussi  bien  plus  intéressants.  Groupés  en  une 
masse  compacte  dont  la  grande  forêt  de  Châtillon  est  le  centre,  ils 
s'étendent  du  nord-ouest,  depuis  les  confins  du  canton  de  Baigneux- 
les-Juifs  jusque  vers  Montigny-sur-Aube  et  de  la  forêt  de  Jailly 
à  l'ouest  jusqu'à  Montmorot  à  l'est. 

Les  groupes  principaux  sont  ceux  de  Magny-Lambert,  de  Minot 
et  de  la  Grande-Forêt. 

1°  Tumulus  de  Majyiiy -Lambert. 

Monceau- Milon.  —  Il  existait  naguère  encore  sur  le  territoire  de 
Magny-Lambert,  suivant  le  témoignage  de  M.  Gaveau,  maire  de 
celte  commune^  «  une  immense  quantité  de  tumulus  »  formant 
«  une  véritable  nécropole  ».  Le  plus  considérable  de  tous  ces 
tumulus,  désigné  sous  le  nom  de  Monceau-Milon,  avait  été  rasé 
pour  servir  à  l'empierrement  d'un  chemin  vicinal,  et  on  y  avait 
recueilli  un  poignard  en  bronze  très  bien  conservé,  de  nombreux 
anneaux  du  même  métal,  enfin  une  tête  humaine  presque  complète, 
qu'on  peut  voir  aujourd'hui  dans  le  cabinet  de  M.  le  docteur  Bru- 
lard,  à  Saint-Marc-sur-Seine. 

Grâce  à  l'obligeance  de  cet  aimable  confrère,  j'ai  eu  cette  pièce 
intéressante  en  communication  à  mon  laboratoire.  En  voici  la  des- 
cription qui  la  place  à  peu  près  à  égale  distance  des  deux  crânes 
d'Auvenay,  dont  il  vient  d'être  question. 

Il  nous  reste  de  ce  crâne  masculin  une  voûte  presque  entière, 
frontal  en  partie  mutilé,  surtout  à  droite,  pariétaux  et  occipital 
presque  entiers,  temporal  gauche  intact  avec  un  fragment  du  sphé- 
noïde, portion  du  temporal  droit.  L'ensemble  constitue  un  ovoïde 
régulièrement  allongé  (d.  a.  p.  19o  mm.)  très  dolichocéphale  (ind. 
céph.  73,3;  cire,  horiz.  540  mm.)  avec  un  font  plus  fuyant  et  Toc- 
ciput  moins  détaché  que  ceux  que  nous  venons  de  voir.  Toutes  les 
sutures  sont  effacées  à  l'intérieur,  à  l'extérieur  elles  ne  sont  plus 
guère  apparentes  que  sur  la  lambdoïde,  exfoliée  d'ailleurs  en  partie 
dans  la  région. 


U  D'  I^:.  T.  UAMY. 

La  face  esl  composée  des  deux  mâchoires  seulement;  la  supé- 
rieure comprenant  la  voiite  palatine  presque  entière,  toute  la  région 
intermaxilliaire  et  une  bonne  partie  de  la  branche  monlanle  droite; 
rinférieure  privée  de  ses  branches  montantes.  On  voit  encore  en 
place  en  haut  la  canine  et  la  première  prémolaire  gauche,  l'une  et 
l'autre  usées  assez  fortement  en  dedans;  en  bas  les  traces  d'usure 
se  montrent  assez  accentuées.  Ces  dents  sont  d'ailleurs  robustes  et 
saines;  toutefois  plusieurs  de  celles  qui  manquent,  la  canine  droite, 
It's  deuxièmes  prémolaires  et  toutes  les  molaires  supérieures  étaient 
prématurément  disparues.  Je  remarque,  en  passant,  que  la  pre- 


FiG.  1.  —  Crâne  du  tumulus  de  Magny-Lambert  (Coll.  du  D'  Brulard). 
Vu  d'en  haut.  1/3  grand,  nat. 

mière  grosse  molaire  de  la  mandibule  est  plus  forte  que  la  seconde, 
et  que  toutes  ces  dents  présentent  régulièrement  quatre  tubercules 
symétriques. 

On  trouvera  ci-dessous  (1)  les  mesures  que  j'ai  pu  relever  sur 
ces  restes  osseux.  11  ressort  de  leur  examen  que  l'arcade  zygoma- 
tique  était  écartée,  le  nez  leptorhine,  la  voûte  palatine  étroite  en 
avant.  Nous  retrouvons  sur  la  mandibule  la  plupart  des  caractères 
de  forme  et  de  proportions  du  n"  1.  Toutefois  le  diamètre  bigonial 
est  plus  grand,  accentuant  une  saillie  plus  considérable  de  l'angle 

(1)  Mesures  faciales  du  crâne  du  Monceau-Milou.  D.  bizygom.  134  ou  135  mm.  (?)  ; 
long.  raax.  sup.  42,  largeur  à  l'incisif,  24;  haut,  de  l'intermaxill.,  23;  larg.  max. 
ouverture  uasalf,  24  ou  25. 


LES  PREMIERS  GAULOIS. 


15 


mandibulaire,  le  menton  triangulaire  est  aussi  sensiblement  plus 
pointu. 

Monceau-Laurent,  •—  Quatre  autres  grands  tumulus  ont  été 
fouillés  avec  un  soin  très  particulier  en  1872,  par  Flouest  et 
Abel  Maître  (1).  Le  Monceau-Laurent,  vaste  amoncellement  de 
32  mètres  de  diamètre  sur.  près  de  6  m .  de  haut,  contenait  vers  sa  base 
une  sorte  de  caveau  en  grande  partie  éboulé,  où  gisait  un  squelette 
tout  brisé,  accompagné  d'une  épée  de  fer  en  plusieurs  morceaux, 
d'un  rasoir  de  bronze,  d'une  grande  puisette  à  anse,  d'une  petite 
coupe  et  d'une  volumineuse  situle  du  même  métal. 


Fi<;.  2  —  Crâne  du  tumulus  de  Magny-Lambert  (Coll.  du  D'  Brulard). 
Vu  de  profil.  1/3  grand,  nat. 


Ce  personnage,  ainsi  caractérisé  par  un  mobilier  typique,  était 
malheureusement  en  si  mauvais  état  que  c'est  à  bien  grand'peine 
que  j'ai  pu  reconstituer  avec  vingt-cinq  fragments  environ  sauvés 
par  Maître,  une  voûte  très  développée,  dont  la  longueur  actuelle 
dépasse  déjà  20  centimètres  et  qui  était  certainement  dolicho- 
céphale, comme  celles  dont  il  vient  d'être  parlé. 

Tous  ces  fragments  sont  plus  ou  moins  profondément  altérés  par 

(1)  Cf.  Les  tumulus  gaulois  de  la  commune  de  Magny-Lamberl  {Câte-d'Or),  fouilles 
faites  sous  le  patronage  de  la  Commission  de  la  topographie  des  Gaulois^  ap.  Alex. 
Bertrand,  Archéologie  Celtique  et  Gauloise.  Mémoires  et  documents  relatifs  aux  premiers 
temps  de  notre  histoire  nationale,  p.  272  et  suiv.,  pi. 


te  Dr  E.-T.  iiAMV. 

les  agents  atmosphériques,  les  deux  tables  sont  entamées,  l'os  est 
même  parfois  à  jour;  toutefois  l'épaisseur  primitive  était  normale 
(7  mm.). 

Les  sutures  sont  toutes  fermées  et  presque  effacées,  sauf  vers 
l'angle  lambciatique,  et  le  long  des  écailles  temporales. 

Un  seul  petit  fragment  de  maxillaire  supérieur,  sauvé  de  la  des- 
truction, corresporid  à  la  seconde  prémolaire  et  à  la  première  grosse 
molaire  du  côté  gauche;  Tusure  oblique  de  ces  deux  dents  est 
assez  prononcée,  pour  dépasser  en  dedans  le  collet  lorsqu'en  dehors 
il  demeure  5  à  6  millimètres  d'émail. 

Une  branche  montante  du  maxillaire  inférieur  atteste  pas  son 
étroitesse  et  son  obliquité  la  sénilité  du  sujet. 

Deux  diaphyses  incomplètes  des  humérus  et  une  partie  de  l'épi- 
physe  supérieure  d'un  fémur,  d'ailleurs  sans  aucun  caractère 
exceptionnel,  correspondraient  par  voie  de  proportion  à  une  taille 
moyenne  de  r",78.  L'étude  parallèle  de  deux  tibias  imparfaits 
donne  le  chiffre  de  1"',80. 

Les  squelettes  des  deux  derniers  tumulus,  dits  Combe  Bernard  et 
Combe  à  la  Boiteuse^  qu'il  eût  été  intéressant  de  pouvoir  étudier, 
en  raison  de  certaines  particularités  révélées  par  la  fouille  de  ces 
sépultures,  ont  résisté  à  toute  tentative  de  reconstitution.  Le  pre- 
mier était  féminin,  d'après  les  accessoires  qui  l'entouraient,  et 
avait  été  brisé  très  menu  tout  en  demeurant  bien  en  place.  Du 
second,  masculin,  un  fémur  mesuré  par  Maître  s'est  trouvé  ne  pas 
dépasser  0",47  de  longueur,  ce  qui  correspond  à  une  taille  de  1°',77 
ou  environ. 

Vie  de  Bagneiix.  —  Il  y  avait  aussi  au  centre  du  gros  tumulus  de 
la  Vie  de  Bagneux  avec  une  épée  de  fer  et  un  rasoir  de  bronze,  un 
squelette  écrasé  sous  le  poids  des  pierres  sèches  qui  composaient  la 
sépulture  anciennement  effondrée  (1).  Toutes  les  pièces  en  étaient 
fortement  décomposées,  les  tables  osseuses  des  os  plats,  l'externe  | 

surtout,  profondément  rongées,  montraient  à  nu  le  diploé.  On  y  a 
trouvé  de  nombreuses  traces  de  dents  de  petits  rongeurs  dont  les 
restes  abondaient  d'ailleurs  dans  le  fond  du  tumulus. 

J'ai  pu  reconstituer  à  l'aide  de  ces  fragments  une  partie  de  la 
voûte  d'un  crâne  comprenant  presque  tout  le  frontal  et  une  partie 

(Ij  L.  Maîthe,  ap.  Alex»  BER^BA^D,  op.  cit.,  p.  276. 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  17 

des  deux  pariétaux  ;  c'est  un  crâne  d'homme,  à  en  juger  par  ce 
qu'il  reste  de  l'arcade  surcilière  droite,  bien  développée  et  cou- 
vrant des  sinus  frontaux  assez  vastes.  Les  sutures,  en  partie  visibles 
encore,  sont  remarquablement  simples.  L'ensemble  est  allongé 
d'avant  en  arrière  et  le  type  est  d'une  dolichocéphalie  numérique- 
ment indéterminable,  mais  bien  manifeste. 

Une  diaphyse  fémorale,  qui  figure  parmi  les  débris  du  squelette 
n'offre  rien  de  bien  spécial  ;  je  n'y  trouve  à  noter  qu'un  léger  méplat 
supérieur  et  externe. 

2°  Tumulus  de  Minot. 

Bangcs.  —  M.  Henry  Corot  (1),  archéologue  à  Savoisy,  a  entre- 
j)ris  depuis  quelques  années  des  recherches  intéressantes  dans  les 
tumulus  delà  commune  de  Minot,  canton  d'Aignay  (Gôte-d'Or),  et 
je  tiens  de  lui  un  squelette  assez  bien  conservé,  recueilli  dans  une 
sépulture  de  l'un  des  tumulus  qu'il  a  fouillés  dans  un  bois  au  N.-E. 
de  la  métairie  de  Banges. 

Le  crâne  de  ce  sujet  est  tout  à  la  fois  vigoureux  et  fin  et  présente 
très  accentués  la  plupart  des  caractères  déjà  relevés  dans  les  descrip- 
tions qui  précèdent.  Sa  dolichocéphalie  qui  correspond  à  l'indice 
73,1  est  encore  plus  prononcée.  Elle  est  due  tout  à  la  fois  à  l'allon- 
gement des  dimensions  en  longueur  (d.  a.  p.  O^'jlQO)  et  au  rétrécis- 
sement des  mesures  transversales  (d.  tr.  max.  0°',139). 

Le  diamètre  basilo-bregmatique,  inférieur  seulement  de  3  mm. 
au  transverse,  fournit  des  indices  verticaux  de  71,0  et  97,8  (2). 

Les  arcs  surciliers  sont  bien  dessinés,  mais  d'un  relief  assez 
médiocre,  la  suture  médio-frontale  apparaît  toute  grande  ouverte, 
ainsi  que  toutes  les  autres  sutures  crâniennes,  sans  exception;  une 
chaîne  wormienne  assez  large  (18  à  28  mm.),  occupe  les  deux 
branches  de  la  suture  lambdoïde  et  se  prolonge  le  long  de  la  sagit* 
taie  jusqu'au  delà  des  trous  pariétaux. 

Les  bosses  frontales  et  pariétales  sont  presque  effacées,  mais 
l'occipital  accentue  en  arrière  la  courbe  du  profil^  jusque-là  fortrégu- 
lière.  L'écaillé  est  fort  convexe,  la  ligne  âpre  est  de  force  moyenne. 

La  base  est  bien  accentuée  et  les  détails  morphologiques  s'y  des- 
sinent sans  brulalité,  mais  toutefois  d'une  façon  fort  nette. 

(1)  Cf.  H.  Corot,  Notes  pour  servir  à  l'étude  de  la  haute  antiquité  en  Bourgogne.  — 
Les  tumulus  de  Minot;  La  Buge  es  Clauzels  et  Dessous  le  Breuil,  Gbàtilloa-sur-SeiDej 
1895,  br.  iQ-80,  3  pi.,  1  cart. 

(2)  On  remarquera  dans  le  tableau  ci-joiut  que  ces  rapports  vont  de  72,34,  72,82 
et  de  94,44  à  99,30  daas  les  autres  observations  recueillies. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  2 


18  D'  E.  T.   IIAMY. 

La  face  est  de  proportions  moyennes  (d.  bizygom.  130  ;  haut. 
fac(^  87;  ind.  66,9)  et  l'indice  nasal,  leptorhinien,  est  de  i7,  (larg. 
max.  ouv,  24,  liant.  51). 

L'orbite  est  un  peu  bas  pour  sa  largeur,  et  l'indice  orbitaire  ne 
dépasse  pas  8i,5. 

Les  dents,  toutes  saines  et  bien  plantées  commencent  seulement 
à  s'user  un  peu  en  avant  (incisives  et  canines). 

La  mandibule  est  remarquable  par  sa  forte  arcade  terminée  par 
un  menton  triangulaire  robuste  et  massif. 

Ce  type  se  retrouve  sur  un  second  sujet,  provenant  d'un  deuxième 
tumulus  de  la  même  localité.  Réduit  à  son  frontal,  à  ses  pariétaux 
et  à  son  occipital,  tous  quatre  bien  mutilés,  que  séparent  des  su- 
tures remarquablement  simples  et  grossières,  ce  crâne  accuse 
néanmoins  une  dolichocéphalie  très  exceptionnelle  dont  un  seul  de 
éléments  est  mesurable,  le  diamètre  antéro-postérieur,  qui  atteint 
194  mm. 

Les  arcs  surciliers  sont  bien  prononcés,  la  saillie  occipitale  se 
montre  considérable  avec  un  tore  volumineux  et  grossier.  Ce  qu'il 
reste  des  bosses  frontales  et  pariétales  est  fort  effacé. 

Par  contre  un  autre  sujet,  de  date  plus  ancienne,  et  vraisembla- 
blement néolithique  présente  un  aspect  bien  différent.  Ce  dernier 
dont  la  tombe  située  à  la  base  du  tumulus  consistait  en  une  sorte 
de  coffre  en  pierres  brutes  provenant  du  voisinage  et  mesurant  assez 
exactement  1  mètre  carré  gisait  dans  l'attitude  repliée  et  apparais- 
sait sous  la  forme  de  la  lettre  Z  suivant  l'expression  de  M.  Corot  (1). 
Les  charbons,  mêlés  à  la  terre,  étaient  plus  abondants  au  voisinage 
de  la  tête  et  sur  la  poitrine  reposait  un  couteau  en  silex  taillé,  de 
65  mm.  de  longueur,  qui  paraissait  avoir  subi  l'action  du  feu. 

Ce  troisième  crâne  de  Ranges  qui  est  conservé  au  Muséum  avec 
les  deux  autres  (2)  a  appartenu  à  un  sujet  du  sexe  féminin,  dans 
toute  la  force  de  l'âge  et  oii  la  synostose  crânienne  est  encore  à  ses 
débuts.  La  voûte  est  d'épaisseur  moyenne  et  de  structure  assez 
dense,  mais  altérée  en  quelques  points  par  un  certain  état  patholo- 

(1)  Oa  observera  que  M.  Bruzard,  décrivant  le  squelette  de  Genay  près  Semur,  se 
servait  de  la  même  comparaison  {Rapport  sur  le  tumulus  de  (le7ia>j  {Côte^d'Or)  près 
Semur,  suivi  d'une  Note  sur  les  ossements  humains  trouvés  dans  ce  tumulus,  par 
M.  E.  T.  Hamy,  Semur,  1861,  br.  in-S»,  p.  9). 

(2)  Cf.  E.  T.  Hamy,  Sur  une  sépulture  néolithique  découverte  par  M.  II.  Corot  sous 
un  tumulus  à  Minot  [Côte-d'Or), 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  19 

gique  assez  mal  défini  ;  les  pariétaux  et  l'écaillé  supérieure  de 
l'occipital  sont  quelque  peu  boursouftlés  au  voisinage  du  lambda  et 
les  sutures  sagittale  et  lambdoïde  dessinent  en  creux  leurs 
méandres.  C'est  presque  Télat  natiforme  dont  parlait  jadis  Parrot. 
Je  n^oserais  pas  toutefois  chercher  dans  ces  traces  d'une  inflamma- 
tion locale  qui  se  caractérise  en  outre  par  l'aspect  chagriné  de  la 
table  externe  des  os,  une  manifestation  de  quelque  affection  spéci- 
fique, si  curieux  qu'il  puisse  être  de  faire  remonter  aussi  haut  les 
origines  d'un  mal  dont  on  voulait  naguère  encore  trouver  la  source 
unique  et  relativement  récente  chez  les  Américains. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  crâne  ainsi  modifié  est  de  forme  à  peu  près 
cuboïde;  raccourci^  élargi,  quelque  peu  surélevé  tout  ensemble  à 
la  façon  de  ceux  que  Robert,  Plessier,  Fr.  Lenormant,  et  quelques 
autres  ont  trouvés,  soit  sous  l'allée  couverte  de  Marly-le-Roy,  soit 
au  pied  du  menhir  de  la  Pierre  qui  Tourne,  soit  dans  une  des 
chambres  de  pierre  de  Fontvieille-lès-x\rles  (1).  Le  mauvais  état 
des  os  interdit  malheureusement  de  donner  des  chiffres  positifs  : 
on  peut  toutefois  estimer  sans  trop  de  chances  d'erreur  l'indice 
céphalique  de  ce  crâne  de  Banges  inférieur  à  86  environ. 

La  face  correspondante  devait  être  courte  et  large,  à  en  juger  par 
ce  qu'il  reste  de  l'un  des  zygomas  et  des  deux  arcades  dentaires. 
D'une  part,  en  effet,  l'axe  zygomatique  se  trouve  fortement  déjelé 
en  dehors  en  même  temps  que  les  angles  mandibulaires  s'écartent 
de  plus  de  120  mm.  D'autre  part  les  symphyses  sont  respectivement 
réduites  :  la  supérieure  à  12  mm.  l'inférieure  à  32  mm.  et  la  dis- 
tance entre  le  plancher  des  fosses  nasales  et  le  sommet  du  triangle 
mentonnier  ne  dépasse  pas  57  mm. 

Avec  ce  crâne  se  trouvaient  divers  débris  des  ossements  provenant 
de  quatre  sujets  en  tout.  J'ai  examiné  spécialement  un  fragment  de 
mâchoire  inférieure  masculine,  remarquable  par  ses  dimensions  en 
hauteur  et  l'épaisseur  de  ses  branches  horizontales;  une  canine 
supérieure,  longue  de  3  cm.  et  coupée  à  5  mm.  de  la  pointe  par  un 
de  ces  sillons  transversaux  oii  Magitot  croyait  reconnaître  l'action 
d'un  trouble  de  nutrition  causé  par  une  convulsion  ;  une  paire  de 
fémurs  robustes  mais  courts  (0",445,  taille  correspondante  l™,6o) 
portant  une  ligne  âpre  de  saillie  médiocre  (2)  mais  large  de  près  de 

(i)  Cf.  E.  T.  Hamy,  Note  sur  mie  sépulture  néolithique  de  Fonlvieille-lès-Arles  [Bull. 
du  Mus.  d'Hist.  Nat.,  t.  VII,  p.  8-11,  1902). 

(2)  Largeur  du  fémur  :  29  mm.;  épaiss.,  28;  rapport,  103,3.  Le  rapport  moyen  est 
d'après  Broga,  104,8. 


20  !)*•  E.-T.  HAMY. 

8  mm.  ;  une  diaphyse  de  tibia  extrêmement  aplatie  (ind.  platycn., 
<)4,7);  enfin,  des  portions  de  péronés  remarquables  par  leur  forme 
quadrilatère. 

Les  autres  pièces  osseuses  étaient  trop  mutilées  pour  pouvoir 
donner  lieu  à  des  observations  utiles.  Je  n'y  ai  d'ailleurs  rien  noté 
d'exceptionnel.  Tous  ces  derniers  ossements  étaient  compris  dans 
la  tombe  quadrilatère  où  quelques  débris  d'une  poterie  grossière  se 
sont  également  rencontrés. 

Les  Vendues  de  Verroilles.  —  Le  type  brachycéphale,  dont  la 
sépulture  profonde  de  Banges  vient  de  nous  offrir  un  spécimen  tout 
à  fait  typique,  apparaît  dans  nos  contrées  vers  la  fin  des  temps 
paléolithiques.  J'ai  déjà  dit  plus  haut  qu'on  l'avait  trouvé  aux  temps 
néolithiques  à  Choisy-le-Roi,  à  la  Pierre  qui  Tourne,  à  Fontvieille- 
lès-Arles.  A  Bauges  il  ne  s'est  rencontré  que  sous  un  des  tumulus 
fouillés  par  M.  H.  Corot,  mais  aux  Vendues  de  Verroilles  et  à 
Montmorot,  dans  la  même  commune  de  Minot,  il  a  survécu  sur 
place  et  sa  présence  est  tout  à  fait  certaine  en  pleine  période  gau- 
loise^ au  milieu  des  dolichocéphales  qui  prédominaient  alors  dans 
le  Châtillonnais. 

Le  tumulus  des  Vendues  de  Verroilles  élait  l'un  des  plus  appa- 
rents de  cette  région,  et  M.  H.  Corot,  de  Savoisy,  qui  s'est  atlaché 
à  fouiller  complètement  cet  important  monument  funéraire  en  1897, 
n'y  a  pas  rencontré  moins  de  six  tombes,  dont  quatre  appartenaient 
certainement  au  premier  ou  au  second  âge  du  fer.  La  plus  superfi- 
cielle était  caractérisée  par  la  présence  d'un  bracelet  de  bronze  et 
d'un  coutelas  de  fer  semblable  à  ceux  que  Morel  a  recueillis  dans 
les  cimetières  de  la  Marne  (1);  la  plus  profonde  montrait  à  côté  du 
squelette  la  longue  épée  de  fer  de  Hallstatt.  Or  c'est  dans  une  des 
sépultures  intermédiaires  que  se  retrouve  notre  brachycéphale  avec 
tous  ses  caractères.  C'est  un  sujet  adulte  masculin,  avec  sutures 
assez  simples  et  toutes  ouvertes,  mais  avec  des  dents  déjà  bien 
usées,  suivant  le  type  habituel.  Le  sujet  est  vigoureux,  mais  de 
faible  taille  (2);  sa  voûte  est  de  volume  médiocre  (cire,  horiz. 
0,525;  cire,  transv.  tôt.  0,437;  cire,  ant.-post.  0,500)  et  ne  se  signale 
par  aucune  particularité  morphologique.  Il  mesure  0™,i80  de  lon- 

(1)  L.  Morel,  La  Champagne  souterraine,  pi.  2,  flg.  1  ;  pi.  24,  fig.  1.  Châlons-sur- 
Marne,  d87o-l&77,  f°. 

(2)  Le  seul  os  long  intact,  l'huniérus  gauche,  mesure  0,323   de   longueur  maxima, 
ce  qui  correspond  à  une  taille  de  1™,60. 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  21 

giieur,  0"',152  de  largeur,  et  son  indice'céphalique  s'élève  par  con- 
séquent  à  84,4. 

Les  dimensions  générales  de  la  face  ne  s'écartent  guère  des 
moyennes  de  Broca,  seulement  les  orbites  sont  relativement  un  peu 
étroits  et  leur  indice  monte  à  86,8.  L'orifice  nasal  est  allongé  et 
rétréci  (long.  53,  larg.  25),  aussi  l'indice  correspondant  descend-il 
à  41,5.  Les  pommettes  sont  bien  accusées,  les  fosses  canines  sont 
profondes;  le  prognathisme  est  tout  à  fait  nul;  enfin  la  mandibule, 
relativement  robuste,  se  termine  par  un  menton  triangulaire  et 
pointu. 

Les  Vendues  de  Montmorot.  —  Ce  même  type  caractérise  une 
autre  tête  de  femme  adulte  extraite  en  4898  par  M.  H.  Corot  de  la 
sépulture  K  du  tumulus  des  Vendues  de  Montmorot,  autre  lieu  dit 
de  la  même  commune  de  Minot.  Ce  monument  funéraire,  qui  avait 
au  moment  de  la  fouille  3°", 75  de  hauteur  et  13  mètres  de  diamètre, 
ne  renfermait  pas  moins  de  10  tombes,  dont  7  bien  caractérisées  au 
point  de  vue  archéologique.  La  femme,  dont  le  crâne  est  conservé 
au  Muséum  portait  au  poignet  gauche  (1)  un  bracelet  ouvert  en  fer. 
Un  peu  moins  volumineux,  mais  de  même  indice  que  celui  de  Yer- 
roilles  (d.  a.  p.  0,175,  d.  tr.  max.  0,148;  ind.  céph.  84,5);  il  est 
surtout  plus  déprimé  dans  le  sens  vertical.  La  voûte,  un  peu  basse, 
est  large  et  lisse  et  surmonte  une  face  dont  les  dimensions  géné- 
rales s'écartent  assez  peu  de  celles  du  sujet  masculin  dont  il  vient 
d'être  question. 

Seulement  les  orbites,  qu'il  est  malheureusement  impossible  de 
mesurer  avec  exactitude,  sont  plus  larges,  mais  surtout  plus  hauts, 
tandis  que  le  nez  est  un  peu  plus  court  et  sensiblement  plus  dilaté. 
L'arcade  dentaire  est  un  peu  plus  saillante  en  avant,  et  les  dents 
qu'elle  porte,  saines  et  bien  rangées,  présentent,  quoique  à  un 
degré  moindre,  celte  même  usure  à  plat  que  l'on  rencontre  si  sou- 
vent chez  les  individus  des  deux  sexes  dans  les  temps  préhisto- 
riques (2). 

Je  connais  un  nouvel  exemple  de  brachycéphalie  moins  accentué 
toutefois,  sur  un  troisième  crâne  de  Minot,  que  conserve  l'École 
d'Anthropologie,  et  qui  provient  d'une  fouille  faite  au  lieu  dit  Sous- 
leBreuil,  à  l'ouest  du  village. 

(1)  Les  os  de  cet  avant-bras  avecle  bracelet  en  place  sont  an  Musée  des  Antiquités 
nationales  de  Saint-Germain-en-Laye. 

(2)  Cf.  E.  T.  Hamy,  Les  tumulua  des  Vendus  de  Verroilles  et  de  Mo7i(morol,  à  Minot 
{Côle  d'Or),  [BuU.  du  Muséum,  1902,  t.  VIII,  p.  178-181). 


22  D'  E.-T.  IIAMY. 

Soffs-ic-Breif?/,  —  Le  cn\ne  de  Sous  le  Breuil  est  un  assez  gros 
crAne  d'homme  avancé  on  âge;  il  alleint  0"*,528  de  circonférence 
horizontale,  et  ses  diamètres  antéro-postérieur  et  Iranverse  mesurent 
0,185  et  0,148  avec  un  indice  céphalique  de  80,  et  difïère  principa- 
lement de  celui  de  Verroilles  par  un  certain  degré  de  projection  en 
arrière  de  l'occipital.  On  trouvera  les  autres  mensurations  que  j'ai 
pu  prendre  sur  cette  pièce  fort  maltraitée  par  le  temps,  dans  le 
tahleau  suivant  ou  j'ai  coordonné  les  cliilTres  relatifs  aux  crânes  de 
Banges^  de  Verroilles,  de  Montmorot,  de  Sous  le  Breuil,  en  y  joi- 
gnant ceux  de  Savoisy  et  de  la  Forêt  de  Châtillon  dont  il  me  reste 
à  dire  quelques  mots. 

8®  Tumuhis  de  Savoisy. 

Les  crânes  de  Savoisy  ou  plutôt  de  laBouchaille  sont  au  nombre 
de  deux,  l'un  et  Tautre  tranchement  brachycéphales.  Le  premier  qui 
fait  aussi  partie  des  collections  de  l'Ecole  d'Anthropologie,  qui  le 
doit  à  M.  Corot,  gisait  à  0^,50  de  la  surface  du  sol  dans  une  tom- 
belle  de  1",80  de  hauteur,  et  de  12  mètres  de  diamètre  dont  la 
fouille  est  demeurée  incomplète  (1). 

Il  est  représenté  par  une  voûte  de  crâne  brachycépliale  à  83,3 
(d.  a.  p.  0,174;  d.  tr.  max.  0,145)  et  qui  ne  diffère  de  celles  de 
Verroilles  et  de  Montmorot  que  par  une  minime  augmentation 
d'épaisseur  (8  mm.  aux  pariétaux)  et  un  notable  rétrécissemement 
de  la  base  du  frontal  (fr.  min.  100  mm.).  Les  dents  de  ce  sujet  sont 
usées  à  plat  et  son  maxillaire  inférieur  est  identique,  à  très  peu  de 
chose  près,  à  celui  du  crâne  de  Verroilles. 

Le  deuxième  crâne  de  la  Bouchaille  vient  d'un  monticule  beau- 
coup plus  important  (haut.  l'",50,  diam.  20  mètres)  et  se  trouvait 
tout  à  lait  à  la  base,  jdans  une  chambre  faite  de  ces  pierres  plates 
qu'on  nomme  laves  en  Bourgogne  el  qu'en  l'absence  de  toute  espèce 
de  mobilier  caractéristique,  M.  Corot  est  cependant  disposé  à  rap- 
procher de  celle  de  Banges  dont'elle  reproduit  tout  l'aspect. 

Ce  second  crâne  de  la  Bouchaille  est  remarquable  à  la  fois  par 
son  raccourcissement  antéro-postérieur  et  sa  dilatation  transversale. 
Les  diamètres  sont  indéterminables,  dans  l'état  de  mutilation  où 
il  se  trouve,  mais  on  n'en  saurait  évaluer  l'indice  à  moins  de  86, 
c'est-à-dire  qu'il  offre  des  proportions  égales  à  celles  du  brachycé- 

(1)    Celle   voûte  de   cràae  fait   partie   des  collections  de  l'École  d'Anthropologie 
(E.T.  Hamy,  ihid.,  p.  180-181). 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  23 

phale  de  Banges  qu'il  rappelle  d'ailleurs  d'une  manière  générale.  Sa 
circonférence  atteint  525. 

Le  sujet  est  adulte,  ses  os  crâniens  ne  présentent  aucune  singu- 
larité; toutes  les  sutures  sont  encore  visibles  à  la  face  externe,  mais 
s'effacent  par  contre  vers  l'intérieur.  Les  dents  s'usent  comme  à 
l'ordinaire. 

Les  os  longs  sont  ceux  d'un  homme  robuste  et  bien  musclé,  d'une 
taille  un  peu  supérieure  à  la  moyenne.  Un  fémur  dont  j'ai  pu,  non 
sans  peine,  rassembler  les  débris,  mesure  432  mm.,  ce  qui  corres- 
pond environ  à  l^'jGS  de  taille. 

J'ai  noté,  sur  les  autres  débris  d'os  longs,  la  largeur  de  la  ligne 
âpre  du  fémur,  un  certain  degré  de  plactycnémie,  enfin  et  surtout 
la  forme  carrée  des  péronés. 

Les  deux  os  de  l'avant-bras  droit'avaient  été  brisés  par  une  frac- 
ture qui  s'était  consolidée  vicieusement.  Les  fragments  inférieurs 
ayant  basculé  en  dedans  et  en  avant,  un  large  cal  s'était  étalé  à  plat 
d'un  fragment  à  l'autre  de  chaque  os.  Mais  les  deux  cals  étaient 
restés  indépendants,  et  une  sorte  de  poulie  de  glissement  s'était 
formée  au  contact  des  os,  permettant  des  mouvements  limités  (1). 

4°  Tumulus  de  la  grande  forêt  de  Chàtillon. 

Un  dernier  exemple  de  brachycéphalie  relative  m'est  fourni  par 
un  crâne  des  tumulus  de  la  forêt  de  Chàtillon  qui  m'a  été  commu- 
niqué par  M.  Lorimy.  Ce  crâne,  réduit  à  sa  voûte  (2)  épaisse  et 
solide  est  un  crâne  d'homme  robuste  et  dans  toute  la  force  de 
l'âge.  Ses  trois  diamètres  égalent  respectivement  0'",175,  0'",144  et 
0°',135  et  les  indices  correspondants  sont  représentés  par  82,8,  77,7 
et  93,7. 

Un  fragment  de  mâchoire  supérieure  est  orné  de  prémolaires  et 
de  molaires  bien  saines  qui  commencent  seulement  à  s'user  très 
légèrement.  La  mandibule  se  recommande  par  sa  robustesse,  et 
son  menton  reproduit  fort  exactement  le  profil  du  sujet  masculin  de 
Monceau-Milon. 

Tous  les  autres  crânes  tirés  des  nombreux  tumulus  fouillés  par  la 


(1)  Cf.  E.  T.  Hamy,  Le  tumulus  de  la  Bouchaille  à  Savoisy  {Côle-d'Or)  (Ibid.,  1902, 
t.  Vlll,p.  085-589). 

(2)  Encore  manque-t-il  tout  l'espace  interorbitaire  jusqu'au  dessous  de  l'ophryon. 
Les  sinus  frontaux,  tout  ouverts,  sont  très  développés  en  tous  sens. 


INDICES 


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COUHBKS 


DIAMKTRKS 


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INDICES      VOUTE   PALAT.    HAUT.    FACE 


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ORBITE    LARG.    FACE 


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Verroilles. 


Montmorot 


Sous  le  Breuil. 


Grande  Forêt. 


LES  PREMIERS  GAULOIS.  25 

Société  archéolog'ique  étaient  dolichocéphale'^.  Je  citerai  ceux  du 
Bouchot-Bouchard  à  Ghamisson,  de  Vanvoy,  de  Yillers-le-Dnc  dont 
nous  ont  parlé  sans  détails  le  D*"  Boutequoy  et  M.  G.  Lapérouse, 
qui  nous  ont  également  appris  que  les  débris  osseux  des  sept  sujets 
du  Val  Thibaut  ont  appartenu  à  des  individus  de  grande  taille,  que 
les  péronés  du  Fourneau  de  Veuxhaules  étaient  cannelés,  et  que 
sur  les  restes  de  crânes  de  Bois-Bouchot  l'épaisseur  des  pariélaux 
était  considérable  (I). 

(1)  Cf.  Boutequoy,  Rapport.,,  sur  une  série  d'os  provenant  du  Val  Thibault  et  de  la 
Tête  de  Maisey  {Bull.  Soc.  Arch.  du  Châtillonnais,  l^e  série,  p. -40-45  ;  —  G.  Lapérouse, 
Tumulus  du  Bouchot-Bouchard  à  Chamisson  {Ibid.,  p.  159,  166);  —  In.,  Les  tumulus 
de  la  Grande  forêt  de  Châtillon  (Ibid.,  p.  457-473).  —  Etc. 

[A  suivre.) 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE 


IX  (1) 
LE  CHEVÊTRE 

ET     LA    SEMI-DOMESTICATION    DES     ANIMAUX    AUX    TEMPS    PLÉISTOCÈNES 


PAR 


ÉD   PIETTE 


(premier  article) 

Représentations  des  chevêtres  a  l'âge  glyptique. 

L'homme  avait,  dès  les  temps  glyptiques,  maîtrisé  les  Équidés  et 
savait  les  conduire.  Cela  ne  peut  être  mis  en  doute.  Le  chevêtre 
était  un  licol  formé  de  courroies  ou  de  cordelettes  enveloppant  la 
tête  de  l'animal  et  se  rattachant  à  l'oreille.  Une  lanière  ou  une 
ficelle  passant  sur  le  nez  servait  à  le  diriger.  Le  chevêtre  a  fait 
place  à  la  bride  quand  le  mors  a  été  inventé.  Cette  invention  est 
relativement  récente.  Pendant  plus  de  dix  mille  ans,  pendant  pro- 
bablement plus  de  vingt  mille,  le  chevêtre  a  été  exclusivement  en 
usage  (2).  De  nos  jours,  certaines  peuplades  s'en  servent  encore 
pour  conduire  les  chevaux,  les  ânes  et  les  rennes. 

(1)  Voir  l'étude  n»  8  dans  U Anthropologie^  t.  XVl,  p.  t. 

(2)  Le  nombre  de  dix  mille  ans  est  certainemeat  trop  faible.  Dans  mon  article 
intitulé  Les  écritures  glyptiques  {L'Anthropologie,  t.  XVI,  fascicule  de  janvier-février 
1905;,  j'ai  évalué  à  onze  mille  ans  le  laps  de  temps  écoulé  depuis  la  fin  du  Pléistocène 
jusqu'à  nos  jours.  Je  n*ai  pas  dissimulé  que  ce  nombre  n'avait  rien  de  certain.  Les 
uns  l'ont  trouvé  trop  fort,  ce  sont  peut-être  les  plus  sages;  les  autres,  en  beaucoup 
plus  grande  quantité,  se  sont  récriés.  A  leur  avis  il  était  dérisoirement  Irop  faible. 
Je  suis  porté  à  croire  que  celui  de  neuf  ou  dix  mille  ans  approcherait  plus  de  la 
vérité,  car  il  permettrait  de  relier  les  temps  pléistocènes  aux  époques  proto-histo- 
riques sur  lesquelles  des  inscriptions  nous  ont  laissé  de  trop  rares  documents.  La 
stratigraphie  ne  peut  donner  que  des  dates  relatives.  Telle  assise  de  quelques  cen- 
timètres de  hauteur  a  mis  des  milliers  d'années  à  se  former.  Telle  autre  de  plusieurs 

l'anthropologie.   —  T.   XVII.   —   1'J06. 


28  ED.  PIETTR. 

Ce  harnais  fut  le  principal  instrument  de  la  civilisation  primitive. 
Avec  son  aide  l'homme  domptales  Equidés  ;  il  les  éleva  en  troupeaux 
pour  leur  chair.  Désormais  sur  de  la  nourriture  du  lendemain  il  eut 
des  loisirs  et  put  les  employer  au  perfectionnement  de  son  outil- 
lage. Les  hommes  glypliques  ont  fait  du  chevêtre  de  nombreuses 
représentations.  J*cn  ai  publié  quelques-unes  en  1891.  Depuis  lors 
M.  Mascaranx  en  a  trouvé  une  beaucoup  plus  belle  dans  l'assise  des 
gravures  à  contours  découpés  de  la  caverne  de  Saint-Michel 
d'Arudy.  Elle  mérite  une  mention  particulière  ;  c'est  un  document 
précieux  pour  la  préhistoire;  je  l'ai  figurée  dans  L'Anthropologie 
(voyez  tome  V,  Notes  pour  servir  à  l  histoire  de  l'art  primitifs  p.  139, 
fig.  9  et  9  a).  Je  l'ai  représentée  encore  dans  l'album  de  Cart  pendant 
rage  du  renne  (voyez  planche  XCII,  fig.  4  et  planche  XCIII).  Je 
reproduis  ici  ces  figures  sous  les  numéros  1  et  2  du  présent  article. 

Un  jour  un  de  mes  amis  qui  s'occupe  avec  ardeur  des  temps 
pléistocènes  vint  me  voir  pour  visiter  mes  collections. 

—  J'ai  lu,  me  dit-il,  votre  étude  intitulée  :  Notions  nouvelles  sur 
rage  du  renne,  placée  à  la  fin  du  volume  de  M.  Alexandre  Bertrand, 
La  Gaule  avant  les  Gaulois.  J'y  ai  remarqué  des  figures  bien  inté- 
ressantes, représentant  des  têtes  de  chevaux  enchevêtrées.  Pour- 
riez-vous  m'en  montrer  les  originaux?  —  Très  volontiers,  répondis- 
je.  Je  vois  que  vous  avez  compris  l'importance  du  chevêtre  aux 
temps  glyptiques.  Commençons  par  le  chevêtre  de  Saint-Michel 
d'Arudy. 

Les  figures  que  j'en  ai  données  sont  faites  d'après  l'original  que 
son  propriétaire  m'a  confié.  Je  le  lui  ai  rendu,  mais  j'en  possède 

mètres  d'épaisseur  est  l'œuvre  d'un  très  petit  laps  de  temps.  Aussi  tous  dos  chro- 
nomètres géologiques  ont-ils  été  la  source  de  nombreuses  erreurs.  A  leur  emploi 
j'ai  préféré  l'évaluation  du  temps  nécessaire  à  l'humanité  pour  accomplir  les  progrès 
qu'elle  a  réalisés  pendant  chacune  des  époques  qui  se  sont  succédées.  C'est  cette 
méthode  que  j'ai  employée  pour  obtenir  le  nombre  d'années  écoulées  depuis  la  fm 
des  temps  pléistocènes  jusqu'à  nos  jours.  C'est  elle  qui  m'a  donné  le  nombre  de 
onze  mille  que  j'ai  réduit  ensuite  à  dix  mille.  Elle  ne  fournit  que  des  résultats  hypo- 
thétiques, mais  pour  mener  à  bien  la  tâche  que  je  m'étais  donnée,  j'avais  d'abord 
les  dates  certaines  de  l'histoire,  puis  en  remontant  le  cours  des  âges,  celles  de  la 
préhistoire,  celles  des  papyrus  et  des  inscriptions.  J'arrivais  ainsi,  d'un  pas  ferme,  dans 
les  époques  voisines  du  commencement  du  Néolithique,  dansl'Arisien,  dans  l'Asylien 
en  me  basant  sur  des  faits  certains  pour  me  guider.  Au  temps  écoulé  depuis  la 
fia  du  Pléistocèoe  jusqu'à  nos  jours,  il  faut  ajouter  la  durée  tout  entière  de  l'âge 
glyptique,  pour  savoir  dans  quel  lointain  remonte  l'invention  du  chevêtre.  Cette 
durée  ne  peut  être  moindre  de  dix  mille  ans  et  peut-être  ce  nombre  d'années  est-il 
insuffisant  pour  exprimer  le  temps  pendant  lequel  se  sont  réalisés  les  progrès 
accomplis  pendant  l'âge  glyptique. 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


29 


un  excellent  moulage  que  M.  Mascaraux  a  fait  exprès  pour  moi  ». 
Je  lui  montrai  le  moulage.  Il  le  prit,  l'examina  et  me  dit  : 

—  Il  est  bien  conforme  à  la  figure  que  vous  avez  donnée.  Il  y  a 
de  nombreux  préhistoriens,  vous  le  savez  sans  doute,  qui  ne  veulent 
pas  admettre  l'existence  des  clievêtres  à  l'âge  du  Renne. 


FiG.  1  et  1  a.  —  Tète  tl'équidé  eachevetrée.  Saiat-iMichcl  d'Arudy. 

—  Ils  n'ont  sans  doute  pas  vu  cette  gravure. 

—  Il  y  en  a  qui  l'ont  vue;  ils  restent  récalcitrants. 

—  Et  vous  partagez  leur  manière  de  voir? 

—  Assurément  non;  la  gravure  de  Saint-Michel  d'Arudy  est  cer- 
tainement celle  d'une  tète  d'équidé  enchevêtrée. 


30  ED.  IMETTR. 

—  Ce  chevèlreest  très  complexe.  Examinons  les  diverses  parties 
dont  il  se  compose.  11  y  en  a  trois  principales  :  la  cordelette  nasale, 
la  pièce  rig-ide  et  le  filtage.  i°  La  cordelette  nasale  (AA)  qui  est 
quelquefois  remplacée  par  une  lanière  ou  par  une  courroie,  passe 
sur  le  nez  et  sous  la  lèvre  inférieure.  C'est  la  pièce  essentielle  du 
chevêtre.  Elle  permet  de  retenir  et  de  diriger  l'équidé.  2°  La  pièce 
rigide  (BB),  placée  dans  notre  gravure  immédiatement  au-dessus 
de  la  bouche,  est  ce  rectangle  orné  de  chevrons  que  vous  voyez 
encadré  de  cordeaux.  Elle  aboutit  en  avant  à  la  cordellette  nasale 
et  se  relie  en  arrière  à  Toreille  par  des  ficelles.  Faite  de  bois,  de 
ramure  de  renne  ou  d'une  autre  substance  dure,  elle  sert  à  fixer 
les    courroies,  les  ficelles   et  les   lanières.    Les   rênes   pouvaient 
être  attachées  à  l'une  de  ses  extrémités.  3°  Le  filtage  (CC)  est  une 
série  de  fils  grossiers  ou  de  fines  ficelles  unissant  entre  elles  les 
cordelettes  du  chevêtre.  Il  est  représenté  sur  notre  gravure  par  de 
nombreuses    lignes    parallèles    obliques,    au-dessus  de    la  pièce 
rigide.  Il  fait  du  chevêtre  une  sorte  de  vêtement  de  la  tête  de  Téquidé 
destiné  à  la  garantir  de  la  piqûre  des  mouches.  Outre  les  trois 
parties  sur  lesquelles  je  viens  d'attirer  votre  attention,  ce  harnais 
se  compose  de  nombreuses  cordelettes  qui  en  forment  en  quelque 
sorte  le  bâti  DD.  On  distingue  encore,  sur  cette  figure,  une  bande 
EEallantdela  pièce  rigide  vers  l'oreille.  Elle  fait  l'office  d'un  filtage 
flottant  destiné  à  écarter  les  insectes.  On  y  voit  aussi  une  cordelette 
F  contournant  l'oreille  à  sa  base  et  servant  à  assujettir  le  chevêtre. 

—  A-t-on  d'autres  représentations  du  chevêtre  de  ce  type? 

—  Oui,  le  chevêtre  de  Brassempouy.  Il  est  représenté  ici  par  les 
figures  2  et  2  «  et  dans  l'album  de  L'art  pendant  l^âge  du  renne  par 
les  figures  3  et  3  «  de  la  planche  LXXVllL  En  voici  le  moulage. 

—  Encore  un  moulage. 

—  Oh!  rassurez-vous.  Il  est  si  ressemblant  à  l'original  que  le  pro- 
priétaire de  la  gravure  s'y  est  laissé  tromper.  Un  antiquaire  le  lui 
emprunta  pour  le  faire  mouler,  et  le  malicieux  emprunteur,  au  lieu 
de  le  lui  restituer  lui  rapporta  un  moulage  si  bien  peint  que  le  pro- 
priétaire trop  confiant  le  prit  pour  l'original.  C'est  le  moulage  que 
je  mets  sous  vos  yeux. 

—  Le  chevêtre  de  ce  moulage  a,  comme  celui  de  Saint-Michel 
d'Arudy,  une  lanière  nasale,  une  pièce  rigide  ornée  de  chevrons  et 
un  filtage.  Le  filtage  est  même  plus  complexe  que  celui  de  la  gravure 
de  M.  Mascaraux.  Je  vois  deux  traits  qui  partent  de  la  lanière  nasale 
et  aboutissent  à  l'œil.  Pourriez-vous  me  dire  ce  qu'ils  signifient 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


31 


—  J'ai  été  moi-même  longtemps  à  me  le  demander.  Ce  ne  peut 
être  des  courroies  ;  elles  léseraient  l'œil.  Il  faut  que  se  soit  quelque 
chose  de  doux  et  de  souple,  des  bandes  en  peau  de  chamois  ou  en 
une  sorte  de  tissus.  Je  pense  que  ces  bandes  avaient  pour  but  de 
préserver  Tanimal  de  la  piqûre  des  mouches.  Avez-vous  remarqué 
qu'en  été,  quand  les  chevaux  sont  au  pâturage,  on  voit  une  nuée 
de  mouches  voler  autour  de  leurs  têtes  et  se  poser  près  de  leurs 
yeux?  Un  jour  j'ai  vu  un  malheureux  âne,  noir  de  mouches  autour 
des  yeux  et  sur  une  ligne  se  prolongeant  jusqu'aux  naseaux.  Ces 
bandes  œillères  sont  en  quelque  sorte  le  prolongement  du  filtage. 
Elles  protègent  Tanimal 
contre  les  insectes. 

—  En  examinant  ces 
deux  gravures  je  fais  à 
propos  de  chacune  d'elles 
une  même  remarque  :  Ni 
l'une ,  ni  l'autre  n'est 
achevée  du  côté  de  l'o- 
reille. Il  en  est  de  même 
des  dessins  de  chevêtre 
gravés  au  revers  de  ces 
pièces. 

—  Votre  réflexion  est 
très  juste. 

—  Cela  n'ébranle  nul- 
lement ma  conviction  ;  je 
regarde  ces  quatre  gra- 
vures comme  des  repré- 
sentations de  chevêtres 
d'un  même  type,  seule- 
ment je  constate  un  fait. 

—  Nous  aurons  encore  l'occasion  de  le  constater  souvent,  si  vous 
voulez  bien  me  suivre  dans  l'examen  des  représentations  de  che- 
vêtres insérées  dans  cet  article.  Voici  figures  3  et  3  a  (pi.  XVllI, 
fig.  2  et  2  «  de  l'album),  une  gravure  de  tête  d'équidé  provenant  de 
la  caverne  des  Espélugues  de  Lourdes. 

Elle  a  été  dessinée  d'après  l'original  que  M.  Nelli  m'avait  confié. 
Le  nez  est  brisé;  il  manque.  L'oreille  est  incomplète.  Le  chevêtre 
représenté  est  un  licou  formé  de  courroies.  Les  courroies  de  cuir 
bien  préparé,  quoique  suffisamment  souples  et  s'adaptant  bien  à  la 


Fig.  2  et  2  a. 
Tête  d'éqaidé  enchevêtrée.  Brassempouy. 


32 


ED.  PlETTE. 


têle  étaient  alors,  comme  aujourd'hui,  assez  rigides  pour  rendre 
iiuililes  des  pièces  de  matière  plus  solide.  Vous  ne  voyez  donc  pas 
de  pièce  rigide  ornée  de  chevrons  dans  les  figures  3  et  3  «.  La 
figure  3  est  mieux  gravée  et  plus  complète  que  la  figure  3  a.  On  y 
remarque  une  courroie  allant  d'un  trou  de  suspension  voisin  de 
Toreille  au  commencement  de  la  barbe  de  l'équidé  et  passant  sous 
la  mâchoire.  Sur  celte  courroie  s'embranchent  les  bandes  œillières, 
contournant  les  yeux  et  une  lanière  ou  seconde  courroie  plus  étroite 
tenant  lieu  de  pièce  rigide.  Celle-ci  aboutit  à  la  lanière  nasale  dont 
une  cassure  a  fait  disparaître  la  partie  supérieure.  Des  lignes 
obliques  parallèles  indiquent  le  filtage.  L'œil  est  un  simple  trou 
ovale. 

—  Ce  chevètre  quoique  fait  de  courroies  et  dépourvu  de  pièce 
rigide  est  en  réalité  du  même  type  que  les  précédents;  celui  de 
Brassempouy  a  deux  lanières  étroites  et   souples  réunies  par  un 


FiG.  3  et  3  a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée.  Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes. 

filtage  s'avançant  horizontalement  vers  les  yeux,  les  contournant 
et  aboutissant  probablement  à  une  cordelette  non  dessinée,  située 
près  de  l'oreille.  Dans  la  figure  3,  ce  ne  sont  pas  des  courroies  qui 
contournent  l'œil;  elles  auraient  pu  le  blesser  ;  ce  sont  des  bandes 
qui  paraissent  faites  de  fils.  Elles  sont  obliques  et  parlent  de  la 
courroie  appliquée  sur  la  joue  en  un  point  situé  plus  bas  que  celui 
où  devaient  aboutir  les  lanières  du  chevètre  de  Brassempouy. 

—  J'incline  à  croire  que  vous  avez  raison.  Ce  sont  probablement 
des  bandes  faites  en  fil  qui  contournent  les  yeux  de  l'équidé  dans 
le  chevètre  de  Lourdes. 

La  figure  3  a  représente  un  chevètre  incisé  au  revers  de  l'os 
gravé  sur  lequel  est  le  chevètre  de  la  figure  3.  11  est  beaucoup  plus 
négligemment  exécuté  que  celui-ci. 


ÉTUDES  D'ETHiNOGRAPHlE  PRÉHISTORIQUE. 


33 


La  grotte  du  Mas-d'AziL  a  fourni  beaucoup  de  gravures  de  têtes 
d'équidés  enchevêtrées.  Les  clievêtres  représentés  sont  beaucoup 
plus  incomplets  que  ceux  dont  nous  venons  de  nous  occuper.  Les 
plus  remarquables  ont  été  dessinés  dans  la  planche  LXl  de  l'al- 
bum de  l'art.  Plaçons  les  originaux  à  côté  des  figures  pour  les  exa- 
miner. Voici  un  os  sur  lequel  sont  gravées  deux  têtes.  Il  y  en  avait 
trois;  mais  l'os  a  été  cassé  anciennement;  il  ne  reste  presque  rien 
de  la  troisième.  Elles  sont  unies  les  unes  aux  autres  par  deux  petits 
traits  (figure  4).  Chacune  de  ces  têtes  me  paraît  symboliser  un 
équidé.  Leur  ensemble  représenterait  une  suite  d'équidés  unis 
les  uns  aux  autres  par  un  trait  de  cuir. 

—  Oh  !  les  jolies  petites  têtes.  Elles  sont  manifestement  enche- 
vêtrées. Elles  ont  la  lanière  nasale  entourant  le  nez  et  la  lèvre  infé- 


FiG.  4.  —  Têtes  d'équidés  enchevêtrées.  Mas  d'Azil. 


jieure,  la  pièce  rigide  ornée  de  dents  de  loup  et  une  courroie  allant 
de  cette  pièce  à  l'oreille.  La  pièce  rigide  est  à  peu  près  en  prolon- 
gement de  la  bouche  au  lieu  d'être  un  peu  plus  bas  comme  dans  les 
gravures  que  nous  venons  de  voir;  la  courroie  de  la  joue  n'est  pas 
dessinée  jusqu'à  l'oreille  ;  sur  la  partie  supérieure  de  la  lanière 
nasale,  on  voit  deux  petites  lignes  signalant  le  point  d'attache  des 
bandes  qui  devaient  contourner  l'œil,  mais  qui  ne  sont  pas  dessi- 
nées. Pas  de  filtage;  mais  le  filtage  n'est  pas  une  pièce  essentielle 
du  chevêtre.  Le  dessin  est  très  bon.  Quoique  les  chevêtres  soient 
très  incomplets,  il  est  impossible  de  les  méconnaître. 

Les  figures  o  et  o  a  (figures  1  et  j  a  de  la  planche  LXI  de  l'album) 
représentent  aussi  une  tête  d'équidé  enchevêtrée.  Le  chevêtre  est 
plus  incomplet  que  les  précédents.  Les  bandes  qui  contournent  les 
yeux  sont  à  peine  indiquées  par  quelques  petits  traits  au-dessous 
d'eux.  La  courroie  de  la  joue  est  incomplète.  La  pièce  rigide  n'est 

L'AMTHnOPOLOdlE.   —  ï.  XVII.  —  1906.  3 


34 


ED.  PIETTE. 


Fio.  5  et  5  a.  —  Tête  d'équidé 
enchevêtrée.  Mas  d'Azil. 


ligurée  que  par  deux  traits  horizontaux  ;  celle  de  la  ligure  5  a  est  pla- 
cée plus  haut  que  la  bouche  ;  celle 
de  la  ligure  S  est  au-dessous.  La 
lanière  nasale  ne  contourne  que 
le  nez;  elle  se  relie  en  décrivant 
un  angle,  à  l'extrémité  antérieure 
de  la  pièce  rigide.  Une  autre  la- 
nière part  de  cette  extrémité  et 
coupe  obliquement  la  lèvre  infé- 
rieure. Deux  petits  traits  parallèles 
fixés  à  la  lanière  nasale  indiquent 
le  départ  d'une  bande  qui  n'est  pas 
figurée. 

—  Si  mauvais  que  soit  le  dessin, 
on  devine  l'intention  de  graver  un 
chevètre.  Toutes  ses  parties  essen- 
tielles sont  indiquées.  Il  y  a  même 
des  traces  de  filtage.  Il  est  fâ- 
cheux que  tout  cela  soit  si  mal  fait. 
11  y  a  une  modification  de  la  lanière  nasale  qu'il  eût  été  intéressant 
d'étudier. 

La  figure  6  et  6  a  (7  et  7  a  de 
la  même  planche  dans  l'album), 
représentent  une  tête  d'équidé 
enchevêtrée  provenant  comme 
la  précédente  du  Mas  d'Azil.  Le 
chevètre  de  la  figure  6  a  est  in- 
complet. La  lanière  nasale 
passe  sur  le  nez  et  sous  la  lèvre 
inférieure.  Une  courroie  des- 
cendant de  l'oreille  s'appliquant 
sur  la  joue  aboutit  à  la  place  où 
devrait  se  trouver  la  pièce  ri- 
gide. Celle-ci  manque.  Cour- 
roie de  la  joue  et  lanière  nasale 
sont  les  deux  seules  choses  in- 
diquant la  présence  du  che- 
vètre. La  figure  6  représente, 

au  revers  de  l'os  gravé,  un  che- 

,,".  •        •  1   i     •!       1       I^'G.  6  et  6  a.  —  Tête  d'éauidé  enchevêtrée. 

vetre  moins  incomplet;  il  a  la  Mas  d'Azil. 


ETUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


35 


lanière  nasale,  la  courroie  de  la  joue  qui  est  seulement  ponctuée 
et  aboutit  un  peu  trop  bas,  et  une  pièce  rigide  légèrement  arquée, 
ornée  de  chevrons. 

—  Toujours  des  chevêlres  incomplètement  représentés!  toujours 
des  parties  de  chevêlres  appliquées  sur  la  tête  de  l'animal  à  la 
place  qu'elles  doivent  occuper  dans  le  harnais .  Vraiment  on  ne  peut 
pas  prendre  cela  pour  desimpies  ornements.  Je  suis  de  votre  avis; 
les  gravures  glyptiques  prouvent  incontestablement  la  connaissance 
du  chevêtre  à  l'âge  du  renne.  Vous  pouvez  abréger  votre  démons- 
tration. 

—  Je  ne  vous  en  fais  pas  grâce.  Vous 
êtes  venu  pour  élucider  une  question. 
Il  faut  que  vous  me  suiviez  jusqu'au  ^^' 
bout.  Voici  une  tête  d'animal  sculptée 
en  ronde  bosse,  sur  un  côté  de  laquelle 
est  gravé  un  chevêtre  seulement  indiqué 
par  la  bande  qui  contourne  l'œil  et  par 
la  pièce  rigide  ornée  de  dents  de  loup. 
Voyez  figures  7,7  a^l  b  (figures  5  et  5 « 
de  la  planche  LXI  de  l'album). 

—  Cette  tête  a  un  collier. 

—  Non,  ce  n*est  qu'une  fallacieuse 
apparence.  De  quel  usage  pourrait  être 
un  collier  placé  derrière  la  nuque,  sur 
le  haut  du  cou  ?  Vous  voyez  d'ailleurs 
qu'il  n'entoure  pas  complètement  le 
cou  ;  le  bas  en  reste  libre.  Pour  com- 
prendre cette  partie  du  harnais,  il  faut 
que  je  vous  montre  une  autre  figure. 
Passons  aux  figures  8  et  8  «  (planche 
XXIX  et  planche  XXVII,  figure  5  de 

l'album);  prenons,  pour  comparer,  l'original  d'après  lequel  elles 
ont  été  dessinées.  Au  revers  de  la  palme  sur  laquelle  la  femme  au 
renne  est  figurée,  est  une  tête  d'équidé  avec  le  cou,  l'épaule  et  une 
partie  du  dos;  elle  est  enchevêtrée.  Vous  voyez  enveloppant  l'oreille 
et  descendant  le  long  du  masseter  une  partie  de  chevêtre  que  nous 
n'avons  pas  encore  vue  dessinée  ailleurs,  car  les  gravures  de  tèles 
que  nous  avons  étudiées  n'avaient  pas  le  cou  ;  l'oreille  elle-même 
manquait  presque  toujours.  Cette  partie  du  chevêtre  fixée  à  l'oreille, 
s'appnyant  en  arrière  contre  la  nuque  et  la  mâchoire,  était  destinée 


FiG.  7,  7  a,  1  b.  —  Tête  d'animal 
enchevêtrée.  Mas  d'Azil. 


36  ED.  PIETTE. 

à  assujellir  ce  harnais  sur  la  tête.  Maintenant  reconnaissez-vous  ce 


8  a. 


FiG.  8 


et  8  a.  —  Partie  antérieure  d'une  tête  d'équidé  enchevêtrée.—  La  figure  8  est 
dessinée  d'après  Formant;  la  figure  8  a  a  été  faite  d'après  Pilloy. 

Laugerie-Basse. 


que  vous  avez  pris  pour  un  collier  dans  la  figure  7  ? 

—  Oui,  c'est  bien  la  même  pièce  de  harnais;  mais  une  objection 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


37 


A  , 

se  présente  à  mon  esprit.  Etes-vous  bien  sûr  que  cette  lêle  soit 
enchevêtrée  ?  Il  y  a  sur  le  nez  une  quantité  de  lignes  droites  presque 
parallèles  que  Ton  peut  vouloir  faire  passer  pour  des  lanières  nasales, 
mais  leur  rectitude  et  leur  multitude  même  prouvent  qu'elles  ne 
sont  rien  de  semblable.  Ce  qu'on  pourrait  être  tenté  de  prendre 
pour  une  pièce  rigide  n'est  que  le  dessin  des  dents  du  cheval. 

—  Cette  gravure  comme  beaucoup  d'autres  présente  en  grande 
quantité  des  rayures  inutiles  qui  ne  se  rapportent  en  rien  au  sujet 
gravé.  Les  traits  parallèles  du  nez  que  vous  me  signalez  sont  de  ce 
nombre.  Mais  il  y  a  une  cordelette  nasale  contournant  le  nez  et  la 
lèvre  inférieure;  elle  est  indi- 
quée par  ces  petits  traits  fins, 
obliques,  parallèles  au  moyen 
desquels  les  glyptiques  figu- 
raient les  cordes. 

—  Oui,  je  la  distingue. 

—  Quant  à  la  pièce  rigide, 
elle  existe  incontestablement; 
elle  est  rectangulaire,  bordée 
de  cordelettes  comme  celle  de 
Saint-Michel  d'Arudy,  ornée  de 
lignes  parallèles  qui  ne  repré- 
sentent nullement  des  dents^ 
car  elles-mêmes  sont  formées 

de    petits    traits    fins   parallèles    Fig.  9  et  9  a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 

et    horizontaux,     superposés.  Mas  d'Azii. 

D'ailleurs  qu'y  aurait-il  d'é- 
trange à  ce  qu'un  graveur  ait  pris  des  dents  d'équidé  pour  sujet  d'or- 
nement d'une  pièce  rigide  placée  en  prolongement  de  la  bouche?  Mais 
quand  vous  dites  que  ces  dents  sont  celles  de  Téquidé  représenté, 
songez-vous  à  ce  que  vous  avancez?  Les  dents  molaires  du  cheval 
vu  de  profil  ne  sont  pas  visibles  en  arrière  de  la  bouche  à  moins 
qu'il  ne  soit  dépouillé  et  décharné.  Or  nous  n'avons  pas  sous  les 
yeux  une  pièce  de  boucherie  ;  notre  équidé  a  l'attitude  de  la  vie;  il 
a  les  yeux  grands  ouverts;  il  est  vivant,  bien  vivant. 

—  Vous  avez  raison.  La  présence  d'un  chevêtre  est  incontes- 
table. Je  ne  m'obstine  pas;  je  ne  cherche  que  la  vérité. 

—  Reportons-nous  à  la  planche  LKI  de  l'album.  On  y  voit  sous 
les  n°*  3  et  3  «  une  tête  d'équidé  enchevêtrée  que  je  reproduis  ici 
sous  les  n°^  9  et  9  a.  Cette  gravure  a  été  trouvée  dans  la  grotte  du 


33 


ED.  PIETTE. 


Ma*^  (l'Azil,  sur  la  rive  droite  de  l'Arise.  La  cordelette  nasale  et  la 
pièce  rigide  sont  seules  gravées  sur  les  deux  côtés  de  l'os.  Celle-ci 
paraît  percée  d'une  rangée  de  petits  trous  destinés  à  attacher  les 
lanières  du  chevêtre.  En  outre,  dans  la  figure  9  «,  la  courroie 
appliquée  sur  la  joue  est  très  sommairement  indiquée. 

—  Vous  omettez  de  mentionner  une  rangée  de  petites  virgules 
accouplées  deux  à  deux  à  la  partie  supérieure  du  nez  de  l'équidé 
au  chanfrein.  On  dirait  de?  ornements. 

—  Je  crois  plutôt  que  c'est 
quelque  chose,  comme  ce  que 
l'on  voit  au  même  endroit  dans 
le  chevêtre  de  Saint -Michel 
d'Arudy.  Reportez-vous  à  la 
figure  1  et  comparez.  Il  me 
sembleque,dans  cette  figure,  ce 
sont  d'étroites  bandettes  unis- 
sant deux  cordes  dont  Tune 
située  de  l'autre  côté  de  la  tête 
ne  peut  être  vue. 

—  C'est  possible. 
Les  figures  10  et  10  â;  (fig.  6  et 

6  a  de  la  planche  LXI  de  l'al- 
biim)  représentent  une  tête  d'é- 
quidé  enchevêtrée  dont  le  che- 
vêtre est  très  imparfaitement 
dessiné.  La  lanière  nasale  est 
bien  gravée.  Il  n'en  n'est  pas  de 
même  de  la  pièce  rigide.  Le 
troglodite  auteur  du  dessin  a 
eu  l'intention  de  la  figurer;  une 
ligne  horizontale  indique  sa 
limite  supérieure.  Il  a  pensé 
que  la  rangée  de  traits  obliques  et  parallèles  figurant  la  barbe  fai- 
sait connaître  suffisamment  sa  limite  inférieure.  Quatre  ou  cinq 
rangées  de  petites  hachures  représentant  le  filtage  sont  au-dessus 
de  la  pièce  rigide  et  attiennent  à  l'extrémité  antérieure  de  celle-ci. 
Dans  la  figure  10,  on  remarque  deux  lignes  verticales  à  l'extrémité 
postérieure  de  la  pièce  rigide.  Dessinent-elles  une  courroie  passant 
sous  la  ganache?  C'est  possible.  Ne  représentent-elles  pas  plutôt 
une  seconde  pièce  rigide  perpendiculaire  à  l'autre  s'y  adaptant  à 


Fig.  10  et  10  a.  —  Tête  de  cheval  enchevê 
trée.  Grotte  du  Mas  d'Azil,  rive  droite. 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE 


39 


angle  droit  à  laquelle  était  attaché  le  cordeau?  Si  cette  dernière 
interprétation  était  conforme  à  la  vérité,  l'élément  solide  du  che- 
vêtre  représenté  par  la  figure  10  devrait  être  rapproché  de  celui 
du  chevêtre  représenté  par 
la  figure  11  (fig.  6  «  de  la 
planche  XVI  de  l'album). 
Celui-ci  qui  provient  de  la 
caverne  du  Placard  fait  par- 
tie de  la  collection  de  M.  Fer- 
mond.  C'est  un  type  parti- 
culier de  pièce  rigide.  Il 
consiste  en  deux  branches 
terminées  en  boule  formant 
presque  un  angle  droit. 

A  leur  point  de  rencontre 
est  un  trou  circulaire  des- 
tiné à  recevoir  la  courroie 
ou  la  cordelette  dirigée  vers 
l'oreille  et  celle  qui  passe 
sous  la  ganache. 
La  lanière  nasale 
était  attachée  au 
bout  de  lagrande 
branche.  Au  bout 
de  la  petite  bran- 
che et  retenu 
également  par 
une  boule  était 
fixé  le  cordeau. 
Quand  on  le  li- 
rait, l'extrémité 
de  la  branche 
s'abaissait,  tirant  elle-même  la  lanière  nasale  et  forçait  l'équidé  à 
aller  à  droite,  à  gauche,  ou  à  s'arrêter.  Cette  pièce  rigide  et  angulaire 
de  chevêtre  fonctionnait  comme  le  support  d'un  fil  de  fer  de  sonnette. 
Quand  on  tire  le  cordon  attaché  à  Tune  des  branches  du  support 
l'autre  branche  tire  le  fil  de  la  sonnette,  et  la  fait  tinter. 

Passons  aux  figures  12  et  12  a  (fig.  3  et  3  ^  de  la  planche  XVKl 
de  l'album). 

—  Oh  !  cette  fois  il  y  a  des  ornements  et  je  ne  vois  pas  de  chevêtre^ 


Fig.  11.  —  Pièce  rigide  de  chevêtre.  Caverne  du 
Placard  (Roche  Bertier). 


40 


ED.  PIETTE. 


—  Vous  paraissez  triomphant;  mais  est-ce  que  j'ai  jamais  dit 
quelque  part  que  les  artistes  glyptiques  n'ornaient  jamais  les  têtes 
de  leurs  équidés? 

—  Non,  vous  n'avez  jamais  dit  cela.  Aussi  je  n'en  conclus  rien 
contre  l'existence  du  chevêtre  à  l'âge  du  renne.  Jeconstate  seulement 
que  parfois  Tartisle  ornait  la  tête  du  cheval  et  non  le  chevêtre.  Ici 

les  ornements  paraissent  être 
des  symboles  ou  des  caractères 
d'écriture  ;  ils  consistent  en  un 
petit  trait  placé  entre  deux  plus 
grands  divergents  et  bifurques. 
Ce  signe  est  répété  trois  fois  sur 
un  des  profils  et  deux  fois  sur 
l'autre. 

—  Je  voudrais  que  vos  amis 
qui  n'admettent  pas  les  chevê- 
tres  à  l'âge  du  renne  vous  enten- 
dissent parler  de  symboles  et 
d'écritures  glyptiques.  Ils  per- 
draient sans  doute  toute  con- 
fiance en  vous. 

—  Cela  m'est  bien  égal,  si  ce 
que  je  dis  est  vrai.  Je  hais 
le  paradoxe.  Lorsqu'on  me 
prouve  que  j^ai  tort,  je  ne  sou- 
tiens pas  mon  opinion.  Je  ne 
cherche  que  la  vérité. 

—  Je  pense  que  les  bandes 
de  chevêtres  étaient  très  pro- 
pres à  recevoir  des  symboles  ou 
des  ornements  de  fantaisie.  On 
ne  voit  pas  pourquoi  les  artistes 

se  seraient  abstenus  d'orner  les  bandes^  puisque  certainement  ils 
ornaient  les  pièces  rigides  de  chevrons,  de  dents  de  loup,  de  trous 
alignés  et  ds  lignes  parallèles. 

—  Oui;  mais  ici  il  n'y  a  pas  de  bandes;  on  ne  voit  même  pas  de 
chevêtre. 

—  Je  reconnais  qu'il  n'y  a  pas  de  bande;  s'il  y  en  avait,  le  gra- 
veur on  a  fait  abstraction  ;  mais  il  y  a  un  chevêtre. 

—  Où  est-il? 


FiG.  12  et  12  a.  —  Tète  d'équidé  enchevêtrée 
Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes. 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


41 


—  C'est  une  simple  lanière  qui  contourne  le  nez. 

—  Je  vois  une  ligne  qui  contourne  le  nez,  mais  pas  de  chevêtre. 

—  Si  le  cheval  avait  un  mufle,  une  semblable  ligne  limiterait  son 
nez  du  côté  du  front  ;  mais  le  cheval  n'a  pas  de  mutle  ;  rien  ne  sépare 
son  nez  du  front.  Celte  ligne  ne  peut  donc  être  que  la  représenta- 
tion d'une  lanière  nasale.  Au  surplus  dans  la  figure  10  a,  la  ligne 
est  double,  indiquant  ainsi  la  largeur  de  la  lanière. 

—  Vous  avez  réponse  à 
tout. 

—  Les  figures  13  et  13  « 
(fig.  4  et  4  «  de  la  planche 
XVIII  de  l'album)  sont 
encore  des  représenta- 
tions de  têtes  d'équidés 
enchevêtrées.  Le  chevêtre 
de  la  figure  i3  a  a.  une 
courroie  nasale  angu  - 
leuse,  une  pièce  rigide  et 
un  rudiment  de  courroie 
appliquée  contre  la  joue. 
Le  chevêtre  de  la  figure 
13  a  n'a  qu'une  courroie 
nasale  anguleuse  et  quel- 
ques bandes  obliques  te- 
nant lieu  de  filtage  reliant 
des  cordelettes  qui  ne  sont 
pas  dessinées. 

—  C'est  votre  imagina- 
tion qui  vous  fait  voir  tant 
de  choses.  Pour  moi  vos 
bandes  obliques  sont  de 
simples  ornements.  Vous 
ne  pouvez  prouver  le  con- 
traire avec  des  figures  si  mal  faites.  Vous  voulez  tout  expliquer. 
Laissez-moi  au  moins  le  faible  avantage  de  croire  à  des  ornements 
de  fantaisie. 

—  Ces  dernières  figures  sont  si  mauvaises  que  je  ne  veux  pas  sou- 
tenir une  hypothèse  certainement  hasardée.  Je  vous  concède  donc 
les  ornements  de  fantaisie  puisque  vous  y  tenez.  Je  le  fais  sans 
grande  conviction  ;  mais  je  ne  suis  pas  plus  convaincu  du  contraire. 


Fig.  13  et  13  a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 
Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes. 


42  ED.  PIETTE. 

—  Cela  n'ébrèche  en  aucune  façon  votre  démonstralion  de  Texis- 
tonce  du  chevèlre  îi  l'âge  g-lyptique  ni  les  faits  sur  lesquels  vous 
vous  appuyez. 

—  Vous  me  paraissez  ignorer  que  c'est  moi  qui  ai  le  premier 
émis  l'hypothèse  d'ornements  sur  la  tête  des  équidés,  en  un  temps 
011  je  n'avais  pas  encore  trouvé  de  représentalion  de  chevêtre 
indiscutable.  J'ai  donné  cette  explication  à  propos  d'un  os  gravé, 
trouvé  à  Lorthet  dans  l'assise  des  gravures  à  contours  découpés, 
représenté  par  les  figure  4  et  4  «  de  la  planche  X  de  l'album  de 
l'art  pendant  l'âge  du  renne.  Il  y  a  de  cela  bien  longtemps.  Voici  la 
description  que  j'ai  faite  de  cette  gravure.  «  Os  gravé  sur  les  deux 
faces.  Il  représente  une  portion  de  lêLe  d'équidé  dont  la  mâchoire 
inférieure  a  été  détachée.  La  peau  de  la  mâchoire  supérieure  et  des 
naseaux  semble  avoir  été  enlevée.  Les  dents  sont  à  découverts  sur 
la  chair  mise  à  nu.  Celui  qui  a  dépecé  l'animal  a  fait  des  incisions 
représentant  des  lignes  de  chevrons  comme  font  parfois  nos  bou- 
chers sur  les  bêtes  qu'ils  écorchent.  L'artiste  paraît  donc  avoir  voulu 
représenter  une  pièce  de  boucherie  préhistorique.  Cependant  il  est 
souvent  arrivé  aux  graveurs  glyptiques  de  couvrir  des  portions 
d'animal  de  chevrons  ou  d'autres  lignes  géométriques,  par  pure 
fantaisie,  sans  que  l'animal  fut  écorché  pour  cela.  L'œil  est  petit  et 
simplement  gravé  sans  aucun  relief.  Comme  on  le  voit,  il  s'agissait 
d'une  pièce  de  boucherie.  Depuis  que  j'ai  trouvé  des  représenta- 
tions de  chevêtres  indéniables,  j'ai  abandonné  cette  explication. 
Elle  figurait  encore  avec  la  planche  X  de  l'album,  lors  du  Congrès 
de  Pau  de  1871,  auquel  assistait  M.  Cartailhac.  Mais  j'avais  alors 
déjà  reconnu  mon  erreur  et  je  soutins  au  Congrès  contre  M.  Car- 
tailhac  qu'il  y  avait  sur  cet  os  gravé  une  représentation  de  chevêtre. 
Je  fis  circuler  l'album  parmi  les  assistants. 

—  Je  ne  connaissais  pas  cette  circonstance. 

—  Sur  cette  pièce  de  boucherie  a  été  évidemment  gravé  un  che- 
vêtre. La  cordelette  nasale  est  très  visible.  Surlafig.  4,  il  y  a  deux 
lignes  dechevrons;une  deces  deux  lignesornementela  pièce  rigide  ; 
la  seconde  qui  est  au-dessus  ornemente  le  fîltage;  sur  la  figure  4  a, 
il  n'y  a  qu'une  ligne  de  chevrons;  elle  couvre  la  place  du  filtage. 

Les  artistes  figuraient  le  chevêtre  non  seulement  sur  le  vivant, 
mais  sur  les  équidés  abattus.  Ceux-ci  avaient  le  plus  souvent 
encore  la  tête  enchevêtrée,  car  on  les  emmenait  loin  du  troupeau 
pour  les  tuer.  Ils  gravaient  aussi  le  chevêtre  sur  les  pièces  de  bou- 
cherie. La  gravure  de  Lorthet  n'en  est  pas  le  seul  exemple.  Il  a  été 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


43 


représenté  sur  une  tête  sculptée  d'équidé    écorché  provenant  du 
Mas  d'Azil  rive  droite.  Voici  la  représentation  de  cette  tôle  (fig.  14) 
L'existence  de  la  corde  nasale  est  indéniable;  il  y  a  en  outre  une 
corde  partant  de  l'oreille  et  aboutissant  à  la  corde  nasale. 


FiG.  14.  —  Tête  d'équidé  écorchée  et  enchevêtrée.  Mas  d'Azil,  rive  droite. 

Je  crois  devoir  donner  ici  la  figure  d'une  tête  d'équidé  abattu  ayant 
encore  le  chevêtre.  C'est  une  sculpture  trouvée  sous  l'abri  de  Ray- 
monden  à  Chancelade.  J'en  ai  déjà  donné  une  figure  dans  Classifica- 
tion des  sédiments  formés  dans  les  cavernes  pendant  Vàge  du  renne ^ 
fig.  4,  L'existence  du  chevêtre  a  été  contestée  sur  cette  pièce;  mais 
il  me  semble  que  c'est  à  tort.  La  cordelette  nasale  est  peut-être  in- 


FiG.  15.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée  sculptée.  Abri  de  Raymonden  à  Chancelade. 
Assise  des  sculptures  en  ronde  bosse. 


diquée  d'une  manière  insuffisante  sur  notre  figure.  Elle  appartient  au 
type  anguleux  ;  la  pièce  rigide  est  incontestable,  elle  est  percée  de 
quatre  petit  trous  et  surmontée  de  saillies  triangulaires  semblables 
à  des  dents  de  requin.  Elle  se  prolonge  au  delà  de  l'œil  comme  une 
mâchoire  mise  à  nu.  Une  courroie  se  dirigeant  de  l'œil  vers  la  barbe 
a  été  omise  sur  notre  figure;  l'œil  est  bien  celui  d'un  animal  mort. 
Au  surplus  parmi  les  gravures  et  les  sculptures,  où  je  crois  voir  un 
chevêtre,  s'il  y  en  avait  quelques-unes  au  sujet  desquelles  je  ferais 
erreur,  ma  démonstration  n'en  serait  pas  moins  fondée.  Celles-ci 


44 


ED.   PIETIE. 


seraient  en  très  petit  nombre,  elles  n'infirmeraient  en  rien  mes  con- 
clusions. 

—  Dans  toutes  les  gravures  à  contours  découpés  que  nous  venons 
d'examiner,  même  dans  celles  oti  le  chevêlre  est  fidèlement  figuré, 
les  têtes  d'équidés  sont  très  mal  représentées,  tantôt  trop  longues, 
tantôttrop  courtes,  celles-ci  presquecylindriques,  celles-là  informes. 

—  C'est  très  vrai.  Ceux  qui  les  ont  faites  choisissaient  un  os  plat 
ayant  la  forme  d'une  tête  d'équidé.  Celte  ressemblance  était  très 
imparfaite;  il  fallait  pour  l'admettre  beaucoup  de  bonne  volonté. 
Pour  eux  elle  était  indéniable.  Ils  en  coupaient  l'extrémité,  recti- 
fiaient à  peine  la  silhouette,  indiquaient  le  bas  de  l'oreille  par  deux 
traits,  la  bouche  par  un  seul,  le  nez  par  une  ligne  arquée,  l'œil  par 
un  cercle  ou  plusieurs  raies  quand  ils  n'omettaient  pas  de  le  gra- 
ver. Puis  ils  figuraient  le  chevêtre. 

—  Je  crois  devoir  mettre  sous  vos  yeux  quelques-uns  de  ces  os 
plats  (fig.  16,  17,  18  et  19). 


Fro.  16.  —  Os  utilisé  pour  faire  des  représentations  de  lète  d'équidé  enchevêtrée. 

L'os  (fig.  16)  a  reçu  un  commencement  de  gravure.  L'oreille  et 
une  partie  de  l'œil  ont  été  dessinées. 

L'extrémité  antérieure  de  Tos  (fig.  17)  porte  plusieurs  traits  de 
scie  verticaux  destinés  à  le  raccourcir. 

Sur  la  figure  18,  une  fente  naturelle  figure  la  bouche.  Sur  l'os  de 
la  figure  19,  la  saillie  de  l'oreille  a  été  ménagée. 

Vous  remarquerez  que  les  os  gravés  à  contours  découpés  ont 
presque  tous  un  trou  de  suspension.  J'imagine  que  les  gardiens  de 
troupeaux  les  portaient  suspendus  au  cou  comme  des  amulettes. 
Ils  les  faisaient  sans  doute  eux-mêmes.  N'étant  pas  artistes,  ils  ne 
réalisaient  que  des  à  peu  près.  Cela  leur  suffisait.  Quelques-uns 
s'attachaient  à  figurer  le  chevêtre  qui,  à  leur  point  de  vue,  était  la 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


4o 


•partie  la  plus  importante  de  la  gravure.  On  ne  peut  contester  que  le 
chevêtre  deSaint-Michel  d'Arudy  n'ait  été  gravé  avec  un  véritable 

talent. 

Le  mors  que  nous  mettons  dans  la  bouche  du  cheval  l'empêche 


Fifi.  n.  —  Os  destiné  à  recevoir  une  gravure  de  tête  d'équidé  enchevêtrée. 

de  manger.  Le  chevêtre,  quand  la  lanière  nasale  n'était  pas  trop 
serrée,  le  laissait  libre  de  brouter.  Les  pasteurs  pouvaient  donc 
laisser  ce  harnais  à  la  tête  des  équidés  trop  indépendants;  ils  saisis- 
saient plus  facilement  ces  animaux  quand  ils  étaient  enchevêtrés. 

—  Ceux  qui  ont  gravé  ces 
chevêtres  les  ont  en  quelque 
sorte  schématisés. 

—  Oui;  et  cela  révèle  une 
tournure  d'esprit  particu  - 
lière.  Parmi  les  chevêtres 
dont  l'homme  glyptique  nous 
a  laissé  la  gravure,  il  y  en 
avait  de  savamment  compli- 
qués. Il  les  figurait  rarement 

entiers  :  il  n'en  dessinait  le  plus  souvent  que  la  partie  essentielle  : 
la  pièce  rigide  et  la  lanière  nasale.  Cela  lui  suffisait  pour  se  les 
représenter  complets.  Il  réalisait  des  images  conventionnelles.  On 
comprend  facilement  qu'avec  ce  penchant  à  simplifier  ses  dessins, 
à  écarter  les  détails  accessoires,  il  dut  naturellement  arrivera  créer 
des  symboles.  De  la  représentation  incomplète  d'un  objet,  par  un 
assemblage  de  quelques  traits,  au  symbole  sacré,  il  n'y  a  qu'un  pas 
bien  vite  franchi  quand  il  s'occupait  de  choses  excitant  son  admira- 
tion, son  respect  ou  sa  crainte.  Le  symbole  est  une  figure  ou  une 
image  employée  comme  signe  d'une  chose.  Il  a  été  en  réalité  le 
premier  rudiment  d'écriture.  Ainsi  cette  tendance  à  simplifier  le 
dessin,  qui  semble  une  imperfection  au  premier  abord  et  qui  fut 


Fio.  18.  —  Os  destiné  à  recevoir  la  gravure 
d'une  tête  d'équidé  enchevêtrée. 


46 


ED.  1>IETTE. 


FiG.  19.  —  Os  destiné  à  recevoir  une  gravure 
de  tête  d'équidé  enchevêtrée. 


certainement  une  défectuosité  au  point  de  vue  de  l'art,  a  été  féconde' 
en  grands  résultats.  Elle  a  été  l'un  des  plus  puissants  leviers  de 
la  civilisation.  Il  était  nécessaire  de  la  signaler  pour  comprendre  la 
mentalité  de  l'homme  glyptique. 

—  La  tendance  à  simplifier  les  images  est  mise  nettement  en 
lumière  par  Tétude  que  nous  venons  de  faire  des  représentations  de 
chevètre.  En  ce  temps,  l'homme  était  irrésistiblement  poussé  par  le 
désir  d'ajouter  à  la  langue  parlée,  la  langue  écrite.  Tout  tournait 
au  symbole.  Le  symbolisme  a  été  la  caractéristique  de  l'âge  glyp- 
tique; qui  ne  voit  pas  que 
l'humanité  était  alors  pous- 
sée invinciblement  vers  le 
symbolisme  ne  comprend 
rien  à  l'âge  du  renne  ni  à  la 
mentalité  de  l'homme  glyp- 
tique. 

—  Nous  avons  vu  une  gra- 
vure de  tête  d'équidé  à  con- 
tours découpés  dont  le  che- 
vètre figuré  par  une  simple 
ligne  était  réduit  à  la  lanière 
nasale.  Ne  pensez-vous  pas  que  cette  lanière  ait  été  le  chevêlrc  pri- 
mitif et  que  la  ligne  entourant  le  nez  en  soit  la  représentation  et 
non  l'image  simplifiée  d'un  chevètre  compliqué,  semblable  à  ceux  que 
nous  venons  de  voir? 

—  Oui,  la  ficelle  ou  la  lanière  de  cuir  enroulée  autour  du  nez  a 
du  être  le  chevètre  primitif.  Ce  chevètre  rudimentaire  était  certai- 
nement encore  en  usage  aux  temps  glyptiques.  Les  troglodytes  de 
la  grotte  des  Espélungues  d'Arudy  ont  dû  fréquemment  l'employer, 
si  l'on  en  juge  par  le  nombre  de  gravures  où  il  est  représenté, 
trouvées  dans  les  sédiments  de  cette  caverne.  11  a  pu  y  avoir  d'autres 
formes  de  cet  élément  de  harnais  intermédiaires  entre  cette 
lanière  primitive  etle  chevètre  compliqué  de  Saint-Michel  d'Arudy  ; 
mais  dans  la  série  des  figures  qui  viennent  d'attirer  notre  attention, 
il  y  a  très  peu  de  gravures  que  l'on  puisse  rapporter  à  ces  formes 
intermédiaires;  presque  toutes  sont  manifestement  des  simplifica- 
tions de  chevêtres  du  type  compliqué  de  Brassempouy  et  de  Saint- 
Michel. 

—  Par  conséquent  vos  conclusions  relatives  à  la  mentalité  de 
l'homme  glyptique  ne  sont  nullement  infirmées.  C'est  aussi  mon 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


47 


opinion.  La  lanière  nasale  a  peut-être  été  connue  avant  l'âge  glyp- 
tique; il  y  a  des  gisements  antérieurs  à  l'étage  papalien,  oii  l'on 
rencontre  beaucoup  d'ossements  d*équidés. 
—  Ma  collection  ren- 


ferme encore  quelques 
figurations  de  têtes  d'é- 


quidés  enchevêtrées. 
Je  vais  les  mettre  sous 
vos  yeux. 

—  Je  vous  en  fais 
grâce  ;  je  suis  convain- 
cu; je  ne  demandais 
rien  de  plus. 

—  Il  faut  que  vous 
me  suiviez  jusqu'au 
bout,  dût  cela  vous  en- 
nuyer .  Il  n'est  pas 
indifférent  qu'on  ait 
trouvé  quelques  vesti- 
ges de  représentations 
de  chevêtre  ou  qu'on 
en  ait  recueilli  une 
grande     quantité.     Il 

n'est  pas  indifférent  non  plus  qu'il  y  ait  eu  quelques  chevêtres  sché- 
matisés ou  qu'il  y  en  ait  eu  en 
grand  nombre. 

Je  me  résigne. 

—  Je  me  contenterai  de  vous 
en  faire  voir  huit. 

Je  vais  donner  le  numéro  20 
à  la  première. 

Elle  a  la  lanière  nasale  très 
nettement  dessinée;  mais  il  est 
difficile  d'affirmer  que  les  autres 
éléments  de  chevêtre  aient  été  re- 
présentés. Cependant  il  semble 
quedans  lafigure20dz,on  ait  voulu 
dessiner  la  bande  œillère  ;  d'au- 
lx,    «.    ,  „,  rr-,    j.-    ...         très  traits  peuvent  être  interprétés 

tiG.  21  et  21  a.  —  Tcte  d  equide  ^  ^ 

enchevêtrée.  comme  représentant  le  filtage.  Une 


FiG.  20  et  20  a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 


48 


ED.  PIEtTE. 


ligne  franchement  accusée  au-dessus  de  la  barbe  semble  avoir  été 
faite  pour  indiquer  la  pièce  rigide.  Tout  cela  est  fort  mal  figuré. 

Le  clievêtre  de  la  figure  21  a  est  assez  complet;  il  a  la  corde  nasale, 
la  pièce  rigide  percée  de  trous,  la  bande  œillère  s'embranchant 
sur  la  corde  nasale,  le  filtage  et  une  courroie  partant  de  l'extrémité 
postérieure  de  la  pièce  rigide  et  se  dirigeant  vers  l'oreille.  Cette 
courroie  n^est  indiquée  que  par  deux  traits  parallèles,  à  son  point 

de  départ.  La  figure  21 
est  beaucoup  moins  bien 
dessinée.  Au  premier 
abord,  il  semble  que  le 
chevêtre  ne  soit  pas  re- 
présenté; mais  si  l'on  fait 
bien  attention,  on  voit 
qu'il  y  a  des  traces  de  la 
corde  nasale,  de  la  pièce 
rigide  et  de  la  bande  œil- 
lère. 

Les  chevêtres  des  figu- 
res 22  et  22  a  sont  assez 
complets  :  la  courroie 
nasale  y  est  bien  figurée; 
lapièce  rigide  est  indiquée 
à  son  extrémité  antérieure 
dans  la  figure  22;  il  n'est 
pas  certain  qu'elle  soit 
figurée  dans  la  figure  22fl. 
Le  filtage  est  indiqué  très  sommairement  par  une  série  de  traits;  la 
bande  œillère  est  incontestablement  représentée. 

Dans  les  figures  23  et  23  a,  le  chevêtre  est  assez  complet.  La  corde 
nasale  de  celui  de  la  figure  23  fait  trois  fois  le  tour  du  nez.  Le 
filtage  est  indiqué  suffisamment.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  pièce 
rigide  qui  fait  défaut  dans  la  figure  23  et  qui  dans  la  figure  23  a  n'est 
indiquée  que  d'une  manière  très  contestable.  Il  n'y  a  pas  de  bande 
œillère. 

Dans  les  fig.  24  et  24  a^  le  chevêtre  est  très  incomplètement 
figuré.  La  lanière  nasale  est  représentée  par  une  simple  ligne 
verticale  dans  la  fig.  24,  par  deux  lignes  verticales  dans  la  fig.  24  a. 
La  pièce  rigide  est  plus  incomplètement  représentée  dans  la  fig.  24 
et  il  est  douteux  qu'elle  le  soit  dans  la  figure  24  a.  Dans  la  figure  24 


Fig.  22  et  22"a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


49 


une  courroie  indiquée  par  deux  petits  traits  passe  sous  la  ganache  ; 
elle  fait  défaut  dans  la  fi- 
gure 2i  «.Trace  de  filtage. 
Une  corde  du  bâti  est  gra- 
vée dans  la  figure  24  a. 

Dans  les  figures  25  et 
25  a  le  chevêtre  est  en- 
core plus  mal  indiqué  que 
dans  les  figures  précé- 
denles.  On  peut  prétendre 
même  que  la  tête  de  la  fig. 
25  a  n'en  a  pas,  quoiqu'il 
semble  bien  que  le  gra- 
veur en  ait  commencé  un. 
La  tète  de  la  figure  25  en 
a  incontestablement  un, 
puisqu'elle  a  la  lanière  na- 
sale. Cette  tète  est  si  mal 
aite  que  je  m'abstiens  d'en 
interpréter  les  autres  traits. 

En  revanche  celui  des 
fig.  26  et  26  «  quoiqu'elles 
ne  soient  que  des  repré- 
sentations d'un  fragment 


FtG.  23  et  23  a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 


Fio.  24  et  24  a.  —  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 

l'aNTHROPOLOSIK.    —   T.    XVII.  —   1906. 


de  gravure  est  incon  - 
teslable.  La  figure  26 
montre  une  courroie  na- 
sale, une  bande  œillère 
et  une  courroie  descen- 
dant sous  la  ganache . 
Dans  la  figure  26  «,  il  y  a 
la  bande  œillère  et  une 
courroie  allant  dans  la  di- 
rection de  l'oreille. 

Les  figures  27  et  27  a 
ne  représentent  aussi 
qu'un  fragment  de  gra- 
vure, mais  la  courroie  na- 
sale y  est  profondément 


50 


ED.  PIETTE. 


incisée  et  elle  est  reliée  au  bâli  du  chevêtre  par  une  autre  courroie. 

—  Je  vous  ai  laissé  exposer  votre  opinion  sur  toutes  ces  gra- 
vures sans  vous  interrompre,  non  par  mauvaise  liumeur;  mais  parce 
que  je  partage  votre  manière  de  voir.  Presque  toutes  se  rapportent 
au  type  de  Saint-Michel  d'Arudy  simpliQé,  c'est-à-dire  symbolisé. 

—  Les  figurations  de  têtes  d'équidé  enchevêtrées,  rares  dans  les 
couches  à  sculptures  sont  en  grand  nombre  dans  l'assise  des  gra- 
vures à  contours  découpés;  elles  sont  moins  abondantes  dans  les 

autres  assises  à  gravures.  L'é- 
quidé  de  Lourdes,  qui  a  Tal- 
lure  des  asinés,  puisqu'il  tient 
le  cou  horizontalement ,  en 
prolongement  de  l'échiné,  a  été 
représenté  par  une  très  jolie 
statuette  d'ivoire  dont  la  tête 
porte  un  chevêtre  à  peine  in- 
diqué par  une  cordelette  nasale 
et  une  pièce  rigide,  fig.  28 
(planche  XI,  fig.  2,  planche  XII 
et  planche  XIII  de  l'album). 

Nous  avons  vu  aussi  qu'une 
autre  tête  sculptée  en  ronde 
bosse,  représentée  fig.  7,  7  a, 
7  b  porte  aussi  un  chevêtre  in- 
diqué par  la  pièce  rigide,  la 
bande  entourant  l'œil  et  une 
pièce  de  harnais  placée  der- 
rière l'oreille  destinée  à  fixer 
le  chevêtre.  La  fig.  15  est  aussi 
celle  d'une  sculpture  d'une 
tête  d'équidé  enchevêtrée.  Ainsi  dès  le  début  de  l'âge  glyptique 
les  chevêtres  représentés  sont  déjà  complexes.  Il  est  probable, 
comme  vous  le  dites,  que  le  chevêtre  primitif  consistant  en  une  sim- 
ple lanière  nasale  était  connu  antérieurement.  Lorsque  l'homme 
eut  reconnu  l'avantage  qu'il  pouvait  retirer  de  la  lanière  nasale,  il 
lui  fallut  du  temps  pour  perfectionner  le  chevêtre  et  l'amener  au 
degré  de  complication  des  chevêtres  de  Brassempouy,  de  Laugerie- 
Basse  et  de  Saint-Michel  d'Arudy. 

—  Je  ne  veux  pas  vous  tenir  plus  longtemps,  cependant  j'ai 
encore  quelques  explications  à  vous  demander.  L'un  de  mes  amis 


FiG.  25  et  25  a.  —  Tête  d'équidé 
enchevêtrée. 


ÉTUDES  D'ETHiNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE. 


51 


prétend  que  ce  que   vous  prenez  pour  des  représentations  de  che- 
vêtre  n'est  ni  un  harnais,  ni  un  ornement.  Il  fait  remarquer  que 

certains  os  et  certains  muscles 
font  saillies  surla  figure  du  cheval, 
et  que  ce  sont  ces  saillies  que  les 
graveurs  glyptiques  ont  voulu 
représenter. 


FiG.  26  et  26  a.  —  Tête  d'équidé 
enchevêtrée. 


FiG.  27  et  27  a.  —  Tête  d'é- 
qaiué  enchevêtrée. 


—  En  remarquant  que  les  os  font  des  saillies  sur  la  figure  de 
Téquidé,  votre  ami  a  fait  une  bien  belle  découverte.  Je  ne  sache  pas 


—  Asiné  enchevêtré?  Caverne  des  Espélugues-Lourdes. 


que  personne  ait  jamais  fait  imprimer  cela.  Je  me  garderai  donc 
d'y  répondre  de  peur  de  prêter  à  votre  ami  des  opinions  qui  ne  sont 


52 


ED.  PIETTE. 


pas  les  siennes.  Je  ferai  seulement  observer  que  le  clievetre  étant 


Fio.  29  et  29  a.  -  Bois  de  renne  ornementé  que  M.  Pigorini  a  rapporté  à  une  pièce 

rigide  de  chevêtre. 

un  vêtement  de  la  têle  de  l'équidé,  il  en  suit  tous  les  contours,  et 
les  saillies  servent  à  l'assujettir  plus  sûrement. 

—  Encore  un  mot.  Pourriez-vous  me  montrer  Tobjet  que  M.  Pi- 
gorinis  à  rapporté  à  une  pièce  rigide  de  chevêtre? 


ÉTUDES  D'ETHNOGRAPHIE  PRÉHISTORIQUE.  53 

—  Bien  volontiers;  je  donnerai  le  numéro  29  et  29  «  à  la  figu- 
ration de  cette  pièce. 

—  Elle  n'est  pas  semblable  aux  représentations  de  ce  harnais 
aux  temps  glyptiques. 

—  Non,  mais  de  nos  jours  les  pièces  rigides  de  chevêtre  sont  en 
bois.  II  est  probable  qu'il  en  était  de  même  à  l'âge  du  Renne.  Le 
bois,  le  cuir  les  cordes  ont  disparu  par  l'effet  du  temps.  On  peut 
admettre  qu'il  y  avait  des  chevètres  d'apparat  dont  les  pièces  rigides 
étaient  plus  soignées.  Celles  qui  étaient  en  ramure  de  renne  et  en 
ivoire  se  sont  conservées  jusqu'à  nos  jours  sous  l'abri  des  cavernes. 
L'objet  de  M.  Pigorini  rapporté  à  un  chevêtre  devait  être  une 
pièce  d'apparat.  Il  y  en  a  d'autres,  mais  leur  examen  nous  mène- 
rait trop  loin.  Ce  premier  article  n'a  pour  but  que  de  faire  connaître 
les  représentations  de  ce  harnais  aux  temps  glyptiques.  Les  bois 
de  renne  ornementés  que  Ton  prend  pour  des  portions  de  chevêtre 
seront  décrits  dans  un  second  article. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES 

DANS  L'EUROPE  CENTRALE 


PAR 

HUGUES  OBERMAIER 


SECONDE  PARTIE  (1) 

DÉCOUVERTES    FAITES    EN   ALLEMAGNE. 

L'Allemagne  possède  beaucoup  moins  de  stations  quaternaires 
que  l'Autriche-  Hongrie  ou  la  France,  ses  voisines,  et  ce  phénomène 
s'explique  facilement  par  la  situation  de  ce  pays  entre  deux  centres 
glaciaires,  c'est-à-dire,  entre  les  glaciers  du  Nord  et  ceux  des  Alpes. 

Les  stations  situées  en  plein  air  appartiennent  pour  la  plupart  à 
l'époque  des  steppes,  et  se  trouvent  dans  le  loess  ;  cependant  nous 
connaissons  plusieurs  gisements,  avec  industrie  du  Paléolithique 
inférieur  ( «  moustérienne  » )  ou  de  Tâge  du  Renne  (u  magdalénienne  >: ) 
en  dehors  des  cavernes.  Ceux-ci  n'appartiennent  en  aucun  cas  au 
loess,  mais  à  d'autres  formations  géologiques,  par  exemple  le  gise- 
ment de  Taubach  (Moustérien)  à  des  tufs,  celui  de  Schussenried  en 
Wurtemberg  (Magdalénien)  à  une  couche  tourbeuse,  entourée  de 
graviers  tluvioglaciaires,  celui  d'Andernach  (Magdalénien)  à  des 
dépôts  volcaniques. 

Les  autres  stations  se  trouvent  dans  des  cavernes. 

Quant  à  leurs  dépôts  archéologiques,  les  stations  du  loess,  qui 
sont  du  reste  pour  la  plupart  très  pauvres,  se  rattachent  aux  gise- 
ments du  loess  en  Autriche,  avec  une  industrie  («  solutréenne  »)  de 
chasseurs  des  Mammouths. 

Les  autres  gisements  appartiennent  en  partie  au  Paléolithique 
inférieur,    et  renferment,  comme  je    l'ai  exposé  il    y  a   peu  de 

(1)  Voir  :  L'Anthropologie,  XVI,  1905,  p.  385. 

Liste  des  abréviations  employées  au  cours  de  ce  mémoire  .M.  A.  G.  Mitteilungen 
der  anlhropologischen  Gesellschaft  in  Wien;  A.  F.  A.  Archiv  fuer  Anthropologie 
(Brunswick);  Z.  E.  Y.  Zeitschrift  fuer  Ethnologie  (Berlin),  Verhandlungen  der  Ber- 
liner  Gesellschaft  fuer  Anthropologie,  Ethnologie  und  Urgeschichie;  Corr.  Correspon- 
denzblalt  der  deutschen  Gesellschaft  fuer  Anthropologie,  Ethnologie  und  Urgeschichte 
(Munich). 

l'anthropologie,  —  T.    XVII.   —    1906. 


.%  HUGUES  OBERMAIER. 

loinps  (I),  OU  un  Mouslt^rien  à  faune  froide  ou  un  Moustérien  à 
faune  chaude.  Les  stations  à  industrie  de  Renne  sont  les  plus 
récentes.  Ce  fait  résulte  de  l'analogie  complète  qui  existe  entre  les 
trouvailles  faites  en  Autriche  et  en  Suisse,  et  aussi  directement  de 
la  stratigraphie.  Dans  la  caverne  de  Bockstein  (en  Wurtemherg), 
une  couche  à  industrie  de  chasseurs  des  Mammouths  (qui  a  donné 
entre  autres  une  grossière  pointe  en  feuille  de  laurier)  a  été  trouvée 
sous  une  couche  à  industrie  pure  du  Renne. 

En  ce  qui  concerne  la  faune^  les  deux  industries  les  plus  récentes 
ne  diffèrent  guère  l'une  de  l'autre. 

L'Allemagne  du  Nord  proprement  dite  (y  compris  la  Pologne), 
nous  fournit  des  renseignements  intéressants  pour  la  chronologie 
géologique. 

En  effet,  les  stations  du  Paléolithique  inférieur,  qu'on  a  décou- 
vertes dans  les  cavernes  du  Harz  (Ruebeland),  à  Taubach  et 
à  Wiérzchow,  dans  les  collines  jurassiques  près  de  Cracovie,  se 
trouvent  toutes  à  Tintérieur  de  la  limite  extrême  de  la  plus  grande 
extension  des  glaciers  du  Nord  (anciennes  moraines)  et  en  dehors 
des  moraines  récentes  (moraines  baltiques).  Il  est  remarquable, 
que  des  blocs  erratiques  aient  été  rencontrés  dans  le  Harz  (2)  et 
dans  les  montagnes  près  de  Cracovie  (3),  au-dessus  des  cavernes 
en  question.  Si  celles-ci  avaient  été  ouvertes,  on  les  trouverait 
remplies  de  graviers  ou  de  boues  morainiques,  ou  si  elles  avaient 
été  antérieures  à  la  plus  grande  époque  glaciaire,  elles  auraient  été 
complètement  remaniées.  Or  ceci  n'a  pas  eu  lieu,  et  les  couches 
moustériennes  s'y  trouvent  dans  un  lehm  intact;  il  en  résulte  que 
le  Moustérien  est,  dans  le  Harz  et  en  Pologne,  postérieur  à  la  plus 
grande  époque  glaciaire,  que  je  considère  comme  contemporaine 
de  la  troisième  époque  glaciaire  des  Alpes,  qui  était  ici  également 
la  plus  développée.  Taubach  serait  en  ce  cas  peut-être  encore  plus 
récent,  ainsi  que  certainement  les  gisements  de  Tiede-Westeregeln 
(situées  entre  Hannover  et  Magdeburg)  qui  appartiennent  au  dernier 
loess,  en  dehors  du  Flaeming  et  de  la  zone  des  moraines  terminales 
baltiques. 


(1)  H.  Obermaier,  L'Anthropologie,   Paris,  XVI,  1903,  p.  18. 

(2)  Voir  :  K.  A.  Lossen,  Geognoslische  Vehersichtskarle  des  Harzgebirges . 

(3)  Dr  St.  Zareczny,  Atlas  geologiczny  galicyi  (vol.  III,  avec  texte).  (La  caverne  de 
Wiérzchow  est  à  351-400  mètres  d'altitude  ;  on  trouve  encore  des  blocs  erratique 
entre  Lgota  et  Ostreznica  à  445  naètres). 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       57 

Nous   avons    ainsi    comme    stations,    ayant  donné  des    restes 
humains  certainement  quaternaires  : 

I.  Moiistérien  chaud  (atypique)  : 

Station  de  Taubach. 

II.  Magdalénien  froid  : 

Gisement  d'Andernach. 


Restes  humains  sùreiuent  qua(ernaire!<. 

Les  l'esté  s  humains  de  Taubach. 

La  station  de  Taubach  (près  Weimar)  est  bien  connue  et  j'ai  eu 
moi-même  l'occasion  d'en  parler  récemment  dans  cette  revue  (1). 
C'est  pourquoi  je  ne  donne  ici  que  la  série  générale  des  couches,  à 
laquelle  je  dois  ajouter  quelques  renseignements  supplémentaires. 

La  base  du  gisement  de  Taubach  était  formée  par  des  graviers  et 
des  sables,  en  partie  d'origine  glaciaire.  Au-dessus,  des  tufs  subaé- 
riens renfermaient  la  faune  connue  à  Elephas  aniiquus  et  Rhinocéros 
Mercki  dans  les  parties  inférieures  avec  un  dépôt  archéologique  (à 
instruments  moustériens,  pour  la  plupart  atypiques,  des  os  cassés 
et  brûlés  et  des  foyers).  Les  parties  supérieures  de  ces  tufs  conte- 
naient déjà  une  faune  froide  (avec  Elephas  primigenius,  Rhinocéros 
tichorhinus  et  Rangifer  tarandus,  mais  sans  traces  de  la  présence  de 
l'Homme)  (2).  La  dernière  couche  était  formée  par  du  loess  typique. 

M.  A.  Weis  (3)  en  1892  a  trouvé  lui-même  dans  la  couche  archéo- 
logique (à  5°°, 25  de  profondeur)  une  dent  d'enfant  dont  l'authenti- 
cité ne  peut  être  mise  en  doute  (4).  A.  Nehring  (5)  a  aussi  parlé 
d'une  molaire  d'adulte  provenant  de  la  même  couche;  mais  le  Pro- 


(1)  H.  Obermaier,  L'Anthropologie,  XVf,  1905,  p.  22. 

(2)  Je  dois  cette  communication  intéressante  à  M.  le  D^  E.  Wuest,  qui  m'écrit 
que  l'état  de  conservation  des  restes  des  trois  dites  espèces  met  hors  de  doute  qu'ils 
proviennent  aussi  des  tufs.  Néanmoins  on  ne  peut  les  placer  que  dans  les  parties 
supérieures,  qui  forment  une  couche  de  transition  à  l'époque  du  loess. 

(3)  0.  SCHOETKNSACK,  Z.  E.  F.,  XXVII,  1895,  p.  92. 

(4)  A.  Nkfjring.  Nalurwissenscha/U  Wockenschrifl.,  Berlin,  X,  ,1895,  p.  369.  ;  Id., 
Z.  E.  V.,  XXVII,  1895,  p.  338,  425,  513. 

(5)  A.  Nehring,  Naturwiss.  Wochemchrift,  Berlin,  X,  1895,  p.  371. 


58  HUGUES  OBKRMAIER. 

fesseiir  Klopftleiscli  ne  Ta  pas  retirée  personnelleinent,  il  l'a  reçu 
d'un  ouvrier.  Je  n'ose  la  considérer  comme  sûrement  quaternaire, 
d'autant  plus  que  des  fraudes  ont  eu  lieu  à  Taubach  dès  le  com- 
mencement des  fouilles.  Comme  les  savants  montraient  un  vif  inté- 
rêt pour  les  ossements  humains,  on  a  bientôt  présenté  un  crâne, 
(jue  R.  Virchow  (i)  a  reconnu  provenir  très  probablement  d'une 
station  néolithique,  située  dans  la  même  localité,  et  nullement  du 
gisement  paléolithique.  On  a  aussi  vendu  à  des  amateurs  des  silex 
néohthiques  comme  de  provenance  quaternaire,  ainsi  que  des  fos- 
siles de  carrières  des  environs  sous  la  même  fausse  étiquette. 

Le  gisement  à! Andernach  (2). 

La  station  d'Andernach  est  un  gisement  en  plein  air  situé  à  20  km. 
environ  au  Nord  de  Coblenz,  sur  une  terrasse  à  30  mètres  au-dessus 
du  niveau  actuel  du  Rhin.  La  couche  archéologique  se  trouvait 
dans  un  lehm  recouvrant  une  coulée  de  lave,  dont  les  parties  supé- 
rieures étaient  déjà  bien  désagrégées.  Les  instruments  en  quartzite, 
qu'on  y  a  recueillis,  représentent  les  types  connus  du  Paléolithique 
supérieur;  à  côté  d'eux  on  a  trouvé  de  nombreuses  pointes  et 
ciseaux,  des  aiguilles  et  harpons  en  os  et  bois  de  Renne,  en  partie 
décorés.  La  faune  se  composait  de  :  Equin-  cabaiias,  Rangifer 
taranduSy  Bos  prhnigenius,  Canis  lagopiis,  Cervus  elaphusy  Lagopus 
albiis,  Lepus  varmbilis,  etc.  ;  en  outre  on  a  recueilli  quelques  débris 
humains  :  deux  incisives  d'enfant  et  sept  fragments  de  côtes.  Leur 
âge  quaternaire  est  certain,  car  tout  le  gisement  était  en  quelque 
sorte  scellé  par  les  produits  d'une  éruption  de  pierres-ponces  posté- 
rieure, formant  une  couche  d'une  épaisseur  de  5  à  6  mètres,  sur 
laquelle  reposait  la  terre  végétale. 

Les  trouvailles  d'Andernach  sont  conservées  au  Provinzial- 
Museum  à  Bonn. 

II 

Indications  a  écarter  co>iMi<:  erronées,  douteuses  ou   insuffisantes. 

a)  Bavière. 
Les  restes  kumain'i  de  la  «  Raûherhoehle   »  [pi^ès  Ratisbonne)  (3). 

(1)  R.  Virchow,  Z.  E.  T.,  1872,  p.  260  et  279;  1877,  p.  27;  A.  Gok.tzb,  Z.  E.  F.,  1892, 
p.  371. 

(2)  H.  ScHAAFFHAUSEN,  Ja^rôwec/ier  des  Vereins  von  Aller tumft freunden  im  Rheinlande. 
Bonn,  1888,  Heft.  LXXXVI,  p.  1  ;  in  ,  ^.  f.  A.  1881,  p  516;  1d.,  Verhandlqn  des 
naturhisl.  Vereins  zu  Bonn.  188.3,  p.  39  et  63  ;  Id.,  Corr.,  1883,  p.  121,  et  1884,  p.  144). 

(3)  K.  ZiTTEL,  A.  f.  A.,  V,  1872,  p.  325;  Id.,  Corr.,  1873,  p.  53  ;  0.    Fraas,  Schwae- 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       59 

Cette  caverne  est  à  8  km.  environ  à  l'Ouest  de  Ratisbonne,  dans 
la  vallée  de  la  Nab,  non  loin  du  lieu  où  cette  rivière  se  jette  dans 
le  Danube.  Elle  a  été  fouillée  en  1871  par  0.  Fraas,  Ch.  de  Zittel  et 
F.  de  Guembel,  qui  y  rencontrèrent  une  couche  néolithique  avec 
faune  récente  et  un  niveau  inférieur  quaternaire  (avec  restes  de 
Hyaena  spelaea^  Ursus  spelaeus^  Eqiiiis  cahallus.  Rhinocéros  ticho- 
rhiniis^  Elephas  pi^imigenius,  Rangifer  larandus^  Antilope  saïga, 
Cervus  elaphus,  Cervus  capreolus).  On  ne  peut  nier  que  des  remanie- 


Nota: 

Localité  avec  des 
restes    humaine 
sûrement  quaternaires 


RUSSIE 


/i"  ffof^f^^/^  <^«'l- 


FiG.   1 


ments  considérables  n'aient  été  produits  plus  tard  par  THomme  ou 
par  des  animaux,  parce  que  des  ossements  quaternaires  se  trouvaient 
assez  fréquemment  dans  la  couche  néolithique  et  inversement.  Je 
n'ai  pu  retrouver  les  rares  instruments  quaternaires  en  os  ou  en 
bois  de  Renne,  dont  Ch.  de  Zittel  a  parlé,  ni  au  muséum  de  Munich, 
ni  à  Ratisbonne,  ni  à  Londres,  où  une  partie  des  objets  a  été  trans- 


hische  Chronik.  1871,  p.  3623;  J.  Ranke,  Beitraege  zur  Anthropol.  u.  Urgeschichte 
Bayerns,  II,  1879,  p  198  ;  J.  Dahlem,  Das  mitlelaltert.-roemische  Lapidarium  etc.  zu 
St  Ulrich  in  Regenshurq.  Regeusburg,  1890,  p.  25;  (Anonymus,  Corr.,  1871,  p.  92,  et 
1879,  p.  85). 


60  HUGUES  OBEKMAIKR. 

portée.  De  même  tout  ce  qne  j'ai  pu  voir  en  fait  d'instruments  en 
silex,  n'était  que  des  éclats  atypiques,  à  fractures  et  couleurs  rela- 
tivement fraîches,  sans  aucun  des  types  que  contiennent  ordinaire- 
ment tous  les  gisements  paléolithiques  même  les  plus  pauvres.  Dans 
ces  conjonctures  je  n'ose  pas  admettre  l'existence  d'une  station 
paléolithique  dans  la  «  Raiiberhoehle  am  Schelmengraben  ».  Quoi 
qu'il  en  soit,  on  ne  peut  song^er,  vu  les  remaniements  considérables, 
à  déterminer  l'âge  d'un  jeune  individu,  dont  quelques  fragments  de 
crâne  ont  été  trouvés  dans  la  caverne. 

La  caverne  de  GaUenreiith  (1). 

Les  cavernes  jurassiques  de  Franconie  ont  été  maintes  fois 
fouillées  pendant  les  siècles  passés,  surtout  pour  récolter  1'  «  ebur 
fossile,  »  nom,  sous  lequel  on  a  vendu  les  ossements  des  animaux 
quaternaires,  qui  ont  servi  pour  la  fabrication  de  remèdes  fort 
appréciés. 

Dès  le  xvni®  siècle  le  curé  F.  Esper  organisa  des  recherches  ins- 
pirées par  un  intérêt  scientifique;  il  recueillit  dans  la  caverne  de 
Gailenreuth  un  crâne,  une  mâchoire  et  une  omoplate  humains,  qui 
se  trouvaient,  d'après  son  rapport  clair  et  net,  dans  une  couche 
intacte  de  lehm,  associés  à  des  os  de  l'Ours  des  cavernes,  de  TOurs 
gris,  du  Glouton,  etc.  Fsper  en  tira  la  conclusion  logique,  que  les 
restes  humains  et  ceux  des  animaux  devaient  être  de  même  âge. 

Mais  le  règne  des  opinions  de  Cuvier  commença  bientôt  à  devenir 
trop  absolu,  pour  qu'on  pût  admettre  cette  opinion,  établie  et 
défendue  par  la  science  moderne.  On  considérait  les  objets  comme 
provenant  d'une  sépulture  plus  récente  et  on  ne  s'en  occupa  plus. 

La  caverne  (TOfnet  (2). 

La  caverne  d'Ofnet  se  trouve  dans  la  montagne  jurassique  de  la 
((  Rauhen  Alb  )),non  loin  de  la  ville  de  Noerdhngen.  Les  premières 
fouilles  y  furent  entreprises  par  0.  Fraas  (en  1875  et  1876)  qui 
trouva  une  couche  quaternaire  avec  des  restes  de  :  Elephas  primi- 

(1)  F.  EsPEB,  Description  des  Zooiithes  nouvellement  découvertes  d'animaux  qua- 
drupèdes inconnus  et  des  cavernes  qui  les  renferment,  de  même  que  de  plusieurs 
autres  grottes  remarquables,  qui  se  trouvent  dans  le  margraviat  de  Bareith,  au  delà 
des  monts.  Trad.  de  l'allemand  par  I.  F.  Isenflam.m.  Nuremberg,  1774  (p.  21)  ;  I.  Ranke, 
Der  Mensch.  Leipzig,  1894,  11,  p,  394. 

(2)  0.  Fraas,  Corr.,  1876,  p.  u7,  et  1886,  p.  33  ;  J.  Ranke,  Beitraege  zur  Anthropolo- 
gie und  Urgeschichte  Bayerns,  1879,  p.  198;  1d.,  Der  Mensch,  Leipzig,  1894,  II,  p.  453 
et  465;  M.  Schlossi-r,  Beitraege   zur  Anlhrop.  u.    Urgesch.  Bayerns,  XIII,  1899,  p.  58. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       61 

genius^  Rhinocéros  tichorhinus^  Hyaena  spelaea,  Ursus  spelaeiis, 
Equus  caballus,  Equus  hemioniis,  Cermts  elaphiis,  Cerviis  ynegaceros, 
Rangifer  tarandiis.  Elle  renfermait  aussi  des  instruments  en  silex 
de  type  magdalénien  et  quelques  rares  instruments  en  os  ou  bois 
de  Renne,  enfin  des  traces  d'oligiste,  etc.  Malheureusement  on  a 
omis  de  séparer  nettement  les  niveaux,  de  sorte  que  des  restes 
plus  récents,  comme  des  fragments  de  poterie,  une  pointe  de  flèche 
néolithique,  etc.,  sont  cités  à  côté  des  objets  certainement  paléoli- 
thiques. Dans  ces  circonstances  on  ne  peut  utilement  aborder  la 
question  de  l'âge  des  squelettes  de  trois  individus  que  0.  Fraas  a 
trouvés.  11  en  est  de  même  de  quelques  autres  fragments  humains, 
que  J.  Munk  a  recueillis  plus  tard  tout  isolés  dans  un  sol  qui  avait 
été^  du  moins  en  partie,  aussi  remanié. 

h)  Wurtemberg. 

Je  tiens  à  donner  seulement  deux  indications  d'un  certain  intérêt 
historique.  D'anciens  rapports  (1)  mentionnent  un  crâne  humain, 
trouvé  en  1833  dans  la  «  Schillerhoehle  »  près  WittHngen,  et  un 
second,  découvert  en  1834  dans  la  «  Erpfînger  ou  Karls-Hoehle  ». 
Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  stratigraphique  ou  paléon 
tologique  sur  ces  cavernes,  pas  plus  que  sur  les  crânes  en  question. 

Heppenloch  (2). 

Le  «  Heppenloch  »  près  Gutenberg  se  divise  en  plusieurs  cavités. 
Ce  n'est  que  dans  la  première,  que  M.  Hedinger  rencontra  des 
restes  humains,  en  même  temps  que  des  traces  d'un  foyer  et  des 
fragments  de  vases.  La  trouvaille  n'est  donc  en  aucun  cas  quater- 
naire. La  seconde  cavité,  o\x  M.  Hedinger  a  trouvé  les  restes  si  in- 
téressants de  Vlnniius  sueoicus  et  Aceratherium  incisivum  n'ont 
rien  fourni  en  fait  d'ossements  humains. 

Le  squelette  de  la  Rocksteinhoehle  (3). 
Le  Bocksteinhoehle,  située  dans  la  vallée  de  la  Lone,  non  loin  de 

(1)  ECKER,  A.  F.  A,  1812,  p.  487. 

(2)  A.  Hedinger,  Corr.,  1891,  p.  9  et  20;  Id.,  Jahreshefle  des  Vereins  fuer  valerlaend. 
Naturkunde  in  Wurltemberg^  1891  ;  Id.,  Neues  Jahrbuch  fuer  Minéralogie,  etc.,  I, 
1891  ;  Id.,  Wûrttemberg,  naturvnssensch.  Jahreshefle,  LXVII,  1891,  p.  1. 

(3)  N.  BuEHOER,  Festgruss  zur  XXIII.  Versammlg.  der  deutschen  anlh?'opoL  Gesell- 
schaft  in  Ulm.  1892  ;  Id.,  Corr.  1892,  p.  107  ;  0.  Fraas,  Corr.,  1884,  p.  9  et  1886,  p.  37  ; 
Dr  V.  HoRLDER,  Ausland,  LVllI,  1885,  p.  285  et  779. 


62  HUGUES  OBERMAIER. 

Bissingen,  a  été  touillée  en  1882  et  1883  parle  D'  Loscli,  N.  Buerger 
et  0.  Fraas.  Le  lehm  quaternaire,  recouvert  par  des  couches 
(l'éboulis  récents,  contenait  deux  niveaux  archéologiques,  que 
0.  Fraas  a  su  bien  distinguer.  Le  dépôt  inférieur  donna  des  lames  et 
pointes  en  silex  de  grandes  dimensions,  une  grossière  pointe  en 
feuille  de  laurier,  des  pointes  et  spatules  en  os,  corne  et  ivoire, 
mêlées  avec  des  os  de  Hyaena  spelaea^  Ursits  spelaeiis,  Caiiis  lago- 
piis^  Capra  [ibex  seu  rupicapra)^  Sus  scrofa^  Rangifer  tarandus, 
Cerviis  dama^  Equus  caballus,  etc.).  Dans  la  couche  supérieure  on 
recueillit  des  instruments  en  silex  beaucoup  plus  fins,  des  pointes 
en  os  et  bois  de  Renne,  des  coquilles  perforées,  etc.,  accom- 
pagnées de  restes  de  Hyaena  spelaea^  Ursus  spelaeuSy  Felis  spelaea, 
Eleplias  primigenius,  Rangifer  tarandus^  Cerviis  megareros^  Bas 
bison,  Equus  caballus,  Rhinocéros  tichorhinus.  Il  résulte  clairement 
des  rapports  des  dits  savants,  que  des  remaniements  avaient  eu  lieu 
en  quelques  endroits,  de  sorte  qu'on  a  aussi  trouvé  des  fragments 
de  poterie  dans  la  couche  supérieure  magdalénienne. 

Les  restes  humains  de  cette  caverne  firent  beaucoup  de  bruit. 
Buerger  avait  trouvé  à  une  profondeur  de  0™,87,  au  niveau  de  la 
couche  magdalénienne,  le  squelette  d'une  femme,  et  auprès  d'elle  les 
restes  d'un  enfant  né  à  terme.  Schaaniiausen,  qui  attribuait  une 
importance  exagérée  à  plusieurs  particularités  du  crâne  féminin  (à 
son  grand  prognathisme,  à  son  processus  frontalis  squamae  tem- 
poralis,  etc.),  soutint  avec  Buerger  l'âge  quaternaire  du  squelette, 
que  J.  de  Iloelder  combattit  vivement. 

La  question  fut  définitivement  résolue,  lorsqu'on  trouva  une  note 
dans  un  ancien  registre  paroissial  d'Oellingen  (i),  qui  établit  bien 
clairement  qu'il  s'agissait  du  corps  d'une  personne  qui  s'était 
suicidée  en  1739,  et  qui  pour  cette  raison,  ne  fut  pas  enterrée  au 
cimetière,  mais  dans  la  caverne  voisine  de  Bockstein. 

La  caverne  du  Hohlefels  (2). 

A  vingt  minutes  de  Schelklingen,  près  Blaubeuren,  dans  la  vallée 
de  TAch,  se  trouve  la  grotte  du  Hohlefels.  Elle  a  été  examinée  par 
0.  Fraas  et. T.  Hartmann  en  1870  et  1871.  Le  lehm  quaternaire 
jaune,  qui  était  couvert  de  terre  végétale  moderne  et  d'éboulis,  ren- 

(1)  Corr.,  1900,  p.  40. 

(2)  0.  Fraas,  .4.  F.  A.,  1872,  p.  173  ;  Corr.,  1871,  p.  38  ;  Corr.,  1886,  p.  36  ;  N.  Escher, 
Verhaiidlgn  der  schweizer.  nat.  Gesellsch.  zu  Frauenfeld,  1872,  p.  228  ?  J.  Ranke,  Der 
Mensch,  Lepzig,  1894,  II,  p,  448. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       63 

fermait  avec  une  faune  quaternaire  [Ursiis  spelaetis^  Elephas  primi- 
geniiis,  lihinoceros  lichorhinus^  Raiigifer  tarandus,  Equus  cabalhis^ 
Ovibos  moschatiis^  Bison  priscus,  Felis  leo^  Cervus  elaphus^  Lepiis 
variabilis,  Cygrivs  mitsfciis)  des  foyers  avec  de  nombreux  os  de 
Renne  cassés,  beaucoup  d'instruments  en  silex  et  environ  vingt 
instruments  en  os  et  en  bois  de  Renne.  0.  Fraas  mentionne  aussi 
le  fragment  d'un  fémur  humain,  qui  aurait  l'air  d'avoir  été  broyé 
par  un  Ours  des  cavernes.  Malheureusement  les  fouilles  dans  le 
Hohlefels  ont  eu  lieu  à  une  époque  oii  on  ne  savait  pas  toujours 
séparer  les  divers  niveaux;  0.  Fraas  même  parle  des  fragments  de 
poterie  qu'il  a  rencontrés  dans  la  couche  magdalénienne,  sans 
vouloir  les  présenter  comme  provenant  de  cette  époque.  La  liste 
paléontologique  révèle  une  composition  certainement  due  à  des 
remaniments  locaux.  11  est  donc  hors  de  doute,  qu'il  y  avait  dans 
la  Hohlefels  une  station  de  l'âge  du  Renne,  mais  l'âge  du  dit  fémur 
n'est  pas  incontestablement  établi,  on  ne  saurait  affirmer  qu'il 
provient  des  couches  restées  intactes^  et  qu'il  soit  quaternaire. 

Le  crâne  de  Cannstatt  (1). 

La  provenance  du  crâne  de  Cannstatt  (près  Stuttgart)  est  tout  à 
fait  obscure.  En  1700,  le  duc  Eberhard-Louis  de  Wurtemberg,  fit 
faire  des  fouilles  dans  un  oppidum  aux  environs  de  Cannstatt.  Elles 
donnèrent  beaucoup  d'objets  romains  et,  à  la  base,  des  ossements 
fossiles  quaternaires,  notamment  de  d'Ursus  spelaeus,  &' Elephas 
primigeniiis,  âiHyaena  spelaea,  qui  furent  transportés  au  Cabinet 
d'histoire  naturelle  de  Stuttgart.  Ils  y  excitèrent  le  plus  grand 
intérêt  et  furent  l'objet  d'une  série  de  publications.  Il  est  bien 
remarquable  que  le  médecin  aulique,  le  docteur  Salomon  Reissel(2) 
qui  fit  le  premier  rapport  des  fouilles  l'année  môme  de  leur  exécu- 
tion et  qui  était  un  bon  ostéologiste,  insiste  sur  l'absence  complète 
de  restes  humains,  qu'il  avait  recherchés  avec  beaucoup  de  soin. 
Le  second  savant  qui  parle  des  trouvailles  de  Cannstatt,  le  docteur 

(1)  Dr  V.  HoELDER,  Covr.y  1873,  p.  89;  Id.,  ihid.,  1892,  p.  88  ;  (iôirf.,  0.  Fraas  et 
R.  ViRCHOw)  ;  Id.,  A.  f.  A.  II,  1867,  p.  82  ;  0.  Fraas,  Wuerle7nberg,  naturwissensch. 
Jahreshefte,  XVII,  1861,  p.  112  ;  De  Quatrefagrs  et  Hamy,  Crania  ethnica.  Paris,  1882  ; 
0.  Fraas,  SchwaebJche  Chronik,  1887,  p.  422  ;  Id.,  Cor^r.,  1887,  p.  123;  E.  d'Azy, 
V Anthropologie,  Paris,  l,  1890,  p.  722;  E.  Fkaas,  Corr.,  1892,  p.  117;  J.  Ranke,  Der 
Mensc/i,  Leipzig,  1894,  H,  p.  492;  E.  T.  Newton,  Palaeolithic  man.  Nature,  1898, 
p.  354  ;  G.  et  A.  de  Mortillet,  Le  Préhistorique,  Paris,  1900,  p.  249. 

(2)  Salomo  Reissel,  Unicornu  seu  ebur  et  ossa  fossilia  Canstadiensia.  Rapp.  de 
1700. 


64  HUGUES  OBERM.VIER. 

Spleissius  (i),  déclare  également  qu'on  n'a  trouvé  aucun  os  qu'on 
pourrait  comparer  à  des  os  humains,  Les  rapports  ultérieurs  du 
xviu^  siècle  ne  sont  pas  moins  négatifs,  car  les  découvertes  de  1700 
ont  été  encore  décrites  avec  détails  dans  un  catalogue  entre  1723 
et  1735;  il  n'y  est  non  plus  fait  mention  du  fragment  de  crâne 
humain.  Enfin  un  autre  médecin  aulique,  le  docteur  Albert  Gess- 
ner  (2)  affirme  par  deux  fois,  en  1749  et  1753,  que  ces  fouilles 
n'ont  pas  donné  de  restes  humains. 

Au  xix''  siècle  (1812),  Cuvier  (3)  ne  connaissait  qu'une  mâchoire 
humaine  sans  crâne  ;  il  a  écrit  :  «  On  sait  que  le  terrain  fut  rema- 
nié sans  précaution  et  que  l'on  ne  tint  point  note  des  diverses 
hauteurs  où  chaque  chose  fut  découverte  ».  Ce  n'est  qu'en  1835, 
c'est  à-dire,  135  ans  après  les  fouilles,  que  le  paléontologiste 
F.  Jaeger  (4)  déclare  avoir  rencontré,  dans  une  vitrine  du  musée 
de  Stuttgart,  une  portion  de  crâne  à  côté  de  quelques  vases  romains 
recueillis  en  1700.  Sans  en  donner  une  description  il  le  présente, 
sur  la  simple  foi  de  ce  voisinage,  comme  provenant  des  fouilles  de 
Cannstatt,  faites  sur  les  ordres  du  duc  Eberhard  Louis. 

Je  me  borne  à  ajouter  à  ces  notes,  dont  les  premières,  les  plus 
importantes,  sont  dues  à  des  savants  autorisés,  la  conclusion  du 
docteur  de  Hoelder,  qu'il  est  absolument  certain  que  le  crâne  de 
Cannstatt  n'a  pas  été  trouvé  lors  des  fouilles  de  1700.  On  ne  sait 
d'où  il  vient,  ni  à  quelle  époque  il  a  été  placé  dans  la  vitrine.  11 
n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  de  dire  ici  qu'on  a  trouvé  plus  tard 
à  Cannstatt,  dans  le  voisinage  de  TUllkirche,  où  on  avait  fouillé  en 
1700,  un  cimetière  romain  et  du  commencement  du  moyen  âge. 
On  y  a  découvert  aussi  en  1816  un  tombeau  collectif  néolithique. 
Ce  tombeau,  qui  se  trouvait  dans  le  tuf,  aurait  été  décoré  de 
défenses  fossiles  de  Mammouth.  On  voit  avec  quelle  facihté  on 
peut  attribuer  à  ce  crâne  l'origine  que  l'on  désire! 


(1)  D'  Spleissius,  Oedipus  OsteolithoLogicus  seu  disseriatio  kislorico-physica  de  cor- 
nibus  et  ossibus-fossilihus  Canstadiensibus,  Schaffouse,  1701. 

(2)  A.  Gessneb,  Nachrichl   von  dem   Kansladter  Salzwosser,    Stuttgart,    1749  ;  Id., 
Selecta  physico-oeconomica,  II,  Stuttgart,  1753. 

(3)  J.  Cuvier,  Recherches  sur  les  ossements  fossiles,  Paris,  1812,  I,  p.  83. 

(4)  F.  Jaeoer,  Die  fossilen  Sauegethiere,  neelche  in  Wuertemberg  gefunden  worden 
sind.  Stuttgart,  2  sections,  1835  et  1839,  p.  126  et  141. 


LES  RESTES  IIL'MAIiNS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       65 

c)  Bade.  —  Hesse. 

Les  découvertes  de  restes  humains  à  Moosbach,  Mannheim,  et 

Seligenstadt. 

H,  de  Mayer  (1)  signala  en  1839  la  découverte  d'ossements 
humains  à  Moosbach  près  Wiesbaden,  sans  donner  aucun  rensei- 
gnement sur  leur  âge. 

Les  deux  crânes  de  Monnheim  (2)  ont  été  trouvés,  d'après 
H.  Scliaaiïhausen,  à  6  mètres  de  profondeur  dans  le  gravier  quater- 
naire du  Neckar,  tout  près  du  lieu  où  il  se  jette  dans  le  Rhin.  Le  dit 
anthropologiste  les  a  considérés  comme  quaternaires,  parce  qu'ils 
n'étaient  éloignés  que  de  quelques  pieds  des  dents  de  Mammouth 
et  qu'ils  présentaient  le  même  aspect.  L'un  d'eux  n'a  pu  être 
conservé,  le  second  est  petit  et  d'une  capacité  de  1320  cm^ 

Il  en  est  de  même  du  crâne  de  Seligenstadt  (3)  en  Hesse.  Appar- 
tenant à  un  squelette,  il  gisait  sous  les  alluvions  modernes  et  sur 
le  gravier  quaternaire,  à  2  mètres  de  profondeur. 

Les  objets  correspondant  à  ces  deux  dernières  découvertes  ont 
été  certainement  déposés  par  des  crues  dans  le  gravier.  Des  con- 
clusions fermes  sur  leur  âge  sont  impossibles. 

Les  restes  humains  de  Lahr  (4). 

Ami  Boue,  en  1823,  recueillit  dans  le  loess  de  la  plus  inférieure 
des  terrasses  qui  borne  la  rive  droite  de  la  Schutter  en  amont  de 
Lah\  les  os  de  près  de  la  moitié  d'un  squelette  humain,  savoir  :  le 
fémur,  le  tibia,  le  péroné,  des  côtes,  des  vertèbres,  des  os  méta- 
tarsiens et  autres,  mais  il  n'y  avait  pas  de  crâne.  Ces  os  se  trouvaient 
dansuneposition  presque  horizontale,  non  disposés,  toutefois,  comme 
s'ils  avaient  fait  partie  d'un  corps  enseveli  en  cet  endroit.  Le  loess 
qui  les  enveloppait  était  solide  ;  les  couches  placées  immédiatement 
au  dessous  des  os  contenaient  quelques  silex  et,  encore  plus  bas, 
des  pierres  roulées  de  grès  et  de  gneiss  de  la  Forêt  Noire.  Au 
niveau  des  os,   on   a   aussi   recueilli   des   coquilles    des   genres 

(1)  H.  DE  Mayer,  Neues  Jahrbuck  fuer  Minéralogie,  etc.  Pablié  par  Lbonhard  et 
Bp.onn,  Vil,  1839,  p.  79. 

(2)  H.  Sghaaffhau?en,  Corr.,  1880,  p.  132;  Id.  Gaea,  1881,  p.  642. 

(3)  H.  ScHAAFFHAUSKN,  Corv.,  1880,  p.  131. 

(4)  Ami  Roué,  A/m.  Sciences  nat.  1829,  XVllI,  p.  150  ;  Id.,  Bull.  Soc.  géol.  de 
France.,  I,  1830-31;  F.  Sandberger,  Co/v.,  1873,  p.  13;  Cii.  Lyell,  L'ancienneté  de 
Vhomme,  Paris,  1864,  p.  354  ;  appendice,  p.  28. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906,  5 


66  HUGUES  OBERMAIER. 

Lipunaca,  Pupa,  Hélix,  Physa,  ClausUia,  Cjjclosloma.  Ces  ossements 
lïireul  montrés  à  Guvier,  au  Muséum  de  Paris,  qui  déclara  que, 
dans  son  opinion,  ils  venaient  d'un  cimetière  et  qu'ils  étaient  siLns 
valeur  scientifique;  c'est  pourquoi  ils  ont  été  négligés  et  furent 
égarés,  avant  qu'on  put  les  décrire. 

Ami  Boue  retourna  à  Lalir  en  1829;  il  est  bien  possible  que  le 
groupe  d'ossements,  exhibés  actuellement  au  Muséum  de  Paris, 
et  attribués  à  Lalir,  datent  de  sa  seconde  récolte. 

En  tout  cas,  nous  ne  possédons  aucun  renseignement  stratigra- 
pliique  suffisant  sur  ces  dernières  trouvailles,  dont  l'authenticité 
même  est  douteuse,  sans  parler  des  remaniements  et  intrusions,  qui 
devraient  être  pris  en  considération  au  cas  on  l'on  aurait  des  don- 
nées historiques  plus  précises. 

d)  Alsace. 

Le  crâne  d'Egishehn  (1). 

S'il  est  presque  arbitraire  de  qualifier  de  quaternaire  le  crâne  de 
Cannstatt,  la  même  conclusion  peut  s'appliquer  à  celui  d'Egisheim 
(canton  de  Winzenheim). 

On  trouva  en  1865  (d'après  Faudel)  dans  le  loess  «  normal  »  d'un 
vignoble,  à  une  profondeur  de  2°", o  les  fragments  d'un  crâne  humain. 
Les  os  d'animaux,  dispersés  en  plusieurs  endroits  de  la  même 
couche  géologique  appartenaient  au  Cheval,  au  Bœuf^  au  Cerf  et 
au  Mammouth.  Leur  état  de  conservation  était  le  même.  11  n'en  est 
pas  moins  vrai  que  ces  indications  ne  peuvent  pas  être  considérées 
comme  ayant  une  valeur  absolue.  On  sait  que  le  loess  peut  donner 
accès  insensiblement  à  des  objets  beaucoup  plus  récents,  et  que  les 
os  qui  ont  séjourné  un  certain  laps  de  temps  dans  la  terre,  perdent 
leurs  matières  organiques  et  qu'ils  deviennent  alors,  en  ce  qui 
concerne  leur  composition  anorganique,  identiques  à  ceux  qui 
depuis  longtemps  déjà  gisaient  dans  le  même  milieu.   M.  Schu- 

(1)  FAUDiiL,  Note  sur  la  découverte  d'ossements  de  fossiles  humains,  etc.  Bull,  d, 
/.  Soc.  dliist.  nat.  de  Colmar,  1865-68  (VJ-VIII),  p.  283;  [Ibidem,  Sclieurer-Kestner, 
p.  295.  Voir  :  F.  Sandberger,  Corr.,  1873,  p.  13.];  Fauoel,  C.  R.  de  VAcad.  d.  se, 
LXIII,  p.  689;  1d.,  Bull.  Soc.  géol.  de  France  (2),  XXIV,  p.  36;  E.  Schumacher. 
MilleUgn  der  geol.  Landesanstalt  von  Elsass-Lothringen,  II,  p.  290;  1d.,  MilLeilg7i 
der  philoynalli.  Ges.  in  Els.-Lothr,,  V,  1897,  H.  3;  Gutmann,  Mitieilgn  de?'  Gesellsch. 
fuev  ErhaUung  der  gesckichll.  Denkmaeler  im  Elsass  (2),  XX,  1899,  p.  1-87; 
G.  ScHWALBE,  Milteilgn  der  naturhislor.  Gesellschaft  in  Colmar.  N.  F.  IV,  1898,  p. 
119;  11).,  Beitraege  zur  AnUiropologie  Els.-Lotlir.  Strassburg,  1902.  H.  3;  IIertzoo, 
Corr.,  1901,  p.  126  ;Id.,  Mitieilgn  der  naturhist.  Gesellsch.  in  Colmar.  N.  F.,  VJ,  1902, 
p.  227. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       67 

mâcher  a  abordé  de  nouveau  la  question  de  l'âge  du  crâne 
d'Eg-isheim.  Il  a  fini  par  déclarer  que,  d'après  le  rapport  de  Faudel, 
le  crâne  devait  se  trouver  à  la  limite  du  loess  ancien  et  du  récent, 
mais  il  n'en  dissuade  pas  moins  de  le  considérer  comme  quater- 
naire; des  découvertes  à  venir  dans  ce  môme  endroit  et  dans  les 
mêmes  couches  apporteraient  peut-être  la  solution  définitive. 

En  fait,  les  recherches  de  M.  Gutmann  semblent  promettre  de 
nouvelles  lumières  sur  ,1a  question.  M.  Gutmann  en  effet  à  trouvé 
en  novembre  1893,  dans  un  champ  aux  environs  de  la  même  colline, 
un  crâne  isolé  (et  un  os  du  bras),  qui  offrent  une  très  grande  simi- 
titude  avec  le  crâne  de  1865,  et  que  M.  Schwalbe  attribue  à  une 
race  de  (aille  moyenne  (150-151  cm.).  A  cela  s'ajoute  au  même 
endroit  la  découverte  de  quatre  tombeaux  néolithiques  (avec  des 
haches  polies  et  des  vases  du  type  de  Hinkelstein)  qui  également 
révèlent  un  très  petite  race,  deux  squelettes  ayant  seulement  150  et 
152  cm.  et  le  troisième  120-125  cm.  de  hauteur.  La  ressemblance 
du  crâne  d'Egisheim  avec  ces  dernières  découvertes  rend  très 
vraisemblable  leur  contemporanéité^  mais  je  tiens  à  faire  remarquer 
que  la  même  colline  contient  aussi  des  tombeaux  échelonnés  depuis 
l'époque  néolithique  jusqu'à  l'époque  des  Francs. 

Les  squelettes  de  Bollmeiler  (1). 

En  1869,  dans  une  fouille  près  de  BoUweiler  (Bollviller),  canton 
de  Soultz,  on  enleva  du  lehm,  pour  exploiter  le  gravier  vosgien 
sousjacent.  Dans  sa  partie  inférieure  on  trouva  sept  squelettes 
humains,  plus  ou  moins  complets,  deux  squelettes  de  marcassins 
et  de  nombreux  fragments  de  poterie.  Des  traces  de  tranchées 
anciennes  attesteraient,  d'après  M.  Hertzog,le  séjour  de  l'Homme  en 
ce  lieu^  qui  aurait  été  peut-être  un  atelier  de  potier^  en  raison  des 
briques  de  lehm  à  demi  calcinées,  pouvant  représenter  les  restes  des 
parois  du  four. 

Parmi  les  ossements  le  docteur  Gollignon  a  voulu  reconnaître  des 
crânes,  qui  se  rapporteraient  à  la  «  race  de  Gannstatt  »  ;  un  autre  se 
rapportant  à  celle  «  de  Furfooz  »,  de  plus  des  péronés  cannelés, 
des  olécrânes  à  cavités  perforées,  etc. 

La  poterie  est  en  partie  à  pâte  très  grossière,  en  partie  plus  fine 
et  faite  au  tour,  —  elle  date  donc  probablement  de  diverses  époques 
préhistoriques  et,  en  tous  cas,  postquaternaires. 

(1)  Bleichbr  et  MiEG,  Bail,  de  la  Soc.  d'hist.  nat.  de  Colmar,  1886-88.  Coimar,  1888» 
p.  202;  Delbos  et  Gollignon,  iîeyue  d'anthrop.  (2),  III^  p.  385-413» 


68  HUGUES  OBERMAIER. 

Les  squelettes  de  Tagohheim. 

Les  quatorze  squelettes  de  Tagolsheim  (canton  d'Allkirch),  que 
MM.  Bleiclieret  AJiogont  décrits  en  1888(4),  proviennent  de  tombes 
creusées  symétriquement  dans  le  lelim  normal.  Ils  n'étaient  accom- 
pagnés que  d'un  très  pauvre  mobilier  funéraire,  comprenant  seu- 
lement des  fragments  de  pots  ou  de  vases,  à  cuisson  incomplète, 
placés  au  cbevet  des  morLs.  On  ne  peut  évidemment  pas  les  con- 
sidérer comme  quaternaires,  et  je  crois  qu'il  faut  leur  joindre  un 
crâne,  que  Collignon  a  décrit  déjà  en  1882  (2),  en  lui  attribuant 
les  caractères  principaux  de  la  «  race  de  Cro-Magnon  ».  lia  été 
découvert,  enterre  de2'",50  dans  le  lehm  à  Tagolsbeim,  au  chemin, 
dit  <(  Wiedenhag-Weg,  «  presque  à  la  même  place,  où  Ton  trouva 
plus  tard  les  susdits  quatorze  squelettes,  et  il  était  également 
accompagné  de  poteries  grossières. 

e)  Province  du  I\hin-Wesfphalie. 

Le  gisement  de  Steeten-sur-Lahn  (3). 

Aux  environs  de  Steeten  sur  la  Lahn  (province  du  Rhin)  se  trou- 
vent deux  cavernes,  celle  de  Wildscheiier  et  celle  de  Wild/iaus.  La 
première,  à  12  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  vallée,  pénètre 
dans  la  montagne  jusqu'à  22  mètres.  Devant  son  entrée  s'étendait 
autrefois  un  grand  amas  d'éboulis,  dont  les  parties  inférieures  con- 
tenaient un  foyer,  avec  fragments  de  poterie  et  des  ossements 
d'Homme  et  d'animaux.  La  partie  supérieure  du  tas  était  toute 
récente  et  renfermait,  elle  aussi,  parmi  de  nombreux  instruments 
en  silex  et  des  restes  de  Mammouth,  des  ossements  humains.  D'après 
l'opinion  de  Cohausen  et  Schaaffhausen  ce  seraient  les  déblais  de 
l'intérieur  de  la  caverne,  qu'on  y  avait  déposés  lors  des  fouilles 
de  1844.  11  est  donc  clair  que  beaucoup  des  instruments  en  silex 
et  en  os,  qu'on  y  a  trouvés  ultérieurement,  sont  quaternaires,  mais 
il  n'est   pas  permis,    d'être   aussi  affirmatif  au    sujet   des   restes 

(1)  Bleichek  et  MiEG,  Bull,  de  la  Soc.  dhist.  nat.  de  Colmar,  27-28-29^  années,  1886- 
88.  Colmar,  1888,  p.  192  et  199. 

(2)  R.  CoLLiGNON,  Ibidem,  années  1881-82.  Colmar,  1882,  p.  4  et  planche  I. 

(3)  A.  V.  CoiiAusF.N,  Annalen  des  Vereins  fuer  nassauische  AUevtumskunde  u.  Ges- 
chichtsforschwig,  XIII,  1874,  p.  380;  Id.,  Corr.,  1875,  p.  23  et  1882,  p.  23;  Id.,  Z.  E.  V., 
VI,  1874,  p.  173;  H.  Schaaffiiausen,  Coi^r.,  1877,  p.  136  ;  Id., /l. /".  /!.,  XI,  1878,  p.  148; 
H.  ScHAAFi-HAUSEN  et  A.  VON  CoHAUSEN,  Annaleti,  etc.  {ni  supra),  XV,  1879,  p.  305; 
A.  Nehhlnh,  Corr.,  1879,  p.  57. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       69 

humains,  qui  appartiennent  au  moins  à  huit  individus.  Leur  âge 
est  incertain,  parce  que  nous  no  connaissons  pas  les  conditions 
dans  lesquelles  ils  étaient  ensevelis  dans  la  caverne  de  Wildscheuer 
même.  Celle-ci  donna  une  industrie  de  l'âge  du  Renne  et  des  restes 
de  :  Ursus  spelaeuSy  Hyaena  spelaea,  Rangifer  tarandus^  Equus 
caballus^  Equiis  asiniis  (?),  Canis  lagopus,  Cermts  elaphus,  Cerviis 
alces,  Ovibos  moschatiis  (?),  Myodes  lemmus^  Elephas  primigeniiis^ 
Rhinocéros  tichorhiims^  Lagopus  albiis^  Lagopus  alpimis.  Une  fente 
tout  au  fond  de  la  grotte  a  encore  livré  une  sépulture  relativement 
récente  avec  une  urne  à  côté  du  corps. 

La  caverne  voisine  de  Wildhaiis  ne  contenait  pas  de  véritables 
couches,  mais  seulement  des  dépôts  irréguliers  d'éboulis.  On  y  a 
découvert  des  restes  de  l'époque  paléolithique,  néolithique  et  des 
métaux,  et  aussi  des  ossements  humains^  complètement  dispersés 
un  peu  partout;  il  n'est  pas  possible  d'en  établir  l'âge  en  l'absence 
de  toute  stratigraphie  sérieuse. 

V homme  de  Neandertal  (1). 
x\ucune  découverte  n'a  été  aussi  discutée  que  celle  de  Neandertal. 

(1)  Je  me  borne  à  ne  donner  que  les  premières  et  les  dernières  publications  prin- 
cipales sur  ce  sujet  : 

a)  Anciennes  publications  : 

G.  FuHLROTT,  Verhaudlgn  des  naturhistorischen  Vereins  der  preussischeu  Rheinlande 
und  .Westfalens,  XIV,  1857.  Correspondenzblatt,  p.  SO;  Id.,  Menschliche  Ueberreste 
aus  einer  Felsengrotte  des  Duesselthals.  Ibidem,  XVI,  1859,  p.  131  ;  Id.,  Der  fossile 
Mensch  aus  dem  Neanderthal.  Zwei  Vorlesungen.  Duisburg,  1865;  Id.,  Ueber  die 
Kalksteiuschichten  des  Neanderthals  und  den  sog.  Homo  Neanderthalensis.  Corres- 
pondenzblatt des  naturh.  Vereins  der  preussischen  Rheinlande  und  Westfale?is.,  XXV, 
1868,  p.  62;  Id.,  Die  Hoehlen  und  Grotten  in  Rheinland-Westphalen.  Iserlohn,  1869, 
p.  60;  H.  V.  Deghen,  dans  :  Staiislik  des  Regierungsbezirkes  Duesseldorf  von  0.  v. 
Muehlmann,  1864,  p.  106;  H.  Scuaaffhausen,  Verhandlgn  des  naturhistor.  Vereins  d. 
preussischen  Rheinlande  und  Westfalens.,  XIV,  1857.  Correspondenzsblatl.,  p.  50; 
Id,,  ibidem.,  XXII,  1865.  Sitzungsberichte  der  niederrheinischen  Gesellschaft,  p.  75; 
Id.,  ibidem,  XXIII,  1866.  Silzungsber.,  p.  14;  Id.,  Zur  Kenntnis  der  aeltesten  Ras?en 
schaedel.  Joh.  Muellers,  Arcliiv  fuer  Anatomie,  Physiologie,  ^ic.  1858,  p.  453;  Id.,  Der 
Neanderthaler  F  und.  Festschrift  zur  XIX.  Allgemeinen  Versammlung  der  deutschen 
anthropol.  Gesellschaft  in  Bonn.  Bonn,  1888;  Gn.  Busk,  Nat.  hist.  Review,  1861,  p. 
155;  Cu.  Lyell,  Antiquity  of  Man,  1863,  p.  75;  W.  Boyd  Dawkins,  Die  Hoehlen  und 
die  Ureinwohner  Europas.  Traduit  par  Spengel.  Leipzig,  et  Heidelbcrg,  1876. 

b)  Dernières  publications  sur  la  stratigraphie  et  Vdge  géologique  de  l'homme  du 
Neanderthal  : 

C.  Koenen,  Zum  Verstaendnis  der  Auffindung  fossiler  Saeugetier-und  Menschenreste 
im  Neanderthal.  Milteilungen  des  naturwissenschaftl.  Vereins  zu  Duesseldorf, 
1892,  2.  Heft.  p.  55;  Id.,  Ueber  das  Neanderthal,  etc.  Verhandlgn  des  nalurhist. 
Vereinsd.  preussischen  Rheinlande  u.  Westfale7îs.,XL]X,  1892.  Correspondenzbl.,i).M  ', 


70  HUGUES  OBERMAIER. 

La  derni('rc  polriniquc  a  eu  lieu  entre  les  géologues  C.  Koenen  et 
II.  Rauiïe.  Ce  dernier  a  publié  trois  études,  qui  utilisent  magistra- 
lement tous  les  renseignements  qu'on  peut  tirer  des  documents  pri- 
mitifs et  de  nos  connaissances  géologiques  actuelles.  Après  m'en 
être  occupé  moi-même,  je  suis  arrivé  aux  mêmes  conclusions 
que  M.  Rauff.  Il  me  suffira  donc  de  rapporter  ses  constatations. 

La  vallée  de  «  Neander  »  ,  qui  doit  son  nom  à  un  théologien  du 
moyen  âge,  renferme  une  partie  du  cours  de  la  Duessel,  qui,  à  cet 
endroit,  se  fraye  près  d'Erkrath  et  Ilochdahl,  à  Test  de  Duesseldorf, 
un  passage  à  travers  le  calcaire  dévonien.  Creusée  à  60  m.  environ 
de  profondeur,  cette  vallée  recelait  de  nombreuses  cavernes.  C'est 
dans  Tune  d'elles,  nommée  la  «  petite  Feldhofer-Grotte  »,  qu'on  a 
découvert  en  1856  les  restes  de  1'  «  Homme  de  Neandertal  ».  La 
caverne  était  située  sur  le  versant  de  gauche,  environ  à  25  m. 
au-dessus  de  la  rivière  actuelle.  Elle  formait  une  cavité  de  voûte 
assez  régulière,  qui  se  terminait  en  forme  de  coin.  Près  de  l'ouver- 
ture sur  la  vallée  elle  avait  3  mètres  de  large  et  2", 5  de  hauteur; 
l'ouverture  elle-même  était  en  forme  de  ceinture^  peut-être  trop 
petite  pour  laisser  passer  un  corps  humain.  Elle  était  élevée  un 
peu  au-dessus  du  sol  de  la  grotte  et  conduisait  sur  un  plateau  exté- 
rieur proéminent,  de  surface  inégale^  qui  était  au  même  niveau  que 
le  bord  inférieur  de  l'ouverture.  Jusqu'à  ce  point  (c'est-à-dire  : 
jusqu'à  une  hauteur  de  2  mètres)  la  caverne  était  remplie  de  lehm, 
dans  lequel  gisaient  à  0"',6  de  profondeur  les  ossements  de  l'homme 
de  Neandertal.  Le  docteur  C.  Fuhlrott  en  a  sauvé  la  calotte 
crânienne,  les  deux  fémurs,  les  deux  humérus,  les  deux  cubitus  (à 

Id.,  Die  erste  Spur  des  Meuschen  im  Rheinlande.  Rheinische  Geschichtsblaetter,  1894, 

1,  p.  96  et  454;  Id.,  Gefaesskunde  iû  den  Rheinlanden.  Bonn,  1895,  p.    3;  le,  Zur 

Altersbestimmung  der  Neanderthaler-Menscheuknocbenfunde,  etc.  Sitzimgsberichte 

d.  Niederrbein.  Gesellschaft  fuer  Natw.-u.  Heilkunde  zu  Bonn,  1901.  Section  A.,  p. 

64  ;  Id.,  Funde  palaeolitbischer  Steingeraete,  etc.,  ibidem. ^  1902.  Section  A,  p.  1  ;  Id., 

Ueber  Eigeuart  und  Zeitfolge  des  Knochengeruestes  des  Urmenschen,  ibidem.   1903. 

Section  A,   p.   19;  0.  Rautert,  Ueber   Homo   Neanderthaleiisis.  Festschrift  zur  70, 

Versammlg   der  deutschen  N  a  turf  or  se  lier  u.  Aerzte,  dargeboten  v.   d.  wissenschafél, 

Vereinen  Duesseldorfs,  1898,  p.  95  (p.  85.)  ;  Id.,  Verhandlgn  der  Gesellschaft  deutscher 

Naturf.  u.  Aerzte.    70.  Versammlung  zu  Duesseldorf,  1898.  Leipzig,    1899,  2,  Teil.   1. 

Haelfte,   p.   188;  II.   Rauff,   Zur   Altersbestimmung  des    Neanderthaler    Menschen. 

Sitzungsberichte    der  Niederrhein.  Gesellschaft  fuer   Natur-und  Heilkunde  zu   Bonn, 

1903.  Section  A,  p.  3S;  Id.,  Ueber  die  Altersbestimmung  des  Neandertaler  Menschen 

und  die  geologischen  Grundiagen  dafuer.  Vernandlungen  der  naturhistor.  Verêins  der 

pi^eussischen    Rheinlande,    West/alens,    etc.,    LX,    1903,    p.    11-90;     Id.,    Ueber    die 

Neandertalfrage.  Sitzungsberichte   der  Niederrhein.   Ges.  fuer  Natur.-u.  Heilkunde. 

zu  Bonn,  1904  (Sitzung  vom  7.  Dezember,  1903). 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       71 

peu  près  entiers),  le  radius  droit,  la  moitié  gauche  du  bassin  (os  ilia- 
que), un  fragment  de  Fomoplate  droite,  cinq  fragments  de  côtes,  et  la 
clavicule  droite  presque  entière.  Ce  même  lehm  contenait  en  outre 
des  rognons  épars  de  silex  («  hornslein  »)  de  la  grosseur  d'une  noix. 

Voilà  tout  ce  que  nous  savons  sur  le  lieu  et  le  contenu  de  la 
Feldhofer- Grotte.  Aucun  homme  compétent  n'a  jamais  vu  le 
squelette  humain  in  situ.  Lorsque  Fuhlrott^  qui  en  a  fait  la  décou- 
verte, arriva,  les  ouvriers,  qui  démolissaient  la  caverne,  avaient 
déjà  jeté  au  dehors  le  lehm  et  les  os,  et  les  avaient  précipités  en  partie 
du  parvis  dans  le  ravin.  On  se  trouvait  ainsi  réduit  à  leurs  indications. 
On  ne  sait  pas  et  on  n'a  jamais  su  si  l'on  avait  alTaire  à  un  squelette 
complet  ou  non,  combien  d'os  et  lesquels  s  y  trouvaient  primiti- 
vement, et  comment  ils  étaient  assemblés,  soit  dans  un  ordre  ana- 
tomique,soit  au  hasard.  On  n'a  jamais  examiné  sérieusement  le  lehm 
de  la  grotte  au  point  de  vue  pétrographique;  on  n'a  jamais  étudié 
exactement  l'intérieur  de  la  caverne  même,  les  fentes  qui  faisaient 
communiquer  la  grotte  avec  la  surface  du  plateau  supérieur,  et  les 
matériaux  qui  remplissaient  vraisemblablement  ces  fentes. 

Les  recherches  récentes  et  approfondies  de  M.  Rauiï  ont  montré 
que  les  silex  du  Neandertal  sont  d'origine  éocène  (marine).  Comme 
d'autre  part  il  est  aujourd'hui  établi  que  des  couches  tertiaires 
n'existent  pas  sur  le  Dévonien  dans  toute  la  contrée,  mais  que  toute 
la  surface  est  quaternaire,  le  lehm  dans  la  caverne  parle  en  tous  cas 
contre  Vâge  tertiaire  du  squelette;  il  en  ressort  de  même  que  les 
silex  s'y  trouvaient  à  l'état  remanié  et  par  conséquent  ne  peuvent 
fournir  aucune  indication  chronologique.  Quant  aux  dépôts  qui 
remplissaient  la  grotte  et  qui  ne  consistaient  qu'en  lehm  et  en 
silex,  mns  aucun  débris  paléontologique,  M.  Rauiï  conclut  avec 
raison  qu'ils  ont  pu  être  produits  avant,  pendant,  ou  après  la  for- 
mation du  loess,  qui  couvre  les  graviers  au-dessus  du  calcaire  sur 
les  plateaux  de  toute  la  contrée.  Si  ces  dépôts  se  sont  produits  avant 
la  formation  du  loess,  c'est  pendant  la  longue  période  qui  s'est 
écoulée  entre  la  formation  des  anciens  graviers  quaternaires  et 
celle  du  loess,  dont  l'âge  exact  est  encore  inconnu  dans  la  province 
du  Rhin.  S'ils  se  sont  produits  au  contraire  après  la  formation  du 
loess,  les  os  pourraient  être  néanmoins  plus  anciens  que  le  loess, 
ou  contemporains  ou  plus  récents,  car  il  n'est  pas  impossible  que, 
par  suite  d'une  invasion  postérieure  des  eaux  dans  une  des  fentes 
de  la  caverne,  la  couche  du  loess  n'ait  été  détruite  à  cet  endroit  à 
une  époque  postglaciaire. 


12  HUGUES  OBERMAIER. 

Du  reste,  il  n'est  pas  sûr  que  les  silex  et  les  os  humains  aient 
pénétré  en  même  temps  dans  la  caverne.  11  se  peut  qu'une  ou  plu- 
sieurs des  fentes  se  soient  remplies  de  silex  et  de  lehm  au  commen- 
cement des  dépôts  de  graviers,  qui  se  trouvèrentpeu  à  peu  projetés 
dans  la  grotte;  plus  tard,  après  l'élargissement  des  fentes  d'autres 
matériaux  purent  facilement  s'introduire.  Les  os  ont  pu  parvenir 
par  ces  mêmes  fentes  ou  par  d'autres  plus  récentes  dans  l'intérieur 
de  la  caverne. 

11  n'est  pas  établi  que  les  fentes  fussent  assez  larges  pour  laisser 
passage  aux  ossements.  Fuhlrott  Ta  nié  au  début,  mais  il  changea 
finalement  d'opinion  (1865),  sous  l'influence  de  Lyell,  qui  au  cours 
d'une  visite  rapide  constata  l'existence  d'une  large  fente,  qui  con- 
duisait à  la  surface  supérieure.  Fuhlrott  cependant  se  crut  obligé 
de  rétrécir  beaucoup  cette  fente  dans  le  dessin  qu'il  en  fit  d'après 
le  croquis  de  Lyell  ;  il  crut  seulement  être  arrivé  à  la  certitude,  lors- 
qu'en  1868,  il  trouva,  dans  le  dernier  tiers  encore  subsistant  de  la 
grotte,  une  fissure  qui  était  irrégulière,  mais  cependant  suffisam- 
ment large. 

Si  l'on  admet  que  la  Feldhofer- Grotte  fut  remplie  par  l'orifice 
latéral  et  non  par  les  fentes  du  haut,  on  doit  supposer  (ce  qui 
n'est  pas  impossible)  que  les  rognons  de  silex  seraient  tombés  d'en 
haut  sur  le  petit  plateau  devant  la  caverne  et  qu'ils  se  seraient 
introduits  de  là  dans  l'intérieur.  Mais  nous  ne  savons  si  cet  orifice 
était  assez  large  pour  permettre  aussi  l'accès  à  un  corps  humain. 
Fuhlrott  écrit  en  1859,  qu'un  homme  eut  pu  seulement  en  rampant 
s'y  introduire,  il  rejeta  en  J868  cette  opinion.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  question  reste  ouverte.  C'est  ainsi  que  je  terminerai  mes 
remarques  sur  l'homme  de  Neandertal.  11  résulte  avec  cerlitude 
que  son  âge  n'est  aucunement  défini  géologiquement  et  stratigra- 
phiquement. 

Note. 

La  plupart  des  savants  attribuent  aux  fragments  humains  de 
Neandertal,  pour  des  raisons  anatomiques,  l'antiquité  des  5^^/e/e^^^s 
de  Spy  et  parlent  d'un  âge  moustérien  de  ces  derniers  restes 

Pour  ma  part,  je  considère  comme  très  problématique  que  ceux- 
ci  appartiennent  au  Moustérien.  L'intérieur  de  la  grotte  de  Spy, 
qui  a  été  si  mal  fouillée  par  Rucquoy,  contenait  une  couche  mous- 
térienne,  sur  laquelle  se  trouvait  superposé  un  niveau  moyen,  qui 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       73 

rappelle  d'une  façon  frappante  le  «  Solutréen»  de  Menton,  et  qu'on 
doit  placer  au  commencement  de  cette  époque  (comme  «  Présolu- 
tréen >î).La  terrasse  au-devant  de  la  grotte  ne  contenait  aucune  couche 
moustérienne,  mais  à  la  base  les  squelettes  humains,  au  dessus  des- 
quels se  trouvait  la  dite  couche  présohitréenne  que  recouvraient 
encore  des  vestiges  d'un  Paléolithique  plus  récent.  L'étude  des 
niveaux  démontre  que  la  vallée  actuelle  d'Orneau  était  déjà  à  peu 
près  complètement  formée,  lorsque  la  couche  inférieure  de  la  ter- 
rasse qui  renfermait  les  squelettes,  se  déposait.  Ceux-ci  étaient  accom- 
pagnés d'une  pointe  moustérienne  et  d'une  lame  en  grès  lustré;  plu- 
sieurs autres  lames  et  trois  pointes  moustériennes  gisaient  encore 
non  loin  d'eux,  comme  MM.  Fraipont  et  de  Puydt  ont  bien  voulu  me 
l'assurer  à  Liège  Comme  on  trouve  encore  une  quantité  de  pointes  à 
main  au  niveau  moyen  (ancien  Solutréen)  de  la  terrasse,  il  n'est  pas 
impossible  que  nous  soyons  à  Spy  en  présence  de  sépultures  du 
commencement  du  Solutréen  et  non  du  Moustérien.  Les  sépultures 
de  Menton  et  de  Predmost  en  seraient  des  parallèles  frappants. 

Le  a  Homo  neandertalensis,  N^  S  ». 

M.  Rautert,  Klaatsch  et  Koenen  ont  doté  la  science  d'un  «  Homo 
neandertalensis  n°  2  »,  dont  l'âge  serait  beaucoup  plus  récent  que 
celui  du  n"  1,  déjà  décrit.  Cette  découverte  est  des  plus  probléma- 
tiques. 

On  trouva  récemment  dans  le  loess  tjui  couvre  le  plateau  supé- 
rieur de  la  contrée,  à  une  profondeur  de  0™,5  et  à  une  distance 
d'environ  250  mètres,  à  l'ouest  de  la  grotte  de  Neandertal,  des  restes 
humains,  malheureusement  sans  crâne.  D'après  M.  Rautert  ce  loess 
remplissait  le  reste  d'une  caverne  détruite  ;  il  n'y  a  donc  aucun 
doute  qu'il  y  ait  été  apporté  postérieurement  parles  eaux,  soit  avec 
les  restes  humains,  soit  que  ceux-ci  y  aient  été  ensevelis  plus  tard. 
Le  rapprochement  qu'on  a  fait  de  ces  os  humains  et  des  restes 
d'animaux  trouvés  dans  le  loess  à  des  endroits  tout  différents  de  la 
contrée,  est  purement  arbitraire.  Il  faut  en  dire  autant  de  deux 
éclats  de  silex  qui  furent  trouvés  en  un  troisième  lieu,  et  que  M.  Koe- 
nen a  attribués  au  Moustérien,  M.  Klaatsch  (t)  à  l'homme  de  Nean- 
dertal  n°  1  et  au  Chelléen. 


(1)  II.  Kla.\tsch,   Ergebnisse   der  Anatomie   u.  Entwicklungsgeschichte.  Red.  von 
Merkel  u.  Bouaet.  Wiesbaden,  IX,  1899,  p.  440. 


■î^  HUGUES  OBERMAIER. 

Je  me  vois  obligé,  (rempècher  de  telles  lég-endes  de  s'accréditer 
dans  les  milieux  scientifiques. 

La  caverne  de  Buchenloch  (i). 

Les  fouilles  dans  le  «  Buchenloch  »,  caverne  située  près  de  Gerol- 
stein  dans  l'Eifel,  commencées  en  1879,  ont  mis  au  jour  des  objets 
de  l'époque  des  métaux  et  une  riche  faune  quaternaire,  parmi 
laquelle  E.  Braclit  et  H.  SchaalTliausen  ont  voulu  distinguer  des 
foyers  et  des  os  intentionnellement  brisés.  Mais  A.  Nehring- a  vigou- 
reusement combattu  l'âge  quaternaire  d'une  vertèbre  humaine  et 
R.  Virchow  Ta  fait  également  pour  les  découvertes  archéologiques. 
En  fait,  môme  la  plus  profonde  couche  contenait  encore  à  coté  de 
quelques  éclats  de  silex  quatorze  fragments  de  poterie,  de  sorte 
que  nous  pouvons  tout  au  plus  même  à  ce  foyer  attribuer  un  âge 
néolithique. 

La  caverne  de  «  Raûberhoehle  »  près  Letmathe  (2). 

Cette  grotte  a  été  démolie  par  des  ouvriers  inexpérimentés.  Le 
contenu,  envoyé  à  H.  Schaaiïhausen,  se  composait  d'os  d'animaux, 
d'instruments  de  fer  et  des  restes  de  trois  individus.  On  manque  de 
toute  indication  certaine  sur  l'âge  des  derniers,  de  même  que  sur 
celui  d'un  squelette^  que  M.  Hosius  a  trouvé  devant  la  caverne.  Le 
fait  que  des  restes  d'animaux  quaternaires  faisaient  complètement 
défaut,  exclut  en  tout  cas  une  antiquité  très  élevée  des  squelettes, 
intéressants  par  plusieurs  particularités  des  os. 

La  caverne  de  Balve  (3). 

La  grotte  de  Balve  sur  la  Iloenne  a  été  explorée  depuis  1843  et 
1844  par  E.  Fuhlrott,  v.  Dueckers,  etc.  Leurs  rapports  établissent 
que  les  parties  inférieures  du  lehm  contenaient  à  côté  des  restes 
àHJrsus  spelaeiiSy  Elephas primigenins^  Rhinocéros  tichorhinus^  Hip- 
popolamus  sp.,  Eqiius  caballiis,  Rangifer  tarandus,  des  os  humains, 
des  fragments  de  poterie,  des  instruments  en  silex,  des  «  côtes 

(1)  E.  Bracfit,  Corr.,  1880,  no^  1  et  2  ;  Id.,  Die  Ausgrabungen  des  Buchenlochs, 
etc.  [Festschrifl  zum  XIV,  allgemeinen  Anihropologejicongress  in  Trier),  Trier,  1883; 
H.  ScHAAFFHAUSEN,  Corv.,  1880,  p.  128  ;  R.  Virchow,  Z.  E.  V.  (XV),  1883,  p.  492  ;  A.  Xehring 
(voir  :  Festschrifl.,  1883). 

(2)  H.  SCHAAFFHAUSEN,  Corr.,  1880,  p.  129;  N.  Hosius,  Corr.,  1890,  p.  89. 

(3)  Voir.:  A.  f.  A.,  IV,  1871,  p.  357  ;  R.  Virchow, Z.  E.  F.,  i870,p.  358  ;  B.  Virchow 
ET  A.  Nehring,  Z.  e.   V.,  1879,  p.  12  et  69  ;  N.  Hosius,  Corr.,  1890,  p.  89. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.       75 

polies  »  etc.  Malheureusement  il  est  impossible  de  porter  un  juge- 
ment sur  les  relations  clironologiques  de  ces  restes  évidemment 
mélang-és.  Les  fouilles  magistrales  de  R.Virchow  au  même  lieu  ne 
mirent  au  jour  aucun  os  humain  de  la  couche  quaternaire. 

Z^s  «  Bilstein-Hoehlen  »  (l). 

Les  cavernes  de  Bilstein  sont  situées  près  de  Warstein  et  forment 
trois  cavités,  qu'on  a  examinées  depuis  1887.  Les  restes  humains 
qu'on  y  a  trouvés  gisaient  pèle  môle  dans  les  couches  inférieures 
et  supérieures  et  appartenaient,  selon  R.  Yirchow,  à  des  individus 
(dont  un  géant)  et  à  des  époques  différents.  Les  ossements  présen- 
tent des  fractures  de  différents  aspects,  qui  ont  fait  supposer  des 
remaniements  anciens  et  récents.  Aussi  A.  Nehring  déclare  que  les 
os  qu'on  lui  a  envoyés  étaient  de  divers  âges,  de  même  qu'il  y 
avait  aussi  des  animaux  tout  récents  à  côté  de  restes  de  Renne. 


f)  Thuring^ie  (2). 
Poessneck  (3). 

Près  de  Poessneck  affleure  une  couche  de  gypse  qui  contient  une 
brèche  conglomérée.  M.  Zimmermann  a  cru  à  l'existence  d'une 
grotte  ancienne,  qui  aurait  été  complètement  remplie  par  la  dite 
brèche.  Les  restes  d'animaux  que  Nehring  a  examinés,  appartenaient 
aux  espèces  suivantes  :  Eqitus  cahalhiSy  Rhinocéros  tic/iorhiniis. 
Cerviis  maral^  Rangifer  tarandus,  Bos  bison,  Alactaga  jaculus, 
Spermophihis  riifescens,  Hyaena  spelaea.  M.  Goetze  cite  de  la 
même  fente  ossifère  aussi  des  restes  humains  et  un  bois  de  Renne 
travaillé,  mais  sans  que  ses  rapports  permettent  une  conclusion 
certaine  sur  l'âge  quaternaire  ou  non  des  premiers. 

(1)  Voir  :  Z.  E.  F.,  1888,  p.  325;  1889,  p.  329  ;  E.  Carthaus,  Die  Bilsteinhoehlen  bel 
WarsteiD.  Feslschrift  zum  XXI.  Antliropologencongress  zu  Muenster  in  Westfnlen. 
Maenster,  1890  ;  R.  Virchow,  Corr.,  1890,  p.  165  ;  In.,  Z.  E.  F.,  XXVH,  1895,  p.  680  ; 
A.  Nehring,  Z.  E.  V.,  XXVII,  1895,  p.  683. 

(2)  Schlolheim  et  Sternberg  se  sont  montrés  si  avares  de  détails  sur  les  restes 
humains  découverts  dans  les  brèches  de  Koestritz^  qu'on  ne  peut  en  tirer  aucun 
parti. 

(3)  A.  Nehring,  SitzunqsherichLe  der  Gesellschafl  natur forschender  Freunde,  Berlio, 
Juni,  1899,  p.  99  ;  Schroeder,  Jahrbuch  der  geologischen  Landesanstalt  fue)\  1899, 
p.  286;  ZIMMER.MANN,  Ibidem,  1901,  p.  302;  A.  Goetze,  Z.  E.,  XXXV,  1903,  p.  490. 


76  HUGUES  OBERMAIEH. 

g)  Brandenliourg". 
Le  crâne  de  Wxdorf. 

Rixdorf  (jue  ses  découvertes  paléontologiquesont  rendu  célèbre, 
a  aussi  donne  un  crâne  humain,  que  M.  Krause  (i)  a  tenu  pour 
sûrement  quaternaire,  M.  E.  Friedel  (2)  a  eu  le  mérite  de  démontrer 
qu'il  s'agit  de  restes  du  commencement  de  l'époque  historique. 


TROISIÈME  PARTIE 

Découvertes  faites  en  Suisse. 

Les  gisements  paléolithiques  qu'on  a  constatés  en  Suisse  sont 
sans  exception  de  Tâge  du  Renne,  c'est-à-dire  du  Solutréen  (Kess- 
lerloch)  et  du  Magdalénien  (toutes  les  autres  stations).  Les 
recherches  de  MM.  Penck  et  Rrueckner  ont  montré  que  l'homme 
n'y  a  fait  son  apparition  que  longtemps  après  le  maximum  de  la 
dernière  (quatrième)  époque  glaciaire.  En  ce  qui  concerne  les  rap- 
ports de  ces  stations  avec  les  diverses  phases  de  la  retraite  des 
glaciers  aux  altitudes  actuelles,  nous  ne  possédons  pas  d'indications 
géologiques  suffisantes.  MM.  Penck  (3)  et  Meister  (4)  supposent 
que  la  station  du  Kesslerloch  (près  Thayngen)  aurait  été  habitée 
pour  la  première  fois  vers  l'oscillation  d'Achen;  la  station  du 
Schweizersbild  en  revanche,  dont  la  faune  arctico-alpine  se  trans- 
forme régulièrement  jusqu'à  devenir  celle  du  climat  des  forêts 
actuelles,  devrait  être  attribuée  à  la  phase  de  Buehl,  qui  était  plus 
froide  et  plus  récente. 

Les  cavernes  de  Freudenlal  et  de  Kesslerloch  ont  seules  donné 
des  restes  humains  quaternaires. 


(1)  p.  Khause,  a.  f.  A.,  XXll,  1894,  p.  30. 

(2)  E.  Friedel,  Brandenburgia,  1895,  n"  6,  p.  162. 

(3)  Voir  :  L'Anlhropologie,  t.  XV,  1904,  p.  25. 

(4)  J.  Mkistku,  Da^  Kesslerloch  bel  Thayogen.  Vortrag.  Sc/iweizerische  nalurforschende 
Gesellscfiaft  in  WinterUiur.  (  Wiiiterthur),  1904. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DANS  L'EUROPE  CENTRALE.        77 


Restes  humains  sûrement  quaternaires. 

La  caverne  de  Freiidenta'  (Ij. 

Cette  grotte,  située  tout  près  de  SchalTliouse,  a  été  fouillée  par 
le  docteur  H.  Karsten  en  1874.  Il  trouva  au-dessous  d'une  couche 
d'éboulis  et  de  tufs  récents  un  niveau  de  frai^ments  de  calcaire 
jurassique  (40  à  60  cm.  de  profondeur)  qui  fit  place  plus  bas  à  un 
niveau  de  lebm  brunâtre.  Ces  deux  derniers  niveaux  donnèrent  les 
restes  de  :  Hanrjifer  tarandus^  Ursus  prisais^  Ursus  arctos,  Cervus 
alces,  Eqims  cahallus^  Crapaibex^  Cervus elaphus,  Cervus  capreolus^ 
Elephas  primigenius  et  autres  ;  le  mobilier  magdalénien  était  très 
riche.  H.  Karsten  rencontra  aussi  des  restes  humains,  dont  la 
position  stratigraphique  ne  laisse ,  d'après  cet  auteur ,  aucun 
doute,  et  qui  appartiennent  aux  couches  magdaléniennes  de  la 
caverne,  non  remaniées.  C'est  le  fragment  d'un  os  pariétal,  qui 
gisait  au  milieu  d'un  foyer,  non  loin  d'une  mâchoire  inférieure  d'un 
individu  de  16  à  19  ans;  en  surplus  une  série  d'autres  fragments 
de  crânes,  mâchoires  et  mandibules,  et  de  bassins. 

11  serait  très  à  désirer  que  les  objets  de  cette  caverne,  en  posses- 
sion de  la  famille  Joos  à  Schaffhouse  et  un  peu  oubliés,  fussent 
l'objet  d'une  nouvelle  monographie. 

La  ca'veme  de  Kesslerloch  (2). 

Je  n'ai  pas  à  parler  ici  de  l'importance  paléontologique  et  archéo- 
logique de  cette  station,  qui  est  dans  le  voisinage  immédiat  du  vil- 
lage de  Thayngen  et  à  8  kilom.  au  iNord-Ouest  de  la  ville  de  Schafî- 
house,  et'  qui  a  été  magistralement  fouillée  en  1874  par  K.  Merk, 

(1)  H.  Karsten,  Mittelluiv^en  der  antiquarischen  Gesellschafl  in  Zuerich,  1874, 
t.  XVIII,  N-^  6,  p.  139  ;  L.  Ruetimeyer,  A.  f.  A.,  VII,  1874,  p.  135  ;  0.  Fraas,  Corr., 
1874,  p.  21. 

(2)  K.  Merk,  Der  Hoeklenfund  im Kesslerloch  bei  Thayngen,  Zuericb,  1875;  A.  Heim, 
Milteilgn  der  antiquar.  Gesellschafl  in  Zuerich,  XVIII,  1874,  No  5  ;  H.  Karsten,  Leonh. 
Jahrbuch,  1874,  p.  265;  C.  Mayer,  Vierteljahrschrift  der  nalurforschend.  Gesell- 
schafl in  Zuerich,  1874,  p.  318;  L.  Ruetimeyer,  A.  f.  A.,  VII,  1874,  p.  135  et  1875, 
p.  124  ;  Id.,  Abhandiungen  der  Schweizer  palaeonlolog.  Gesellschafl,  II,  1875  ;  C.  Merk, 
Excavations  of  the  Kesslerloch,  Londoa,  187C  (16  plates);  J.  Nuesch,  Cor/\,  1899, 
p.  142  et  1903,  p,  152;  J.  HeiERLr,  Urgeschichle  der  Schweiz,  Zuerich,  1901,  p.  37; 
J.  Nuesch  (Th.  Studer  et  0.  Schoeteosack),  Das  Kesslerloch.  etc.  Neue  Deukschrifteu 
der  allgemeinen  schweizerischea  Gesellschaft  fuer  die  gesammten  Naturwissenschaf- 
ten,  XXXIX,  2,  Zuerich,  1904. 


78  HUGUES  OBERMAIER. 

puis  depuis  1893  par  M.  J.  Nuescli,  et  enfin  depuis  1903  par 
M.  J.  llcierli.  La  faune  quaternaire  consistait  en  :  Felis  leo,  Felis 
maniil  (ou  catiis),  Lyncus  lynx,  Canis  lagopus,  Gido  borealis,  Mu- 
stela  maires,  Ursus  arctos,  Lepiis  variabilis,  Arctomys  marmottay 
Spermophilus  giittatits,  Spermophilus  rufescenSy  Myodes  torquatus^ 
MyoxHs  glis,  Elephas  primigenius,  Rhinocéros  tichorhiniis,  Eqiiiis 
caballus,  Equus  liemioniis,  Sus  scrofa,  Rangifer  tarandiis,  Cervus 
elaphus^  Capella  rupicapra,  Capra  ibex,  Ros  priscus,  Ros  primige- 
nius, La  go  pus  albus  et  «//?z?«î^s,  etc.  Les  instruments  en  silex  étaient 
extrêmement  nombreux,  de  môme  que  ceux  en  os  ou  en  bois 
de  Renne  (harpons,  bâtons  troués,  etc.),  en  partie  sculptés  ou 
gravés.  Ils  caractérisent  bien  nettement  le  niveau  solutréen,  cepen- 
dant (comme  toutes  les  stations  solutréennes  des  Pyrénées)  sans 
la  pointe  en  feuille  de  laurier  et  la  pointe  à  cran  typique.  Quant 
aux  restes  humains,  K.  Merk  remarque  expressément  qu'il  n'a  ren- 
contré dans  la  couche  de  l'âge  du  Renne  qu'une  seule  clavicule 
d'un  jeune  individu;  un  squelette  d'enfant,  qui  était  à  0™,06  au-des- 
sous de  la  surface  des  éboulis  modernes,  ne  peut  entrer  en  question. 
Vu  ces  rapports  anciens  mais  très  exacts,  il  est  surprenant  que 
M.  J.  Nuesch  ait  trouvé  il  y  a  quelques  années  au  Muséum  de  la  ville 
de  Schaflhouse  un  squelette  (d'un  individu  d'environ  2.5  ans  et  de 
très  petite  taille,  car  le  fémur  n'a  que  28  cm.)  qui  proviendrait, 
selon  une  ancienne  fiche,  du  Kesslerloch  et  qui  aurait  été  complète- 
ment oublié  pendant  quelques  dizaines  d'années.  Puisqu'on  a  trouvé 
à  côté  des  ossements  de  Cerf,  de  Porc  et  des  fragments  de  poterie, 
on  ne  peut  le  considérer  en  aucun  cas,  comme  quaternaire,  il 
appartient  plutôt  au  groupe  des  soi-disant  «  pygmées  »  du  Schwei- 
zersbild,  dont  j'ai  à  parler  maintenant. 

II 
Indications  à  écarter. 

La  station  du  Schweizersbild  (1). 

Ce  célèbre  abri  près  de  SchafThouse  a  donné  à  M.  J.  Nuësch  vingt- 

(1)  J.  N ucscii,  Z)as  Sc//?x'eize/'56i/rf,  etc.  Neue  Deakschriften  der  allgemeinea  schwei- 
zer.  Gesellschaft  fuer  die  gesaintea  Naturwisaenschaftea.  (Avec  des  contributious  de 
Baechtold.  Frueh,  Fatio,  GutzwiUer,  lîediager,  Kollmaau,  Meister,  Nehriag,  Penck, 
Schoetensack,  Studer),  l^e  édition,  t.  XXX,  1896;  2^  éd.  t.  XXXV,  1902  ;  M.  Boule, 
La  station  quaternaire  du  Schweizersbild.  (Nouvelles  archives  scieatif.  et  littéraires). 
Paris,  1893. 


LES  RESTES  HUMAINS  QUATERNAIRES  DAiNS  L'EUROPE  CENTRALE.        79 

deux  tombeaux,  qui  renfermaient  les  restes  de  vingt-sept  personnes, 
dont  quatorze  adultes,  et  treize  enfants  au-dessous  de  sept  ans. 
Parmi  les  derniers  il  faut  rayer  d'avance  trois  squelettes  comme 
évidemment  tout  récents,  parce  qu'ils  se  trouvaient  tout  en  haut  et 
dans  des  strates  récemment  remaniées;  il  reste  donc  encore  les 
squelettes  de  dix  enfants^  datant  d'une  époque  plus  reculée.  L'ana- 
tomiste  M.  Kollmann  attribue  ces  anciens  restes  humains  à  deux 
races,  dont  Tune,  qui  serait  représentée  par  neuf  individus  adultes^ 
aurait  eu  une  grandeur  moyenne  de  1600  mm.  et  au-dessus,  et 
l'autre  (représentée  par  cinq  individus)  aurait  été  d'une  taille 
moyenne  de  J  380  à  1 420  mm .  11  les  considère  par  conséquent  comme 
de  véritables  «  pygmées  ».  Mais  je  tiens  à  remarquer,  qu'il  faut  tou- 
jours prendre  et  les  maxima  et  les  minima;  ce  procédé  ne  donne 
pour  le  Schweizersbild  que  des  hommes  de  très  petite  taille,  comme 
de  celle  des  boshirnans,  mais  pas  des  nains. 

M.  Nuësch  écrit  que  tous  ces  «  anciens  squelettes  »  datent  à  peu 
près  de  la  même  période,  ce  qui  ne  me  semble  pas  suffisamment 
observé  et  constaté  d'après  le  manuscrit  inédit  du  docteur  Haiisler 
(à  Zuerich)  et  d'après  les  communications  d'autres  savants  com- 
pétents, qui  ont  assisté  assez  souvent  aux  fouilles  du  Schweizersbild. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  était  toujours  facile  de  constater,  même  pour 
ceux  des  squelettes  qui  reposaient  profondément  dans  les  couches 
paléolithiques  de  l'abri,  que  des  remaniements  locaux  postérieurs 
avaient  lieu  lors  de  l'enterrement  des  corps,  qui  reposaient  en  partie 
simplement  dans  des  couches  de  cendres,  ou  qui  étaient  en  partie 
entourés  de  dalles  de  pierre.  Le  mobilier  funéraire  se  composait 
d'instruments  en  silex,  d'anneaux  de  Serpules,  ou  de  griffes  de 
fauves;  des  ossements  de  Cerf  et  de  Sanglier  se  trouvaient  souvent 
immédiatement  à  côté  des  restes  humains.  Je  me  raUie  pour  ces 
raisons  à  l'opinion  de  M.  Nuësch  qu'il  s'agit  en  partie  de  sépul- 
tures du  commencement  de  l'époque  néolithique.  M.  A.  Penck  (1) 
par  contre  voudrait  les  attribuer  à  l'Azylien  (Tourassien),  mais  il  y 
manque  complètement  tous  les  types  (harpons  plats  en  bois  de 
Cerf,  galets  plats  utilisés  ou  même  coloriés),  qui  caractérisent  cette 
phase.  De  même  pour  le  soi-disant  «<  Campignien  »  toutes  les  indi- 
cations nécessaires  (pics,  tranchets  etc.)  font  défaut. 

L'opinion  émise  par  M.    Nuësch   est  confirmée  par  une  décou- 


(1)  A.  Pbnck  et  E.  Brueckner,  Die  Alpen  ini  Eiszeitalter,  Leipzig,  1902,  livraison  4, 
p.  424. 


80  HUGUES  OBERMAIER. 

verte  qu'on  a  faite  aux  environs  immédiats  du  Schvveizersbild.  Le 
docteur  de  Mandach  rencontra  en  1874,  dans  la  caverne  de  Dachsen- 
bucl  (1),  (jui  est  à  trois  quarts  d'heure  de  Scliaffliouse,  un  tombeau 
régulier  qui  contenait  les  squelettes  d'une  femme  de  très  petite 
taille  et  d'un  grand  individu,  ensuite  les  restes  dispersés  de  six 
autres  personnes,  c'est-à-dire  de  trois  grands  et  d'un  petit  adulte 
et  de  deux  enfants.  Ils  étaient  accompagnés  d'un  collier  de  perles 
en  pierre,  d'une  dent  perforée  de  Sanglier,  d'un  lissoir  en  os,  des 
os  ou  bois  polis  ou  cassés  de  Cerf  et  de  Bœuf;  les  dépôts  quater- 
naires faisaient  complètement  défaut  dans  cette  caverne.  Les  res- 
semblances anthropologiques  nous  semblent  bien  permettre  d'attri- 
buer ces  restes  à  la  môme  population  néolithique  qui  a  enterré  une 
partie  de  ses  morts  sous  l'abri  du  Schweizersbild. 

(1)  J.  NucsCH,  Der  Dachsenbiiel,  eine  Hoelile  ans  fruehneolithischer  Zeit  bei  Herb- 
litigen,  Canton  Schaffhausen .  Zuerich,  1902;  Id.,  Corr.^  1899,  p.  145;  v,  Mandach, 
Miiteilungen  der  antiquarischen  Gesellscliaft  in  Zuerich^  XVIII,  n°  7,  p.  165 


LE  CHRISTIANISME 


ET 


LES  INDIEiNS  DE  U  RÉPUBLIQUE  DE  L'ÉQUATEOH 


PAR 


LE  DOCTEUR  RIVET 

Médecin  de  la  Mission  géodésique  française  de  l'Kquateur  (1;. 


(Planches  I  et  II) 


Le  christianisme  en  Equateur,  et  sans  doute  dans  une  grande 
partie  de  l'Amérique  latine,  a  subi,  au  cours  des  siècles,  dans  ses 
manifestations  extérieures,  une  série  de  transformations^,  qui,  en 
quelque  sorte,  ont  adapté  la  religion  au  pays  où  elle  s'implantait,  à 
rintelligence  et  aux  idées  des  nouveaux  adeptes  qu'elle  y  faisait, 
les  Indiens  ;  et  rien  n'est  plus  curieux  que  le  spectacle  de  cérémonies 
cultuelles  où  apparaissent  dans  toute  leur  ingénuité  les  concessions 
que  se  sont  faites,  sans  bien  s'en  rendre  compte,  maîtres  et  dis- 
ciples. 

Grâce  à   cette   espèce  de  tolérance   réciproque,  la  religion  est 
devenue,  et  restera  longtemps  encore,  le  seul  terrain  d'entente  de 
deux  races  opposées,  ennemies,   qu'une  longue  existence  côte  à 
côte  n'a  ni  mêlées,  ni  réconciliées.  En  effet,  en  dehors  de  l'Eglise, 
l'Indien  est  et  demeure  le  vaincu  dompté  ou  résigné,  mais  non  sou- 
mis, dont  les  anciens  instincts  d'indépendance  ne  font  que  som- 
meiller, prêts,  à  la  première  occasion,  à  de  terribles  réveils.  U  n'a 
rien  oublié.  Le  nom  d'Atahuallpa  provoque  toujours  en  lui,  mal- 
gré le  temps,  malgré  l'ignorance  où  il  est  de  l'histoire  et  des  mal- 
heurs du  roi  infortuné,  comme  un  frisson  inconscient  de  révolte, 
évoque  en  son  àme  obscure  le  souvenir  d'une  antique  injure  non 

(1)  Je  tieas  à  remercier  tout  particulièrement  mon  excellent  ami,  le  capitaine 
Giacometti,  officier  équatorien,  adjoint  à  la  Mission,  pour  les  précieux  renseigne* 
ments  qu'il  m'a  fournis  pour  cette  étude. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  6 


82  D"-  RIVET. 

vengée,  d'une  injustice  fort  ancienne  dont  lui  et  sa  race  portent 
encore  le  poids  douloureux.  L'Indien  garde  très  vivacele  sentiment 
de  la  spoliation  qui  a  fait  de  lui  un  serviteur,  sinon  un  esclave, 
obligé  de  travailler  le  sol  dont  ses  pères  furent  autrefois  et  si  long- 
temps les  maîtres  et  les  possesseurs  légaux.  Dans  tout  soulèvement 
indien,  il  n'y  a  pas  seulement  la  représaille  de  l'exploité  contre 
l'exploiteur  brutal  ou  injuste,  il  y  a  aussi  un  mouvement  général 
de  haine  contre  l'envahisseur,  le  Blanc,  et  une  tentative  de  retour 
vers  un  passé  non  oublié,  défiguré  et  grandi  par  la  légende  et  par 
les  traditions.  La  grande  ombre  des  Incas  plane  tutélaire  au  dessus 
de  ces  malheureux,  et  il  semble  qu'ils  cherchent  pour  soutenir  la 
hardiesse  de  leur  geste  un  appui  et  un  secours  dans  leurs  anciens 
Rois-Dieux,  sous  le  pouvoir  desquels  ils  connurent  si  longtemps  la 
paix  et  le  bonheur  dans  la  prospérité. 

Ce  n'est  que  sur  le  terrain  religieux  que  le  peuple  conquis  et  le 
peuple  conquérant  sont  entrés  en  contact  intime.  Cette  entente, 
paradoxale  de  prime  abord,  s'explique  facilement  si  l'on  étudie  de 
près  la  religion  incasique  et  la  religion  chrétienne  telle  qu'elle  fut 
introduite  parles  Espagnols  en  Amérique  du  Sud. 

Primitivement  la  religion  incasique,  alors  que  les  souverains  du 
Cuzco  n'avaient  pas  encore  agrandi  par  une  série  de  conquêtes  leur 
empire,  ne  reconnaissait  comme  Dieu  que  le  Soleil  :  «  Inti  ».  Mais 
au  fur  et  à  mesure  que  les  Incas  soumirent  les  peuplades  indé- 
pendantes qui  les  entouraient,  avec  une  tolérance  admirable,  dont 
les  Romains  donnèrent  aussi  un  magnifique  exemple,  ils  laissèrent 
au  vaincu  ses  divinités  particulières,  tout  en  lui  imposant  leur 
Dieu  propre,  et,  dans  les  provinces  nouvellement  acquises,  le 
temple  luxeux  du  Soleil  voisinait  avec  les  temples  plus  humbles 
destinés  aux  cultes  locaux.  11  en  résulta  que.  peu  à  peu,  la  religion 
indienne  s'élargit,  s'amplifia,  se  généralisa  à  tout  ce  qui  dans  la 
nature  est  force  mystérieuse,  bienfaisante  ou  hostile,  à  tout  l'uni- 
vers visible.  Pour  l'Indien,  les  plantes  à  vertus  secrètes,  l'arbre 
qui  protège  sa  maison  de  son  ombre  doucement  tutélaire,  les  ani- 
maux utiles  ou  redoutables,  le  lama,  les  serpents,  le  fauve  qui 
guette  les  troupeaux,  les  pierres  précieuses  et  rares,  la  montagne 
qui  abrite  les  champs  de  culture  ou  les  couvre  de  lave,  le  ruisseau 
qui  les  arrose  ou  les  inonde,  les  lagunes  mobiles  et  changeantes 
comme  des  yeux  où  passerait  tour  à  tour  du  rêve  et  de  la  joie, 
souriantes  sous  le  ciel  bleu  par  les  clairs  soleils,  ou  attristées  et 
frissonnantes  par  les  matinées  brumeuses  et  les  nuits  sans  étoiles, 


LE  CHRISTIANISiME  EN  EQUATEUR.  83 

les  cavernes  où  l'ombre  se  peuple  de  mystère,  la  lune  et  les  astres 
aux  influences  occultes,  le  soleil,  qui  fait  germer  la  graine  ou  brûle 
les  récoltes,  source  inépuisable  de  vie  et  de  fécondité,  l'arc-en-ciel, 
l'éclair,  le  vent,  la  terre  et  la  mer,  tout  était  Dieu  (1  ).  Cette  religion, 
qui  parlait  merveilleusement  à  l'imagination^  s'adaptait  non  seule- 
ment à  la  race  primitive  qui  la  pratiquait,  mais  au  pays  même  oii 
elle  était  née.  Aucune  région  du  monde  peut-être  n'otfre  un  résumé 
aussi  splendide  de  ce  que  la  nature  présente  sous  toutes  les  lati- 
tudes de  beautés  monstrueuses,  élégantes  ou  terribles;  nulle  part 
ailleurs  les  forces  physiques  n'ont  de  manifestations  aussi  variées 
dans  leur  forme,  aussi  brutales  dans  leur  dérèglement,  aussi  impres- 
sionnantes dans  leur  soudaineté  et  leur  puissance. 

Sur  la  côte  et  dans  les  régions  basses  comprises  entre  la  Cordil- 
lère et  le  littoral,  s'étendent,  impénétrables  et  mystérieuses,  les 
forêts  vierges,  peuplées  d'animaux  étranges,  hideux  ou  redoutables, 
vaste  temple  inviolé  on  l'être  humain  se  perd  au  milieu  des  mille 
complexités  de  forme  d'une  faune  infinie,  d'une  végétation  exubé- 
rante, folle  et  comme  déréglée,  nature  d'oia  la  mort  semble  bannie 
et  apparaît  comme  une  transformation  de  la  vie  éternelle  et  triom- 
phante. La  terre  y  est  chaude  d'une  chaleur  moite  d'être  vivant, 
faite  de  fermentations  incessantes  et  de  mille  putridités  fécondes. 
Des  fleuves,  aux  sources  ignorées,  dont  les  flots  charrient  les  pail- 
lettes d'or  et  les  pierres  précieuses,  après  avoir  déroulé  leurs 
méandres  paresseux  parmi  l'immensité  verte  des  forêls,  vont  se 
perdre  dans  l'immensité  bleue  du  Pacifique,  dans  cet  inHni  au  bord 
duquel  la  terre  semble  se  terminer  et  où  chaque  soir,  parmi  des 
nuées  illuminées  en  teintes  fondues  de  reflets  d'or,  de  rubis,  d'éme- 
raude  et  d'améthyste,  le  soleil  sombre  dans  les  flots  ensanglantés, 
en  une  apothéose  féerique  de  couleurs  harmonieuses,  de  rayons 
irradiés  et  de  lumière  décomposée.  Là,  des  ouragans  subits  fauchent 
en  un  instant  des  arpents  d'arbres  séculaires  et  gigantesques, 
comme  un  moissonneur  une  brassée  d'épis;  les  pluies  torrentielles 
de  l'hiver  succédant  brusquement  aux  longues  sécheresses  du  prin- 
temps (2)  transforment  les  plaines  naguère  arides  et  désertes  en 
immenses  marécages,    d'où  s'exhalent  les  miasmes   mortels,  au 

(1)  Federico  Gonzalez  Suarez.  lîistoria  gênerai  de  la  Republica  del  Ecuadoi\iomç,  I, 
chap.  IV.  Quito,  Impreuta  del  Clero  Carrera  de  Chile,  numéro  14,  1890. 

(2)  En  Equateur,  on  distingue  deux  saisons  :  la  saison  sèche  et  froide,  le  prin* 
temps  (verano)  de  juin  à  décembre  ;  la  sûson  humide  et  chaude,  l'hiver  (iuvierno) 
de  janvier  à  mai. 


84  Dr  RIVET. 

milieu  de  floraisons  rares  et  luxuriantes  écloses  en  une  nuit;  des 
montag^nes  s'écroulent;  des  rivières  changent  de  cours;  rien  n'est 
fixe,  rien  n'est  stable  ;  tout  se  meut  et  se  mue  comme  en  un  vertige 
de  transformation  hâtive  et  inlassable. 

Dans  les  hauts  plateaux  de  l'intérieur,  ce  sont  les  pics  neigeux 
bordant  d'une  dentelle  capricieuse  une  des  plus  hautes  chaînes  qui 
soit  au  monde  :  le  Gumbal,  qui  s'élève  au  nord  comme  une  forte- 
resse crénelée  bâtie  pardes  Titans;  le  Chiles,  gigantesque  mamelle 
dressée  vers  le  ciel  oii  perlerait  le  lait  ;  le  Cotacachi  où  la  neige 
dessine  une  selle  immaculée  semblant  attendre  quelque  cavalier 
surhumain;  le  Gayambe,  dont  la  cime  trilobée  émerge  très  haut, 
immense  fleur  de  lys  perdue  dans  l'infini;  l'Antisana;  l'iliniza 
lançant  dans  l'azur  ses  deux  flèches  délicates  et  resplendissantes  ; 
l'Altar  dont  le  cratère  écroulé  vers  l'Ouest  livre  le  secret  de  son 
intérieur  de  glaciers,  et  dont  la  silhouette,  délicieusement  dentelée, 
semble  artificielle,  ciselée  dans  un  marbre  pur  par  quelque  artiste 
génial;  enfin  le  Chimborazo,  le  colosse,  le  roi  des  Andes,  énormité 
blanche,  qui  garde  par  delà  les  nuages,  au-dessus  des  tempêtes, 
le  mystère  et  l'orgueil  de  sa  cime  inviolée  (J). 

Ce  sont  les  volcans  :  le  Pichincha,  le  Sangay,  le  Tunguragua,  et 
le  plus  beau,  le  plus  redoutable  de  tous,  le  Colopaxi,  ruisselant  de 
lumière  éclatante,  étincelant  sous  son  manteau  d'hermine  semé  de 
diamants,  refléchissant  les  rayons  du  soleil  aux  milles  facettes  de 
ses  glaciers  et  de  ses  neiges,  et  tout  à  coup  effroyablement  terrible, 
secouant  la  terre  comme  une  bète  fauve  en  furie  les  barreaux  de  sa 
cage,  vomissant  des  gerbes  de  feu,  engloutissant  des  régions 
entières  sous  des  torrents  de  boue,  couvrant  toute  la  plaine  de  sco- 
ries, de  cendres  brûlantes^  et  de  roches  incandescentes,  supprimant 
la  vie  de  son  haleine  empoisonnée,  puis  sa  fureur  passée,  rentrant 
soudain  dans  le  calme,  reprenant  sa  beauté  sereine,  majestueux, 
indiilérent  et  superbe  au  dessus  des  ruines  accumulées  à  ses  pieds, 
tel  Néron  couronné  de  laurier,  vêtu  de  pourpre  et  d'or,  chantant 
impassible  devant  Rome  embrasée  par  son  ordre. 

Là,  la  nature  indocile  semble  ignorer  toute  règle;  les  climats 
s'enchevêtrent  et  se  pénètrent,  les  tristes  graminées  alpines  voi- 
ci) M.  Edward  Whymper  est  le  seul  qui  ait  accompli  cette  redoutable  ascension. 
E.  Whymper,  Travels  an  the  great  Andes  of  the  Ecuador.  Londres,  1892.  Je  dois 
ajouter  que  dans  le  pays  on  se  montre  généralement  très  sceptique  au  sujet  du 
succès  complet  de  l'ascension  de  M.  Wliymper.  —  D'après  Wolf,  l'éminent  géo* 
graphe  de  l'Equateur,  le  Chimborazo  a  6.310  mètres  d'altitude. 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR.  83 

sinent  avec  les  plantes  tropicales.  Le  voyageur  étonné  passe  en 
quelques  heures  des  «  paramos  »  déserts,  incultes  et  glacés,  aux 
plages  sablonneuses  et  brûlantes  du  Chota,  du  Jubones,  du  Gualla- 
bamba,  du  Gatamayo,  et,  le  soir,  son  regard  fatigué  des  immensités 
grises  et  des  tonalités  ternes  se  repose  à  contempler  les  taches 
vert-clair  d'une  fraîcheur  printanière  que  font  sur  les  rives  de  ces 
tleuves  les  «  Canaverales  »  (champs  de  canne  à  sucre).  Au  fond  de 
vallées  profondes,  comme  taillées  intentionnellement  à  travers  le 
haut  plateau  interandin  et  les  Cordillères  éventrées,  des  torrents, 
ruisseaux  limpides  dont  les  flots  laissent  voir  le  lit  caillouteux  tout 
proche,  serpentent  au  milieu  des  champs  fertilisés  par  leurs  eaux 
bienfaisantes,  et,  quelques  heures  plus  tard,  roulent  en  mugissant, 
dans  un  nuage  d'écume  volatilisée,  d'énormes  quartiers  de  roches, 
des  troncs  d'arbres  arrachés  à  leurs  rives,  inondent  et  dévastent, 
ruinent  et  détruisent.  Là,  la  terre  jeune  a  des  soubresauts  de  bête 
indomptée,  et  en  quelques  minutes,  un  de  ses  tressaillements  trans- 
forme la  ville  florissante  en  un  monceau  de  ruines  et  de  décombres. 

Pour  l'Indien,  toutes  ces  beautés  indilférentes  ou  redoutables, 
tous  ces  phénomènes,  toutes  ces  forces  aux  manifestations  impré- 
vues et  irrésistibles,  avaient  une  âme  mystérieuse.  Vivant  en  pleine 
nature,  il  était  en  contact  constant  et  intime  avec  ses  divinités  tuté- 
laires  ou  hostiles.  Pour  lui,  vraiment,  l'univers  était  un  temple 
peuplé  de  symboles,  et  Timmense  vallée  interandine,  comme  une 
galerie  magnifique,  quelque  Parthénon  gigantesque  où  il  rencon- 
trait à  chaque  pas  l'image  de  ses  dieux  (1). 

Telle  était  au  moment  de  la  conquête  espagnole  la  religion 
indienne,  toute  de  poésie,  d'imagination,  religion  objective  parlant 
bien  plus  aux  yeux  qu'au  cœur,  religion  panthéiste  excluant  toute 
idée  de  bonté  et  même  de  justice  chez  les  divinités  qui  en  étaient 
l'objet,  et  vénérant  surtout  en  elles  la  force  et  la  puissance. 

Le  catholicisme,  qui  fait  surtout  consister  la  religion  dans  l'ado- 
ration intime  d'un  être  souverainement  charitable,  juste  et  indul- 
gent, ne  pouvait  être  compris,  présenté  sous  cette  forme,  de  ces 
peuples  primitifs;  et  la  réponse  d'Atahuallpaau  prêtre,  qui  essayait 
dans  sa  prison  de  lui  faire  comprendre  le  dogme  chrétien  :  «  Mon 
Dieu  à  moi  est  le  Soleil  et  à  ce  Dieu  les  hommes  ne  peuvent  faire 
aucun  mal,  comme  vous  me  dites  qu'ils  l'ont  fait  avec  le  vôtre,  en  le 

(1)  t<  L'iudien,  où  quil  se  trouvât,  ne  se  croyait  jamais  seul;  mais  au  contraire 
se  croyait  accompagné  par  tous  les  objets  qui  l'entouraient  et  entrait  en  communi- 
cation avec  eux  tous  ».  Gonzalez  Suarez,  loc.  cit.,  tome  I,  chap.  iv,  page  140. 


86  D'  RIVET. 

I liant  »  (1).  —  Cette  réponse  empreinte  (rironique  mépris  aurait  été 
la  réponse  invariable  de  tout  Indien  aux  premiers  missionnaires. 

Mais  le  catholicisme  arriva  en  Améri(jue  modifié  par  le  génie 
propre  du  peuple  conquérant;  l'Espagnol  a  toujours  par  tempé- 
rament aimé  les  cérémonies  pompeuses  et  magnifiques,  et  sa  foi 
s'est  toujours  manifestée  bien  plus  en  actes  extérieurs  qu'en  prières 
balbutiées  dans  la  solitude  et  le  recueillement.  Sa  piété  ne  s'exalte 
qu'en  des  décors  fastueux.  L'anthropomorphisme  a  eu  son  foyer 
chez  ce  peuple  poète,  imaginatif,  réalisant  en  images  concrètes, 
brillantes  et  colorées,  ses  pensées  et  ses  sentiments,  les  matériali- 
sant par  un  besoin  instinctif  de  sa  nature.  Cette  tendance  de  la 
race  était  encore  exagérée  chez  les  individus  qui  firent  la  conquête, 
riches  d'énergie  mais  frustes  d'intruction  (Pizarre  ne  savait  ni  lire 
ni  écrire),  fils  des  héros  naïfs  de  l'amour  et  de  la  foi  du  xiv*'  et  du 
xv^  siècles,  chevaliers  errants  de  l'aventure,  croisés  audacieux  et 
grossiers,  tout  imprégnés  encore  des  préjugés,  des  traditions  et  des 
croyances  moyenâgeuses.  Par  tempérament,  par  nécessité  aussi, 
ils  s'attachèrent,  dans  leur  apostolat  sanglant,  bien  plus  à  la  lettre 
qu'à  l'esprit  de  la  religion.  Ils  étaient,  en  réalité,  eux-mêmes  plus 
fétichistes  et  superstitieux  que  réellement  pieux.  De  plus,  hommes 
d'action  avant  tout,  ils  croyaient  davantage  au  pouvoir  de  la  force 
qu'à  la  puissance  de  la  persuasion,  et  n'avaient  ni  le  temps,  ni  peut- 
être  l'idée  de  s'attarder  à  prêcher  la  vraie  morale  évangélique  faite 
de  charité  et  d'amour  du  prochain,  morale  avec  laquelle  leurs  actes 
étaient  en  complet  désaccord.  Leur  conception  du  christianisme 
était  plus  simpliste,  moins  sentimentale,  et  aussi  plus  facilement 
conciliable  avec  leur  vie  de  pirates.  Ils  croyaient  de  bonne  foi  pou- 
voir commettre  les  pires  atrocités  pourvu  que  ce  fût  au  nom  de 
Dieu  ;  souvent  ils  tuèrent  sans  motif,  mais  après  le  massacre  inu- 
tile se  confessaient  et  communiaient  dévotement.  Ils  pillaient  sans 
scrupule  les  pays  conquis,  mais  pensaient  sincèrement  que  Dieu 
les  approuvait,  était  avec  eux,  si  sur  le  butin  une  part  était  prélevée 
pour  élever  quelque  église  ou  oiïrir  quelque  statue  à  la  Vierge  et 
aux  saints.  «  Le  temple  de  Caranqui,  dit  naïvement  un  chroniqueur, 
fut  mis  à  sac  et  démoli  en  l'honneur  de  saint  Barthélémy  »  (2). 

Ce  Dieu  complaisant ,  peu  scrupuleux  quant  aux  moyens  employés 

(1)  Gonzalez  Suahez,  loc.  cit  ,  tome  II,  chap.  vi,  page  122.  Quito,  1891. 

(2)  Capitaa  Gonzalo  Feruaudez  de  Oviedo.  llistovia  natural  y  rjeneral  de  las  Indias, 
tome  IV,  3^  partie,  chap.  xix  du  Livre  VI.  Ouvrage  publié  par  les  soins  de  l'Aca- 
démie royale  d'histoire  de  Madrid. 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR.  87 

pour  lui  conquérir  des  fidèles,  sensible  aux  offrandes,  redoutaI)le 
mais  accommodant,  ressemblait  plus  au  Dieu  indien  qu'au  Dieil  du 
cbristianisme.  Quant  aux  prêtres  qui  accompagnaient  au  début  les 
«  Conquistadores  »  et  dont  l'influence  aurait  pu  contrebalancer 
celle  de  leurs  rudes  compagnons,  ils  étaient,  eux  aussi,  bien  plutôt 
des  soldats  que  de  véritables  apôtres  :  leur  vraie  croix  était  la 
poignée  d'une  épée. 

Kn  matérialisant  le  christianisme,  en  apportant  en  Amérique 
leur  goût  pour  la  pompe  extérieure,  les  Espagnols,  sans  le  savoir, 
hâtèrent  et  facilitèrent  la  conquête  évangélique  des  nouveaux 
royaumes.  L'Indien  fut  attiré  vers  une  religion  qui  lui  rappelait 
celle  de  ses  pères,  par  le  faste  de  ses  cérémonies,  le  luxe  des  orne- 
ments sacerdotaux,  la  splendeur  de  ses  fêtes  et  de  ses  processions, 
la  poésie  simple  et  un  peu  puérile  de  son  culte,  et  surtout  par  une 
conception  peu  diiïorente  de  la  divinité.  Il  accourut  à  ces  spectacles 
religieux  où  se  complaît  le  génie  espagnol  avec  le  même  esprit 
qui  le  faisait  accourir  aux  fêtes  du  Soleil.  Les  parois  des  temples 
païens  démolis  servirent  à  édifier  les  églises  du  nouveau  culte;  des 
statues  presque  semblables  aux  idoles  détruites  en  ornèrent  les 
murs.  La  religion  chrétienne  comme  la  religion  des  Incas  apparut 
intimement  unie  à  la  vie  journalière  (1).  Les  prêtres  catholiques, 
comme  les  prêtres  du  Soleil,  étaient  soumis  aux  mêmes  règles  de 
chasteté  et  d'abstinence.  Ils  mirent  au  cqu  des  nouveaux  catéchu- 
mènes des  chapelets  qui  leur  rappelaient  leurs  amulettes  et  les 
remplacèrent  sans  changer  de  caractère;  ils  leur  montrèrent  des 
gravures  où  des  têtes  de  saints  rayonnaient  sous  l'auréole  dorée 
comme  l'image  du  Soleil  sur  les  parois  des  sanctuaires  anciens. 
Sur  les  montagnes,  où  quelque  représentation  idolàtrique  (huaca) 
avait  existé,  une  croix  fut  plantée  et  il  n'y  eut  guère  que  substitu- 

(1)  Eacore  actuellement  il  est  impossible  de  séparer  en  Equateur  la  vie  religieuse 
et  la  vie  sociale.  Les  moindres  actes  de  l'existence  chez  ce  peuple  foncièrement 
croyant  revêtent  un  caractère  religieux.  La  formule  de  salutation  de  llndien  est 
une  louange  à  Dieu  :  «  Alabado  el  Santisimo  Sacramenlo,oii  la  Sanlisima  Virgen,  ou 
Jesu-Cristo.  »  :  «  Que  le  Saint-Sacremeut,  ou  la  très-Sainte  Vierge  ou  Jésus-Christ 
soit  loué  »;  et  le  Blanc  répond  par  un  vœu  pieux  :  «  Por  siempve  a/abadol  »,  «  cju'il 
soit  loué  à  jamais  !  »  —  Une  croix  s'érige  sur  le  faîte  de  la  plupart  des  maisons. 
Sur  la  porte  d'entrée,  souvent  une  petite  pancarte  collée  indique  que  la  maison  est 
placée  sous  la  protection  du  Sacré-Cœur  de  Jésus.  Le  palier  de  l'escalier  principal 
est  orné  d'une  gravure  ou  peinture  de  la  Vierge.  Autrefois,  la  coutume  était  de 
s'agenouiller  devant  cette  image  et  de  prier  un  instant  avant  d'entrer.  Les  tableaux 
qui  garnissent  les  murs  du  salon  représentent  le  plus  souvent  des  scènes  religieuses 
ou  mystiques.  —  Il  serait  facile  de  multiplier  les  exemples  à  ce  sujet. 


88  Dr  RIVET. 

lion  dt'  symbole.  L'esprit  tutélaire  de  chaque  individu  (cunchur, 
clianca  ou  conopa)  (i)  changea  de  nom,  s'appela  ange  gardien. 
Autour  du  Dieu  suprême,  comme  autrefois  autour  d'  u  Inti  )>,  le 
Soleil,  vint  graviter  un  peuple  de  quasi-divinités  secondaires,  plus 
facilement  abordables,  plus  accessibles  aux  hommages  humains  et 
capables  elles  aussi  de  protéger  les  mortels,  la  théorie  des  anges  et 
des  saints,  dont  les  fêtes  sont  encore  célébrées  actuellement  par 
les  Indiens  avec  plus  de  splendeur  que  les  fêtes  religieuses  princi- 
pales; et  lorsque  le  jeune  néophyte  chanta  les  cantiques  et  les 
psaumes  chrétiens,  d'une  poésie  si  ardente  et  imagée,  traduits  en  sa 
langue  pittoresque  (2),  il  put  croire  adorer  toujours  sous  une  forme 
différente  les  diverses  forces  de  la  nature,  et  que  Marie  n'était  que 
le  nom  nouveau  de  Tétoile  protectrice  qu'il  vénérait  jadis. 

Les  Indiens  ne  vinrent  pas  seulement  avec  leurs  idées  païennes 
à  peine  modifiées  aux  nouvelles  églises;  il  y  apportèrent  aussi  leurs 
coutumes,  leur  mode  spécial  de  célébrer  leurs  dieux,  et,  de  l'aveu 
même  que  je  tiens  d'un  missionnaire  expérimenté,  «  en  se  conver- 
tissant au  christianisme,  transportèrent  dans  le  culte  chrétien  toutes 
leurs  habitudes  de  culte  idolâtrique  »  (3)  ;  et  les  prêtres  de  l'époque, 
peu  psychologues  et  peu  clairvoyants,  méconnurent  la  portée  de 
cet  acte;  ils  ne  virent  dans  la  présence  à  leurs  fêtes  des  nouveaux 
adeptes  bizarrement  déguisés  qu'un  moyen  de  rehausser  l'éclat  de 
la  solennité,  d'en  augmenter  la  splendeur  par  l'étrangeté  et  l'origi- 
nalité du  spectacle  inattendu  et  inédit  qui  s'y  ajoutait.  Ainsi,  peu  à 
peu,  le  christianisme,  par  une  tendance  naturelle  de  ceux  qui  le 

(1)  Gonzalez  Suarez,  loc.  cit.,  tome  I,  chap.  iv,  page  142. 

(2)  Une  des  caractéristiques  de  la  langue  quichua  est  sa  richesse  en  mots  expres- 
sifs et  colorés  se  rapportant  au  monde  extérieur,  en  même  temps  que  sa  pauvreté  en 
mots  s'appliquant  aux  idées  abstraites.  L'Indien  est  de  par  son  idiome  un  poète  aux 
comparaisons  brillantes  et  concrètes;  tous  ses  sentiments,  toutes  ses  pensées  se  tra- 
duisent en  images  d'un  réalisme  parfois  délicieux.  Au  cours  d'un  voyage,  je  recom- 
mandais à  un  petit  guide  indien  de  me  réveiller  de  grand  matin.  Il  me  répondit  qu'il 
se  lèverait  «  sitôt  que  les  oiseaux  commenceraient  à  prier  ».  N'est-ce  pas  pour  ces 
âmes  simples  un  hymne  d'adoration  vers  le  Créateur  qui  s'élève  des  bois  et  de  la 
campagne  au  lever  du  soleil?  —  Une  Indienne  dont  la  fille  était  morte  répétait  au 
milieu  de  ses  larmes  :  «  Elle  était  si  jolie  que  si  le  ciel  s'était  déchiré  on  aurait  pu 
le  raccommoder  avec  ellel  »  —  «  Cielo  lliquirigpica,  payhuan  sirashpa  jambinami 
carca!  »  Le  Père  Solano  signale  encore  cette  phrase  touchante  d'une  Indienne  qui 
avait  perdu  son  fils  :  «  Chaupipunchapi  tutayarca  »,  «  au  milieu  du  jour,  la  nuit  s'est 
faite  pour  moi  ».  {Obras  de  Fray  Vicente  Solano.  3  vol.  Barcelone,  1892,  tome  I. 
Note  1  de  la  page  477.) 

(3)  Ils  y  introduisirent  même  parfois  subrepticement  leurs  idoles  que  les  prêtres 
trouvèrent  cachées  sous  l'autel  ou  dans  le  socle  des  statues  de  saints.  Arriaga,  Extir^ 
pacion  de  la  idolatria  delPéru.  Lima,  1621. 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR.  89 

prêchaient,  se  laissa  pénétrer  de  paganisme  ,  et  même  aujourd'hui, 
après  trois  siècles,  alors  même  que  beaucoup  d'Indiens  semblent 
avoir  accepté  et  compris  la  religion  catholique  dans  son  essence, 
certaines  cérémonies,  malgré  l'opposition  du  clergé  éclairé,  rappel- 
lent cette  ancienne  alliance,  l'étrange  compromis  qui  en  un  temps 
mêla  de  si  curieuse  manière  le  dogme  chrétien  et  les  pratiques 
païennes.  Daudet  a  dit  que  deux  personnes  vivant  sans  cesse  côte 
à  cote  en  arrivent  à  se  ressembler  ;  cette  remarque  pourrait  dans  le 
cas  s'étendre  aux  religions. 

Cette  observation  a  dû  être  faite  par  tous  les  voyageurs  qui  ont 
parcouru  l'Amérique  latine.  Dans  son  livre  intitulé  «  Die  Vulkan- 
berge  von  Ecuador  »  (1),  M.  Alfons  Stûbel  décrit  avec  détails  le 
déguisement  des  danseurs  indiens  qu'il  vit  à  Riobamba,  lors  de  la 
Fête-Dieu,  se  livrer  par  la  ville  à  des  ébats  chorégraphiques.  Un 
peintre,  M.  Troya  fit  un  tableau  de  la  scène  (2). 

Parmi  les  accessoires  du  costume  se  trouvent  un  plumet  et  une 
chasuble  (fig.  1).  A  ce  sujet,  M.  Stiibel  dit  très  justement  :  «  11  est 
loin  de  l'esprit  de  l'Indien,  lorsqu'il  associe  le  plumet  et  la  chasuble 
dans  son  déguisement  de  vouloir  commettre  une  profanation...... . 

Mais  le  fait  qu'il  n'a  jamais  appris  à  faire  de  différence  entre  le 
sacré  et  le  profane,  montre  bien  en  tous  cas  le  médiocre  résultat 
que  le  clergé  a  pu  obtenir  ici  en  plusieurs  siècles.  Il  est  encore 
bien  plus  caractéristique  de  voir  que  la  population  tout  entière 
des  villes  et  de  la  campagne,  sans  excepter  le  clergé,  n'est  nulle- 
ment choquée  de  l'interprétation  que  l'Indien  donne  aux  usages  de 
l'Eglise,  dans  ses  fêtes,  et  même  s'y  intéresse  avec  plaisir,  à  un 

degré  plus  ou  moins  grand H  y  a  lieu  de  se  demander  si,  au 

cours  des  siècles,  l'Indien  n'est  pas  devenu  beaucoup  moins  chré- 
tien que  ceux  qui  avaient  cherché  à  le  christianiser  ne  sont  deve- 
nus indiens  ». 

Qu'un  grand  nombre  d'Indiens  soient  restés  intimement  païens, 
il  n'y  a  pas  de  doute  à  ce  sujet.  Dans  toutes  les  provinces  de 
l'Equateur,  on  peut  noter  des  pratiques  qui  en  sont  la  preuve  indis- 
cutable :  des  montagnes,  comme  le  Ghimborazo  et  le  Tunguragua 
sont  encore  invoquées  comme  des  divinités  sexuées  :  le  Chimbo- 


(1)  Alfoas  Stûbel,  Die  Vulkanberge  von  Ecuador.  Berlin,  1897.  Imprimerie  A.  Asher 
et  Ci^  page  306. 

(2)  Ce  tableau  figure  sous  le  n"  171  dans  la  collection  de  dessins  et  tableaux  rap- 
portée par  MM.  Reiss  et  Stiibel  de  leur  voyage  en  Amérique  et  donnée  par  eux  au 
«  Muséum  fur  Yôlkerkunde  »  de  Leipzig, 


90 


Dr  RIVET. 


razo  est  le  dieu  mâle  (taita)  ;  le  Tunguragua  le  dieu  femelle  (mama) . 
Certaines  cordillères,  oii  le  mauvais  temps  est  fréquent,  ont  une 
personnalité  véritable,  hostile  et  irrita])le.  La  montag-ne  se  fâche, 
si  une  personne  la  gravit,  a  El  pâramo  esta  bravo  »,  —  u  le  pdramo 
est  méchant,  est  en  colère  »  —  est  une  expression  courante  parmi 
les  Indiens  (i).  Dans  les  passages  dangereux  ou  difficiles,  le  voya- 
geur trouvera  le  long  du  chemin  de  grands  tas  de  pierres  déposées 
une  à  une  par  les  Indiens  pour  qu'aucun  accident  ne  leur  arrive. 
Ces  tas  de  cailloux  existent  au  point  culminant  de  la  route  qui  de 


FiG.  1.  —  Indiens  danseurs  de  la  Fête-Dieu  à  Latacunga,  d'après  une  carte  postale 

illuslrée  équatorienne. 


Cuonca  va  vers  le  Nord,  au  passage  redouté  de  TAzuay  appelé 
«  Très  Cruces  »  ou  «  Quimsa-Cruz  »,  et  sur  le  chemin  de  Cuenca  à 
Maranjal.  à  l'endroit  connu  sous  le  nom  de  «  Cajas  ».  A  coté  des 
cailloux,  il  y  a  aussi  de  petites  croix  faites  avec  la  paille  du 
«  pâramo  »  ;  la  pratique  païenne  s'est,  pour  ainsi  dire,  christianisée, 
mais  l'intention  qui  guide  le  geste  est  restée  la  même.  Dans  la 
province  du  Carchi,  je  vis  un  muletier  qui  m'accompagnait,  avant 

(i)  Pendant  un  séjour  de  trois  mois  que  nous  fîmes  sur  la  cime  du  «  Mirador  », 
hayte  montagne  de  la  Cordillère  orientale,  dans  la  province  du  Carchi,  le  mauvais 
teAps  fut  persistant  dans  la  vallée,  et  les  Indiens  l'attribuant  à  la  colère  du  «  pâramo  » 
importuné  de  notre  présence,  menacèrent  de  venir  nous  en  chasser  par  la  force. 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR. 


91 


de  passer  un  gué  dangereux  du  rio  Bobo,  se  mouiller  le  front  de 
l'eau  de  la  rivière,  puis  faire  le  signe  de  la  croix;  il  répondit  à  ma 
question  que  de  cette  façon  il  passerait  le  gué  sans  difficulté.  Dans 
la  province  de  l'Azuay,  lorsque  se  produit  une  éclipse  de  lune,  les 
indigènes  croient  qu'un  ours  dévore  Tastre  et,  pour  l'effrayer, 
poussent  des  cris  stridents,  font  un  tapage  infernal  que  vient  encore 
augmenter  le  hurlement  des  chiens  épouvantés.  Les  Indiens  de 
Ganar  redoutent  l'arc-en-ciel  (cuychi)  dont  le  contact  produit  une 
maladie  grave  appelée  par  eux  u  cuychijapishca  »  (1).  Ils  croient 


FiG.  2.  —  Indiens  «  danzantes  »  de  la  province  de  i'Aznay  (2). 


(1)  Littéralement  «  pris  par  l'arc-en-ciel  »  ;  japishca  vient  da  verbe  «  japina  » 
«  prendre  ». 

(2;  Je  dois  ce  dessin,  copie  d'une  photographie,  à  l'amabilité  de  mon  ami, 
M.   Rafaël  Real   de  Cuenca. 

Ainsi  qu'il  est  facile  de  s'en  rendre  compte  en  comparant  cette  figure  à  la  figure  1, 
les  Indiens  «  danzantes  »  de  la  province  de  l'Azuay  diffèrent  sensiblement  de  leurs 
similaires  de  Riobamba  ou  de  Latacunga.  Leur  costume  se  compose  d'une  espèce  de 
tunique  étroite  de  percaline  rouge  qui  descend  un  peu  plus  bas  que  les  genoux; 
par  dessus  le  pantalon  sont  ajustées  des  jambières  de  cuir  ou  de  gros  drap,  où  sont 
fixés  une  série  de  grelots  qu'ils  font  sonner  au  rythme  de  la  musique.  Sur  la  tunique 
va  un  ample  «  poncho  »  de  toile  de  coton,  toujours  de  couleurs  vives  et  souvent 
orné  de  fleurs.  Le  cou  est  entouré  d'un  foulard  rouge  qui  remonte  presque  jusqu'à 
la  lèvre  inférieure.  Ils  portent  en  outre  une  perruque  dont  les  cheveux  tombent 
jusque  sur  la  poitrine  et,  comme  coiffure,  une  espèce  de  casque  ordinairement  de 
cuir  ou  de  carton,  imitant  une  tête  de  géuisse  et  peint  de  dessins  capricieux.  Dans 
le  dos,  ils  ont  comme  ornement  un  bâton  tranversal  auquel  sont  suspendus  de 
nombreux  rubans  et  deux  mouchoirs  drapés,  de  couleurs  voyantes.  Le  costume  est 
complété  par  un  ou  deux  chapelets  de  grains  colorés,  passés  autour  du  cou,  un 
bâton  dans  la  main  droite,  une  clochette  dans  la  main  gauche. 


92 


D'  RIVET. 


aussi  à  Texistence  d'un  nain,  maître  des  montagnes,  a  urcuyaya  ))(!), 
qui,  la  nuit,  attaque  et  tue  ceux  qui  osent  s'aventurer  dans  ses 
domaines.  Dans  certaines  régions  de  l'Azuay,  quand  des  pluies 
persistantes  compromettent  les  récoltes,  les  Indiens  montent  sur 
les  collines  environnantes,  en  criant  :  «  Masho  !  masho!  »  (2)  pour 
faire  apparaître  le  soleil  Sur  le  territoire  de  la  paroisse  de  Paccha 
(province  de  l'Azuay)  existe  la  caverne  de  Guritaqui  (3)  habitée  par 
un  génie  appelé  «  Mamahuaca  »,  dont  l'attribut  est  un  épi  de  maïs 
en  or  tenu  à  la  main,  et  qui  en  écbange  de  l'offrande  du  premier- né 
d'une  famille  donne  à  celle  ci  la  richesse  et  l'abondance.  Jusqu'à 
présent,  cette  tradition  barbare  persiste,  et  de  temps  à  autre,  un 
enfant  est  trouvé  abandonné  au  seuil  de  l'antre  du  dieu. 

11  serait  facile  de  multiplier  ces  exemples  de  pratiques  qui 
remontent  aux  temps  antérieurs  à  la  conquête  et  dont  on  retrouve 
l'indication  dans  les  relations  des  chroniqueurs  espagnols.  xMais 
ces  superstitions  existent  en  dehors  de  l'Église,  qui  les  ignore  sou- 

Ces  «  danzantes  »  sont  accompagués  de  deux  ou  trois  musiciens  qui  jouent  de  la 
flûte  et  du  tambour  et,  enfin,  d'un  individu  déguisé  en  nègre  (veste  noire,  pantalon 
noir  à  bande  rouge  orné  de  grelots,  toque  noire  en  peau  de  mouton)  qui  n'a  pour 
attributs  que  deux  bâtons  noueux  et  recourbés  qu'il  frappe  en  cadence  pendant  le 
bal. 

Voici,  à  titre  de  curiosité,  notée  aussi  exactement  que  possible,  la  musique  mono- 
tone et  originale  qui  accompagne  inlassablement  la  danse  sacrée  : 


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Le  véritable  nom  quicbua  du  «  danzante  »  est  «  chuqui  ». 

Je  dois  ajouter  que  cette  coutume  tend  à  disparaître  de  la  province  de  l'Azuay 
et  qu'il  est  impossible  déjà  de  l'observer  dans  les  villes,  en  raison  d'ordres  formels 
donnés  par  l'administrateur  apostolique  de  ce  diocèse.  D'autre  part,  le  gouvernement 
équatorien  a  récemment  pris  des  mesures  énergiques  pour  empêcher  à  l'avenir  ces 
exhibitions. 

(1)  De  «  urcu  »  montague,  et  «  yaya  »  maître. 

(2)  «  Masho   »,  chauve-souris. 

(3)  De  et  curi  »,  or  et  «  taqui  »  grenier. 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR.  93 

vent,  et  à  l'insu  du  prêtre  qui  cherche  en  vain  à  les  faire  disparaître. 

Autrement  intéressantes  sont  les  cérémonies  oii  apparaît  Funion 
curieuse  du  paganisme  et  du  christianisme.  J'ai  déjà  sig^nalé  les  dan- 
seurs de  la  cérémonie  de  la  Fête-Dieu,  danseurs  que  nous  retrou- 
vons dans  la  province  de  TAzuay  (fig  2).  La  fête  des  Morts  et  la 
fête  du  vendredi-saint  en  offrent  deux  autres  exemples  frappants. 

Dans  la  province  du  Carchi,  dès  les  derniers  jours  d'octobre^  les 
Indiens  s'apprêtent  pour  le  «  dia  de  finados  »,  le  jour  des  défunts. 
Ils  préparent  des  comestibles  divers  :  viandes  de  toutes  sortes,  en 
particulier  de  la  viande  de  porc,  cochons  d'Inde,  poules,  des  pommes 
de  terre,  des  fèves,  des  «  ocas  »  (Oxalis  tuberosa)  de  la  «  masa- 
morra  »  (sorte  de  marmelade  faite  de  maïs  moulu  et  de  cassonade 
de  canne  à  sucre  (rapadura)),  des  fruits,  des  boissons,  lait,  chicha 
de  maïs  ou  d'  «  achupallas  »  (1),  eau-de-vie,  et  enfin  de  petites 
figurines  en  pain  imitant  la  forme  humaine  ou  représentant  des 
animaux  domestiques  variés.  Le  2  novembre,  ils  se  rendent  à 
l'ég-lise  chargés  d'une  partie  de  ces  provisions  qu'ils  y  déposent 
sur  des  tables  préparées  à  cet  effet  :  c'est  l'offrande  au  curé  de  la 
paroisse  pour  qu'il  célèbre  l'office  des  morts.  Pendant  la  célébra- 
tion de  celui-ci,  chacun  reste  agenouillé  ayant  devant  soi  une 
chandelle  allumée  et  un  pot  d'eau  bénite  fournie  par  le  prêtre,  et 
durant  toute  la  cérémonie  verse  peu  à  peu  Teau  dans  le  creux  de 
sa  main  de  façon  à  ce  qu'elle  s'écoule  goutte  à  goutte.  L'Indien 
pense  qu'il  donne  à  boire  aux  âmes  altérées.  Après  la  messe,  il  se 
rend  au  cimetière  et  là,  prosterné  devant  la  tombe  de  ses  parents, 
toujours  muni  de  sa  chandelle  et  de  son  pot,  répète  les  mêmes 
actes  pendant  que  le  prêtre  ou  le  sacristain,  le  premier  payé  en 
argent,  le  second  en  nature,  récitent  quelques  prières  pour  chaque 
mort  en  particulier. 

Le  soir,  tous  retournent  à  leurs  maisons.  Une  table  ornée  de 
quatre  lumières  y  est  installée,  chargée  de  comestibles  et  de  bois- 
sons, en  particulier  de  ceux  qui  furent  chers  au  défunt.  La  porte 
reste  ouverte  toute  la  nuit,  et  la  famille  veille,  tenant  compagnie  aux 
âmes  qui  mangent  (velorio).  Dès  sept  heures  du  soir,  des  bandes 
d'enfants  parcourent  le  village  et  les  environs;  munis  d'une  clo- 
chette, ils  s'en  vont  de  maison  en   maison  sonnant  et  criant    : 

(1)  L'achupallas  [Tillandsia  gigantea)  est  une  plante  commune  dans  les  parainos  du 
Nord.  Les  Indiens  du  Carchi  suceat  la  partie  centrale  de  la  tige  qui  est  légèrement 
sucrée.  Ils  en  extraient  aussi  le  suc,  qui,  par  fermentation,  donne  une  chicha 
remplaçant,  pour  les  pauvres,  la  chicha  de  mais. 


94  D'^RIVET. 

«  Angeles  sornos,  ciel  cielo  bajamos,  pan  qucremos  )),u  nous  sommes 
les  anges,  nous  venons  du  ciel,  nous  demandons  du  pain  ».  A  cet 
appel,  les  habitants  apparaissent  sur  le  seuil.  Ils  demandent  aux 
dits  anges  de  réciter  un  «  Pater  »  et  un  «  Ave  »  pour  le  défunt 
dont  ils  indiquent  le  nom  et  le  degré  de  parenté  et,  la  prière  finie, 
leur  remettent  un  peu  des  vivres  de  la  table.  Toute  la  nuit  passent 
ainsi  de  nouvelles  bandes,  toujours  accueillies  et  gratifiées  de 
cadeaux,  en  échange  d'oraisons.  Enfin,  à  cinq  heures  du  matin, 
la  famille  se  met  à  manger  les  restes  du  repas  des  âmes  :  la  veillée 
de  deuil  se  termine  par  un  festin  qui  dégénère  le  plus  souvent  en 
orgie. 

A  Pasa  (province  du  Tunguragua),les  préparatifs  sont  identiques  ; 
mais  les  habitants  de  ce  village  étant  en  général  riches,  il  y  a  abon- 
dance de  vivres,  de  figurines  de  pain^  et  de  «  masamorra  morada  », 
masamorra  dont  la  teinte  violette  est  obtenue  grâce  à  une  plante 
appelée  parmi  les  indigènes  :  «  ataco  morado  »  (1).  Dès  la  veille  de 
la  lète,  les  Indiens,  qui  vivent  disséminés  dans  la  campagne,  des- 
cendent au  village  avec  une  partie  de  ces  provisions  :  c'est  à  qui  se 
hâtera  d'arriver  le  premier,  car,  le  jour  des  morts,  si  un  parent  du 
défunt  fait  sonner  en  l'honneur  de  celui-ci,  la  cloche  de  l'église, 
l'âme  prisonnière  au  purgatoire  s'envole  au  paradis.  Chacun,  dans 
un  sentiment  pieux,  veut  libérer  les  âmes  en  peine  des  siens,  et 
sur  la  place  du  village,  c'est  une  foule  pittoresque  et  bruyante, 
grouillant,  se  bousculant,  et  gesticulant,  une  houle  humaine  qui 
ondule,  d'où  partent  confus  et  mêlés  des  cris,  des  appels,  des  pro- 
testations, des  prières,  d'où  émergent  des  bras  tendus  désespéré- 
ment vers  la  corde  de  la  cloche.  Celui  qui  ne  peut  s'en  approcher 
paie  celui  qui  la  tient  pour  qu'il  donne  quelques  volées  au  nom  de 
tel  ou  tel  mort.  Toute  la  nuit  et  tout  le  jour,  c'est  un  tintement 
monotone,  ininterrompu,  qui  «  fait  mourir  les  vivants  pour  honorer 
les  morts  ». 

A  l'intérieur  de  l'église,  le  spectacle  n'est  pas  moins  curieux. 
Indiens  et  Indiennes  se  tiennent  agenouillés  devant  des  corbeilles 
où  se  trouvent  rangées  les  figurines  de  pain  et  des  chandelles  allu- 
mées en  nombre  égal  à  celui  des  morts  de  la  famille.  Un  pot  de 
masamorra  est  à  côté  d'eux.  Tant  que  dure  la  messe,  et  tant  que 
brûlent  les  chandelles,  les  âmes  mangent.  Pour  les  aider,  de  temps 
à  autre  les  vivants  prélèvent  un  morceau  de  pain,  le  trempent  dans 

(l)  Amaranthus  caudatus,  ou  variété. 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR.  95 

lamasaniorra  et  gravement  le  dégustent.  A  la  sortie  de  l'office  reli- 
gieux, chacun  se  rend  au  cimetière  avec  tous  les  vivres  apportés  la 
veille  et  fait  réciter  pour  ses  morts  une  prière  particulière  soit  par 
le  prêtre,  soit  par  le  sacristain,  soit  par  toute  autre  personne,  pourvu 
qu'elle  soit  de  la  race  blanche.  Le  premier  est  payé  en  espèces,  les 
autres  en  nature  jusqu'à  épuisement  des  bourses  et  des  provisions. 

11  y  a  encore  quelques  années,  dans  la  province  de  l'Azuay,  la 
même  coutume  existait  à  peine  différente.  Chaque  famille,  le  jour  des 
morts  apportait  des  fruits,  du  pain^  une  bouteille  de  chicha  quelle 
rangeait  soigneusement  sur  des  linges, avec  les  indispensables  chan- 
delles, soit  au  cimetière,  soit  sur  la  grande  place  du  village.  Dès 
l'aurore,  tous  les  fidèles  se  trouvaient  réunis.  La  cérémonie  reli- 
gieuse terminée,  le  prêtre  sortait  de  l'église,  et  devant  chaque 
ofTrande  récitait  ou  chantait,  moyennant  paiement,  quelques  prières 
pour  le  mort  qu'on  lui  signalait,  et  dont  l'âme,  suivant  la  croyance 
indienne  était  attirée  par  les  vivres  exposés.  Durant  la  récitation, 
les  parents  brassaient  fruits  et  pain  et  répandaient  la  chicha.  Les 
âmes,  pendant  ce  temps,  mangeaient  et  buvaient  ce  qui  leur  avait 
plu  pendant  la  vie.  Finies  ces  oraisons,  qui  duraient  au  moins  une 
demi-journée,  tous  recueillaient  soigneusement  les  fruits  meurtris 
et  les  pains  réduits  en  miettes  par  les  manipulations  qu'ils  avaient 
subies  et  toute  la  famille  se  les  partageait,  pensant  consommer  les 
reliefs  du  repas  des  âmes;  puis  ce  devoir  rendu  aux  disparus,  cha- 
cun retournait  à  sa  maison  pour  le  festin  et  la  beuverie  préparés  à 
l'avance. 

Sous  des  modalités  diverses,  ces  pratiques  ont  évidemment  une 
origine  commune,  la  croyance  en  une  autre  existence  avec  les 
mêmes  besoins  physiques,  les  mêmes  nécessités  matérielles  que 
ceux  de  la  vie  sur  terre,  croyance  qui  explique  la  présence  dans  les 
sépultures  des  aborigènes  d'ustensiles  en  poterie,  d'armes,  d'orne- 
ments (1),  conception  bien  différente  de  la  conception  chrétienne 
de  la  résurrection  des  âmes,  et  cependant  adoptée  ou  tolérée  dans 
ses  dernières  manifestations  par  les  représentants  de  l'église. 

Quant  à  la  procession  du  Vendredi-Saint,  j'ai  eu  l'occasion  d'y 
assister  en  avril  1902,  dans  la  petite  ville  de  Tulcan,  située  tout 


(i)  Je  dois  les  deux  belles  photographies  ci-jointes  (fig.  3  et  4)  à  M.  Gonnes- 
siat,  directeur  de  l'observatoire  astroaomique  de  Quito,  à  l'amabilité  duquel  je  n'ai 
jamais  fait  appel  en  vain  et  à  qui  je  suis  heureux  de  manifester  publiquement  ma 
très  affectueuse  reconnaissance. 


96 


Dr  RIVET. 


au  nord  de  la  Répuhlicjue  de  l'Equateur,  près  de  la  frontière  colom- 
bienne. Du  fait  de  son  isolement,  cette  ville  a  conservé  plus  intactes 
que  les  cités  du  centre  les  coutumes  primitives.  Cependant  les  pho- 
tographies que  reproduisent  les  planches  I  et  II,  prises  à  Quito  à 
la  même  date,  prouvent  qu'en  plein  cœur  de  la  République,  malgré 
l'opposition  du  clergé  éclairé,  dans  certaines  paroisses  suburbai- 
nes, persistent  les  mêmes  pratiques  dans  toute  leur  originalité  (1). 
La  procession  est  préparée  quelques  semaines  à  l'avance.  On  y 
travaille  dans  la  maison  du  Blanc,  comme  dans  la  case  de  l'Indien. 

De  gré  ou  de  force,  chacun  doit  y  collaborer. 
Les  autorités  publiques  y  veillent  (2).  Le  com- 
missaire municipal  notifie  à  chacun  son  rôle  et 
a  le  droit  d'imposer  des  châtiments  aux  retar- 
dataires, ou  à  ceux  qui  feraient  preuve  de  mau- 
vaise volonté.  Les  propriétaires  de  débits  de 
boissons  doivent  fournir  chacun  un  Indien  sous 
peine  d'une  amende  de  20  sucres,  les  employés 
civils  quatre  chevaux  appareillés  avec  leurs  orne- 
ments. Quant  aux  Indiens  et  métis  (cholos)  qui 
vivent  dans  les  annexes  de  la  paroisse,  ils  doivent 
se  vêtir  en  «  turbantes  »  sous  peine  de  15  jours 
de  prison  et  de  cinq  sucres  d'amende. 

La  procession  qui  devait  parcourir  les  rues 
de  la  ville  sortit  de  l'église  à  neuf  heures  du  soir. 
Une  double  haie  chargée  d'encadrer  le  cortège 
sacré  se  forma  de  chaque  côté  de  la  rue  ;  en  tête 
venaient  les  «  turbantes  x,  c'est-à  dire  des  in- 
dividus entièrement  vêtus  de  blanc  avec  des  ju- 
pons et  des  camisoles  de  femme,  coiffés  d'un 
grand  chapeau  conique  fait  d'une  carcasse  de 
joncs  recouverte  de  toile  blanche,  enrubanné  de 
noir,  et  orné  à  son  extrémité  recourbée,  en  ar- 


FiG.^.  —  \ju  turbanle  [3). 

rière,  d'un  pompon  de  laine  ou  d'un  gros  nœud  de  ruban  (fig.  3). 


(1)  A  Pasa,  on  place  eucore  près  du  mort  la  corde  de  cuir  (huasca)  avec  laquelle 
il  attachait  sa  paire  de  bœufs,  son  assiette  et  sa  cuiller,  et,  s'il  était  chef,  le  «  churu  », 
corne  de  bœuf,  avec  lequel  il  appelait  les  Indiens  placés  sous  son  autorité. 

(2)  Ceci  se  passait,  je  le  répète,  en  avril  1902.  Depuis  lors,  grâce  à  l'influence 
libérale  du  gouvernement  du  général  Léonidas  Plaza,  président  de  la  République 
de  l'Equateur,  l'intervention  des  autorités  a  officiellement  cessé;  j'en  dirai  autant 
de  la  participation  de  la  troupe  en  formation  à  ces  manifestations  religieuses. 

(3)  Ce  dessin  et  les  cinq  suivants  ont   été  faits  par  M.  le  capitaine  Lallemand,  à 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR. 


97 


Tous  tenaient  à  la  main  une  espèce  de  lanterne  faite  grossièrement 
de  papier,  dont  les  parois  étaient  maintenues  rigides  par  de  petits 
bâtons,  011  brûlait  une  chandelle;  seuls  les  deux  qui  ouvraient  la 
marche,  le  chef  orné  de  «  turbantes  »  plus  hauts^  portaient  une 
lampe  en  cuivre  fixée  entre  les  deux  branches  d'une  fourche  à  long 
manche.  Des  adultes,  des  enfants  défdent  ainsi  vêtus,  chacun  avec 
un  chapeau  proportionné  à  sa  taille  et  à  ses  ressources  (0°',50  à 
3  mètres  de  hauteur. 

Derrière  eux,  venaient  successivement  les  enfants  des  écoles,  les 
adultes  non  déguisés,  Indiens,  Gholos  et  Blancs  mélangés,  tous  por- 
tant à  la  main  une  lumière  comme  les  «  turbantes  », 
les  Indiennes  avec  de  modestes  chandelles  de  suif, 
les  «  Choies  »  avec  des  bougies,  les  femmes  blanches 
avec  de  coûteux  cierges  de  cire  blanche,  tous  et 
toutes  psalmodiant  des  prières  d'une  voix  machi- 
nale et  hâtive  comme  celle  d'un  enfant  récitant  une 
leçon  trop  bien  apprise.  La  garnison,  arme  sur 
l'épaule,  musique  et  colonel  en  tête,  suivie  de  la 
foule  bruyante,  plus  amusée  que  recueillie,  avide 
de  voir  le  spectacle  offert  à  sa  curiosité,  fermait  la 
procession. 

Entre  cette  double  haie  s'avançait  le  cortège 
sacré  ;  en  tête,  venait  F  «  Aima  Santa  ».  L'individu 
qui  la  représentait  était  vêtu  de  blanc,  emprisonné 
depuis  la  taille  dans  un  «  turbante  »  de  douze 
mètres  de  hauteur,  dont  les  quatre  bâtons  longi- 
tudinaux de  bambou  (I),  soutiens  des  cerceaux 
transversaux  de  jonc  (2)  de  la  pesante  armature,  étaient  solidement 
attachés  à  sa  ceinture.  L'immense  carcasse  de  bois  était  doublée  de 
toile  blanche  et  ornée  de  rubans  bleus,  rouges  et  jaunes  en  spires 
alternées.  Une  traîne  blanche  large  de  trois  mètres  environ  et  longue 
de  vingt-cinq  mètres  complétait  le  costume.  Quatre  hommes  armés 
de  perches  maintenaient  en  équilibre  l'instable  et  bizarre  appareil 
(fig.i).  Derrière  r  «  AlmaSanta»  huit  individus, les  «  Saints  hommes» 
appartenant,  paraît  il,  à  la  race  blanche  et  à  la  meilleure  société  de 


FiG.  4.  —  «  Aima 
Santa.  » 


qui  je  dois  de  sincères  remerciements,  d'après  des  croquis  pris  sur  place  par  notre 
malheureux  camarade,  le  soldat  du  génie  Roussel,  qui  devait  mourir  si  tristement 
quelques  mois  plus  tard  au  signal  de  Troya. 

(1)  Bambusa  anguslifolia. 

(2)  Saccharum  contraclum. 

l'anthropologie.  —  T.  XVI.  —  1906.  T 


98 


Dr  RIVET, 


Tulcan,  par  conséquent  figurants  dévots  et  volontaires,  habillés 
entièrement  de  blanc  comme  les  «  turbantes  »,  vêtus  d'une  aube  de 
curé,  la  taille  ceinte  d'une  grosse  corde,  la  tète  couverte  d'un  voile 
blanc  en  forme  de  cagoule  de  pénitent,  où  deux  trous  étaient  mé- 
nagés pour  les  yeux,  d'une  main  soutenaient  l'encombrante  traîne, 
de  l'autre- portaient  une  chandelle  allumée  (fig.  o).  • 

Puis  venaient  des  enfants  (garçons  et  filles)  de  race  chola,  à  peu 
près  nus,  seulement  recouverts  d'une  «  cushma  »  (chemise  de  laine 
sans  manches)  couleur  calé,  et  portant  les  attributs  de  drame  du 
calvaire;  six  avaient  une  petite  croix  sur  l'épaule,  d'autres  étaient 


FiG.  5.  —  Uu  «  Saint  Homme  ». 


Ffg.  6.  —  ChaDteur. 


couronnés  d'épines  ou  avaient  dans  les  mains  de  gros  clous,  des 
marteaux,  des  tenailles,  des  clefs,  etc.  Un  ange,  puis  saint  Jean 
passaient  portés  par  des  Indiens,  et  Marie- Madeleine  portée  par 
des  Indiennes  suivies  d'un  individu  de  race  blanche  disparaissant 
sous  les  plis  d'une  bannière  noire  avec  bande  blanche  médiane, 
de  6  mètres  de  large  sur  8  mètres  de  long. 

Un  groupe  de  «  pénitentes  .  était  formé  par  les  fillettes  de  dix  à 
douze  ans,  demi-nues,  sous  une  petite  jupe  très  courte  descendant 
jusqu'aux  genoux  et  un  petit  c<  poncho  »  rejeté  en  arrière,  laissant 
la  poitrme  et  les  bras  à  découvert,  une  couronne  de  fleurs  sur  la 
tête  et  une  petite  croix  de  bois  noir  sur  l'épaule.  Une  manière  de 
catafalque  ou  de  grande  caisse  dorée,  illuminée  par  plus  de  cin- 


LE  CHRISTIANISME  EN  EQUATEUR. 


99 


quante  bougies  et  portée  par  des  hommes  toujours  vêtus  de  jupons 
et  camisoles  blanches,  la  tête  couverte  d'une  toque  de  même  cou- 
leur (fig.  6),  chantant  d'une  voix  aigre  et  monotone  avec  accompa- 
gnement de  flûte,  représentait  le  Saint-Sépulcre. 

Puis  venaient  deux  jeunes  garçons  portant  une  grande  et  lourde 
croix,  des  brûleurs  d'encens,  les  soldats  de  César,  la  plupart  enfants 
de  JO  à  13  ans,  fils  d'employés  et  de  notabilités  de  la  ville,  vêtus 
sensiblement  à  la  façon  de  l'armée  équatorienne,  armés  de  iusils  et 
de  carabines  Mauser,  masqués  et  bariolés,  tous  colonels  et  généraux, 
divisés  en  deux  groupes,  dont  chacun  était  commandé  par  un 
homme  déguisé  en  soldat  et  armé  d'un  «  machete  »  (fig.  7). 


Fig.  7.  —  Chef  des  soldats  romains. 


FiG.  8.  —  Commissaire. 


Un  brancard  orné  de  nombreux  cierges,  avec  le  cadavre  de  Dieu, 
suivi  d'une  escorte  d'Indiens,  la  Vierge  Marie  à  genoux  et  en 
larmes  au  pied  d'une  croix  de  toile  bleue  illuminée  intérieurement; 
trois  autres  brancards  avec  des  poupées  joufflues,  disproportion- 
nées, vêtues  de  noir,  les  trois  femmes  Véroniques,  disait-on,  pleu- 
rant derrière  le  Christ,  tous  portés  par  les  «  Saints  hommes  »  déjà 
décrits,  et  enfin  quatre  chevaux  semblables,  avec  des  mors  dorés, 
un  tapis  noir  à  frange  d'argent  sur  le  dos,  des  étoiles  dorées  col- 
lées à  même  le  poil,  la  queue  peinte,  les  sabots  recouverts  de  papier 
d'argent,  terminaient  dans  cet  ordre  le  cortège  allégorique. 

L'organisation  générale  de  la  procession  était  dirigée  par  cinq 
commissaires  habillés  très  correctement  de  jaquettes  ou  de  redin- 
gotes, coilTés  d'une  calotte  de  velours  brodée,  ornée  de  perles, 


VARIÉTÉS 


La  XI It  Session  du  Congrès  international 
d' Antliropologie  et  d' Archéologie  préhistoriques  (1). 

La  session  qui  vient  de  se  tenir  à  Monaco  a  pleinement  justifié  nos 
prévisions,  tant  au  point  de  vue  du  nombre  des  souscripteurs  que  sous 
le  rapport  des  communications  :  cinq  cents  adhérents  avaient  répondu 
à  l'appel  du  Comité  d'organisation  et  plus  de  cent  communications, 
parmi  lesquelles  de  très  intéressantes,  étaient  inscrites  à  Tordre  du  jour. 
Pour  ma  part,  je  regrette  même  qu'un  aussi  grand  nombre  de  mémoires 
aient  été  présentés  au  Congrès,  car  il  est  devenu  matériellement  impos- 
sible de  les  lire  tous  et,  par  suite,  de  les  discuter.  Parfois  il  a  fallu  se 
contenter  d'un  simple  dépôt  et  d'un  renvoi  à  la  Commission  de  publica- 
tion. Or,  ce  qui  fait  l'intérêt  de  nos  Congrès  internationaux,  ce  sont 
précisément  les  discussions  auxquelles  donnent  lieu  les  communica- 
tions. Lorsque  les  savants  les  plus  qualifiés  peuvent  exposer  leurs  vues 
et  apporter  des  faits  pour  confirmer  ou  contredire  une  opinion  émise 
par  un  auteur,  il  y  a  des  chances  pour  qu'il  en  résulte  un  progrès  dans 
nos  connaissances.  Il  est  donc  désirable,  selon  moi,  qu'à  l'avenir  le 
Comité  d'organisation  n'inscrive  au  programme  qu'un  petit  nombre  de 
questions  bien  choisies  el  que  les  membres  des  sessions  futures  se  pénè- 
trent de  cette  vérité  élémentaire  que  plus  un  sujet  est  traité  à  fond,  plus 
la  science  progresse. 

Le  Prince  Albert  1"  avait  fait  les  choses  avec  cette  largesse  dont  il 
est  coutumier.  Une  immense  salle  du  Musée  océanographique  avait  été 
préparée  pour  nos  séances.  Le  plafond  était  caché  par  des  oriflammes 
et  les  murs  disparaissaient  sous  des  trophées  de  drapeaux  de  toutes 
les  nations.  Au  pied  de  la  tribune,  de  magnifiques  plantes  en  fleurs 
venaient  réjouir  l'œil  et  de  moelleux  tapis  cachaient  entièrement  le 
ciment  appelé  à  supporter  bientôt  le  parquet.  Peut-être  les  hygiénistes 
eussent-ils  déploré  tout  ce  luxe,  mais  je  suis  convaincu  que  les  char- 

(1)  Je  me  suis  efforcé,  dans  ce  compte-readu,  de  donner  un  aperçu  fidèle  de  la 
session  de  Monaco.  Cependant  des  erreurs  ont  pu  se  glisser  dans  mon  résumé,  car 
les  notes  des  secrétaires  sont  en  général  d'un  laconisme  exagéré,  et,  d'autre  part, 
les  auteurs  à  qui  j'ai  réclamé  leurs  manuscrits  n'ont  pas  tous  répondu  à  mon  appel. 
Aussi  publierai-je  volontiers,  dans  un  prochain  numéro  de  U Anthropologie,  les  rec- 
tifications qui  pourraient  m'ôtre  adressées. 

l'anthropologie.   —   T.  XVII.  —   1906. 


104  VARIETES. 

mantes  personnes  du  beau  sexe  qui  ont  assidûment  suivi  nos  séances 
ont  hautement  apprécié  les  attentions  du  souverain  de  Monaco,  et  je 
n'ai  pas  entendu  un  seul  congressiste  se  plaindre  d'avoir  à  marcher  sur 
de  somptueux  tapis. 

Dans  l'atrium,  M.  Feuillerade,  l'actif  directeur  des  travaux  publics 
de  la  Principauté,  avait  construit  et  aménagé  en  quelques  jours  un  cabi- 
net pour  le  président  et  le  secrétaire  général,  un  autre  cabinet  pour 
les  secrétaires,  une  salle  de  correspondance,  un  vestiaire,  des  lavabos, 
etc.  De  grandes  vitrines  y  étaient  disposées  pour  recevoir  les  objets  que 
les  membres  du  Congrès  voulaient  mettre  sous  les  yeux  des  assistants, 
et  elles  ont  été  constamment  remplies  de  pièces  intéressantes.  Les  murs 
étaient  garnis  de  photographies,  de  dessins,  d'estampages,  et  de  con- 
fortables sièges  permettaient  aux  congressistes  de  se  reposer  au  milieu 
des  plantes  vertes  et  des  fleurs  disséminées  partout. 

Le  lecteur  me  pardonnera  ces  quelques  détails,  qui  semblent  bien 
étrangers  à  l'anthropologie  et  à  l'archéologie  préhistoriques.  Mais,  par- 
tisan convaincu  de  l'influence  du  milieu  sur  les  êtres  vivants,  je  suis 
tenté  d'attribuer  en  partie  à  la  disposition  des  locaux  les  tendances 
conciliantes  de  chacun  et  la  cordialité  qui  n'a  cessé  de  régner  entre  les 
savants  de  tous  les  pays.  Cependant  un  nuage  sombre  a  plané  sur  le 
Congrès  pendant  toute  sa  durée  :  le  Prince  Albert  V%  qui  se  promettait 
d'assister  à  toutes  nos  séances  et  de  prendre  part  à  nos  excursions,  a 
dû  s'aliter  la  veille  de  l'ouverture  de  la  session.  Il  n'a  pas  cessé,  néan- 
moins, de  s'intéresser  à  nos  travaux  et  souvent  il  m'a  fait  appeler  au- 
près duiit  sur  lequel  le  tenait  cloué  la  maladie  pour  avoir  des  rensei- 
gnements sur  la  marche  de  la  XÏIl®  session. 

Par  suite  de  cette  cruelle  maladie,  notre  Protecteur  s'est  vu  contraint 
de  faire  lire,  à  la  séance  d'ouverture,  par  le  Prince  héritier  le  discours 
qu'il  se  proposait  de  prononcer  lui-même  et  dont  voici  le  texte  : 

«  Mesdames,  Messieurs, 

«  Je  me  félicite  de  ce  que  mes  efforts  pour  le  développement  de  l'An- 
thropologie m'aient  permis  de  réunir,  sur  ce  point  de  l'Europe  où  les 
vestiges  de  l'humanité  primitive  remplissent  la  terre,  une  assemblée 
comme  la  vôtre,  choisie  entre  les  savants  de  plusieurs  pays  avancés. 
Je  suis  certain,  d'ailleurs^  que  votre  Congrès  laissera  au  domaine  scien- 
tifique des  notions  importantes  sur  l'histoire  de  notre  espèce,  car  les 
travaux  tout  récents  de  MM.  Boule,  Verneau,  Cartailhac,  de  Villeneuve 
suffisent  à  lui  constituer  un  monument. 

«  L'Anthropologie  mérite  une  part  de  plus  en  plus  grande  dans  nos 
préoccupations,  si  l'on  songe  combien  il  est  irritant  pour  l'homme 
d'avoir  fait  produire  à  son  cerveau  tant  de  progrès  intellectuels  et  d'être 
devenu  le  maître  du  monde,  sans  rien  savoir  encore  de  ses  origines,  de 
sa  descendance  ni  de  ses  parentés  au  milieu  de  la  foule  vivante.  Il  est 


VARIÉTÉS.  105 

désirable  qu'une  vérité  scienlifique  remplace  la  légende  qui  raconte  aux 
hommes,  sous  tant  d'aspects  différents  et  pour  satisfaire  une  mentalité 
obscure,  la  genèse  de  leur  formation. 

«  Devant  les  œuvres  de  l'Évolution,  de  cette  puissance  qui,  dans  le 
cours  des  âges,  a  modifié  les  organismes  en  les  adaptant  aux  milieux 
divers  et  aux  conditions  successives  de  notre  planète,  l'Anthropologie 
gagne  un  intérêt  capital  puisqu'elle  cherche  à  démêler  notre  propre  fil 
dans  un  écheveau  compliqué  de  générations. 

((  Elle  s'élève  davantage  quand  elle  étudie  le  développement  du  cer- 
veau humain,  de  l'organe  qui  porta  notre  espèce  depuis  le  modeste 
système  des  êtres  inférieurs  jusqu'au  premier  rang  de  la  hiérarchie  ani- 
male, et  qui  transforma  l'instinct  brutal  en  une  intelligence  créatrice 
du  droit,  de  la  justice,  du  savoir. 

«  L'Anthropologie,  maîtresse  de  faits  reconnus  et  de  formules  exactes, 
guidera,  un  jour,  vers  des  lois  meilleures  la  morale  des  sociétés  hu- 
maines encore  flottante  parmi  les  variétés  des  religions  et  les  sugges- 
tions d'une  barbarie  atavique.  Elle  renferme  un  peu  de  la  lumière  qui 
montrera  la  vanité  des  haines  entre  les  races,  des  compétitions  territo- 
riales et  des  guerres  suscitées  par  l'ignorance;  un  peu  de  la  raison  qui 
fera  substituer,  dans  le  gouvernement  des  peuples,  un  esprit  plus  sain 
aux  mirages  stérilisants  de  l'ambition  politique. 

«  En  effet,  si  l'on  songe  à  la  similitude  des  éléments  constitutifs  de 
tous  les  êtres  et  à  la  simplicité  de  leur  origine  commune;  si  l'on  se 
représente  la  rusticité  de  l'espèce  humaine  aux  temps  préhistoriques 
et  le  spectacle  que  donnait  l'homme  des  cavernes  confondu  parmi  les 
animaux  avec  lesquels  il  luttait  pour  sa  vie,  on  ne  s'étonne  pas  que  des 
esprits  attardés  soient  encore  la  proie  de  l'individualisme,  gardien 
aveugle  d'influences  lointaines. 

«  Mais  la  Science,  qui  renferme  toute  lumière  et  toute  vérité,  est  une 
force  qui  rapprochera  les  hommes  quand  elle  régnera  sur  leurs  institu- 
tions. Ne  devient-elle  pas  la  source  principale  de  leur  bien  être  et  de 
leur  sécurité  en  facilitant  leur  existence  et  en  maintenant  la  constante 
évolution  de  leurs  sociétés  à  l'abri  des  révolutions  brutales? 

«  Enfin,  Messieurs,  grâce  à  vos  études  qui  mettront  à  sa  véritable 
place  le  rôle  de  l'homme  dans  l'histoire  de  la  vie,  une  philosophie  ration- 
nelle dissipera  les  nuages  formés  dans  la  conscience  humaine  par  l'ac- 
cumulation rapide  de  ses  connaissances. 

«  C'est  dans  le  Palais  de  la  mer  que  l'Anthropologie  trouve  accueil 
aujourd'hui;  et  l'union  de  toutes  les  sciences  alliées  contre  l'ignorance, 
contre  la  principale  cause  des  maux  répandus  sur  les  hommes  s'affirme 
d'autant  plus  légitimement  ainsi,  que  l'Océanographie  peut  déjà  relier 
certaines  conquêtes  de  la  Science.  Car  l'étude  des  lois  physiques  et 
chimiques  de  la  mer  conduit  à  l'explication  des  remaniements  géolo- 
giques de  notre  planète  et  des  luttes  successives  entre  les  continents  et 


106  VARIÉTÉS. 

les  mers.  Les  progrès  de  la  Biologie  et  de  la  Zoologie  marines  permet- 
tent d'utiliser  les  révélations  de  la  Paléontologie  pour  constituer  l'échelle 
des  transformations  infiniment  nombreuses  par  lesquelles  une  force 
que  nous  appelons  la  vie  a  fait  passer  la  matière  organique.  Et  la  Météo- 
rologie, si  intimement  liée  avec  l'Océanographie  par  des  rapports  inces- 
sants, nous  aide  à  comprendre  les  fluctuations,  les  migrations  et  la 
distribution  géographique  des  êtres,  y  compris  celles  de  l'homme. 

((  Parmi  les  Congrès  précédemment  réunis  ici  même,  il  en  est  un, 
celui  de  la  Paix,  dont  j'évoquerai  le  souvenir  aujourd'hui,  parce  que  la 
Science  et  la  Paix  sont  inséparables  et  que  l'Anthropologie,  comme 
toutes  les  sciences,  doit  contribuer  au  bien-être  des  hommes. 

«  Depuis  ce  Congrès,  les  symptômes  d'une  réaction  généreuse  contre 
les  folies  de  la  guerre  se  fortifient  et  la  plus  noble  tâche  qu'une  élite  ait 
jamais  entreprise  ouvre  déjà  l'avenir  au  progrès  social  qui,  seul,  peut 
justifier  dans  l'âme  humaine  un  sentiment  de  lierté  :  la  scission  de 
deux  peuples  Scandinaves  vient  de  se  faire  suivant  des  règles  conformes 
àla  vraie  civilisation;  et  le  Conseil  des  Nations  qui  s'est  tenu  en  Espagne 
a  résolu  avec  l'autorité  du  droit,  dans  la  plus  belle  expression  de  la 
culture  moderne,  une  controverse  internationale  semée  de  problèmes 
dangereux. 

«  Par  l'influence  d'une  politique  soumise  à  l'évolution  des  idées, 
quatre  peuples,  cent  millions  d'hommes  échappent  ainsi  aux  calamités 
de  la  guerre,  de  ce  fléau  révoltant  pour  le  cœur  et  pour  l'intelligence 
et  qui  portait,  hier  encore,  chez  des  peuples  orientaux  les  excès  de  sa 
tyrannie  humiliante.  De  toutes  les  parties  du  monde  une  assistance 
anxieuse  a  pu  comparer  les  deux  moyens  et  réfléchir  sur  la  meilleure 
façon  de  régler  un  conflit. 

«  Puisse  votre  Congrès,  inspiré  par  le  trésor  que  notre  pays  livre  à 
l'investigation  de  votre  pensée  comme  à  la  discussion  de  tous  les  savants, 
servir  largement  pour  la  conquête  de  l'inconnu,  la  seule  conquête 
digne  des  aspirations  de  l'esprit  moderne.  » 

D'enthousiastes  applaudissements  ont  démontré  que  les  Congressistes 
partageaient  la  manière  de  voir  du  Prince  de  Monaco  sur  le  rôle  de  la 
Science  dans  les  sociétés  modernes. 

D'autres  discours,  très  applaudis,  ont  été  prononcés  à  la  séance  d'ou- 
verture par  S.  E.  M.  Olivier  Ritt,  Gouverneur  général  de  la  Principauté; 
par  M.  Bayet,  Directeur  de  l'Enseignement  supérieur  au  Ministère  de 
l'Instruction  publique  de  France,  que  le  Ministre  avait  délégué  avec 
M.  Mejean,  Chef  du  Cabinet,  pour  le  représenter  au  Congrès;  par  M.  le 
professeur  Hamy,  membre  de  l'Institut,  Président  du  Comité  d'organi- 
sation, qui  allait  être  élu,  dans  la  même  séance.  Président  de  la 
XlUe  session;  par  M.  le  professeur  G.  Capellini,  le  seul  survivant  des 
fondateurs  du  Congrès  international  d'Anthropologie  et  d'Archéologie 


VARIETES.  107 

préhistoriques,  qui,  avec  beaucoup  d'humour,  a  raconté  de  quelle  façon 
la  création  d'une  réunion  internationale  périodique  avait  été  décidée  à 
la  Spezzia;  enfin  par  Sir  John  Evans  et  par  M.  Valdemar  Schmidt  au 
nom  des  délégués.  M.  Verneau,  Secrétaire  général^  a  rendu  compte  des 
opérations  du  Comité  d'organisation  et  des  résultats  auxquels  étaient 
arrivés  les  savants  qui  avaient  assumé  la  charge  de  préparer  le  Congrès 
de  Monaco. 

A  la  suite  de  cette  première  séance,  les  congressistes  ont  visité  le 
Musée  d'Océanographie  et  le  Musée  d'Anthropologie  où  sont  réunies  et 
méthodiquement  classées  les  richesses  provenant  des  fouilles  exécutées 
par  le  Prince  Albert  tant  aux  Baoussé-Roussé  que  dans  différentes 
stations  néolithiques  et  romaines  de  la  région. 

Je  dirai  plus  loin  quelques  mots  de  la  magnifique  réception  qui  a  eu 
lieu  le  soir  au  Palais  et  des  fêtes  qui  ont  été  organisées  en  notre  hon- 
neur. Ces  fêtes,  pas  plus  que  les  multiples  attraits  qu'offre  la  Côte 
d'Azur,  n'ont  fait  perdre  de  vue  les  motifs  qui  nous  avaient  réunis 
dans  la  Principauté,  et  on  peut  dire  que  jamais  les  séances  de  notre 
Congrès  n'ont  été  suivies  avec  autant  d'assiduité.  Le  fait  mérite  d'être 
signalé,  car  nos  séances  ont  été  longues  et  leur  nombre  s'est  élevé  à 
dix,  en  y  comprenant  celle  de  clôture.  J'y  vois,  pour  ma  part,  la 
preuve  de  la  faveur  de  plus  en  plus  grande  dont  jouissent  nos  études 
et  j'en  tire  un  heureux  présage  pour  le  succès  des  réunions  futures. 

Noire  Revue  a  publié  le  programme  élaboré  par  le  Comité  d'organi- 
sation (Voy.  V Anthropologie,  1905,  p.  237).  Il  comprenait  deux  parties  : 
Pune,  consacrée  au  Préhistorique  de  la  région  de  Monaco,  l'autre,  ré- 
servée aux  questions  générales.  Conformément  au  droit  que  lui  confère 
le  règlement  général,  le  Conseil  s'est  empressé  d'accueillir  des  commu- 
nications qui  n'avaient  pas  été  prévues  par  les  organisateurs.  Dans  ce 
rapide  compte-rendu,  je  suivrai  l'ordre  du  programme,  et  je  classerai, 
dans  une  troisième  partie,  les  mémoires  acceptés  la  dernière  heure 
par  le  Conseil. 

1"^'  Partik.  —  Le  Préhistorique  dans  la  région  de  Monaco. 

1"  Grottes  des  Baoussé-Roussé.  —  La  question  des  grottes  des 
Raoussé-Roussé  paraît  définitivement  résolue.  La  discussion  de  cet  im- 
portant sujet  a  été  précédée  d'une  visite  aux  grottes  elles-mêmes.  En 
face  du  témoin  laissé  en  place  par  M.  le  chanoine  de  Villeneuve  dans  la 
Grotte  du  Prince,  MM.  Boule  et  L.  de  Villeneuve  ont  fait  un  exposé 
lumineux  de  la  stratigraphie  et  de  la  faune  des  différents  niveaux.  A  la 
Rarma  Grande,  M.  Verneau  a  rapidement  rappelé  ses  observations. 
Dans  la  Grotte  des  Enfants,  MM.  Boulb,  Cartailhac,  Verneau  et  de 
Villeneuve  ont  montré  tout  l'intérêt  des  fouilles  qui  y  ont  été  pratiquées 
et  résumé  les  conclusions  qu'on  en  peut  tirer. 


108  VARIKTES. 

Après  cette  excursion,  chacun  était  en  mesure  d'émettre  une  opinion 
raisonnée.  L'accord  a,  d'ailleurs,  paru  unanime  entre  les  spécialistes 
et  tous  semblent  avoir  accepté  sans  rélicence  les  idées  qui  ont  été  expo- 
sées dans  la  séance  suivante  par  ceux  à  qui  le  Prince  de  Monaco  a  con- 
fié la  tâche  d'élucider  le  problème.  On  m'a  dit  qu'un  savant  persistait 
à  regarder  comme  néolithiques  les  sépultures  des  Baoussé-Roussé  ;  mais 
il  n'a  exprimé  sa  manière  de  voir  qu'en  présence  d'un  nombre  très 
restreint  de  personnes  et  en  dehors  de  la  salle  des  séances.  J'aurais 
donc  pu  me  dispenser  de  mentionner  cette  dissidence,  puisque  Tanthro- 
pologiste  auquel  je  fais  allusion  n'a  pas  cru  devoir  exposer  publique- 
ment les  raisons  sur  lesquelles  il  [)ase  son  opinion. 

Les  renseignements  stratigraphiques  donnés  par  M.  le  chanoine  de 
Villeneuve  ne  peuvent  guère  se  résumer.  A  part  les  couches  superfi- 
cielles, toutes  les  assises  étaient  nettement  stratifiées  et  qu'elles  n'avaient 
pas  subi  le  moindre  remaniement.  On  sait  avec  quel  soin  et  quelle  cons- 
cience de  M.  Villeneuve  a  conduit  les  fouilles,  aidé  dans  sa  tâche  par  un 
préparateur  aussi  modeste  que  zélé,  M.  Lorenzi.  Aussi  n'est-il  venu  à 
l'idée  de  personne  de  mettre  en  doute  les  divisions  qu'il  a  établies. 

Pour  compléter  les  renseignements  déjà  fournis  lors  de  l'excursion 
aux  Baoussé-Roussé,  M.  M.  Boule  donne  le  résumé  et  les  conclusions 
du  mémoire  qu'il  a  écrit  sur  la  stratigraphie  et  la  paléontologie  des 
grottes  de  Grimaldi. 

Ce  mémoire,  actuellement  à  rimpression_,  fait  partie  de  l'ouvrage  ré- 
digé en  collaboration  avec  MM  Gartailhac,  Verneau  et  de  Villeneuve.  Il 
est  divisé  en  trois  parties. 

Dans  la  première,  intitulée  Géologie  et  Stratigraphie,  l'auteur  décrit 
la  géologie  des  environs  de  Grimaldi,  les  caractères  physiques  des 
grottes,  leur  mode  de  formation  et  de  remplissage.  Puis  il  établit  la 
stratigraphie  des  dépôts  de  chacune  d'elles  au  moyen  de  coupes  dessinées 
à  lechelle  et  basées  sur  des  données  numériques  très  précises.  Ghaque 
couche  est  examinée  séparément,  tant  au  point  de  vue  de  ses  caractères 
physiques  que  de  son  contenu  paléontologique. 

Les  principales  conclusions  de  cette  première  étude  sont  les  sui- 
vantes : 

Les  dépôts  de  remplissage  des  grottes  de  Grimaldi,  du  moins  de  celles 
qui  ont  été  fouillées  par  les  soins  du  Prince  Albert,  remontent  tous  aux 
t«mps  quaternaires  ou  pléistocènes. 

On  constate  partout,  mais  principalement  dans  la  Grotte  du  Prince, 
la  superposition  de  deux  faunes  très  différentes  :  une  îd.une  chaude, 
caractérisée  par  l'Éléphant  antique,  l'Hippopotame,  le  Rhinocéros  de 
Merck,  etc.,  et  une  faune  froide  avec  le  Renne,  espèce  que  l'auteur  a 
été  le  premier  à  signaler  dans  les  gisements  des  Baoussé-Roussé. 


VARIETES.  109 

Il  faut,  de  toute  nécessité,  rapporter  au  Pléistocène  inférieur  les  dé- 
pôts les  plus  anciens  à  faune  chaude  et  les  paralléliser  avec  les  couches 
de  Chelles,  bien  qu'on  trouve  dans  ces  dépôts  non  une  industrie  chel- 
léenne  mais  une  industrie  moustiérienne.  La  contemporanéité  de  cette 
industrie  avec  la  faune  chaude  est  un  résultat  nouveau  des  plus  impor- 
tants. 

Toutes  les  couches  qui,  dans  la  Grotte  du  Prince,  surmontent  les 
dépôts  inférieurs  à  faune  chaude,  doivent  probablement  être  rapportées 
au  Pléistocène  moyen. 

C'est  également  au  Pléistocène  moyen  qu'appartiennent  les  couches 
de  la  Grotte  des  Enfants  aux  squelettes  de  Négroïdes.  Ceux-ci  seraient 
donc  sensiblement  contemporains  des  crânes  de  Spy  en  Belgique.  Le 
Pléistocène  supérieur  paraît  être  beaucoup  plus  développé  dans  la  Grotte 
des  Enfants  que  dans  celle  du  Prince;  il  faut  lui  rapporter  toutes  les 
couches  supérieures  à  partir  de  la  sépulture  moyenne. 

La  deuxième  partie  intitulée  Paléogéographie  débute  par  une  étude 
détaillée  des  formations  marines  de  la  Grotte  du  Prince  qui  sont  anté- 
rieures à  tous  les  autres  dépôts  de  remplissage  et  contemporaines  de  la 
faune  chaude  à  Éléphant  antique.  Elle  montre  que,  pendant  le  Pléistocène 
inférieur,  la  topographie  de  la  région  devait  être  assez  différente  de  la 
topographie  actuelle.  La  mer  a  dû  se  retirer  assez  loin  pour  laisser, 
entre  elle  et  les  escarpements  calcaires  des  Baoussé-Koussé,  une  zone 
littorale  propre  aux  évolutions  des  grands  Pachydermes. 

L'auteur  a  ensuite  passé  en  revue  les  phénomènes  du  même  genre 
qui  ont  été  signalés  ou  décrits  sur  divers  points  du  pourtour  du  bassin 
méditerranéen.  En  rapprochant  tous  ces  faits  il  cherche  à  se  faire  une 
idée  des  changements  géographiques  qui  ont  marqué,  dans  les  contrées 
méditerranéennes,  les  temps  quaternaires;  il  essaie  d'établir  des  rap- 
ports entre  ces  changements,  les  phénomènes  glaciaires  et  les  phéno- 
mènes de  creusement  et  d'alluvionnement  des  vallées;  il  tente  d'expli- 
quer par  eux  les  changements  de  faunes  et  leur  passage  du  continent 
européen  au  continent  africain,  etc. 

La  troisième  partie  est  exclusivement  consacrée  à  la  Paléontologie. 
Après  avoir  donné,  dans  les  chapitres  relatifs  à  la  stratigraphie,  les 
listes,  couche  par  couche,  des  animaux  fossiles,  l'auteur  les  étudie  au 
point  de  vue  zoologique.  Jusqu'ici  on  ne  savait  que  peu  de  chose  sur 
la  faune  pléistocène  de  Grimaldi,  les  travaux  de  M.  Rivière  se  réduisant 
à  de  simples  énumérations.  D'ailleurs  les  fouilles  antérieures  à  celles 
du  Prince  n'avaient  livré  que  des  pièces  très  incomplètes.  Les  documents 
rassemblés  au  Musée  de  Monaco,  d'une  conservation  exceptionnelle, 
permettent  non  seulement  d'apporter  plus  de  précision  dans  les  déter- 
minations, mais  encore  de  faire  une  étude  plus  serrée  des  espèces  com- 
posant la  faune  quaternaire  de  la  Côte  d'Azur. 

L'auteur  a  décrit  ces  espèces  une  à  une  et  a  fait  reproduire  par  l'hé- 


110  VARIETES. 

liograviire  les  parties  les  plus  caractéristiques  de  leur  squelette.  11 
s'est  attaché  à  rechercher  les  liens  de  parenté  de  ces  espèces  avec  celles 
qui  les  ont  précédées  et  avec  celles  qui  les  ont  suivies,  c'est-à-dire  avec 
les  animaux  actuels.  11  a  donné,  pour  beaucoup  d'entre  elles,  leur  aire 
de  répartition  dans  le  temps,  c'est-à-dire  leur  répartition  stratigraphique 
et  leur  aise  de  répartition  dans  Tespace,  c'est-à-dire  leur  aire  de  répar- 
tition géographique. 

M.  Verneau  résume  les  résultats  anthropologiques  auxquels  l'a  con- 
duit l'étude  des  sépultures  et  des  ossemenls  humains  qu'elles  ont 
fournis.  Ces  résultats  sont,  d'ailleurs,  publiés  à  l'heure  actuelle;  l'au- 
teur offre  au  Congrès  un  fascicule  du  luxueux  ouvrage  édité  par  les 
soins  du  Prince  Albert  P*"  sur  «  Les  Grottes  de  Grimaldi  »,  qui  contient 
Texposé  détaillé  de  ses  recherches. 

Grâce  aux  documents  paléontologiques,  il  est  démontré  que  toutes 
les  sépultures  sont  de  l'époque  quaternaire.  La  double  sépulture  infé- 
rieure de  la  Grotte  des  Enfants  remonte  même  assez  haut  dans  cette 
époque,  car  elle  surmontait  immédiatement  les  couches  à  faune  chaude. 
Or,  dans  la  Grotte  des  Enfants,  comme  dans  la  Barma  Grande,  des 
faits  précis  (petites  cistes  en  pierre,  dalles  dressées  le  long  de  la  colonne 
vertébrale,  traces  de  fosses,  etc.)  prouvent  de  la  façon  la  plus  nette 
que  les  morts  étaient  entourés  de  soins  par  leur  famille  ou  leurs  amis. 
On  ne  saurait  donc  plus  contester  que,  pendant  les  temps  quaternaires, 
les  corps  des  défunts  reçussent  la  sépulture.  Les  découvertes  des  Baoussé 
nous  font  même  connaître  en  partie  les  rites  qui  étaient  usités  alors^ 
rites  qui  variaient  d'ailleurs  suivant  les  sujets. 

Les  restes  humains  recueillis  dans  la  Grotte  des  Enfants  nous  ren- 
seignent sur  les  types  ethniques  qui  se  sont  succédé  à  Grimaldi.  Les 
deux  squelettes  des  couches  inférieures  offrent^  dans  la  face,  des  carac- 
tères négroïdes  des  plus  accusés.  Le  crâne  n'est  pas  sans  rapport  avec 
le  crâne  de  beaucoup  de  Nègres  modernes;  le  bassin  de  la  vieille  femme 
est  un  bassin  nigritique;  les  proportions  des  membres  et  la  saillie  du 
talon  rapprochent  aussi  les  deux  sujets  des  races  noires  actuelles.  Et 
ces  deux  individus  ne  peuvent  être  considérés  comme  des  êtres  anor- 
maux, exceptionnels;  ils  représentent  un  type  ethnique  qui  a  laissé 
ses  traces  à  l'époque  néolithique  et  dont  les  caractères  essentiels  se 
reproduisent  encore  par  atavisme  dans  la  vallée  du  Rhône  aussi  bien 
que  dans  le  nord  de  l'Italie. 

A  ce  type  négroïde  succède  le  type  de  Cro-Magnon,  qui  est  largement 
représenté  aux  Baoussé-Houssé.  Presque  toujours  les  caractères  du  vieil- 
lard de  la  Vézère  se  montrent  légèrement  modifiés  :  l'inion  et  les  bosses 
pariétales,  notamment,  font  un  peu  moins  de  saillie,  mais  l'ensemble 
des  traits  céphaliques  est  foncièrement  le  même,  et  les  os  longs  offrent 
les  caractères  bien  connus  de  tous  les  anthropologistes. 


•  VARIÉTÉS.  111 

Tandis  que  les  Négroïdes  mesuraient  de  1"\56  à  l'^jOO,  les  sujets  du 
type  de  Gro-Magnon  atteignaient  l'n,87  environ.  Le  bassin  de  ceux-ci, 
un  peu  rétréci  d'avant  en  arrière,  s'étale  largement  en  travers  comme 
chez  les  Européens  modernes.  Cependant  certaines  particularités  cépha- 
liques  (dysharmonie  entre  la  face  et  le  crâne,  méplat  pariéto-occipital, 
forme  des  orbites)  conduisent  à  se  demander  s'il  n'existe  pas  quelque 
parenté  entre  la  seconde  race  et  la  première.  Cette  hypothèse  se  justi- 
fierait, dans  une  certaine  mesure,  par  la  comparaison  des  proportions 
des  membres  qui,  chez  les  sujets  du  type  de  Cro-Magnon,  tiennent  le 
milieu  entre  les  proportions  des  Nègres  et  celles  des  Blancs. 

La  race  la  plus  récente,  représentée  aux  Baoussé-Roussé  par  le  sque- 
lette des  niveaux  supérieurs  de  la  Grotte  des  Enfants,  nous  achemine 
vers  le  type  dolichocéphale  néolithique;  mais  elle  a  conservé  quelques 
traits  de  la  race  de  Gro-Magnon. 

En  sommes,  nous  assistons,  à  Grimaldi,  à  une  évolution  des  carac- 
tères physiques  qui  nous  conduit  graduellement  d'un  type  encore  bien 
inférieur  au  type  qui  se  réalisera  complètement  à  l'époque  de  la  pierre 
polie. 

M.  Cartailhac  signale,  à  la  base  des  dépôts,  un  niveau  moustérien  à 
faciès  tant  soit  peu  spécial;  puis  vient  un  horizon  magdalénien  qui  se 
prolonge  jusqu'en  haut  et  dans  lequel  on  pourrait  néanmoins  distinguer 
un  niveau  à  pointes  en  os  à  base  fendue.  Les  poinçons  en  os  ont  un 
aspect  presque  néolithique.  Il  appelle  l'attention  sur  les  grandes  lances 
en  silex  qui  font  partie  du  mobilier  funéraire  et  sur  les  traits  gravés 
qui  ornent  certains  objets  de  parure.  La  présence  de  l'ocre  dans  les 
sépultures  et  l'existence  de  blocs  circonscrivant  certaines  tombes  ont 
été  constatées  dans  les  sépultures  néolithiques  des  environs  de  Gênes. 
On  comprend  donc  que  certains  auteurs  aient  rajeuni  les  restes  humains 
des  Baoussé-Roussé.  Mais  aujourd'hui  la  question  est  tranchée,  et  il 
faut  simplement  conclure  des  dernières  observations  faites  dans  les 
Grottes  de  Grimaldi  que  certains  usages,  regardés  auparavant  comme 
caractéristiques  de  l'époque  de  la  pierre  polie,  ont  une  origine  plus 
ancienne  et  remontent  aux  temps  quaternaires. 

M.  J.  DE  Baye  estime  que  les  sépultures  à  ossements  colorés  en  rouge 
caractérisent  une  civilisation  rayonnant  autour  de  la  Méditerranée  Par 
les  voies  fluviales^  elle  a  parfois  gagné  l'intérieur  des  terres.  Les  tu- 
mulus  de  la  Russie  méridionale,  du  gouvernement  de  Kief,  de  la  mer 
Noire  et  de  la  mer  d'Azof,  les  sépultures  dolméniformes  du  Kouban 
renferment  des  ossements  humains  enfouis  dans  une  couche  de  subs- 
tance rouge.  Dans  le  nord  de  l'Afrique,  on  a  également  rencontré  des 
ossements  teints  en  rouge.  M.  de  Baye  exprime  le  vœu  qu'on  relève  avec 
soin  l'extension  géographiquede  cette  pratique  funéraire. 


112  VARIETES. 

M.  le  l)""  Obermaier  cite  le  cas  du  squelette  de  Brunn  (Moravie)  qu'on 
a  prétendu  avoir  été  peint  en  rouge  après  un  décharnement  préalable. 
Cette  hypothèse  est  inadmissible,  car  certaines  pièces  du  mobilier  funé- 
raire sont  teintes  en  rouge  par  places,  tout  comme  les  ossements  hu- 
mains. Le  cadavre  avait  été  couché  sur  un  lit  d'ocre  et  il  avait  été 
recouvert  de  la  môme  substance,  qu'on  retrouve  dans  le  lœss,  proba- 
blement postglaciaire,  qui  entourait  le  squelette. 

M.  PiGORiNi  est  d'avis  qu'il  faut  diviser  les  ossements  peints  en  deux 
catégories.  Quand  le  squelette  est  entier  et  que  les  os  ont  conservé 
leurs  connexions  anatomiques,  comme  c'est  le  cas  en  Ligurie,  les  cada- 
vres ont  été  ensevelis  au  milieu  de  substances  rouges,  et  on  ne  saurait 
admettre  que  le  mort  ait  été  préalablement  décharné.  Ailleurs,  il  en  est 
tout  autrement.  A  Sgurgola,  par  exemple,  la  face  seule  d'un  crâne  était 
colorée  au  moyen  de  cinabre;  il  est  évident  qu'on  a  peint  cette  face 
après  le  décharnement. 

M.  A,  IsSEL  partage  l'opinion  de  M.  Pigorini;  mais  il  pense  que  la 
coloration  rouge  des  ossements  peut  provenir  aussi  d'une  peinture 
appliquée  sur  le  cadavre  avant  l'ensevelissement.  Les  cachets  en  terre 
cuite  semblables  aux  Pintaderas  du  Mexique,  de  l'Amérique  centrale  et 
des  Canaries,  qui  ont  été  rencontrés  en  grand  nombre  dans  les  sépul- 
tures néolithiques  de  la  Ligurie,  ont  pu  servir  à  cet  usage. 

M.  le  D""  A.  GuÉBHARD  croit  que  les  ossements  humains  et  les  autres 
objets  poreux  ont  pu  être  colorés  en  rouge  par  la  simple  dissolution 
des  sels  de  fer  auxquels  beaucoup  de  rochers  doivent  leur  teinte  spé- 
ciale et  leur  nom  de  Baous-Hous. 

M.  Salomon  Reinach  commente  une  lettre  de  saint  x\mbroise  à  sa 
sœur,  lettre  dans  laquelle  il  est  questions  de  deux  squelettes  décapités 
découverts  à  Milan  en  384,  devant  le  porche  d'une  basilique  en  cons- 
truction. Pour  saint  Ambroise,  il  s'agissait  de  martyrs  chrétiens,  et, 
de  la  coloration  des  ossements,  il  conclut  que  les  inhumés  avaient  été 
décapités  et  que  leurs  corps  avaient  été  couverts  de  sang.  D'après  sa 
description  même,  il  est  évident  que  la  sépulture  de  Milan  doit  être 
regardée  comme  une  sépulture  préhistorique.  C'est  la  plus  ancienne 
découverte  de  ce  genre  dont  on  ait  conservé  une  mention. 

Sir  John  Evans  rappelle  que,  dans  un  poème  de  Schiller,  il  est  ques- 
tion de  l'enterrement  d'un  sauvage  auprès  duquel  on  a  déposé  des  cou- 
leurs pour  qu'il  puisse  se  peindre  dans  l'autre  monde. 

M.  Gaston  Buchet  a  rencontré  auprès  de  Tanger,  dans  un  dolmen  à 
demi  enfoui  dans  un  sol  marneux  blanchâtre,  des  ossements  colorés 
en  rouge.  Leur  teinte  était  due  à  un  lit  épais  d'argile  très  ferrugineuse, 
qui  avait  été,  sans  aucun  doute,  déposé  intentionnellement  dans  la 
sépulture,  car  dans  des  tombes  voisines  et  analogues,  les  ossements  ne 
présentaient  pas  de  coloration  rouge. 

M.  Verneau  n'admet  pas  le  décharnement  préalable  pour  les  cadavres 


VARIETES.  H3 

des  Baoussé-Roussé.  Cette  hypothèse  ne  lui  paraît  pas  soutenable,  car, 
à  part  un  sujet  rencontré  par  M.  Rivière  et  dont  quelques  ossements 
étaient  déplacés  —  ce  qui  peut  s'expliquer  d'une  façon  très  simple  — 
tous  les  squelettes  avaient  leurs  os  daas  leur  position  naturelle. 

D'un  autre  côté,  il  a  constaté  nettement  à  la  Barma  Grande  l'existence 
d'une  fosse  remplie  de  peroxyde  de  fer,  qui  ne  se  rencontrait  pas  au- 
delà.  H  en  conclut  que  les  morts  étaient  eusevelis  au  milieu  d'une 
couche  ocreuse,  qui  s'est  trouvée  en  contact  avec  les  ossements  lorsque 
la  putréfaction  eut  accompli  son  œuvre,  et  qui  leur  a  communiqué  la 
teinte  rouge  observée  sur  beaucoup  d'entre  eux.  Quelques  cadavres 
n'ont  pas  été  soumis  au  même  rite  funéraire  et  leurs  os  n'offrent  aucune 
coloration  artificielle. 

M.  Albert  Gaudry  regarde  comme  tout  à  fait  invraisemblable  le 
décharnement  préalable  des  cadavres  découverts  aux  Baoussé-Roussé. 
Pour  que  les  ossements  aient  été  rencontrés  dans  leurs  connexions 
anatomiques,  il  eût  fallu  que  nos  ancêtres  fussent  des  anatomistes  expé- 
rimentés, ce  que  personne  ne  saurait  admettre.  Les  morts  étaient  donc 
ensevelis  avec  leurs  chairs,  sur  les  foyers  mêmes  des  grottes  qui  ser- 
vaient d'habitations,  malgré  l'incommodité  qui  pouvait  en  résulter  pour 
les  vivants. 

M.  Déchelette  demande  quelle  était,  dans  les  grottes  de  Menton,  la 
relation  entre  les  foyers  et  les  sépultures? 

M.  le  chanoine  de  Villeneuve  répond  que  toutes  les  sépultures  fouil- 
lées par  lui  étaient  associées  et  superposées  à  des  foyers.  Dans  le  cas 
des  Négroïdes,  les  cendres  avaient  été  écartées  pour  asseoir  sur  le  sol 
argileux  une  petite  ciste  en  pierre  qui  recouvrait  les  tôles,  mais  les 
corps  reposaient  sur  la  couche  cinéritique  elle-même. 

M.  Salomon  Reinacïï  demande  comment  les  populations  qui  inhu- 
maient leurs  morts  sur  les  foyers  de  leurs  cavernes  pouvaient  suppor- 
ter l'infection  qui  résultait  de  ce  voisinage.  Ne  faut-il  pas  admettre 
que  vraiment  les  corps  n'étaient  déposés  sur  les  foyers  qu'à  l'état  de 
squelettes,  après  avoir  été  décharnés  ailleurs  à  l'air  libre? 

M.  Gartailhac  pense  que  la  question  du  décharnement  préalable  des 
cadavres  est  très  difticile  à  trancher  en  ce  qui  concerne  les  Baoussé- 
Roussé.  Au  Mas  d'Azil,  cette  pratique  a  été  sûrement  en  usage.  Mais 
ce  qui  ne  parait  pas  contestable,  c'est  que  les  vivants  supportent  par- 
fois les  odeurs  les  plus  nauséabondes  sans  en  paraître  incommodés. 
Qu'on  se  rappelle  l'infection  des  huttes  des  Eskimos!  D'après  M.  Siret, 
en  Espagne,  des  inhumations  ont  eu  lieu  dans  les  habitations  elles- 
mêmes  à  l'époque  néolithique.  A  Madagascar,  on  retourne  les  morts  en 
pleine  décomposition  dans  les  chambres  funéraires.  D'ailleurs,  à  Gri- 
maldi,  les  grottes  n'ont  pas  été  habitées  sans  interruption.  L'existence 
de  couches  stériles  démontre  qu'elles  étaient  parfois  abandonnées  pen- 
dant un  temps  assez  long. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —    1906,  8 


114  VARIÉTÉS. 

M.  Verneau  revient  sur  ce  qu'il  a  dit  des  sépultures.  Du  moment  que 
les  morts  étaient  enterrés,  leur  voisinage  était  beaucoup  moins  incom- 
mode pour  les  survivants. 

M.  le  lieutenant  Desplagnes  dit  que  dans  l'Ouest  africain  les  chefs  sont 
enterrés  dans  des  cases  que  Ton  continue  à  habiter. 

M.  Albert  Gaudry,  à  propos  des  squelettes  des  Baoussé-Roussé,  rap- 
pelle qu'il  a  étudié  la  dentition  du  jeune  sujet  de  la  double  sépulture 
de  la  Grotte  des  Enfants  et  qu'il  lui  a  trouvé  des  caractères  qui  la  rap- 
prochent de  celle  des  Australiens.  11  est  donc  naturel  de  se  demander  si 
l'Homme  n'aurait  pas  apparu  sur  le  continent  austral. 

Or  les  magnifiques  collections  de  fossiles  rapportées  dernièrement 
de  Patagonie  ont  montré  qu'il  y  a  eu  dans  cette  contrée  un  arrêt  dans 
l'évolution  des  Mammifères.  11  en  est  de  même  à  Madagascar  où,  comme 
dans  l'Amérique  australe,  aucun  Mammifère  n'est  devenu  Pachyderme, 
Ruminant,  Solipède,  Proboscidien  ou  Singe  anthropomorphe.  L'Aus- 
tralie rentre  dans  le  même  cas.  En  revanche,  dans  l'hémisphère  boréal, 
le  progrès  a  été  continu.  C'est  sans  doute  dans  cet  hémisphère  que 
l'Homme,  qui  représente  le  progrès  suprême,  a  évolué.  A  un  certain 
moment,  il  a  gagné  les  continents  austraux,  où  il  a  dû  subir  un  arrêt. 
Ainsi  s'explique  qu'en  Australie  il  se  trouve  encore  dans  le  même  état 
que  l'Homme  de  la  double  sépulture  de  la  Grotte  des  Enfants. 

2°  L'époque  néolithique  dans  la  région  de  Monaco.  —  La  deuxième 
question  qui  figurait  au  programme  élaboré  par  le  Comité  d'organisa- 
tion comportait  l'étude  de  «  L'époque  néolithique  dans  la  région  de 
Monaco  ».  MM.  l'abbé  Janin  et  le  chanoine  de  Villeneuve  n'ayant  pas 
terminé  leurs  recherches,  renoncent  à  en  exposer  les  résultats.  Aussi 
la  question  n'a-t-elle  pas  été  traitée  avec  l'ampleur  que  nous  aurions 
désirée.  Cependant  MM.  le  D""  Johnston-Lavis  et  le  colonel  Thierry  de 
Ville  d'Avray  ont  apporté  au  Congrès  des  observations  intéressantes. 

Auparavant,  M.  l'abbé  Gardon  est  venu  parler  de  ses  fouilles  dans 
L'abri  sous  roche  du  Cap  Roux.  Les  recherches,  dans  cette  station  pré- 
historique, avaient  été  abandonnées  en  1872;  M.  l'abbé  Cardon  les  a 
reprises  en  1905  et  elles  lui  ont  fourni  un  grand  nombre  d'ossements, 
de  silex  et  de  coquilles  qui  mériteront  une  étude  détaillée.  Les  plus 
anciens  foyers,  situés  dans  le  sous-sol  de  la  route  nationale  n°  7,  parais- 
sent intacts;  ils  peuvent,  par  conséquent,  donner  d'importants  résul- 
tats, de  même  qu'une  caverne  située  au  même  endroit. 

La  communication  de  M.  Johnston- Lavis  a  porté  sur  Une  plateforme 
néolithÀque  à  Beaulieu  [Alpes-Maritimes) .  Elle  lui  a  livré  deux  pointes 
de  flèches  grossières,  un  grattoir,  de  nombreuses  lames  et  quelques 
éclats  sans  forme  déterminée.  Des  coquilles  provenant  de  mollusques 


VARIÉTÉS.  il5 

comestibles  s'y  rencontraient  en  abondance.  Il  existait  aussi  un  tas 
de  petits  morceaux  de  calcaire  sphériques,  qui  ont  pu  servir  de  pierres 
de  fronde.  Mais  la  découverte  la  plus  curieuse  fut  celle  de  poteries 
appartenant  à  deux  types  distincts  :  les  unes,  très  grossières,  ont  cer- 
tainement été  façonnées  à  la  main,  tandis  que  les  autres  paraissent 
avoir  été  faites  à  l'aide  du  tour.  M.  Johnston-Lavis  n'hésite  pas,  cepen- 
dant, à  regarder  les  deux  types  comme  contemporains  et  il  en  conclut 
qu'il  s'est  trouvé  en  présence  d'une  station  «  d'une  période  néolithique 
tardive  ou  de  transition,  pendant  laquelle  nos  ancêtres  avaient  déjà 
découvert  le  tour  du  potier  ». 

M.  le  lieutenant-colonel  Thierry  de  Ville  d'AvRAY  a  parlé  des  Décou- 
vertes préhistoriques  de  la  région  de  Cannes.  Cette  région,  il  la  prolonge 
jusqu'à  Grimaldi,  car  dans  sa  note  il  est  question  d'objets  trouvés  aux 
Baoussé-Roussé  par  M.  Rivière  et  que  celui-ci  a  donnés  au  Musée  de 
Cannes.  Dans  les  régions  voisines  de  cette  ville,  des  fouilles  ont  été 
faites  dans  des  stations  néolithiques  (S.  Cézaire,  S.  Vallier),  de  Tàge  du 
bronze  (Plans  de  Noves),  «  celto-ligures  »  (Cassien),  gallo-romaines 
(Mougins)  et  massaliotes  (S.  Barthélémy,  Estérel).  M.  Thierry  de  Ville 
d'Avray  énumère  les  principaux  objets  qu'ont  fournis  ces  diverses  sta- 
tions et  qui  ne  nous  apprennent  rien  de  bien  nouveau,  sauf  peut-être 
un  galet  roulé  portant  une  rainure  circulaire  et  une  inscription.  L'au- 
teur de  la  communication  le  regarde  comme  un  poids  massaliote; 
nous  sortirions  donc  des  époques  préhistoriques,  et  nous  n'avons  pas  à 
insister  sur  cette  pierre,  si  curieuse  qu'elle  soit. 

3°  Les  enceintes  dites  ligures.  —  La  question  des  enceintes  dites 
ligures  a  été  l'objet  de  communications  plus  nombreuses  et  a  donné  lieu 
à  de  longues  discussions. 

M.  Paul  Goby  décrit  avec  soin  les  Enceintes  à  gros  blocs  de  la  région 
de  Grasse,  qu'il  connaît  si  bien  et  dont  il  devait  faire  visiter  un  certain 
nombre  aux  congressistes  quelques  jours  plus  tard.  Il  a  exposé  toute 
une  série  d'objets  trouvés  dans  les  retranchements  des  environs  de 
Grasse  et  un  très  beau  plan  d'une  importante  enceinte  à  double  muraille, 
plan  qui  a  permis  de  se  faire  une  bonne  idée  de  ces  curieuses  construc- 
tions. Mais  M.  Goby  n'ose  se  prononcer  ni  sur  l'origine  ni  même  sur 
la  destination  exacte  des  murs  à  gros  blocs  dont  il  nous  a  entretenus. 

M.  Ch.  Cotte  a  fait,  sur  Les  Enceintes  dites  ligures,  une  intéressante 
communication.  Pour  lui,  si  on  élimine  les  oppidums  à  industries 
mélangées,  qui  ne  peuvent  être  d'aucune  utilité  au  point  de  vue  de  la 
classification,  on  constate  que'  ces  enceintes  sont  plutôt  protohisto- 
riques que  préhistoriques.  La  majeure  partie  appartient  à  l'âge  du 
bronze  et  à  l'âge  du  fer;  certaines  sont  gallo-romaines,  et  il  en  est  même 
qui  ont  été  construites  après  l'ère  chrétienne;  aucune  n'est  sûrement 


116  VARIÉTÉS. 

néolithique.  En  tous  cas,  le  nom  de  «  ligures  »  ne  leur  convient  guère. 
Quant  à  leur  destination,  M.  Cotte  n'hésite  pas  à  y  voir  des  camps 
retranchés,  dans  lesquels  les  tribus  du  voisinage  se  réfugiaient  tem- 
porairement en  cas  de  panique. 

M.  Pillard  d'Arkaï  a  lu  un  travail  intitulé  Synchronismes  archéologi- 
ques su7^  les  enceintes  dites  ligures.  Il  pense  que  la  région  où  on  les  ren- 
contre fut  occupée  antérieurement  par  les  Ibères,  mais  que  ceux-ci 
n'en  furent  pas  les  constructeurs.  D'après  M.  Pillard,  l'appareil  des  en- 
ceintes dénote  qu'elles  sont  antérieures  au  gallo-romain  et  postérieures 
au  «  cyclopéen  ».  Elles  ont  été  élevées  dans  un  but  «  hiératique  et 
féodal  »  ;  le  peuple  auquel  elles  sont  dues  a  été  représenté  sur  les  bas- 
reliefs  égyptiens  :  ce  sont  les  «  Hyksos-Ligures  ».  Les  Araméens  en  ont 
construit  de  semblables  en  Orient.  Ces  «  Enceintes  et  Béthyles  d'Orient 
ressemblent  trop  aux  Enceintes  et  Béthyles  d  Occident  pour  que  les  uns 
comme  les  autres  ne  soient  pas  d'origine  araméenne  »  ;  telle  est  la  con- 
clusion du  mémoire  de  M.  Pillard  d'Arkaï. 

M.  MiiLLER  souligne  une  réserve  faite  par  M.  Cotte  dans  son  travail. 
Celui-ci  a  déclaré  que,  dans  les  enceintes  en  pierres  sèches  de  la 
Provence,  on  rencontre  parfois  des  poteries  exotiques  importées  par 
des  navigateurs,  qui  sont  venues  se  mélanger  à  la  céramique  indigène. 
Or  tel  est  le  cas  d'un  petit  cheval  recueilli  par  l'abbé  Arnaud  d'Agnel 
dans  le  Castellas  de  Vitrolles.  M.  Arnaud  d'Agnel  l'avait  présenté  au 
Congrès  de  l'Association  française  tenu  à  Grenoble  en  1904  comme 
faisant  partie  du  mobilier  archéologique  du  Castellas;  mais  deux  ans 
plus  lard,  il  acquit  la  certitude  qu'il  avait  été  acheté  dans  un  bazar 
d'Alger  par  une  personne  qui  était  venue  passer  quelques  jours  à 
Vitrolles. 

M.  J.  DE  Saint- Venant  a  étudié,  dès  1894,  de  nombreuses  enceintes 
en  pierres  sèches  dans  le  Gard.  Elles  rappellent  entièrement  par  leur 
construction  celles  de  la  Provence.  Les  poteries  qu'elles  ont  livrées 
sont,  les  unes  grossières,  les  autres  ornées.  Les  autres  objets  qu'on  y 
a  rencontrés  se  rattachent  tous  aux  diverses  périodes  de  La  Tène.  Or, 
dans  les  vitrines  de  M.  Goby,  à  côté  de  poteries  qu'on  pourrait  attribuer 
aux  fabriques  d'Arrezzo  du  ii^  siècle  avant  notre  ère,  M.  de  Saint- 
Venant  a  remarqué  une  perle  en  verre  bleu  et  une  agrafe  de  ceinturon 
en  fer  qui  rappellent  entièrement  l'industrie  de  La  Tène.  11  en  est  de 
même  de  curieux  crochets  en  fer  et  de  petites  fourches  à  dents  recour- 
bées. Par  suite,  on  peut  conclure  que,  des  deux  côtés  du  Rhône,  les 
Celtes  ont  séjourné  dans  les  enceintes  en  pierres  sèches. 

MM.  G.  Carrière,  Trutat,  de  Baye,  Vasseur  et  Imbert  ont  apporté, 
dans  la  discussion,  des  faits  nombreux.  Il  semble  ressortir  de  toutes  les 
observations  présentées  au  Congrès  que  les  enceintes  dites  «  ligures  » 
ne  sauraient  être  attribuées  au   peuple  ligure,  puisqu'on  les  retrouve 


VARIETES.  117 

identiques,  avec  le  même  mobilier  archéologique,  assez  loin  de  la  Pro- 
vence. Il  faut  les  regarder  comme  de  véritables  camps  retranchés  qui 
ont  été  construits  à  des  époques  diverses  et  dont  plusieurs  paraissent 
avoir  été  occupés  pendant  un  long  espace  de  temps.  Les  plus  anciens 
dateraient  de  l'âge  du  bronze  ;  beaucoup  ne  remontent  qu'aux  différentes 
périodes  de  La  Tène. 

A  la  question  des  enceintes  en  pierres  sèches,  se  rattache  celle  des 
castella.  M.  de  GérIiN-Ricard  a  envoyé  au  Congrès  la  liste  de  ceux  des 
environs  de  Marseille,  d'Aix  et  de  Saint-Maximin,  dont  il  a  indiqué  la 
situation  sur  une  carte  à  1/320.000. 

M.  A.  IssEL  a  fait  une  communication  intitulée  :  Un  exemple  de  sur- 
vivance préhistorique.  Il  s'agit  encore  de  constructions  en  pierres  sèches 
qui  sont  désignées  sous  le  nom  de  cabanons  dans  les  Alpes-Maritimes, 
sous  celui  de  cabanne  dans  la  province  de  Gênes,  et  sous  ceux  de  caselle, 
casui  ou  casoni  à  Porto  Maurizzio.  Ces  constructions  ne  sont  pas  sans 
analogie  avec  les  trulli  de  l'Italie  méridionale  et  avec  les  nuraghi  de  la 
Sardaigne.  Quand  elles  sont  plaquées  contre  les  parois  des  rochers  et 
qu'elles  contiennent  des  anfractuosités  naturelles,  il  est  difficile  de  ne 
pas  y  voir  une  dérivation  des  abris  sous  roche  et  des  cavernes  néoli- 
thiques. M.  Issel  regarde  les  cabanons  comme  dénotant  une  influence 
étrangère,  partie  du  Sud  et  du  Sud-Ouest  et  qui  se  serait  fait  sentir  en 
Ligurie  à  l'époque  de  la  première  introduction  des  métaux. 

M.  GuÉBHAnD  n'est  pas  loin  de  partager  l'avis  de  M.  Issel  sur  le  carac- 
tère de  survivance  préhistorique  de  ces  édicules  car  des  fouilles  pra- 
tiquées dans  de  vieux  cabanons  effondrés  des  environs  de  Grasse 
ont  fourni  des  objets  semblables  à  ceux  des  grottes  préhistoriques  ou 
des  castelars  voisins,  c'est-à-dire  de  la  transition  de  la  pierre  polie  au 
bronze. 

MM.  SoMMKRviLLE,  Vasseur,  Imbert,  Trutat  signalent  des  cabanons, 
comme  ceux  décrits  par  M.  Issel  dans  les  Alpes-Maritimes,  aux  environs 
d'Arles,  dans  la  Dordogne,  dans  le  Tarn,  le  Tarn-et-Garonne  et  la  région 
orientale  des  Pyrénées. 

M.  Cartailhac  rappelle  que  tous  ces  faits  ont  déjà  été  publiés  par 
M.  Castanier. 

M.  Flamand  dit  qu'il  convient  d'y  ajouter  les  cabanes  cyclopéennes  des 
Berbères,  qui  sont  intermédiaires  entre  les  constructions  préhistoriques 
et  protohistoriques. 


TP  Partie.  —  Questions  générales. 

1°  Étude  des  pierres  dites  utilisées  ou  travaillées  aux  temps  pré- 
quaternaires. —  En  tête  de  la  seconde  partie  du  programme  élaboré  par 


ns  VARIÉTÉS. 

le  Comité  d'organisation  figurait  la  question  des  Pierres  dites  utilisées 
ou  travaillées  aux  temps  pré  quaternaires,  en  d'autres  termes,  des  éolithes. 
Beaucoup  s'attendaient  à  une  vive  discussion;  mais  il  soufflait  un  vent 
de  concorde,  et  la  discussion  a  été  ce  qu'elle  devait  être  dans  un  milieu 
scientifique. 

M.  le  D""  H.  Obermaier  ouvre  le  feu  en  répondant  aux  objections  que 
lui  ont  faites  MM.  Rutot,  Ilahne  etVerworn.il  montre  que  les  retouches 
des  photographies  qu'il  a  publiées  n'existent  pas,  que  les  «  carica- 
tures »  d'éolithes  placées  à  côté  des  figures  des  pierres  de  Mantes  sont 
de  simples  calques  des  dessins  de  M.  Kutot  et  que  les  ressemblances 
entre  les  deux  catégories  d'objets  sont  des  plus  frappantes.  Il  maintient 
donc  ses  premières  conclusions. 

M.  RuTOT  déclare  que  pour  étudier  la  question  des  éolithes,  il  faut 
aller  à  Bruxelles  C'est  en  Belgique,  en  eff'et,  qu'en  1865  la  question 
des  industries  rudimentaires  a  pris  naissance  et  c'est  dans  ce  pays 
qu'existent  à  l'heure  actuelle  les  plus  imposantes  collections  d'éolithes. 

M.  Rutot  a  d'abord  été  très  sceptique;  à  maintes  reprises,  il  a  cru 
«  avoir  mis  le  doigt  sur  l'argument  définitif,  irrésistible,  qui  devait  faire 
rentrer  le  Mesvinien  dans  le  néant»,  mais  il  a  dû  se  rendre  à  l'évidence. 
11  comprend  que  d'autres  préhistoriens  passent  par  la  phase  de  doute 
où  il  a  passé  lui-même  et  cherchent  l'argument  qui  renversera  la  doc- 
trine éolithique.  Cet  argument,  ils  ne  l'ont  pas  trouvé,  car  il  faut  autre 
chose  que  «  les  cailloux  fracassés  sortant  des  agitateurs  mécaniques 
des  fabriques  de  ciment  »  pour  ébranler  ses  convictions.  Il  invite  les 
congressistes  à  aller  étudier  les  matériaux  bien  choisis,  réunis  dans  le 
musée  de  Bruxelles,  avant  d'émettre  une  opinion.  Il  espère  qu'après 
cette  visite  beaucoup  se  rangeront  à  son  avis. 

M.  Marcellin  Boule  dit  qu'il  ne  veut  pas  laisser  clore  la  discussion  sur 
les  éolithes  sans  exposer  les  raisons  qui  l'ont  porté  à  combattre  sans 
relâche,  depuis  vingt  ans,  certaines  théories  ne  lui  paraissant  pas  repo- 
ser sur  des  bases  scientifiques  sérieuses. 

Quand  il  s'agit  des  éolithes  recueillis  dans  les  terrains  quaternaires  la 
question  n'offre  pas  une  grande  importance  au  point  de  vue  philoso- 
phique. Tous  les  préhistoriens  expérimentés,  ou  simplement  instruits, 
savent  depuis  longtemps  qu'on  rencontre,  dans  les  mêmes  couches  géo- 
logiques, avec  les  beaux  instruments  paléolithiques,  des  silex  plus 
frustes,  des  formes  naturelles,  portant  ou  paraissant  porter  des  traces 
de  travail  ou,  si  l'on  veut,  d'utilisation.  Cela  paraît  si  évident  qu'ils 
n'ont  pas  jugé  utile  d'écrire  de  volumineux  mémoires  pour  le  démon- 
trer. Mais  ils  savent  aussi  la  difficulté  pratique,  souvent  l'impossibilité, 
qu'on  éprouve  à  distinguer  les  eff'etsd'un  travail  intentionnel  rudimen- 
taire  des  effets  d'agents  naturels. 


VARIETES.  119 

La  question  est  autrement  grave  quand  il  s'agit  d'objets  provenant 
de  terrains  tertiaires  où  l'on  n'a  jamais  rencontré  le  moindre  fossil® 
humain.  Il  faut  alors  redoubler  de  prudence  et  bien  s'assurer  au  préa- 
lable que  des  pierres  ayant  tous  les  caractères  des  éolithes  ne  peuvent 
pas  être  façonnées  par  des  agents  naturels. 

M.  Boule  rappelle  les  raisons  d'ordre  géologique  qui  l'ont  toujours 
rendu  sceptique.  On  rencontre  des  éolithes  dans  toutes  les  alluvions 
torrentielles,  quel  que  soit  leur  âge,  pourvu  que  ces  alluvions  renferment 
des  cailloux  de  silex.  Il  résume  les  observations  qu'il  a  faites  dans  la 
fabrique  de  ciment  de  Guerville  près  de  Mantes  et  dont  l'exposé  détaillé 
qu'il  a  publié  dans  L'Anthropologie  (t.  XVI,  p.  257)  a  eu  pour  effet, 
non-seulement  d'affermir  ses  convictions  personnelles,  mais  encore,  ce 
qui  est  plus  précieux,  de  mettre  fin  à  l'hésitation  de  beaucoup  d'archéo- 
logues un  moment  ébranlés  par  les  théories  à  la  mode  dans  certains 
milieux.  11  a  distribué  très  largement  sa  brochure  et  il  en  tient  des 
exemplaires  à  la  disposition  des  membres  du  Congrès. 

L'auteur  a  eu  le  regret  de  constater  que,  pour  répondre  à  un  travail 
rédigé  d'une  façon  des  plus  sérieuses  et  des  plus  courtoises,  certaines 
personnalités  d'un  pays  voisin,  oii  la  doctrine  des  éolithes  est  particu- 
lièrement prospère,  n'ont  pas  craint  d'employer  à  son  égard  des  pro- 
cédés de  polémique  indignes  de  véritables  hommes  de  science.  C'est 
ainsi  qu'on  lui  a  adressé  de  Belgique  un  journal  où  l'épithète  de  faus- 
saire était  accolée  à  son  nom.  M.  Boule  ne  saurait  s'abaisser  à  recher- 
cher l'auteur  de  cette  injure  anonyme.  Il  se  contente  d'en  appelé"  aux 
membres  du  Congrès.  On  l'a  accusé  d'avoir  truqué  les  photographies 
des  pièces  figurées  dans  son  mémoire.  Il  a  apporté  à  Monaco  les  silex 
de  Mantes;  il  les  a  exposés  dans  une  des  vitrines  du  Musée  où  se 
tiennent  les  séances.  Tout  le  monde  pourra  les  voir,  les  étudier,  les 
comparer  avec  les  représentations  photographiques,  retouchées  ou  non, 
et  se  rendre  compte  que  les  échantillons  sont  bien  plus  démonstratifs 
que  les  figures  en  faveur  de  la  thèse  qu'il  soutient  à  savoir  : 

Que,  des  pierres  toutes  pareilles  aux  éolithes  pouvant  être  produites 
en  dehors  de  l'intention  humaine,  les  éolithes  recueillis  au  sein  de 
couches  tertiaires  ne  sauraient  suffire  à  démontrer  l'existence  de  l'Homme 
tertiaire.  Cette  existence  est  possible  ;  elle  est  même  probable  mais  nous 
n'avons  pas,  scientifiquement,  le  droit  de  l'affirmer.  L'opinion  contraire 
ne  peut  être,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  qu'une  opinion 
de  sentiment. 

M.  Hamy  rappelle  qu'à  l'époque  où  Boucher  de  Perthes  multipliait  ses 
appels  en  faveur  de  l'authenticité  des  silex  d'Abbeville,  même  des 
silhouettes  animales  ou  humaines,  le  géologue  Cordier  en  causait  un 
jour  avec  A.  de  Quatrefages  dans  une  allée  du  Jardin  des  Plantes.  Cordier 
se  baissant  brusquement  ramassa  un  caillou  et  le  montrant  à  son  inter- 


120  VARIÉTÉS. 

locuteur  :  «  Vous  verrez,  s'écria-t-il,  qu'un  jour  ou  vous  dira  que  ce 
caillou  a  été  travaillé  par  l'homme  ». 

Il  ne  faudrait  pas  donner  raison  au  vieux  géologue,  il  est  vraiment 
nécessaire  d'apporter  quelque  tempérament  à  ce  déterminisme  exagéré 
qui  nous  envahit  et  proscrire  de  nos  séances  ces  lusi  naturw  qui  nous 
ramènent  si  loin  en  arrière  et  nous  font  perdre  inutilement  un  temps 
précieux. 

M.  l'abbé  Breuil  constate  qu'à  Saint-Acheul  les  éolithes  sont  plus 
rares  qu'à  Moutières,  qui  marque  cependant  une  phase  plus  récente  de 
l'industrie  humaine.  Cela  lient  à  ce  que,  dans  la  première  localité,  les 
graviers  correspondent  à  un  haut  niveau,  déposé  par  une  eau  calme, 
tandis  que  les  bas  niveaux  de  Moutières  se  sont  déposés  à  une  époque 
de  courant  très  vif.  L'abondance  des  éolithes  est  donc  en  rapport  avec 
la  vitesse  du  courant. 

Sir  JonN  Evans  n'est  pas  partisan  de  la  théorie  des  éolithes.  Quand 
on  étudie  l'action  de  la  mer  sur  les  silex,  on  constate  qu'elle  les  casse, 
qu'elle  les  roule  ou  qu'elle  leur  imprime  l'aspect  d'éclats  retouchés. 
D'ailleurs,  on  parle  beaucoup  de  l'usage  des  éolithes,  mais  on  ne 
montre  pas  la  moindre  preuve  de  leur  utilisation. 

M.   Ray   Lankester  dit   que,  sous  le  nom  d'éolithes,  on   range  des 
silex  bien  différents  par  leur  origine  et  par  leurs  caractères.  Les  silex 
taillés  des  hauts  plateaux  du  Kent  décrits  par  Prestwich  n'ont  rien  de  . 
commun  avec  les  soi-disant  éolithes  recueillis  depuis,  pas  plus  qu'avec 
ceux  de  Mantes. 

M.  l'abbé  Breuil,  qui  a  étudié  l'année  dernière  la  collection  Prest- 
wich, a  constaté  sur  tous  les  objets  de  nombreuses  traces  ferrugineuses 
provenant  d'instruments  aratoires  ;  ils  ont  donc  été  recueillis  à  la  sur- 
face et  ne  peuvent  entrer  en  ligne  de  compte  pour  la  question  des 
éolithes. 

M.  RuTOT  ne  peut  admettre,  avec  M.  Ray  Lankester,  qu'il  y  ait  éolithes 
et  pseudo-éolithes  et  que  les  seuls  éolithes  vrais  soient  ceux  du  Kent. 
Ces  derniers  sont  même  inférieurs  à  ceux  de  Belgique.  Pour  résoudre  le 
problème,  il  ne  faut  faire  aucune  distinction  entre  les  éolithes  belges, 
anglais,  français  et  allemands  :  ou  bien  ils  sont  tous  des  jeux  de  la 
nature  ou  bien  ils  représentent  l'industrie  humaine  primitive. 

En  somme,  aucun  argument  nouveau  n'a  été  apporté.  Toutefois  les 
personnes  qui  ont  bien  voulu  se  donner  la  peine  d'étudier  les  pièces 
de  Mantes  exposées  par  MM.  Boule  et  Obermaier  et  faire  part  de  leurs 
impressions  à  nos  confrères  se  sont  déclarées  convaincues  ou  converties  : 
les  «  éolithes  »  des  fabriques  de  ciment  de  Manies  sont  aussi  beaux  que 
ceux  regardés  comme  ayant  été  utilisés  par  l'Homme. 


VARIÉTÉS.  121 

2"  Classification  des  temps  quaternaires  au  triple  point  de  vue  de 
la  stratigraphie,  de  la  paléontologie  et  de  Tarchéologie.  —  Celte 
question  a  été  abordée  au  cours  de  diverses  discussions. 

M.  l'abbé  Parât  fait  quelques  observations  sur  la  méthode  employée 
par  les  préhistoriens  pour  dater  les  restes  trouvés  dans  les  couches 
antérieures  à  la  période  actuelle.  Pour  les  grottes  de  la  Basse-Bour- 
gogne en  particulier,  il  estime  que  les  évaluations  de  M.  G.  de  Mortillet 
sont  très  exagérées  :  la  parfaite  conservation  des  os  rend  inadmissible 
la  longue  période  de  temps  que  l'on  suppose  s'être  écoulée  depuis  leur 
enfouissement.  Dans  les  grottes  de  la  vallée  de  l'Yonne  et  de  la  Cure 
qu'il  a  étudiées,  les  couches  vont  du  Moustérien  au  Magdalénien,  for- 
mant au  total  une  épaisseur  de  5°^, 50;  elles  sont  séparées  par  une 
couche  d'alluvions. 

M.  PiGORiNT  parle  des  fouilles  effectuées  récemment  à  Capri.  Des 
outils  chelléens  ont  été  trouvés  à  une  profondeur  de  près  de  9  mètres. 
Ces  instruments  étaient  accompagnés  d'ossements  d'animaux  éteints  : 
éléphant,  hippopotame,  rhinocéros.  Ils  sont  en  quartzite,  roche  qui 
n'exite  pas  dans  l'île.  Au-dessus  de  la  couche  argileuse  où  ils  furent 
découverts,  s'étendait  un  lit  de  matières  éruptives  de  près  de 
3  mètres.  S'appuyant  sur  un  texte  de  Suétone,  M.  Pigorini  suppose 
que  les  anciens,  au  temps  d'Auguste,  ont  connu  l'existence  de  restes 
d'animaux  gigantesques  dans  l'île  de  Capri. 

M.  BouRLON  communique  au  Congrès  les  intéressantes  observations 
qu'il  a  faites  lors  de  ses  fouilles  au  Moustier,  lia  pu  suivre  l'évolution 
de  l'industrie,  dans  cette  station,  depuis  le  commencement  du  mousté- 
rien jusqu'au  solutréen.  Les  couches  sont  bien  stratifiées  et  les  foyers 
sont  séparés  par  des  lits  de  sable  ou  de  cailloux  roulés,  A  la  base,  existe 
un  gisement  d'outils  moustériens  très  grossiers  en  forme  de  pointes, 
rappelant  les  coups  de  poing  chelléens.  Le  second  et  le  troisième  foyer, 
à  partir  du  fond,  renfermaient  un  très  grand  nombre  d'objets  mousté- 
riens typiques  (M.  Bourlon  en  a  récolté  plus  de  deux  mille).  Ces  outils, 
outre  les  pointes  et  les  disques  signalés  par  les  auteurs,  comprennent 
des  scies,  des  râcloirs,  des  instruments  avec  coches,  des  coupoirs,  des 
grattoirs  convexes  et  convaves,  des  perçoirs.  L'industrie  était  donc  très 
spécialisée  dès  cette  époque.  Le  travail  est  fin  et  soigneusement  exé- 
cuté; les  bords  de  certains  objets  (scies,  coupoirs)  sont  retouchés  à 
petits  éclats. 

L'industrie  du  quatrième  foyer  est  d'un  type  très  inférieur  :  les 
grandes  pièces  amygdaloïdes  disparaissent,  pour  faire  place  à  des  ins- 
truments de  petite  taille,  grossièrement  travaillés,  qui  rappellent  les 
pièces  chelléennes. 

Ce  type  de  fabrication  n'est  pas  particulier  au  Moustier,  ainsi  que  le 


122  VARIÉTÉS. 

fait  remarquer  M.  l'abbé  Breuil.  Oq  a  trouvé  des  gisements  semblables 
à  Chatelperron  (Allier)  et  aux  Eyzies. 

Le  même  fait  se  rencontre  en  Belgique;  M.  Rutot  décrit  l'évolution, 
dans  ce  pays,  de  Toutil  dit  coup  de  poing.  Né  dans  le  Strépyien,  ils  se  per- 
pétue à  travers  le  Chelléen,  l'Acheuléen,  le  Moustérien  et  peut-être 
même  pendant  la  première  partie  du  Solutréen  (niveau  du  Trou 
Magrite),  pour  disparaître  définitivement. 

M.  GiROD,  qui  reconnaît  l'existence  du  coup  de  poing  dans  les  niveaux 
moListériens  supérieurs  de  plusieurs  cavernes  françaises  fouillées  par 
lui,  se  demande  si  on  n'aurait  pas  simplement  utilisé  d'anciens  silex 
taillés. 

M.  Cartailhag  rappelle  que  de  semblables  apports  ont  sans  doute  été 
constatés,  mais  que  cela  ne  prouve  rien  contre  les  faits  établis  par  les 
précédents  orateurs.  La  dernière  couche  du  Moustier  est  constituée  par 
des  objets  présolutréens.  La  partie  inférieure  contient  un  outillage  qui 
a  encore  les  formes  moustériennes,  mais  dont  bien  des  pièces  sont 
retouchées  sur  les  deux  faces,  et  qui,  de  plus,  contient  un  grand 
nombre  depointesplus  sveltes,  pluslégères.Le  grattoir  devient  beaucoup 
plus  fréquent  et  plus  fini;  le  burin  fait  son  apparition.  La  partie  supé- 
rieure est  franchement  pré-solutréenne  :  la  pointe  et  le  râcloir  ont 
complètement  disparu  et  ont  fait  place  à  des  objets  retouchés  sur  tout 
le  pourtour  :  ce  sont  le  grattoir  simple  ou  double,  le  burin,  des  pièces 
à  étranglement,  enfin  des  grattoirs  très  épais,  presque  nucléiformes. 

M.  Breuil  remarque  que  ces  grattoirs  carénés,  ainsi  que  les  pièces  à 
encoche  latérale,  indiquent  le  niveau  dit  «  Aurignacien  »,  qui  renf^erme 
des  objets  analogues  aux  coups  de  poing  attardés  dont  il  a  été  ques- 
tion; nous  suivons  donc,  au  Moustier,  l'évolution  complète  jusqu'au 
présolutréen.  Ce  fait  avait  déjà  été  observé  par  MM.  Peyrony  et  Capi- 
tan  à  la  Ferrassie  (Dordogne). 

L'Époque  présolutréenne  fait  l'objet  d'une  communication  de 
M.  l'abbé  Breuil.  Le  niveau  présolutréen,  autrefois  signalé  par  MM.  Lar- 
tet  et  Hamy,  est  caractérisé  par  une  faune  bien  plus  riche  en  espèces 
anciennes  que  le  niveau  magdalénien  et  même  solutréen.  Les  types 
d'outils  sont  des  plus  nets  :  on  y  voit  des  survivances  de  formes  mous- 
tériennes et  même  acheuléennes  (Chatelperron).  L'outillage  en  os,  abon- 
dant, est  d'une  technique  différente  de  celle  des  objets  magdaléniens; 
on  commence  même  à  y  trouver  des  statuettes  féminines,  rares,  il  est 
vrai.  A  Solutré,  à  la  Ferrassie,  à  Brassempouy,  le  solutréen  est  superposé  à 
ces  assises  du  vieil  âge  du  renne,  qui  sont  répandues  depuis  la  Belgique 
jusqu'aux  Pyrénées  et  dont  le  groupe  de  Menton  est  une  variante  locale. 

M.  Girod  fait  remarquer  qu'il  est  impossible  de  distinguer  les  silex 
acheuléens  de  Tilly  de  ceux  trouvés  dans  d'autres  stations  présolu- 
tréennes; il  croit  à  une  utilisation  des  anciens  silex. 


VARIETES.  123 

M.  Breuil  répond  que  l'apport  de  silex  plus  anciens  ne  peut  expliquer 
la  présence  dans  les  stations  du  niveau  dont  il  s'agit  d'un  grand  nombre 
d'autres  objets,  caractéristiques  du  Présolutréen.  Les  objets  acheuléens 
ont  une  patine  spéciale  qui  permet  de  les  reconnaître  facilement  et  qui 
ne  se  trouve  pas,  par  exemple,  sur  les  outils  recueillis  par  M.  Bourlon 
au  Moustier.  Il  ne  s'agit  toutefois  pas  d'un  retour  à  TAcheuléen^  mais 
d'une  reviviscence  de  certaines  formes. 

M.  Salomon  HEiNAcn  demande  si  la  désignation  de  Présolutréen,  qui 
implique  seulement  l'antériorité,  n'offre  pas  d'inconvénients;  peut- 
être  vaudrait-il  mieux  diviser  le  Solutréen  en  étages  et  distinguer  les 
étages  par  des  numéros  d'ordre  (Solutréen.!,  II,  III). 

M.  l'abbé  Breuil  croit  ce  procédé  contraire  à  l'usage,  bien  qu'il  soit 
admis  pour  l'époque  de  La  Tène.  D'ailleurs,  on  ne  peut  confondre  le 
Présolutréen  avec  le  Solutréen;  il  en  diffère  autant  que  ce  dernier  dif- 
fère du  Magdalénien.  Il  faut  un  nouveau  nom;  après  entente  avec 
MiM.  Cartailhac  et  Rutot,  il  propose  l'adoption  pour  ces  assises,  du 
terme  «  Aurignacien  ». 

iM.  Rutot  se  déclare  satisfait  de  voir  une  lacune  comblée  dans  la 
classification,  par  l'adoption  d'une  époque  intermédiaire  entre  le  Mous- 
térien  et  le  Solutréen.  Il  y  a  près  de  quarante  ans  que  M.  E.  Dupont, 
■directeur  du  Musée  Royal  d'Histoire  Naturelle  de  Bruxelles  en  avait 
senti  la  nécessité;  il  avait  proposé  le  nom  de  niveau  de  Montaigle. 
L'étude  de  nouvelles  collections  a  montré  que  le  Présolutréen 
comprend,  en  Belgique,  deux  niveaux  :  celui  d'Hastière,  et  celui  de 
Montaigle.  On  y  trouve  un  outillage  à  aspect  moustérien  un  peu  évolué. 
Dans  le  niveau  d'Hastière,  les  objets  d'os  commencent  à  apparaître;  ils 
deviennent  plus  abondants  au  niveau  de  Montaigle,  où  on  trouve  aussi 
des  pointes  d'Aurignac,  des  sifflets  en  phalanges  de  renne,  des  lissoirs, 
etc.  Les  habitants  des  cavernes  présolutréennes  de  laBelgique  évoluèrent 
plus  lentement  que  ceux  du  midi  de  la  France  :  on  ne  trouve  nulle  part, 
en  Belgique,  de  statuettes  d'ivoire  dans  ces  niveaux  ;  de  plus,  l'emploi  des 
lames  était  inconnu.  M.  Ed.  Dupont,  et  après  lui  M.  Rutot,  pour  expliquer 
le  fait,  admet  que  les  Présolutréens  belges  sont  des  essaims  des  peuples 
du  midi  de  la  France  ;  alors  que  l'industrie  évoluait  sur  place  dans  cette 
dernière  région,  elle  restait  stationnaire  chez  les  émigrés.  M.  Rutot  se 
déclare  disposé  à  accepter  le  mot  «  Aurignacien  »  pour  désigner  l'en- 
semble des  niveaux  présolutréens. 

MM.  J.  BouYSSONiE^  A.  BouYSSONiE  et  L.  Bardon  présentent  une  étude 
sur  la  Grotte  de  la  Font-Robert^  près  Brive  {Corrèze),  fouillée  par  les 
soins  de  M.  le  comte  et  de  M™«  la  comtesse  de  Thévenard.  Toute  trace 
de  la  faune  avait  disparu.  On  a  trouvé  seulement,  en  dehors  des  silex 
taillés,  des  galets  et  des  pierres  plates,  dont  aucune  ne  portait  de  gra- 
vures, des  ocres  et  une  pendeloque  en  quartz  blanc.  L'outillage  était, 


124  VARIÉTÉS. 

suivant  les  auteurs,  à  un  des  niveaux  présolutréens  supérieurs.  On  doit 
cependant  remarquer  qu'il  n'a  été  découvert  aucune  sculpture  et  que 
les  auteurs  ne  signalent  pas  d'objets  en  os. 

M.  Debrugk  a  envoyé  un  mémoire  sur  la  station  quaternaire  d'Ali- 
Bacha,  à  Bougie.  Il  y  distingue  deux  parties  très  différentes  :  une  station 
d'habitat,  située  sur  le  plateau,  et  une  grotte  sépulcrale.  La  stratigra- 
phie et  la  faune  de  ces  deux  places  diffèrent  peu.  La  couche  superfi- 
cielle renfermait  des  ossements  d'oiseaux  et  de  mammifères  d'espèces 
actuellement  vivantes,  ainsi  qu'un  grand  nombre  de  coquilles  marines. 
Au-dessous,  existait  une  couche  riche  en  foyers  dénotant  un  long  séjour, 
où  l'on  a  trouvé  des  silex  moustériens  en  abondance;  ils  étaient 
accompagnés  d'un  grand  nombre  de  coquilles  d'hélix,  dont  la  plupart 
ont  subi  les  atteintes  du  feu.  Les  silex  sont  purement  moustériens;  pas 
d'industrie  de  l'os,  ni  de  poterie.  Plus  bas,  à  2'", 80  de  la  surface,  on  a 
rencontré  d'autres  outils  moustériens  faits  de  silex,  de  quartzite  et  de 
calcaire  siliceux. 

La  grotte  funéraire  avait  été  déjà  fouillée  en  1902,  et  le  matériel  qui 
y  avait  été  trouvé  avait  permis  de  croire  à  la  grande  antiquité  de 
l'homme  dans  celte  région.  Des  ossements  humains  recueillis  alors, 
M.  le  D""  Delisle  avait  conclu  à  l'existence  d'hommes  de  la  race  de 
Cro-Magnon,  dans  cette  partie  de  l'Algérie.  Les  dernières  fouilles  de 
M.  Debruge  ont  amené  la  découverte  d'un  crâne  d'homme  et  de  frag- 
ments de  crânes  provenant  d'un  autre  homme  et  d'un  enfant.  M.  le 
D'  Delisle  a  restauré  la  pièce  principale,  et  il  l*a  étudiée  :  l'individu 
auquel  il  appartenait  n'avait  aucun  caractère  néanderthaloïde;  il  faut 
le  rattacher  à  la  race  de  Cro-Magnon,  peut-être  avec  mélange  de  sang 
nigritique,  mais  c'est  douteux  en  l'absence  de  prognathisme.  Le  crâne 
ressemble  beaucoup,  en  tout  cas,  à  celui  des  Berbères  actuels. 

3°  Documents  nouveaux  sur  l'art  des  cavernes.  —  M.  l'abbé 
Breuil  retrace  l'évolution  de  la  peinture  et  de  la  gravure  murales.  11 
classe  les  manifestations  artistiques  en  deux  séries  parallèles  :  A.  Figures 
feintes  [1)  linéaires  noires  ou  rouges;  2)  monochromes  modelées, 
surtout  noires;  3)  monochromes  en  teintes  plates,  noires,  rouges  ou 
brunes  ;  4)  polychromes;  5)  figures  non  zoomorphiques,  plus  ou  moins 
azyliennes];  B.  Figures  gravées  [1)  Tracé  très  profond,  profil  absolu, 
figures  très  raides;  2)  tracé  moins  profond^  profil  plus  normal,  plus 
vivant,  détails  plus  soignés;  3)  tracé  fin,  mais  linéaire,  détails  très 
soignés,  dessins  de  plus  petite  taille;  4)  tracé  très  peu  creusé,  simples 
graffiti  ;  les  contours  se  décomposent  en  poils,  en  hachures  discontinues  ; 
5)  plus  d'images  d'animaux].  Les  deux  séries  doivent  être  superposées, 
et  les  divisions  de  l'une  correspondent  à  celles  de  l'autre.  Les  peintures 


VARIÉTÉS.  125 

se  recouvrent  et  se  détruisent  entre  elles  ;  elles  recouvrent  des  gravures 
ou  sont  détruites  par  elles.  Cette  évolution,  à  de  faibles  détails  près,  se 
retrouve  dans  les  grottes  du  Périgord,  des  Pyrénées  françaises  et  de 
Cannstadt. 

M.  l'abbé  Breuil  communique  ensuite  le  résultat  de  ses  recherches 
sur  la  Stylisation  des  dessins  à  l'âge  du  renne.  L'art  décoratif  dériverait 
de  l'art  figuré  :  il  en  découlerait  par  voie  de  dégénérescence,  de  sim- 
plification ou  de  stylisation.  M.  Breuil  présente  trois  séries  de  têtes 
vues  en  raccourci,  se  rapportant  au  cheval,  aux  bêtes  à  cornes  (cervidés, 
caprins,  bovidés)  et  aux  animaux  à  longues  oreilles  sans  crinière 
(biches)  où  le  tracé  va  en  se  simplifiant  de  manière  à  devenir  tota- 
lement inintelligibles  dans  ses  derniers  termes.  Il  faut  noter  des  alté- 
rations du  tracé,  dues  parfois  à  une  réinterprétation  arbitraire  d'un 
tracé  incompris,  d'autres  fois  à  un  sentiment  esthétique,  à  un  désir 
d'augmenter  la  valeur  décorative  du  motif.  De  tels  procédés  ont  été 
signalés,  dès  longtemps,  par  les  savants  qui  se  sont  occupés  de  l'origine 
de  l'écriture  ou  de  celle  de  l'ornement  chez  les  peuples  primitifs. 

La  théorie  exprimée  par  M.  l'abbé  Breuil  est  admise,  en  principe,  par 
M.  Salomon  REiNAcn  ;  il  croit  que  cette  extrême  stylisation  des  motifs 
naturels,  qui  les  rend  incompréhensibles,  appuie  l'hypothèse  suivant 
laquelle  ces  motifs  auraient  une  signification  religieuse. 

M.  Arturo  Issel  pense  que  les  dérivations  étabUes  par  M.  l'abbé 
Breuil  sont  tout  à  fait  exactes;  il  est  arrivé  au  même  résultat  par 
l'étude  des  calques,  des  gravures  de  bovidés  tracées  sur  les  rochers  des 
Alpes-Maritimes,  calques  qui  ont  été  effectués  par  M.  Bicknell. 

M.  Deniker  accepte  également  ces  conclusions,  et  rappelle  les  ré- 
sultats des  investigations  de  M.  Haddon  sur  l'art  du  dessin  des  «  pri- 
mitifs »  océaniens.  Il  observe  que  chez  ces  peuples  la  préoccupation 
ornementale  tient  une  place  au  moins  égale  à  celle  de  la  religion. 

MM.  Gapitan,  Breuil  et  Peyrony  présentent  des  Dessins  de  félins^  de 
proboscidiens  et  d'ursidés  copiés  sur  les  parois  de  grottes  ornées.  Ils 
insistent  sur  la  variété  des  figurations  animales  et  sur  la  rareté  des 
représentations  de  certaines  espèces.  Parmi  les  figures  qu'ils  mettent 
sous  les  yeux  des  congressistes  se  trouvent  des  mammouths,  deux 
félins,  une  peinture  de  Rhinocéros  tichorhinus,  avec  ses  deux  cornes 
et  ses  longs  poils,  une  peinture  et  deux  gravures  se  rapportant  à  des 
canidés  —  probablement  des  loups  — ,  enfin  trois  gravures  d'ours. 

M.  Gapitan  présente  ensuite  la  Photographie  d'une  défense  de  mam- 
mouth  ouvrée  trouvée  à  Gorge  d'Enfer  avec  un  burin  et  un  grattoir- 
burin.  Deux  rainures  obliques  sont  profondément  creusées  dans  l'ivoire 
et  étaient  destinées  à  détacher  une  grande  esquille  en  forme  de  poi- 
gnard. Gette  pièce  est  intéressante  parce  qu'elle   montre  le  procédé 


126  VARIÉTÉS. 

qu'employaient  les  Préhistoriques  pour  débiter  l'os,  la  corne  ou  l'ivoire. 
A  cet  effet,  ils  se  servaient  uniquement  de  burins,  et  lorsqu'ils  avaient 
tracé  des  rainures  assez  profondes,  ils  éclataient  le  morceau  qu'ils 
voulaient  utiliser. 

MM.  Capitan,  Breutl,  Clergeau  et  Peyrony  montrent  au  Congrès  toute 
une  série  de  Gravures  sur  os  et  sur  pierre  qu'ils  ont  découvertes  dans 
riiumus  noir  provenant  des  foyers  préhistoriques  de  la  Grotte  des 
Eyzies.  Ces  gravures,  d'une  grande  finesse,  ont  été  exécutées  avec  de 
petits  instruments  en  pierre  offrant  une  très  grande  variété. 

MM.  Cartailhac,  Capitan,  Breuil  et  Peyrony  font  ressortir  que  les 
Figurations  humaines  sur  les  parois  des  grottes  ornées  n'ont  aucun  air  de 
parenté  avec  les  belles  représentations  d'animaux.  Les  figures  humaines 
ressemblent  à  celles  qu'exécutent  nos  enfants;  elles  sont  remarquables 
par  la  longueur  du  nez  et  la  forme  en  museau  de  la  face.  Peut-être 
s'agit-il  de  figurations  fétichistes 

4''  Études  des  temps  intermédiaires  entre  le  Paléolithique  et  le 
Néolithique.  —  M.  Nuesgh  a  cru  trouver  la  preuve  du  passage  d'une 
période  à  l'autre  dans  la  stratification  du  Schweizersbild  et  du  Kessler- 
loch,  cavernes  des  environs  de  Schaffhouse.  Le  sol  en  serait  constitué 
par  une  moraine  provenant  de  la  dernière  glaciation;  puis  viendrait 
une  couche  contenant  des  restes  de  lemming  et  de  renne,  puis  une 
couche  d'une  trentaine  de  centimètres,  renfermant  des  ossements  de 
renne. 

Les  conclusions  de  M.  Nuesch  supposent,  suivant  M.  Boule,  une 
.formation  régulière  des  couches,  et  c'est  pourquoi  il  ne  peut  l'accepter. 

M.  Obermaier  fait  remarquer  que  ce  gîte  ne  renferme  (au  contraire 
de  ce  que  pensait  M.  Penck)  aucune  assise  «  tourassienne  »  ou  «  azy- 
lienne  »  et  qu'une  grande  partie  des  sépultures  de  M.  Nuesch  ne  sont 
pas  néolithiques. 

M.  le  baron  de  Loë  signale  un  nouveau  gisement  de  l'industrie  tarde- 
noisienne  qui,  suivant  lui,  comble  Vhiatus  entre  le  paléolithique  et  le 
néolithique.  C'est  la  grotte  de  Remonchamps,  où  la  faune  du  renne 
accompagne  l'industrie  tardenoisienne. 

On  a  découvert  en  Danemark  des  restes  d'une  industrie  antérieure  à 
celle  des  kj ôkkenmôd dings .  Les  stations  paraissent  avoir  consisté  en 
des  sortes  d'iles  flottantes  établies  sur  des  lacs  desséchés.  M.  Sarauw, 
du  Musée  de  Copenhague,  a  observé  plusieurs  de  ces  singuliers 
radeaux  au  fond  d'un  lac  de  l'île  de  Seeland.  M.  V.  Schmidt  qui  com- 
munique ces  découvertes,  dit  que  les  outils  en  pierre  et  en  os  retrouvés 
dans  ces  stations  sont  d'une  forme  très  primitive  et  que  la  faune  qui 
les  accompagne  semble  être  plus  ancienne  que  celle  des  kjokken- 
môddings. 


VARIETES.  127 

De  nouveaux  documents  sur  la  période  de  transition  ont  été  décou- 
verts en  Normandie.  M.  G.  Poulain  a  trouvé  dans  l'abri  du  «  Mam- 
mouth »  à  Métreville  (Eure)  des  pièces  qu'il  croit  pouvoir  attribuer  à 
un  niveau  antérieur  au  Campignien.  Ces  pièces  étaient  comprises  dans 
un  niveau  intercalaire  entre  une  couche  renfermant  un  ossement  de 
mammouth  et  une  autre  contenant  des  objets  d'un  type  nettement 
néolithique.  Les  objets,  comprenant  un  certain  nombre  de  tranchets, 
appartiennent  à  l'industrie  des  kjôkkenmôddings  et  sont,  par  conséquent, 
antérieurs  au  Campignien. 

M.  Léon  Coutil  signale  des  objets  de  la  même  époque  dans  le  Calvados 
et  dans  TEure. 

5°  Origine  de  la  civilisation  néolithique.  —  Les  questions  relatives 
à  l'origine  de  la  civilisation  néolithique  font  l'objet  d'une  importante 
communication  de  M.  L.  Siret.  Cet  auteur  a  étudié  les  restes  préhisto- 
riques du  sud  de  l'Espagne  (l'ancien  pays  des  Turdétans).  Il  a  constaté 
que  l'industrie  de  la  pierre  éclatée  néolithique  (industrie  des  kjôkken- 
môddings) continue  sans  interruption  l'industrie  quaternaire.  Elle  serait 
à  la  fois  contemporaine  de  l'industrie  magdalénienne  et  de  celle  de  la 
pierre  polie.  Les  objets  en  pierre  polie  sont  d'un  travail  parfait  et 
confectionnés  avec  des  matériaux  souvent  apportés  de  fort  loin.  M.  Siret 
en  conclut  à  l'importation  des  objets  polis,  ou  plutôt  au  contact  de 
deux  civilisations,  l'une  faisant  usage  de  la  pierre  éclatée,  l'autre  de  la 
pierre  polie.  La  civilisation  qui  apporta  le  polissage,  l'art  de  l'agricul- 
ture et  celui  du  tissage  serait  venue  de  la  partie  orientale  de  la  Méditer- 
ranée vers  le  3«  millénaire^avant  notre  ère. 

Cette  vue  est  appuyée  par  M.  Pigorini.  11  fait  remarquer  que  les  haches 
polies  italiennes  sont  en  pierres  vertes,  que  les  Paléolithiques  et  les  pre- 
miers Néolithiques  italiens  ne  travaillaient  pas.  En  même  temps  que  les 
haches  polies,  la  poterie  apparaît  brusquement.  Il  est  donc  probable 
que  la  civilisation  de  la  pierre  polie  est  étrangère  à  l'Occident  de  l'Europe. 

M.  MoNTÉLius  croit  aussi  que  la  période  néolithique  doit  avoir  débuté 
en  Orient  à  une  époque  très  reculée.  En  se  basant  sur  la  stratigraphie 
des  fouilles  de  Suse,  on  peut  faire  remonter  ce  début  à  20.000  ans. 

D'après  l'épaisseur  des  couches  néolithiques  Cretoises,  qui  est  moindre 
que  celle  des  couches  susiennes,  M.  Arthur  Evans  croit  pouvoir  ad- 
mettre 14.000  ans  pour  les  débuts  du  Néolithique  dans  la  mer  Egée  ; 
par  conséquent  les  chiffres  de  M.  Siret  lui  paraissent  trop  faibles.  Il 
pense  aussi  que  le  monde  ibérique  doit  être  considéré  comme  un 
monde  à  part  du  monde  égéen  et  qu'il  ne  faut  pas  négliger  les  rapports 
de  l'Espagne  avec  le  Portugal  et  l'Ouest  de  la  Gaule. 

M.  Siret  s'^st  longuement  étendu,  dans  son  mémoire,  sur  la  céramique 
néolithique,  qu'il  croit  d'origine  orientale,  opinion  qui  est  partagée  par 

M.   PiGORTNI. 


128  VAHIÉTb:S. 

M.  HoERNES  cherche,  lui,  à  mettre  un  peu  d'ordre  dans  le  classement 
de  ces  poteries  et  à  marquer  leurs  rapports  avec  les  différentes  périodes 
du  Néolithique.  L'auteur  reconnaît,  dans  la  poterie  ornée  néolithique, 
deux  principes  différents  d'ornementation  :  1°  le  principe  de  la  déco- 
ration périphérique;  2°  le  principe  de  la  décoration  tectonique.  Ces 
fabrications  différentes  accompagnaient  des  conditions  économiques, 
industrielles,  etc.,  dissemblables  :  bref,  elles  appartenaient  à  deux 
groupes  ethniques  distincts.  Les  premiers  immigrants  de  l'Europe 
centrale  seraient  venus  du  Sud  et  auraient  appartenu  à  la  race  médi- 
terranéenne :  ils  apportèrent  avec  eux  la  céramique  périphérique.  Ils 
auraient  été  refoulés  par  les  pasteurs  du  Nord  de  l'Europe  (appartenant 
peut-être  à  la  race  indo-européenne),  qui  apportèrent  un  nouveau  style. 

Q°  Les  civilisations  protohistoriques  dans  les  deux  bassins  de  la 
Méditerranée.  —  M.  Arteur  Evans  expose  au  Congrès  le  résultat  de 
ses  recherches  sur  les  civilisations  protohistoriques  du  bassin  oriental 
de  la  Méditerranée  et  discute  l'emploi  des  termes  :  Égéen,  Minoen  et 
Mycénien.  Le  mot  «  Égéen  »  est  une  appellation  naturellement  plus 
générale,  mais  ne  s'applique  pas  à  une  civilisation  homogène.  Les  pre- 
mières périodes  de  la  culture  néolithique  dans  la  Grèce  continentale  et 
insulaire  du  Nord  sont  insuffisamment  connues.  En  Crète,  au  contraire, 
on  a  pu  suivre  une  longue  évolution  de  la  pierre  polie  :  à  Knossos,  le 
Néolithique  remonte  à  une  époque  très  reculée  (14.000  ans  au  moins). 
Le  faciès  de  cette  civilisatisn  présente  quelque  ressemblance  avec  celui 
du  Néolithique  d'Asie  Mineure,  mais  celui-ci  est  encore  trop  peu  connu 
pour  qu'on  puisse  en  tirer  des  conclusions  fermes.  Le  nord  delà  civili- 
sation égéenne  appartenant  à  la  fin  du  Néolithique,  présente  un  autre 
aspect  :  on  y  voit  apparaître  la  poterie  coloriée  avec  ornementation  de 
spirales.  Cette  civilisation  paraît  se  rattacher  à  celle  d'une  vaste  pro- 
vince s'étendant  de  la  Thessalie  à  la  Crimée.  En  cette  région,  le  Néoli- 
thique s'est  attardé;  il  y  règne  encore  (ainsi  que  dans  les  Cyclades  et 
en  Troade),  alors  que  la  Crète  travaille  déjà  les  métaux.  C'est  à  cette 
civilisation,  qui  fut  d'abord  particulière  au  monde  crétois,  qu'il  faut 
réserver  le  nom  de  Minoen  :  ses  commencements  seraient  contempo- 
rains des  premières  dynasties  égyptiennes.  Dès  les  débuts  de  l'époque 
minoenne,  on  reconnaît  des  indices  de  relations  avec  l'Egypte  protody- 
nastique et,  probablement,  avec  la  Libye  :  on  trouve  des  vases  de 
pierre  égyptiens,  des  sceaux,  des  statuettes  semblables  à  celles  de 
Nagadah.  La  culture  minoenne  paraît  être  fortement  influencée  par  Ips 
éléments  africains  (égyptiens  et  libyens),  surtout  au  point  de  vue  de  la 
céramique.  Par  sa  poterie,  elle  contraste  avec  la  civilisation  de  la  Grèce 
continentale  et  des  Cyclades  :  alors  qu'en  ce  dernier  lieu,  les  vases  déri- 
vent de  deux  types  primitifs  (l'outre  et  la  courge),  la  poterie  minoenne 
tire  ses  modèles  des  vases  de  pierre  de  la  très  ancienne  Egypte.  Plus 


VARIÉTÉS.  129 

tard,  la  civilisation  du  Nord  réagit  sur  celle  du  Sud  ;  mais  la  culture 
Cretoise  déborde  sur  sa  voisine,  envahissant  d'abord  les  Cyclades,  puis 
le  continent.  Le  «  Mycénien  »  n'est  qu'un  rejeton  attardé  du  Minoen. 
La  Grèce  propre  a  cependant  conservé  quelques  traits  de  sa  civilisation 
indigène  :  ils  apparaissent  à  Mycènes  même,  dans  la  forme  de  la  maison 
(surtout  du  Megaron).  Il  en  résulte  un  faciès  spécial  qui  finit  par  pré- 
valoir contre  le  pur  type  minoen.  Ce  type  mycénien  se  répand  à  son 
tour  sur  les  îles  et  précède  directement  l'introduction  de  la  civilisation 
dorienne. 

On  sait  que  M.  Siret  croit  que  la  civilisation  néolithique  du  Sud  de 
l'Espagne  est  d'origine  égéenne.  Il  compare  la  poterie  et  divers  usten- 
siles plats  en  pierre,  qu'il  qualifie  d'  «  idoles  »,  avec  ceux  trouvés  à  His- 
sarlik,  mais  il  ne  saurait  dire  que  ce  soit  le  bassin  occidental  de  la 
Méditerranée  qui  ait  fourni  au  bassin  oriental  sa  civilisation;  aussi 
admet-il  que  la  civilisation  de  la  pierre  polie  fut  importée  d'Orient. 

On  sait  aussi  que  M.  A.  Evans  refuse  d'accepter  cette  théorie,  parce 
qu'elle  rabaisse  trop  les  commencements  de  l'époque  néolithique  dans 
le  bassin  oriental  de  la  Méditerranée.  La  civilisation  néolithique  de  la 
Turdétanie  s'est  développée  indépendamment  de  la  civilisation 
égéenne. 

M.  Siret  fait  cependant  des  rapprochements  intéressants,  par  exemple 
entre  les  tombes  à  coupoles  voûtées  par  encorbellement  de  Los  Millares 
et  celles  d'Orchomène  et  d'autres  tombeaux  mycéniens.  Peut-être,  en 
effet,  une  influence  s'est-elle  fait  sentir  mais  à  une  époque  très  tardive. 

M.  Vasseur  parle  des  Poteries  ibéro-mycéniennes \  il  dit  que  l'appré- 
ciation de  M.  P.  Paris,  d'après  laquelle  elles  remonteraient  au  xii«  siècle 
avant  notre  ère  est  certainement  exagérée.  M.  Pottier  les  considère 
comme  étant  du  viu^  au  x^  siècle  et  M.  Camille  JuUian  les  fait  descendre 
jusqu'au  v^  Dans  une  fouille  faite  par  M.  Vasseur  au  Baou-Roux  (envi- 
rons de  Marseille)  il  a  trouvé  des  poteries  ibériennes  dans  des  couches 
appartenant  au  v^  et  au  vi^  siècle  avant  notre  ère. 

70  Géographie  des  civilisations  d'Hailstatt  et  de  La  Tène.  — M.  L.  de 
Marton  communique  un  mémoire  des  plus  importants  à  ce  sujet  :  il 
traite  de  \d^  Répartition  des  objets  de  fer  en  Hongrie.  La  répartition  de 
la  culture  hallstattienne  est  très  irrégulière  ;  on  peut  cependant  consi- 
dérer, à  ce  point  de  vue,  la  Hongrie  comme  formant  trois  districts.  Le 
premier  de  ces  districts  est  constitué  par  la  région  transdanubienne,  oiJ 
la  première  civilisation  du  fer  a  un  caractère  hallstattien  bien  marqué; 
la  deuxième  comprend  la  région  montagneuse  du  nord,  qui  renferme 
une  culture  de  transition  se  rattachant  à  l'âge  du  bronze;  enfin  la  troi- 
sième est  forméepar  la  partie  orientale  du  royaume,  où  l'outillage  a  subi 

l'anthropologie.   —  T.  xvii.  —  1906.  9 


130  VARIETES. 

rintluence  croisée  des  Balkans  et  de  la  Scythie.  Cette  dernière  influence 
se  manifeste  surtout  dans  la  forme  des  poignards  trouvés  dans  les 
sépultures,  et  remet  à  l'ordre  du  jour  l'hypothèse  de  Reinecke,  suivant 
laquelle  se  serait  développée,  parallèlement  à  la  civilisation  de  Hallstatt, 
une  civilisation  scythique.  Pour  l'époque  de  La  Tène,  la  répartition  est, 
au  contraire,  très  égale,  sauf  en  Transylvanie  où  les  objets  du  second 
âge  du  ter  n'arrivèrent  que  mélangés  d'éléments  romains.  De  plus  les 
objets  de  La  Tène  hongrois  ne  présentent  pas  de  formes  locales. 

^f.  l'abbé  Parât  signale  la  présence  d'objets  de  l'époque  de  Hallstatt 
et  de  La  Tène  dans  les  vallées  de  l'Yonne  et  de  La  Cure. 

M.  Olivier  Costa  dk  Bëauregaro  parle  de  La  distribution  des  objets 
d'or  préromains  sur  le  sot  de  la  Gaule.  A  l'époque  hallstattienne,  nous 
en  connaissons  deux  groupes  (qui  sont  d'ailleurs  d'âge  différent)  :  le 
groupe  bourguignon,  purement  hallstattien,  et  le  groupe  toulousain, 
d'un  faciès  spécial  et  qui  date  de  la  fin  de  l'époque.  A  la  période  de  La 
Tène  I,  les  objets  d'or  sont  tous  concentrés  vers  la  Marne.  iM.  Costa  de 
Beauregard  fait  remarquer  combien  l'or  est  plus  rare  à  cette  époque 
que  pendant  l'âge  du  bronze. 

M.  le  D"  M.  Hoernes  fait  une  description  complète  de  la  nécropole  de 
Hallstatt  et  donne  quelques  indications  importantes  sur  la  répartition 
des  restes  du  premier  âge  du  fer.  Hallstatt  se  trouvait  dans  une  situa- 
tion en  quelque  sorte  privilégiée  ;  elle  était  placée  dans  une  région  inter- 
médiaire, entre  les  centres  de  population  de  la  Haute  Italie  d'une  part  et 
ceux  de  l'Europe  septentrionale  d'autre  part.  Ce  fut  surtout  l'Italie  qui 
fournit  des  modèles  à  Hallstatt.  Cependant  la  civilisation  de  cette  partie 
de  l'Europe  centrale  est  bien  originale  et  elle  ne  doit  pas  être  considérée 
comme  un  faciès  spécial  d'une  culture  italienne,  encore  moins  hellé- 
nique, comme  le  croyait  Ingrar  Undset. 

M.  le  D^  M.  Hoernes,  dans  une  seconde  communication  accompagnée 
de  projections,  montre  les  différents  types  de  sépultures  de  la  nécro- 
pole de  Hallstatt.  il  les  divise  en  quatre  grands  groupes  :  1<^  et  2»,  tombes 
d'hommes  anciennes  et  récentes;  3°  et  4°,  tombes  de  femmes  anciennes 
et  récentes.  Pour  chaque  groupe,  il  décrit  les  types  primitifs  et  les  types 
secondaires  et  il  arrive  à  des  résultats  nouveaux  sur  leur  âge  relatif.  Une 
particularité  dont  on  doit  faire  grand  état  est  la  suivante  :  à  Hallstatt, 
les  deux  rites  de  l'incinération  et  de  l'inhumation  furent  en  usage  dans 
chacun  des  quatre  grands  groupes.  Dans  les  tombes  dont  la  détermi- 
nation est  sûre,  l'incinération  paraît  prévaloir;  cette  prédominance  est 
moindre  pour  les  sépultures  de  femmes  que  pour  celles  d'hommes.  Elle 
paraît  aussi  décroître  vers  la  fin  du  premier  âge  du  fer.  M.  Hoernes 


' 


VARIÉTÉS.  ^31 

croit  que  la  nécropole  servit  jusqu'au  v^  siècle  avant  notre  ère,  comme 
le  prouve  la  trouvaille  de  fibules  du  type  de  la  «  Certosa  ». 

M.  Olivier  Costa  de  Beauregard  compare  des  cuirasses  de  bronze 
trouvées  à  Fellinges  (Haute-Savoie)  et  des  cnémides  de  même  métal 
rencontrées  à  Roquefort  (Alpes-Maritimes)  avec  les  pièces  de  même 
nature  déjà  connues  et  avec  les  cuirasses  grecques  d'Olympie.  Il  s'oc- 
cupe ensuite  spécialement  des  cw2m55e^e^cnémifi^esrfe/'e/909'Me  deHallslatt 
et  montre  combien  fut  grande  l'extension  de  ces  armures  dans  l'Europe 
occidentale,  puisqu'on  en  a  rencontré  depuis  Klein-Glein  (Styrie)  jus- 
qu'à Saint-Germain  de  la  Plaine  (Saône-et-Loire). 

MM.  HoEBXES  et  Arthur  Evans  signalent  des  découvertes  nouvelles  de 
cuirasses  et  de  cnémides  de  l'époque  de  Hallstatt  à  Klein-Glein  et  à 
Enkomi  (Crète). 

M.  Déghelettë  fait  remarquer  que  toutes  les  pièces  présentées  par 
M.  Costa  de  Beauregard  sont  synchroniques  de  la  Tomba  del  Guerriero, 
mais  qu'il  y  a  désaccord  entre  les  archéologues  sur  la  date  de  cette 
tombe,  que  M.  Mo.vtélius  place  au  x'  siècle,  alors  que  plusieurs  autres 
persistent  à  lui  attribuer  le  xiii®  siècle  comme  date. 

M.  Saloaïon  Bëinagh  prie  M.  Montélius  de  donner  son  avis  sur  cette 
question.  Celui-ci  répond  que  toutes  les  découvertes  corroborent  son 
opinion  et  que  la  Tomba  d'il  Guerriero  date  bien  du  x«  siècle  avant 
notre  ère. 

M.  Peroinaxo  Rey  a  exposé  des  considérations  sur  les  Pénétrations  de 
Hallstalt  et  de  la  Tèn'^,  en  Côte-d'Or  et  spécialement  dans  le  Gtiàtillonais  ; 
il  croit  que  les  pénétrations  hallstattiennes  ont  eu  lieu  dans  l'est  de  la 
France  plus  tard  qu'on  ne  l'admet  d'ordinaire. 

M.  DE  Saint-Venant  présente  des  épées  trouvées  aux  environs  de 
Nevers  et  dont  le  type  diffère  notablement  de  celui  des  épées  de  la 
Tène.  Elles  appartiennent  bien^,  cependant,  à  cette  époque,  mais  rappel- 
lent tout  à  fait  celles  trouvées  en  Bolième  par  le  D""  Pic.  Il  suppose 
qu'elles  furent  apportées  en  France  par  les  Boïens  exilés  par  César. 

8°  Les  iniustrios  de  la  pierre  en  Asie,  en  A.frique  et  en  Amérique. 

—  L'étude  de  l'âge  de  la  pierre  dans  les   parties  du  monde  autres  que 
l'Europe  donne  lieu  à  un  certain  nombre  de  communications. 

MM.  Capitan  et  Boudy  décrivent  des  instruments  en  pierre  recueillis 

par  le  second,  aux  environs  de  Gafsa,  dans  des  poudingues  très  durs. 

On  y  distingue,  de  bas  en  haut,  une  industrie  acheuléenne  grossière,  puis 

une  autre  plus  fine,  surmontée  d'une  assise  moustérienne,  d'une  assise 

magdalénienne  et  d'une  assise  néolithique. 


132  VARIÉTÉS. 

Au  Redyel,  on  trouve,  à  la  surface  du  sol,  un  bel  aclieuléen  avec 
des  pièces  moustériennes,  mais  sans  néolithique.  Une  grotte  de  la  ré- 
gion a  fourni  des  débris  humains  associés  à  une  industrie  magdalé- 
nienne avec  nombreux  fragments  d'œufs  d'autruche.  Il  s'agit  sans 
doute  d'objets  de  la  fin  du  Paléolithique  ou  du  commencement  du 
Néolithique. 

M.  V.  Arnon  a  envoyé  un  manuscrit  sur  des  pointes  lithiques  de 
flèches  et  de  lances  du  Sahara.  La  portion  du  Sahara  dont  il  est  ques- 
tion est  celle  qui  forme  le  sud  du  département  d'Oran,  aux  environs 
d'Ouargla.  L'auteur  conclut  à  la  supériorité  relative  des  silex  algériens 
sur  ceux  d'Europe  au  point  de  vue  du  fini  de  la  taille  et  de  la  diversité 
des  formes. 

M.  Raquez  expose  le  résultat  de  ses  études  sur  des  silex  trouvés  au 
cours  de  fouilles  pratiquées  dans  les  environs  de  Luang-Prabang  et 
dans  la  haute  région  du  Laos. 

M.  DE  Gérin-Ricard  appelle  l'attention  sur  les  silex  qui  se  trouvent 
en  grande  abondance  dans  les  sacs  de  fèves  importées  d'Asie  Mineure. 
Etant  donnée  Torigine  de  ces  fèves  (la  Lydie,  où  le  silex  naturel  est 
abondant),  il  croit  que  nous  avons  là  des  objets  provenant  d'une  ancienne 
industrie  locale, 

M.  RuTOT  signale  un  fait  analogue  observé  dans  les  sacs  de  céréales 
importés  des  ports  de  la  Mer  Noire  en  Belgique  ;  il  attribue  la  présence 
des  silex  au  fait  que  le  dépiquage  des  céréales  est  opéré  à  l'aide 
d'objets  en  silex. 

M.  Arturo  IssEL  est  complètement  de  cet  avis;  il  dit  que  l'existence 
d'instruments  aratoires  garnis  de  silex  a  été  signalée  en  Italie  même 
par  M.  Giglioli. 

M.  Hamy  décrit  un  tribulum  garni  d'éclats  de  silex,  qu'il  a  reçu  au 
Musée  du  Trocadéro;  il  provient  des  environs  d'Adabazar  (Btthynie) 
c'est-à-dire  d'un  lieu  proche  de  celui  d'oij  viennnent  les  fèves  silicifères 
dont  a  parlé  M.  de  Gérin-Ricard. 

M.  MoNTANÉ  présente  quelques  Objets  précolombiens  de  l'île  de  Cuba. 
11  fait  remarquer  combien  ils  ressemblent  aux  objets  néolithiques  de 
l'Europe  et  rappelle  l'opinion  du  regretté  Th.  Wilson,  suivant  lequel 
l'industrie  de  la  plupart  des  Indiens  d'Amérique  était  une  industrie 
néolithique.  Il  expose  ensuite  le  résultat  des  fouilles  pratiquées  dans 
une  grotte  à  Sancti-Spiritus.  On  y  a  trouvé  des  squelettes  et  des 
crânes,  disposés  sur  un  lit  de  cendres  reposant  sur  le  plancher  stalag- 
mitique  de  la  grotte;  au-dessous  de  ce  plancher  on  a  rencontré  d'autres 
osserùents  humains  et  une  série  de  pierres  plates,  déprimées  au  centre 


VARIETES.  133 

et  qui  ont  dû  servir  de  moulin  (analogue  au  metlall  mexicain).  A  côté, 
se  trouvent  des  cailloux  roulés  qui  ont  dû  servir  de  percuteurs.  Les 
crânes  n'appartiennent  pas  à  un  seul  type  anthropologique  :  les  uns 
sont  négroïdes,  les  autres  d'un  aspect  nettement  mexicain. 

M.  LE  D'"  Hamv  appelle  particulièrement  l'attention  sur  une  des  pho- 
tographies présentées  par  M.  Montané  et  où  se  trouve  représentée  une 
hache  dont  la  pierre  et  le  manche  sont  d'une  seule  pièce.  Ce  type  d'ins- 
trument est  propre  aux  Antilles,  et  M.  Hamy  en  montre  les  diverses 
variétés  recueillies  aux  Bahamas,  à  Haïti  et  à  Cuba.  Ce  type  n'a  été 
trouvé  qu'une  fois  sur  le  continent. 

IIP  Partie.  —  Questions  diverses  non  comprises  au 

programme. 

En  dehors  des  questions  proposées  par  la  commission  du  programme, 
beaucoup  de  communications  ont  porté  sur  dessujets  divers.  Plusieurs 
avaient  un  caractère  général. 

M.  MuLLER  expose  rapidement  le  résultat  des  Recherches  fréhisio- 
riques  dans  la  région  de  Grenoble.  Il  ressort  des  fouilles  méthodiques 
pratiquées  depuis  une  vingtaine  d'années  que  l'industrie  de  la  vallée 
de  l'Isère  était  d'un  type  spécial;  les  objets  extraits  des  grottes  offrent 
une  différence  appréciable  avec  ceux  provenant  des  stations  en  plein 
air.  Le  fait  le  plus  important  que  signale  M.  Muller  est  la  découverte 
d'objets  magdaléniens,  à  4  kilomètres  de  Grenoble. 

M.  LE  D'^  Froehlicher  communique  une  note  sur  Quelques  monuments 
néolithiques  et  gallo-romains  de  la  partie  de  l'Aisne  située  entre  Sisso)ine 
et  Marchais. 

C'est  à  la  demande  de  S.  A.  S.  le  prince  de  Monaco  qu'il  a  entrepris 
ses  fouilles,  qui  lui  ont  permis  notamment  d'observer  de  curieuses 
particularités  de  construction  dans  un  monument  mégalithique.  La 
chambre  funéraire  était  précédée  d'un  vestibule  dont  elle  était  séparée 
par  deux  grandes  dalles  verticales  se  rejoignant  au  centre.  La  commu- 
nication entre  les  deux  pièces  se  faisait  au  moyen  d'une  ouverture 
entaillée  moitié  dans  une  dalle  et  moitié  dans  l'autre.  Le  fait  le  plus 
singulier  est  l'existence  de  rangées  de  pieux  verticaux  alignés  à  l'inté- 
rieur de  la  chambre  sépulcrale.  Cette  particularité  n'avait  pas  été 
signalée  jusqu'ici.  Le  dolmen  contenait  une  grande  quantité  d'osse- 
ments humains  qu'il  ne  sera  possible  d'étudier  qu'après  leur  avoir  fait 
subir  une  restauration  complète. 

A  peu  de  distance  de  ce  monument  mégalithique,  M.  Frœchlicher  a 
découvert  deux  tombes  néolithiques  contenant  des  restes  gallo-romains. 
On  sait  qu'on  a  souvent  fait  usage  d'anciens  tombeaux  pour  des  inhu- 
mations nouvelles. 


134  VARIÉTÉS. 

M.  Bidault  de  Grésigny  présente  des  objets  trouvés  par  lui  dans  la 
vallée  de  la  Saône,  principalement  à  Solutré  et  à  Gevrey-Chambertin 
et  qui  appartiennent  à  diverses  époques;  c'est  cependant  à  la  période 
intermédiaire  entre  le  paléolithique  et  le  néolithique,  ainsi  qu'au 
néolithique  pur  que  se  réfèrent  le  plus  grand  nombre  de  ces  objets. 
M.  Bidault  de  Grésigny  mentionne  la  présence  fréquente  de  silex  dans 
les  tombes  mérovingiennes  de  ce  district. 

M.  LE  Baron  de  Baye  fait  remarquer  que  ce  dernier  fait  n'est  pas  excep- 
tionnel :  Frédéric  Moreau  Ta  souvent  signalé  dans  les  tombeaux  de  l'Aisne 
qu'il  a  fouillés;  lui-même  a  vu  des  cas  analogues  dans  laMarne.Il  suppose 
que  ces  silex  étaient  usités  comme  amulettes.  On  ne  doit  pas  confondre 
ces  silex  anciens  authentiques  avec  les  pierres  à  briquet,  fréquentes 
dans  les  sépultures  franques. 

L'étude  de  la  période  néolithique  fait  l'objet  de  plusieurs  communi- 
cations. 

M.  Carrière  expose  les  résultats  des  Explorations  dans  les  Cévennes. 
On  a  récolté,  dans  les  grottes  sépulcrales  et  les  dolmens,  38  crânes 
néolithiques.  Ces  crânes  sont  en  grande  majorité  dolichocéphales, 
leptorhiniens  et  microsèmes;  ils  présentent  une  grande  ressemblance 
avec  ceux  découverts  aux  environs  de  Lausanne  et  décrits  par  le 
D""  Schenck. 

M.  LE  D""  G.  Lalanne  présente  une  Contribution  à  l'étude  des  populations 
néolithiques  du  Bas-Médoc.  A  cette  époque,  le  Bas-Médoc  consistait  en 
un  archipel  d'îlots,  peut-être  reliés  entre  eux  par  d'étroites  langues  de 
terre.  Les  stations  les  plus  proches  de  l'Océan  sont  purement  néoli- 
thiques :  pas  de  traces  de  paléolithique  ni  d'industries  postérieures  à 
l'époque  de  la  pierre  polie.  Les  objets  sont  trouvés  en  place  et  dans  les 
couches  superficielles.  Les  outils,  de  petite  dimension,  étaient  faits  avec 
le  silex  local;  quant  aux  grandes  pièces,  elles  étaient  importées,  proba- 
blement du  Périgord. 

M.  Ch.  Cotte  rappelle  les  résultats  donnés  par  VExploration  de  la 
Provence  centrale  et  occidentale.  Les  stations  de  cette  région  ne  présen- 
tent ni  magdalénien,  ni  tourassien,  ni  campignien;  elles  contiennent 
un  Néolithique  ancien^,  mais  moins  vieux  que  l'industrie  de  Campigny. 
Il  subdivise  les  stations  provençales  en  trois  groupes  :  1°  stations  sous 
abris,  à  industrie  fruste;  2"  campements  en  plein  air  et  sépultures  se 
raccordant  avec  la  civilisation  de  l'âge  du  bronze;  3°  rares  gisements  à 
billes  polies. 

M.  Louis  SiRET  cherche  à  établir  la  Chronologie  du  Néolithique  espa- 
gnol. On  a  vu  plus  haut  qu'il  en  attribue  l'origine  à  des  peuples  d'ori- 


VARIÉTÉS.  ^35 

gine  orientale.  L'ensemble  de  la  période  se  subdiviserait  en  trois 
parties  :  1"  une  période  très  ancienne  où  l'industrie  locale  est  encore 
d'aspect  paléolithique,  mais  où  des  objets  de  pierre  polie  (importés) 
commencent  à  apparaître.  A  cette  époque  correspondent  les  kjakhen- 
môddings  portugais;  2°  l'industrie  précédente  se  modifie,  sous  l'in- 
fluence des  étrangers  importateurs  de  la  pierre  polie;  les  objets  polis 
abondent  ;  on  voit  apparaître  les  poteries  très  ornées.  H  y  a  de  grandes 
ressemblances  entre  les  produits  de  cette  période  et  ceux  des  deux 
premières  villes  d'Hissarlik;  3»  apparition  de  la  belle  industrie  du 
silex  et  aurore  de  l'âge  des  métaux. 

Les  recherches  de  M.  l'abbé  Hermet  lui  ont  fourni  une  quatrième 
série  de  Statues  men  kir  s,  qu'il  communique  au  Congrès.  Cette  série 
comprend  quatre  de  ces  curieux  monuments,  dont  trois  ont  été  trouvés 
dans  l'Aveyron  et  le  quatrième  dans  le  Tarn. 

M.  Ulysse  Dumas  décrit  La  grotte  des  Fées^  sise  dans  la  commune  de 
Thasaux  (Gard).  Elle  a  fourni  un  matériel  appartenant  à  l'époque  de 
transition  entre  le  Néolithique  et  les  premiers  âges  des  métaux.  A  la 
vérité,  la  pierre  était  beaucoup  plus  représentée  que  le  métal,  car  on 
n'a  retrouvé  que  trois  objets  en  cuivre. 

MM.  Henri  et  Louis  Stret  ont  envoyé  un  résumé  de  leur  ouvrage  sur 
Les  premiers  âges  du  métal  dans  le  Sud-Est  de  V Espagne.  A  l'époque  de 
transition  on  trouve  quelques  incinérations.  A  l'époque  que  des  auteurs 
nomment  «  argarienne  »  on  ne  trouve  plus  que  des  inhumations.  Le 
bronze  et  la  connaissance  de  la  métallurgie  ont  été  importés  dans  le 
Sud-Est  de  l'Espagne  par  un  peuple  qui  brûlait  ses  morts.  Ce  peuple 
serait  aryen  et  apparenté  aux  tribus  doriennes,  alors  que  les  néolithi- 
ques étaient  méditerranéens.  Mais  bien  avant  l'époque  assez  rapprochée 
où  eut  lieu  cette  invasion,  dès  l'an  4000  avant  notre  ère,  les  indigènes 
avaient  découvert  la  métallurgie  de  l'argent. 

M.  Déchelette  ne  peut  admettre  une  relation  quelconque  entre  l'in- 
vasion de  la  Grèce  par  les  tribus  doriennes  et  l'introduction  du  bronze 
en  Espagne.  On  sait,  au  contraire,  que  le  mouvement  de  peuples,  qui 
s'opéra  vers  le  xii^  siècle,  coïncide  avec  la  fin  de  l'âge  du  bronze  et  l'ap- 
parition du  fer  dans  le  bassin  oriental  de  la  Méditerranée. 

M.  le  baron  de  Loë  retrace  ce  qu'a  été  L'âge  du  bronze  en  Belgique, 
Contrairement  à  certaines  assertions,  il  croit  qu'il  y  a  eu  dans  ce  pays 
un  véritable  «  âge  »  du  bronze.  On  n'a  pas  seulement  trouvé  des  objets 
isolés,  mais  encore  des  groupements  très  significatifs,  tels  que  des 
cachettes  de  marchands  ou  de  fondeurs.  La  forme  des  objets,  aussi 
bien  que  la  composition  des  bronzes,  rattache  la  civilisation  belge  de 


136  VARIETES. 

cette  époque  au  groupe  dit  «  méditerranéen  »  et  en  particulier  à  la 
France,  d'oij  proviennent  presque  tous  les  types.  Le  bronze  ayant  été 
introduit  par  le  commerce,  la  Belgique  a  conservé  pendant  toute  cette 
période  ses  populations  néolithiques. 

M.  PiGORiNi  expose  les  résultats  des  fouilles  opérées  par  MiM.  Rtdola 
et  QuAGLiADi  dans  la  Nécropole  à  incinération  de  Timmari^  datant  de  la 
fin  de  l'âge  du  bronze.  Cette  nécropole  appartient  à  la  même  civilisa- 
tion que  la  terramare  découverte  aux  environs  de  Tarente.  Les  popula- 
tions terramaricoles  de  la  vallée  du  Pô  seraient  donc  descendues  jus- 
qu'à la  mer  Ionienne. 

M.  Léon  Coutil  fait  V Inventaire  des  objets  de  l'âge  du  cuivre  et  du 
bronze  découverts  en  Normandie;  le  nombre  total  de  ces  objets  est  d'une 
vingtaine  de  mille.  Les  pièces  en  cuivre  sont  très  rares  :  on  n'en  pos- 
sède que  six.  Les  haches  à  bords  droits  sont  aussi  très  rares,  on  n'en 
connaît  que  41  exemplaires. 

M.  DÉCHELETTE  parle  de  la  Distribution  géographique  des  cachettes  de 
bronze  en  France  et  se  sert  des  données  qu'elle  fournit  pour  esquissor 
l'évolution  de  l'industrie  du  bronze  dans  notre  pays. 

M.  Salomon  Reinach  demande  à  M.  Déchelette  s'il  n'estime  pas  que, 
pour  discuter  le  problème  de  l'origine  du  bronze  en  France,  on  doive 
tenir  compte  des  trouvailles  d'objets  en  élain  faites  dans  les  palaffittes 
de  Suisse. 

M.  Déchelette  dit  que  ces  objets  d'étain  sont  de  la  fin  et  non  du  com- 
mencement de  l'âge  du  bronze.  11  considère,  avec  M.  Pigorini,  qu'en 
France  comme  en  Italie,  certaines  cachettes  ont  dû  avoir  un  caractère 
votif. 

M.  J,  DE  Saint-Venant  a  présenté  au  Congrès  une  suite  de  dessins 
représentant  des  Sphéroïdes  de  Cdge  du  bronze.  Il  a  rappelé  les  hypo- 
thèses suscitées  par  l'usage  de  ces  objets  et  ne  s'est  pas  prononcé  pour 
l'une  ou  l'autre  de  ces  suppositions;  d'ailleurs,  ils  ont  pu  servir  à  des 
usages  divers. 

Sir  John  Evans  a  hasardé  l'hypothèse  que  les  sphéroïdes  auraient  pu 
servir  à  la  parure  des  cheveux  des  femmes. 

M.  Arturo  Issel  fait  remarquer  que,  sur  des  figurines  trouvées  par 
M.  Bicknell  en  Ligurie,  on  voit  des  objets  à  lame  courbe^,  portée  par 
une  hampe  présentant  des  renfiements;  peut-être  ces  renflements 
étaient-ils  produits  par  les  sphéroïdes  en  question. 

M.  le  baron  de  Loë  communique  au  Congrès  la  Reproduction  d'un 
objet  en  or  trouvé  récemment  à.  Arlon  (Belgique)  et  qui  est  d'une  époque 


VARIÉTÉS.  137 

incertaine.  Il  a  rappelé  qu'on  a  trouvé  à  peu  de  distance  d'Arlon  des 
croissants  d'or  analogues  à  ceux  qui  sont  si  fréquents  dans  les  sépul- 
tures irlandaises  de  l'âge  du  bronze. 

M.  Olivier  Costa  de  Beauregard  montre  que  l'or  est  beaucoup  plus 
abondant  en  Gaule  durant  l'âge  du  bronze  que  plus  tard;  presque  tous 
les  objets  en  or  de  l'époque  du  bronze  ont   été  trouvés  en  Bretagne. 

Beaucoup  des  types  sont  communs  à  rArmori({ue  et  à  l'Irlande;  il  en 
est  de  même  des  objets  de  bronze. 

M.  G.  Carrière  signale  des  Instruments  en  fer,  d'usage  inconnu,  qui 
furent  trouvés  à  Voppidum  du  mont  Menu,  près  Eyguières  (Bouches-du- 
Rhône), ainsi  que  des  poteries  et  des  vases  de  pierre  taillée  trouvés  au 
même  lieu. 

M.  PiGORiNi  communique  une  note  de  M.  le  D'  R.  Paribeni  sur  une  Né- 
cropole préromaine  découverte  à  Gênes.  Elle  se  compose  de  tombeaux  à 
incinération  des  iv^  et  m^  siècles  avant  J.-C,  avec  des  objets  importés 
d'Etrurie,  de  Campanie  et  d'Apulie. 

Des  Poteries  provençales,  grecques  et  indigènes,  sont  présentées  par 
M.  Vasseur  :  il  désigne  les  pièces  de  céramique  fabriquées  sur  le  sol 
provençal  par  le  nom  de  u  poteries  ligures  ». 

M.  Déghelette  fait  remarquer  combien  il  faut-être  prudent  dans  l'ap- 
plication de  tels  qualificatifs  ethniques. 

Certaines  questions  d'un  intérêt  spécial,  et  se  rapportant  par  quel- 
ques points  à  des  questions  plus  générales  ont  été  traitées.  Nous  les  pré- 
senterons dans  un  ordre  aussi  logique  quepossible,  sans  prétendre  à 
établir  un  lien  entre  elles. 

M.  Taté  lit  une  note  de  iM.  le  D'"  H.  Martin  relative  à  la  superposition 
de  deux  tailles  sur  un  même  silex.  Les  silex  proviennent  de  la  station  de  la 
Quince  (Charente).  Ils  montrent,  par  deux  patines  très  différentes,  que 
des  silex  moustériens  anciens,  peut-être  même  acheuléensou  chelléens, 
ont  subi  une  retaille  à  une  époque  moustérienne  récente. 

M.  l'abbé  Breuil  cherche  à  prouver  que  les  théories  qu'il  a  émises  sur 
la  stylisation  des  figures  de  l'âge  du  Renne  trouvent  leur  application 
dans  l'étude  des  décorations  peintes  des  vases  néolithiques  et  énéo- 
lithiques  de  Suse  et  de  Tépé-Moussian  (Perse),  recueiUis  par  M.  de 
Morgan.  Il  montre  plusieurs  séries  de  motifs  décoratifs  issus  :  i°  du 
torse  humain;  2°  de  la  tête  de  bœuf;  3°  de  l'oiseau  volant;  4"  de  l'oi- 
seau marchant. 

Une  longue  discussion  sur  les  Inscriptions  rupestres  du  Nord  de  r  Afri- 
que a  eu  lieu.  Elle  a  eu  pour  point  de  départ  une  communication    de 


138  VARIETES. 

M.  Flamand.  Des  gravures,  qui  appartiennent  à  l'époque  néolithique, 
sont  taillées  en  plein  grès.  L'auteur  étudie  quelques  figures  et  en  tire  la 
conclusion  que  certaines  inscriptions  libyques  remonteraient  à  un  mil- 
lier d'années  avant  notre  ère. 

M.  Salomon  Rktnach  fait  remarquer  quel  intérêt  il  y  aurait  à  conserver 
ces  restes  d'une  vieille  civilisation  dans  nos  colonies  de  l'Afrique  du 
Nord  et  émet,  à  ce  sujet,  un  vœu  qu'il  soumet  au  Congrès.  H  montre,  de 
plus,  l'importance  des  résultats  qui  ressortent  des  études  de  M.  Fla- 
mand sur  les  écritures  libyco-berbères  et  rappelle  que  M.  Arthur  Evans 
a  comparé  ces  signes  avec  ceux  de  la  mer  Egée  et  de  la  Crète. 

M.  A.  Evans  confirme  ses  premières  comparaisons,  que  les  nouvelles 
études  de  M.  Flamand  permettent  d'asseoir  sur  des  bases  plus  solides, 
en  même  temps  qu'elles  fourniront  le  point  de  départ  d'une  chronologie. 
Les  nouvelles  découvertes  Cretoises  montrent,  d'ailleurs,  que  la  grande 
île  de  la  iMéditerranée  orientale  a  eu  de  nombreux  rapports  avec  le  nord 
de  la  Libye. 

M.  Flamand  croit  qu'il  faut  faire  des  distinctions  dans  les  écritures 
libyques  :  les  plus  anciennes  sont  les  lettres  ti/inagh;  les  lettres  ponc- 
tuées sont  plus  récentes. 

M.  le  lieutenant  M.  Desplagnes  compare  certains  des  monuments 
pictographiques  du  Nord  de  l'Afrique  à  des  sculptures  sur  pierre  des 
régions  nigérienne  et  éthiopienne. 

M.  L.  Jacquot  décrit  les  Peuples  troglodytes  modernes  du  Djebel  Aurès, 
en  Algérie;  leurs  habitations,  qui  rappellent  celles  des  cleff-dwellers 
d'Amérique,  font  l'objet  d'une  étude  détaillée. 

Les  données  historiques  sur  La  race  alpine  sont  discutées  par  M.  le 
D""  WiRTH.  D'arguments  linguistiques,  il  déduit  la  parenté  du  peuple 
ancien  de  l'Étrurie  avec  les  modernes  Basques  et  Géorgiens  :  «  Le  Bas- 
que est  le  cousin  du  Géorgien  »,  dit-il.  Il  y  a  une  Ibérie  (ou  mieux  une 
Ivérie^  Imérie)  au  Caucase  ;  les  noms  patronymiques,  les  noms  géogra- 
phiques se  retrouvent  les  mêmes  en  ces  deux  pays.  Donnant  à  la  race 
alpine  une  étendue  inconnue  jusqu'ici,  il  conclut  à  l'existence,  à  une 
certaine  époque,  d'une  race  s'étendant  du  Tibet  aux  Pyrénées.  11  com- 
pare l'industrie  de  la  pierre,  les  sépultures  et  surtout  les  grands  vases 
décorés. 

M.  l'abbé  Hermet  rappelle  l'existence  de  vases  semblables  dans 
l'Aveyron. 

Pour  M.  DE  Baye  certains  de  ces  rapprochements  ne  sont  pas  valables; 
on  ne  peut  par  exemple  comparer  les  sculptures  et  les  vases  de  l'Avey- 
ron avec  les  Kamennaiahaha  de  la  Russie.  Ces  derniers  monuments 
seraient  d'ailleurs  plus  anciens  qu'on  ne  le  croit  d'ordinaire. 

M.  MoDESTOV  recherche  si  Les  Osques  appartenaient  à  la  race  aryenne. 


VARIÉTÉS.  139 

Ce  ne  seraient  pas,  en  réalité,  des  Indo-Européens  mais  des  auto- 
chtones de  la  Campanie.  Ils  auraient  subi  de  bonne  heure  l'influence 
grecque  et  auraient  connu  l'écriture  à  l'époque  de  l'invasion  des  Sam- 
mites.  La  conclusion  est  qu'ils  appartiennent  à  la  population  ligure, 
descendant  des  peuples  néolithiques  de  cette  région  de  l'Italie,  et  la 
langue  d'affinité  sabellique  que  nous  fait  connaître  les  inscriptions  ne 
serait  pas  l'ancien  idiome  des  Osques. 

M.  Ad.  Bloch  fait  une  communication  sur  L'origine  des  Russes  et  de 
leur  nom.  Le  nom  «  Twç  »,  que  leur  ont  donné  les  Grecs  de  Constanti- 
nople  signifie  rouge.  Les  Russes  étaient  donc  des  peuples  à  cheveux 
roux;  ils  appartenaient  à  la  même  race  que  les  Scandinaves  et  que  les 
Germains  des  Reihengrdber. 

M.  le  baron  de  Baye  fait  remarquer  qu'il  faut  éviter  de  confondre  les 
Varègues,  populations  Scandinaves  du  sol  russe,  avec  les  populations 
slaves  du  même  pays.  Ces  Varègues  n'ont  jamais  formé  qu'une  minorilé 
guerrière. 

M.  Tabariès  de  Grandsaignes  présente  au  Congrès  des  observations 
sur  La  navigation  •primitive  en  Europe.  On  trouve  des  pirogues  mono- 
xyles  dès  l'époque  néolithique,  mais  il  est  invraisemblable  que  de  telles 
embarcations  aient  servi  à  la  navigation  sur  mer.  H  fait  de  nombreuses 
comparaisons  avec  les  engins  de  navigation  des  «  incultes  »  modernes. 

A  l'occasion  de  cette  communication,  M.  le  Di"  E.-T.  Hamy  fait  obser- 
ver que  si  l'on  commence  à  avoir  quelques  notions  exactes  sur  les  pre- 
miers bateaux,  on  sait  bien  peu  de  chose  encore  sur  les  propulseurs 
qui  les  mettaient  en  marche.  Il  dit  quelques  mots  de  la  rame  néoli- 
thique, inspirée  de  la  patte  du  palmipède,  et  montre  que  cette  genèse 
de  la  rame  se  retrouve  chez  un  certain  nombre  de  tribus  de  la  Côte  de 
Guinée. 

M.  G.  Fr.  Kunz  communique  une  notice  sur  La  collection  de  jades 
Bishop  du  Musée  métropolitain  des  Arts,  de  New-York  ;  il  décrit  l'ou- 
vrage dans  lequel  cette  collection  a  été  publiée. 

Deux  communications  ont  eu  pour  objet  l'anthropologie  anatomique. 
M.  le  Prof.  Gaudry  attire  l'attention  sur  la  valeur  du  caractère  connu 
sous  le  nom  de  Prognathisme  inférieur.  Il  compare  les  maxillaires  infé- 
rieurs d'un  Français  moderne,  de  l'homme  des  Baoussé-Roussé  et  du 
Dryopithèque.  Il  montre  que  l'épaisseur  de  la  mâchoire  et  le  grand 
développement  des  dents  du  Dryopithèque  laissaient  peu  de  place  à  la 
langue  et  ne  permettait  pas  à  celle-ci  d'émettre  des  sons  articulés. 
Déjà,  chez  l'Homme  négroïde  de  Grimaldi,  le  langage  articulé  est  rendu 
possible  par  une  moindre  épaisseur  de  la  mâchoire  et  par  le  moindre 
développement   des  dents;  chez  le  Français  moderne,  la  langue  joue 


140  VARIETES. 

encore  plus  librement.  Le  prétendu  prognathisme  inférieur,  loin 
d'être  un  signe  d'arrêt  de  développement,  est,  au  contraire,  une  preuve 
d'évolution. 

M.  le  D'"  Verriku  signale  V Imforlance  des  caractères  pelviens  au  point 
de  vue  de  la  détermination  des  races. 

M.  le  D»"  Papillault  a  eu  Theureuse  idée  de  profiter  de  la  présence  à 
Monaco  des  anthropologistes  les  plus  qualifiés  pour  proposer  de  s'en- 
tendu  sur  les  meilleures  mesures  anthropométriques  utiles  à  la  science. 
Dans  la  première  séance,  une  commission  internationale  a  été  nommée  ; 
elle  a  travaillé  sans  relâche  et  elle  est  arrivée  à  une  entente  complète. 
Avant  de  se  séparer,  les  congressistes  ont  approuvé  le  rapport  que 
M.  Papillault  leur  a  présenté  au  nom  de  cette  commission. 

En  raison  de  l'importance  des  décisions  prises,  L'Anthropologie 
publiera  in- extenso  le  rapport  de  la  Commission  d'unification  des 
mesures  anthropométriques  dans  son  prochain  numéro. 

Hors  séance,  deux  conférences,  accompagnées  de  nombreuses  projec- 
tions, ont  été  faites  au  Congrès.  M.  le  Prof.  Oscar  Montelius  avait  bien 
voulu  nous  parler  de  Vâge  du  bronze  en  Suède.  La  grande  compétence 
du  conférencier,  sa  clarté  d'exposition  lui  assuraient  à  l'avance  un  réel 
succès.  Les  applaudissements  qu'il  a  recueillis  ont  dû  lui  montrer  avec 
quel  intérêt  il  avait  été  écouté.  C'est  toujours  une  bonne  fortune  d'en- 
tendre un  homme  de  la  valeur  du  savant  suédois  résumer  une  question 
qu'il  connaît  à  fond,  et  beaucoup  de  congressistes  se  sont  félicités 
d'avoir  acquis,  sans  recherches  fastidieuses,  des  notions  précises  sur  un 
sujet  qui  ne  leur  était  pas  familier. 

La  seconde  conférence  a  été  faite  par  M.  le  D^"  Capttan,  En  débarquant 
du  train,  après  avoir  franchi  d'une  traite lesl.l02kilomètresqui  séparent 
Paris  de  Monaco,  le  D^"  Capitau  a  parlé  pendant  une  heure  et  demie  de 
VArt  des  cavernes.  Grâce  aux  documents  que  lui  avaient  gracieusement 
prêtés  plusieurs  explorateurs,  il  a  pu  mettre  sous  les  yeux  des  audi- 
teurs une  centaine  de  projections.  11  a  été  facile  ainsi  de  se  familiariser 
avec  les  curieuses  gravures  et  peintures  qui  décorent  les  parois  de 
maintes  grottes  préhistoriques.  Le  conférencier  s'est  efforcé  de  mettre 
la  question  au  point,  et  les  applaudissements  ne  lui  ont  pas  été  plus 
ménagés  qu'à  M.  Montelius. 

Le  Congrès  a  adopté  plusieurs  vœux  qui  lui  ont  été  présentés.  En 
voici  le  texte  : 

L  —  Le  Congrès  international  d'Anthropologie  et  d'Archéologie  pré- 
historiques, réuni  à  Monaco,  exprime  le  vœu  qu'une  plus  grande  exten- 
tion  soit  donnée  dans  tous  les  pays  à  l'enseignement  de  l'Anthropolo- 


VARIETES.  141 

gie.  H  estime  que  tous  les  établissements  de  Hautes-Études,  sous 
quelque  forme  qu'ils  se  présentent,  devraient  être  dotés  d'un  enseigne- 
ment officiel  de  cette  science,  dont  l'utitité  n'est  plus  à  démontrer. 

II.  —  Il  serait  désirable  qu'il  fût  fait  à  chaque  session  un  rapport  de 
nature  à  faire  connaître  l'état  de  la  science  et  son  évolution  depuis  la 
session  précédente.  A  cet  effet,  chaque  nation  désignerait  un  rappor- 
teur. 

IH.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  que  toutes  les  pierres  écrites  ou  gra- 
vées préromaines  du  Nord  de  l'Afrique  soient  estampées  ou  moulées  et 
que  les  estampages  ou  moulages  de  ces  documents  soient  exposés  dans 
un  dépôt  public  de  l'Algérie. 

J'ai  sommairement  rendu  compte  plus  haut  de  l'excursion  qui  a  eu 
lieu  aux  Baoussé-Houssé.  Une  autre  visite  a  été  faite  aux  enceintes  des 
Mules  et  du  Mont  Bastide,  fouillées  en  partie  par  le  chanoine  de  Ville- 
neuve. En  passant,  les  congressistes  ont  jeté  un  coup  d'œil  sur  les 
recherches  entreprises,  par  la  Société  française  des  fouilles  archéolo- 
giques, au  pied  de  la  Tour  d'Auguste,  à  la  Turbie.  Le  Comité  de  cette 
Société  avait  délégué  plusieurs  de  ses  membres  qui  ont  obligeamment 
fourni  aux  excursionnistes  des  explications  sur  les  travaux  en  cours  et 
les  découvertes  faites  jusqu'à  ce  jour. 

Cette  halte  a  retardé  l'arrivée  au  Mont  Bastide,  où  M.  de  Villeneuve 
a  pu  cependant  faire  un  résumé  de  ses  recherches,  montrer  les  ruines 
imposantes  des  murailles,  signaler  les  emplacements  des  habitations  et 
indiquer  les  voies  qui  existaient  à  l'intérieur  de  l'enceinte.  Les  collec- 
tionneurs ont  eu  la  satisfaction  de  ramasser  des  tessons  de  poteries  de 
diverses  époques  et  l'un  d'eux  a  même  découvert  une  monnaie  de 
potin. 

I/excursion  dans  la  région  de  Grasse  a  été  des  plus  réussies,  grâce  à 
M.  Paul  Goby  qui  en  avait  minutieusement  réglé  les  détails.  Tous  les 
dolmens,  les  tumulus  et  les  enceintes  qui  figuraient  au  programme  ont 
été  visités.  En  face  de  chaque  monument,  M.  Goby  a  fourni  des  rensei- 
gnements sur  les  fouilles  qui  y  ont  été  pratiquées,  sur  les  objets  qui  y 
ont  été  découverts  et  sur  les  publications  auxquelles  il  a  donné  lieu. 

Le  déjeuner  servi  à  Saint-Cézaire,  dans  un  cadre  des  plus  pitto- 
resques, a  donné  satisfaction  à  tous.  A  5  heures  l/'2,  les  congressistes 
arrivaient  au  plus  beau  camp  de  la  région,  près  de  Saint-Vallier  de 
Thiey,  où  le  D""  A.  Guébhard  avait  fait  dresser  un  magnifique  buffet, 
trop  largement  approvisionné. 

L'excursion  au  lac  de  Varese  n'a  pas  eu  le  même  succès,  car,  malgré 
les  réclamations  incessantes  du  secrétariat,  les  bons  de  réduction  sur 
les  lignes  de  chemins  de  fer  italiennes  ne  sont  arrivés  que  lorsque  la 
plupart  des  membres  du  Congrès  avaient  déjà  quitté  Monaco.  Cepen- 
dant, M.  le  sénateur  Ponti,  maire  de  Milan  et  propriétaire  du  lac,  avait 


142  VA  Kl  ETES. 

préparé  aux  congressistes  une  réception  dont  les  quelques  favorisés  qui 
se  sont  rendus  à  Varese  garderont  le  souvenir.  Retenu  à  Milan  par 
l'ouverture  de  l'exposition,  il  avait  délégué  M.  Poinpeo  Castelfranco 
pour  le  remplacer;  c'est  ce  sympathique  savant  qui  a  fait  aux  excur- 
sionnistes les  honneurs  du  Musée  et  qui  leur  a  fait  visiter  les  tranchées 
ouvertes  à  leur  intention.  C'est  lui  également  qui  a  présidé  le  banquet 
préparé  pour  soixante  personnes  et  auquel  une  dizaine  de  congressistes 
ont  pris  part.  11  est  vraiment  regrettable  que  l'indolence  de  la  direction 
des  chemins  de  fer  italiens  ait  privé  nombre  de  nos  adhérents  d'effectuer 
un  voyage  plein  de  charme  et  d'intérêt. 

J'aurais  voulu  dire  deux  mots  de  la  brillante  représentation  de 
Mépkistophélès  au  théâtre  de  Monte-Carlo,  du  beau  concert  classique 
qui  nous  a  été  offert,  et  remercier  M.  le  Gouverneur  général  de  la 
Principauté  de  la  gracieuseté  qu'il  a  eue  de  mettre,  pendant  toute  la 
semaine,  sa  loge  à  la  disposition  des  membres  du  Congrès;  mais  ce 
compte-rendu  a  pris  des  proportions  inusitées.  Je  ne  puis  cependant 
pas  passer  complètement  sous  silence  la  merveilleuse  réception  au 
Palais  de  Monaco.  Le  Prince  Albert,  cloué  sur  son  lit  par  la  maladie, 
avait  chargé  le  Prince  héritier  de  recevoir  les  invités,  et  celui-ci  s'est 
acquitté  de  sa  tâche  avec  une  bonne  grâce  qui  lui  a  conquis  toutes  les 
sympathies.  Les  grands  appartements  présentaient  un  aspect  féerique  ; 
partout  les  plus  belles  plantes  étalaient  leur  verdure  et  leurs  pétales. 
La  salle  du  trône,  la  salle  à  manger,  transformée  en  buffet  et  où  des 
milliers  d'œillets  dissimulaient  les  tables,  soulevaient  tout  particulière- 
ment l'admiration. 

En  résumé,  la  XllP  session  a  complètement  réalisé,  à  tous  les  points 
de  vue,  les  espérances  des  organisateurs.  Elle  comptera,  sans  aucun 
doute,  parmi  celles  qui  auront  le  plus  contribué  à  la  solution  de  pro- 
blèmes encore  obscurs  et  de  questions  très  controversées  à  l'heure 
actuelle. 

La  prochaine  session  se  tiendra  à  Dublin,  en  1909. 

R.  Verneau. 


VARIETES. 


14.^ 


Nouvelles  découvertes  dans  les  cavernes  de  la  province 

de  Santander, 


Une  récente  publication  (1)  nous  annonce  que  des  faits  nouveaux, 
très  importants,  concernant  les  cavernes  habitées  par  l'homme  quater- 
naire du  Nord  de  l'Espagne,  viennent  d'être  mis  en  lumière  par  les 
soins  d'un  Espagnol,  M.  H.  Alcalde  dél  Hio,  Eveillé  aux  études  pré- 
historiques par  le  bruit  des  récentes  découvertes  de  cavernes  ornées 
dans  le  sud  de  la  France,  l'auteur  vint  observer  les  procédés  de 
recherches  scientifiques  dont  M.  Gartailhac  et  moi  nous  sommes  servis 
en  octobre  1902  dans  notre  étude  d'Altamira;  plusieurs  brochures  que 
je  lui  adressai  le  mirent  au  courant  de  la  méthode  stratigraphique  qui 
doit  être  employée  dans  les  fouilles.  Après  notre  départ,  il  reprit  l'exa- 
men de  la  grotte  d'Altamira  et  fît  de  nouveaux  relevés  des  figures  que 
nous  venions  d'étudier;  il  fît  aussi  des  fouilles  assez  considérables  dans 
le  sol  archéologique  situé  au  voisinage  de  l'entrée,  et 
sous-jacent  à  des  masses  rocheuses  effondrées.  Ce  sol 
n'est  formé  que  d'une  seule  couche,  de  0"™,80  à  l^'j^O  d'é- 
paisseur, présentant  pourtant  des  différences  dans  son 
épaisseur  :  \)^en  bas^  elle  est  plus  argileuse  et  pétrie  de  dé- 
bris calcaires,  riche  en  gros  débris  osseuxetenboisdecerf 
entiers,  les  silex  taillés  y  sont  abondants  et  assez  fins;  par- 
mi eux,  M.  A.  del  R.  signale  des  pointes  à  crans  typiques, 


semblables  à  celles  de  la  Dordogne  dont  il  donne  trois 


FiG.  1.  —  Poiûte 
à  cran  typique  ; 
couches  infé- 
rieures d'Alta- 
tnira,  d'après  M. 


dessins  concluants  (fîg.  1);  les  os  travaillés  sont  moins 

abondants  que  plus  haut;  2)  au-dessus,  dans  une  terre 

plus  légère  et  ardoisée,  criblée  de  coquilles  marines,  et 

contenant  beaucoup  d'instruments  en  os  et  corne,  parmi 

lesquels  des  baguettes  à  section  cylindrique  ou  demi-    Alcalde  del  Rio. 

ronde,  ornées  de  dents  de  loup,  de  lignes  sinueuses  etc.  ;    ^^^^   '-^^^^   ^^ 

trois  os  plats  de  ce  niveau  présentent  des  figures  de  biches    ^^^^  ^^^' 

gravées  identiques  à  celles  qui  se  trouvent  représentées 

sur  les  murailles  (fig.  2  p.  141);  M.  A.  del  R.  conclut  avec  raison  à  leur 

contemporanéité.  En  somme,  comme  il  le  pense,  la  base  du  gisement  est 

(1)  Hbrimilio  Algaldk  del  Rio.  Las  Pinturas  y  Grabados  de  las  cavernas  prehisto- 
ricas  de  la  Provincia  de  Santaader  :  Altamlra,  Govalaaas,  Horaos  de  la  Pena,  Cas- 
tillo.  —  Santauder,  1906,  90  p.  ;  X  pi. 


144 


VARIÉTÉS. 


solutréenne,  le  sommet,  magdalénien,  et  j'ajouterai  solutréenne  supé- 
rieure et  magdalénien  inférieur.  —  M.  A.  del  R.  ne  dit  presque  rien  de 
la  faune,  pensant  qu'elle  ne  saurait,  en  Espagne,  servir  à  distinguer 
les  niveaux;  c'est  une  chose  qui  serait  à  vérifier,  car  si  les  différences 
doivent  être  moins  tranchées  que  plus  au  Nord,  il  se  peut  que  certaines 
espèces  prédominent  à  des  niveaux  différents,  correspondant  à  des  ré- 
gimes climatériques  distincts  :  des  Rongeurs  des  steppes,  si  je  ne  ne  me 
trompe,  ont  été  découverts  jusqu'en  Portugal,  et  pourraient  exister  à 
Santander.  Je  ne  suivrai  pas  notre  auteur  dans  le  détail  de  sa  descri- 
ption d'Altamira;  beaucoup  de  ses  remarques  sont  excellentes,  il  a  su 
retrouver  la  plupart  des  figures  que  nous  avions  reconnues,  mais  les 
dessins  qu'il  reproduit  son  vraiment  assez  médiocres  et  souvent  inexacts  : 

par  exemple,  les  propor- 
tions de  la  grande  biche  du 
plafond  sont  fausses  :  elle 
est  plus  allongée  que  sur 
son  dessin;  les  bandes  sca- 
liformes  du  diverticule  sont 
à  peine  reconnaissables,  et 
en  réalité  beaucoup  moins 
régulières  qu'il  ne  le  mon- 
tre .  Je  crains  qu'il  n'ait 
voulu  trop  tirer  de  certains 
assemblages  de  traits  inin- 
telligibles, où  il  voit  des 
Oiseaux  ;  à  noter  qu'il  a  re- 
connu nos  êtres  humains  à  têtes  d'animaux  (il  croit  que  ce  sont  des 
têtes  d'oiseaux)  (1)  et  aux  bras  levés,  ce  qui  lui  donne  Toccasion  de  rap- 
porter qu'il  existe  encore  une  mascarade,  en  certains  coins  de  la  pro- 
vince, où  l'on  se  revêt  entièrement  de  peaux  d'animaux  en  se  livrant  à 
mille  excentricités.  Nous  reviendrons  à  nos  conclusions  sur  certains 
autres  points. 

M.  A.  del  R.  a  découvert  de  nouvelles  cavernes  ;  en  avril  1903,  à 
Reocin,  près  de  Barcenaciones,  il  découvre  un  riche  gisement  paléoli- 
thique, mais  sans  gravures  murales.  En  septembre  de  la  même  année, 
avec  le  Père  Sierra,  professeur  à  Limpias,  il  découvre  une  gpotte  pro- 
fonde ornée  de  peintures,  à  Covalanas  ;  cette  grotte,  située  dans  les 
hauteurs  calcaires  entre  Ramales  et  le  «  pueblo  »  de  Lanestosa,  pré- 
sente deux  corridors  profonds  (60  à  80  m.)  qui  ont  tous  deux  de  nom- 
breux traits  noirs;  dans  l'un  d'eux,  près  du  fond,  se  trouve  un  ensemble 
de  peintures  rouges:  bœufs,  biches,  cheval  dont  le  contour  est  simple- 


KiG.  2.  —  Gravure  sur  os  plat  (demi-grandeur). 
Couches  supérieures  d'Altamira;  d'après  M.  Al- 
calde  del  Rio. 


(1)  Ce  qu'il  prend  pour  une  tête  humaine  barbue   est  celle  d'un  beau  Bouquetin 
mâle  :  M.  A.  del  R.  n'a  pas  vu  que  la  corne  continuait. 


VARIÉTÉS. 


145 


ment  tracé  en  traits  rouges,  tantôt  continus  et  plus  ou  moins  larges, 
tantôt  simplement  indiqués  par  un  pointillé  (1).  Il  n'yani  figure  de  bison, 
ni  gravures  incisées  ;  l'ensemble  est  très  grossier.  Le  sol  de  cette  grotte 
n'a  presque  rien  donné,  mais  tout  à  côté  se  trouve  un  vaste  abri^  à 
sol  très  remanié,  très  riche  en  débris  d'os  et  de  silex. 

En  octobre  1903,  M.  A.  del  R.  fit  une  nouvelle  découverte  à  Hornos 
de  la  Pena,  ayuntamiento  de  San  Felice  de  Buelna,  à  3  kil.  du  village 
de  Mata;  c'était  une  grotte  s'ouvrant  par  un  large  vestibule,  en  partie 
comblé  par  des  débris  de  cuisine  dont  l'agglomération  avait  obstrué, 
jusqu'à  une  date  assez  récente,  l'entrée  basse  d'un  étroit  corridor  qui 
lui  fait  suite  ;  après  20  m.  très  surbaissés,  il  donne  dans  une  série  de 
petites  salles  humides,  dont  les  plus  profondes  laissent  voir  sous  des 
concrétions,  des  traits  noirs,  et  surtout  des  lignes  gravées,  dans  les- 
quelles on  a  démêlé  des  figures  de  chèvres,  de  chevaux  (2),  de  bison,  et 
d'homme  ou  de  singe,  semblables  aux  graphites  d'Altamira.    Près  de 


IIIWI 


/rr^rr7r^     ïkrmni 


5X7 


FiG.  3.  —  Figures  peiates  ea  rouge  de  la  civ.irae  de  Gistillo,  d'après  M.  Alcalde  del 
Rio.  Tous  les  sigaes  de  la  moitié  de  gauche  et  plusieurs  de  droite  (au  dessus  de 
la  main)  sont  des  dérivés  de  figures  tectiformes. 

l'entrée,  il  y  a  des  traces  de  dessins  profondément  incisés,  dont  une 
biche. 

La  plus  importante  trouvaille  due  au  zèle  de  M.  A.  del  R.  est  celle 
de  la  grotte  de  Castillo,  en  novembre  1903;  cette  caverne,  située  à 
Puente-Viesgo  est  de  très  grandes  proportions  ;  après  avoir  franchi  en 
se  baissant  une  étroite  entrée,  on  tombe  dans  un  petit  vestibule  qui 
donne  accès  dans  une  énorme  salle  de  60  m.  de  long  sur  25;  dans  la 


(1)  Il  en  existe  d'analogues,  également  à  tracé  pointillé,  dans  la  caverne  du  Kout- 
de-Gaume,  parmi  les  plus  anciennes  figures. 

(2)  A  Altamira  et  à  Hornos  delà  Pefia,  M.  A.  del  R.  croit  reconnaître,  à  la  tête  de 
plusieurs  chevaux,  des  indices  de  domestication  (courroie  autour  des  naseaux)  ;  je 
considère  ce  détail  du  dessin  comme  l'indication  d'une  particularité  du  pelage,  ce 
trait  séparant  la  région  blanche  de  la  bouche  et  des  nasaux  du  reste  de  la  tète  très 
foncé:  les  chevaux  polychromes  d'Altamira  et  de  Marsoulas,  au  mufle  clair  et  à  la 
tête  rouge,  renforcent  mon  interprétation. 

l'ambropoloqie.  —  T.  xvrr.  —  1906.  10 


146 


VARIETES. 


paroi  de  droite,  s'ouvrent  d'autres  issues  vers  des  salles  communiquant 
entre  elles  et  aboutissant  à  un  corridor  unique  qui  pénètre  à  230  m.  de 
l'entrée.  Dans  toutes  ces  salles,  les  murailles  sont  ornées  de  peintures 
(fig.  3)  et  de  gravures  :  dessins  monochromes,  noirs  ou  rouges,  de  che- 
vaux, biches  et  bisons,  fresquespolychromes  de  bisons  rappellant  celles 
du  grand  plafond  d'Altamira,  jusque  dans  certaines  attitudes  contrac- 
tées; nombreuses  mains  humaines,  non  pas  imprimées  en  rouge,  mais 

cernées  d'une  masse  rouge  qui  en  délimite  la 
silhouette  (1);  points  rouges,  petits,  moyens,  ou 
larges  comme  de  gros  disques,  en  assemblages  sim- 
ples ou  compliqués;  figures  rouges  complexes,  faites 
de  bandes  scaliformes  et  de  lignes  droites  ou  courbes 
associées,  étroitement  apparentés  aux  figures  ana- 
logues d'Altamira,  mais  plus  variées  encore  (2)  ; 
images  en  forme  d'écussons  renversés,  peut  être  de 
boucliers,  qui  forment  un  groupe  tout  nouveau; 
nombreux  dessins  incisés,  souvent  indéchiffrables, 
où  il  y  a  des  biches, des  Capridés, comme  àAltamira; 
petits  traits  noirs  nombreux,  sans  forme  fixe  appré- 
ciable comme  à  Altamira,  que  M.  A.  del  R.  rappro- 
ché de  semblables  tracés  publiés  par  Gongora  y 
Martinez  en  1868  et  reconnus  dans  des  cavernes 
d'Andalousie  (3). 

M.  Alcalde  del  Rio  a  fait  une  fouille  dans  le  ves- 
tibule de  la  caverne  de  Gastillo  ;  sous  un  recou- 
vrement superficiel  de  0™,30  avec  débris  humains 
et  céramique  grossière,  se  trouvait  une  première 
couche    archéologique,    qui    a    montré    un    foyer 
circonscrit  avec  de  grosses  pierres  ;  il  contenait, 
d'après  l'auteur  des  fouilles,  de  nombreux  poin- 
çons en  os,  ainsi  que  des  baguettes  subcylindriques 
en  corne,  des  silex  en  forme  de  couteaux,  de  burins,  de  grattoirs,  mais 
surtout  trois  beaux  harpons  à  un  seul  rang  de  barbelures  (fig.  4),  por- 
tant, à  leur  base,  au  lieu  d'un  tubercule  (saillie  d'arrêt),  un  petit  anneau  ; 


FiG.  4.  —  Harpons  bar- 
belés, des  couches 
paléolithiques  supé- 
rieures de  Gastillo. 
Demi-grandeur, d'a- 
près M.  Alcalde  del 
Rio. 


(1)  Fait  tout  nouveau,  rappelant  les  mains  des  cavernes  australiennes  et  califor- 
niennes. Elles  f*ont  ici  plus  anciennes  que  la  plus  grande  partie  des  autres  figures 
qui  les  détruisent. 

(2)  Je  les  considère  toutes  comme  des  variantes  et  dérivées  de  nos  figures  "tecti- 
formes  »  de  la  Dordogne  et  de  Marsoulas,  et  non  comme  des  claies  ou  des  radeaux, 
comme  le  pense  M.  A.  del  R.  ;  il  n'y  a  pas  de  doute  que  c'est  là  un  ensemble  uni- 
voque. 

(3)  GoNGOKA  Y  Ma\{t\nez.  Anliffuededades Prehisto7'icas  de  Andalucia;  il  cite  des  docu- 
ments inédits  de  1783  oii  M.  Lopez  de  Cardeuas  raconte  la  découverte  de  ces  dessius 
avec  croquis  à  l'appui,  dans  un  rapport  adressé  au  comte  de  Floridablanca,  ministre 
de  Charles  III. 


VARIÉTÉS.  147 

cet  ensemble  est  magdalénien,  mais  M.  A.  del  R.  le  dit  associé  à  de  menus 
débris  de  céramique,  et  à  des  pointes  de  flèche  en  silex,  à  ailerons,  du 
plus  pur  type  néolithique.  En  Espagne,  où  tout  est  à  découvrir,  cette 
association  peut  être  réelle  ;  en  France,  nous  savons  qu'elle  serait  l'indice 
d'un  remaniement  ayant  mêlé  les  restes  de  deux  époques  distinctes  — 
M.  A.  del  R.,  en  continuant  ses  fouilles,  devra  bien  mettre  en  lumière 
s'il  n'y  a  pas  eu  certains  mélanges  fortuits,  très  facilement  réalisables, 
de  l'assise  superficielle  et  du  niveau  à  harpons,  qui  pourraient  avoir  été 
le  fait,  soit  de  l'homme  néolithique  qui  a  établi  le  dépôt  funéraire  dont 
il  reste  des  traces  au-dessus,  soit  de  quelque  animal  fouisseur.  La  faune 
de  ce  niveau  comprend  des  vertèbres  de  gros  poissons,  des  os  de  cerf, 
de  chèvre,  de  cheval,  d'oiseaux. 

A  peine  séparé  du  précédent  par  une  veinule  d'argile,  se  montre 
un  second  niveau,  plus  riche  en  silex  ;  ces  deux  niveaux  ensemble 
mesurent  au  plus  O^'jSO  d'épaisseur.  Plus  bas,  sous  0"»,25  d'argile,  il 
trouva  une  nouvelle  assise,  qu'il  sonda  jusqu'à  1™, 25  de  sa  surface  sans 
en  trouver  la  base  :  formée  de  cendres  légères,  noires,  riche  en  débris 
de  chevaux  et  de  ruminants,  elle  a  donné  des  baguettes  ornées  d'inci- 
sions, à  base  en  biseau,  rappelant  les  objets  recueillis  à  la  partie  supé- 
rieure du  gisement  d'Altamira  (1). 

En  plus  d'un  point  de  son  exposé,  l'auteur  que  j'analyse  insinue 
quelques  idées  sur  la  chronologie  des  œuvres  d'art  qu'il  décrit,  j'y  aurais 
fait  mainte  objection  si  je  ne  m'étais  réservé  pour  critiquer  ses  conclu- 
sions synthétiques  auxquelles  je  m'empresse  d'arriver. 

M.  A.  del  R.  reconnaît  quatre  périodes  d'occupation  des  cavernes  : 
1)  le  Solutréen  (base  d'Altamira);  —  2)  le  Magdalénien  (Altamira  supé- 
rieur, et  base  de  Gastillo);  —  3)  Transition  du  paléolithique  au  néoli- 
thique (niveau  supérieur  de  Gastillo  avec  harpons  et  flèches  à  ailerons)  ; 
—  4)  Néolithique  (couches  superficielles  et  céramique  de  la  grande 
salle  de  Gastillo).  Je  n'y  fais  d'autre  observation  que  les  réserves  déjà 
mentionnées  sur  la  possibilité  de  mélange  en  3,  qui  en  ce  cas,  serait 
simplement  du  Magdalénien  supérieur. 

Pour  les  ornementations  des  murailles,  qu'il  parallélise  aux  trois 
dernières  phases  de  l'occupation  des  cavernes,  il  pense  qu'elles  doivent 
se  ranger  en  trois  phases  :  1.  Figures  surtout  animales,  particulièrement 
de  Bisons.  —  2.  Décadence  des  figures  d'animaux^  nombreuses  figures 
géométriques.  —  3.  Graphiques  purement  symboliques,  disparition  des 
figures  d'animaux.  —  Pour  ce  classement,  il  ne  se  base  pas,  et  il  a  bien 

(1)  M.  A.  del  R.  signale  des  débris  de  céramiques  recueillis  dans  la  grande  salle, 
qui  présentent  des  bandes  cordées  et  des  zones  ondulées  ;  je  crois  qu'il  a  tort  de 
chercher  à  les  mettre  en  synchronisme  avec  une  partie  des  peintures  ;  dans  toutes 
nos  grottes  de  Dordogne  qui  se  sout  trouvées  accessibles,  l'homme  a  péuétré  à  tou- 
tes les  époques  et  y  a  laissé  des  débris  de  céramiques  et  de  cuisine  sans  relations 
avec  les  dessins  des  murailles. 


148  VARIÉTÉS. 

raison,  sur  la  conservation  plus  ou  moins  bonne  de  ces  œuvres  d'art, 
régie  par  des  conditions  toutes  locales;  une  seule  fois,  il  fait  intervenir 
la  destruction  mutuelle  des  figures,  en  remarquant,  à  Caslillo,  que  les 
mains  «  inscrites  »  de  rouges,  sont  plus  anciennes  que  la  plupart  des 
autres  fresques,  qui  les  recouvrent  souvent.  Il  se  base  uniquement  sur 
le  caractère  de  Tœuvre  d'art,  considérée  dans  son  graphique,  et  se 
laissa  guider  par  la  théorie  bien  connue  qu'un  art  est  d'abord  natura- 
liste, puis  conventionnel,  puis  purement  symbolique  et  géométrique. 
On  sait  que  cette  théorie  est  très  souvent  vérifiée  en  archéologie  et  en 
ethnographie,  mais  quand  on  peut  substituera  ce  procédé  «  hypothé- 
tique »  un  contrôle  plus  matériel,  comme  la  constatation  de  la  super- 
position, de  la  destruction  mutuelle  des  figures,  il  n'y  a  pas  à  hésiter; 
or  c'est  ce  qu'avec  M.  Cartailhac,  j'ai  fait  à  Altamira,  et  depuis,  en 
France,  et  les  nombreux  cas  de  superposition  que  j'ai  constatés  ici  et  là 
me  donnent  des  conclusions  très  différentes,  et  souvent  toutes  con- 
traires à  celles  de  M.  A.  del  R.  Évidemment,  à  Altamira,  il  n'a  pas  vu 
les  nombreux  cas  de  destruction  mutuelle,  dont  cependant  notre  article, 
ici  paru,  et  que  M.  A.  del  R.  cite,  donnait  quelques  indications  pré- 
cises. C'est  ainsi  que  les  petits  signes  noirs  de  galeries  profondes  d'Alta- 
mira,  que  M.  A.  del  R.  range  dans  la  dernière  période,  sont  antérieurs 
aux  figures  gravées,  qui,  en  deux  cas,  recoupent  nettement  leur  tracé 
(fig.  7  et  8  de  notre  article  :  Anlh.  1904),  et  appartiennent  par  con- 
séquent à  une  phase  plus  ancienne. 

Les  dessins  d'animaux  simplement  dessinés  au  trait  rouge  ou  noir, 
que  M.  A.  del  Rio  croit  être  l'œuvre  d'un  art  en  voie  de  dégénérescence, 
sont  ceux  d'un  art  primitif  dont  la  technique  est  encore  élémentaire  ; 
en  effet,  à  Altamira,  les  dessins  noirs  au  trait  sont  détruits  ou  recou- 
verts :  1°  par  des  figures  rouges  dont  M.  A.  del  R.  ne  dit  rien_,  et  qui 
sont  elles-mêmes  toujours  sous-jacentes  aux  polychromes  et  incisées 
par  des  gravures  aux  traits  ;  1^  par  les  polychromes  eux-mêmes  (1).  Il 
suit  de  là  que  les  figures  d'animaux  que  M.  A.  del  R.  range  dans  sa 
seconde  période  sont  toutes  antérieures  à  la  plupart  de  celles  qu'il 
range  dans  la  première  période,  qui  est  le  point  culminant  de  l'évolu- 
tion déjà  avancée  de  l'art  quaternaire. 

11  y  a  pourtant  certaines  indications  qui  me  paraissent  justes,  dans 
ce  tableau  synthétique  :  \e  grand  développement  des  figures  tectiformes 
doit  appartenir  à  une  période  très  avancée  de  l'art  quaternaire;  en 
France  ils  sont  contemporains,  ou  un  peu  plus  récents  que  les  poly- 

(t)  Pour  préciser  :  Le  bison  14  de  la  planche  II  de  M.  A.  del  R.  détruit  avec  sa 
queue  rarrière-train  d'un  petit  bœuf  simplement  tracé  en  noir;  la  biche  19  a  ses 
pieds  peints  sur  les  figures  rouges  triangulaires  ;  sur  le  côté  opposé  de  la  salle, 
où  les  peintures  sont  moins  belles,  il  y  a  de  nombreux  cas  de  superposition  de 
rouge  plat  sur  noir  au  trait  et  noir  modelé,  et  de  polychrome  plus  ou  moins 
nachevé  sur  rouge  plat  et  sur  gravures  incisées. 


VARIETES.  149 

chromes.  Je  croirais  aussi  volontiers  qu'une  partie  des  figures  symbo- 
liques formées  de  gros  points,  et  aussi  certains  autres  à  forme  nette- 
ment conventionnelle,  en  forme  d'écusson,  de  triangle  plus  ou  moins 
arrondi,  de  Castillo,  appartiennent  à  une  période  plus  récente  que  les 
figures  animales  ;  on  sait  qu'a  Marsoulas  aussi,  nous  avons  des  fresques 
non  zoomorphiques  en  surcharge  sur  toutes  les  autres  et  dont  les  rapports 
avec  les  galets  coloriés  aziliens  ne  sont  pas  dus  au  hasard. 

Pour  paralléliser  le  développement  de  l'art  avec  les  assises  archéolo- 
giques, il  y  a,  à  AUamira,  un  point  fixe,  dont  la  connaissance  est  due 
à  M.  A.  del  R.,  c'est  l'identité  des  figures  de  biches  gravées  sur  les 
murailles  et  de  celles  gravées  sur  os  :  cela  indique  que  les  graffitis, 
et  les  polychromes  qui  leur  sont  superposés,  sont  contemporains  de  la 
partie  supérieure  des  couches  du  remplissage,  et  permet  d'induire, 
contrairement  à  l'indication  risquée  par  l'auteur  espagnol,  que  tout  le 
reste  :  figures  noires  au  trait  des  galeries,  zoomorphiques  ou  non, 
dessins  et  fresques  rouge  monochromes  du  grand  plafond,  figures  noires 
modelées,  sont  contemporains  de  la  base  du  gisement  et  non  d'une 
période  voisine  du  Néolithique  ou  de  cette  dernière  époque  (1).  ATépoque 
de  transition,  peut-être,  se  relient  les  points  groupés  et  d'autres  gra- 
phiques conventionnels  et  stylisés  qui  existent  à  Castillo,  mais  peu  ou  pas 
àAltamira. 

Les  critiques  indiquées  ci-dessus  sont  basées  principalement  sur  mes 
observations  d'Altamira  et  celles  de  M.  Cartailhac,  mais  elles  sont  ren- 
forcées par  les  multiples  observations  concordantes  que  nos  grottes 
françaises  m'ont  permis  de  faire  avec  MM.  Capilan  et  Peyrony,  et  dont 
j'ai  récemment  donné,  à  l'occasion  du  Congrès  préhistorique  de  Péri- 
gueux,  un  court  aperçu. 

J'ai  librement  formulé  mes  critiques,  elles  ne  doivent  pas  faire  oublier 
l'importante  contribution  positive  qui  résulte  de  ce  beau  travail;  il  est 
le  fruit  d'une  recherche  courageuse,  passionnée,  vraiment  scientifique_, 
que  de  magnifiques  découvertes  ont  vite  récompensée.  C'est  avec 
bonheur  que  nous  voyons  qu'en  Espagne,  où  les  préhistoriens  étaient 
si  rares  et  si  peu  actifs,  on  se  met  à  la  besogne  d'une  façon  qui  nous 
fait  espérer  d'importants  et  prochains  résultats.  Je  souhaite  bonne 
chance,  et  des  encouragements  de  toutes  sortes  à  M.  Alcalde  del  Rio. 

(1)  D'ailleurs  aucune  trace  d'une  époque  plus  récente  que  le  Magdalénien  ancien 
n'est  restée  dans  la  grotte  d'Altamira,  qui,  je  crois,  s'est  fermée  dès  le  Quaternaire. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE 

EN  FRANCE  ET  A  L'ÉTRANGER 


RioGEWAY  (W.).  The  origine  and  influence  of  the  thoroughbred  Horse   (L'origine 
et  le  rôle  du  Cheval  de  sang).  1  vol.  8°  de  538  p.  Cambridge,  University  Press,  190.o. 

Le  problème  de  l'origine  et  de  la  conquête  de  notre  Cheval  domes- 
tique ou  plutôt  de  nos  Chevaux  domestiques  est  un  de  ceux  qui  pas- 
sionnent divers  catégories  de  chercheurs,  zoologistes,  paléontologistes, 
préhistoriens,  archéologues  classiques,  historiens.  La  question  est  ainsi 
abordée  de  tous  côtés,  par  ses  aspects  les  plus  différents,  et,  malgré  sa 
très  grande  complexité,  il  semble  qu'elle  commence  à  s'éclaircir  sans 
qu'on  puisse  dire  qu'elle  soit  résolue  ou  qu'elle  sera  résolue  définitive- 
ment à  bref  délai. 

L'étude  des  textes  ou  des  monuments  de  l'antiquité  classique  ne 
peut  nous  éclairer  que  sur  la  fin  de  l'histoire  de  la  plus  noble  con- 
quête de  l'Homme.  Dès  l'origine  des  temps  historiques  l'écheveau  est 
déjà  très  embrouillé.  Les  figurations  dues  aux  artistes  préhistoriques, 
notamment  aux  artistes  des  temps  quaternaires,  figurations  dont  le 
nombre  a  beaucoup  augmenté  dans  ces  dernièresannées,  apportent  des 
données  beaucoup  plus  précieuses.  Théoriquement,  c'est  la  paléontologie 
qui  devrait  résoudre  le  problème,  mais  il  lui  faudrait  une  masse  de  docu- 
ments bien  plus  considérable  que  celle  dont  elle  peut  disposer  et  sur- 
tout il  lui  faudrait  des  pièces  plus  complètes.  Tandis  que  toutes  les  col- 
lections d'objets  quaternaires  renferment  à  foison  des  dents  isolées  ou 
des  morceaux  de  mâchoires,  ou  des  os  longs  plus  ou  moins  bien  con- 
servés, les  crânes  complets  d'Equidés  quaternaires  sont  encore  raris- 
simes et  ce  n'est  qu'avec  des  crânes  ou  des  squelettes  complets  qu'on 
pourrait  travailler  en  toute  sécurité.  Enfin  les  zoologistes  ont  fait  des 
prodiges  d'analyse  pour  arriver  à  distinguer  les  formes  actuelles,  sau- 
vages ou  domestiquées,  et,  malgré  de  nombreux  désaccords,  leurs 
travaux  présentent  quelques  conclusions  importantes  acceptées  par 
tous. 

C'est  en  sa  qualité  d'archéologue  que  M.  Ridgeway  a  abordé  le  pro- 
blème et  nos  lecteurs  ont  déjà  appris  par  un  compte  rendu  de  M.  Salo- 
mon  Reinach  [LAnthr.,  XÏV,  p.  200)  à  quels  résultats  est  arrivé  le  savant 
professeur  de  l'Université  de  Cambridge.  Sa  thèse  est  la  suivante  :  On 
a  généralement  cru  que  l'Arabie  est  le  pays  d'origine  du  Cheval  de 
sang.  De  nombreux  textes  anciens,  tirés  de  la  Bible,  d'Hérodote,   de 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  151 

Strabon,  montrent  que  cette  assertion  n'est  pas  fondée.  Jusqu'à  l'ère 
chrétienne,  les  Arabes  n'élevaient  pas  de  Chevaux.  Ils  n'ont  eu  de 
bonnes  montures  que  lorsqu'ils  eurent  conquis  l'Afrique  du  Nord  qui 
est  le  pays  d'origine  des  purs-sang.  On  sait  d'ailleurs  que  les  Chevaux 
furent  en  honneur  en  Libye  dès  l'aurore  de  l'histoire.  Quand  à  l'origine 
de  Cheval  arabe,  barbe,  ou  libyen  [Ëquus  caballus  libyens)  il  faut  la 
chercher  en  Afrique,  bien  que  ce  continent  ne  possède  actuellement,  en 
fait  d'Équidés  sauvages,  qu'un  Ane  et  des  Zèbres.  D'après  l'auteur  le 
Cheval  libyen,  ancêtre  de  tous  les  Chevaux  de  sang  actuels,  dérive  d'une 
forme  autrefois  zébrée. 

Le  présent  ouvrage  est  consacré  au  développement  de  cette  thèse. 
Les  premiers  chapitres,  pour  la  rédaction  desquels  l'auteur  a  eu  l'assis- 
tance de  deux  savants  zoologistes,  le  Professeur  Ewart  et  M.  Pocock, 
traitent  de  l'histoire  naturelle  du  Cheval  d'une  façon  très  suffisante.  Le 
reste  du  volume  comprend  un  très  long  chapitre  sur  les  Chevaux  dans 
les  temps  préhistoriques  et  historiques,  une  étude  sur  l'origine  du 
Cheval  libyen  et  une  curieuse  annexe  sur  le  développement  de  l'équita- 
tion.  Le  volume  est  parfaitement  illustré,  presque  exclusivement  avec 
des  reproductions  photographiques,  ce  qui  lui  donne  une  haute  valeur 
documentaire. 

De  la  première  partie,  nous  retiendrons  seulement  les  diagnoses 
des  espèces  chevalines  que  l'auteur  considère  comme  fondamen- 
tales :  1"  VEquus  caballus  typicus,  qui  est  le  Poney  Scandinave  ; 
2»  VEquus  caballus  celticus,  défini  par  le  Professeur  Ewart  (1);  le  Poney 
d'Islande  et  des  Hébrides  ;  3^  VEquus  Przewalskii,  le  Tarpan  ou  Cheval 
sauvage;  4°  VEquus  caballus  typicus,  le  Cheval  barbe,  ou  arabe  et  tous 
ses  dérivés.  Les  trois  premiers  ont  en  commun  un  certain  nombre  de 
caractères  :  taille  petite,  forte  tête,  crinière  courte,  queue  dégarnie  à  la 
base,  robe  brune,  foncée,  avec  taches  noires.  Ils  sont  d'un  tempéra- 
ment difficile  et  ont  dû  être  employés  d'abord  comme  bêtes  de  trait  ou 
de  charge  plutôt  que  comme  montures. 

Le  quatrième  type,  Barbe  ou  Arabe,  présente  un  contraste  frappant 
avec  les  premiers  ;  il  s'agit  ici  d'une  forme  grande  ;  la  tête  est  fine, 
allongée,  au  profil  sinueux,  aux  narines  saillantes;  la  crinière  et  la 
queue  sont  longues  et  touffues  ;  leur  robe  est  bai,  avec  souvent  des 
taches  blanches.  11  y  a,  en  a^ant  de  l'orbite,  une  dépression  caractéris- 
tique (souvenir  ancestral  de  la  dépression  lacrymale  de  certains 
Equidés  fossiles?);  ils  paraissent  avoir  été  employés  dès  l'origine 
comme  montures  et  avoir  été  soumis  au  moyen  d'un  simple  chevêtre. 
La  plupart  des  Chevaux  européens  actuels  ont  du  sang  de  Cheval 
arabe  mais  le  type  ne  parait  prédominer  que  dans  les  purs-sang. 

Le  chap.  lll,  le  plus  long  du  volume,  traite  des  Chevaux  dans  les 

(1)  Voir  L'Anthropologie,  t.  XVI, p.  322. 


152  ^  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

temps  préhistoriques  et  historiques.  C'est  un  travail  d'érudition  qui  ne 
saurait  être  analysé  mais  qui  devra  être  lu  et  toujours  consulté  par 
les  personnes  qui  s'intéressent  à  l'histoire  du  Cheval.  Il  ne  peut  être 
comparé,  à  ce  point  de  vue,  qu'à  l'ouvrage  de  notre  savant  compatriote 
M.  Piètrement.  On  y  trouvera  une  revue  de  toutes  les  races  anciennes, 
modernes  ou  actuelles  de  Chevaux  et  en  particulier  d'intéressants 
détails  sur  les  races  britanniques.  Les  conclusions  de  ce  chapitre  sont 
au  nombre  de  19  qu'il  serait  trop  long  de  rapporter  ici  mais  qu'on  peut 
résumer  en  disant  qu'elles  sont  à  l'appui  de  la  thèse  de  l'auteur  sur 
l'importance  et  la  suprématie  de  la  race  libyenne. 

L'origine  de  celle-ci  fait  l'objet  du  chap.  IV.  On  sait  déjà  que  l'auteur 
n'hésite  pas  à  la  regarder  comme  une  espèce  distincte  dérivée  de 
formes  zébrées.  Les  arguments  en  faveur  de  cette  manière  de  voir  ne 
sont  pas  sans  valeur  et  si  iM.  Ridgeway  avait  été  plus  familiarisé  avec 
les  travaux  de  langue  française,  il  y  aurait  trouvé  des  faits  à  l'appui 
de  sa  manière  de  voir.  C'est  ainsi  par  exemple  que  M.  Piette  a  fait  un 
mémoire  sur  les  Chevaux  zébrés  du  Quaternaire  de  France,  d'après  des 
œuvres  d'art  de  Tâge  du  Renne  ;  j'ai  moi-même  essayé  de  montrer,  d'un 
côté,  que  VEquus  Stenonis  devait  avoir  été  zébré  et  d'un  autre  côté, 
que  certains  Chevaux  quaternaires  avaient  pu  dériver  directement  du 
Cheval  de  Sténon  pliocène. 

M.  Boule. 


Manuel   de   recherches  préhistoriques,    publié   par   la  Société    préhistorique    de 
France.  1  vol.  petit  in-8°   avec  205  fig.  Paris,  Schleicher  frères,  1906. 

Cet  ouvrage  est  une  des  premières  manifestations  de  la  Société  pré- 
historique de  France.  Il  est  dû  à  la  collaboration  d'un  certain  nombre 
de  ses  membres  réunis  en  une  commission  dont  iM.  Edmond  Hue  était 
le  secrétaire.  On  ne  peut  que  louer  cette  initiative. 

Le  volume  renferme  une  grande  quantité  de  renseignements  dont 
beaucoup  seront  fort  utiles  aux  débutants.  Il  est  divisé  en  deux  parties. 
La  première,  intitulée  Technique  générale,  traite  du  matériel  nécessaire 
aux  recherches  préhistoriques,  de  la  recherche,  de  la  reconnaissance 
et  de  l'occupation  des  gisements,  de  la  législation  des  fouilles,  de  la 
récolte  et  de  la  conservation  des  objets,  de  l'installation  et  du  range- 
ment des  collections,  des  classifications  préhistoriques,  etc.  La  seconde, 
consacrée  à  la  technique  spéciale,  envisage  successivement  les  stations, 
ateliers,  fonds  de  cabanes,  stations  lacustres,  grottes,  abris  sous  roches, 
monuments  mégalithiques,  etc.  Comme  cet  ouvrage  est  destiné  au 
grand  public,  les  auteurs  ont  cru  utile  d'ajouter  en  annexe  un  vocabu- 
laire des  principaux  termes  et  noms  employés  en  préhistoire. 

M.  B. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  153 

G.  Steinmann.  Die  palâolithische  Renntierstation  von  Munzingen  am  Tuniberge, 
etc.  (La  station  paléolithique  de  Tàge  du  renne  de  Munzingen  sur  le  mont  Tuni, 
près  de  Fribourg  en  Brisgau).  Bevichle  der  nalurforschenden  Gesellschafl  zu  Frei- 
burg  i.  B.  t.  XVI,  1906,  p.  67  (53  fig.). 

Le  lœss  récent  du  Tiiniberg  atteint  une  épaisseur  de  12  mètres.  11 
comprend  une  couche  inférieure  régulièrement  stratifiée,  dont  la  base, 
nommée  par  l'auteur  zone  de  récurrence,  présente  des  cailloux  roulés, 
et  renferme  des  restes  de  Cheval,  Mammouth,  Rhinocéros,  Renne,  Cerf 
et  Chevreuil.  La  couche  supérieure  au  contraire  est  un  dépôt  non  stra- 
tifié et  ne  renferme  ni  Escargots  ni  Mammifères.  La  station  de  Munzin- 
gen se  trouve  exactement  à  la  limite  des  deux  couches. 

Cette  disposition  du  lœss  s'observe  dans  tout  le  haut  pays  de  Bade; 
ses  deux  divisions  correspondent  au  limon  hesbayen  et  au  limon  bra- 
bantien  des  géologues  belges.  Les  couches  inférieures  se  sont  formées 
sous  l'influence  d'un  climat  humide  :  les  masses  de  lœss  ancien  étaient 
entraînées  par  les  eaux  et  déposées  dans  les  vallées.  La  végétation  était 
abondante  et  permettait  aux  grands  Mammifères  de  prospérer.  Peu  à 
peu  ces  conditions  se  sont  modifiées,  le  climat  est  devenu  plus  sec  et 
les  parties  supérieures  du  lœss  sont  d'origine  exclusivement  éolienne. 
C'est  au  début  de  ce  régime  steppien  que  IHomme  vivait  à  Munzingen. 

Le  lœss  récent  adonné,  en  Basse-Autriche,  Bohême,  Moravie,  Hon- 
grie, etc  ,  toute  une  série  de  stations  paléolithiques  où  dominent  le 
Mammouth  et  le  Cheval  ;  à  Munzingen  on  ne  rencontre  en  revanche 
que  du  Renne.  Cette  station  serait  donc  un  peu  plus  récente  que  les 
stations  situées  plus  à  l'Est.  La  sécheresse  progressive  du  climat  a  pro- 
voqué le  départ  des  grands  Mammifères  ;  seul  le  Renne  a  persisté  encore 
quelque  temps.  Encore  aujourd'hui  cet  animal  trouve  sa  subsistance 
dans  l'extrême  Nord  et  dans  les  steppes  jusqu'au  52^  parallèle.  En 
somme  il  résulte  de  l'étude  de  la  station  de  Munzingen  qu'il  est  tout  à 
fait  erroné  de  parler  d'un  «  âge  du  Renne  »  comme  d'une  période  pré- 
historique déterminée.  On  peut  se  représenter  de  la  façon  suivante  les 
variations  de  la  faune  pendant  le  Quaternaire.  Pendant  certaines  pé- 
riodes, par  exemple  dans  celle  de  récurrence  du  lœss  récent,  tous  les 
grands  Mammifères  ont  coexisté  au  même  endroit.  A  mesure  que  le 
dessèchement  faisait  des  progrès,  et  que  la  végétation  se  raréfiait,  ils 
ont  émigré  ;  mais  le  Renne  a  persisté  plus  longtemps  que  les  autres.  Au 
début  de  la  dernière  période  glaciaire,  celle  de  Wiirm  (\o\v  VAnthrop., 
t.  XV,  1904,  p.  25  et  55),  la  flore  est  redevenue  plus  riche,  les  Mammi- 
fères sont  revenus,  le  Renne  peut-être  avant  les  autres.  De  pareilles 
modifications  ont  eu  lieu  à  l'époque  postglaciaire  à  la  suite  de  varia- 
tions climatiques  plus  faibles,  de  sorte  qu'en  une  même  localité  on  peut 
rencontrer  à  plusieurs  reprises  une  faune  riche  comprenant  le  Mam- 
mouth, le  Cheval,  le  Rhinocéros,  le  Renne  et  une  faune  pauvre  repré- 
sentée presque  exclusivement  par  ce  dernier.  La  faune  seule  ne  permet 


154  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

donc  pas  de  déterminer  r:\ge  relatif  des  trouvailles  archéologiques.  Les 
stations  dites  de  l'ùge  du  Renne  peuvent  appartenir  à  des  époques  très 
différentes.  Dans  le  sud-ouest  de  l'Allemagne  on  peut  distinguer  dès  à 
présent  deux  «  Ages  du  Renne  »  ;  le  plus  ancien  correspond  à  Tintergla- 
ciaire  de  Riss-Wurm,  le  plus  récent  est  postglaciaire  et  est  représenté 
par  le  Schweizersbild  et  Schussenried.  Tous  les  deux  succèdent  à  une 
période  à  faune  riche  comme  le  montre  le  tableau  reproduit  plus  loin. 
11  va  de  soi  que  M.  Steinmann  rejette  absolument  les  expressions 
comme  éburnéen,  équidien^,  tarandien,  cervidien,  qui  d'après  lui  ne 
peuvent  conduire  qu'à  des  conclusions  fausses. 

L'auteur  passe  ensuite  à  la  description  des  objets  trouvés.  Nous  n'en 
retiendrons  que  les  faits  suivants.  Des  pierres  de  couleur  rouge  ont 
été  recherchées  par  les  Paléolithiques,  à  1  km.  de  la  station,  à  cause  de 
leur  teneur  en  ocre.  On  admet  en  général  que  l'ocre  ou  le  manganèse 
servaient  aux  préhistoriques  à  se  peindre  le  corps  ou  à  décorer  les 
parois  des  grottes.  M.  Steinmann  ajoute  un  autre  mode  d'utilisation 
possible.  Les  Tehuelches  conservent  les  peaux  de  guanacos  en  les  en- 
duisant sur  leur  face  interne  avec  un  mélange  de  graisse  et  d'ocre  ou 
de  terre  riche  en  alun.  Les  Paléolithiques  employaient  peut-être  un 
procédé  analogue. 

Les  instruments  sont  relativement  peu  nombreux  (environ  300  pièces) 
et  indiquent  qu'une  horde  de  quelques  individus  seulement  s'est  établie 
en  cet  endroit  pendant  une  période  assez  courte.  Ils  sont  de  la  variété 
de  silex  qui  se  trouve  sur  les  lieux  mêmes,  et  appartiennent  au  type  de 
Solutré.  Il  y  a  concordance  absolue,  au  point  de  vue  de  l'industrie, 
entre  Munzingen  et  les  stations  de  Basse-Autriche,  Moravie  et  Bohême. 
Les  pièces  caractéristiques  sont  les  pointes  de  Solutré,  les  pointes  à 
cran,  les  petits  ct)uteaux,  enfin  les  grattoirs  nucléiformes.  On  se  rap- 
pelle que  M.  Schœtensack  avait  tenté  de  rattacher  Munzingen  au  Mag- 
dalénien. M.  Steinmann  fait  remarquer  que  les  pointes  à  cran  manquent 
dans  les  stations  magdaléniennes,  et  que  les  pointes  de  Solutré  y  sont 
rares  et  peu  caractérisées.  D'autre  part  on  ne  retrouve  pas  à  Munzingen 
les  pointes  fines  ni  les  instruments  bordés  d'encoches,  si  communs  à 
Tépoque  de  la  Madeleine  et  qui  ressemblent  à  des  lames  de  scie.  Les 
instruments  en  os  sont  très  rares  à  Munzingen  ,  aucun  ne  rappelle 
l'industrie  si  développée  à  la  Madeleine. 

En  résumé  la  station  de  Munzingen  est  bien  du  type  solutréen  ;  mais 
elle  appartient  en  même  temps  à  un  âge  du  Renne.  11  y  a  là  une  contra- 
diction apparente.  Car  on  admet  en  général  que  toutes  les  stations  à 
Renne  sont  postglaciaires.  La  chronologie  de  l'époque  paléolithique  est 
donnée  par  le  développement  relatif  de  l'industrie  de  la  pierre  et  de 
celle  de  l'os.  A  ce  point  de  vue  Munzingen  est  bien  antérieur  à  toutes 
les  stations  postglaciaires  du  type  magdalénien.  Il  semble  que  dans 
l'Europe  centrale  les  termes  intermédiaires  de  la  série  font  défaut  ;  la 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 


155 


population  aurait  émigré,  d'après  Hoernes,  parce  que  le  climat  était 
devenu  défavorable.  Penck  fait  remarquer  que  la  couche  supérieure  de 
Solutré,  avec  son  industrie  lithique  très  développée  et  ses  instruments 
en  os  déjà  avancés,  constitue  un  terme  de  passage.  Elle  est  certainement 
plus  récente  que  les  stations  du  lœss,  mais  plus  ancienne  que  toutes 
les  stations  magdaléniennes  typiques;  elle  coïncide  avec  le  début  ou 
l'apogée  de  la  dernière  période  glaciaire.  Munzingen  appartient  au  Solu- 
tréen moyen,  de  même  que  plusieurs  des  stations  du  lœss,  situées  plus 
à  l'Est. 

Si  le  lœss  du  Rhin  supérieur  était  postglaciaire,  comme  on  l'a 
admis,  on  devrait  y  rencontrer  l'industrie  magdalénienne,  comme  à 
Schaffhausen,  Schussenried,  Istein.  Comme  il  n'en  est  pas  ainsi,  on  est 
conduit  à  admettre  qu'il  est  interglaciaire.  Les  stations  paléolithiques 
de  la  région  se  classent  de  la  façon  suivante  : 


Époques  géologiques 

Stations 

MaMiMIFÈRES 

Industrie 

Schweizersbild 

Cerf,  Chevreuil,     , 

(couche  grise). 

Mouton,  Chèvre.   ' 
1 

>         Tourassien 

Isteiu. 

Cerf,  Chevreuil. 

\ 

Postglaciaire 

Kessierloch  ? 

Mammouth,  Cheval,' 

Schweizersbild 

Renne,  Bos  primig. 

(couche  jaune)  ? 

Renne,  Cheval. 
Renne.            . 

^       Magdalénien 

Dernier    glaciaire 

Solutré  ? 

Renne,  Mammouth.^ 

1 

(Wurmien) 

(supérieur). 

Cheval,  Bos  primig. 

1 

l    Loess  réceut 

.MuDzingeu. 

Renne. 

a. s 

) 

Egisheim. 

Mammouth,  Cheval. 

>         Solutréen 

'3  te 

Solutré  (inférieur). 

Renne.            | 

Q 

f 

Zone  de 

Achenheim. 

Cheval,  Mammouth,^ 

récarrence 

\ 

Vôklinshofen. 

Rhinocéros,  Renne, 
Bos  primigenius. 

1 

)        Moustérien 

Avant-dernier  glaciaire 
(Rissien) 


; 


D'    L.  Laloy. 


156  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

K.  Gorjanovic-Krambehgek.  Der  paliiolithische  Mensch  und  seine  Zeitgenossen, 
etc.  (L'Homme  paléolitliique  et  ses  coDtemporaÏQS  du  diluvium  de  Krapioa  en 
Croatie)  (i)  Milleilungen  der  anthropologisclien  Gesellschaft  inWien,  t.  XXXV,  1905, 
p.  197(3  PI.). 

Des  fouilles  récentes  dans  la  caverne  de  Krapina  ont  donné  de  nou- 
veaux restes  humains  :  deux  frontaux  avec  les  bourrelets  sus-orbitaires 
caractéristiques,  deux  fragments  de  mandibules  d'adultes,  des  débris 
de  doigts,  de  côtes  et  de  calotte  crânienne.  On  a  trouvé  en  outre  un 
crâne  presque  entier  d'un  Rhinocéros  Mercki  adulte  et  la  partie  anté- 
rieure d'un  individu  jeune.  Des  foyers,  des  instruments  de  pierre  et 
un  instrument  en  bois  de  hêtre  ont  également  été  relevés,  mais  ne  font 
pas  l'objet  d'une  description  dans  ce  mémoire.  La  coupe  du  gisement  a 
pu  être  complétée.  Elle  a  montré  qu'il  y  a  eu  une  succession  d'inon- 
dations et  de  périodes  de  sécheresses;  c'est  pendant  ces  dernières  que 
THomme  fréq-uentait  la  caverne.  Ce  n'est  qu'après  la  dernière  inon- 
dation qu'il  s'y  est  établi  à  demeure. 

La  Croatie  n'a  jamais  été  soumise  à  la  glaciation.  Aussi  est-il  difficile 
d'établir  un  parallèle  entre  ses  formations  quaternaires  et  celles 
d'autres  parties  de  l'Europe.  On  y  distingue  un  niveau  inférieur  à 
couches  inclinées,  avec  Rhinocéros  Mercki  et  un  niveau  supérieur 
horizontal,  à  Rh.  antiquitatis.  Il  y  a  eu  d'autre  part  des  dislocations 
importantes  entre  ces  deux  divisions  du  diluvium  :  tous  les  dépôts 
pliocènes,  et  les  sédiments  quaternaires  anciens,  y  compris  ceux  de  Kra- 
pina ont  été  plissés.  M  Penck  a  constaté  dans  les  Alpesdes  plissements 
datant  de  l'invasion  glaciaire  la  plus  ancienne,  mais  n'a  pas  rencontré 
de  dislocations  plus  récentes.  Il  est  impossible  d'établir  une  corrélation 
entre  ces  plissements  anciens  des  Alpes  occidentales  et  les  plissements 
plus  récents  constatés  en  Croatie.  La  comparaison  des  dépôts  quater- 
naires de  Croatie  et  de  Slavonie  permet  d'établir  la  stratigraphie 
suivante  : 

I  a.  Étage  de  Krapiua  :  Homo  primîgenius,  Rhinocéros  Mercki,  Ursus  spelœus, 

C  6.  Terrasses  fluviatiles  récentes  (Brezovica), 

II     <  c.  Loess  f     Homo  sapiens,  Elephas  primigenius, 

(  d.  Dépôts  fluviatiles     S     Rhinocéros  anliquitalis. 

Plissements  des  formations  pliocènes  et  postpliocènes. 

e)  Étage  de  Bedekoucina:  Argiles  non  fossilifères,  peut-être  synchrones, 
de  l'étage  de  Krapina.  Il  est  probable  qu'on  peut  synchroniser  la 
station  de  Krapina  avec  celle  de  Taubach,  qui  lui  est  très  analogue  au 
point  de  vue  paléontologique,  et  qu'il  convient  de  les  rapporter  toutes 
deux  à  l'interglaciaire  de  Gûnz-Mindel  ou  à  celui  de  Mindel-Riess, 
d'après  la  terminologie  de  Penk  {L'Anthrop.,  t.  XV,  1904,  p.  25  et  55). 

Après  avoir  donné  les  mesures  relevées  sur  les  divers   ossements 

(1)  Voir  l'article  de  M.  Obermaier  [UAnthrop.,  t.  XVI,  1905,  p.  13). 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  137 

humains  trouvés  à  Krapina,  M.  Gorjanovic-Kramberger  établit  de  la 
façon  suivante  les  caractères  de  cette  race^  dont  il  fait  d'ailleurs  une 
espèce  autonome,  comprenant  les  squelettes  de  Neanderthal,  Spy  et 
Krapina.  La  reconstruction  du  crâne  de  Krapina,  corrigée  par  l'auteur, 
donne  un  indice  brachycéphale,  d'environ  82,  au  lieu  de  85,5.  Cet 
indice  est  à  rapprocher  de  celui  de  Spy  H,  81,1.  Rappelons  que  celui 
du  Neanderthal  est  de  79  et  celui  de  Spy  I,  74,4.  Ces  différences 
d'indice  céphalique  n'allèrent  cependant  pas  le  type  général  de  ces 
crânes;  car  leur  indice  de  hauteur  de  calotte  se  maintient  chez  tous 
entre  40,4  et  44,3  et  est  l'expression  d'un  front  fuyant  (Schwalbe, 
VAnthrop,,  t.  XII,  1901,  p.  440). 

Dans  le  sens  vertical  le  crâne  de  THomme  quaternaire  était  également 
soumis  à  quelques  variations.  De  sorte  qu'il  est  parfaitement  légitime 
d'admettre  avec  Schwalbe  l'existence  de  races  distinctes.  La  configu- 
ration de  l'apophyse  crista-galli  et  de  la  lame  cribreuse  est  différente 
de  celle  de  l'Homme  actuel.  L'apophyse  est  plus  basse  et  raccourcie  en 
avant,  la  lame  cribreuse  est  inclinée  en  arrière  et  en  bas.  Ces  deux 
organes  sont  situés  plus  bas  que  chez  l'Homme  actuel.  Mais  même 
sur  les  crânes  de  Krapina  on  observe  des  variations  à  ces  points  de  vue. 
Ces  particularités  tiennent  à  la  configuration  du  front. 

Le  développement  plus  fort  des  maxillaires  a  produit  toute  une 
série  d'adaptations  :  la  forme  spéciale  de  la  fosse  glénoïde,  Tépaissis- 
sementdutympanique,  alors  que  l'apophyse  mastoïde  est  peu  développée. 
Chez  l'Homme  de  Krapina  il  y  a  une  apophyse  post-glénoïde  telle  qu'on 
la  rencontre  chez  les  Anthropoïdes. 

La  mandibule  présente,  à  l'époque  paléolithique,  de  remarquables 
différences.  Tantôt  elle  est  à  peu  près  aussi  haute  au  niveau  de  la 
deuxième  molaire  qu'à  la  symphyse  ;  tantôt,  comme  sur  la  mâchoire  de  La 
Naulette,  la  hauteur  antérieure  est  bien  plus  grande  qu'en  arrière.  Dans 
cette  mandibule  la  hauteur  au  niveau  de  la  seconde  molaire  n'est 
que  74  0/0  de  la  hauteur  symphysienne;  sur  Spy  I  cette  proportion  est 
de  86,8  et  sur  Krapina  IV,  de  92,1.  Toutes  les  autres  mandibules  de 
Krapina  ont  des  valeurs  inférieures  à  86.  Il  n'y  a  pas  de  relation  entre 
ces  différences  et  la  grandeur  de  l'angle  symphysien. 

La  forme  de  la  mandibule  du  Krapina  III  est  extrêmement  remar- 
quable :  les  incisives  et  les  canines  décrivent  une  ligne  droite;  les  au- 
tres alvéoles  forment  avec  cette  ligne  un  angle  de  114^.  Cette  forme 
anguleuse  de  l'arcade  dentaire  rappelle  les  mandibules  des  Carnassiers; 
elle  est  peut-être  individuelle  et  due  à  l'atavisme  ;  car  elle  ne  se  retrouve 
pas  sur  les  autres  mandibules  de  même  provenance. 

On  rencontre  parfois  à  la  place  des  apophyses  géni  une  excavation 
sublinguale.  Sur  la  mâchoire  de  La  Naulette  il  y  a  dans  l'excavation 
deux  fossettes  pour  le  génioglosse;  il  en  est  de  même  sur  celle  deChipka. 
Sur  Spy  I  et  sur  la  mandibule  de  Babska  il  y  a  un  bourrelet  médian 


158  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

qui  divise  rexcavation  en  deux.  Au  cours  de  l'évolution  les  fossettes 
sont  devenues  de  moins  en  moins  profondes.  On  y  trouve  d'abord, 
comme  sur  les  mâchoires  de  Krapina,  des  saillies  rugueuses  qui  sont 
l'indication  des  apophyses  géni.  Celles-ci,  caractéristiques  de  l'Homme 
actuel,  sont  déjà  en  voie  de  développement  sur  les  mandibules  quater- 
naires les  plus  anciennes,  tandis  que  chez  les  Anthropoïdes  les  génio- 
glosses  sont  insérés  dans  une  excavation.  11  y  a  chez  les  Paléolithiques 
toutes  les  formes  de  passage  entre  la  conformation  pithécoïde  et  l'état 
de  choses  actuel. 

L'auteur  rapporte  à  l'Homme  actuel  [Homo  sapiens  fossilis)\es  crânes 
trouvés  dans  le  loess  de  Brunn,  la  mâchoire  de  Goyet,  Predmost,  les 
crânes  du  lœss  du  Vukovar  et  du  diluvium  supérieur  de  Brod.  Mais  cer- 
tains de  ces  crânes  ont  des  caractères  qui  rappellent  Homo  primigenius. 
Depuis  le  Quaternaire  inférieur  il  n'y  a  pas  eu  de  lacunes  dans  l'évolu- 
tion de  l'Homme.  Il  n'y  a  pas  sur  le  squelette  d'Homo  primigenius  de 
parties  non-adaptatives  qui  rompraient  la  continuité  de  son  évolution 
vers  la  forme  Homo  sapiens.  Au  contraire  on  observe  sur  celui-ci  des 
atavismes  qui  rappellent  l'Homme  quaternaire  et  démontrent  la  conti- 
nuité de  cette  évolution. 

D^  L.  L. 


D.  M.  Bl\nkknhoi\n.  Die  Steinzeit  und  die  Feuersteiaartefakte  in  Syrien-Palastina 
(L'âge  de  )a  pierre  et  les  iastraments  de  silex  eu  Syrie-Palestine).  Zeitschrift 
fur  Ethnologie,  t.  XXXVII,  1905  {VerhandL),  p.  447  (17  fig.). 

Les  lecteurs  de  U Anthropologie  ont  eu  la  primeur  des  recherches  de 
Zumoffen  sur  la  préhistoire  delà  Phénicie  (t.  VIII,  1897,  p.  272  et  426). 
M.  Boule  a  d'autre  part  signalé  (t.  XI,  1900,  p.  608),  l'ouvrage  de 
M.  Zumoffen  sur  le  même  sujet.  Le  travail  de  M.  Blankenhorn  vient 
compléter  et,  sur  quelques  points,  rectifier  les  conclusions  fournies  par 
les  études  de  M.  Zumoffen. 

L'âge  du  fer  a  commencé,  en  Palestine,  avec  l'arrivée  des  Philistins, 
vers  1250  avant  notre  ère.  Mais  auparavant  il  y  a  eu  une  période  du 
bronze  et  un  âge  de  la  pierre  sur  lesquels  nos  connaissances  sont  assez 
restreintes.  Nous  n'avons  encore  aucune  donnée  sur  l'âge  de  la  pierre 
dans  la  Syrie  septentrionale.  Ce  que  nous  allons  dire  s'applique  donc 
spécialement  à  la  Syrie  moyenne  ou  région  du  Liban  et  à  la  Palestine. 

Les  trouvailles  rentrent  dans  cinq  groupes  distincts  : 

lo  La  surface  des  plateaux  ou  des  versants  des  montagnes,  qui  ren- 
ferme naturellement  des  débris  de  silex.  Les  trouvailles  qu'on  y  fait 
appartiennent  surtout  au  Paléolithique  ancien  ; 

2°  La  plaine  côtière  donne  des  débris  paléolithiques  et  néolithiques; 

3°  Les  vallées  renferment  des  restes  paléolithiques  récents  ainsi  que 
du  Néolithique  ; 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  1S9 

4°  Les  cavernes  et  les  grottes  donnent  du  Paléolithique  et  du  Néoli- 
thique ; 

5°  Le  sous-sol  des  tells  ou  de  localités  encore  habitées  aujourd'hui 
renferme  des  ruines  de  slations  qui  vont  du  Néolithique  à  lïige  du  fer. 

Quant  aux  sépultures  elles  ont  donné  peu  de  chose  pour  l'âge  de  la 
pierre.  Elles  commencent  à  l'âge  du  bronze.  L'auteur  fait  une  revision 
de  tous  les  gisements  préhistoriques  de  Syrie  dans  le  détail  de  laquelle 
nous  ne  pouvons  entrer.  Contentons-nous  de  donner,  d'après  M.  Blan- 
kenhorn,  un  résumé  de  la  préhistoire  de  la  Syrie.  Elle  comprend 
10  phases  dont  6  appartiennent  à  Tâge  de  la  pierre,  4  à  celui  des 
métaux. 

1°  L'auteur  admet  une  période  éolithique  pendant  le  Pliocène  supé- 
rieur et  le  Quaternaire  inférieur.  A  cette  époque  la  vallée  du  Jour- 
dain était  occupée  par  un  grand  lac  et  la  mer  recouvrait  toute  la  plaine 
littorale.  L'existence  de  l'homme  est  plus  que  douteuse  et  n'est  en 
tous  cas  démontrée  par  aucune  trouvaille  incontestable.  Ce  n'est  que 
sur  les  plateaux  situés  à  l'Est  du  Jourdain  et  dans  le  désert  syrien, 
qu'on  peut  avoir  chance  de  rencontrer  des  éolithes. 

Dans  la  discussion  qui  a  suivi,  M.  E.  Krause  fait  remarquer  que  les 
éolithes  sont  souvent  difficiles  à  distinguer  des  instruments  paléoli- 
thiques et  néolithiques  Les  formes  éolithiques  reparaissent  dans  les 
périodes  subséquentes;  car  au  cours  de  leur  fabrication,  les  instruments 
même  les  plus  parfaits  passent  par  ces  formes  rudimentaires,  et  d'autre 
part,  on  se  contentait  pour  certains  travaux,  même  aux  époques 
récentes  de  l'âge  de  la  pierre,  d'instruments  tout  à  fait  primitifs.  C'est 
pour  la  même  raison  qu'on  ne  peut  toujours  distinguer  un  instrument 
paléolithique  d'un  néolithique.  Le  premier  rôle  dans  cette  diagnose 
doit  revenir  à  la  stratigraphie. 

2"  Paléolithique  ancien  ouChelléen  au  sens  large.  Ce  n'est  qu'à  cette 
époque  que  l'homme  s'est  avancé  vers  l'Ouest,  peut-être  jusqu'à  la  côte. 
On  doit  y  rapporter  probablement  l'atelier  d'Akbije  sur  la  côte  phéni- 
cienne, peut-être  aussi  la  station  de  la  caverne  d'Adlun,  et  en  tous  cas 
une  grande  partie  des  trouvailles  faites  en  Judée,  sur  les  hauteurs  situées 
à  l'Ouest  du  Jourdain,  ainsi  qu'à  l'Est  de  ce  fleuve,  au  mont  Hor,  enfin 
quelques  trouvailles  du  pays  de  Moab  et  d'Ammon. 

3  Paléolithique  moyen  ou  Moustérien,  et  Solutréen  inférieur,  corres- 
pondant au  dernier  interglaciaire  d'Europe.  Dans  cette  période,  favo- 
risée par  son  climat,  l'homme  a  pénétré  dans  les  vallées  et  s'est  répandu 
le  long  des  rivages  de  la  mer.  La  plus  grande  partie  des  stations  paléo- 
lithiques de  Phénicie  appartient  à  cette  période.  Parmi  les  instruments 
les  types  du  Moustier  prédominent;  on  rencontre  aussi  quelques  types 
solutréens,  les  instruments  en  os,  aiguilles,  etc.,  font  leur  appari- 
tion. La  faune  comprend  Rhinocéros  tic/iorhinus,  Bison  priscus,  Bos  pri- 
migenius  {?),   Cervus    dama  var.  mesopotamicus,  C.   elaphus,  Capreolus 


160  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

pj/gargus,    Capra  primigenia,  C.    beden,  Antilope  dorcas.  Sus  scrofa, 
Equus  caballus,  Ui'sus  syriacus.  Felis  sp. 

40  Paléolithique  récent  ou  Magdalénien,  correspondant  à  la  dernière 
extension  des  glaces.  La  seule  station  de  cette  époque  est  celle  de  la 
caverne  de  Nahr  Antelias,  qui  a  donné  de  nombreux  instruments  en 
os,  ainsi  que  des  ossements  humaines  qui  semblent  être  le  reste  de 
repas  de  cannibales.  La  faune  était  la  même  que  dans  la  période  pré- 
cédente, mais  on  n'a  trouvé  ni  f^os  primigenius  ni  llk'moceros.  En 
revanche  elle  comprenait  le  Buffle  et  quelques  Carnassiers  nouveaux. 

50  Néolithique  ancien,  ne  correspond  pas  au  Néolithique  d'Allemagne 
mais  àla  période  de  transition  entre  le  Paléolithique  et  le  Néolithique. 
Apparition  des  instruments  en  pierre  polie  et  delà  céramique;  celle-ci 
est  sans  décor.  Sur  la  côte  on  trouve  des  ateliers  à  l'embouchure  du 
Nahr  Zaharani  et  sur  le  Ras  Beirout,  une  station  sur  le  Ras  el  Kelb. 
Dans  le  Liban,  brèches  osseuses  de  Dschaita  sur  le  Nahr  el  Kelb  et  de 
Harajel  sur  le  Nahr  Salib.  Dans  la  Galilée  méridionale  Chan  Lubije,  et 
à  l'Est  du  Jourdain  le  mont  Nebo  ont  donné  des  objets  de  cette  période. 
La  faune  est  exactement  la  même  que  pendant  le  Paléolithique;  elle 
comprend  même  le  Rhinocéros  tichorhinus  (!?). 

6^  Néolithique  récent.  Débuts  de  l'agriculture  et  de  l'élevage.  Instal- 
lations fixes  dans  les  vallées.  Les  habitations  sont  creusées  dans  le  sol 
ou  dans  les  parois  rocheuses;  on  a  aussi  élargi  les  grottes  naturelles 
au  moyen  d'outils  en  pierre.  Des  murs  de  terre  entouraient  les  habita- 
tions. Instruments  en  os  et  en  pierre  :  couteaux  prismatiques,  scies, 
grattoirs,  haches  polies,  burins,  faucilles.  Celles-ci  étaient  emman- 
chées dans  une  monture  en  bois  qui  en  épousait  la  courbure;  toute  la 
partie  du  silex  qui  n'était  pas  ainsi  protégé  a  acquis  sous  l'influence  de 
l'usage  un  magnifique  poli.  Les  animaux  domestiques  étaient  le 
Mouton,  la  Vache,  le  Porc,  la  Chèvre  et  peut-être  l'Ane.  Les  morts  sont 
incinérés.  Il  y  a  des  monuments  mégalithiques  dans  les  vallées  et  sur 
les  plateaux;  ce  sont  des  menhirs  non  taillés,  des  dolmens,  des  crom- 
lechs, des  cairns;  il  y  a  aussi  des  pierres  à  cupules.  Certaines  villes 
(Gebal,Sidon,  Gezer,  Tyr,  Hebron,  Damas,  etc.),  datent  de  cette  époque. 
Elle  paraît  avoir  duré  de  4000  à  2000  avant  notre  ère  et  est  déjà  en 
quelque  sorte  historique,  car  la  race,  probablement  hamitique,  qui 
vivait  alors  a  reçu  de  ses  voisins  plus  civilisés  diverses  dénominations. 

70  L'âge  du  bronze  va  de  2000  à  1250  avant  notre  ère.  Il  est  caracté- 
risé par  l'apparition  des  Sémites  qui  ont  précédé  les  Israélites  :  Amo- 
rites,  Phéniciens,  Ghananéens  et  par  celle  des  Héthites  surtout  à  partir 
de  1500.  Au  milieu  d'eux  vivent  encore  les  restes  des  populations  pré- 
cédentes, qui  n'ont  été  définitivement  anéanties  que  parles  Israélites  : 
ce  sont  les  Rephaïm,  Enakim,  Emim,  etc.  On  observe  dans  la  civilisa- 
tion des  influences  égyptiennes,  babyloniennes  et  égéennes.  Instru- 
ments en  bronze,  en  cuivre,  en  pierre  et  en  os.  Poteries   gravées  et 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  161 

peintes,  colonnes  de  pierres  taillées  et  disposées  en  rangs,  qui  consti- 
tuent des  temples  rudimentaires,  sacrifices  humains,  culture  de  la 
vigne  et  de  l'olivier.  On  continue  à  élever  des  menhirs,  des  dolmens, 
des  cercles  de  pierres.  Les  stations  les  plus  riches  sont  celles  de  Tell  el 
Hasi  et  Tell  Ta'annek  dans  leurs  couches  profondes. 

8<^  Débuts  de  l'âge  du  fer,  1250  à  1050.  Deuxième  couche  de  Sémites  : 
Philistins,  Edomites,  Israélites,  Moabites  et  Ammonites.  Le  bronze 
domine  encore,  et  le  silex  est  encore  très  répandu.  Influences  phéni- 
ciennes. 

9<*  Avec  le  royaume  Israélite,  de  1050  à  600  nous  pénétrons  dans  le 
domaine  historique.  Mais  ce  n'est  qu'à  la  10^  période,  de  600  à  notre 
ère  qae  le  fer  devient  réellement  prédominant,  le  bronze  étant  réservé 
aux  ornements. 

D'  L.  L. 

0.  ScHOF.TENSACK.  Tasoianische   Steininstrumente  (Instruments  de  pierre  de  Tas- 
manie).  ZeiLscfivift  fiir  Ethnologie,  t.  XXXVII,  1905  {VerfiandL),  p.  362  (1  fig.). 

L'auteur  décrit  des  instruments  en  pierre  trouvés  en  Tasmanie.  Ce 
sont  des  disques  de  fort  petites  dimensions,  tranchants  sur  tout  leur 
pourtour.  Leur  épaisseur  maxima  varie  de  12  à  22  millim.  L'une  des 
faces  est  conchoïde,  l'autre  taillée  à  facettes.  D'après  les  récits  des  pre- 
miers colons,  ces  instruments  n'étaient  pas  emmanchés;  les  indigènes 
choisissaient  pour  chaque  travail  la  partie  du  tranchant  qui  leur  parais- 
sait la  plus  convenable.  Ils  s'en  servaient  pour  percer  dans  les  troncs 
d'eucalyptus,  des  échancrures  qui  leur  servaient  à  y  grimper,  pour 
préparer  des  peaux,  pour  écorcer  du  bois,  etc.  Cet  instrument  universel 
est  en  somme  une  sorte  de  couteau  rond. 

Il  est  très  répandu  dans  le  Paléolithique.  M.  Schweinfurth  l'a  trouvé 
dans  le  diluvium  de  Thèbes,  M.  Rutot  a  figuré  (L'Anthrop.,  t.  XI,  1900, 
p.  720),  un  de  ces  disques  provenant  de  l'horizon  dit  reutélien  de 
Belgique.  On  trouve  ces  disques  même  dans  le  Solutréen,  alors  que  les 
instruments  de  pierre  étaient  déjà  très  spécialisés.  M.  Schoetensack 
fait  remarquer  que  l'usage  prolongé  pendant  des  périodes  très  longues, 
d'instruments  non  emmanchés,  a  dû  contribuer  à  donner  à  la  main  de 
l'homme  l'habileté  dont  elle  jouit. 

D^L.  L. 

C.  Mehi.is    Neue  nôolithiscbe  Funde,  etc.  (Nouvelles  trouvailles  néolithiques  de  la 
région   du    Rhin    moyeu),    Archiv   fur  Anthropologie,  t.    III,   n°   4,    1905,    p.   282 

0  fig.). 

La  station  néolithique  en  question  est  située  à  Wallbohl  entre  Neu- 
stadt-an-der-Hardt,  Hassloch  et  Spire.  Elle  a  fourni  un  fragment  de 
meule  et  divers  autres  objets,  entre    autres   une    hache   longue    de 

l'aNTHROPOLOGIK.   —  T.  XVII.  —  1906.  11 


K2  MOUVEMENT  SClENTIKlQUfc:. 

20  cent.,  large  de  3  à  5,5,  épaisse  de  1  cent.  Le  tranchant  a  3  cent,  de 
large.  Ces  haches  très  plates  avaient  été  considérées  comme  des  rabots 
ou  des  ciseaux  pour  le  bois;  elles  portent  en  Allemagne  le  nom  de 
«  Schuhleistenkeil  »  (haches  en  empeigne  de  soulier).  M.  Mehlis  fait 
remarquer  qu'elles  ont  plutôt  dû  servir  de  bêches;  l'expérience  a  prouvé 
qu'elles  se  prêtent  fort  bien  à  ce  genre  d'utilisation.  Une  autre  hache 
de  pierre  n'a  que  5  cent,  de  long,  2  à  3,5  de  large,  1  à  -4  millim.  d'épais- 
seur; elle  a  dû  servir  de  pioche  pour  le  jardinage. 

La  situation  de  cette  station  est  intéressante  :  elle  est  placée  sur  une 
barre  diluviale  qui  domine  une  dépression  creusée  autrefois  par  le 
Speyerbach.  Les  habitants  se  livraient  à  la  pêche,  comme  le  prouve  un 
harpon  de  silex.  Sur  le  rivage  à  l'abri  des  inondations,  ils  faisaient  de 
la  culture  et  de  l'élevage;  on  a  trouvé  des  os  de  Bœuf  et  de  Cochon. 
Toutes  les  autres  stations  néolithiques  entre  Spire  et  Neustadt  occupent 
des  situations  analogues  sur  les  rives  élevées  des  cours  d'eau  et  dans 
le  voisinage  immédiat  de  l'eau.  Sur  l'autre  rive  du  Rhin  on  trouve, 
entre  Heidelberg,  Ladenburg  et  Mannheim,  des  stations  néolithiques  sur 
les  bords  du  Neckar,  toujours  sur  des  points  élevés,  et  non  loin  des 
prairies  et  de  l'eau.  Ces  régions  favorisées  ont  continué  à  être  habitées 
pendant  les  époques  du  bronze  et  du  fer,  ce  qui  tient  sans  doute  au  voi- 
sinage de  la  plaine  où  se  pratiquaient  la  pêche,  la  culture  et  l'élevage, 
et  de  la  montagne  où  on  pouvait  se  livrer  à  la  chasse. 

Au  point  de  vue  archéologique  la  période  néolithique  se  divise  de  la 
façon  suivante  dans  le  bassin  moyen  du  Rhin  :  1°  céramique  à  bande 
anguleuse  ancienne,  ou  type  de  Monsheim  ;  2°  céramique  à  bande  angu- 
leuse récente  ou  type  de  Rôssen;  céramique  à  bande  spirale  ou  type  de 
Flomborn. 

D'après  les  recherches  récentes  de  Bartels,  les  deux  derniers  types 
correspondent  à  un  changement  de  population.  Avec  la  céramique  de 
Rôssen  on  rencontre  des  crânes  mésocéphales,  à  face  haute  et  étroite; 
avec  celle  de  Flomborn,  la  dolichocéphalie  est  plus  accentuée,  la  face 
est  basse  et  large,  et  il  y  a  tendance  à  la  prognathie.  La  céramique  de 
Wallbôhl  appartient  tout  entière  au  type  à  bande  en  spirale;  mais  on 
n'a  pas  encore  trouvé  de  sépultures,  de  sorte  qu'on  ne  sait  rien  sur  le 
type  physique  des  habitants  de  la  station. 

C'est  du  sud  vers  le  nord  que  s'est  avancée  la  civilisation  du  type  de 
Flomborn.  D'après  M.  Mehlis  il  s'agirait  d'une  onde  de  Ligures,  qui  a 
refoulé  la  population  primitive  de  la  région.  Une  partie  de  celle-ci  a 
remonté  les  vallées  du  Main  et  du  Neckar,  ce  qui  explique  les  mélanges 
de  style  que  l'on  constate  à  Heilbronn,  et  la  rareté  de  la  céramique  à 
spirale.  Le  reste  a  dû  descendre  dans  la  vallée  moyenne  du  Danube  et 
passer  dans  la  haute  Italie  par  le  Brenner. 

B'  L.  L. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  163 

0.  ScHOETKNSAGK.  NeoUthische  Tongeâssscherben  des  Perm-livlândischen  Typus  und 
Kieselartefakte  von  Palkino  (Tessons  de  poteries  néolithiques  du  type  pormo-livo- 
nien  et  instruments  de  silex  de  Palkino,  gouvernement  de  Perm).  Zeilsclirift  fur 
Ethnologie,  t.  XXKVIl,  1905  [Verhandl.],  p.  357  (2  fîg.)- 

Les  objets  en  question  ont  été  trouvés  à  Palkino,  près  d'Ekaterinbourg, 
sur  le  versant  oriental  de  l'Oural.  Les  tessons  de  poterie,  nettement 
néolithiques,  ont  une  ressemblance  frappante  avec  ceux  trouvés  en  1877 
près  du  lac  Burtneck  en  Livonie.  Non  seulement  les  décors  sont  sem- 
blables mais  môme  la  matière  de  ces  vases  présente  une  similitude 
remarquable.  Dans  les  deux  cas  elle  renferme  des  fragments  de 
coquilles,  probablement  à'Unio.  Si  l'on  considère  que  ces  deux  stations 
sont  éloignées  de  plus  de  2.000  kilomètres  et  que  des  vases  aussi  fra- 
giles n'ont  pu  être  transportés  de  l'une  à  l'autre,  il  faut  admettre  que 
le  peuple  qui  possédait  cette  civilisation  se  livrait  à  des  migrations 
étendues  entre  l'Oural  et  la  Baltique.  Il  serait  intéressant  de  voir  si 
l'on  fera  des  trouvailles  analogues  dans  le  territoire  intermédiaire. 

La  couleur  des  tessons  de  Palkino  est  un  jaune-grisâtre  clair.  La 
forme  des  vases  ne  peut  être  reconstituée;  mais  d'après  la  courbure 
des  tessons,  leur  diamètre  ne  devait  pas  être  inférieur  à  15  centimètres. 
L'épaisseur  est  de  6  à  19  mm.  Le  bord  n'est  marqué  que  par  une  faible 
convexité.  Les  ornements  sont  en  creux;  on  remarque  des  cordons 
droits  ou  brisés,  des  zigzags,  des  croix  obliques  placées  en  rangs,  des 
ornements  en  T,  des  cavités  arrondies,  des  rangées  de  triangles,  etc. 
Virchow  avait  déjà  signalé  {Zeitschrift,  1877)  sur  les  tessons  de  Livonie 
les  particularités  de  ce  décor,  qui  font  de  cette  céramique  un  type 
spécial. 

En  Livonie  on  n'avait  trouvé  avec  les  poteries  que  des  instruments 
en  os.  Les  tessons  de  Palkino  étaient  en  revanche  accompagnés  d'instru- 
ments en  silex.  Ce  sont  des  couteaux  à  section  triangulaire  ou  tra- 
pézoïde,  des  pointes  de  flèches  à  cran,  dont  quelques-unes  sont  créne- 
lées. Ou  n'a  malheureusement  pu  déterminer  si  ces  pièces  proviennent 
d'une  sépulture  ou  d'une  station. 

Dr  L.  L. 

W.  Pekedolski.  Eine  bildliche  Darstellung  des  Menschen,  etc  (Figuration  de 
l'homme  sur  un  vase  de  terre  néolithique).  Archiv  fur  Anthropologie,  vol.  III, 
fasc.  4,  1905,  p.  289  (1  pi.). 

Le  vase  en  question  a  été  trouvé  en  1901  dans  une  station  néolithique 
située  sur  les  rives  du  lac  Ilmen,  en  Russie.  On  se  rappelle  que  dans 
l'ouvrage  d'Ouvarov  paru  en  1881,  cet  auteur  n'indiquait  aucune  trace 
de  l'âge  de  la  pierre  entre  Novgorod  et  l'Ilmen.  Novgorod,  berceau  de 
la  nation  russe,  apparaissait  effectivement  comme  une  ville  neuve  fon- 
dée en  pays  vierge,  par  des  Ariens  venus  d'Asie.  Cette  théorie  arienne 


164  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

reçut  un  premier  ébranlement  en  1882  lorsque  Inostrantsev  eut  décrit 
les  restes  de  rûge  de  la  pierre  trouvés  près  du  lac  Ladoga.  En  1886 
Peredolski  découvrit  à  l'embonchure  du  Volchov,  près  de  Kolomza,  une 
grande  station  néolithique,  qui  a  donné  plusieurs  milliers  d'objets.  La 
nature  du  gisement  prouve  qu'il  date  au  moins  de  la  seconde  époque 
glaciaire;  la  station  de  Kolomza  est  située  exactement  à  la  limite  méri- 
dionale du  glacier  russo-scandinave  le  plus  récent. 

La  station  trouvée  en  1901  par  l'auteur,  est  située  à  2-3  kilomètres 
de  Kolomza;  elle  date  de  la  même  période  que  la  précédente.  Elle  est 
caractérisée  par  des  pointes  de  lances  et  de  flèches  très  soignées.  Mais 
en  môme  temps  on  trouve  des  pointes  du  type  de  Saint-Acheul  et  du 
Moustier  et  même  des  débris  ressemblant  aux  silex  tertiaires  de  The- 
nay.  Ce  fait  confirme  ce  qui  a  toujours  été  dit  ici,  à  savoir  que  l'âge 
d'une  trouvaille  n'est  pas  donné  par  le  type  des  instruments,  mais  par 
la  stratigraphie. 

Les  grattoirs  sont  très  nombreux,  ce  qui  prouve  que  les  habitants  de 
la  station  étaient  chasseurs  et  s'occupaient  de  la  préparation  des  peaux. 
Beaucoup  d'armes  sont  polies  :  elles  sont  en  schiste.  Or  cette  roche 
n'existe  pas  dans  la  région  de  Novgorod  et,  comme  le  nord  de  l'Europe 
était  à  cette  époque  recouvert  de  glace,  cette  matière  ne  peut  provenir 
que  de  l'Oural.  Elle  en  était  apportée  à  l'état  brut,  ou  seulement  ébau- 
chée, car  un  grand  nombre  de  pièces  ne  sont  pas  terminées.  On  a  d'ailleurs 
trouvé  deux  pierres  à  aiguiser,  qui  servaient  à  achever  les  instruments. 

Il  faut  noter  également  un  objet  assez  fréquent  dans  les  stations  du 
lac  Ilmen  :  ce  sont  les  pierres  à  cupule.  Près  du  village  de  Desiétino,  il 
y  a  un  bloc  de  granit  de  près  de  2  mètres  cubes,  dont  la  surface  porte 
sept  dépressions  arrondies  disposées  comme  les  étoiles  de  la  Grande 
Ourse.  Près  d'Erounovo,  un  bloc  porte  huit  rangées  de  dépressions  en 
croissant.  Une  autre  pierre,  située  près  de  la  Verenda,  affluent  de 
rilmen,  est  entièrement  couverte  de  demi-lunes.  Toutes  ces  pierres 
datent  du  début  de  l'époque  néolithique. 

La  station  de  Kolomza  n'est  visible  que  lorsque  les  eaux  de  l'ilmen 
sont  basses;  elle  forme  une  couche  sombre  entre  l'argile  bleue  déposée 
lors  de  la  première  extension  des  glaces  et  le  limon  rouge  supérieur, 
qui  ne  renferme  aucune  trace  de  l'homme.  11  est  probable  que  le  dépôt 
de  ce  limon  reconnaît  la  même  cause  que  celle  qui  a  forcé  l'homme  à 
abandonner  la  région  :  la  fusion  du  second  glacier  russo-scandinave  et 
l'inondation  du  pays.  La  couche  néolithique  est  actuellement  située  plus 
bas  que  le  niveau  moyen  du  lac. 

C'est  dans  cette  couche  qu'ont  été  trouvés  les  tessons  qui  font  le  sujet 
de  cet  article.  Us  ont  permis  de  reconstituer  un  vase  haut  de  70  cent., 
épais  de  12  millim.,  en  terre  bien  cuite.  Il  est  de  forme  sphérique,  noir 
à  l'intérieur,  jaune  clair  à  l'extérieur.  La  face  interne  porte  des  impres- 
sions qui  peuvent  faire  penser  qu'on  s'est  servi,  pour  faire  le  vase,  d'un 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  165 

noyau  en  herbages  noués  ensemble.  Sur  la  face  externe  se  trouvent  des 
ornements  constitués  par  six  bandes  parallèles  au  bord  supérieur;  cha- 
cune d'elles  est  large  de  7  cent.,  et  formée  de  séries  de  sillons  verti- 
caux. Ces  bandes  ont  visiblement  été  produites  par  l'application  de 
rubans  tissés  en  herbages.  Au  dessus  se  trouvent  cinq  figures  animales 
et  une  figure  humaine  qui  semblent  avoir  été  effectuées  par  le  même 
procédé.  Les  animaux  sont  tous  tournés  du  même  côté;  on  distingue 
un  corps,  un  long  cou  et  une  tête,  mais  pas  de  membres.  La  figure 
humaine  a  un  corps  et  quatre  membres  représentés  chacun  par  une 
rangée  de  dépressions;  la  tête  est  figurée  par  un  cercle;  elle  porte  deux 
traits  divergents  qui  peuvent  figurer  des  plumes.  A  l'aisselle  des  bras  se 
voient  deux  petits  prolongements  qui  représentent  peut-être  les  seins. 
Il  s'agirait  donc  d'une  femme  nue  et  stylisée.  Comme  jusqu'à  présent  on 
ne  connaissait  pas  de  figure  humaine  datant  de  l*époque  néolithique, 
il  était  intéressant  de  signaler  celle-ci,  malgré  son  caractère  rudimen- 
taire.  D'autre  part  il  est  bien  curieux  de  noter  que  c'est  dans  cette  région 
même  de  Novgorod,  d'où  date  le  développement  historique  de  la  Russie, 
que  nous  apparaît,  dès  le  retrait  des  glaces,  la  civilisation  néolithique. 

D--  L.  L. 

F.  DouMERfiUE.  Nouvelles  contributions  au  Préhistorique  de  la  province  d'Oran 
m  Bull.  Soc.  Géogr.  et  Archéol.  Oran,  t.  XXV,  fasc.  CV  (oct.-déc.  1905) 
pp.  399-412. 

Dans  ce  travail  (qui  est  un  complément  à  celui  qui  a  été  publié  in 
A.  P .  A.  S.,  1898),  M.  Doumergue  mentionne  85  stations  dont  la  plupart 
encore  inconnues.  En  général  les  trouvailles  faites  dans  ces  stations  se 
bornent  à  des  silex  de  facture  grossière  sans  cachet  bien  défini  et  à  la 
découverte  de  débris  de  haches  polies. 

A  Aïn  Guettara,  M.  D.  a  récolté  à  la  surface  deux  haches  chelléennes. 
A  Tafaraoui,  il  a  observé  un  foyer  assez  étendu  d'où  il  a  extrait  des 
débris  de  Gazelle,  des  Hélix  et  des  silex  de  petite  taille.  Dans  plusieurs 
localités  l'auteur  a  signalé  des  tumulus  où  il  serait  désirable  de  faire 
les  fouilles.  Enfin  à  Tit  Mokrani  M.  D.  a  remarqué  de  curieux  amoncel- 
lements de  pierres  ayant  la  forme  de  colonnes  ou  de  pyramides  qui  lui 
paraissent  être  des  monuments  mégalithiques. 

Les  découvertes  de  M.  D.  viennent  augmenter  très  sensiblement  le 
nombre  des  stations  déjà  signalées  dans  le  département  d'Oran  et  nous 
félicitons  très  vivement  cet  observateur  pour  le  zèle  dont  il  fait  preuve 
dans  ses  recherches. 

P.   Pallary. 

HoBBNEs  (D^  Moritz).   Die    Hallstattperiode  (La   période    de   Hallstatt).    Arc/iiv    fiir 

Anthropologie,  t.  111,  1905,  q»  4. 

Une  vaste   monographie   critique  sur  la  période  de  Hallstatt  était 


16(>  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

depuis  longtemps  désirée  par  les  préhistoriens,  dont  aucun  nignorait 
la  très  grande  difficulté  d'une  semblable  tache.  Il  appartenait  à 
M.  Iloernes,  le  savant  professeur  de  préhistoire  à  l'Université  de  Vienne, 
plus  compétent  que  personne  en  cette  matière,  de  répondre  à  cet  appel. 
Nous  le  félicitons  de  l'article  important,  qu'il  vient  de  publier,  et  que 
suivra  bientôt,  nous  l'espérons,  un  grand  ouvrage. 

Le  Hallstattien  est  divisé  en  général  en  deux  phases,  une  première, 
de  longue  durée,  pendant  laquelle  dominait  le  style  européo-géomé- 
trique,  et  une  plus  récente  et  plus  courte,  pendant  laquelle  prévalait 
le  style  oriental  et  plus  tard  hellénique.  La  première  finit,  d'après  les 
uns,  vers  700, d'après  les  autres,  vers  600à  500,  avant  J.-C.  La  civilisation 
hallstattienne  est  essentiellement  continentale  et  constitue  un  phéno- 
mène retardataire.  Elle  ne  s'est  répandue  d'une  façon  plus  importante 
ni  vers  la  Méditerranée,  ni  vers  la  mer  de  Nord  ou  vers  l'Océan.  Elle  a 
eu  au  Sud  de  l'Europe  son  épanouissement,  elle  n'a  pas  dépassé  le  Nord 
de  ce  continent,  elle  s'est  terminée  et  restreinte  à  l'Ouest  à  l'époque 
des  Celtes.  M.  Hoernes  ne  se  perd  pas  dans  les  hypothèses  ethnogra- 
phiques, actuellement  à  la  mode,  surtout  chez  les  savants  allemands, 
d'après  lesquelles  les  Germains_,  descendants  de  la  grande  famille  indo- 
européenne, auraient  alors  dominé  l'histoire  de  l'Europe;  il  critique  ces 
rêveries  prématurées  et  il  préfère  se  borner  à  une  exposition  scienti- 
fique des  connaissances  positives  actuelles  sur  la  civilisation  hallstat- 
tienne, en  renonçant  à  toute  discussion  stérile  sur  les  races,  les  peuples 
ou  les  nationalités. 

Les  habitations  de  l'époque  de  Hallstatt  n'offrent  rien  de  nouveau  par 
rapport  à  celles  de  l'âge  de  la  pierre  polie  ou  du  bronze;  elles  sont 
encore  véritablement  «  préhistoriques  »  et  ne  présentent  jamais  des 
pierres  d'appareils  ou  des  tuiles.  Les  villages,  hameaux,  etc.  se  trouvent 
pour  la  plupart  sur  les  hauteurs  et  sont  souvent  fortifiés  par  des  rem- 
parts ou  fossés.  Les  constructions  mêmes  sont  tantôt  des  huttes  qua- 
drangulaires,  reposant  sur  des  terrasses  aplanies,  ou  complètement 
artificielles,  tantôt  des  cabanes  creusées.  Les  «  fondi  de  capanne  »  de 
ritalie  supérieure  prouvent  que  ce  pays  aussi  étaitencore  '.<  hallstattien  » 
même  vers  la  domination  des  Étrusques  (400  avant  J.-C).  Il  en  fut  de 
même  jusqu'à  700  avant  notre  ère  pour  l'Italie  moyenne  et  en  partie 
pour  ritalie  inférieure.  Les  urnes  singulières,  en  forme  de  petites  mai- 
sons, qu'on  rencontre  aussi  bien  au  Sud  qu'au  Nord  de  l'Europe  (sauf 
l'Allemagne  du  Sud)  appartiennent  au  commencement  du  Hallstattien, 
mais  M.  Hoernes  n'ose  pas  tirer  des  conclusions  précises  de  cette  répar- 
tition particulière. 

Quant  aux  sépultures  on  rencontre,  à  notre  époque,  des  tumulus  et 
des  sépultures  simples^  des  incinérations  et  des  inhumations.  Les  tumu- 
lus et  l'incinération  sont  simplement  la  suite  de  ceux  de  l'âge  du  bronze 
et  continuent  pendant  toute  l'époque  nouvelle,  mais  l'inhumation  ne 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  167 

fait  défaut  à  aucun  moment.  Cette  dernière  est  néanmoins  quelque  chose 
de  nouveau  dans  l'Europe  moyenne,  importée  du  Sud  par  l'influence 
grecque  et  orientale.  Le  Nord  de  l'Europe  a  usé  de  l'incinération  jus- 
qu'à Tépoque  romaine,  k  Hallstatt  même  il  n'y  a  pas  de  doute  que  les 
tombeaux  les  plus  anciens  contiennent  exclusivement  des  incinérations 
et  leur  mobilier  funéraire  est  plus  riche.  Les  «  sépultures  mixtes  », 
dans  lesquelles  se  présentent  des  parties  de  corps  humains  incinérés 
et  d'autres  inhumés,  sont  encore  une  énigme.  M.  Hoernes  ne  nie  pas 
que  des  mœurs  particulières  étaient  quelquefois  la  cause  de  cette  sin- 
gularité, mais  il  est  convaincu  qu'il  s'agit  souvent  seulement  de  plu- 
sieurs tombeaux  successifs  et  de  mode  différente,  où  des  remaniements 
secondaires  ont  nécessairement  eu  lieu. 

C'est  surtout  le  petit  mobilier,  très  abondant  dans  les  tombeaux,  qui 
nous  permet  de  classer  exactement  les  différentes  phases  hallstattiennes. 
Le  rôle  du  bronze  touche  à  sa  fin;  il  ne  sert  plus  que  pour  les 
bijoux,  les  parures,  etc.  Quant  au  fer,  on  peut  distinguer  trois  étapes  : 
la  première,  où  le  fer  n'est  qu'un  métal  de  luxe,  plus  précieux  que  le 
bronze,  la  seconde,  où  il  remplace  le  bronze  aussi  pour  les  bijoux,  la 
troisième,  où  il  est  le  métal  usuel,  qui  domine  d'une  façon  absolue 
pour  la  fabrication  des  outils  et  des  armes.  M.  Hoernes  croit,  que 
c'étaient  des  forgerons  voyageurs  qui  ont  donné  le  branle  aux  indus- 
tries locales  du  fer^  qui  n'ont  systématiquement  commencé  qu'assez 
tard,  mais  alors  avec  beaucoup  d'activité.  En  aucun  cas  nous  ne  possé- 
dons des  indications  de  migrations  de  peuples  remarquables  à  cette 
époque,  auxquelles  on  pourrait  rapporter  cette  nouvelle  civilisation. 
L'or  est  très  rare,  encore  plus  l'argent;  le  plomb,  le  cuivre  et  l'étain 
servent  surtout  pour  la  fabrication  du  bronze. 

Les  types  hallstattiens  diffèrent  de  ceux  de  l'âge  du  bronze  par  une 
variété  considérable;  en  général,  tous  les  bijoux  en  fer  sont  indigènes, 
ainsi  que  la  plupart  des  armes  et  des  outils  en  fer_,  les  bronzes  et  les  vases 
en  terre  cuite,  soit  de  style  simple,  soit  imitations;  évidemment  sont  en 
général  étrangers  tous  les  types  méridionaux  trouvés  isolément, 
ensuite  toute  la  poterie  faite  au  tour,  les  objets  en  verre  ou  en  émail  et 
les  bronzes  estampés  très  fins.  Il  est  certain  que  la  grande  porte  d'en- 
trée pour  la  civilisation  hallstattienne  fut  le  Nord  de  la  mer  Adriatique, 
le  pays  des  Illyriens,  dont  les  stations  d'Esté,  SantaLucia,  Saint-Michael, 
Watsch.  etc.  sont  fort  célèbres.  Cette  province  adriatique  (ou  celle  de 
l'Est  des  Alpes),  à  laquelle  appartiennent  le  groupe  d'Esté,  de  Novilara, 
la  Dalmalie,  la  Croatie  et  la  Bosnie,  est  d'une  importance  capitale.  Le 
Hallstattien  de  l'Europe  centrale  forme  :  a)  un  groupe  du  Sud-Est, 
(entre  la  mer  Adriatique  et  la  Drave)  ;  b)  un  groupe  moyen  (le  Nord  de 
la  Carinthie  et  de  la  Styrie,  l'Ouest  de  la  Hongrie,  la  Haute  et  la  Basse 
Autriche,  le  Sud  de  la  Bohême  et  de  la  Moravie)  ;  c)  un  groupe  du  Nord- 
Est  (le  Palatinat  supérieur,  le  Nord  de  la  Bohême  et  de  la  Moravie,  la 


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MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 


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Première  et 

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MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  169 

Silésie  et  la  province  do  Posen);  d)  un  groupe  d'Ouest  (l'Allemagne  du 
Sud  et  de  l'Ouest,  le  Nord  de  la  Suisse  et  l'Est  de  la  France). 

Nous  aurons  l'occasion  de  discuter  les  types  concordants  et  discor- 
dants de  ces  divers  groupes,  quand  M.  Hoernes  aura  publié  son  grand 
livre  détaillé.  Voici  le  tableau  comparatif,  que  le  savant  auteur  a 
ajouté  (comme  essai  préliminaire)  à  son  important  travail. 

D»"  H.  Obermayer. 

Joseph  Hampel.  Alterluemer  des  fruehen  Mittelalters  in  Ungarn  (Antiquités  du 
commeucement  du  moyeu  âge  en  Hongrie).  2  volumes  et  1  atlas.  F.  Vieweg  et 
flls,  Brunswick,  1905. 

L'histoire  primitive  de  la  Hongrie  s'étend  jusqu'à  1.000  après  J.-C.  et 
ses  dernières  époques,  à  partir  de  la  période  romaine  jusqu'au  roi  saint 
Etienne,  ne  sont  pas  moins  importantes  que  les  phases  purement  pré- 
historiques de  ce  pays  intéressant.  Car  la  Hongrie  fut  de  tout  temps  un 
milieu  de  transition  pour  les  peuples  reliant  TOrient  et  le  sud-est  de 
l'Europe  à  la  partie  centrale  du  continent.  Cette  position  centrale  y 
amassa,  surtout  après  la  destruction  de  Tempire  romain,  des  trésors 
uniques  de  l'antiquité  classique  mourante  et  des  barbares,  dont  nous 
trouvons  les  vestiges  même  dans  les  traditions  héroïques  et  dans  l'his- 
toire d'Allemagne.  De  cette  manière  nous  y  rencontrons  non  seulement 
des  antiquités  des  peuples  germaniques,  mêlées  à  des  produits  carolin- 
giens et  langobardiens,  mais  avant  tout  de  riches  trésors  de  l'époque 
païenne  hongroise,  où  se  reflètent  la  civilisation  et  l'art  byzantins,  sas- 
sanides  et  orientaux. 

Seul  un  savant,  comme  M.  le  D'"  J.  Hampel,  professeur  à  l'Université 
et  directeur  du  musée  national  de  Budapest,  pouvait  entreprendre  de 
décrire  ce  monde  nouveau,  jusqu'ici  presque  inconnu  des  savants,  qui 
ne  pouvaient  lire  les  ouvrages  en  langue  hongroise.  L'œuvre  de  toute 
sa  vie  comprend  deux  volumes,  dont  le  premier  compte  851:)  pages  avec 
2.359  figures,  le  second  1006  pages  avec  un  nombre  à  peu  près  égal 
d'illustrations,  et  un  Atlas  comprenant  539  tableaux.  Ces  indications 
suffiront  à  donner  au  lecteur  une  idée  des  matières  que  le  maître  de 
l'archéologie  hongroise  a  traitées  d^une  façon  remarquable. 

Les  changements  fréquents  de  la  population  ont  créé  en  Hongrie  une 
véritable  mosaïque  de  peuples,  de  sorte  que  M.  Hampel  se  voit  amené 
à  diviser  les  antiquités  de  ce  pays  en  quatre  grands  groupes  : 

a)  Le  premier  groupe,  pourvu  de  riches  trésors  et  de  découvertes 
faites  dans  les  sépultures,  a  pris  naissance  sous  l'influence  antique;  on 
lui  attribue  le  nom  de  groupe  germanique.  Il  s'étend  du  iv«  au  ix^  siècle 
(jusqu'à  la  chute  de  l'empire  des  Avares). 

b)  Encore  plus  influencé  par  l'extrême  civilisation  romaine  et  par  celle 
des  pays  à  l'est  de  la  Méditerranée,  fut  le  groupe  des  Sarmates,  qui  va 


no  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

également  du  iv«  jusqu'au  tx*' siècle.  La  plupart  de  ses  restes  se  trouvent 
dans  la  grande  plaine  hongroise  et  sur  le  terrain  pannonien. 

c)  Le  troisième  groupe  est  extrêmement  mêlé;  on  l'appelle  groupe  des 
Avares,  peuple  qui  a  joué  un  rôle  dominant  depuis  la  seconde  moitié 
du  vi^  siècle  jusque  vers  le  ix*"  siècle.  L'immigration  des  Slaves  en  Hon- 
grie a  eu  lieu  probablement  avant  le  vi''  siècle;  à  cette  même  époque, 
les  Avares  conquirent  le  pays  et  y  dominèrent  jusqu'à  la  fin  du  viir  siècle, 
pour  céder  la  place  aux  Francs,  avec  lesquels  les  Bajuvares,  Lango- 
bardes,  etc.,  ont  également  pénétré  dans  les  parties  occidentales.  Néan- 
moins M.  Hampel  conclut  avec  raison  que,  quoique  les  Avares  aient  été 
maîtres  du  pays,  l'industrie  contemporaine  doit  être  attribuée,  comme 
celle  de  tous  les  peuples  équestres,  aux  indigènes  assujettis. 

d)  Le  groupe  hongrois  est  surtout  déterminé  par  des  monnaies  du  ix° 
et  X'  siècle;  il  va  jusqu'au  xii«. 

C'est  à  travers  ce  kaléidoscope  de  peuples  qui  nous  ont  laissé  heureu- 
sement des  traces  archéologiques  innombrables,  que  M.  Hampel  con- 
duit les  savants,  en  exposant  et  discutant  les  divers  groupes  d'antiqui- 
tés. Le  chapitre  intéressant  sur  les  forteresses  et  les  habitations  est 
suivi  d'autres  non  moins  importants  sur  les  tombeaux  (ornés  de  sym- 
boles chrétiens  et  païens),  sur  les  outils  (haches,  marteaux,  couteaux), 
et  sur  les  instruments  de  la  vie  quotidienne  (surtout  les  meules,  les 
fuseaux,  les  clefs,  les  objets  de  toilette).  D'un  extrême  intérêt  est  le 
chapitre  sur  les  vases  en  terre  cuite  et  en  métal  (surtout  en  or  et  en 
argent),  ceux  sur  les  armes  (flèches,  lances,  poignards,  épées,  sabres, 
étriers  et  brides).  Je  citerai  encore  de  savants  exposés  sur  les  vêtements 
et  sur  la  bijouterie  (fibules,  diadèmes,  boucles  d'oreilles,  aiguilles, 
bagues,  perles,  etc.).  L'archéologie,  qui  s'occupe  de  l'histoire  de  l'art 
et  de  l'ornementation  comparée,  étudiera  avec  plaisir  la  seconde  partie 
relative  aux  ornements  (ornements  plats,  en  relief,  ornements  végé- 
taux, etc.). 

Le  second  volume  donne  la  description  détaillée  des  découvertes 
archéologiques  des  quatre  groupes  à  la  fois.  M.  Hampel  consacre  au 
premier  70  pages  (avec  beaucoup  d'illustrations  dans  le  texte)  auxquelles 
correspondent  63  planches  dans  l'Atlas.  Au  second  groupe  sont  réser- 
vées 260  pages  de  texte  et  195  planches,  au  troisième  97  pages  et 
63  planches,  au  quatrième  247  pages  et  106  planches.  Je  voudrais  atti- 
rer l'attention  des  lecteurs  parmi  les  98  planches  du  supplément  sur- 
tout sur  celles  où  sont  splendidement  reproduits  les  olifants  primitifs. 
Cet  exposé  ne  donne  qu'une  insuffisante  idée  des  richesses  traitées 
dans  l'ouvrage.  Il  n'y  a  guère  de  question  d'ethnologie  ancienne,  d'ar- 
chéologie, d'histoire  de  civilisation  et  de  Fart  hongrois,  qui  ne  se 
trouve  ici  largement  traitée  et  souvent  définitivement  résolue.  M.  Ham- 
pel a  produit  une  œuvre  fondamentale,  digne  d'être  mise  à  côté  du 
manuel  d'archéologie  allemande  de  M.  Lindenschmidt  :  Handbuch  der 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  171 

deutscken  Altertumskunde.   Pas   un   savant  s'occupant  de    la   fin   des 
époques  primitives  en  Europe,  ne  pourra  s'en  passer  à  l'avenir. 

D^  H.  0. 

L.   Manouvbier.  Crânes  de  l'époque  mérovingienne.  Bull.  Soc.  Anlhrop.,  n»*  5-6, 

1905. 

Le  D»"  L,  Manouvrier  présente  à  la  Société  d'Anthropologie  cinq  crânes 
recueillis  par  M.  Boulanger  (2  au  cimetière  mérovingien  de  Cléry  et 
3  au  cimetière  mérovingien  de  Maurepas,  dans  la  Somme).  Ces  crânes 
sont  trop  peu  nombreux  pour  pouvoir  servir  à  caractériser  un  type 
ethnique,  mais  l'un  d'eux  se  trouve  être  individuellement  très  remar- 
quable. Son  aspect  général,  son  prognathisme  très  accentué,  la  forme 
en  U  de  ses  mâchoires,  lui  donne  une  allure  australoïde  assez  nette, 
seulement  corrigée  par  les  caractères  de  la  région  nasale.  11  ne  faudrait 
pas,  daprès  l'auteur,  attribuer  pour  cela  à  ce  crâne  une  origine  ethnique 
particulière.  Ce  serait  à  son  avis  le  mélange  d'un  certain  nombre  de 
caractères  crâniens  du  Néanderthal  et  de  Spy  avec  un  prognathisme 
très  accusé  et  les  marques  d'une  polistesse  squelettique  générale  qui 
aurait  donné  à  ce  crâne  son  aspect  spécial. 

Si  on  rapproche  ce  cas  de  ceux  dans  lesquels  on  a  déjà  trouvé  des 
ressemblances  avec  certains  crânes  exotiques,  on  ne  peut  s'empêcher, 
dit  M.  L.  Manouvrier,  de  voir  dans  ces  réalisations  morphologiques  un 
argument  en  faveur  de  l'hypothèse  monogéniste. 

R.  Anthony. 

L.    Capit>n   et    Papillault.    L'identification  du    cadavre    de   Paul   Jones  et  son 
autopsie,  113  ans  après  sa  mort.  Bull.  Soc.  Anlhrop..,  nos  5.5^  1905. 

Chacun  se  rappelle  sans  doute  qu'au  cours  de  Tannée  dernière  (1905) 
le  gouvernement  des  Etats-Unis  envoya  en  France  une  mission  spéciale 
qui  avait  charge  de  ramener  en  terre  américaine  le  cadavre  de  l'amiral 
Paul  Jones,  le  fondateur  de  la  marine  américaine. 

Paul  Jones  était,  par  le  fait  de  circonstances  spéciales,  mort  à  Paris 
en  1792  et  avait  été  enterré  au  cimetière  des  protestants  étrangers,  rue 
Grange-aux-Belles.  Ce  cimetière  ancien  est  aujourd'hui  couvert  de  mai- 
sons, et  on  ignorait  dans  quelle  partie  du  cimetière  pouvait  être  son 
cercueil.  Tout  ce  que  l'on  savait,  c'est  que  Pillustre  marin  avait  été 
inhumé  dans  un  cercueil  de  plomb;  mais  cela  était  bien  insuftisant 
comme  renseignement.  Sous  une  maison  on  trouva  un  cercueil  sem- 
blant répondre  assez  bien  au  signalement;  on  le  transporta  à  l'Ecole 
pratique  de  la  Faculté  de  Médecine,  et  ce  fut  là  que  son  ouverture  fut 
pratiquée,  il  contenait  un  cadavre  en  bon  état  de  conservation,  por- 
tant une  chemise  sur  le  devant  de  laquelle  était  une  marque  formée 
d'un  J  et  d'un  P  associés  en  un  seul  chiffre.  Il  y  avait  donc  déjà  de  très 
fortes  présomptions  pour  que  ce  fût  là  le  cadavre  de  Paul  Jones,  mais 


172  MOUVEMENT  SCIENTfFIQUE. 

ridentitlcation  basée  sur  les  caractères  physiques  pouvait  seule  tran- 
cher la  question  d'une  façon  définitive.  MM.  Capitan  et  PapillauU 
étaient  charités  de  cet  important  et  délicat  travail.  Ils  n'avaient  pour 
cela,  à  leur  disposition,  que  deux  sources  de  documents  :  quelques 
détails  historiques  sur  Thabitus  extérieur  de  l'amiral  et  deux  bustes  du 
personnage  attribués  à  Houdon.  On  savait  que  Paul  Jones  était  mort  à 
45  ans,  qu'il  avait  les  cheveux  bruns  et  une  taille  de  i°^,10.  L'examen 
du  sujet  fut  d'accord  avec  ces  données. 

Des  deux  bustes  précités,  un  seul  fut  utilisé  par  les  anthropologistes, 
celui  qui  appartient  au  Musée  de  Philadelphie  et  dont  il  existe  un  mou- 
lage au  Trocadéro.  Au  point  de  vue  descriptif  pur,  les  anthropolo- 
gistes purent  se  rendre  compte  que  sur  le  buste  et  le  cadavre  le  mode 
d'implantation  des  cheveux,  la  forme  du  front,  celle  des  os  malaires,  de 
la  racine  du  nez,  du  menton,  de  l'oreille  étaient  identiques;  Tun  et 
l'autre  présentaient  le  même  prognathisme  général  de  la  face  et  le 
même  prognathisme  particulier  de  la  mandibule. 

Outre  cela,  MM.  Capitan  et  PapillauU  purent  relever  6  mesures  sen- 
siblement identiques.  La  coïncidence  de  tous  ces  détails  si  précis 
mettait  hors  de  doute  l'incontestabilité  de  ce  fait,  que  le  cadavre  en 
question  était  bien  celui  de  Paul  Jones. 

L'anatomie  pathologique  vint  encore  corroborer  ces  résultats  déjà 
si  certains,  et  le  professeur  Cornil  a  pu  reconnaître  sur  des  coupes  des 
différents  viscères  de  l'amiral  les  lésions  histologiques  correspondant 
aux  maladies  dont  il  avait  souffert  pendant  son  existence. 

A  la  suite  de  la  lecture  de  cet  intéressant  travail  à  la  Société  d'An- 
thropologiC;,  le  professeur  L.  Manouvrier,  tout  en  déclarant  que  pour 
lui  l'identité  du  cadavre  de  Paul  Jones  ne  faisait  aucune  espèce  de  doute, 
regrette  que  MM.  Capitan  et  PapillauU  n'aient  pas  songé  à  faire  mouler 
en  entier  la  tète  du  cadavre  après  en  avoir  disposé  la  chevelure  comme 
elle  l'est  sur  le  buste  de  Houdon..  Sur  une  épreuve  de  ce  moulage  un 
anatomiste  expérimenté,  assisté  d'un  sculpteur  habile,  aurait  pu  essayer 
d'effacer  autant  que  possible  les  altérations  des  traits  d'origine  cada- 
vérique ;  et  le  document  ainsi  obtenu  aurait  pu  être  exposé  dans  un 
Musée  d'Amérique. 

On  ne  peut  que  trouver  excellente  l'idée  de  L.  Manouvrier  qui,  si 
elle  eût  été  mise  à  exécution,  eut  eu  l'avantage  d'éviter  aux  Américains 
le  moindre  doute  sur  l'identité  de  leur  grand  homme. 

R.  A. 

A.  IvA^ovsKl.  Ob  antropologuitcheskom  sostavié  naselenia  Rossii  (Sur  les  éléments 
constitutifs  de  la  population  de  la  Russie).  Bulletin  de  la  Soc.  Imp.  des  Amis  des 
se.  natur.,  d'anthrop.  et  d'ethnographie  auprès  de  iVniversité  de  Moscou,  t.  CV, 
1904,  p.  1-287. 

Les  études  relatives  aux  caractères  anthropologiques  des  populations 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  173 

de  la  Russie  sont  de  date  assez  récente.  C'est,  en  effet,  à  la  deuxième 
moitié  du  siècle  dernier  que  remontent  les  travaux  concernant  Torga- 
nisation  physique  des  différents  peuples  habilant  la  Russie;  des  données 
précises,  des  études  anthropologiques  proprement  dites,  dues  aux 
efforts  des  savants  russes  aussi  bien  qu'à  ceux  des  étrangers,  sont  plus 
récentes  encore.  Il  est  curieux  de  remarquer  que  les  peuplades  habi- 
tant les  provinces  baltiques,  la  Sibérie,  le  Caucase,  l'Oural...  ont  attiré 
surtout  l'attention  des  anthropologistes,  de  sorte  que  l'étude  des  habi- 
tants de  la  Russie  centrale,  des  Russes  proprement  dits,  laisse  encore 
beaucoup  à  désirer.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  matériaux  relatifs  à  l'anthro- 
pologie de  la  Russie  sont  à  l'heure  actuelle  déjà  tellement  considérables 
qu'un  certain  classement  des  données  acquises  dispersées  dans  toutes 
sortes  de  publications,  qu'une  systématisation  et  une  étude  compara- 
tive des  caractères  anthropométriques  des  différents  peuples  de  la  Rus- 
sie, s'imposaient  d'une  manière  pressante.  C'est  celte  tâche,  très  aride, 
mais  d'une  importance  indiscutable,  que  s'est  donnée  M.  Ivanovski,  et 
l'œuvre  qu'il  nous  fournit  est  d'une  grande  valeur,  non  seulement  pour 
ceux  qui  désireraient  se  mettre  au  courant  de  l'état  actuel  de  la  ques- 
tion, mais  aussi  pour  les  travailleurs  futurs  qui  y  trouveront  une 
bibliographie  très  riche,  comprenant  même  des  travaux  inédits. 

Les  caractères  anthropologiques  qui  servent  de  base  à  la  classifica- 
tion de  M.  Ivanovski  sont  les  suivants  ;  1)  la  couleur  des  cheveux  et  des 
yeux,  2)  la  taille,  3)  l'indice  céphalique,  4)  l'indice  facial,  5)  l  indice 
nasal,  6)  la  hauteur  du  crâne,  7)  la  longueur  du  tronc,  8)  le  périmètre 
thoracique,9)la  longueur  des  bras  et  10)  la  longueur  des  jambes. 

Certes,  on  pourrait  reprocher  à  l'auteur  d'avoir  laissé  dans  l'ombre 
plusieurs  autres  caractères  différentiels  du  type  physique,  mais  il  ne 
faut  pas  oublier  que  le  choix  de  ceux-ci  était  forcément  limité  par  la 
nature  des  travaux  existants,  et  qu'il  n'a  pu  utiliser  que  les  mensurations 
faites  par  divers  auteurs,  chez  les  différents  peuples  de  la  Russie,  de  la 
manière  la  plus  uniforme  et  la  plus  explicite. 

Notons  tout  d'abord  que  l'étude  anthropologique  de  M.  Ivanovski 
s'étend  à  84  groupes  ethniques  russes.  De  nombreux  tableaux,  des 
cartes  etc.,  en  facilitent  l'exposé. 

1.  Le  type  blond  a  très  peu  de  représentants  dans  la  population  de  la 
Russie  (13  0/0);  la  grande  majorité  appartient  au  type  mélangé  (25  0/0) 
et  surtout  au  type  brun  (62  0/0).  Un  coup  d'œil  jeté  sur  la  carte  de  la 
Russie  européenne  accompagnant  le  mémoire  met  en  évidence  que  le 
type  blond  est  plus  répandu  à  l'est  qu'à  l'ouest,  et  qu'il  est  plus  clair  au 
nord  qu'au  sud.  Au  Caucase,  il  n'y  a  que  5  0/0  de  blonds,  les  éléments 
autochtones  sont  surtout  du  type  brun  (75  0/0).  Ce  dernier  type  a  plus 
de  représentants  encore  en  Sibérie  (85  0/0)  et  surtout  en  Asie  moyenne 
(89  0/0). 

2.  D'après  la  taille,  les  peuples  de  la  Russie  sont  répartis  dans  les 


174  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

4  catégories  classiques  :  petite  taille,  taille  au-dessous  de  la  moyenne, 
etc.  Les  représentants  du  premier  groupe  sont  surtout  nombreux  en 
Russie  orientale,  ceux  du  dernier,  en  Russie  occidentale.  Les  habitants 
du  Caucase  sont  caractérisés  par  leur  haute  stature  ;  ceux  de  la  Sibé- 
rie sont  de  petite  taille.  D'une  manière  générale,  45  0/0  de  la  popula- 
tion de  la  Russie  sont  de  petite  taille  ;  28  0/0  ont  la  taille  au-dessous  de  la 
moyenne;  17  0/0,  au-dessus  de  la  moyenne,  et,  enfin,  23  0/0  sont  de 
haute  taille;  c'est-à-dire  que  le  nombre  de  représentants  de  petite  taille 
est  égal  à  celui  des  sujets  de  haute  taiUe. 

3.  Les  données  relatives  à  l'indice  céphalique  des  divers  peuples  de 
la  Russie  sont  relativement  les  plus  nombreuses  chez  les  auteurs,  ce 
qui  a  permis  à  M.  Ivanovski  de  recueillir  un  nombre  de  chiffres  consi- 
dérable. La  population  de  la  Russie  est  surtout brachycéphale  ;  en  effet, 
on  y  trouve  5  0/0  de  dolichocéphales,  10  0/0  de  sous-dolichocéphales, 
17  0/0  de  mésocéphales,  33  0/0  de  sous-brachycéphales  et  35  0/0  de 
brachycéphales.  Il  en  est  à  peu  près  de  même  au  Caucase;  en  Sibérie, 
la  proportion  de  brachycéphales  est  encore  plus  considérable.  —  11  est 
curieux  de  remarquer  que  la  mésocéphalie  est  surtout  accentuée  chez 
le  type  blond,  et  que  plus  un  peuple  appartient  au  type  brun,  plus  y 
est  considérable  la  proportion  de  dolichocéphales  et  de  brachycé- 
phales. 

4.  Les  données  relatives  à  la  hauteur  du  crâne  sont  beaucoup  moins 
nombreuses.  Les  hypsicéphales  sont  plus  répandus  à  Test  de  la  Russie 
qu'à  l'ouest  ;  au  nord,  le  nombre  de  chamœcéphales  est  un  peu  moins 
grand,  et  celui  des  hypsicéphales  plus  grand  qu'au  sud.  D'une  manière 
générale,  il  y  a  en  Russie  61  0/0  de  chamsecéphales,  18  0/0  d'orthocé- 
phales  et  21  0/0  d'hypsicéphales.  Notons  que  la  proportion  de  chamaecé- 
phales  est  surtout  élevée  chez  les  peuples  dolichocéphales.  Les  peuples 
du  type  blond  sont  exclusivement  chama^céphales. 

5.  Voici  les  chiffres  relatifs  à  lindice  facial  :  il  y  a  en  Russie 
(européenne  et  asiatique)  8  0/0  de  leptoprosopes,  61  0/0  de  mésopro- 
sopes  et  31  0/0  de  chamœprosopes.  La  proportion  de  leptoprosopes 
est  surtout  marquée  chez  les  peuples  dolichocéphales  ;  chez  les  bra- 
chycéphales, ce  sont  les  chamieprosopes  qui  prédominent. 

6.  Quant  à  l'indice  malaire,  malgré  son  importance  en  anthropologie, 
il  a  dû  être  laissé  de  côté  par  M.  Ivanovski,  car  les  chiffres  rapportés 
par  divers  auteurs  à  ce  sujet  sont  souvent  contradictoires,  ce  qui  tient 
aux  méthodes  différentes  de  mensuration  dont  ils  se  sont  servis. 

7.  Dans  les  tableaux  des  indices  nasaux,  l'auteur  se  sert  de  la  classi- 
fication de  Deniker,  d'après  laquelle,  chez  les  platyrhiniens,  l'indice 
dépasse  85;  il  n'est  donc  pas  étonnant  que  la  grande  majorité  des  popu- 
lations russes  soient  indiquées  comme  leptorhiniens,  que  la  proportion 
de  mésorhiniens  soit  peu  élevée  et  celle  des  platyrhiniens  tout  à  fait 
insignifiante. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  175 

8.  Relativement  à  la  longueur  du  tronc  (distance  entre  Tacromion  et 
le  raphé  périnéal)  les  données  rapportées  par  l'auteur  sont  assez  peu 
nombreuses  :  elles  montrent  cependant  que  la  plupart  des  peuples  de  la 
Russie  sont  caractérisés  par  un  tronc  d'une  longueur  relativement 
considérable;  il  n'y  a,  en  effet,  que  les  Ossètes,  les  Oudis,  et  surtout 
les  Bachkirs  qui  aient  un  tronc  court.  La  longueur  du  tronc  est  surtout 
prononcée  dans  le  type  brun  et  dolichocéphale. 

9.  Le  pourtour  de  la  poitrine  est  plus  grand  chez  les  peuples  blonds 
que  chez  les  bruns.  D'une  manière  générale,  les  peuples  à  poitrine 
moyenne  dominent;  ceux  à  poitrine  large  sont  peu  nombreux;  la 
poitrine  étroite  n'a  presque  pas  de  représentants. 

10.  Quant  à  la  longueur  du  bras  (distance  entre  l'acromion  et  l'extré- 
mité du  doigt  médian),  la  plupart  des  peuples  russes  sont  caractérisés 
par  de  longs  bras  ;  ceux  à  bras  courts  sont  exceptionnels.  Notons  que 
plus  la  poitrine  est  étroite,  plus  les  bras  sont  courts;  par  contre,  chez 
les  peuples  à  large  poitrine,  les  bras  longs  sont  beaucoup  plus  fréquents. 

11.  Les  chiffres  relatifs  à  la  longueur  des  jambes  comparés  à  ceux  con- 
cernant d'autrescnractères  anthropométriques  ont  fourni  certains  détails 
intéressants;  ainsi,  la  proportion  des  sujets  à  longues  jambes  est  surtout 
grande  chez  les  peuples  à  tronc  court;  chez  les  peuples  à  poitrine 
étroite,  les  sujets  à  jambes  courtes  forment  la  majorité  ;  et,  enfin,  les 
peuples  à  jambes  courtes  sont  aussi  caractérisés  par  des  bras  courts. 

Le  mémoire  de  M.  Ivanovski  se  termine  par  un  chapitre  très  intéres- 
sant intitulé  :  Essai  d'une  classification  anthropologique  de  fa  popula- 
tion de  la  Russie.  C'est  une  sorte  de  classement  comparatif  et  synthé- 
tique des  peuples  d'après  le  plus  grand  nombre  de  caractères  physiques 
analogues  qu'ils  présentent.  En  combinant  de  la  sorte  différents 
peuples  suivant  le  degré  d'analogie  (I,  il,  III),  l'auteur  a  pu  établir 
plusieurs  groupes  anthropologiques,  dont  voici  les  principaux  : 
•  Le  groupe  slave,  comprenant  les  Grands  Russiens,  les  Blancs  Russiens, 
les  Petits  Russiens  (1),  les  Polonais^  les  Lithuaniens,  les  Tatares  de 
Kazan,  les  Bachkirs.  Les  Kalmouks  d'Astrakhan  sont  voisins  de  ce 
groupe.  Il  est  bien  entendu  que  les  caractères  anthropologiques  de  ce 
groupe  varient  dans  des  limites  assez  larges. 

Les  Juifs  forment  un  groupe  distinct,  bien  défini,  appartenant  surtout 
au  type  brun,  brachycéphale,  mésoprosope,  à  longs  bras,  à  longues 
jambes,  à  poitrine  peu  développée. 

Au  nord  de  la  Russie,  les  Lapons  se  sont  isolés  en  un  groupe  parfai- 
tement distinct,  caractérisé  par  leur  petite  taille,  parla  brachycéphalie, 
par  un  tronc  très  grand  relativement  à  la  taille;  la  poitrine  accuse  un 
développement  plus  grand  que  chez  tous  les  autres  peuples  de  la  Rus- 
sie. 

Les  Samoyèdes  font  partie   du   groupe  mongol.    Les  Lettons,  les 
(1)  Les  Petits  Russiens  du  gouvernement  de  Kief  forment  un  groupe  isolé. 


180  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

5  ayant  un  nez  aqiiilin.  Quand  on  visite  les  quartiers  juifs  d'Alger,  de 
Constaiitine  et  de  Tunis  on  ne  larde  pas  à  remarquer  la  rareté  de  cette 
forme  du  nez. 

A.  Drzewina. 

R.  Lehmann  NiTscHir.  Les  lésions  bregmatiques  des  crânes  des  îles  Canaries,  et 
les  mutilations  analogues  des  crânes  néolithiques  français.  Bull.  Soc.  Anthrop., 
5<=  série,  t.  VJ,  fuscicule  3,  1905. 

Dans  cette  courte  note,  M.  R.  Lehmann  Nitsche,  à  propos  du  rappro- 
chement qu'il  avait  fait  en  1903,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  d'Anthro- 
pologie de  Paris,  entre  les  lésions  du  crâne  néolithique  de  Menouville, 
décrites  par  L.  Manouvrier  et  celles  qu'on  trouve  fréquemment  sur  les 
crânes  anciens  des  Canaries,  cite  le  témoignage  de  Fray  Juan  Abreu 
Galindo  (1632)  et  de  Fray  Alonso  de  Espinosa  (1594).  Ces  auteurs  donnent 
de  précieux  renseignements  sur  la  chirurgie  et  la  médecine  des  Guanches. 

Lorsqu'ils  souffraient  de  douleurs,  dit  Fray  Juan  Abreu  Galindo,  ils 
se  faisaient  des  scarifications  sur  la  peau  de  la  partie  malade  avec  leur 
couteau  en  silex  appelé  tabonas;  en  cas  de  sufïocation,  ils  employaient 
la  saignée  qu'ils  pratiquaient  avec  des  lancettes  de  silex.  Ils  pansaient 
ensuite  la  blessure  avec  de  la  graisse  de  chèvre  bouillante. 

Cette  indication,  maintes  fois  rapportée  avant  M.  Lehmann  Nitsche  est 
très  précieuse,  et,  on  conçoit  aisément  qu'un  traitement  pareil  appliqué 
sur  la  tête  d'un  individu  ait  pu  produire  des  lésions  analogues  à  celles 
observées  et  décrites  par  L.  Manouvrier  sur  des  crânes  néolithiques. 
L'explication  qu'il  en  a  donnée  trouve  dans  les  citations  des  deux  anciens 
auteurs  espagnols  un  nouvel  et  puissant  argument  en  sa  faveur. 

R.  Anthony. 


SciiuLTz-LoREMZEN.  —  Eskimoemes  Indvandring  i  Grônland  (L'arrivée  des  Eski- 
mosau  Groenland).  Meddelelser  om  Grônland,  vol.  XXVI,  no  VI,  pp  291-330.  Copen- 
hague, Reitzel,  1904,  in-8. 

On  croit  généralement  que  les  Eskimos  du  Groenland  constituent  une 
race  homogène  ;  tout  concourt  à  entretenir  cette  opinion  :  l'uniformité  de 
la  langue  parlée  sur  la  côte  ouest,  la  ressemblance  apparente  de  la 
civilisation,  le  caractère  sédentaire  des  habitants  de  la  grande  terre 
polaire.  La  découverte  de  la  tribu  d'Angmagsalik  n'a  guère  modifié 
l'avis  des  savants  sur  ce  point  :  les  habitants  du  Groenland  oriental 
étant  restés  à  l'abri  du  contact  des  Européens,  out  conservé  l'ancienne 
civilisation  groenlandaise  ;  la  différence  qu'on  observe  entre  leur  langue 
et  celle  de  la  côte  ouest  s'explique  parle  fait  de  leur  isolement. 

M.  Schultz-Lorentzen,  par  des  études  sur  place  et  par  la  comparai- 
son des  textes  ethnographiques,  établit  plusieurs  divisions  de  la  race 
groenlandaise  :  les  Eskimos  de  la  côte  occidentale  proviendraient  de 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  181 

plusieurs  vagues  successives  d'envahisseurs,  ceux  de  la  côte  orientale 
ne  seraient  qu'une  branche  alliée  à  l'une  des  tribus  de  l'Ouest.  Les 
recherches  ont  été  guidées  par  la  constatation  de  différences  dialec- 
tales chez  les  Groenlandais  occidentaux.  M.  Thalbitzer  avait  déjà  cons- 
taté l'existence  de  plusieurs  dialectes,  indépendamment  de  M.  Schultz- 
Lorentzen  qui  était  alors  au  Groenland;  mais  ce  dernier  ajoute  une 
observation  critique  dont  l'importance  n'échappera  pas  aux  ethno- 
graphes :  ce  qui  a  créé  l'illusion  d'une  langue  groenlandaise  unique, 
c'est  la  réduction  opérée  par  les  missionnaires  danois  des  divers  dia- 
lectes à  une  langue  écrite  :  les  différences  phonétiques  ont  été  effacées, 
en  apparence,  par  l'adoption  d'une  transcription  uniforme  ;  mais  les 
Eskimos  des  différentes  régions  ont  conservé  la  prononciation  tradi- 
tionnelle, etl'w,  s'il  est  prononcé  ow  par  les  habitants  du  district  d'Hol- 
stensborg,  sonne  comme  un  i  dans  la  bouche  des  indigènes  de  Julia- 
nehaab. 

La  construction  du  kayak,  celle  de  la  maison,  la  forme  des  vête- 
ments, le  tatouage  montrent  qu'il  existe  de  grandes  différences  entre 
les  habitants  des  diverses  latitudes  du  Groenland  occidental.  Mais  la 
démonstration  de  M.  Schullz-Lorentzen  devient  réellement  intéressante 
lorsqu'il  parle  de  la  direction  des  voyages  que  font  les  Groenlandais  et 
qu'il  analyse  les  raisons  qui  déterminent  cette  orientation.  Il  constate 
que  les  Eskimos  du  Sud  voyagent  beaucoup  plus  que  ceux  du  Nord  ; 
leurs  voyages  s'effectuent  toujours  vers  le  Nord  et  pour  des  rai- 
sons traditionnelles  :  un  homme  va  où  a  été  son  père,  et  son  fils  l'y 
suivra.  Toutes  les  légendes  recueillies  chez  les  Groenlandais  des  envi- 
rons du  cap  Farvel  parlent  de  voyages  dans  la  direction  du  Nord;  ces 
déplacements  ont  lieu  en  été  et  tendent  à  reporter  peu  à  peu  la  popu- 
lation vers  des  sites  plus  septentrionaux.  Au  contraire,  tous  les  voyages 
des  habitants  de  la  côte  Est  s'effectuent  vers  le  Sud,  comme  s'ils  vou- 
laient se  rapprocher  de  la  pointe  de  la  grande  île.  Nous  ne  suivrons  pas 
M.  Schultz-Lorentzen  dans  le  détail  de  ses  explications;  ses  conclusions 
sont  les  suivantes  :  le  Groenland  a  été  peuplé  par  trois  flots  successifs 
d'immigrants,  le  premier  a  passé  par  le  détroit  de  Smith,  a  contourné 
le  Groenland  par  le  Nord  et  est  descendu  le  long  de  la  côte  orientale; 
les  Eskimos  du  Sud-Ouest  étaient  en  avant-garde;  ils  doublèrent  le 
cap  Farvel  et  s'établirent  dans  le  riche  district  qu'ils  habitent  aujour- 
d'hui; l'arrière-garde  occupa,  au  cours  des  siècles,  la  côte  est  à  diverses 
latitudes;  cette  côte  est  aujourd'hui  presque  déserte;  à  l'exception  de 
la  tribu  d'Angmagsalik,  tous  les  habitants  ont  été  se  fondre  avec  leurs 
frères  de  la  côte  ouest.  La  seconde  vague,  après  avoir^,  elle  aussi,  fran- 
chi le  détroit  de  Smith,  se  glissa  entre  la  côte  et  le  glacier  de  Humboldt 
et  envahit  le  Groenland  par  le  Nord;  les  tribus  qui  habitent  aujour- 
d'hui la  partie  moyenne  de  la  côte  occidentale  du  Groenland  tenaient 
la  tête;  celles  qui  occupent  le  district  de  Disko  fermaient  la  marche. 


182  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Peut-être  la  tribu  d'Upernavik  provient-elle  d'un  troisième  flot  d'immi- 
i^rants.  En  1379,  l'avant-garde  du  second  flot  atteignit  le  district  de 
Godthaal)  et  se  heurta  aux  Scandinaves,  qui  étaient  alors  les  seuls  habi- 
tants de  cette  contrée  —  cet  épisode  est  raconté  dans  le  Hàukshôk. 
Les  deux  groupes  de  la  côte  occidentale  restèrent  distincts  jusqu'à 
l'arrivée  des  Européens  au  xv!!*"  siècle,  et  môme  encore  aujourd'hui  on 

peut  constater  quelques  différences  entre  eux. 

H.  Beuchat. 

Garl  Lumholtz.  Décorative  Art  of  the  Huichol  Indians  (L'art  de  la  décoration 
chez  les  Indiens  Iluichols).  Memoirs  of  the  American  Muséum  of  Natural  History, 
Anlhropologij,  vol.  11,3.  New-York,  1904,  pp.  279-326,  169  fig.,  14  pi.  in-4. 

M.  Lumholtz  nous  donne  ici  les  résultats  de  ses  recherches  sur  les  bro- 
deries des  Huichols  ;  la  plupart  des  motifs  qu'il  reproduit  existent  sur  les 
pièces  de  textiles  rapportées  par  M,  Diguet  et  qui  figurent  au  Musée  du 
Trocadéro.  Cette  circonstance  en  facilitera  l'étude  pour  nos  lecteurs  et 
donne  à  ces  pièces  un  grand  intérêt. 

Mais  c'est  surtout  par  ce  que  l'on  nous  dit  de  la  valeur  que  les 
Huichols  attachent  à  ces  dessins  que  le  travail  est  intéressant.  Les 
généralités  de  M.  Lumholtz,  quoiqu'elles  soient  quelquefois  contre- 
dites par  le  texte,  ne  manquent  pas  de  donner  sujet  à  la  réflexion. 
Nous  y  voyons  que  tous  les  motifs  décoratifs  ont  une  origine  religieuse  ; 
cependant,  il  résulte  des  explications  mêmes  de  l'auteur  que  les  Huichols 
ne  sont  pas  très  sûrs  de  la  valeur  qu'il  faut  attribuer  aux  figures  déco- 
ratives dont  ils  font  usage  (voir,  par  exemple,  pp.  451  et  465).  Nous 
sommes  tout  à  fait  d'accord  avec  M.  Lumholtz  lorsqu'il  remarque  la 
relation  qui  existe  entre  les  choses  de  même  forme  des  ceintures  et  les 
rubans  sont  des  représentations  de  serpents,  animaux  qui  sont  associés 
avec  le  dieu  de  la  pluie,  et,  par  suite,  sont  des  prières  pour  la  pluie)  ; 
c'est  là  de  la  sympathie  pure  ;  et  nous  pouvons  nous  étonner  qu'il 
n'insiste  pas  davantage  sur  le  fait  remarquable  de  la  représentation  du 
serpent  sur  les  ceintures.  En  figurant  ces  animaux  producteurs  de 
pluie  sur  des  objets  qui,  dans  l'esprit  des  Huichols,  sont  déjà  efficaces 
pour  cet  objet,  on  obtient  ainsi  un  charme  des  plus  puissants;  et 
c'était,  pour  l'auteur,  une  bonne  occasion  pour  nous  parler  de  la  forme 
que  prend,  dans  l'esprit  d'hommes  aussi  «  primitifs  »  que  les  Huichols, 
la  représentation  d'un  phénomène  naturel  et  de  sa  cause. 

Les  conclusions  de  M.  Lumholtz  sont  peut-être  trop  absolues  en  ce 
qui  concerne  le  but  (plus  ou  moins  conscient)  poursuivi  par  les  Huichols 
dans  la  fabrication  de  leurs  objets  décorés  ;  l'esthétique  tient,  certes, 
une  grande  place  dans  leurs  préoccupations,  et  on  nous  dit,  d'ailleurs, 
que  les  motifs  sont  assemblés  pour  obtenir  le  maximum  d'effet.  De 
plus,  la  forme  des  dessins,  même  de  ceux  qui  sont  le  plus  employés, 
n'est  pas  très  bien  fixée,  et  suit  l'inspiration  de  l'exécutant. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  183 

Il  est  digne  de  remarque  que,  contrairement  à  ce  qui  a  été  avancé 
par  des  théoriciens  mal  informés,  les  motifs  floraux  soient  indigènes. 
Nous  ne  saurions  adopter  l'avis  de  M.  Boas  (p.  287,  note  1)  sur  Torigine 
espagnole  de  l'aigle  bicéphale  des  broderies  huicholes  :  M.  Diguet  nous 
a  donné  des  renseignements  verbaux  qui  infirment  cette  opinion.  Nous 
serions  cependant  tout  disposé  à  voir  une  influence  espagnole  dans  la 
forme  de  certains  motifs,  qui  s'inspirent  vraisemblablement  de  l'art 
héraldique  européen. 

H.  B. 


G.  A.  DoRSEY  and  A.  L.  Kroeber.  —  Traditions  of  the  Arapahos  (Les  Traditions  des 
lûdiena  Arapahos).  Field  Colwnbian  Muséum.  Anthropological  séries,  vol.  V.  Chi- 
cago, octobre  1903,  in-8,  475  p.  (parvenu  en  1905). 

Ce  recueil  des  mythes,  contes  et  légendes  des  Arapahos  a  toutes  les 
qualités  et  tous  les  défauts  de  ce  genre  de  travaux.  La  collection  des 
textes  a  été  faite  avec  le  plus  grand  soin,  les  détails  sont  abondants; 
mais  le  classement  des  traditions  est  aussi  imparfait  que  dans  les  autres 
livres  de  folklore.  Les  traditions  sont  classées  suivant  les  «  thèmes  » 
qu'elles  renferment,  et  d'après  l'affinité  de  ces  thèmes  entre  eux.  Pour 
commode  qu'elle  soit,  cette  méthode  ne  rend  pas  exactement  compte  de 
la  nature  des  faits  exposés;  elle  est  cependant  préférable  à  celle  qui 
classe  les  traditions  d'après  les  «  phénomènes  naturels  »  qui  inter- 
viennent dans  les  récits.  Les  auteurs  ont  rendu  un  grand  service  aux 
ethnographes  en  joignant  aux  textes  l'interprétation  qu'en  ont  donnée 
leurs  informateurs;  ces  commentaires  nous  enseignent  ce  que  les  Ara- 
pahos voient  dans  leurs  contes  :  certains  leur  apparaissent  sous  un 
aspect  purement  moral;  d'autres  sont  considérés  comme  de  véritables 
mythes,  expliquante  nature  ou  l'origine  des  choses  et  des  institutions; 
d'autres  encore  sont  de  simples  «  contes  de  bonne  femme  »,  auxquels 
on  attache  peu  de  valeur. 

Ce  que  les  auteurs  n'ont  pas  mis  en  lumière,  et  qui  possède  pourtant 
une  importance  de  premier  ordre,  c'est  l'esprit  général  de  ces  contes; 
c'est  l'élément  proprement  «  primitif  »  qui  entre  dans  leur  composition  ; 
ce  sont  les  circonstances  particulières  dans  lesquelles  agissent  tous  les 
personnages  qu'ils  présentent.  Ces  conditions  sont,  naturellement,  très 
différentes  de  celles  dans  lesquelles  se  meuvent  les  héros  de  la  litté- 
rature européenne  (nous  parlons  de  la  littérature  proprement  dite,  et 
et  non  du  folklore)  ;  elles  nous  montrent  quel  est  le  processus  dé 
l'association  des  idées  chez  les  peuples  inférieurs,  et,  à  ce  titre,  elles 
méritent  d'être  mises  en  relief.  Les  actions  humaines,  et  même  natu- 
relles, ne  sont  pas  distinguées  suivant  les  catégories  d'espace  et  de 
temps,  mais  suivant  les  quartiers  du  monde  dans  lesquels  elles  ont 
lieu.  Les  rites  religieux,  par  exemple,  pour  être  valables,  pour  acquérir 


IS4  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

le  caractère  d'universalité  nécessaire  à  leur  bon  fonctionnement,  doi- 
vent être  répétés  aux  quatre  points  cardinaux.  Ces  directions  ne 
sont  d'ailleurs  pas  les  nôtres  :  elles  correspondent  au  nord-est,  au  nord- 
ouest,  au  sud-est  et  au  sud-ouest  de  notre  compas.  Les  traditions  nous 
montrent  que  d'autres  nombres  sacrés  déterminent  les  actions  :  le  5  et 
surtout  le  7. 

La  plupart  des  actes  que  narrent  les  traditions  se  passent  dans  un 
temps  mythique,  placé  avant  le  temps  banal.  C'est  alors  que  vivaient 
les  ancêtres  des  clans,  qui  se  confondent  à  la  fois  avec  les  animaux  et 
avec  les  dieux.  Aussi  est-il  très  difficile  —  pour  ne  pas  dire  impossible  — 
de  décider,  lorsque  l'on  parle  d'un  personnage  à  nom  animal,  si  c'est 
de  cet  animal  qu'il  est  question,  ou  bien  d'un  humain.  Le  nom,  chez 
les  primitifs,  représente  la  chose_,  mais  la  représente  d'une  façon  beau- 
coup plus  réelle  que  chez  nous  :  on  peut  dire  que  le  no)n  et  la  chose  qu'il 
représente  se  confondent.  On  comprend  alors  qu'un  homme  nommé 
Loutre,  participe  de  la  nature  de  cet  animal  jusqu'à  être  un  individu  de 
son  espèce.  Mais,  et  il  est  nécessaire  d'insister  sur  ce  point,  cette  notion 
n'est  plus  chez  les  Arapahos  qu'une  survivance.  Ils  en  sont  à  ce  stade 
de  l'évolution  intellectuelle  oij  les  hommes  cherchent  à  s'expliquer  les 
légendes  dans  lesquelles  il  est  question  d'ancêtres  à  forme  animale  : 
ils  supposent  alors  que  les  hommes  peuvent  prendre  le  «  vêtement  »  de 
tel  ou  tel  animal  et  le  déposer  quand  bon  leur  semble.  Cette  explication 
peut  sembler  puérile,  mais  paraît  être  la  mieux  adaptée  à  l'esprit  des 
hommes  arrivés  à  ce  degré  d'intelligence  ;  elle  est  générale  dans  l'Amé- 
rique du  Nord. 

L'influence  des  Européens  se  manifeste  de  plusieurs  façons  :  elle  paraît 
avoir  agi  puissamment  sur  l'association  des  idées  chez  les  Arapahos  : 
dans  une  légende  (p.  7),  qui  a  certainement  un  fond  ancien,  les  événe- 
ments s'enchaînent  suivant  les  lois  de  la  logique  européenne;  on  pour- 
rait dire,  si  les  deux  mots  ne  juraient  pas,  que  c'est  un  mythe  ratio- 
naliste. Ce  rationalisme  se  reconnaît  encore  dans  l'interprétation  de 
plusieurs  traditions. 

Les  thèmes  sont  ceux  que  l'on  trouve  chez  les  autres  peuples  des 
Prairies  :  faits  extraordinaires  accomplis  par  des  gens  qui  diffèrent  de 
leurs  concitoyens  par  quelque  trait  particulier  (gens  très  sales,  très 
paresseux,  enfants  abandonnés,  etc.)  ;  subsistances  placées  miraculeuse- 
ment sur  la  route  d'une  jeune  fille  ;  conception  et  naissance  miracu- 
leuse ;  plongée  sous  la  glace  effectuée  à  l'aide  de  certains  rites,  «  fuite 
magique  »,  etc. 

Certains  mythes  méritent  de  retenir  notre  attention  :  ce  sont  ceux 
qui  racontent  la  création  du  monde  et  le  déluge.  Le  créateur  de  la  terre 
est  tantôt  «  Pipe-plate  »,  tantôt  un  homme  qui  possède  cette  merveil- 
leuse pipe.  La  Terre  est  pêchée  au  fond  des  eaux  par  la  Tortue.  Le 
déluge   est  produit  par   un  artifice  magique;   la  terre  est   repêchée 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  185 

au  fond  des  eaux,  comme  il  est  raconté  dans  les  mythes  de  création. 

Il  n'est  pas  question  de  traditions  de  clans;  par  contre,  MM.  Dorsey 
et  Kroeber  nous  donnent  une  précieuse  collection  de  légendes  sur  l'ori- 
gine des  sociétés  secrètes.  11  faut  encore  signaler,  comme  possédant  un 
intérêt  spécial,  une  courte  légende  qui  raconte  la  vie  du  Christ,  sous 
un  aspect  presque  méconnaissable  ;  il  est  intéressant  de  voir  la  forme 
prise  par  l'histoire  du  Messie  des  Chrétiens  chez  un  peuple  qui  fut  en 
proie  il  y  a  une  dizaine  d'années,  à  une  crise  messianique. 

Nous  pouvons  encore  glaner  dans  ce  volume  plusieurs  indications 
ethnographiques.  Bien  qu'il  ne  soit  question  nulle  part  de  totémisme, 
nous  en  trouvons  partout  des  souvenirs  :  les  noms  animaux  abondent; 
les  espèces  animales  jouissent  chacune  de  pouvoirs  magiques  spéciaux  : 
certains  de  ces  animaux  ont  concédé  leurs  pouvoirs  à  des  individus 
qui  sont  peut-être,  —  mais  c'est  là  une  pure  hypothèse  —  des  ancêtres 
de  clans.  Partout  il  est  question  des  sociétés  secrètes  et  de  leur  action  ; 
nous  apprenons  à  connaître  leur  hiérarchie  traditionnelle,  et  nous  voyons 
qu'elles  constituent  le  cadre  politique  et  religieux  de  la  société  arapaho. 
Les  renseignements  mythologiques  abondent  :  «  Pipe-plate  »,  «  Le  Jeune- 
Bison  blanc  »,  jouent  un  rôle  important,  mais  ISiha^ça^  envahit 
tout  :  c'est  un  personnage  énigmatique,  qui  apparaît  parfois  comme 
une  véritable  divinité,  mais  qui  nous  est  présenté  le  plus  souvent  par 
la  tradition  comme  un  être  malfaisant  ou  ridicule  ;  il  tient  la  place 
occupée  par  le  Coyote  dans  la  mythologie  des  autres  peuples  des  Prai- 
ries. 

H.  B. 

H.  R.  VoTH.  —  The  Oraibi  Oaqôl  ceremony  (La  cérémonie  d'Oaqôl  à  Oraibi).  Field 
Columbian  Muséum  «  The  Stanley  Mac  Cormick  Expédition  »,  vol.  Vl,  n»  1.  Chi- 
cago, 1903,  ia-8,  46  p.  28  planches. 

La  cérémonie  de  rOa<7o/ ou  Owakûl  est  accomplie  par  une  société  reli- 
gieuse de  femmes;  elle  est  originaire  du  pueblo  de  Mishongnovi  et  fut 
introduite  à  Oraibi  par  une  femme  appartenant  au  clan  du  Sable.  Tous 
les  clans  d'Oraibi  sont  représentés  dans  la  société  de  VOaqôl,  cepen- 
dant, les  gens  du  clan  du  Sable  prédominent.  Les  transports  de  culte 
d'un  pueblo  à  l'autre  ne  sont  pas  rares;  toutes  les  cérémonies  sont 
d'ailleurs  composées  de  rites  semblables,  arrangés  de  façons  différentes, 
et  possèdent  un  même  symbolisme  :  il  suffit  que  quelque  membre  d'une 
société  secrète  change  de  village  pour  que  le  culte  de  cette  société 
s'étende. 

La  cérémonie  dure  neuf  jours,  comme  toutes  les  grandes  fêtes  des 
Hopis;  les  rites  sont  ceux  accomplis  d'ordinaire  par  les  indigènes  de 
cette  partie  de  l'Amérique  :  fabrication  de  bahos  ou  bâtons  de  prière, 
ablutions  avec  de  l'eau  puisée  à  certaines  sources,  construction  d'un 
autel  où  l'on  attache  les  symboles  des  dieux  et  des   éléments,  sau- 


186  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

poudrage  avec  de  la  farine  sacrée,  prières  aux  points  cardinaux, 
etc.  Ces  rites  ne  sont  pas  publics  (seuls  les  membres  de  la  société  et 
ceux  attendant  l'initiation  peuvent  y  assister);  ils  s'accomplissent  dans 
une  kiva  (chambre  souterraine);  les  danses  n'impliquent  pas  l'emploi 
de  masques  (il  en  est  ainsi  pour  toutes  les  cérémonies  qui  ont  lieu 
entre  les  mois  de  juillet  et  de  février).  On  doit  noter  que  certains  chants 
sont  en  une  langue  autre  que  le  hopi. 

H.  B. 


James  Mooney.  —  Myths  of  the  Cherokee  (Les  mythes  des  Cherokees).  Extrait  du  19th 
Annual  Report  of  the  bureau  of  American  Elhnology.  —  Washington,  Government 
preuting  olfice,  1902,  576  p.  in-4,  20  pi.,  1  carte  (Parvenu  en  1905). 

Cet  ouvrage  était  attendu  avec  impatience.  Nous  croyions  même  y 
trouver  la  totalité  des  résultats  fournis  par  le  dépouillement  des  nom- 
breux textes  cherokees  recueillis  par  l'auteur.  Sur  ce  point,  notre 
attente  a  été  déçue;  nous  ne  pouvons  cependant  pas  nous  plaindre,  car 
M.  Mooney  nous  donne  une  moisson  abondante  de  légendes  qu'il  fait 
précéder  d'un  résumé  substantiel  de  l'histoire  de  la  tribu,  qui  vient 
heureusement  compléter  les  renseignements  autrefois  fournis  par 
M.  C.  C.  Pvoyee.  Nous  n'insisterons  pas  sur  cette  partie  de  l'ouvrage,  plus 
historique  qu'ethnographique;  nous  nous  contenterons  de  dire  qu'elle 
constitue  une  excellente  introduction  à  l'étude  des  mythes. 

Venons  à  l'objet  spécial  de  l'ouvrage.  M.  Mooney  nous  retrace,  en 
quelques  pages,  la  physionomie  des  conteurs  d'histoires,  qui  ont  la 
garde  des  traditions  tribales,  écrites  dans  les  caractères  cherokees 
inventés,  il  y  a  environ  un  demi-siècle^  par  le  chef  Sequoya  :  ce  sont, 
en  général,  des  Indiens  éduqués,  souvent  même  ceux  qui  remplissent 
auprès  de  leurs  compatriotes  le  rôle  d'évangélisateurs.  A  côté  des 
fonctions  qui  leur  sont  confiées  par  les  Européens,  ils  perpétuent,  sous 
une  forme  plus  savante  peut-être,  les  croyances  traditionnelles  de  la 
tribu.  La  contradiction  entre  ces  deux  fonctions  n'est  qu'apparente  : 
il  est  tout  naturel  que  des  hommes  recouverts  d'un  caractère  sacré  par 
des  gens  qui,  comme  étrangers,  ont  un  caractère  spécial,  conservent  les 
choses  sacrées  de  la  tribu  ;  il  est  naturel  aussi  que  ce  soient  eux  les 
médecins  et  les  magiciens  du  groupe  auquel  ils  appartiennent. 

Les  traditions  sont  fort  mélangées  et  le  titre  général  de  mythes  est  à 
peine  justifié.  Il  faut  en  accuser  le  vague  dans  lequel  flotte  la  termino- 
logie des  ethnographes  américains  plutôt  que  l'auteur  lui-même. 

On  ne  peut  guère  considérer  comme  de  véritables  mythes  que  les 
textes  relatifs  à  la  création  du  monde  ou  à  l'origine  des  corps  naturels, 
tant  animés  qu'inanimés.  Les  «  histoires  merveilleuses  »  que  nous 
narre  M.  Mooney,  pas  plus  que  ses  (^  légendes  historiques  »  ne  peuvent 
en  aucune  façon,  rentrer  dans  la  catégorie  des  mythes. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  187 

Les  traditions  les  plus  importantes  sont  naturellement  les  traditions 
cosmogoniques.  II  est  surprenant  de  voir  que,  même  à  l'époque  où 
M.  Mooney  a  observé  les  Cherokees,  ces  mythes  aient  été  aussi  effacés 
dans  la  mémoire  de  ce  peuple.  L'unique  version  de  la  création  qui  nous 
soit  rapportée  est  bien  analogue  à  celle  que  les  anciens  auteurs  ont 
récoltée  chez  les  autres  tribus  iroquoises.  Cependant  les  nouvelles  ver- 
sions que  publie  M.  J.  N.  B.  Hewitt  pourront  modifier,  peut-être,  notre 
opinion  à  cet  égard.  Pour  tout  le  reste,  la  tradition  cherokee  est  extrê- 
mement prolixe.  On  s'y  perd  un  peu  :  on  aperçoit  bien,  vaguement, 
que  les  choses  sont  classées  ;  par  suite  de  l'influence  européenne  la 
fantaisie  individuelle  s'y  est  largement  donné  carrière,  probablement  à 
une  époque  assez  récente. 

Les  divisions  adoptées  dans  plusieurs  chapitres  du  livre  paraissent 
être  les  mêmes  que  celles  des  Cherokees  :  les  animaux  quadrupèdes 
d'une  part,  les  reptiles  et  les  insectes  de  l'autre,  les  oiseaux  d'autre  part 
forment  des  classes,  identiques  et  correspondantes^  à  celles  qu'on  avait 
en  France  à  la  fin  du  xvii^  siècle.  Mais  cette  classification  est  peut-être 
d'origine  récente;  dans  bien  des  mythes,  nous  voyons  transparaître 
l'imprécision  qui  caractérise  les  «  primitifs  »  :  la  nature  humaine,  la 
nature  animale,  même  la  nature  inerte  s'y  confondent  souvent. 

Peut-être  faut-il  attribuer  à  une  époque  encore  plus  récente  la 
vaste  synthèse  qui  attribue  au  règne  animal  l'origine  des  maux  et  au 
règne  végétal  la  puissance  thérapeutique.  Sous  une  forme  aussi  stable, 
et  fixée  par  une  écriture  nationale,  cette  synthèse  aurait  pu  fournir 
un  système  pseudo-scientifique,  analogue  à  celui  des  médicastres  et 
astrologues  du  Moyen-Age.  A  plusieurs  reprises,  M.  Mooney  a  insisté  sur 
le  rôle  que  jouait  la  science  botanique  chez  les  Cherokees.  Il  a 
montré  combien  cette  science,  analogue  à  celle  de  nos  rebouteux 
paysans,  et  qui,  comme  celle-ci,  repose  sur  l'expérience  «  journalière  » 
des  puissances  «  naturelles  »,  est  inférieure;  il  a  démontré  que  la  thé- 
rapeutique qu'on  en  tire  est  plutôt  basée  sur  des  associations  d'idées 
traditionnelles  que  sur  les  résultats  d'expériences  bien  conduites. 

Les  «  mythes  »  cherokees  ont  un  aspect  très  supérieur  (supérieur 
même  au  folklore  européen).  Ils  représentent  un  niveau  assez  élevé  de 
l'évolution  de  l'intelligence.  Par  un  point,  ils  sont  spécialement  inté- 
ressants. Ces  traditions  ont  été  recueillies  dans  une  tribu  à  organisation 
supérieure,  qui  s'est  systématiquement  tenue  à  l'écart  des  Européens. 
Néanmoins,  l'influence  de  ces  derniers  s'est  manifestée  d'une  façon  spé- 
ciale, et  presque  unique  :  elle  a  amené  l'invention  du  syllabaire  de 
Séquoya,  produit  artificiel  qui  a  eu  une  influence,  d'une  espèce  impos- 
sible à  déterminer  actuellement,  sur  les  Cherokees  :  cette  écriture  est 
le  produit  du  contact  avec  les  Blancs  et  a  amené  une  modification  de  la 
mentalité  de  ceux  qui  l'ont  employée  :  1°  elle  a  donné  plus  de  fixité  à 
leurs  idées,  partant  a  produit  des  synthèses;  elle  a  en  même  temps 


188  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

écarté  beaucoup  d'éléments  imaginalifs  et  traditionnels  ;  2°  elle  a  donné 
plus  de  stabilité  aux  traditions;  3"  elle  a  introduit  des  éléments  euro- 
péens sous  une  forme  insoupçonnable  pour  ceux  qui  l'employaient. 

Le  livre  de  M.  Mooneydoit  être  lu  et  surtout  rélléchi.  il  nous  présente 
une  nation  en  voie  de  transformation;  bizarre  mélange  d'archaïsme 
artificiel,  obtenu  à  l'aide  d'un  système  européen  (la  fixation  des 
léi^endes,  par  l'écriture),  et  d'évolution  anormale  (développement 
extraordinaire  des  idées  rationnelles  des  classifications).  Et  il  faut 
remarquer  que  ce  peuple  extraordinaire  se  meurt! 

H.  B. 


P.  Earle  Goddard.  —  The  morphology  of  the  Hupa  language  (La  morphologie  de 
la  langue  hupa).  Universily  of  California  American.  Archseology  and  Etlinology, 
vol.  lll.  Berkeley,  University  Press,  juin  1905,  iu-8,  344  p. 

Le  hupa  appartient  à  la  famille  des  langues  athapaskanes  ;  il  était 
complètement  inconnu  avant  la  publication  des  Hupa  texls,  recueillis 
par  l'auteur  de  ce  volume  et  dont  nous  avons  rendu  compte  l'année 
dernière.  Il  n'est  pas  possible  d'analyser  ici  un  livre  de  linguistique 
d'une  telle  étendue  ;  nous  nous  bornerons  à  exposer  les  principales 
caractéristiques  de  la  langue  hupa,  en  insistant  plus  spécialement  sur 
les  traits  qui  intéressent  les  ethnographes. 

Phonétique  :  le  hupa  abonde  en  consonnes  sourdes;  les  sons  soufflés 
sont  très  abondants,  comme  dans  toutes  les  langues  de  la  partie  occi- 
dentale de  l'Amérique  du  Nord;  le  système  des  voyelles  est  assez  res- 
treint. 

Lexicologie  :  les  racines  substantives  sont,  pour  la  plupart,  monosyl- 
labiques ;  elles  sont  assez  peu  nombreuses  ;  par  suite,  les  termes  des- 
criptifs abondent  :  ils  sont  formés  par  l'adjonction  de  pronoms  ou  d'af- 
fîxes  dépourvus  de  sens.  Le  hupa  possède  trois  genres  :  singulier, 
duel  et  pluriel.  Le  système  numérique  paraît  être  décimal,  au  contraire 
de  ce  qui  existe  dans  les  langues  athapaskanes  du  Nord  (groupe  Dènè- 
dindjié),  où  les  nombres  sont  composés  à  partir  de  6  ;  à  partir  de  10, 
le  système  est  le  même  dans  les  langues  Dènè-dindjiées  et  en  hupa. 

Morphologie  :  la  partie  du  discours  la  plus  importante  est  le  verbe  : 
il  est  formé  d'un  monosyllabe  auquel  on  affixe  d'autres  monosyllabes 
pour  indiquer  les  modes  et  le  temps;  les  pronoms  (objet  et  sujet)  sont 
incorporés  dans  le  verbe,  en  telle  sorte  que  la  sentence  forme  parfois 
un  seul  mot. 

Il  existe,  dans  cette  langue,  deux  particularités  intéressantes  pour 
les  ethnographes  :  les  pronoms  possessifs  sont  différents  suivant  qu'ils 
qualifient  un  Hupa  ou  un  étranger  ;  la  forme  employée  pour  les  Hupas 
peut  cependant  s'appliquer  aux  étrangers  s'il  s'agit  de  gens  très 
âgés.  L'autre  particularité  est  la  suivante  :  les  termes  de  parenté  ne 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  189 

forment  pas  leur  pluriel  d'une  façon  régulière  :  on  se  sert  de  mots  par- 
ticuliers suivant  qu'il  s'agit  d'un  ou  de  plusieurs  parents  d'un  degré 
donné;  le  fait  est  d'autant  plus  remarquable  que  les  Hupas  n'ont  pas 
encore  abandonné  complètement  la  nomenclature  de  parenté  par 
groupes. 

L'ouvrage  de  M.  Goddard  complète  la  monographie  qu'il  a  entre- 
prise ;  il  reste  encore  bien  des  points  obscurs,  mais  grâce  à  ces  travaux, 
les  Hupas  sont  aujourd'hui  les  mieux  connus  de  tous  les  Indiens  de  la 

Californie. 

H.  B. 

G.  Byrûn  Gordon.  —  Chronological  séquence  in  the  Maya  ruins  of  Central  Ame- 
rica (La  continuité  des  dates  fournies  par  les  monuments  ruinés  de  l'Amérique 
Centrale).  University  of  Pennsylvania.  Transactions  of  the  Department  of  Arckaso- 
logy.  Vol.  1,  pp.^ei  à  66).  Philadelphie,  1904,  in- 8. 

M.  Gordon  résume,  dans  ces  quelques  pages,  ses  travaux  publiés 
dans  Y  American  Anthropologist.  Il  expose  les  résultats  obtenus  dans 
les  tentatives  de  lecture  des  dates  sur  les  monuments  mayas  de  l'Amé- 
rique Centrale,  résultats  fournis  par  l'application  de  la  méthode  de  Good- 
man. Les  dates  les  plus  anciennes  auraient  été  trouvées  à  Copan, 
viendraient  ensuite  celles  qu'on  lit  sur  les  monuments  du  Guate- 
mala et  de  la  Vera-Paz;  la  dernière  serait  inscrite  sur  une  stèle  de 
Chichen-Itza,  au  Yucatan.  La  civilisation  maya  aurait  donc  suivi  une 
route  est-ouest;  pour  aller  du  Honduras  au  Yucatan,  elle  n'aurait  mis 
que  trois  siècles.  Ces  prétendus  résultats  soulèvent  bien  des  questions; 
mais  nous  préférons  rester  dans  l'expectative  :  nous  pensons,  avec 
M.  Cyrus  Thomas,  que  les  signes  interprétés  par  MM.  Goodman  etByron 
Gordon  ne  représentent  pas  des  dates,  au  sens  français  du  mot. 

H.  B. 

Casimir   SroLYHWO.    Crânes   péruviens.  Bull.   Acad.  Se.  de  Crocavie,  fév.  1906. 

L'étude  de  M.  Casimir  Stolyhwo  porte  sur  92  crânes  péruviens  dont 
75  appartiennent  au  Musée  Broca  de  Paris,  11  au  Cabinet  zootomique 
de  l'Université  de  Varsovie  et  6  au  Musée  de  l'Institut  anatomique  de 
la  même  ville.  Sur  les  92  crânes,  83  appartiennent  à  des  adultes  et  9  à 
des  enfants.  L'auteur  n'a  pas  examiné  les  centaines  de  têtes  du  Pérou 
que  possède  le  Muséum  de  Paris. 

L'étude  de  M.  Casimir  Stolyhwo  constitue  un  document  intéressant. 
On  pourrait  toutefois  faire  à  l'auteur  deux  reproches  :  V  il  a  donné 
à  son  mémoire  un  aspect  de  catalogue  schématique  qui  en  rend 
la  lecture  sinon  difficile,  du  moins  fastidieuse.  Il  semblerait  qu'une 
autre  méthode  d'exposition  lui  eût  permis  de  mettre  mieux  en  relief 
les  caractères  généraux  des  crânes  qu'il  a  étudiés  ;  2°  au  début  de  son 


190  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

travail,  l'auteur  annonce  qu'il  n'emploiera  pas  les  moyennes  qui,  dit-il, 
«  ne  font  qu'obscurcir  les  caractères  typiques  de  la  race  ».  Il  emploie 
pour  l'exposé  et  la  généralisation  de  ses  résultais  la  méthode  de  la 
sériation.  Il  est  incontestable  que  la  méthode  de  la  mise  en  séries  est 
excellente,  mais  nous  regrettons  toutefois  que  parallèlementà  elle 
M.  Stolyhwo  n'ait  pas  employé  celle  des  moyennes.  Sa  série  de  83  crânes 
adultes  lui  eût  largement  permis  de  le  faire.  Le  travail  se  divise  en  trois 
parties.  Dans  la  première  partie  sont  étudiés  les  caractères  morpholo- 
giques qui  ne  peuvent  être  exprimés  en  chiffres;  la  deuxième  est  con- 
sacrée à  l'examen  des  mesures  qui  n'entrent  pas  dans  la  sphère  des 
indices  (quantités  absolues,  souvent  sans  grand  intérêt);  la  troisième 
enfin  est  consacrée  aux  indices. 

Les  principaux  résultats  énoncés  au  cours  de  la  première  partie  sont 
les  suivants  : 

Les  crânes  des  Péruviens  sont  généralement  déformés  et  le  type  de 
déformation  le  plus  fréquent  chez  l'adulte  est  celui  dans  lequel  le  front 
est  plus  aplati  que  l'occiput  ;  chez  l'enfant  ce  serait  l'inverse. 

La  plagiocéphalie  s'observe  à  peu  près  dans  la  moitié  des  cas. 

En  résumant  les  observations  sur  le  degré  de  complication  des  diffé- 
rentes sutures,  on  voit  que  chez  les  adultes  c'est  la  suture  lambdoïde 
qui  montre  le  plus  de  tendance  à  se  compliquer  ;  viennent  ensuite  les 
sutures  sagittales,  coronales,  temporales  ;  chez  les  enfants,  l'ordre  serait 
le  suivant  :  sagittale,  lambdoïde  et  coronale. 

L'os  des  Incas  se  trouve  chez  21,99  0/0  des  sujets. 

Les  os  wormiens  sont,  d'une  façon  générale,  relativement  fréquents 
sur  les  adultes  :  62,200/0  des  sujets  en  possède.  Chez  les  enfants  le 
rapport  est  inverse,  ce  qui  tendrait  à  prouver  que  le  nombre  des  os 
wormiens  s'accroît  avec  l'âge.  Les  os  wormiens  sont  surtout  fréquents 
dans  la  suture  lambdoïde.  Chez  les  adultes,  on  constate  en  général  la 
saillie  des  parties  suivantes  :  arcades  sourcilières  (78,31  0/0),  crêtes 
temporales  (79^27  0/0),  crête  demi-circulaire  de  la  nuque  (80,72  0/0), 
menton  (97,50  0/0). 

Les  résultats  que  donne  l'auteur  relativement  à  l'état  des  sutures  au 
point  de  vue  de  la  synostose  ne  peut  avoir  grand  intérêt  étant  donnés 
que  les  crânes  étudiés  étaient  nécessairement  de  différenls  âges  et  que 
ces  âges  ne  pouvaient  être  connus. 

Nous  n'insisterons  pas  sur  les  résultats  énumérés  au  cours  de  la  deu- 
xième partie.  Les  dimensions  absolues  auxquelles  ils  ont  trait  ne  nous 
paraissent  pas  avoir  un  grand  intérêt. 

Dans  la  troisième  partie,  enfin,  les  résultats  obtenus  sont  les  suivants  : 

Au  point  de  vue  de  l'indice  céphalique,  c'est  la  brachycéphalie  qui 
est  la  plus  fréquente  (85,55  0/0).  Comme  le  fait  remarquer  l'auteur,  cette 
fréquence  de  la  brachycéphalie  est,  sans  aucun  doute,  en  rapport  avec 
la  coutume  de  déformer  les  crânes.  Les  indices  céphaliques  de  92  et  93 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  191 

sont  les  plus  fréquents.  L'hypsicéphalie  se  rencontre  dans  75  G/0  des 
sujets  adultes  (ind.  vertical  :  basion-bregmaX  100).  L'indice  orbitaire 
est  aussi  généralement  élevé  (hypsiconchie). 

De  même  la  leptorhinie  et  la  leptostaphylie  sont  fréquentes. 

Relativement  à  Tindice  de  prognathisme,  c'est  la  mésognathie  qui 
l'emporte. 

il  nous  semble  que  la  déformation  crânienne  artificielle  doit  être  consi- 
dérée comme  jouant  un  rôle  important  dans  la  morphologie  générale 
de  ces  crânes  péruviens.  L'auteur  a  signalé  son  action  plus  que  pro- 
bable sur  l'indice  céphalique.  11  y  aurait  lieu,  à  notre  avis,  d'étendre  la 
remarque  à  tous  les  autres  indices,  mais  dans  une  mesure  variable 
naturellement. 

H.  Anthony. 


NoKDENSKiôLD  (E.)-  Bôitrâge  zur  Kenntnis  einiger  Indianerstamme  des  Rio  Madré 
de  Dios-Gebietes  (Contribution  à  i'étade  de  quelques  tribus  indiennes  de  la  région 
du  rio  Madré  de  Dios).  C/r  î?ne/',  tidskrift  utgifven  af  Svenska  sâllskapet  for  Anlro- 
pologi  oc  Geofjra/i,  1905,  p.  1-48. 

Id.  Exploration  scientifique  au  Pérou  et  en  Bolivie.  La  Géographie.  1905, 

p.  289-296. 

Dans  son  mémoire,  ainsi  que  dans  la  note  présentée  à  la  Société  de 
Géographie,  M.  Nordenskiôld  étudie  avec  détails  quelques  tribus 
indiennes  voisines  des  Quichuas  (voir  l'analyse  ci-dessous)  et  habitant  les 
forêts  vierges  entre  le  rio  Inambari  et  le  rio  Tambopata,  au  pied  des 
Andes.  Les  Quichuas  et  les  Blancs  qualifient  habituellement  du  nom 
de  «  Ghunchos  »  —  sauvages  —  les  tribus  en  question;  les  renseigne- 
ments à  leur  sujet  étant  fort  peu  nombreux,  M.  N.  a  pu  recueilllir  plu- 
sieurs documents  inédits. 

Les  Indiens  sauvages  Tamb-Guarayos  qui  habitent  le  cours  moyen 
du  rio  Tambopata  parlent  un  dialecte  tacana;  les  Arasas^  demeurant 
sur  le  rio  Marcapata  se  servent  du  même  dialecte.  Les  Yamiacas,  sur 
les  bords  du  rio  Inambari,  parlent  le  dialecte  pano,  mélangé  de  tacana  ; 
les  Tuyoneiris,  sur  le  cours  moyen  de  ce  fleuve,  ont  un  idiome  spécial. 
Enfin,  les  habitants  des  forêts  vierges,  les  Atsahuacas,  qui  n'ont  jamais 
vu  de  Blancs  avant  M.  Nordenskiôld,  parlent  également  le  pano,  sans 
mélange  toutefois  de  mots  tacanas. 

Toutes  ces  tribus  ne  comptent  qu'un  petit  nombre  de  représentants  : 
25,  30,  jusqu'à  100.  Quant  à  leurs  caractères  physiques,  l'auteur  ne 
fournit  que  peu  de  données  :  notons  qu'ils  ont  une  peau  très  claire  et 
que  l'on  rencontre  parfois  parmi  eux  des  types  à  cheveux  et  à  yeux 
brun-clair. 

Les  guerres,  ayant  pour  cause  le  rapt  ou  le  pillage,  sont  fréquentes  ; 
mais  des  relations  amicales  entre  tribus  voisines  ne  sont  pas  rares  non 
plus  et  consistent  dans  l'échange  de  cadeaux  et  même  de  femmes. 


192  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Les  peuplades  eu  question  sont  toutes  nomades  et  vivent  principale- 
ment des  produits  de  Tagriculture,  de  la  chasse  et  de  la  pêche  :  on 
cultive  surtout  des  bananes  de  plusieurs  espèces,  les  yucas,  le  maïs,  la 
canne  à  sucre,  etc.  Les  outils  sont  en  fer;  on  se  les  procure  par  voie 
d'échange  avec  d'autres  clans,  ou  par  vol;  les  haches  en  pierre  ont  com- 
plètement disparu.  La  pêche  se  fait  soit  à  l'hameçon,  soit  à  la  main, 
soit  au  moyen  de  l'arc  et  des  flèches  ;  les  Atsahua?as  capturent  le  pois- 
son en  empoisonnant  les  cours  d'eau.  Les  Qletsde  pêche  sont  inconnus. 
Les  produits  des  champs,  rapportés  dans  les  huttes,  sont  propriétés 
privées;  par  contre,  les  produits  de  la  chasse  et  de  la  pèche  appar- 
tiennent à  la  communauté. 

L'auteur  donne  de  nombreuses  figures  des  arcs  et  des  flèches  dont  se 
servent  ces  tribus;  ce  sont  d'ailleurs  les  seules  armes  qui  leur  soient 
connues.  Les  flèches  ne  sont  jamais  empoisonnées. 

Les  habitations  sont  différentes  suivant  fa  tribu  :  ce  sont  tantôt  des 
huttes  abritant  plusieurs  familles  à  la  fois,  tantôt,  comme  chez  les 
Atsahuacas,  de  petites  cabanes  en  feuilles  de  palmier,  ne  servant  qu'à 
une  seule  famille.  La  monogamie  est  de  règle  ;  les  femmes  et  les  enfants 
(1  à  3  par  famille)  sont  bien  traités. 

l^es  aliments  sont  rôtis  ou  cuits  dans  des  ustensiles  en  bambou  ou  en 
argile^  très  simples,  sans  ornementation  aucune,  fabriqués  par  des 
femmes.  Le  vêtement  est  très  peu  compliqué  ;  c'est  une  sorte  de  che- 
mise sans  manches,  faite  en  coton  ou  en  écorce  battue,  souvent  peinte 
en  rouge;  les  femmes  enroulent  un  morceau  d'étofTe  autour  de  leurs 
hanches.  Tous,  hommes  et  femmes,  ont  des  pendeloques  suspendues  à 
la  cloison  du  nez.  Des  colliers  de  dents  de  singe,  des  touffes  de  plumes 
et  des  peaux  d'animaux  sont  portés  comme  trophées.  Ils  ne  pratiquent 
pas  le  tatouage,  mais  se  peignent,  en  rouge  ou  en  bleu,  la  figure  et  le 
corps.  Du  reste,  ils  n'ont  aucune  connaissance  du  dessin,  comme  ils  ne 
connaissent  aucun  instrument  de  musique  non  plus.  Ces  tribus,  très 
hospitalières,  honnêtes,  propres,  ont  acquis  toute  la  sympathie  de  l'au- 
teur. 

Notons  pour  terminer  que  M.  Nordenskiôld  a  fait  des  fouilles  archéo- 
logiques dans  les  régions  explorées  ;  les  objets  funéraires  proprement 
dits  sont  rares  dans  les  tombeaux  ;  ces  derniers  sont  élevés  au-dessus 
du  sol  et  ont  souvent  la  forme  de  caisses  en  pierre.  Des  ruines  de 
temples,  de  grands  édifices...  n'ont  pas  été  rencontrées;  cependant, 
dans  la  vallée  de  Sina,  quelques  grosses  pierres,  dont  l'auteur  donne 
la  photographie,  sur  lesquelles  sont  sculptées  des  figures  d'animaux 
(jaguars,  poissons,  serpents)  sont  peut-être  les  vestiges  d'un  grand  bâti- 
ment. 

A.  Drzkwina. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  193 

NoRDENSKiôLD  (E.) .  Ueber  Quichua  sprechende  Indianer  an  den  Ostabhiingen  der 
Anden,  etc.  (Des  ludieus  parlant  le  quichua  sur  le  versant  oriental  des  Andes, 
entre  le  Pérou  et  la  Bolivie).  Globus,  t.  LXXXVIII,  1905,  p.  101. 

L'exploratioQ  scientifique  des  régions  du  plateau  péruvien-bolivien 
(année  1904-1905)  a  donné  à  M.  Nordenskiôld  l'occasion  d'étudier  plu- 
sieurs trilKis  indiennes  habitant  le  territoire  compris  entre  le  rio  Tam- 
bopata  et  le  rio  Inambari,  affluents  du  rio  Madré  de  Dios,  tributaire 
lui-même  du  rio  Madeira.  Les  Indiens  parlant  le  quichua  habitent  le  ver- 
sant oriental  des  Andes  ;  la  langue  quichua  se  propage  de  plus  en  plus 
vers  la  limite  des  forêts  vierges  et  y  supplante  les  idiomes  lapachu,  rica- 
rica  et  autres,  de  sorte  que  plusieurs  tribus  indiennes  parlant  actuelle- 
ment le  quichua  appartiennent  en  réalité  à  des  groupes  ethniques  diffé- 
rents. 

Les  Indiens  des  vallées  montagneuses  vivent  principalement  des  pro- 
duits de  l'agriculture  et  de  Pélevage  du  bétail:  c'est  là  la  raison  prin- 
cipale du  fait  qu'ils  n'ont  pas  empiété  jusqu'à  présent  sur  les  régions  des 
forêts  vierges.  Leurs  cultures  sont  des  plus  variées  :  pommes  de  terre, 
bananes,  yucas,  maïs,  riz,  canne  à  sucre,  tomates,  café,  coton,  etc.  Le 
travail  de  la  terre  est  très  primitif  :  la  plupart  des  outils,  quoiqu'on  fer, 
n'ont  pas  changé  de  forme  depuis  la  «  conquête  » .  La  chasse  et  la  pêche 
ne  se  font  qu'exceptionnellement,  à  la  limite  des  forêts  vierges.  D'ail- 
leurs, de  nombreux  Indiens  travaillent  comme  journaliers  dans  les 
factoreries  de  gomme  ou  dans  les  usines  d'or.  Les  ustensiles  de  ménage 
sont  en  argile  ;  ils  ne  les  fabriquent  pas  eux-mêmes,  mais  les  achètent 
chez  des  tribus  voisines.  Les  vêtements  sont  en  laine  de  mouton  ou 
de  lama;  les  coiffures  présentent  souvent  des  motifs  décoratifs  variés, 
empruntés  surtout  au  règne  végétal.  Les  habitations  sont,  suivant  les 
climats,  soit  des  cabanes  en  pierre,  soit  des  huttes  2w  bambous. 

Les  Indiens  Quichuas  sont  tous  chrétiens,  leurs  pratiques  religieuses 
cependant  rappellent  souvent  des  coutumes  païennes  :  ainsi,  dans  les 
fêtes  qu'ils  organisent  en  l'honneur  des  saints,  les  hommes  dansent 
avec  des  soleils  en  carton  sur  la  tête. 

La  population  est,  en  général,  pauvre.  Adonnés  à  l'ivrognerie,  pas- 
sionnés pour  le  coca,  qu'ils  mâchent  tous,  hommes  et  femmes,  et  sur- 
tout exploités  d'une  manière  révoltante  par  les  Blancs,  ces  Indiens 
mènent  une  vie  misérable. 

A.  D. 

W.  VoLz.  Zur  Keaatûiss    der  Meutawei-Inseln   (Les  habitants  des  îles  Meutawei). 
Archîv  fur  Anthropologie,  t.  IV,  1906,  p.  93  (14  fig.  et  3  pi.). 

Les  îles  Mentawei  sont  situées  seulement  à  150  kilomètres  au  sud- 
ouest  de  Padang,  la  ville  la  plus  importante  de  Sumatra.  Elles  sont 
cependant   entièrement  isolées  du  reste  du  monde,   grâce  à  la   mer 
l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  13 


19i 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 


toujours  agitée  qui  les  entoure,  et  leurs  habitants  ont  conservé  leurs 
mœurs  primitives  sans  avoir  été  influencés  ni  par  la  culture  hindoue 
ni  par  l'islamisme  ou  la  civilisation  européenne.  Le  fer  est  encore  très 
rare  parmi  eux;  les  lances  ont  généralement  une  pointe  en  bois  et  les 
flèches  sont  rarement  armées  d'une  pointe  en  fer.  Les  instruments  de 
pierre  sont  totalement  inconnus. 

Pendant  un  court  séjour  dans  ces  îles,  l'auteur  a  pu  faire  quelques 
observations  anthropologiques.  Le  type  physique  des  insulaires  est 
mongoloïde  :  ils  ressemblent  de  tous  points  aux  Dayaks.  Leur  taille 
estdel"^,50  à  l'^jGO  chez  les  hommes,  l"s45àl"\50  chez  les  femmes.  La 
peau  est  d'un  jaune-olive  assez  clair;  elle  est  notablement  plus  claire 
sur  les  parties  couvertes.  Les  cheveux  sont  ondes,  noirs  avec  un  reflet 
brun;  les  cheveux  entièrement  noirs  sont  très  rares,  les  yeux  sont 
moins  foncés  que  ceux  des  Malais;  ils  sont  en  amande  et  présentent 
presque  toujours  le  repli  mongolique.  Le  nez  est  assez  saillant,  à  dos 
droit  ;  il  n'est  jamais  aplati.  11  y  a  une  légère  prognathie;  le  maxillaire 
inférieur  est  très  développé,  large  et  épais,  les  pommettes  sont  sail- 
lantes, les  mains  et  les  pieds  sont  larges  et  courts. 

M.  Volz  a  pu  mesurer  19  hommes  et  6  femmes.  Il  compare  ses 
chiffres  à  ceux  relevés  par  Luschan  sur  9  crânes  provenant  des  îles 
Mentawei.  Je  résume  dans  le  tableau  suivant  les  résultats  obtenus,  en 
ne  tenant  pas  compte  des  cas  extrêmes  et  isolés. 


Diamètre  aatéro-postérieur    .     .     .     . 

—        transverse 

Hauteur  sus-auriculaire 

Diamètre  frontal  minimum    .     .     .     . 
Hauteur  faciale  supérieure    .     .     .     . 

Diamètre  bizygomatique 

Distance  des  angles  de  la  mâchoire  . 

Céphalique    .     . 

Hauteur-loûgueur 
'  Facial  supérieur    .     . 

Frontal-bizygomatique 


9    CRANES  O^ 


113-182 

134-141 

116-120 

9i-9T 

69-76 

121-127 

95-101 

75-79 

63-69 

52-57 

70-78 


19    TÊTES  q' 


186-192 

151-157 

122-130 

94-100 

66-70 

138-142 

101-112 

77-82 

64-69 

47-48 

67-74 


6   TKTES      9 


174-179 

141-144 

121-123 

83-92 

64-70 

124-131 

101-107 

78-82 

66-70 

50-56 

69-73 


Le  type  est  très  homogène,  et  il  y  a  une  concordance  remarquable 
entre  les  mesures  prises  sur  le  vivant  et  celles  relevées  sur  le  crâne. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  19o 

Les  tatouages  des  habitants  de  l'archipel  Meatawei  sont  remar- 
quables. Ils  sont  plus  développés  chez  les  hommes  que  chez  les  femmes, 
qui  portent  plus  de  vêtements  que  les  premiers.  Ils  présentent  des 
variations  locales  et  individuelles.  Tout  indigène  ne  porte  pas  néces- 
sairement le  tatouage  complet  de  son  clan.  En  effet,  après  chaque  expé- 
dition'guerrière  heureuse,  le  père  a  le  droit  de  compléter  le  tatouage 
de  ses  enfants.  Le  type  général  de  ces  tatouages  peut  être  qualifié  d'ana* 
tomique.  Ils  suivent  les  contours  généraux  du  corps,  limitent  et  font 
ressortir  chacune  de  ses  régions.  Ceci  est  surtout  remarquable  sur  les 
fesses  et  les  cuisses.  A  la  main  le  tatouage  a  tendance  à  devenir  pure- 
ment décoratif,  et  les  relations  anatomiques  sont  moins  évidentes.  Chez 
les  femmes,  la  poitrine,  le  haut  du  ventre,  les  fesses  et  les  cuisses  sont 
couverts  par  les  vêtements;  ces  parties  ne  portent  pas  de  tatouages. 
Ceux  des  épaules,  des  mains,  de  l'ombilic  sont  constitués  d'après  les 
mêmes  principes  que  les  tatouages  des  hommes.  Au  nombril,  par 
exemple,  il  y  a  des  lignes  transversales  correspondant  aux  plis  nor- 
maux de  la  peau. 

Hommes  et  femmes  se  déforment  les  dents  antérieures  en  les  travail- 
lant au  marteau  et  au  burin^  de  façon  à  détacher  les  angles  et  à  les 
rendre  pointues.  Ce  traitement  commence  vers  la  puberté.  Ces  indi- 
gènes pratiquent  en  outre  l'épilation  du  creux  axillaire  et  du  pubis; 
dans  certaines  localités  ils  s'arrachent  aussi  les  cils  et  les  sourcils.  L'épi- 
lation a  lieu  dans  les  deux  sexes. 

Le  vêtement  des  hommes  consiste  en  une  ceinture  longue  de  2  mètres, 
roulée  autour  des  hanches  et  passée  entre  les  cuisses.  Celui  des  femmes 
comprend  une  ceinture  frangée,  roulée  autour  de  la  taille,  et  une  autre 
bande  à  franges  courtes  passée  sous  les  bras  et  enserrant  la  poitrine 
ou  se  croisant  en  avant  et  en  arrière.  Ces  objets  sont  en  fibres  de  feuilles 
de  bananier;  ils  sont  remplacés  progressivement  par  des  étoffes  euro- 
péennes. 

M.  Volz  a  observé  d'intéressants  dispositifs  pour  protéger  les  noix 
de  coco.  Les  cocotiers  portaient  au-dessous  de  la  couronne,  à  plusieurs 
mètres  au-dessus  du  sol,  des  armatures  formées  de  lattes  de  bambous 
pointus  ou  des  lances  de  bambous  disposées  de  façon  à  tomber  sur 
celui  qui  tenterait  de  monter  à  l'arbre. 

D""  L.  Laloy. 

Paul  et  Fritz  Sarazin.  Versuch  einen  Anthropologie  der  Insel  Celebes,  I.  Die 
Toala-Hûhlen  von  Lâmontjong  (Anthropologie  de  Tile  de  Célèbes,  I.  Les 
cavernes  des  Toala  de  Lamontjoug).  WiesbaJeu,  Kreidel,  1905,  gr.  in-8"^  (avec 
6  pi.). 

Ce  mémoire  forme  le  tome  V,  première  partie,  des  Materialien  zur 
Naturgesckichte  der  Insel  Celebes.  Les  Toala,  qui  habitent  le  district 
de  Lâmontjong,  constituent  une  population  primitive,  de  petite  taille,  à 


196  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

peau  foncée,  et  à  cheveux  ondes,  qui  est  actuellement  fortement  mé- 
langée d'éléments  Bougi.  Il  y  a  des  races  analogues  dans  la  péninsule 
sud-est_,  par  exemple  les  Tomuna  et  les  Tokea  ;  enfin  on  rencontre 
dans  le  centre  de  Célèbesdes  individus  ou  des  familles  esclaves  appar- 
tenant à  cette  race  primitive,  qui  est  certainement  apparentée  aux 
Wedda  de  Ceylan  et  aux  Senoï  de  Malacca. 

Les  auteurs  avaient  souvent  entendu  dire  par  les  Toala  qu'ils  habi- 
taient autrefois  des  cavernes  et  couchaient  sur  le  sol.  C'est  ce  qui  les 
a  engagés  à  entreprendre  des  fouilles  dans  les  grottes,  actuellement 
inhabitées,  si  nombreuses  dans  le  district  de  Lamontjong. 

Dans  cinq  d'entre  elles  ils  ont  trouvé  des  traces  d'anciennes  stations. 
Toutes  sont  situées  à  une  grande  hauteur  au-dessus  du  fond  de  la 
vallée.  Les  fouilles  ont  donné  une  industrie  de  la  pierre  extrêmement 
remarquable  par  la  similitude  d'un  grand  nombre  de  pièces  avec  celles 
du  Paléolithique  d'Europe,  tandis  que  d'autres  appartiennent  à  des 
types  nouveaux.  H  y  a  également  des  instruments  en  os,  en  dents  et  en 
bois  ;  un  seul  tesson  de  poterie  a  été  trouvé.  Le  silex  est  très  rare  dans 
la  région,  on  n'a  rencontré  que  deux  pointes  de  flèche  en  cette  matière. 
La  substance  la  plus  communément  utilisée  est  une  quarlzite  qui  ne  se 
prête  pas  à  une  fabrication  aussi  régulière  que  le  silex.  L'abondance 
des  éclats  informes  et  l'absence  de  nucléus  prouvent  qu'on  brisait 
grossièrement  les  pierres,  qu'on  choisissait  les  rares  fragments  utili- 
sables et  qu'on  rejetait  tous  les  autres.  On  se  servait  également  d'une 
andésite  noire,  dont  certaines  variétés  plus  fines  présentent  le  bulbe  de 
percussion.  Le  calcaire  des  montagnes  où  sont  creusées  les  grottes  a 
lui-même  été  employé  pour  faire  des  couteaux  et  des  pointes. 

Les  couteaux  sont  d'ordinaire  à  deux  tranchants  ;  ceux  à  un  tran- 
chant étaient  peut-être  emmanchés  par  le  dos.  Les  grattoirs  présentent 
souvent  des  retouches  très  nettes.  Les  pointes  sont  de  dimensions 
variables  :  les  plus  grandes  ont  servi  à  armer  des  lances,  les  plus  petites 
sont  des  pointes  de  flèches;  leur  forme  est  très  variable  et  montre 
qu'il  n'y  avait  pas  de  technique  précise  pour  les  fabriquer;  elles  sont 
dues  à  un  hasard  heureux,  à  un  coup  bien  porté.  Certaines  ont  été 
rétrécies  par  des  retouches,  de  façon  à  constituer  une  pique  ou  un 
poignard.  L'une  d'elles  a  deux  ailerons  à  crochets;  malheureusement  le 
bulbe  de  percussion  se  trouve  du  côté  de  la  pointe.  On  reconnaît  comme 
l'ouvrier  a  cherché  en  vain  à  aiguiser  celle-ci.  Celte  pièce  que  le  hasard 
avait  fait  si  bien  venir  est  restée  inutilisable.  D'une  façon  générale, 
l'industrie  de  ces  Toala  est  rudimentaire,  la  moindre  difficulté  les 
arrête. 

Ce  sont  les  pointes  de  flèches  qui  constituent  l'élément  vraiment 
caractéristique  de  celte  industrie.  Elles  sont  presque  toutes  caractéri- 
sées par  leurs  bords  dentés  en  scie.  Cependant  leur  forme  est  toujours 
très  primitive  et  dépend  absolument  de  celle    de  l'éclat  enlevé  à  la 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  197 

pierre.  Le  but  de  ces  indentations  était  de  retenir  la  flèche  dans  la 
plaie;  lorsqu'on  a  exceptionnellement  réussi  à  produire  des  ailerons  à 
crochets,  les  dents  des  bords  de  la  pointe  sont  petites  ou  tout  à  fait 
absentes.  Les  auteurs  ont  pu  se  convaincre  expérimentalement  que  la 
production  de  ces  dents  est  très  facile.  Lorsque,  sur  le  tranchant  d'un 
éclat  de  quartzite  ou  d'andésite,  on  frotte  l'arête  d'un  autre  éclat,  à  la 
façon  d'un  archet  sur  un  violon,  il  se  détache  un  fragment.  Rn  répétant 
l'opération  à  intervalles  réguliers  on  obtient  des  dents  de  scie.  Celles- 
ci  peuvent  être  considérées  comme  le  premier  stade  des  retouches. 
En  eff'et,  si  on  les  fait  tomber,  qu'on  retourne  la  pointe  et  qu'on  opère 
comme  précédemment  sur  l'autre  face,  celle-ci  perdra  à  son  tour  de 
petits  éclats  conchoïdes,  le  bord  reculera  et  deviendra  plus  épais^, 
jusqu'à  ce  que  l'épaississement  progressif  du  milieu  de  la  pièce  rende 
ce  travail  impossible. 

Les  deux  uniques  pointes  de  flèches  en  silex  ont  été  traitées  avec  un 
soin  tout  particulier.  Leurs  dents  sont  très  longues,  leur  pointe  est 
grêle,  et  cependant  la  forme  générale  est  disymétrique  et  tordue. 
Certaines  pointes  de  flèches  sont  très  petites  et  ont  dû  servir  à  la 
chasse  aux  oiseaux  et  aux  Chéiroptères.  Parfois  on  a  essayé  de  faire 
des  ailerons  à  crochets;  l'extrémité  postérieure  de  la  pièce  se  termine 
alors  par  une  dépression  semi-lunaire  au  milieu  de  laquelle  venait 
s'insérer  la  tige. 

L'existence  de  ces  nombreuses  pointes  de  flèches  prouve  celle  de 
l'arc,  ce  qui  est  intéressant,  car  l'arc  fait  actuellement  presque  entiè- 
rement défaut  à  Célèbes  ;  on  ne  le  trouve  plus  que  comme  jouet  dans 
le  centre  de  l'île,  ou  sous  la  forme  d'imitations  en  bois  destinées  à  des 
usages  rituels.  La  sarbacane  est  ignorée  des  Toala  actuels  et  semble  en 
régression  à  Célèbes.  11  n'est  pas  certain  que  ce  soit  elle  qui  a  amené 
la  disparition  de  l'arc. 

On  n'a  trouvé  ni  scies,  ni  perçoirs  véritables.  Le  bois  et  l'os  étaient 
travaillés  exclusivement  au  couteau.  Il  y  a,  en  revanche,  des  éclats  de 
forme  générale  quadrilataire,  dentelés  sur  un,  deux  ou  trois  de  leurs 
bords  ;  le  bord  le  plus  épais  est  toujours  inerme  et  devait  être  emman- 
ché. Les  massues  actuelles  des  Toala  sont  garnies  de  pièces  de  fer 
souvent  dentelées  sur  leurs  bords.  Il  est  probable  que  les  éclats  de 
pierre  en  question  servaient  de  même  aux  Toala  primitifs  pour  armer 
leurs  massues.  Celles-ci  servent  aussi  d'armes  de  jet,  ce  qui  permet  de 
comprendre  comment  cette  armature  peutfaire  des  blessures  profondes. 

Les  points  de  flèches  en  os  sont  fusiformes  et  ont  une  face  convexe 
et  une  face  concave.  Elles  devaient  être  emmanchées  à  la  façon  des 
flèches  sud-américaines  :  le  corps  de  la  flèche  est  attaché  à  la  tige  de 
façon  que  l'une  des  pointes  regarde  en  avant^  l'autre  obliquement  en 
arrière  comme  un  crochet  de  harpon.  Les  Toala  utilisaient  également 
des  dents  de  sanglier  taillées  d'une  façon  analogue.    Ces  pointes  fusi- 


198  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

formes  sont  de  tons  points  comparables  à  celles  des  stations  paléoli- 
thiques d'Europe.  On  a  trouvé  enfin  la  pointe  d'un  poignard  en  os.  On 
peut  admettre  que  cet  instrument  est  le  type  primitif  qui  a  donné 
naissance  aux  pointes  de  flèches  d'abord,  aux  aiguilles  ensuite.  Celles- 
ci  ne  sont  pas  représentées  à  Gélébes  tandis  que  nos  stations  préhisto- 
riques donnent  la  sériation  continue  du  poignard  à  l'aiguille.  En 
revanche  le  Toala  avait  les  mômes  sifflets  en  os  de  phalanges  que  nos 
Paléolithiques,  seulement  ils  sont  de  dimensions  moindres  et  ne  donnent 
qu'un  son  très  élevé. 

On  a  trouvé  des  amulettes  pourvues  d'un  trou  de  suspension  et 
taillées  dans  des  crânes  humains.  L'une  d'elles,  paraissant  provenir 
d'un  sternum,  porte  des  lignes  gravées  en  creux  et  disposées  en 
chevrons.  Aux  îles  Andaman,  les  cadavres  sont  déterrés  après  un 
certain  temps,  on  nettoie  les  os,  on  les  brise  en  petits  morceaux,  dont 
on  fait  des  amulettes  qui  sont  distribuées  aux  parents  et  aux  amis  en 
souvenir  du  mort.  Cette  coutume  peut  servir  à  expliquer  l'origine  des 
pendeloques  en  os  humains  chez  les  Toala  et  dans  nos  stations  préhis- 
toriques. Leur  présence  ne  permet  pas  en  tous  cas  de  conclure  à 
l'existence  de  l'anthropophagie. 

Une  coquille  de  Cyprsea,  dont  le  dos  a  été  enlevé,  servait  également 
de  pendeloque  et  prouve  que  les  Toala  entretenaient  des  relations  avec 
la  côte.  Ils  collectionnaient  aussi  des  fossiles,  ce  qui  les  rapproche 
encore  des  troglodytes  d'Europe.  Parmi  les  autres  objets  recueillis  dans 
les  grottes,  citons  un  bâton  pointu  devant  servir  à  déterrer  les  racines 
alimentaires  et  des  fragments  de  tissus  dont  les  fils  sont  noués  à  peu 
prèsà  la  façon  des  mailles  d'un  filet.  Les  Australiens  fabriquent  encore 
actuellement  des  sacs  d'après  ce  procédé. 

L'unique  représentant  de  la  céramique  des  Toala  primitifs  est  un 
tesson  en  terre  grossière,  portant  une  bande  horizontale  saillante 
ornée  d'empreintes  de  doigts  espacées  régulièrement.  Son  aspect  est 
tout  à  fait  néolithique.  Comme  les  Toala  actuels  ne  connaissent  pas  la 
céramique,  mais  achètent  leurs  vases  aux  Bougi,  il  est  hors  de  doute 
que  cette  pièce  n'a  pas  été  fabriquée  par  eux,  mais  acquise  par  voie 
d'échange.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  Toala  sont,  comme  les  Wedda, 
des  chasseurs  qui  grillent  au  feu  de  la  viande  et  des  racines  alimen- 
taires et  qui  se  passent  fort  bien  de  poterie. 

Il  n'est  guère  possible  d'identifier  l'industrie  des  Toala  avec  l'un  de 
nos  âges  de  la  pierre.  Si  son  aspect  général  est  paléothique  et  rappelle 
spécialement  le  Magdalénien,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  d'après  Hœrnes, 
les  chasseurs  de  rennes  ne  possédaient  pas  l'arc  et  que  les  pointes  de 
flèches  à  base  découpée  et  à  ailerons  sont  caractéristiques  du  Néolithique. 
Rappelons  que  des  pointes  de  flèches  à  bords  dentelés  en  scie  ont  été 
trouvés  dans  le  Magdalénien  de  Bruniquel.  (/l/^^/irop.XlV,1903,p.  134). 

Les  grottes  des  Toala  n'ont  pas  donné  de  haches  de  pierre.  On  en 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  199 

rencontre  cependant  dans  toute  File  et  il  est  certain  qu'une  période 
néolithique  caractérisée  par  ces  haches  s'est  étendue  à  tout  l'archipel 
malais.  Avant  la  découverte  de  l'industrie  toalienne,  ces  haches  et  des 
burins  étaient  les  seuls  instruments  de  pierre  qu'on  eût  rencontrés  dans 
l'archipel.  Il  y  a  également  eu  un  âge  du  bronze,  de  sorte  que  cette 
région  a  parcouru,  à  une  époque  relativement  récente,  tous  les  stades  du 
Préhistorique  d'Europe. 

Le  Paléolithique  de  Célèbes  peut,  sans  hésitation,  être  attribué  aux 
ancêtres  des  Toala  actuels,  La  petitesse  des  instruments  et  leur  gros- 
sièreté indiquent  une  race  de  petite  taille  et  de  faible  développement 
intellectuel.  Les  ossements  humains  trouvés  dans  les  grottes  se  rap- 
portent bien  à  cette  race.  Sa  civilisation  néolithique  a  été  apportée  par 
des  tribus  malaïques,  les  Toradja,  dont  font  partie  les  Bougi.  Elles 
s'établirent  sur  la  côte  en  refoulant  les  Toala  vers  l'intérieur  ou  en  se 
croisant  avec  eux.  Le  fait  intéressant  établi  par  les  recherches  des 
Sarasin  est  que  Célèbes,  et  vraisemblablement  tout  l'archipel  malais,  a 
eu  pour  première  population  une  race  semblable  aux  Wedda  de 
Ceylan  et  dont  l'industrie  se  rapproche  du  Paléothique  d'Europe. 

Les  foyers  des  grottes  sont  remplis  de  nombreux  ossements  plus  ou 
moins  brisés  et  carbonisés.  Il  n'y  a  que  des  animaux  sauvages  : 
Phalanger,  Babiroussa,  Anoa  depirssicornis,  Paradoscure,  Pteropus 
alalo,  Macacus  maurus,  des  rongeurs,  des  oiseaux,  des  restes  de  python, 
des  coquilles  de  mollusques.  Aucun  animal  domestique  ;  le  chien  lui- 
même  n'est  pas  représenté.  Cette  faune  ne  diffère  de  la  faune  actuelle 
de  Célèbes  que  par  l'absence  du  cerf  et  la  présence  du  Babiroussa. 
Celui-ci  a  disparu  grâce  à  la  destruction  des  forêts  par  les  Bougi.  Le 
cerf,  introduit  depuis  une  centaine  d'années,  remplace  partout  Anoa 
depressicornis.  L'étude  de  cette  faune  des  grottes  ne  permet  pas  de 
dater  avec  précision  l'époque  où  elles  étaient  habitées. 

Dans  quelques  grottes,  on  a  trouvé  des  ossements  humains  brisés, 
mais  sans  trace  de  calcination.  Il  s'agit  probablement  d'individus  morts 
dans  la  grotte;  celle-ci  a  été  de  nouveau  habitée  lorsque  la  décompo- 
sition et  les  animaux  sauvages  ont  fait  disparaître  le  cadavre.  Ces 
restes  piétines  dans  le  sol  de  la  grotte  avec  les  os  des  animaux  servant 
de  nourriture  sont  en  trop  mauvais  état  pour  permettre  une  étude 
anthropologique  approfondie.  Un  humérus  à  peu  près  intact  a  cepen- 
dant permis  de  calculer  une  taille  approximative  de  1^,56.  La  moyenne 
de  'H  Toala  actuels  est  de  l'",57.  Les  premiers  métatarsiens  ont,  l'un 
0'",050,  l'autre  O'^jOSl  de  longueur.  Chez  6  Wedda  cette  mesure  varie 
entre  0™,056  et  0™,64.  Tous  les  os  sont  grêles  avec  des  crêtes  et  des 
rugosités  peu  développées;  ils  ressemblent  à  ceux  des  Wedda  et  des 
Senong,  et  rien  ne  s'oppose  à  admettre  que  les  Paléolithiques  des 
grottes  de  Lamontjong  sont  les  ancêtres  directs  des  Toala  actuels. 

D'^  L.  L. 


200  MOUVEMENT  ^SCIENTIFIQUE. 

E.  Fischer.  Anatomische  Unlersuchungen  an  den   Kopfweichteilen  zweier  Papua 

(Etude  auatomique   des  parties  molles    de  la  tête    chez  deux  Papous).    Correspon- 
denz-Blatt  der  deulsclien  Gesellschaft  jiir  Anthropologie,  t.  XXXVI,  IQGî),  p.  118. 

Nos  connaissances  sur  les  parties  molles  des  races  exotiques  sont 
encore  bien  défectueuses.  C'est  ce  qui  a  décidé  M.  Fischer  à  étudier  à 
ce  point  de  vue  deux  têtes  de  Papous  conservées  dans  le  formol.  Ce 
travail  est  à  rapprochei"  de  celui  de  Birkner  sur  les  Chinois  {Anthrop., 
XVI,  1905,  p.  701)  et  des  recherches  de  Kollmann  sur  la  reconstitution 
de  la  physionomie  {ibid.,  iX,  1898,  p,  692).  M.  Fischer  a  employé  la 
même  méthode  que  ces  deux  auteurs,  l'enfoncement  d'aiguilles  cou- 
vertes de  noir  de  fumée.  Il  a  constaté  qu'à  la  racine  du  nez  l'épaisseur 
des  parties  molles  est  bien  plus  faible  que  chez  les  Européens  et,  à 
plus  forte  raison  que  chez  les  Chinois.  En  revanche,  à  la  pointe  du  nez 
la  peau  des  Papous  est  plus  épaisse.  Au  sommet  de  Tos  malaire  les 
téguments  sont  plus  minces  chez  les  Papous  que  chez  les  Européens  et, 
à  plus  forte  raison,  que  chez  les  Chinois.  A  la  région  maxillaire  infé- 
rieure, ils  sont  plus  épais  que  chez  les  Européens  et  même  parfois  que 
chez  les  Chinois.  Sur  le  masséter  également,  la  peau  est  très  épaisse. 

L'examen  des  muscles  de  la  face  a  montré  que  le  peaucier  échange, 
plus  souvent  que  chez  l'Européen,  des  fibres  avec  d'autres  muscles,  tels 
que  le  carré  des  lèvres,  le  zygomatique,  le  triangulaire  et  le  menton- 
nier.  Chez  l'un  des  Papous,  le  peaucier  monte  jusqu'à  l'orbiculaire  des 
paupières,  sous  forme  d'une  couche  mince  formée  de  fibres  en  partie 
isolées.  C'est  là  une  conformation  toute  primitive,  qui  est  de  règle  chez 
les  Lémuriens  et  chez  certains  Singes.  Il  y  a  peu  de  différenciation  entre 
les  muscles  du  pourtour  de  l'œil  et  de  l'espace  situé  entre  l'œil  et  la 
bouche.  L'orbiculaire  des  paupières  et  le  zygomatique  forment  une 
masse  unique.  Le  carré  de  la  lèvre  supérieure  se  relie  non  seulement  à 
l'orbiculaire  des  paupières,  mais  au  frontal. 

Les  muscles  de  la  calotte  crânienne  présentent  une  conformation 
encore  plus  primitive.  On  sait  que,  d'après  Huge,  ils  constituent  chez  les 
formes  inférieures  un  revêtement  uniforme  qui  a  plus  tard  été  dissocié 
grâce  au  développement  du  crâne  cérébral,  et  dont  les  restes  constituent 
les  muscles  frontal,  auriculaire  et  occipital.  Comme  trace  de  l'état  pri- 
mitif on  trouve  assez  souvent  chez  l'Européen  des  fibres  qui  remontent 
plus  haut  qu'à  l'état  normal.  Chez  le  fœtus,  des  fibres  de  l'auriculaire 
se  dirigent  en  avant  et  atteignent  parfois  l'orbiculaire  des  paupières. 
Il  en  est  ainsi  chez  l'un  des  Papous.  Chez  l'autre,  il  y  a  du  côté  gauche 
un  orbito-auriculaire  tout  à  fait  semblable  à  celui  des  Lémuriens  et  des 
Singes.  Le  frontal,  l'orbiculaire,  les  auriculaires  antérieur  et  supérieur 
forment  une  seule  lame  musculaire.  Forster  avait  déjà  constaté  ce  fait 
sur  des  nouveàu-nés  Papous;  il' est  plus  intéressant  de  le  rencontrer 
chez  l'adulte. 

D^  L.  L, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  201 

R.  PôGH.  Fâlle  von  Zwergwuchs  unter  den  Kai  (Cas  de  nanisme  chez  les  Kai  de  la 
Nouvelle-Guinée  allemande.  Milleilungen  der  ani h^opologischen  Gesellschaft  in 
Wien,  t.  XXXV,  1905,  p.  40. 

Les  Kai  habitent  actuellement  Tarrière-pays  de  Finschhafen;  ils  ont 
été  refoulés  de  toutes  parts  par  les  Yabim.  Au  nord  se  trouve  un 
peuple  qui  leur  est  apparenté,  les  Poums  ;  à  l'ouest  leur  territoire 
paraît  s'étendre  très  loin  à  l'intérieur  des  terres.  D'après  leur  distribu- 
tion, leur  langue  et  leurs  mœurs,  on  peut  penser  que  les  Kai  sont 
venus  de  l'ouest  dans  leur  territoire  actuel. 

l.a  taille  moyenne  de  50  adultes  mâles  pris  au  hasard  est  de  1™,525, 
celle  de  12  femmes  l'",435.  M.  Pôch  a  trouvé  deux  hommes  dont  la 
taille  n'était  que  de  1°^,33  et  1"",35;  4  individus  de  1"',36  à  l'",40;  6  de 
4™,41  à  l'i^,45  ;  14  de  1"\46  à  l^^^SO;  14  de  l"i,51  àl"i,55;  13  de  i'^.^G  à 
l^SeO  ;  2  de  l"s61  à  1°^,66.  Parmi  les  femmes,  la  taille  variait  de  l'",38  à 
1™,48.  Certains  de  ces  chiffres  sont  inférieurs  à  la  moyenne  des  races 
pygmées  :  Weddahs  (1™,42),  Negritos  des  Philippines  (1™,37),  Akkas 
1"\34).  Ces  Kai  de  petite  taille  sont  bien  proportionnés,  de  sorte  qu'on 
peut  affirmer  qu'il  s'agit  de  nanisme  vrai,  non  pathologique.  De  plus,  ce 
phénomène  n'est  pas  rare  chez  eux;  car  sur  300  hommes  adultes,  l'au- 
teur en  a  trouvé  9,  soit  3  0/0  dont  la  taille  était  inférieure  à  l'",40. 

On  ne  peut  guère  dire  qu'il  s'agit  là  de  variations  individuelles  nor- 
males. Il  est  plus  probable  que  les  Kai  se  sont  mélangés  avec  une  race 
de  Pygmées,  qui  occupait  autrefois  leur  pays  actuel  ou  celui  d'où  ils 
sont  venus.  Il  faut  donc  s'attendre  à  trouver  dans  la  Nouvelle-Guinée 
ou  les  îles  adjacentes  les  restes  d'une  population  pygmée. 

D--  L.  L. 


R.  Pôcii,  Ueber  den  Hausbau  der  Jabimleute,  etc.  (La  construction  des  maisons  chez 
les  Jabim  de  la  côte  orientale  de  la  Nouvelle- juiuée  allemande).  ZeiLschrift  fur 
Ethnologie,  t.  XXXVII,  1905,  p.  514  (4  fig.). 

Les  habitations  des  Jabim  sont  construites  sur  pilotis,  quoiqu'en 
terre  ferme.  Quatre  pieux  supportent  le  plancher  et  sur  celui-ci  se 
trouvent  quatre  parois  en  planches  qui  n'atteignent  pas  jusqu'au  toit 
et  ne  le  supportent  pas  Celui-ci  est  placé  sur  quatre  piquets  placés  à 
côté  des  précédents,  mais  sans  lien  avec  eux  ;  ils  traversent  le  plancher 
de  la  maison  sans  aider  à  le  soutenir.  Devant  la  maison  se  trouve  un 
perron  en  bois  supporté  par  quatre  pieux;  on  y  accède  au  moyen  d'une 
poutre  à  encoches,  placée  obliquement.  On  passe  de  là  dans  la  maison 
par  un  orifice  silué  dans  le  haut  d'une  des  parois.  La  maison  n'est 
éclairée  que  par  cet  orifice  et  par  la  fente  située  entre  les  murs  et  le 
toit.  Celui-ci  est  garni  de  feuilles  de  palmier.  Au  milieu,  il  recouvre  direc- 
tement l'intérieur  de  la  maison;  vers  les  pignons,  il  en  est  séparé  par 


202  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

des   planchers  intermédiaires.  Il  n'y  a  pas  de  cloisons  limitant  des 
chambres. 

Les  bâtiments  pour  les  assemblées  sont  bien  plus  grands  que  les  mai- 
sons d'habitation.  Ils  s'en  distinguent  parce  qu'il  y  a  deux  étages.  Au- 
dessous  de  la  partie  supérieure,  identique  au  modèle  de  celles-ci,  il  y 
a  un  plancher  supporté  à  une  faible  hauteur  au-dessus  du  sol  par  un 
troisième  système  de  quatre  pieux.  Cet  étage  inférieur  est  ouvert  sur 
les  côtés.  On  accède  à  la  salle  supérieure  par  deux  portes  percées  sur 
les  petits  côtésdu  quadrilatère;  on  arrive  à  ces  orifices  au  moyen  d'une 
perche  à  encoches,  reposant  sur  une  poutre  saillante  du  plancher.  A 
l'extrémité  de  celle-ci  est  suspendu  un  ornement  en  bois  qui  a  été 
taillé  dans  la  poutre  et  qui  s'articule  avec  elle  comme  les  anneaux  d'une 
chaîne.  La  grande  salle  de  ce  bâtiment  sert  de  dortoir  aux  jeunes  gens 
non  mariés,  mais  nubiles  et  circoncis;  on  y  conserve  aussi  les  instru- 
ments qui  servent  à  la  circoncision.  Les  femmes  n'ont  pas  le  droit  d'y 
pénétrer;  les  étrangers  de  passage  y  reçoivent  l'hospitalité. 

D^  L.  L. 


Reports  of  the  Cambridge  anthropological  expédition  to  Torres  Straits.  Vol.  V. 
Sociology,  magie  and  religion  of  the  Western  Islanders  (Rapports  de  Texpédition 
anthropologique  de  Cambridge  au  détroit  de  Torre?.  Vol  V.  Sociologie,  magie  et 
religion  des  insulaires  occidentaux).  Cambridge,  University  Press,  1904,  378  p., 
in-4,  84  fig.  22  planches. 

Ce  volume  des  rapports  de  l'expédition  due  à  l'initiative  de  M.  Had- 
don,  expose  les  résultats  des  observations  de  ce  dernier  et  de  ses 
collaborateurs,  MM.  W.  H.  Rivers,  C.  G.  Seligmann  et  A.  Wilkin. 
La  besogne  des  investigateurs  anglais  a  été  considérablement  faci- 
litée par  l'assistance  d'indigènes  éduqués  :  le  chef  Waria,  de  Mabuiag, 
qui,  de  sa  propre  initiative,  envoya  à  M.  Haddon  des  notes,  écrites  de 
sa  main^  sur  la  généalogie  des  gens  de  sa  tribu,  et  des  contes;  Pasi,  de 
Dauar,  qui  écrivit  pour  M.  Ray,  linguiste  de  l'expédition,  des  frag- 
ments de  légendes;  Gizu,  de  Mabuiag,  qui  dessina  la  plupart  des  figures 
qui  illustrent  le  livre. 

Une  telle  instruction  des  peuples  placés  entre  les  Papous  et  les 
Australiens,  doit  naturellement  nous  mettre  en  garde  contre  le  caractère 
«  primitif  »  des  faits  recueillis;  ces  îles  sont  très  travaillées  depuis 
trente  ans  par  les  missionnaires  protestants,  et  M.  Haddon  lui-même 
constate  que,  sauf  quelques  très  vieux  hommes,  tout  le  monde  y  parle 
anglais  et  que  la  vie  sociale  originale  s'altère  très  rapidement.  Ce- 
pendant, les  résultats  sont  considérables  et,  si  les  coutumes  anciennes 
commencent  à  perdre  la  valeur  de  lois,  elles  ont  encore  suffisamment 
de  vogue  pour  régler  les  détails  de  la  vie  journalière  :  la  famille  con- 
serve son  ancienne  nomenclalure,  la  magie  primitive  est  encore  floris- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  203 

santé  et,  occasionnellement,  on  célèbre  de  grandes  fêtes  religieuses. 

Les  îles  du  détroit  de  Torres  ont  été  divisées  en  deux  groupes;  bien 
que  la  technologie  soit  uniforme  dans  tout  l'archipel,  les  coutumes 
sociales  et  les  croyances  religieuses  présentent  des  différences  mar- 
quées dans  le  groupe  oriental  et  dans  le  groupe  occidental. 

Les  îles  dont  il  s'agit  sont  peu  étendues,  ont  une  végétation  pauvre 
et  sont  mal  irriguées.  Les  observations  ont  surtout  porté  sur  celles  de 
Mabuiag,  de  Saibai,  de  Muralug,  de  Tutu  et  de  Yam. 

La  population  est  peu  dense;  elle  est  d'origine  papoue,  fortement 
imprégnée  d'éléments  mélanésiens  et  même  australiens  (de  la  presqu'île 
d'York).  Le  métissage  entre  les  deux  groupes  d'insulaires  du  détroit 
de  Torres  est  assez  considérable;  de  plus^  ces  gens  se  marient  souvent 
avec  des  Mélanésiens  et  même  des  Polynésiens  et  des  indigènes  de  la 
Nouvelle-Guinée. 

Les  divisions  en  groupes  sociaux  sont  assez  nettes  :  en  fait,  chaque 
île  forme  une  tribu  ou,  comme  M.  Haddon  préfère  avec  juste  raison 
l'appeler,  un  «  groupe.  »  Chacun  des  groupes  diffère  de  son  voisin, 
souvent  par  la  possession  d'un  sous-dialecte  particulier  et  de  coutumes 
spéciales  :  telle  coutume  conservée  ici  a  disparu  là;  telle  institution  a 
évolué  là  et  est  restée  ici  en  état  de  stagnation.  Mais  ces  différences  sont 
purement  locales,  et  M.  Haddon  a  peut-être  bien  fait  de  ne  pas  donner 
à  ces  divisions  géographiques  le  nom  de  tribus,  car  elles  ne  comportent 
pas  les  fonctions  de  la  tribu  proprement  dite;  peut-être  aurait-il  dû, 
pour  être  complètement  exact,  ajouter  au  mot  groupe  l'adjectif  «  local  ». 

L'organisation  des  groupes  est  à  l'heure  actuelle  un  peu  trouble  : 
on  aperçoit  bien  une  ancienne  constitution  en  clans,  mais  elle  se  super- 
pose aujourd'hui  à  une  organisation  territoriale  :  les  gens  de  villages 
différents  se  groupent  cependant  ensemble  suivant  le  totem  de  clan 
qu'ils  possèdent.  Autrefois  les  gens  d'un  même  totem  habitaient  une 
même  localité  (p.  159).  On  nous  parle  de  clans  différents  portant  un 
même  totem.  Ils  paraissent  avoir  formé  autrefois  deux  sections  diffé- 
rentes, celles  du  «  grand  »  et  du  «  petit  »  totem  :  l'une  comprenait  les 
totems  terrestres,  l'autre  les  totems  aquatiques.  Les  recherches  faites 
par  les  auteurs  prouvent  que  cette  division  ne  correspond  pas  à  la  divi- 
sion en  deux  phratries  qui  existe  en  Australie.  Théoriquement,  il  est 
encore  interdit  à  un  homme  de  se  marier  dans  son  totem,  qui  est 
aujourd'hui  celui  de  son  père;  cependant,  certains  hommes  y  joignent 
celui  de  leur  mère  ;  d'autres  signes  montrent  que  la  descendance  fut 
autrefois  suivant  la  ligne  féminine. 

L'organisation  familiale  semble  avoir  subi  de  profondes  modifications 
quant  à  sa  constitution  extérieure;  cependant,  les  nomenclatures  de 
parenté  et  les  généalogies  fournies  par  les  indigènes,  et  en  particulier 
par  le  chef  Waria,  nous  permettent  de  conclure  à  l'état  très  rudimen- 
taire  de  la  famille  avant  l'arrivée  des  Européens.  Sa  forme  répond  à 


204  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

peu  près  à  ce  que  L.  H.  Morgan  appelait  «  le  type  hawaïen  de  la 
famille  classificatoirn  ».  Il  n'y  a  pas  trace  de  promiscuité  ni  d'inceste; 
le  père,  l'oncle  paternel,  Toncle  maternel  portent  des  noms  dilTé- 
rents.  Le  système  de  nomenclature  montre  cependant  des  particularités 
intéressantes  :  les  termes  par  lesquels  certains  parents  se  nomment  sont 
réciproques;  par  exemple^,  le  même  terme  [baba)  est  usité  par  le  frère 
qui  s'adresse  à  sa  sœur  ou  par  la  sa^.ur  qui  s'adresse  à  son  frère  ;  mais 
si  c'est  un  frère  qui  s'adi'esse  à  un  frère,  ou  une  sœur  à  une  sœur,  le 
mot  employé  est  différent  {tnkoiab).  L'oncle  et  le  neveu  se  servent 
aussi  de  termes  réciproques.  Autre  particularité  curieuse  :  un  homme 
ne  peut  parler  à  ses  beaux-frères  ni  à  son  beau-père  ;  une  femme  à  sa 
belle-mère  ni  à  ses  belles-sœurs. 

Ces  noms  différents  ne  sont  pas  de  pure  étiquette  :  ils  supposent  des 
droits  et  des  devoirs;  le  degré  de  parenté  qui  confère  le  plus  de  droits 
est  celui  d'oncle  maternel  [ivadwam];  le  neveu  lui  doit  obéissance, 
même  en  temps  de  guerre. 

On  a  coutume  de  prendre  femme  dans  certains  clans  déterminés.  Il 
arrive  souvent  qu'un  groupe  de  frères  d'un  certain  clan  épouse  un 
groupe  de  sœurs  d'un  autre  clan.  A  la  mort  d'un  homme,  sa  veuve  se 
remarie  fréquemment  dans  le  clan  de  son  mari  défunt.  Le  mariage  peut 
être  rompu  pour  cause  d'infidélité  ou  de  stérilité;  la  femme  est  rendue 
à  ses  parents  et  peut  se  remarier. 

Le  droit  successoral  nous  apprend  peu  de  choses  :  à  la  mort  d'un 
homme,  ses  enfants  se  partagent  ses  biens;  on  pourrait  cependant  dis- 
poser d'une  partie  de  ses  biens  en  faveur  d'étrangers  (p.  286). 

La  constitution  politique  des  insulaires  du  détroit  de  Torres  était  de 
la  nature  la  plus  simple  :  bien  qu'il  n'y  eut  pas,  à  proprement  parler^ 
de  classes  d'âge,  les  gens  obéissaient  à  une  sorte  de  conseil  des  vieil- 
lards. Il  y  avait  dans  chaque  île,  qui  constituait  ainsi  un  groupe  poli- 
tique, un  chef  dont  l'autorité  nous  est  mal  connue. 

La  propriété  de  certaines  choses  était  indivise  dans  les  clans;  à 
Mabuiag,  les  canots  appartenaient  à  la  famille;  la  propriété  de  la  terre 
n'était  pas  soumise  à  des  règles  fixes;  on  s'en  débarrassait  volontiers. 

Les  règles  morales  n'étaient  pas  très  strictes  ;  elles  étaient  inculquées 
aux  jeunes  gens  lors  de  leur  initiation;  la  moralité  domestique  et 
sexuelle  était  bonne.  L'homicide  ne  devenait  meurtre  qu'à  l'intérieur 
du  clan;  les  assassinats  entre  gens  de  clans  différents  se  réglaient  par 
le  combat  d'un  clan  contre  l'autre.  Les  étrangers  qui,  autrefois,  abor- 
daient sur  ces  îles  étaient  presque  toujours  mis  à  mort. 

La  guerre,  lorsque  sa  cause  n'était  pas  l'assassinat  d'un  membre 
d'un  clan,  avait  surtout  pour  but  la  récolte  des  crânes,  «  pour  acquérir 
ainsi  de  la  gloire  et  l'approbation  des  femmes  »  (p.  298).  Les  guerriers 
ne  paraissent  pas  avoir  reçu  d'éducation  spéciale;  ils  comprenaient  tous 
les  gens  d'un  village,  sauf  certains  individus  très  pacifiques  qui  étaient 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  205 

d'ailleurs  épargnés  par  les  ennemis.  On  nous  décrit  des  danses  de 
guerre,  mais  nous  ne  savons  pas  si  elles  avaient  lieu  avant  une  expédi- 
tion. Les  têtes  des  ennemis  tués  étaient  gardées  dans  une  maison  spé- 
ciale. 

Le  commerce  avait  lieu  non  seulement  entre  les  îles  du  groupe, 
mais  encore  avec  la  Nouvelle-Guinée  et  le  cap  York.  Il  se  faisait  par 
échange;  il  n'existait  aucune  unité  de  valeur.  Les  insulaires  de  Saibai 
étaient  les  intermédiaires  entre  les  insulaires  et  les  gens  de  la  Nou- 
velle-Guinée. Toutes  les  flèches  venaient  de  ce  pays;  les  harpons  à 
dugong  étaient  fabriqués  à  Muralug   et  les  tambours  à  Saibai. 

La  religion  de  ces  peuples  est  encore  suffisamment  conservée  pour 
qu'on  ait  pu  faire  de  bonnes  observations.  Les  totems  paraissent  avoir 
eu  une'grande  importance  religieuse,  bien  que  M.  Haddon  dise  qu'on 
ne  leur  rend  pas  de  véritable  culte.  Certaines  fêtes  ayant  pour  but  la 
reproduction  du  gibier  sont  cependant  de  véritables  cérémonies  toté- 
miques,  semblables  à  V Intichiuma  des  Australiens  du  Centre.  Comme 
cette  dernière,  ces  cérémonies  sont  accomplies  par  les  clans  portant  le 
nom  de  l'animal  dont  il  s'agit  d'obtenir  la  reproduction;  toute  la  tribu 
profite  du  rite  accompli  par  ce  clan.  On  doit  faire  rentrer  dans  la  même 
catégorie  les  rites  de  production  de  la  pluie,  faits  par  les  clans  qui 
ont  pour  totem  des  animaux  aquatiques.  D'autres  actes  religieux  ont 
peut-être  aussi  un  rapport  avec  le  totémisme  :  tels  sont  ceux  qui  ont 
pour  but  de  désacraliser  certains  animaux  (dugong,  tortue),  lorsqu'on 
prend  le  premier  de  la  saison.  Ces  cérémonies  consistent  surtout  en 
danses,  où  les  personnages  portent  des  masques  représentant  les  ani- 
maux. Les  fêtes  agraires  consistent  aussi  en  danses,  exécutées  par  des 
hommes  porteurs  de  masques  et  personnifiant  des  esprits  stellaires. 
Les  rites  d'iniation  des  jeunes  gens  lors  de  la  puberté  ont  ici,  comme 
en  beaucoup  de  pays,  de  grands  rapports  avec  les  rites  agraires. 

Les  cultes  funéraires  ont  disparu  en  1898.  mais  M.  Haddon  avait  pu 
les  observer  dix  ans  auparavant.  Il  existait  des  cultes  ancestraux,  sous 
forme  de  danses  accomplies  par  des  hommes  masqués  qui  représen- 
taient les  morts.  Ceux-ci  étaient  censés  se  réunir  dans  une  île,  où  ils 
vivaient,  mais  quelquefois  ils  venaient  rôder  autour  du  lieu  de  leur 
ancienne  vie  et  s'y  comportaient  à  la  façon  des  vampires. 

En  dehors  des  âmes  des  morts,  existaient  de  nombreux  esprits;  les 
classes  les  plus  importantes  étaient  celles  des  dôgai,  esprits  féminins 
agissant  parfois  à  la  façon  de  succubes,  et  les  mûri.  Les  personnages 
mythiques  les  plus  importants  étaient  les  héros,  et  surtout  l'un  deux, 
Kicoiarrij  qui  était  l'objet  d'un  culte  considérable. 

Les  observations  sur  la  magie  ont  pu  être  excellentes,  principalement 
en  ce  qui  concerne  l'initiation  du  sorcier  et  le  matériel  magique.  Les  for- 
mules qu'on  apu  recueillir  sontpeu  nombreuses.  Un  homme  quelconque 
peut  devenir  magicien  en   suivant  un  entraînement  sous  la  conduite 


206  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

(l'un  autre  mai,ncien.  Il  est  remarquable  de  voir  que  certains  rites 
magiques  ne  peuvent  ôtre  accomplis  que  par  les  gens  de  certains 
totems  (p.  321).  Les  rites  employés  n'ont  rien  d'original. 

H.  Beuchat. 


A.  Kraemek  :  Der  Haus-  und  Bootbau  auf  den  Marshallinseln  (La  construction  des 
maisons  et  des  bateaux  dans  les  lies  Marshall).  Arcliiv  fur  Anthropologie,  t.  111, 
fasc.  4,  1905,  p.  295  (2  PI.  et  13  flg). 

La  maison  des  habitants  des  îles  Marshall  ou  Ralik-Ratak  est  consti- 
tuée essentiellement  par  un  toit  posé  sur  quatre  poteaux  peu  élevés. 
Ceux-ci  supportent  un  cadre  quadrangulaire  qui  est  recoupé  par  des 
poutres  transversales  et  longitudinales,  servant  de  squelette  à  un  plan- 
cher. Celui-ci  présente  en  son  milieu  une  ouverture  carrée  qui  permet 
de  pénétrer  dans  l'habitation  proprement  dite  située  dans  le  toit,  et 
deux  ouvertures  rondes  placées  aux  extrémités,  qui  servent  à  introduire 
les  aliments.  Le  toit  est  recouvert  de  feuilles  de  pandanus  cousues  sur 
des  bâtons  qui  reposent  sur  les  chevrons.  L'espace  situé  sous  le  plan- 
cher est  ouvert  sur  les  côtés;  il  est  recouvert  de  nattes,  comme  le  plan- 
cher lui-même,  et  juste  assez  haut  pour  qu'on  puisse  s'y  tenir  accroupi. 
Les  villages  sont  en  général  situés  au  bord  de  la  lagune;  les  maisons 
sont  éparses  à  l'ombre  des  cocotiers  et  des  arbres  à  pain.  11  faut  noter 
d'ailleurs  que  ce  type  d'habitation  a  été  presque  partout  remplacé  par 
des  maisons  modernes  dénuées  de  tout  caractère. 

Les  bateaux  des  Ralik-Ratak  sont  des  canots  à  rames  employés  sur 
la  lagune  ou  de  grandes  barques  à  voiles  et  à  balancier,  tenant  bien  la 
mer.  Le  bois  est  fourni  par  l'arbre  à  pain.  Les  embarcations  sont  faites 
de  planches  ajustées  avec  soin  et  cousues  ensemble.  Elles  ne  sont  pas 
calfatées,  mais  dans  les  fentes  on  enfonce  des  feuilles  de  pandanus  et 
dans  les  trous  des  coutures  des  fibres  de  coco.  Ces  planches  étaient 
autrefois  taillées  avec  des  haches  faites  en  coquille  de  Tridacne;  actuel- 
lement on  n'emploie  que  des  haches  de  fer.  Les  petits  canots  sont 
formés  d'une  quille  et  de  quatre  planches,  deux  pour  les  côtés,  deux, 
anguleuses,  pour  les  extrémités.  Ils  sont  également  pourvus  d'un  balan- 
cier. 

Les  grands  bateaux  ont  4  à  10  mètres  de  long.  Leur  construction  est 
très  compliquée  et  ne  peut  être  décrite  en  l'absence  de  figures.  11  faut 
noter  leur  quille  très  élevée,  se  rattachant  à  la  coque  par  deux  planches 
obliques.  La  coque  est  asymétrique,  son  côté  tourné  vers  le  balancier 
est  régulièrement  convexe,  l'autre  presque  vertical.  La  raison  de  cette 
disposition  est  incertaine,  car  elle  n'existe  pas  dans  d'autres  embarca- 
tions à  balancier,  par  exemple  aux  îles  Gilbert.  La  plate-forme  déborde 
largement  la  coque  à  l'extérieur;  elle  se  prolonge  sur  une  partie  du 
balancier.  Les  poutres  qui  constituent  celui-ci  traversent  la  coque  et  se 


MOUVEMEiNT  SCIENTIFIQUE.  207 

recourbent  à  l'autre  extrémité  sur  le  flotteur.  La  voile  est  triangulaire 
et  portée  par  deux  vergues.  Sur  le  pont  se  trouvent  de  très  petites 
cabines  demi  cylindriques,  recouvertes  en  feuilles  de  pandanus. 

Dr  L.  Laloy. 


Dr  Fabio  Frassetto.  Studi  sulle  forme  del  cranio  umano  (Étude  sur  les  formes  du 
crâne  humain).  AiiaLomischer  Anzeigei\  XXVII  Band.  1905. 

Dans  cet  opuscule  sont  traitées  un  certain  nombre  de  petites  ques- 
tions isolées  ayant  trait  à  la  forme  générale  du  crâne  et  des  trois  os 
(frontal,  pariétaux,  occipital)  qui  entrent  dans  la  constitution  de  sa 
voûte.  Ces  questions  sont  les  suivantes  :  a)  Diagnose  différentielle  des 
variétés  ellipsoïdale  et  pentagonale;  6)  Variété  et  sous-variété  ovoidale; 
c)  Diagnose  différentielle  des  sous-variétés  ellipsoïdale,  ovoidale  et 
pentagonale;  d)  Sur  l'indépendance  des  trois  os  de  la  voûte  du  crâne 
au  point  de  vue  du  développement  de  la  forme;  e)  Révision  des  formes 
crâniennes  eurafricaines  proposées  par  Sergi. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  ce  travail.  Il  est  conçu,  ainsi 
que  le  seul  énoncé  de  ses  paragraphes  permet  de  s'en  rendre  compte, 
d'après  les  conceptions  crâniologiques  spéciales  ayant  cours  en  Italie 
et  que  n'admettent  généralement  pas,  avec  raison  à  notre  avis,  les 
anthropologistes  français.  Ces  termes  d'ovoïdal,  d'ellipsoïdal,  de  paral- 
lélipipédoïdal,  de  pentagonoïdal,  de  rhomboïdal,  etc.  (on  pourrait  les 
multiplier  à  l'infini)  servant  à  caractériser  des  formes  crâniennes  ne 
nous  apprennent  pas  beaucoup  plus  que  l'indice  céphalique,  et^  ils 
sont  si  peu  précis  qu'entre  l'un  et  l'autre  type  on  peut  trouver  tous 
les  intermédiaires. 

R.  Anthony. 


F.  G.  Parsons  and  C.  R.  Box.  The  relation  of  the  cranial  sutures  to  âge  (Rapport 
entre  les  sutures  crâniennes  et  l'âge).  Journal  of  the  Anthropotogical  Institule  of 
great  Britain  and  Ireland.^  vol.  XXXV,  1905,  p.  30. 

Les  anciens  anatomistes  croyaient  pouvoir  déterminer  l'âge  d'un  crâne 
d'après  l'oblitération  plus  ou  moins  avancée  des  sutures  crâniennes. 
Des  recherches  plus  récentes  [Boston  Medic.  a.  Surgic.  Journ.  ;  vol.  CXXII) 
à  ce  sujet  ont  permis  à  Dwight  d'établir  certains  faits  qui  sont  en 
désaccord  avec  l'opinion  généralement  admise.  Ainsi,  d'après  Dwight, 
il  arrive  souvent  que  les  sutures  commencent  à  s'oblitérer  avant  l'âge 
de  30  ans;  entre 30  et  40,  l'ossification  fait  des  progrès  considérables; 
elle  commence  presque  invariablement  par  la  face  interne  du  crâne; 
la  partie  postérieure  de  la  sagittale  et  le  bord  inférieur  de  la  coronale 
sont  atteints  en  dernier  lieu.  Dans  le  cas  où  la  synostose  se  produit  de 
bonne  heure,  la  coronale  est  fermée  avant  la  lambdoïde;  dans  les  vieux 


208  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

crânes  cependant,  du  moins  à  la  face  externe  de  ceux-ci,  la  lambdoïde 
est  oblitérée  avant  la  coronale. 

MM.  Parsons  et  Box  apportent  de  nouveaux  détails  sur  cette  question 
intéressante,  non  seulement  au  point  de  vue  de  l'anthropologie,  mais 
encore  à  celui  de.la  médecine  légale.  Ces  auteurs  ont  étudié  82  crânes 
dont  l'âge  précis  est  noté  dans  tous  les  cas. 

Les  auteurs  admettent,  avec  Dwight,  que  les  sutures  peuvent  s'obli- 
térer avant  l'âge  de  30  ans,  mais  cela  est  relativement  rare,  de  sorte 
que  l'absence  des  oblitérations  internes  permet  de  fixer  l'âge  du  crâne 
au-dessous  de  30  ans.  Après  30  ans,  les  sutures  sagittale  et  coronale 
sont  partiellement  oblitérées  sur  leur  face  interne;  après  50  ans  dans 
la  majorité  des  cas,  et  après  60  ans  dans  la  totalité  des  cas,  toutes  les 
sutures  endocrâniennes  sont  oblitérées.  Les  sutures  ectocrâniennes,  par 
contre,  présentent  trop  de  variations  individuelles  pour  qu'il  soit  pos- 
sible de  déterminer  d'après  celles-ci  l'âge  du  crâne. 

Contrairement  à  l'opinion  de  Dwight  et  de  plusieurs  autres  auteurs 
qui  prétendent  que  l'ossification  apparaît  en  premier  lieu  àl'obélion, 
Parsons  et  Box  croient  qu'elle  commence  par  la  moitié  inférieure  et 
interne  de  la  suture  coronale  et  qu'elle  est  bientôt  suivie  de  l'oblité- 
ration externe  delà  même  suture  au-dessous  du  stéphanion.  La  suture 
sagittale  semble  s'oblitérer  tout  d'abord  sur  la  face  interne  vers  la 
région  de  l'obélion;  la  partie  postérieure  de  la  suture  en  question  peut 
parfois  rester  ouverte  tandis  que  tout  le  reste  est  oblitéré.  L'opinion  de 
Picozzo  que,  chez  le  mâle,  l'obélion  s'oblitère  en  premier  lieu,  et,  chez 
la  femelle,  la  portion  médiane  de  la  suture  saggitale,  ne  semble  pas  se 
confirmer. 

La  suture  lambdoïde  se  ferme  généralement  après  la  coronale  et  la 
sagittale;  il  parait  que  cela  tient  à  sa  structure  dentelée,  l'oblitération 
étant  d'autant  plus  précoce  que  la  suture  est  plus  simple.  L'oblitéra- 
tion de  la  suture  en  question  commence  à  mi-chemin,  entre  le  lambda 
et  l'articulation  occipito -mastoïdienne;  sur  la  face  externe  du  crâne 
l'oblitération  est,  comme  de  règle,  plus  tardive.  Cela  s'applique  égale- 
ment à  la  suture  métopique,  laquelle,  dans  certaines  conditions,  est  la 
dernière  à  se  souder. 

D'accord  avec  Picozzo,  les  auteurs  admettent  que  les  crânes  mâles 
s'oblitèrent  un  peu  plus  tôt  que  les  crânes  femelles.  D'habitude  l'obli- 
tération est  aussi  avancée  du  côté  gauche  que  du  côté  droit  du  crâne  ; 
dans  les  rares  cas  où  elle  est  en  quelque  sorte  unilatérale,  les  auteurs  cons- 
tatent qu'elle  commence  plus  tôt  dans  la  moitié  gauche  du  crâne.  Ce 
fait  est  en  contradiction  avec  une  constatation  plus  ancienne  de  Sau- 
vage [Bull,  de  la  Soc,  d'Anthrop,,  1870)  qui  prétend  que  les  sutures 
lamboïde  et  coronale  se  ferment  plus  tôt  du  côté  droit  du  crâne  que  du 
côté  gauche. 

A.  Drzewina. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  209 

Da  Costa  Febreira.  La  capacité  crânienne  chez  les  criminels  portugais. 

Bull.  Soc.  Anthrop.,  1905. 

Ce  travail  est  surtout  constitué  par  un  ensemble  de  considérations 
assez  banales,  à  tout  prendre,  sur  le  crime  et  les  criminels.  Nous  n'y 
insisterons  pas.  Il  comporte  aussi,  toutefois,  quelques  conclusions  pré- 
cises qui  sont  les  suivantes  : 

1»  Les  criminels  portugais  possèdent  généralement  une  capacité  crâ- 
nienne plus  grande  que  celle  des  normaux; 

2°  Les  premiers  sont  également  plus  corpulents  que  les  seconds; 

3°  La  corpulence  doit  être  le  facteur  principal  de  l'élévation  de  la 
capacité  crânienne  chez  les  criminels; 

4°  L'on  trouve,  aussi  bien  chez  les  homicides  que  chez  les  voleurs, 
des  crânes  d'une  capacité  égale  à  celle  des  normaux: 

5°  Les  limites  de  la  variation  s'écartent  encore  plus  chez  ceux-là  que 
chez  ceux-ci; 

6°  11  est  impossible  de  définir  le  type  du  criminel  d'après  la  capacité 
crânienne. 

Cette  dernière  conclusion  résume  les  précédentes  :  elle  est  négative; 
on  pouvait  s'y  attendre.  Ce  que  Ton  doit  retenir,  c'est  que  si  la  capa- 
cité crânienne  est  souvent  considérable  chez  les  criminels,  et  surtout, 
parmi  eux,  chez  les  homicides,  cela  semble  tenir  uniquement  à  leur  cor- 
pulence généralement  forte,  indice  d'une  constitution  robuste,  laquelle 
est  si  fréquente  chez  les  criminels,  surtout  chez  les  assassins,  et  semble 
comme  une  des  conditions  de  l'exécution  pratique  de  leurs  crimes. 
L'augmentation  de  la  capacité  crânienne  doit  donc  être,  comme  d'ail- 
leurs tous  les  autres  caractères  qui  ont  été  proposés,  rejetée  en  tant  que 
stigmate  de  la  criminalité. 

Ce  travail  de  M.  Da  Costa  Ferreira  est  uniquement  basé  sur  les 
recherches  de  M.  le  D'  Ferraz  de  Macedo  et  sur  les  chiffres  recueillis 
par  ce  dernier  auteur,  dont  tout  le  monde  connaît  l'habileté  et  la  com- 
pétence en  matière  d'anthropométrie. 

R.  Anthony. 

G.  Walcher.  —  Ueber  die  Enstehung  von  Brachy-  und  Dolichocephalie  etc.  (L'ori- 
gine de  la  brachycépbalie  et  de  la  dolichocephalie  par  des  actions  intentionnelles 
sur  le  cràoe  infantile).  Correspvndenz-Blalt  der  deuLschen  Gesellsch.  fur  Anlhrop., 
t.  XXXVl,  1905,  p.  43  (1  fig.) 

L'auteur  a  fait  une  expérience  curieuse.  Étant  donnés  deux  jumeaux 
nouveau-nés,  de  même  sexe  et  de  ressemblance  parfaite,  il  a  habitué 
l'un  à  être  couché  sur  le  côté,  l'autre  sur  le  dos.  Le  premier  est  devenu 
dolicho,  le  second  brachycéphale.  La  position  de  l'enfant  dans  les  pre- 
miers mois  de  la  vie,  la  mollesse  ou  la  dureté  du  coussin  sur  lequel 
repose  la  tête,  ont  une  grande  iuQuence  sur  la  forme  que  prend  le  crâne. 

l'anthropologie,  —  T.  xvir.  —  1906.  44 


210  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Ce  fait  expliquerait  pourquoi  certaines  populations  qui,  par  tous  leurs 
caractères,  se  rapportent  au  type  dolichocéphale,  ont  cependant  la  tête 
courte,  ou  vice  versa.  Si  on  couche  un  nouveau-né  sur  un  coussin  mou, 
les  côtés  de  celui-ci  se  relèvent,  et  pour  pouvoir  respirer  l'enfant  porte 
sa  face  en  haut.  Si  au  contraire  on  le  met  sur  un  support  dur,  la  tête  n'est 
en  équilibre  qu'à  condition  d'être  couchée  sur  le  côté.  De  simples  diffé- 
rences dans  le  mode  de  couchage  des  nouveau-nés  peuvent  donc  modifier 
la  forme  du  crâne  et,  j  usqu'à  un  certain  point,  contrebalancer  l'influence 
de  la  race.  C'est  ce  que  l'auteur  se  propose  de  prouver  par  des  expé- 
riences faites  sur  de  nombreux  nouveau-nés. 

D-"  L.  Laloy. 


AuREL  VON  TÔRÔK.  Versuch  einer  systematischen  charakteristik  des  Kephalindex 
(Essai  de  caractérisation  systématique  de  Tindice  céphalique).  Archiv  fur  Anthro- 
pologie, t.  IV,  1906,  p.  no. 

M.  de  Tôrôk  montre  que  l'indice  céphalique  ne  renseigne  pas  réelle- 
ment sur  la  forme  du  crâne;  car  il  peut  avoir  pour  facteurs  des  chiffres 
très  divers,  et  des  crânes  effectivement  longs  peuvent  avoir  cependant 
un  indice  brachycéphale,  ou  réciproquement.  Ces  considérations  ont 
engagé  M.  de  Tôrôk  à  rechercher  quelles  étaient  les  variations  de  la 
valeur  des  différentes  dimensions,  sur  un  très  grand  nombre  de  crânes 
appartenant  aux  races  les  plus  diverses.  La  longueur  maxima  varie  de 
143  à  2'24  mm.  soit  82  unités.  En  prenant  trois  des  groupes  dont 
l'étendue  de  variations  soit  égale  au  tiers  de  ces  82  unités  on  obtient 
pour  les  crânes  courts  143  à  169  mm  ;  pour  les  moyens  170  à  196  et 
pour  les  longs  197  à  224.  De  même  pour  la  largeur  maxima,  dont  les 
variations  sont  comprises  entre  101  et  173  mm.  (73  unités),  les  crânes 
étroits  vont  de  101  à  125,  les  moyens  de  126  à  149  et  les  larges  de  150 
à  173  La  hauteur  totale  de  Virchow  varie  de  102  à  157  (56  unités); 
les  crânes  bas  vont  de  102  à  120,  les  moyens  de  121  à  138  et  les  hauts 
de  139  à  157. 

A  l'aide  de  ces  chiffres  il  est  possible  de  caractériser  un  crâne  quel- 
conque au  point  de  vue  de  ses  trois  dimensions.  Soit  un  crâne  de  lon- 
gueur 197,  de  largeur  162  et  de  hauteur  148.  Il  est  long,  large  et  haut. 
Son  indice  céphalique  est  de  82,  23,  ce  qui  le  range  dans  la  même 
catégorie  qu'un  crâne  dont  les  dimensions  seraient  :  longueur  147, 
largeur  121  et  l'indice  82,  31.  Cependant  ce  dernier  crâne  est  remar- 
quablement court.  Il  est  donc  nécessaire  de  caractériser  les  crânes  par 
leurs  dimensions  et  non  par  leur  indice  seul.  M.  de  Tôrôk  propose 
d'indiquer  à  côté  de  l'indice  la  catégorie  dans  laquelle  rentre  chacune 
des  mesures  en   utilisant  la  notation  suivante  :  g,  grand,  m  moyen, 

k  petit.  Ainsi  le  premier  des  crânes  cités  plus  haut  est  un  —  parce  que 


MOUVEMENT  SCIEiNTlFIQUE.  211 

sa  largeur  comme  sa  longueur  sont  grandes,  tandis  que  le  second  est 

k 
un*—,   parce  que   ces  deux  mesures  rentrent  dans  la  catégorie  des 
k 

petites  dimensions. 

Si  l'on  se  demande  combien  de  cas  peuvent  se  présenter  pour  l'indice 
céphalique,  il  convient  de  multiplier  le  chiffre  des  variations  de  la  lon- 
gueur par  celui  de  la  largeur  :  82  X  73  i=  5986.  Ces  5986  cas  possibles 
se  répartissent  d'une  façon  très  inégale  entre  les  divers  indices  :  3034 
(50,68  0/0)  tombent  sur'la  dolichocéphalie,  732  (12,33  0/0)  surlaméso- 
céphalie  (de  75  à  79,99)  et  2220  (37,08  0/0)  sur  la  brachycéphalie.  Il 
y  a  9  combinaisons  possibles.  Un  crâne  étroit  peut  en  effet  être  court, 
de  longueur  moyenne  ou  long;  de  même  pour  les  crânes  de  largeur 
moyenne  et  pour  les  crânes  larges. 

M.  de  Tôrôk  a  appliqué  ces  données  à  la  construction  d'un  tableau 
que  ses  dimensions  nous  empêchent  de  reproduire  ici.  Le  système 
consiste  à  combiner  successivement  chacune  des  valeurs  du  diamètre 
transverse  (de  101  à  173  mm.)  avec  chacune  des  valeurs  du  diamètre 
antéro- postérieur  (de  143  a  224  mm.)  et  à  calculer  l'indice  correspon- 
dant. Le  tableau  renferme  donc  82  rubriques  avec  chacune  73  cas  indi- 
viduels. Ceux-ci  sont  répartis  en  trois  colonnes  correspondant  aux 
indices  dolicho,méso  et  brachycéphales.  En  général,  M.  de  Tôrôk  ne 
donne  la  valeur  que  des  cas  extrêmes,  sauf  lorsque  Tune  des  catégories 
renferme  des  cas  nombreux;  ils  sont  alors  répartis  en  sous-groupes. 
Pour  donner  une  idée  plus  nette  de  la  méthode,  examinons  la  première 
rubrique  du  tableau,  consacrée  à  la  valeur  la  plus  basse  (143)  du  dia- 

101      107 
mètre  antéro-postérieur.  La  dolichocéphalie  va  de  jy-  à  j-^,  c'est-à- 
dire  de  l'indice  70,63  à  l'indice  74,83;  elle  renferme  7  unités  comprises 

k  k  108 

dans  le  groupe  -r.  La  mésocéphalie  a  également  7  -7-  et   va  de  -y^ 

11  i 

(indice  75,52)  à  — ^  (indice  79,72).  La  brachycéphalie  a  59  unités,  soit 

k  115  125  rn 

11  y  allant  de  j—  (indice  80,42)  à  -y-  (indice  87,41);  24  —   qui  vont 

K  1.40  \'éiô  ri 

126  149  a 

de  T-rr.  (indice  88,11)  à  — --  (indice  104,20);  enfin  24  -7-  comprenant  les 
143  143  k 

150  173 

rapports —- (indice  104,90)  a  -— (indice  109,82).  Il  est  possible,  au 

moyen  de  ce  tableau,  de  se  rendre  compte  immédiatement  dans  quelle 
catégorie  rentre  un  crâne  donné.  Mais,  même  si  on  en  repousse  l'usage, 
il  me  semble  tout  à  fait  nécessaire  de  recourir  à  la  notation  proposée 
par  M.  de  Tôrôk  qui  met  en  évidence  la  catégorie  à  laquelle  appartien- 
nent les  dimensions  considérées.  Il  suffit  de  se  rappeler  que  la  lettre 


212  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

placée  en  numérateur  représente  le  diamètre  transverse,  celle  placée  en 
dénominateur,  l'antéro-postérieur.  En  tous  cas  il  ressort  de  l'étude  très 
consciencieuse  à  laquelle  s'est  livré  M.  de  Torôk  qu'il  est  impossible  de 
tirer  de  l'indice  céphalique  seul  une  conclusion  sur  la  forme  du  crâne. 
A  plus  forte  raison  ses  variations  ne  peuvent  être  considérées  comme 
une  preuve  de  mélange  de  races. 

D-^  L.  L. 


Marie  et  Pelletiek.  Craniectomie    et  régénération  osseuse.  Bull.  Soc.  Anthrop., 

uo3  5  et  6,  1905. 

Cette  note  a  trait  à  un  crâne  provenant  d'un  individu  qui  avait  de 
son  vivant  subi  une  craniectomie.  D'après  les  auteurs  il  présenterait  : 
l''  une  régénération  de  la  substance  osseuse  crânienne;  2^  une  régéné- 
ration partielle  de  la  suture  coronale.  Ce  crâne  ayant  été  présenté  à  la 
Société  d'Anthropologie,  il  nous  a  été  donné  de  pouvoir  l'examiner.  La 
régénération  de  la  substance  osseuse  y  est  facile  à  constater,  et  ce  fait  a 
un  certain  intérêt  étant  donné  que  beaucoup  de  médecins  et  de  chirur- 
giens considèrent  la  régénération  osseuse  du  crâne  comme  exception- 
nelle. On  Ta  observé  cependant  un  certain  nombre  de  fois;  Ollier  et 
nous-même  l'avons  obtenue  expérimentalement  chez  des  animaux; 
Bourneville  en  a  signalé  des  cas  chez  des  idiots craniectomisés  par  lui; 
et  il  est  probable  qu'en  fouillant  soigneusement  la  littérature  anatomo- 
chirurgicale  on  en  trouverait  d'autres  cas  encore.  Il  semble  que  la  non 
régénération  de  la  substance  osseuse  du  crâne  soit  due  le  plus  souvent, 
d'une  part  à  ce  que  les  craniectomies  sont  faites  sur  des  sujets  trop 
âgés  dont  le  périoste  a  perdu  de  son  activité,  et  d'autre  part  à  ce  que  les 
opérateurs  ne  conservent  peut-être  pas  le  périoste  avec  suffisamment 
de  soins. 

Sur  le  crâne  présenté  par  les  D's  Marie  et  Pelletier  nous  n'avons  rien 
observé  qui  puisse  être  interprété  comme  une  régénération  de  suture. 
La  chose,  si  elle  eût  existé,  eût  d'ailleurs  été  de  nature  à  nous  sur- 
prendre au-delà  de  toute  limite.  Toute  suture  véritable  comporte,  en 
effet,  l'existence  d'une  membrane  dite  suturale  interposée  entre  ses 
bords  et  qui  joue  vis-à-vis  des  os  du  crâne  le  rôle  des  cartilages  de  con- 
jugaison vis-à-vis  des  os  longs;  elle  permet  l'accroissement  en  surface. 
On  ne  conçoit  donc  pas  la  régénération  de  la  membrane  suturale;  elle 
est  un  reste  de  la  membrane  moyenne  du  crâne  membraneux  primitif; 
détruite,  comment  pourrait-elle  réapparaître?  En  réalité  lorsque  la 
substance  osseuse  crânienne  se  régénère  au  dépens  du  périoste,  la  régé* 
nération  part  d'un  certain  nombre  de  centres  qui,  parleur  accroissement 
respectif,  arrivent  à  se  rencontrer  suivant  des  lignes  sinueuses  qui  res^ 
semblent  assez  à  des  sutures,,  mais  s'en  différencient  par  ces  faits  : 
1°  qu'elles  ne  contiennent  pas  de  membranes  suturales;  2°  qu'elles 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  213 

affectent  une  disposition  lopographique  quelconque  ne  coïncidant  pas 
avec  celles  des  sutures  véritables. 

Ces  réserves  faites,  l'observation  des  D"  Marie  et  Pelletier  était  inté- 
ressante à  signaler. 

R.  Anthony. 


M.  HôFLER.  Das  Haaropfer  in  Teigform  (Pâtisseries  rappelant  le  sacrifice  des  che- 
veux). Archiv  fur  Anthropologie,  t.  IV,  1906,  p.  130  (50  fig.). 

Ce  mémoire  très  documenté  nous  présente  un  grand  nombre  de 
pâtisseries  en  forme  de  nattes,  en  usage  dans  les  divers  pays  de  langue 
allemande.  L'auteur  rapproche  ces  objets  du  sacrifice  des  cheveux  fait 
dans  diverses  circonstances  par  les  anciens,  et  les  rapporte  au  culte 
des  morts.  On  sacrifiait  à  l'origine  à  ces  derniers  des  êtres  vivants, 
puis,  à  la  place  de  ceux-ci,  seulement  une  natte  de  cheveux.  Dès  l'anti- 
quité égyptienne  et  grecque,  on  constate  la  substitution  d'une  pâtis- 
serie aux  cheveux  véritables.  La  preuve  que  les  pâtisseries  actuelles 
sont  bien  en  relations  avec  ces  croyances  est  tirée  des  faits  suivants. 
Leur  nom  a  en  général  la  signification  de  natte,  comme  la  pâtisserie 
en  a  la  forme.  Ces  gâteaux  sont  le  plus  souvent  saupoudrés  de  sel,  de 
graines  de  pavot,  substances  qui  ont  une  signification  symbolique.  On 
les  consomme  de  préférence  à  certaines  dates  :  le  jour  des  Morts,  le 
nouvel  an,  ou  au  moment  des  funérailles. 

D"  L.  L. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE 


NECROLOGIE 


EDOUARD  PIETTE. 

La  nouvelle  que  je  viens  de  recevoir  m'afflige  profondément  comme  elle 
attristera  tous  les  lecteurs  de  cette  Revue.  Edouard  Pietle  est  mort  le  5  juin 


Kdoiiard    PIKTÏE 

(188(;) 

1906,  à  la  suite  d'une  courte  maladie,  et  l'article  que  nous  publions  aujourd'hui, 
en  tête  de  ce  numéro,  sera  malheureusement  le  dernier  de  la  remarquable 
série  des  Études  d' ethnographie  'préhistorique. 

La  science  perd  en  Piette  un  de  ses  adeptes  les  plus  fervents,  un  des  servi- 
teurs qui  l'ont  le  mieux  honorée  ;  V Anthropologie ,  un  de  ses  collaborateurs  les 
plus  éminents  et  les  plus  dévoués,  toutes  les  personnes  qui  s'occupent  de  pré- 
histoire, un  maître  et  un  ami. 

Edouard  Piette  naquit  le  11  mars  1827  à  Aubigny  (Ardennes).  Il  était  le  troi- 
sième de  six  enfants,  deux  garçons  et  quatre  filles.  Tandis  que  son  frère  cadet, 
Henri,  montrait,  de  bonne  heure,  pour  le  droit,  un  goût  prononcé  qui  devait  le 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 


215 


conduire  à  occuper  la  première  présidence  de  la  Gourde  Pau  où  il  est  mort  en 
1889,  Edouard,  devenu  aussi  étudiant  en  droit,  ne  tarda  pas  à  manifester  ses 
préférences  pour  les  cours  de  sciences  naturelles  du  Muséum,  du  Collège  de 
France  ou  de  l'École  des  Mines,  sans  négliger  d'ailleurs  ses  études  juridiques. 
Celles-ci  une  fois  terminées,  il  revint  dans  son  pays  natal  et  se  fit  inscrire  au 
barreau  de  Rocroy.  Il  occupa  ses  loisirs  à  écrire  un  petit  livre  sur  V Education  du 
peuple,  paru  en  1858,  et  où  l'on  trouve  les  passages  suivants  : 

«  Tout  gouvernement  éclairé  doit  protéger  la  liberté  de  la  pensée  et  des 
convictions.  Il  ne  doit  être  l'instrument  d'aucune  religion.  Il  faut  que  l'enfant 
du  juif  ou  du  protestant  puisse  fréquenter  les  classes  aussi  bien  que  l'enfant 
du  catholique,  sans  entendre  rien  dire  qui  choque  les  croyances  de  son  père. 
C'est  aux  parents  à  faire  instruire  leurs  enfants  par  le  curé  et  comme  bon  leur 
semble,  dans  la  religion  qu'ils  préfèrent.  Les  écoles  doivent  former  des  hommes 
et  non  pas  des  sectaires.  » 


Edouard    PIETTE 
(1%1) 


M.  Ed.  Piette,dit  un  deses  biographes (1),  aainsiposéle  premier  la questionde 
la  laïcité.  Son  livre  fut  l'étincelle  qui  fit  naître  les  controverses  sur  l'enseigne- 
ment de  la  morale  dans  l'école,  indépendamment  du  dogme.  Quelques  années 
plus  tard,  ses  conclusions  ont  été  admises  et  même  dépassées,  mais  personne 
n'a  rappelé  le  nom  de  celui  qui,  sur  ces  questions,  avait  été  un  précurseur. 

De  la  môme  époque  datent  ses  premiers  travaux  de  géologie  et  de  paléonto- 
logie. Il  s'occupa  d'abord  des  terrains  jurassiques  des  Ardennes  et  de  l'Aisne, 
puis  du  Lias  et  des  grès  du  Luxembourg,  dont  il  arriva  à  fixer  l'âge  avec  le 
concours  de  son  maître  et  collaborateur  Terquem.  Il  compléta  ces  études  strati- 
graphiques  par  des  monographies  de  fossiles   qui   ont    conservé    toute  leur 

(i)  He.-sry  Caknoy,  Edouard  Plette,  br.  iQ-16,  Paris,  1902. 


216  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

valeur.  Il  ne  tarda  pas  à  être  considéré  comme  un  de  nos  meilleurs  spécialistes 
(4  il  fut  chargé  de  la  publication  des  Gastéropodes  jurassiques  dans  l'impor- 
tante série  de  la  Paléontologie  française  créée  par  Alcide  d'Orbigny. 

Il  remplit  successivement  les  fonctions  déjuge  de  paix  àUaucourt,  Rumigny, 
Asfeld,  Craonne,  oià  ses  allures  indépendantes  le  firent  parfois  mal  noter  par 
ses  chefs  de  la  magistrature  impériale. 

La  guerre  de  1870  ayant  altéré  sa  santé,  Piette  se  rendit  dans  les  Pyrénées 
pour  la  rétablir.  Son  esprit»  toujours  curieux,  fut  attiré  par  l'étude  des  ter- 
rains superficiels  de  cette  région  ;  on  s'occupait  alors  beaucoup  des  antiques 
moraines.  Notre  regretté  confrère  débuta,  dans  les  études  pyrénéennes  qui 
devaient  faire  sa  gloire,  par  des  notices  sur  les  glaciers  quaternaires  des  vallées 
de  la  Garonne  et  de  la  Pique.  En  même  temps,  il  commençait  ses  explorations 
des  cavernes  en  pratiquant  des  fouilles  dans  les  grottes  de  Gourdan  et  de  Lortet. 
C'était  une  voie  nouvelle  qui  s'ouvrait  devant  lui  et  qu'il  a  eu  le  mérite  de 
suivre  pendant  plus  de  trente  ans,  sans  défaillance,  et  malgré  les  déplacements 
successifs  que  lui  valut  sa  carrière  administrative,  à  Eauze,  dans  le  Gers,  à 
Segré,  au  Mans,  enfin  à  Angers  où  il  a  été  juge  au  tribunal  civil  jusqu'à  la 
retraite  et  à  l'honorariat. 

On  trouvera  plus  loin  la  liste  complète  des  publications  de  Piette.  Je  ne 
saurais  m'arrêter  ici  que  sur  les  principales  et  notamment  sur  celles  qui  ont 
trait  à  l'âge  du  Renne,  qui  a  été  le  domaine  préféré  de  notre  ami  si  regretté,  celui 
qui  lui  a  donné  les  plus  belles  récoltes  de  faits  nouveaux. 

Ses  premiers  mémoires  sur  les  grottes  du  Gourdan  (1873)  et  de  Lortet  (1874) 
se  font  remarquer  par  des  qualités  qu'on  ne  trouve  pas  toujours  dans  les  écrits 
des  préhistoriens  :  un  sens  très  aigu  des  phénomènes  géologiques,  un  grand 
souci  de  la  précision  slratigraphique,  un  style  net  et  clair,  souvent  élégant. 
Ces  qualités,  il  les  devait,  pour  la  plupart,  à  son  éducation  première  de  natu- 
raliste. La  méthode  est  toujours  la  même  pour  le  géologue  et  le  paléontologiste, 
qu'ils  s'occupent  des  terrains  récents  ou  des  terrains  anciens.  Et  Piette  a  tou- 
jours aimé  se  réclamer  de  cette  méthode  ;  il  était  fier  de  rappeler  qu'il  avait 
apporté,  dans  l'étude  du  Quaternaire,  les  procédés  qui  lui  avaient  permis  de 
débrouiller  les  terrains  secondaires  de  son  pays. 

Voici  comment  il  s'exprime  à  propos  de  la  grotte  de  Gourdan  qu'il  vient  de 
fouiller  : 

«  Telle  est  la  superposition  des  assises  de  cette  grotte.  Elle  est  aussi  claire, 
aussi  nette,  aussi  facile  à  étudier  que  celle  des  terrains  de  sédiment  les  mieux 
caractérisés  qui  se  sont  formés  dans  la  mer  aux  époques  géologiques.  Si  les 
dépôts  marins  peuvent  être  observés  sur  de  grandes  surfaces,  ils  ne  contiennent 
souvent  qu'un  petit  nombre  de  fossiles  indiquant  leur  âge.  Dans  une  grotte,  les 
strates  sont  peu  étendues,  mais  chaque  pellée  de  terre  contient  des  objets  qui 
caractérisent  l'endroit  d'où  on  l'a  tirée;  et  si  l'homme,  à  une  époque  récente,  a 
creusé  des  foyers  dans  des  foyers  préexistants,  il  ne  peut  en  résulter  plus  de 
confusion  pour  un  observateur  judicieux,  qu'il  n'y  en  a  pour  le  géologue  qui 
étudie  des  sédiments  déposés  par  les  eaux  dans  une  dépression  d'un  terrain 
plus  ancien.  » 

On  trouve  déjà,  dans  ce  mémoire,  l'énoncé  de  propositions  importantes  dont 
il  devait  démontrer  plus  tard  l'exactitude.  L'âge  du  Renne  est  parfaitement 
localisé  dans  la  série  des  phénomènes  géologiques  des  temps  quaternaires. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  217 

«  Les  stations  humaines  de  cette  époque  sont  souvent  fort  loin  en  amont  des 
moraines  terminales,  et  c'est  parfois  sur  les  débris  dispersés  de  ces  moraines 
que  les  sauvages  de  l'âge  du  Renne  ont  établi  leurs  campements.  »  Ceci  a  été 
redécouvert  plus  tard  par  des  savants  de  divers  pays.  De  même  les  derniers 
stades  oscillatoires  de  la  période  de  recul  des  glaciers  :  «  Les  glaciers  ne  se 
sont  pas  retirés  brusquement  et  d'un  seul  trait  sur  les  cîmes  où  nous  les 
voyons.  Celui  qui  avait  ses  moraines  terminales  près  de  Gourdan  a  maintenant 
son  noyau  aux  Cabriouies  ;  entre  ces  deux  points  extrêmes,  il  a  laissé  deux 
moraines  qui  marquent  deux  temps  d'arrêt  successifs.  Il  y  eut  donc  des  alter- 
natives de  sécheresse  et  d'humidité...  »  Autre  observation  capitale  dont  l'impor- 
tance paraît  avoir  passé  inaperçue  à  l'époque  où  elle  fut  publiée  et  sur  laquelle 
j'ai  eu  l'occasion  d'appeler  souvent  l'attention  des  géologues  :  «  En  ce  temps-là 
(à  l'âge  du  Renne)  le  sol  avait  à  peu  près  son  relief  actuel.  Les  vallées  avaient 
été  creusées  dès  l'ère  du  Moustier  et  probablement  même  avant.  »  Et  ailleurs 
il  insiste  sur  les  caractères  presque  exclusivement  humains  des  couches  de 
l'âge  du  Renne.  On  trouve  déjà,  dans  ce  même  mémoire,  une  réfutation  en 
règle,  basée  sur  l'histoire  naturelle,  de  la  fameuse  théorie  du  hiatus  qu'il 
devait  ruiner  quinze  ans  plus  tard. 

Après  avoir  fouillé  la  grotte  de  Gourdan,  Piette  transporta  son  chantier  dans 
celle  de  Lortet,  et  la  comparaison  des  récoltes  paléontologiques  et  archéologi- 
ques faites  dans  les  deux  gisements,  en  lui  montrant  qu'il  n'y  avait  pas  syn- 
chronisme absolu,  lui  donna  une  première  idée  delà  longue  durée  et  de  la  com- 
plexité de  l'âge  du  Renne. 

De  1874  à  1888,  Piette  publia  un  grand  nombre  de  notes  dont  plusieurs  furent 
consacrées  à  des  travaux  bien  différents  de  ceux  qu'il  continuait  à  poursuivre 
dans  les  cavernes.  En  collaboration  avec  Sacaze,  il  fit  connaître  les  monuments 
mégalithiques  de  la  montagne  d'Epiaup  et  les  magnifiques  résultats  de  ses  fouilles 
dans  les  tumulus  du  plateau  de  Lannemezan.  Plus  tard,  il  décrivit  les  tumulus  des 
cavernes  d'Ossun,  de  Rarthès,  de  Lourdes,  etc.  Mais  ces  études,  purement  archéo- 
logiques, ne  paraissent  pas  l'avoir  passionné  comme  celles  d'un  caractère  plus 
scientifique  auxquelles  il  ne  tarda  pas  à  revenir. 

En  1887  il  fit  paraître  une  élude  des  plus  curieuses  sur  les  Chevaux  quater- 
naires, cherchant  à  utiliser  les  figurations  artistiques  de  l'âge  du  Renne 
pour  résoudre  le  problème  si  controversé  de  l'origine  de  nos  Chevaux. 

Vers  la  même  époque  il  donnait  tous  ses  soins  à  deux  grands  ouvrages  pour 
lesquels  il  faisait  exécuter  de  superbes  planches  par  des  artistes  tels  que 
Pilloy  et  Formant  et  qui  devaient  s'appeler  l'un  :  Vart  pendant  l'âge  du  Renne  y 
l'autre  :  Les  Pyrénées  pendant  l'âge  du  Renne.  La  publication  en  fut  ajournée 
par  suite  des  données  nouvelles  d'importance  capitale  que  l'exploration 
de  la  caverne  du  Mas-d'Azil  lui  apportait  pour  ainsi  dire  tous  les  jours. 

La  caverne  du  Mas-d'Azil  contient  des  terrains  de  remplissage  de  natures 
diverses.  11  y  a  des  lits  de  cailloux  roulés  formés  par  l'Arize  quaternaire;  il  y  a 
d'énormes  amas  d'argile  à  ossements  d'Ours  et,  par  dessus  ces  premiers  dépôts, 
on  observe,  sur  la  rive  gauche, des  foyers  de  l'époque  du  Renne  qui  ont  livré  à. 
Piette  un  nombre  considérable  d'objets  d'art  de  tout  premier  ordre.  Sur  la 
rive  gauche  de  la  rivière,  ces  foyers  de  l'âge  du  Renne  sont  surmontés  par  une 
série  d'assises  formant  le  passage  du  Paléolithique  au  Néolithique  et  par  des 
formations  récentes.  Les  couches  intermédiaires  livrèrent  à  Piette  une  industrie 


218  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

encore  inconnue,  notamment  les  fameux  galets  coloriés,  et  permirent  à  l'heureux 
préhistorien  de  faire  des  communications  vraiment  sensationnelles. 

C'est  de  cette  époque  que  datent  mes  premières  relations  avec  Piette.  Pré- 
voyant les  difficultés  qu'il  éprouverait  à  faire  admettre  ses  nouvelles  décou- 
vertes, il  écrivit  à  la  Société  géologique  de  France,  dont  j'étais  alors  secrétaire, 
pour  inviter  ses  confrères  à  venir  vérifier  la  stratigraphie  du  Mas-d'Azil.  Je  me 
rendis  à  cet  appel.  Pendant  plusieurs  jours  il  me  laissa  maître  absolu  du  chan- 
tier, recommandant  à  ses  ouvriers  de  m'obéir  plus  qu'à  lui-mcme,  me  laissant 
libre  de  porter  mes  investigations  sur  tous  les  points  que  je  voudrais  choisir 
afin  de  m'éclairer  complètement  et  me  laissant  la  propriété  de  tous  les  objets 
que  je  pourrais  trouver  moi-même  en  place.  Je  le  quittai  parfaitement  con- 
vaincu de  l'importance  et  de  la  nouveauté  de  ses  découvertes  et  avec  une  grande 
admiration  pour  son  intelligence  et  son  caractère. 

Depuis  cette  époque  noire  amitié  réciproque  ne  s'est  pas  démentie  un  instant, 
et  j'ai  été  assez  heureux  pour  obtenir  de  lui  cette  série  d'Etudes  d'ethnographie 
préhistorique  qu'il  n'aurait  peut-être  pas  publiées  sans  mes  insistances  et  qui 
font  grand  honneur  à  la  science  française  et  à  notre  Revue. 

Car  Piette  était  très  difficile  pour  lui-même.  Si  la  mort  l'a  pris  avant  qu'il 
ait  fait  paraître  les  grands  ouvrages  à  la  préparation  desquels  il  consacrait  tous 
ses  soins,  ce  n'est  pas  parce  que  le  temps  lui  a  manqué,  c'est  parce  qu'il 
n'était  jamais  complètement  satisfait.  Il  voulut  bien  consentir  à  me  donner 
pour  V Anthropologie  des  notes  courtes,  substantielles,  qui  lui  ont  valu  une  répu- 
tation mondiale  parmi  les  hommes  de  science,  mais  il  ne  considérait  ces  tra- 
vaux préliminaires  que  comme  des  pierres  d'attente  qu'il  lui  faudrait  façonner 
de  nouveau,  dresser  avec  soin  avant  de  les  faire  entrer  dans  l'édifice  défi- 
nitif. 

Et  puis,  après  les  fouilles  du  Mas-d'Azil  qui  roccupèrent  si  longtemps, 
vinrent  les  fouilles  à  Brassempouy  qui  lui  révélèrent  encore  un  aspect  nouveau  de 
l'art  quaternaire.  Comment  se  résoudre  à  donner  le  vola  un  livre  qui  lui  appa- 
raissait tous  les  jours  devoir  être  de  plus  en  plus  incomplet?  Comme  si  ce 
n'était  pas  là  le  sort  de  toutes  les  œuvres  scientifiques  à  une  époque  comme  la 
nôtre,  qui  est  celle  de  la  vitesse  ! 

Ce  n'est  pas  ici  qu'il  est  utile  de  résumer  les  écrits  sortis  de  la  plume  de 
Piette  depuis  1889.  Mais  je  peux  rappeler  en  quelques  mots  les  progrès  prin- 
cipaux que  Piette  a  fait  faire  à  la  Préhistoire  et  notamment  à  nos  connaissances 
sur  l'âge  du  Renne. 

Cet  âge  du  Renne,  que  les  géologues  et  les  paléontologistes  ont  toutes  les 
peines  du  monde  de  distinguer  de  l'époque  plus  ancienne,  qui  ne  fait  avec 
celle-ci  qu'un  seul  bloc,  est  au  contraire  de  première  importance  pour  les  pré- 
historiens. Depuis  l'origine  des  temps  quaternaires  et  jusqu'au  début  de  l'âge 
du  Renne,  l'industrie  humaine  se  traîne  misérable,  rudimentaire.  A  partir  de 
celte  époque,  elle  se  développe,  se  diversifie,  s'embellit  d'une  façon  extraordi- 
naire. Jusqu'à  Piette,  on  ne  voyait  pas  que  cette  époque  fût  susceptible  d'être 
divisée,  car  on  n'en  soupçonnait  pas  la  longueur.  Piette  en  a  fait  la  stratigra- 
phie ;  il  nous  a  montré  qu'il  y  a  des  successions  stratigraphiques,  paléonto- 
logiques  et  archéologiques.  Il  a  révélé  l'évolution  des  formes  de  harpons  ;  il  nous 
a  appris  les  principales  phases  du  développement  de  l'art  qui  a  débuté  par  la 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  219 

sculpture,  s'est  continué  par  le  bas-relief,  par  les  gravures  à  contours  découpés 
pour  aboutir  aux  gravures  formées  de  simples  traits. 

Ses  fouilles  lui  ont  permis  d'augmenter  extraordinairement  le  nombre  de 
productions  artistiques  de  l'époque  du  Renne  et  de  placer  sa  collection 
au  premier  rang,  comme  nombre  et  comme  qualité  des  chefs-d'œuvre. 

C'est  à  lui  que  la  science  est  redevable  de  la  connaissance  d'une  époque  de 
transition  entre  le  Paléolithique  et  le  Néolithique,  de  cette  curieuse  industrie  des 
harpons  plats  et  des  galets  coloriés,  des  notions  si  inattendues  sur  les  races 
stéatopyges  préhistoriques,  de  données  précieuses  relatives  à  la  semi-domestica- 
tion du  Renne  et  du  Cheval,  etc. 

Dans  un  autre  ordre  de  recherches,  des  découvertes  d'une  telle  valeur  auraient 
valu  à  leur  auteur  toutes  sortes  d'honneurs  et  de  récompenses.  Mais  la  science 
officielle  ne  reconnaît  pas  encore  la  Préhistoire,  peut-être  parce  que  celle-ci  est 
née  dans  notre  pays  et  qu'elle  est  une  de  ses  gloires.  L'Académie  des  Sciences 
a  ignoré  Piette  comme  elle  avait  ignoré  Lartet.  Car  la  noble  compagnie  date 
d'une  époque  où  la  Préhistoire  n'existait  pas,  de  même  que  la  Géologie,  la 
Paléontologie  et  tant  d'autres  sciences.  L'Académie  des  Inscriptions  n'a  pas  cru 
devoir  se  montrer  plus  hardie  et  beaucoup  de  ses  membres,  je  n'ose  pas  dire  la 
plupart,  n'ont  jamais  vu  les  collections  de  Piette.  Celles-ci  font  pourtant  partie 
des  Musées  nationaux  auxquels  notre  éminent  collaborateur  et  ami  les  a  géné- 
reusement offertes.  L'État  n'a  pas  su  non  plus  le  remercier  comme  il  convenait. 
Il  a  ignoré  officiellement,  lui  aussi,  un  homme  qui  lui  avait  fait  le  sacrifice  de 
son  temps,  de  sa  fortune  et  avait  conféré  à  notre  pays  les  plus  vieux  titres  de 
noblesse  artistique  qui  soient  au  monde.  Mais  vanilas  vanitatem  :  Beaucoup  de 
monuments  de  la  vanité  humaine  seront  perdus  dans  les  brumes  d'un  lointain 
passé  que  le  nom  de  Piette  brillera  encore  comme  une  étoile  au  firmament  de  la 
Science  pure.  M.  Boule. 


Publications  de  M.  Piette. 


Géologie. 

i855  (i8  juin).  —  Observations  sur  les  étages  inférieurs  du  terrain  jurassique 
dans  les  départements  des  Ardennes  et  de  V Aisne.  Jn-8o  de  4o  pages,  avec  une 
planche  et  6  figures  dans  le  texte.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France, 
t.  XII,  p.  loSi,  II«  série. 

i856.  —  Notice  sur  les  grès  d'Aiglemontet  de  Rimogne.  In-8°  de  20  pages  avec 
une  planche.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  11°  série,  t.  XIII,  p.  188. 

1867.  —  Note  sur  le  gîte  des  Clapes  {Moselle).  In-S»  de  7  pages  avec  2  figures 
dans  le  texte  et  un  tableau.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France, 
II«  série,  t.  XIV,  p.  5ro. 

1859.  —  Les  phosphates  minéraux  des  Ardennes.  Imprimerie  du  Courrier,  à 
Charleville. 

1861  (20  mai).  —  Note  sur  les  gîtes  analogues  à  celui  de  Fontaine -Étoupe four, 

rencontrés  au  sud  du  plateau  paléozoïque  de  CArdenne,  et  observations  sur  l'âge 

des  minerais  de  fer  qui  couvrent  le  bord  méridional  de  ce  plateau.  In-8°  de 


220  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

7  pages  avec  r>.  figures  dans  le  texte.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France, 
II«,  série,  t.  XVIII,  p.  b-ji. 

iS6y..  —  Le  lias  iufcrleur  de  la  Meurthe,  de  la  Moselle,  du  Grand-Duché  de 
Luxembourg,  de  la  Belgique,  de  la  Meuse  et  des  Ardennes,  par  Terquem  et  Piette. 
In-8°  de  76  pages  avec  2  planches.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France, 
t.  XIX,  IP  série,  p.  822. 

1862.  — Note  sur  la  partie  inférieure  du  terrain  crétacé  dans  C Aisne  et  la 
région  occidentale  des  Ardennes.  In-8"  de  4  pages  avec  2  figures  dans  le  texte. 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  11^  série,  t.  XIX,  p.  946. 

1870  (2  mai).  —  Réponse  à  la  note  de  M.  Mcugy,  intitulée  '•  Sur  le  Lias.  In-8'' 
de  i4  pages  avec  2  figures  dans  le  texte.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de 
France,  t.  XXVIl,  Ih-  série,  p.  602. 

1874  (i5  juin).  —  Notice  sur  le  glacier  quaternaire  de  la  Garonne  et  sur  l'âge  du 
renne  dans  les  grottes  de  Gourdan  et  de  Lortet.  In-8°  de  23  pages.  Bulletin  de  la 
Société  géologique  de  France,  I1I<^  série,  t.  II,  p.  245  et  498. 

1876  (11  décembre).  —  La  hauteur  du  glacier  quaternaire  de  la  Pique  à 
Bagnèrea-de-Luchon.  Comptes  rendus  de  l'Institut,  t.  LXXXIII,  p.  1187. 

1894  (i3  aoùL).  —  Le  gisement  de  Saint-Michel en-Thiérache.  Association  fran- 
çaise pour  l'avancement  des  sciences.  Congrès  de  Caen,  t.  I,  p.  i54. 

1902.  —  Conséquences  des  mouvements  sismiques  des  régions  polaires.  In- 8°  de 
4  pages.  Angers,  Burdin. 

1902.  —  Les  causes  des  grandes  extensions  glaciaires  aux  temps  pléistocènes. 
In-S«  de  10  pages.  Bulletin  de  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris,  6<=  série,  t.  III, 
1902. 

Paléontologie. 

i855  (19  novembre).  —  Note  sur  les  coquilles  ailées  trouvées  dans  la  grande 
oolithe  des  Ardennes,  de  V Aisne  et  de  la  Moselle,  In-8°  de  i5  pages  avec  4  planches. 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  série  II,  t.  XIII,  p.  85. 

i856  (5  mai).  —  Note  sur  les  coquilles  voisines  des  Purpurines  trouvées  dans  la 
grande  oolithe  des  Ardennes  et  de  l'Aisne.  In-8°  de  12  pages  avec  3  planches. 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  IV  série,  t.  XIII,  p.  687. 

1867  (20  avril).  —  Description  des  Cerithium  enfouis  dans  les  dépôts  bathoniens 
de  l'Aisne  et  des  Ardennes.  In-8°  de  19  pages  avec  4  planches.  Bulletin  de  la 
Société  géologique  de  France,  II"'  série,  t.  XIV,  p.  544. 

x86o.  —  Note  sur  un  genre  nouveau  de  Gastéropodes  {le  genre  Exelissa).  In-8°  de 
2  pages.  Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  série  11%  t.  XVIII,  p.  14. 

i863.  —  Le  lias  inférieur  dans  Vest  de  la  France,  le  Grand-Duché  de  Luxem- 
bourg et  la  Belgique,  par  Terquem  et  Piette.  Un  volume  in-4°  de  175  pages  avec 
18  planches.  Mémoires  de  la  Société  géologique  de  France,  série  II,  t.  VIII. 

1864-1876.  —  Paléontologie  française  {V  série.  Terrain  jurassique,  Gastéro- 
podes Ire,  série,  t.  III).  In-8°  de  535  pages  et  92  planches.  G.  Masson,  libraire- 
éditeur,  boulevard  Saint-Germain,  120. 

1874  (21  août).— -Swr  plusieurs  genres  nouveaux  ou  peu  connus  de  Gastéropodes. 
In-8°  de  7  pages  avec  une  planche.  Association  française  pour  l'avancement  de.s 
sciences.  Congrès  de  Lille,  t.  III,  p.  36i. 

1876  (janvier).  —  Note  sur  les  coquilles  ailées  des  mers  jurassiques.  Imprimerie 
du  Courrier  de  V Aisne,  à  Laon. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  221 

Archéologie  et  Ethnologie  préhistoriques. 

1869  (2  juin,  28  août,  7  septembre).  —  Lettres  à  M.  de  Ferry  sur  les  sépultures 
de  Chassemy.  Brochure  in-S».  Imprimerie  du  Courrier  de  l'Aisne,  à  Laon. 

1870  (i3  février).  —  Urnes  gallo-romaines  dans  la  nécropole  de  Chassemy. 
Courrier  de  V Aisne,  à  Laon. 

1870.  —  Découverte  d'un  char  gaulois  dans  le  cimetière  de  Chassemy.  Courrier 
de  l'Aisne,  à  Laon. 

1870  (avril).  —  Sépulture  poiyandrique  de  l'Hôpital,  près  Rumigny  {Ardennes), 
par  Piette  et  de  Ferry,  Iri-8°  de  8  pages  avec  une  planche.  Matériaux  pour 
servir  à  l'histoire  naturelle  et  primitive  de  l'homme. 

1871  (3i  juillet).  —  Une  grotte  de  rage  du  renne,  près  Montrejeaux  (Haute- 
Garonne).  Comptes-rendus  de  l'Institut,  t.  LXXIII,  p.  35o. 

1872  (mars).  —  Les  troglodytes  dans  le  département  de  l'Aisne.  In-80  jg  5  pages. 
Matériaux  pour  servira  l'histoire  primitive  et  naturelle  de  Thomme,  IP  série, 
t.  III,  p.  124. 

1872  (mai).  —  Note  sur  les  creutes  du  département  de  V Aisne.  Matériaux  pour 
servir  à  l'histoire  naturelle  et  primitive  de  Thomme,  11^  série,  t.  III,  p.  243. 

1873  (18  avril).  —  La  grotte  de  Gourdan  pendant  rage  du  renne.  In-80  de 
42  pages.  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  11^  série,  t.  VIII, 
p.  384. 

1873.  —  Recherche  de  vestiges  préhistoriques  dans  la  chaîne  des  Pyrénées.  In-8 
de  8  pages  avec  2  planches.  Bulletin  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Tou- 
louse, année  1873,  p.  332. 

1874(16  avril). — La  grotte  de  Lortet  pendant  l'âge  du  renne.  In-S^deiS  pages. 
Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  IP  série,  t.  II,  p.  498. 

1874  (21  août). —  Histoire  de  la  cuiller.  In-80  de  6  pages  avec  3  planches. 
Association  française  pour  l'avancement  des  sciences.  Congrès  de  Lille,  t.  III, 
p.  679. 

lS-j^.  —  Une  flule  néolithique.  Comptes-rendus  de  l'Institut,  t.  LXXIX,  n»  i,p.  56. 

1874.  — La  flûte  composée  à  l'âge  du  renne.  Comptes-rendus  de  l'Institut,  vol. 
LXXIX,  p.  1277. 

1875  (5  avril).  —  Sur  de  nouvelles  fouilles  dans  la  grotte  de  Gourdan.  In-8°  de 
18  pages.  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  II®  série,  t.  X.  p.  279. 

i865  (26  août).  —  Les  vestiges  de  la  période  néolithique  comparés  à  ceux  des 
âges  antérieurs.  In-80  de  23  pages  avec  4  planches.  Association  pour  l'avance- 
ment des  sciences,  t.  IV,  p.  919.  Congrès  de  Nantes. 

1877  (5  avril).  —  La  montagne  d'Épiaup,  par  Piette  et  J.  Sacaze.  In-S»  de 
28  pages.  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  II®  série,  t.  XII,  p.  226. 

1878  (juin).  —  Les  monuments  de  la  montagne  d'Épiaup,  par  Piette  et  Sacaze. 
In-8°de  14  pages  avec  4  figures  dans  le  texte.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire 
primitive  et  naturelle  de  l'homme,  série  II,  t.  IX,  p.  246. 

1879  (décembre).  —  Les  iumulus  d'Avezac-Prat,  Hautes-Pyrénées,  par  Piette 
et  Sacaze.  In-S»  de  19  pages  avec  5  planches.  Matériaux  pour  l'histoire  primitive 
et  naturelle  de  l'homme,  vol.  XIV,  série  II,  t.  X,  p.  499. 

1880  (janvier)  —  Nomenclature  des  temps  anthropiques  primitifs.  Imprimerie 
Le  Vasseur,  à  Laon. 

188 1  (décembre).  —  Note  sur  les  tumulus  de   Bartrès  et  d'Ossun.  In-80  de 


222  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

19  pages  a\ec  5  planches.  Matériaux  pour  l'hisloire  primitive  et  naturelle   de 
l'homme,  série  lï,  t.  XII,  p.  522. 

1884  (décembre).  —  Exploration  de  quelques  iumulus  situés  sur  les  territoires 
de  Pontacq  et  de  Lourdes.  In-8  de  18  pages  avec  u  figures  dans  le  texte  et  4  plan- 
ches. Matériaux  pour  l'histoire  primitive  et  naturelle  de  l'homme,  série  III, 
t.  I,  XVIil"  année,  p.  577. 

1887  (septembre).  —  Équidés  de  la  période  quaternaire  d'après  les  gravures  de 
ce  temps.  In-8<J  de  8  pages  avec  10  figures  dans  le  texte.  Matériaux  pour  l'histoire 
primitive  et  naturelle  de  l'homme,  111°  série,  t.  IV,  p.  359. 

1887  (octobre).  —  De  Verreur  de  Buffon  qui  a  pensé  que  le  renne  vivait  encore 
dans  les  Pyrénées  au  XIV^  siècle  et  des  causes  qui  l'ont  amené  à  la  commettre. 
Brochure  in-8°  de  14  pages.  Matériaux  pour  l'histoire  primitive  et  naturelle  de 
l'homme,  XXIe  année,  111^  série,  t.  IV,  p.  407. 

1887  (décembre).  —  Le  Kertag  quaternaire.  In-8"  de  8  pages.  Bulletin  de  la 
Société  d'anthropologie  de  Paris,  III^  série,  t.  X,  p.  786 

1885  (janvier).  —  Façon  de  faire  le  fil  avec  des  tendons  de  renne  en  Laponie. 
Matériaux  pour  l'histoire  primitive  et  naturelle  de  l'homme,  XXIIe  volume, 
HJe  série,  t.  V.  p.  46. 

1889  (25  février). —  Un  groupe  d'assises  représentant  V époque  de  transition  entre 
les  temps  quaternaires  et  les  temps  modernes.  Comptes  rendus  des  séances  de 
l'Académie  des  sciences,  t.  CVIII,  p.  422. 

1889  (mars). —  Les  subdivisions  de  l'époque  magdalénienne  et  de  l'époque  néo- 
lithique. Brochure  iQ-8°  de  25  pages.  Imprimerie  Burdin,  à  Angers. 

1889  (mars).  —  Nomenclature  de  l'ère  anthropique  primitive.  Brochure  in-8''  de 
12  pages.  Imprimerie  Burdin,  à  Angers. 

189 1.  — Notions  nouvelles  sur  l'âge  du  renne.  Brochure  in-S»  de  25  pages  avec 
12  figures  dans  le  texte,  annexée  à  un  ouvrage  de  M.  Alexandre  Bertrand  :  La 
Gaule  avant  les  Gaulois. 

1892  (20  septembre  1892).  —  Phases  successives  delà  civilisation  pendant  l'âge 
du  rennOt  dans  le  midi  de  la  France  et  notamment  sur  la  rive  gauche  de  VArise 
{Grotte  du  AiasdAzi/).  In-8° de  9  pages.  Association  française  pour  l'avancement 
des  sciences.  Congrès  de  Pau,  XXI^  session,  p.  649. 

i8gP.  _  Compte  rendu  de  Vexcursion  faite  aux  abris  de  Brassempouy  pendant 
le  congrès  de  Pau.  Brochure  de  i3  pages.  Bulletin  de  la  Société  de  Borda. 

i8g3.  _  la  station  préhistorique  de  Brassempouy.  Brochure  de  12  pages.  Aca- 
démie des  sciences,  arts  et  belles-lettres  d'Angers.  Imprimerie  de  Dolbeau. 

1894  (mars).  —  L'époque  éburnéenne  et  les  races  humaines  de  li  période  glyp- 
tique. Brochure  de  27  pages.  Imprimerie  de  Poëlte,  à  Saint-Quentin. 

1894  (avril).  Note  pour  servir  à  l'histoire  de  l'art  primitif.  In-8°  de  18  pages 
avec  19  figures  dans  le  texte.  L'Anthropologie,  t.  V,  fascicule  2,  p.  129. 

iSq\,  —  Une  station  sulistrienne  à  Gourdan.  In-8'  de  8  pages.  Bulletin  de  la 
Société  de  Borda. 

1894  (10  août).  —  Nouvelles  fouilles  à  Brassempouy.  Association  française  pour 
l'avancement  des  sciences,  23e  session.  Congrès  de  Caen,  p.  (175.  In-8"  de 
7  pages  avec  6  figures  dans  le  texte. 

1895  (juin).  Études  d'ethnographie  préhistorique.  Répartition  stratigraphique 
des  harpons  dans  les  grottes  des  Pyrénées.  ^-8"  de  21  pages  avec  22  figures  dans 
le  texte.  V Anthropologie,  t.  VI,  n«  3,  p.  276. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  223 

1895  (18  avril).  —  Hiatus  et  lacune.  —  Vestiges  de  la  période  de  transition 
dans  la  grotte  du  Mas  d'Azil.  In-8°  de  44  pages.  Bulletin  de  la  Société  d'anthro- 
pologie de  Paris,  t.  VI,  série  IV,  p.  235.  Séance  du  18  avril  1895. 

1895  (7  novembre).  —  Fouilles  faites  à  Brassempouy  en  iS9o.  In-8  de  5  pages, 
Bull,  de  la  Soc.  d'Anthropologie  de  Paris,  t.  VII,  série  IV,  p.  669.  Séance  du 
7  novembre  1895. 

1896  rfévrier).  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  II.  Les  plantes  cultivées 
de  la  période  de  transition  aaMasd'Azil.  In-80  de  18  pages  avec  76  figures  dans 
le  texte.  U Anthropologie,  t.  VII,  n°  i,  p.  i. 

1896.  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  III.  Les  galets  coloriés  du  Mas 
d'Azil.  In-80  de  42  pages  avec  107  figures  dans  le  texte  et  album  in-4  contenant 
25  planches  en  chromo-lithographie  et  leur  explication.  V Anthropologie.^  i,  VII, 
no  3,  p.  385. 

1897  (avril).  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  IV.  Fouilles  à  Brassem- 
pouy en  1896,  par  Ed.  Piette  et  J.  de  la  Porterie.  In-80  de  9  pages  avec  6  figures 
dans  le  texte  et  une  planche.  L'Anthropologie,  t.  VIII,  n»  2,  p.  i65,  avril  1897. 

1897  (17  juin).  —  Origine  de  nos  alphabets.  In-80  de  4  pages.  Bull,  de  la  Soc. 
d'Anthropologie  de  Paris,  t,  VIII,  série  IV,  p.  284.  Séance  du  17  juin  1897. 

1898  (octobre).  Études  d'ethnographie  préhistorique,  V.  Fouilles  à  Brassempouy 
en  1898,  par  Ed.  Piette  et  J.  de  La  Porterie.  In-8°  de  25  pages  avec  37  figures 
dans  le  texte.  L'Anthropologie,  t.  IX,  n°  5,  p.  53i,  octobre  1898. 

1903.  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  VI.  Notions  complémentaires  sur 
VAsylien.  L'Anthropologie,  i.XW ,  pages  64i  à  654,  avec  fig. 

1904.  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  VII.  Classification  des  sédiments 
formés  dans  les  cavernes  pendant  l'âge  du  Renne,  L' Anthropologie,  t.  XV,  pages  129 
à  176,  avec  73  fig. 

1905.  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  VIII.  Les  écritures  de  l'âge  glyp- 
tique, L'Anthropologie,  t.  XVI,  pages  i  ù  12,  avec  figures. 

1906.  —  Études  d'ethnographie  préhistorique,  IX.  Le  chevétre  et  la  semi-domes- 
tication des  animaux  aux  temps  pléistocènes.  L'Anthropologie,  t.  XVII,  pages  27  à 
54,  avec  figures. 

Anthropologie. 

1876  (18  mai). —  Les  vestiges  de  la  civilisation  gauloise  à  l'exposition  de  Reims. 
In-80  de  9  pages.  Bulletin  delà  Société  d'anthropologie  de  Paris,  série  II,  t.  XI, 
p.  263. 

1888  (28  mai).  —  Sur  un  buste  de  femme  taillé  dans  la  racine  d'une  dent  inci- 
sive d'équidé,  trouvé  dans  la  grotte  magdalénienne  du  Mas  d'Azil.  Comptes  rendus 
des  séances  de  l'Académie  des  sciences,  t.  CVI.  p.  i553. 

1894  (5  avril).  —  Races  humaines  de  la  période  glyptique.  In-80  de  i4  pages 
avec  2  figures  dans  le  texte.  Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris, 
IVe  série,  t.  V,  p.  382 

1894  (9  avril).  —  Race  glyptique.  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie 
des  sciences,  t.  CXVIII,  p,  825, 

1894  (16  juillet).  —  Sur  des  ivoires  sculptés  provenant  de  la  station  quaternaire 
de  Brassempouy  [Landes),  par  Piette  et  de  La  Porterie.  Comptes  rendus  des 
séances  de  l'Académie  des  sciences,  t.  CXIX,  p.  249. 

1894(6  décembre),  —  Les  fouilles  de  Brassempouy  en  1894,  par  Piette  et  de 


224  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

La  Porterie.  In-8o  de  16  pages  avec  i3  figures  dans  le  texte,  t    V,  IVe  série, 
p.  (i'.iS.  Bulletin  de  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris. 

1894  (26  novembre).  —  Sur  de  nouvelles  figurines  dHvoire  provenant  de  la  sta- 
tion de  Brassempouy .  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  sciences, 
t.  CXIX,  p.  927. 

1895  (avril).  —  La  station  de  Brassempouy  et  les  races  humaines  de  la  période 
glyptique.  In- 80  de  23  pages  avec  18  figures  dans  le  texte  et  7  planches  en  pho- 
totypie.  L'Anthropologie,  t.  VI.  n»  2,  p.  i3o. 

1902.  —  Gravures  du  Mas  d'Azil  et  statuettes  de  Menton.  In-80  de  i4  pages. 
Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie,  séance  du  5  novembre  1902. 

igo3.  —  Sur  une  gravure  du  Mas  d'Azil.  Comptes  rendus  de  l'Académie  des 
sciences,  26  janvier  1903. 

Épigraphie. 

1881  (janvier).  —  Note  pour  servir  à  l'épigraphie  d'Élusa.  In-80  de  17  pages. 
Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  année  1881,  p.  8r. 

1881  (janvier).  Note  sur  V épigraphie  d'Élusa.  In-S»  de  i3  pages.  Imprimerie 
Abadie,  à  Saint-Gaudens. 

i88r  (avril).  —  Lettre  à  M.  A.  Lavergne  sur  les  fouilles  d'Élusa.  Revue  de 
Gascogne,  t.  XXII,  p.  261. 

1881  (juillet).  Seconde  note  pour  servir  à  l* épigraphie  d'Élusa.  In-8'>  de  5  pages. 
Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  France,  année  1881,  p.  229. 

188  r  (août).  —  Note  sur  plusieurs  inscription?,  récemment  découvertes  dans  les 
ruines  d'Élusa.  In-80  de  5  pages.  Imprimerie  Cazeaux,  à  Cauterets. 


Littéra^tnre. 

18^8.  —  Situation.  Brochure  politique.  Imprimerie  du  Courrier  des  ArdenneSy 
à  Charleville. 

i85(5^  —  ])e  la  vaine  pâture.  Brochure  in-8''.  Imprimerie  du  Courrier  des 
Ardennes,  à  Charleville. 

iSSS.  —  Éducation  du  peuple.  Volume  in-12.  Adolphe  Delahaye,  éditeur  à 
Paris,  rue  Voltaire,  '\-Q. 

i858,  —  Note  sur  l'intelligence  des  animaux.  Brochure  in-12.  Adolphe 
Delahaye,  éditeur  à  Paris,  rue  Voltaire,  4-6. 

1873  (août).  —  Les  lignes  défensives  de  la  France.  Association  française  pour 
l'avancement  des  sciences.  Congrès  de  Lyon,  t.  II,  p.  178, 

1874  (août).  —  Seconde  note  sur  les  lignes  défensives  de  la  France.  Association 
française  pour  l'avancement  des  sciences.  Congrès  de  Lille,  t.  III,  p.  189. 

1877  (28  juillet).  ~  Discours  prononcé  sur  la  tombe  de  J.  Bahled.  Imprimerie 
H.  Jacob,  à  Laon. 

1889  (février).  —  Indissolubilité  du  mariage  et  divorce.  Imprimerie  Martin 
Guéret,  à  Segré. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  225 

IVécrolog-ie.  —  Emile  Soldi. 

Nous  apprenons  avec  regret  la  morl  de  M.  Emile  Soldi,  le  sculpteur  bien  connu. 
Emile  Soldi,  après  un  séjour  de  deux  mois  à  Nice,  était  parti  pour  l'Italie  avec 
sa  vieille  mère.  11  était  à  Rome  depuis  le  l®""  mars.  Frappé,  au  théâtre  Costanzi 
par  une  indisposition  subite,  il  a  été  transporté  à  l'hôpital,  où  il  est  mort,  dit 
un  télégramme,  sans  avoir  repris  connaissance. 

Emile  Soldi  était  né  à  Paris  le  27  mai  1846.  Il  était  le  fils  d'un  professeur  d'alle- 
mand (Soldyck),  Danois  d'origine  et  naturalisé  Français,  qui  fit  plusieurs  tra- 
ductions, notamment  celle  des  Contes  d'Andersen.  Après  avoir  appris  le  métier 
de  relieur,  selon  la  méthode  de  Jean-Jacques,  qui  voulait  que  chaque  homme 
eût  un  métier  manuel,  Emile  Soldi  se  tourna  vers  la  gravure  en  médaille.  11 
réussit  et  obtint,  quelques  années  avant  la  guerre,  le  prix  de  Rome.  En  même 
temps,  il  s'adonnait  à  la  sculpture  et  y  montrait  un  talent  souple  et  ingénieux. 
Parmi  ses  œuvres,  statues,  médaillons,  bustes,  gravures,  qui  sont  très  nom- 
breuses, on  remarque  une  statue  de  Flore,  récemment  placée  dans  le  jardin 
des  Tuileries,  un  grand  médaillon,  Gallia,  qui  se  trouve  au  musée  du  Luxem- 
bourg, etc.,  etc.  Il  avait  fait  aussi  divers  essais  de  sculpture  polychrome. 

Esprit  actif  et  curieux,  Emile  Soldi  avait  publié,  en  ajoutant  à  son  nom  celui 
de  sa  mère,  née  Golbert,  divers  ouvrages  :  les  Arts  méconnus,  et  surtout  une 
suite  d'ouvrages  sur  la  Langue  sacrée.  11  avait  cru  retrouver  les  traces  et  le  sym- 
bole de  la  langue  primitive  des  hommes  dans  un  certain  nombre  de  signes,  de 
dessins  et  de  formes  que  l'on  rencontre  sur  les  poteries  primitives,  les  tapis 
orientaux,  etc. 

Dans  ces  derniers  temps,  il  avait  contribué,  avec  une  énergique  activité,  à  la 
fondation  d'une  société  qui  n'existait  pas  encore  en  France,  la  «  Société  des 
fouilles  archéologiques  ».  Cette  société,  qui  a  pour  président  M.  Babelon,  a  aidé 
beaucoup  de  savants  et  d'explorateurs  et  elle  a  pu,  dès  l'année  dernière,  avoir  au 
Petit  Palais  une  exposition  qui  obtint  un  très  vif  succès.  Soldi  était  parti  préci- 
sément en  décembre  pour  organiser  la  section  des  Alpes-Maritimes  et  activer  les 
fouilles  de  la  Turbie. 

Soldi  entreprenait  beaucoup  de  choses  à  la  fois,  mais  il  se  donnait  à  toutes 

avec  passion.  Il  aura  sans  doute  trop  présumé  de  ses  forces.  Fils  modèle,  il 

avait  emmené  avec  lui,  comme  toujours  et  partout,  sa  mère  octogénaire,  qui  ne 

croyait  pas,  certainement,  qu'elle  aurait  la  douleur  d'enterrer  son  enfant.  Soldi 

laissera  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu  le  souvenir  d'un  artiste  convaincu  et  ardent, 

d'un  honnête  homme,  d'un  ami  dévoué. 

A.  D. 

Distinction  honorifique. 

Par  décret  du  7  juin  1906,  M.  le  D^  Verneau,  Assistant  de  la  Chaire  d'Anthro- 
pologie au  Muséum,  a  été  nommé  Chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

Ce  n'est  pas  à  nos  lecteurs  qu'il  est  utile  de  faire  un  exposé  des  titres  scienti- 
fiques de  mon  fidèle  collaborateur  et  ami.  Tous  connaissent  ses  nombreux  tra- 
vaux, ses  fructueuses  missions  à  l'étranger,  le  rôle  important  qu'il  a  joué  pour 
le  développement  de  nos  études  comme  secrétaire  général  des  deux  dernières 
sessions  du  Congrès  international  d'Archéologie  et  d'Anthropologie  préhisto- 
riques, à  Paris,  en  1900,  à  Monaco,  en  1906. 

l'anthropologie.  —  T.  xvii.  —  1906.  15 


226  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Son  enseignement,  à  rnôtcl  de  Ville,  à  l'École  d'Anthropologie,  au  Muséum, 
où  il  remplace  parfois  son  maître  M.  Hamy,  a  toujours  eu  beaucoup  dé  succès. 
Je  suis  certainement  l'inlerprète  de  tous  nos  amis  de  VAnthiopologie,  rédacteurs 
et  abonnés,  en  offrant  au  U'  Verneau  nos  plus  vives  et  plus  cordiales  félicitations. 

M.  B. 


Prix  Alhumbert,  à  rAcadémie  des  Sciences. 

L'Académie  des  Sciences  avait  décidé  que  le  prix  Alhumbert  serait  décerné, 
en  1905,  à  l'auteur  de  la  meilleure  FAude  sur  Vàge  de?,  dernières  éruptions  volca- 
niques de  France;  c'est  mon  excellent  collaborateur,  M.  Marcellin  Boule,  qui  a 
été  proclamé  lauréat  du  concours.  Que  mon  savant  ami  me  permette  de  lui 
adresser  mes  plus  sincères  félicitations.  Les  lecteurs  de  cette  Revue  applaudi- 
ront au  succès  de  l'un  de  ses  Rédacteurs  en  chef,  dont  la  compétence  en  géo- 
logie égale  les  connaissances  en  paléontologie.  Les  deux  sciences  sont,  d'ail- 
leurs, aujourd'hui  inséparables  ;  l'une  et  l'autre  intéressent  au  plus  haut  point 
le  palethnologue,  qui  ne  saurait,  sans  leur  secours,  résoudre  aucun  des  pro- 
blèmes relatifs  à  l'Homme  fossile. 

La  question  mise  au  concours  par  l'Académie  des  Sciences  offrait,  pour  les 
préhistoriens,  une  importance  toute  particulière  en  raison  des  discussions 
auxquelles  donna  lieu  autrefois  la  découverte  d'ossements  humains  dans  les 
tufs  volcaniques  de  Denise,  près  Je  Puy-en-Velay.  Le  travail  de  M.  Boule,  que 
nous  espérons  voir  prochainement  paraître,  lèvera  certainement  les  derniers 
doutes  qui  pouvaient  encore  subsister  dans  l'esprit  de  quelques  rares  savants. 

R.  V. 

P.-S.  —  Cette  note  devait  paraître  dans  le  n°  6  de  1995.  Pour  les  besoins  de 
la  mise  en  pages,  elle  a  été  réservée,  à  mon  insu.  Depuis  cette  époque  la  belle 
monographie  de  M.  Boule  a  paru  dans  <«  La  Géographie  »  et  elle  vient  d'être 
luxueusement  éditée  en  brochure  par  MM.  Masson  et  G^^.  Nous  en  parlerons 
dans  le  prochain  fascicule  de  notre  revue. 

Hommag-e  à  des  Préhistoriens. 

Sur  la  proposition  de  la  Société  linnéenne  du  nord  de  la  France,  présidée 
par  M.  Duchaussoy,  le  Conseil  municipal  de  laville  d'Amiens  vient  de  donner  le 
nom  d'Albert  Gaudry  à  l'une  des  nouvelles  rues  du  quartier  Saint- Acheul,  non 
loin  de  l'emplacement  des  anciennes  carrières  où  l'éminent  paléontologiste, 
accompagné  de  M°^^  Gaudry,  trouva  des  silex  taillés. 

Cette  rue  est  voisine  d'un  lambeau  de  terrain  quaternaire  acheté  par  la  ville 
et  qui  sera  conservé  intact  :  cette  u  réserve  préhistorique  »  donnera  aux  géolo- 
gues de  l'avenir  une  belle  coupe  des  terrains  de  Saint-Acheul,  lorsque  tout  le 
reste  du  fameux  gisement  aura  été  bouleversé  pour  enlever  sables  et  graviers 
et  construire  des  maisons. 

Une  rue  voisine  a  reçu  le  nom  de  Gabriel  de  Mortillet. 

La  Société  linnéenne  et  le  Conseil  municipal  d'Amiens  ont  droit  à  la  recon- 
naissance de  tous  les  Préhistoriens. 

M.  B. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE  227 

Excursion   scientifique  aux  Eyzies. 

J'ai  eu,  ces  jours  derniers,  le  plaisir  de  conduire  dans  la  vallée  de  la  Vézère 
quelques  auditeurs  de  mon  cours  du  Muséum.  Celle  excursion  venant  après  la 
série  de  leçons  que  je  viens  de  consacrer  à  l'Homme  fossile  avait  pour  but  de 
leur  faire  connaître  et  apprécier  de  visu  quelques-uns  des  monuments  les  plus 
importants  que  nous  ayions  des  Hommes  de  l'âge  du  Renne. 

Rendez-vous  était  pris  le  dimanche  matin,  17  juin  au  Musée  du  Périgord,  à 
Périgueux.  Cet  établissement  est  certainement  un  des  plus  beaux  et  des  mieux 
compris  qui  soient  en  province.  La  section  préhistorique  a  pour  conservateur 
M.  Féaux,  dont  le  nom  est  lié  à  la  belle  découverte  de  Raymonden. 

M.  Féaux  nous  a  fait  avec  beaucoup  d'amabilité,  les  honneurs  de  son  dépar- 
tement. M.  l'abbé  Breuil,  pour  qui  toute  cette  admirable  région  n'a  plus  de 
secrets,  a  commencé  dès  ce  moment  le  rôle  difficile  et  pénible  de  cicérone  infa- 
tigable qui  lui  a  valu  toute  notre  reconnaissance.  Sous  la  conduite  de  nos 
deux  savants  confrères,  nous  admirons  des  collections  admirablement  rangées, 
classées  avec  méthode,  soigneusement  étiquetées.  Dans  une  série  de  vitrines 
plates  s'alignent  de  belles  séries  de  silex  taillés,  depuis  les  types  les  plus 
archaïques,  de  la  forme  de  Chelles  ou  de  Saint-Acheul,  jusqu'aux  haches  polies 
néolithiques  en  passant  par  toute  la  série  des  types  moustériens,  aurignaciens, 
solutréens,  magdaléniens,  etc.  M.  l'abbé  Breuil  n'a  pas  de  peine  à  nous  mon- 
trer dans  cette  série  exceptionnellement  belle  les  formes  si  variées  de  l'outillage 
de  l'Homme  du  Renne,  leur  succession  stratigraphique,  leur  dérivation  les  uns 
des  autres.  Il  y  a  aussi  de  nombreux  objets  en  os  et  de  jolies  gravures  dont  la 
plupart  sont  encore  inédites.  Nous  souhaitons  que  M.  Féaux  puisse  faire  bientôt 
une  seconde  édition  de  son  volumineux  catalogue  du  Musée  en  l'enrichissant 
de  figures  reproduisant  les  plus  belles  pièces  de  la  collection. 

Une  vitrine  spéciale  renferme  les  précieuses  trouvailles  de  Raymonden  près 
de  Chancelade  :  squelette  humain  étudié  par  le  D^  Testut,  faune  froide  avec 
Canis  lagopus,  Phoco  groenlandius,  déterminés  par  M.  Albert  Gaudry,  objets 
variés.  Un  peu  plus  loin  une  gigantesque  défense  d'Éléphant,  très  recourbée, 
prouve  que  le  Mammouth  atteignait  autrefois  dans  ce  riche  pays  de  Périgord, 
une  taille  des  plus  imposantes.  Au  mur  sont  fixées  quelques  reproductions  de 
gravures  de  la  grotte  de  La  Mouthe  et  de  peintures  d'Altamira,  en  attendant  les 
fac-similés  des  peintures  de  Font-de-Gaume  que  l'abbé  Breuil  ne  manquera  pas 
d'y  placer  un  jour. 

Nous  ne  pouvons  que  jeter  un  coup  d'oeil  rapide  sur  les  autres  sections  du 
Musée  du  Périgord;  une  suite  de  salles  claires  où  sont  groupés  avec  art  des 
objets  moins  antiques  mais  du  plus  grand  intérêt  pour  l'histoire  de  la  région; 
puis  les  musées  de  sculpture  et  de  peinture,  etc.  Nous  quittons  M.  Féaux,  non 
sans  lui  avoir  témoigné  notre  admiration  et  notre  reconnaissance.  La  ville  de 
Périgueux  peut  être  fière  d'avoir  des  citoyens  qui  la  servent  si  dignement. 

Une  heure  de  chemin  de  fer  dans  une  contrée  riante,  plantureuse,  et  nous 
sommes  aux  Eyzies  que  signalent  de  loin  les  grands  surplombs  de  roches 
crétacées.  Nous  sommes  reçus  à  la  gare  par  l'éminent  historien  de  Yercingé- 
torix,  M.  le  Professeur  Jullian,  qui  avait  bien  voulu  se  joindre  à  nous  et 
M.  Peyrony  le  savant  et  modeste  instituteur  des  Eyzies,  le  collaborateur  averti 
et  dévoué  de  MM.  Breuil  et  Capitan.  M.  Peyrony  avait  bien  voulu  se  préoccuper 


228  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

d'organiser  le  côté  matériel  de  notre  voyage;  il  y  a  pleinement  réussi.  Mais 
nous  ne  lui  devons  pas  seulement  la  nourriture  du  corps  ;  nous  lui  devons  aussi 
celle  de  l'esprit;  son  guide  aux  Eyzies  est  une  plaquette  charmante,  parfaite- 
ment écrite  dont  tous  les  excursionnistes  ont  tiré  grand  profit. 

Cette  première  journée  devait  être  consacrée  à  la  visite  des  localités  classiques 
de  la  vallée  de  la  Vézère.  Des  voitures  portent  les  25  excursionnistes  au  Mous- 
tier  où  des  fouilles  avaient  été  préparées  dans  un  foyer  à  peu  près  intact.  Cha- 
cun d'eux  peut  faire  une  petite  collection  de  râcloirs,  de  pointes,  d'éclats.  Cette 
première  localité,  pourtant  classique,  qui  a  donné  son  nom  à  une  des  époques 
préhistoriques,  nous  donne  l'impression  que  nous  ressentirons  partout  ailleurs, 
d'un  gisement  mal  étuflié.  On  a  gralté  sur  presque  tous  les  points  ;  on  a  boule- 
versé le  sol  superficiel  un  peu  partout;  on  n'a  pas  fait  des  fouilles  profondes. 
Et  une  seule  fouille  complète,  un  seul  gisement  vidé  jusqu'au  plancher  par  un 
naturaliste  compétent  nous  apprendrait  beaucoup  plus  de  choses  sur  l'histoire 
de  l'Homme  fossile  que  cent  explorations  mal  conduites  ou  trop  tôt  abandonnées. 

Nous  voyons  au  passage  la  station  de  La  Madeleine  dans  une  situation  topo- 
graphique  qui  prouve  que  pendant  Vêige  du  Renne,  c'est-à-dire  au  Pléistocène 
supérieur,  la  topographie  de  la  région  était  déjà  identique  à  la  topographie 
actuelle. 

Les  voitures  nous  transportent  directement  à  La  Micoque,  où  de  nouvelles 
fouilles  avaient  été  préparées  par  les  soins  de  MM.  Breuil  et  Peyrony.  Ce  gise- 
ment est  fort  différent  de  tous  les  autres  de  la  région.  Il  s'agit  d'un  dépôt  sur 
les  pentes  dû  aux  phénomènes  de  nivellement;  c'est  une  brèche  ancienne  comme 
celles  des  régions  méditerranéennes  dont  la  formation  est  synchronique  du 
remplissage  principal  des  excavations  souterraines.  M.  Charvet  qui  a  fait  des 
fouilles  importantes  dans  ce  gisement  y  a  recueilli  beaucoup  de  silex  admira- 
blement travaillés  et  otTrant  un  mélange  des  plus  instructifs  de  formes  chel- 
léennes  et  de  formes  moustériennes  avec  de  nombreux  instruments  d'une  phy- 
sionomie spéciale.  Ces  objets  se  rencontrent  pêle-mêle  avec  des  ossements  d'un 
grand  Cheval,  d'un  Bovidé,  de  Cerf  élaphe.  Ici  encore  les  recherches  ont  été  trop 
superficielles;  elles  gagneraient  à  être  approfondies  et  poussées  jusqu'au  plan- 
cher crétacé.  La  fouille  préparée  à  notre  intention  a  été  faite  en  contre-bas  de 
celle  de  M.  Charvet;  elle  a  montré  que  la  formation  détritique,  bréchoïde  à 
silex  taillés  et  à  ossements  n'est  pas  homogène  dans  toute  son  épaisseur.  Il 
semblerait  qu'une  couche  stérile,  plus  fortement  agglomérée,  sépare  la  couche 
fossilifère  exploitée  par  M.  Charvet  d'une  couche  fossilifère  plus  profonde  ren- 
fermant des  silex  taillés  d'un  caractère  plus  archaïque.  Je  dis  :  il  semblerait 
parce  que  l'état  actuel  des  lieux  ne  permet  pas  à  un  stratigraphe  de  se  pro- 
noncer, il  faudrait  faire  une  grande  tranchée  suivant  la  pente  générale  de  la 
montagne  et  recueillir  avec  soin  la  faune  des  divers  niveaux. 

Le  même  sentiment  a  été  éveillé  dans  notre  esprit  par  la  vue  des  célèbres 
et  pittoresques  gisements  de  Laugerie-Haute  et  de  Laugerie-Basse.  Ici  tout  le 
monde  fouille,  tous  les  paysans  se  livrent  à  la  recherche  des  belles  pierres  tra- 
vaillées. Aussi  chacun  d'eux  peut-il  étaler  son  éventaire  d'objets  vrais  et 
d'objets  faux,  car  les  autochtones  ne  se  contentent  pas  de  chercher  des  silex 
taillés,  ils  en  fabriquent.  Et  plusieurs  sont  d'une  habileté  merveilleuse.  Avis  aux 
amateurs.  Il  est  des  faux  graviers  qui  ne  tromperont  pas  les  personnes  expéri- 
mentées; il  en  est  d'autres  plus  difficiles  à  déceler,  notamment  quand  il  s'agit 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  229 

de  types  solutréens.  Souvent  des  morceaux  de  feuilles  de  laurier^  sont  l'objet  de 
retouches  délicates  qui  transforment  le  fragment  en  une  pièce  qui  paraît  com- 
plète. 

A  Laugerie-Basse  tous  les  excursionnistes  ont  pénétré  dans  la  fameuse  mai- 
son Delpeyrot  au  fond  de  laquelle  s'ouvre  l'excavation  conduisant  aux  foyers 
exploités  en  galerie  par  de  Vibraye,  Manémet,  Cartailhac,  etc.,  et  d'où  ont  été 
retirés  de  beaux  morceaux  comme  la  Vénus  impudique,  la  Femme  au  Renne, 
etc.  Et  ici  encore  on  voit  combien  il  resterait  à  faire  à  côté  de  ce  qu'on  a  fait. 
Quelle  stratigraphie  a-t-on  pu  observer  au  fond  de  ces  trous  incommodes  et 
obscurs  ?  Il  faudrait  si  l'on  voulait  vraiment  s'instruire  exproprier  quelques 
maisons,  acheter  les  talus  qui  arrivent  à  la  roule  et  pratiquer  dans  ces  talus  de 
larges  saignées.  Ce  serait  le  rôle  de  l'État,  d'un  État  qui  comprendrait  enfin 
l'imporlance  de  telles  études;  ces  gisements  sont  uniques  au  monde  parce  que 
la  France  est  le  seul  pays  du  monde  où  se  soit  développée  d'une  façon  si  intense 
la  civilisation  de  l'âge  du  Renne,  où  se  soient  produites  les  plus  anciennes  ma- 
nifestations artistiques.  Peul-ôtre  reconnaîtra-t-on  un  jour  cette  importance,  mais 
ne  sera-t-il  pas  trop  tard?  Actuellement  toute  la  région  est  soumise  à  un 
régime  de  vandalisme  et  de  destruction  dont  le  spectacle  est  des  plus  pénibles. 
Ce  ne  sont  pas  seulement  les  gens  du  pays  qui  saccagent  tout,  ce  sont  aussi  des 
étrangers,  antiquaires  et  marchands  qui  viennent  approvisionner  leurs  bou- 
tiques d'objets  préhistoriques  soit  par  des  achats  soit  par  des  fouilles  bru- 
tales. 

La  journée  du  lendemain  fut  consacrée  à  la  visite  des  grottes  à  parois  peintes 
et  gravées.  Le  matin  on  se  rendit  aux  Combarelles.  Notre  troupe,  composée  de 
25  personnes,  dut  être  partagée  en  deux  groupes  car  la  caverne  des  Combarelles 
n'est  qu'un  long  boyau  où  deux  personnes  ne  peuvent  passer  de  front.  Grâce  à 
la  bonté,  je  dirai  môme  au  dévouement  de  l'abbé  Breuil,  qui  dut  répéter  plu- 
sieurs fois  ses  explications,  tout  le  monde  put  admirer  les  principales  gravures 
et  tout  le  monde  fut  émerveillé. 

Les  peintures  de  Font-de-Gaume  firent  sur  les  visiteurs  une  impression  peut- 
être  plus  forte  encore.  Et  pourtant  la  plupart  de  ces  peintures  sont  bien 
défraîchies  ;  les  grafitti  stupidcs  qui  les  recouvrent  rendent  leur  compréhension 
plus  difficile.  iMais  quelques-unes  sont  d'une  bonne  conservation  et  leur 
vue  à  elle  seule,  vaut  le  voyage  de  Paris  aux  Eyzies.  M.  l'abbé  Breuil 
n'éprouve  aucune  peine  à  nous  faire  reconnaître  ici  des  Bisons,  là  des  Rennes, 
ailleurs  des  Mammouths.  Il  nous  montre  la  succession  des  procédés,  les  peintures 
noires  à  simples  contours  succédant  aux  gravures;  les  peintures  polychromes  à 
teintes  fondues  succédant  aux  peintures  noires,  etc. 

Notre  aimable  guide  a  eu  un  grand  succès.  Tout  le  monde  a  admiré  sa  science, 
son  courage,  l'ardeur  qu'il  déploie  pour  faire  passer  dans  l'esprit  de  ses  confrères 
les  sentiments  artistiques,  la  passion  de  l'archéologie  préhistorique  qui  sont 
dans  le  sien. 

Au  retour  nous  avons  visité  la  petite  mais  très  belle  collection  de  M.  Peyrony. 
Il  y  a,  entre  autres  objets  quelques  gravures  sur  os  ou  sur  bois  de  Renne  tout 
à  fait  remarquables.  Cette  visite  nous  permet  de  redire  à  l'aimable  instituteur 
des  Eyzies  toute  notre  reconnaissance.  Plus  heureux  que  nous,  M.  Breuil  reste 
encore  quelques  jours  dans  ce  pays  d'où  il  gagnera  l'Espagne  pour  y  faire  de 
nouvelles  découvertes. 


230  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Nous  le  quittons  à  la  gare  après  lui  avoir  renouvelé  nos  remerciements  et  lui 
avoir  exprimé  nos  vœux  pour  le  succès  de  ses  explorations  futures. 

Congères  préhistorique  de  France. 

La  deuxième  session  de  ce  Congrès  se  tiendra  cette  année,  du  21  au  26  août, 
dans  le  département  du  Morbihan.  Les  trois  premières  journées  (21,  22,23  août) 
à  Vannes,  seront  consacrées  aux  présentations,  communications  et  discussions 
scientifiques,  ainsi  qu'à  des  visites  archéologiques  ;  les  trois  autres  journées 
(24,  25,  26  août)  à  des  excursions  et  notamment  à  la  visite  des  monuments 
mégalithiques  de  la  contrée. 

Parmi  les  questions  inscrites  à  l'ordre  du  jour  il  faut  signaler  :  le  Paléoli- 
thique en  Bretagne,  Signification  des  menhirs,  et  des  alignements.  Étude  des 
tumulus  en  général.  Gravures  et  sculptures  sur  mégalithes,  Céramique  des 
dolmens. 

Toutes  communications  ou  demandes  de  renseignements  devront  être  adres- 
sées à  M.  le  D'  Baudoin,  secrétaire  général  du  comité  à  Paris,  21,  rue  Linné. 

Nous  avons  été  surpris  de  ne  pas  retrouver  le  nom  de  M.  Rivière  fondateur 
de  la  Société  et  du  Congrès  préhistorique  de  France,  dans  la  liste  des  digni- 
taires du  comité  d'organisation.  Y  aurait-il  déjà  au  sein  de  ce  nouveau  grou- 
pement d'archéologues  préhistoriens  des  éléments  de  discorde?  Ce  serait  plus 

regrettable  qu'inattendu. 

M.  B. 

Vœu  relatif  aux  g:isemeiits  préhistoriques. 

«  Justement  indignée  du  vandalisme,  dont  certains  gisements  préhistoriques 
ne  sont  que  trop  fréquemment  l'objet,  soit  de  la  part  de  braconniers,  ayaut  pour 
but  de  s'approprier,  pour  les  revendre,  les  pièces  qu'ils  renferment,  en  leur 
attribuant  souvent  une  fausse  origine,  soit  de  la  part  de  personnes  n'ayant  en 
vue  que  la  destruction  ou  le  pillage  d'un  gisement  fouillé  par  d'autres,  ainsi 
que  les  membres  du  Congrès  préhistorique  de  France,  notamment,  l'ont  constaté 
le  l"  octobre  1905  dans  la  grotte  de  Liveyre,  commune  de  Tursac  (Dordogne), 
où  une  fouille,  préparée  à  leur  intention,  a  été  entièrement  bouleversée  dans 
la  nuit  qui  a  précédé  leur  visite  à  ladite  grotte; 

«  La  Société  préhistorique  de  France,  dans  sa  réunion  mensuelle  du 
28  décembre  1905,  joint  son  énergique  protestation  à  celle  des  membres  du 
Congrès  et  flétrissant,  comme  ils  le  méritent  de  pareils  actes,  émet  le  vœu  que 
toute  personne  ayant  connaissance  de  faits  semblables  veuille  bien  les  dénoncer 
et  en  poursuivre  les  auteurs  par  toutes  les  voies  légales.  » 

Ce  vœu  a  été  adopté  à  l'unanimité,  et  la  Société  décide  d'en  adresser  le  texte 
aux  journaux  de  façon  à  lui  donner  la  plus  grande  publicité  possible. 

M.  B. 

Revue  préhistorique  illustrée  de  l'Est  de  la  France. 

Nous  avons  reçu  les  deux  premiers  numéros  d'un  recueil  paraissant  à  Dijon 
sous  le  litre  ci-dessus  et  dirigé  par  M.  R.  Bouiilerot.  La  nouvelle  revue  a  pour 


iNOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  231 

but  de  faire  connaître  dès  qu'elles  se  produiront,  les  découvertes  archéolo- 
giques effectuées  sur  le  territoire  de  la  Bourgogne,  de  la  Franche-Comté,  de  la 
Champagne  et  de  la  Lorraine.  Elle  sera  illustrée.  Les  spécimens  que  nous  avons 
sous  les  yeux  sont  d'une  belle  tenue,  lis  renferment  des  articles  intéressants  au 
point  de  vue  régional.  Nous  souhaitons  succès  et  longue  vie  à  la  Revue  préhis- 
torique illustrée  de  l'Est  de  la  France. 

M.  B. 

Réclamation. 

J'ai  reçu  d'un  de  nos  abonnnés,  le  D""  G.,  habitant  leTransvaal,  une  réclama- 
tion à  laquelle  je  crois  devoir  répondre  publiquement  parce  que  cette  réponse 
pourra  intéresser  un  grand  nombre  de  nos  amis. 

Mon  honorable  correspondant  me  prie  <c  d'avoir  pitié  des  pauvres  lecteurs 
qui  habitent  loin  de  l'Europe  ».l\  se  plaintquenous  n'indiquions  pas  le  prix  des 
ouvrages  de  librairie  que  nous  analysons.  «  C'est  peu  important,  dit-il,  pour 
les  heureux  habitants  de  Paris  ou  même  de  la  province  qui  trouvent  facilement 
chez  le  libraire  le  plus  voisin  toutes  les  informations  désirables.  Pour  nous,  m 
terra  librariis  negata,  il  y  a  un  grave  inconvénient.  On  ignore  quelle  somme 
il  faut  envoyer  au  commissionnaire  en  librairie  et  le  meilleur  emploi  qu'on 
pourrait  faire  de  l'argent  qu'on  désire  consacrer  à  cette  sorte  d'achats  ». 

Certes  je  comprends  tout  le  bien  fondé  de  cette  réclamation.  Nous  n'avons 
d'autre  excuse  que  de  ne  pas  vouloir  rompre  avec  une  vieille  habitude  des 
revues  françaises  qui  ne  veulent  pas  avoir  l'air  de  se  faire  les  auxiliaires  des 
maisons  de  librairie.  Je  ne  vois  aucun  inconvénient  à  rompre  avec  cette  habitude- 
En  tous  cas,  nous  sommes  tous  ici  à  la  disposition  de  nos  abonnés  qui  nous 
demanderaient  des  renseignements  complémentaires  au  sujet  d'un  ouvrage  ana- 
lysé et  je  remercie  mon  aimable  correspondant  de  sa  lettre  écrite  en  termes 

très   flatteurs  pour  la  Revue. 

M.  B. 

«  Annales  de  Glaciolog-ie  ». 

Les  éditeurs  Borntraeger  frères  de  Berlin  annoncent,  pour  devoir  paraître  au 
mois  de  juin  1906,  une  nouvelle  revue  périodique,  les  Annales  de  Glaciologie 
uniquement  consacrées  à  l'étude  des  phénomènes  glaciaires,  soit  de  l'époque 
actuelle,  soit  de  l'époque  quaternaire.  La  direction  de  ce  recueil  a  été  confiée 
à  M.  le  professeur  Briickner,  de  Halle.  Les  mémoires  seront  publiés  indiffé- 
remment en  allemand,  anglais,  français  et  italien  . 

M.   B. 


Les  musées  d'histoire  naturelle  en  Europe  et  en  Amérique. 

Un  des  derniers  volumes  des  Rapports  de  l'Institut  smithsonien  de  Washington 
est  entièrement  consacré  à  deux  études  des  plus  inslruclives.  La  première,  due 
à  M.  Richard  Rathburn,  est  une  description  détaillée  des  bâtiments  du  Muséum 
national  américain,  avec  un  historique  des  constructions  et  de  nombreuses 
données  numériques,   financières,  etc.  La  deuxième   est   la  traduction  d'un 


232  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

mémoire  paru  il  y  a  deux  ou  trois  ans  ea  Allemagne  et  où  l'auteur,  M.  Meyer, 
directeur  du  Musée  de  Dresde,  décrit  comparativement  la  plupart  des  grands 
musées  d'Amérique  et  d'Europe. 

M.  Meyer  fait  preuve,  dans  ce  travail,  d'un  grand  esprit  d'impartialité,  mais 
il  dit  ce  qu'il  pense,  louant  ce  qu'il  croit  devoir  louer  et  critiquant  ce  qu'il  croit 
devoir  critiquer. 

Au  moment  où  les  pouvoirs  publics  vont  être  obligés,  par  la  force  même  des 
choses,  de  relever  les  bâtiments  croulants  de  notre  Muséum  national,  il  est  utile 
de  signaler  à  leur  attention  la  manière  dont  sont  appréciées  les  constructions 
récentes  :  galerie  de  Zoologie,  d'une  part,  qui  date  de  1889  ;  galeries  d'Anatomie, 
de  Paléontologie  et  d'Anthropologie,  d'autre  part,  dont  l'inauguration  ne  remonte 
qu'à  1898. 

La  galerie  de  Zoologie  eslcritiquée  comme  elle  le  mérite  et  ce  n'est  un  secret 
pour  personne  que  si  cette  énorme  et  luxueuse  construction  ne  répond  nulle- 
ment au  but  pour  lequel  elle  avait  été  conçue,  la  faute  en  revient  uniquement 
à  l'omnipotence  de  l'architecte  et  nullement  aux  professeurs  dont  les  avis  ne 
furent  jamais  suivis.  «  En  examinant  ce  bâtiment,  dit  M.  Meyer,  on  apprendra 
comment  il  ne  faut  pas  construire  un  musée.  »  11  signale  cette  disposition 
étrange  de  la  situation  des  laboratoires,  rue  de  Butîon,  très  loin  des  collections 
que  les  services  scientifiques  et  les  préparateurs  de  ces  laboratoires  ont  pour 
mission  d'étudier,  d'entretenir  et  d'améliorer.  Cet  état  de  choses  durera  encore 
longtemps,  car  «  dans  la  l'rance  républicaine  on  est  plus  conservateur  que 
partout  ailleurs  ». 

Les  galeries  d'  Anatomie,  de  Paléontologie  et  d'Anthropologie  sont  plus  favo- 
rablement jugées;  certaines  parties  sont  louées  sans  réserves.  A  leur  propos  l'au- 
teur revient  sur  l'éloignement  des  services  dans  la  rue  de  BufTon;  il  signale  la 
mauvaise  orientation  du  bâtiment  qui  expose  les  collections  aux  rayons  directs 
du  soleil  pendant  la  plus  grande  partie  de  la  journée.  Il  critique,  pour  le  pre- 
mier étage,  l'emploi  presque  exclusif  de  la  lumière  verticale,  l'architecte  ayant 
voulu,  comme  il  arrive  trop  souvent,  tout  subordonner  à  la  beauté  extérieure 
du  bâtiment. 

En  terminant,  l'auteur  fait  observer  qu'au  contraire  de  ce  qui  se  passe  en 
Amérique  et  en  Angleterre,  la  visite  des  collections,  en  dehors  des  jours 
publics,  est  entourée  de  difficultés.  Cette  question  préoccupe  depuis  longtemps 
l'Assemblée  des  professeurs  de  Muséum  et  nous  savons  que  M.  le  directeur 
Perrier  a  l'intention  de  diminuer  ces  formalités  dans  la  mesure  du  possible  et 

d'ouvrir  grandement  les  portes. 

M.  B. 

L'Anthropologie  en  Amérique. 

Un  de  nos  lecteurs  américains,  M.  Mitchell,de  la  faculté  d'Omaha,  veut  bien 
nous  annoncer  que  l'Université  colombienne  à  New-York  vient  de  recevoir  un 
don  de  150.000  dollars  (750.000  fr.)  pour  fonder  une  chaire  magistrale  d'his- 
toire des  civilisations.  Notre  correspondant  a  pensé  avec  raison  que  cette  nou- 
velle est  de  nature  à  intéresser  ses  confrères  de  l'Ancien  Monde.  Nous  sommes 
heureux  d'enregistrer  une  preuve  nouvelle  de  l'intérêt  que  les  riches  citoyens 
de  la  jeune  et  libre  Amérique  portent  à  toutes  les  branches  de  la  science. 

M.  B. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  233 

L'Anlliropolog^ie  à  l'Université  de  Californie  et  le  crâne  de  Calaveras. 

Parmi  les  derniers  envois  reçus  de  la  malheureuse  cité  de  San  Francisco  se 
trouve  une  brochure  intitulée  :  Le  département  de  l' Anthropologie  à  VUniversité 
de  Californie,  qui  permet  de  se  faire  une  idée  de  la  rapidité  inouïe  avec  laquelle 
se  fait  en  Amérique  le  développement  des  institutions  scientifiques  et  en  parti- 
culier des  établissemenis 'consacrés  à  l'Anthropologie. 

C'est  grâce  à  la  générosité  de  M™e  phoebe  A.  Hearst  que  l'Université  de  Cali- 
fornie put  constituer,  en  septembre  1901,  le  département  de  l'Anthropologie. 
Depuis  celte  époque,  les  locaux  trouvés  insuffisants  ont  été  agrandis  deux  fois. 
Un  service  scientifique,  composé  de  8  professeurs  ou  assistants,  a  été  constitué. 
M.  F,  W.  Putnam  a  été  placé  à  sa  tête  en  qualité  de  professeur  d'Anthropologie 
et  de  directeur  du  musée  d'Anthropologie.  Les  collections  doivent,  dans  la 
pensée  de  M'"^  Hearst,  illustrer  l'histoire  de  l'Homme  basée  non  seulement  sur 
ses  restes  osseux,  mais  encore  sur  ses  manifestations  intellectuelles,  depuis  les 
monuments  les  plus  primitifs  jusqu'à  ses  plus  hautes  conceptions  intellectuelles 
et  artistiques. 

De  nombreuses  recherches  ont  déjà  été  effectuées  aux  frais  de  la  généreuse 
bienfaitrice  de  l'établissement  sur  l'archéologie  égyptienne,  grecque,  romaine, 
sur  l'ethnologie  et  l'archéologie  des  deux  Amérique.  Une  exploration  systéma- 
tique de  la  Californie  a  été  entreprise  sous  le  même  patronage  et  des  travaux 
excellents  ont  déjà  été  publiés. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  les  travaux  relatifs  à  l'antiquité  de 
l'Homme  sur  la  côte  du  Pacifique,  de  MM.  Merriam  et  Sainclair,  dont  la  mission 
consiste  en  l'exploration  méthodique  des  cavernes  et  autres  gisements  pouvant 
contenir  des  restes  préhistoriques. 

Le  rapport  entre  dans  quelques  détails  sur  les  observations  nouvelles  rela- 
tives aux  graviers  aurifères  et  au  crâne  de  Calaveras.  MM  Putnam,  Merriam  et 
Sainclair  sont  arrivés  à  démontrer  que  le  fameux  crâne  ne  provient  pas  des  allu- 
vions  aurifères  mais  qu'il  a  tous  les  caractères  physiques  des  ossements  qu'on 
trouve  dans  les  cavernes  de  la  même  région.  On  aurait  bien  trouvé  un  crâne 
dans  la  mine  de  Matason  mais  ce  véritable  crâne  de  Calavera.^  aurait  été  perdu. 
Les  nouvelles  explorations  des  graviers  aurifères  ont  été  infructueuses. 

On  trouvera  encore,  dans  ce  rapport,  de  nombreux  renseignements  sur  les 
collections  de  toutes  sortes  déjà  rassemblées  et  l'on  sera  vraiment  émerveillé 
de  l'activité  que  déploient  nos  confrères  du  Nouveau  Monde.  Puisse  le  cata- 
clysme récent  avoir  épargné  ces  premiers  et  si  brillants  résultats. 

M.   B. 


Un  procès  à  propos  du  Stonelieng^e. 

Ce  monument  vient  de  donner  lieu  à  un  curieux  procès.  Le  propriétaire  du 
terrain  où  il  est  situé,  l'avait  entouré  d"une  haie  pour  le  protéger  contre  les 
déprédations  des  touristes.  Ou  porta  plainte  contre  lui,  en  disant  (jue  le  Stone- 
henge  étant  un  monument  national,  devait  être  ouvert  librement  au  public.  Le 
tribunal  a  donné  raison  au  propriétaire  :  il  a  déclaré  que  cet  endroit,  sacré  pour 
tout  archéologue  ne  doit  être  fréquenté  que  par  Ijs  personnes  qui  désirent  étu' 


234  NOUVELLES  ET  GORKESPONDANCE. 

dier  le  monument.  Il  convient  d'être  reconnaissant  au  propriétaire  d'avoir  ciier- 
clié  à  le  protéger,  d'autant  plus  que  les  touristes,  de  plus  en  plus  nombreux,  y 
ont  déjà  causé  des  dégradations  imporlanles.  L'astronome  Norman  Lockyer  qui 
y  a  exécuté  récemment  des  travaux  importants  et  qui  paraît  bien  connaître  ses 
compatriotes  s'exprime  ainsi  :  «  Des  sauvages  eux-mêmes  n'auraient  pas  pu  être 
plus  nuisibles  au  monument  que  les  Anglais  qui  y  ont  séjourné  à  diverses 
époques  et  dans  divers  buts.  »  Le  juge  adoptant  celte  manière  de  voir,  a  déclaré 
qu'il  n'espérait  pas  que  les  habitudes  des  touristes  se  soient  améliorées.  Le 
Stonehenge  restera  donc  fermé  et  ne  s'ouvrira  que  pour  l'élude.  Il  serait  à  sou- 
haiter qu'il  en  soit  de  même  de  tous  les  monuments  préhistoriques. 

D'  L.  Laloy. 

Les  Terpen  de  Hollande. 

La  Société  frisonne  des  sciences  de  Leeuwarde  a  publié,  dans  son  66^  rapport, 
un  travail  sur  les  terpen  (collines  artificielles  élevées  par  les  anciens  habitants 
du  pays  comme  lieux  de  refuge  pendant  les  inondations).  La  terre,  très  riche  en 
débris  organiques,  que  contiennent  les  terpen  est  aujourd'hui  employée  comme 
engrais,  à  l'exemple  des  terramares  de  l'Italie.  Les  débris  ouvrés  qu'on  y  recueille 
s'échelonnent  depuis  l'âge  de  la  pierre  et  de  l'os  jusqu'au  moyen  âge.  Le  musée 
de  Leeuwarde  doit  à  l'exploration  des  terpen  une  image  romaine  en  bronze 
d'Isis-Fortune,  des  fibules  romaines,  des  parures  d'époque  mérovingienne  et 
des  armes  de  bronze  remontant  aux  environs  de  l'an  600  av.  J.-G.  (1). 

S.  R. 

Le  rég^ime  alimentaire  du  Mammouth. 

Le  Mammouth  trouvé  en  1901  près  de  la  Bérézovka,  dans  le  Nord-Est  de  la 
Sibérie,  a  été  amené  à  Saint-Pétersbourg  et  soumis  à  un  examen  approfondi. 
M.  Salenski  a  donné  à  ce  sujet  des  renseignements  intéressants,  au  Congrès  de 
zoologie  de  Berne.  L'estomac  de  l'animal  était  fort  bien  conservé  et  renfermait 
des  aliments  non  encore  digérés;  d'autres  débris  délerminables  se  trouvaient 
entre  les  dents.  On  se  rappelle  que  le  Mammouth  trouvé  en  1806  à  l'embouchure 
de  la  Lena  portait  entre  les  dents  des  aiguilles  de  Pin;  on  admettait  depuis  cette 
époque  que  la  nourriture  ordinaire  de  l'animal  consistait  en  extrémités  de 
rameaux  de  Conifères.  Cette  opinion  n'est  plus  défendable;  car  le  Mammouth 
de  la  Berezovkane  présentait  que  des  débris  d'herbes  qui  poussent  encore  dans 
la  région.  On  a  pu  déterminer  des  Carex,  Thymus  serpylium,  Papaver  alpinum 
et  lianunculus  acris  var.  borealis.  Toutes  ces  plantes  portent  des  graines,  ce  qui 
prouve  que  l'accident  où  l'animal  a  trouvé  la  mort  a  eu  lieu  en  automne. 

Comme  le  climat  et  la  flore  de  la  Sibérie  n'ont  pas  varié  depuis  la  disparition 
du  Mammouth,  l'extinction  de  cette  espèce  n'est  pas  due  au  froid,  contre  lequel 
elle  était  d'ailleurs  suffisamment  armée,  mais  plutôt  à  l'Homme  qui  l'a  pour- 
chassée d'abord  en  Europe,  puis  en  Russie  et  ne  lui  a  plus  laissé  finalement  que 
les  parties  les  plus  inhospitalières  de  la  Sibérie. 

D'  L.  Laloy. 

(1)  The  Nation,  1906,  1,  p.  74. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  235 

La  coutume  de  ramasser  du  fer. 

En  Egypte,  en  Grèce,  en  Italie,  le  fer  était  l'objet  d'un  préjugé  religieux  :  il 
était  tabou.  Mais  l'objet  tabou  peut  devenir  bienfaisant  et  prophylactique  à  l'oc- 
casion, témoin  les  amulettes  phalliques.  Dans  l'Europe  moderne,  il  y  a  quantité 
de  gens  qui  ramassent  des  fers  à  cheval,  des  clous,  des  fragments  de  fer,  des 
épingles.  Le  fer  à  cheval  est  celui  des  objets  en  fer  que  l'on  a  le  plus  de  chance 
de  rencontrer  sur  son  chemin;  c'est  ce  qui  explique  le  caractère  prophylactique 
qui  s'y  attache  (1).  Aux  yeux  des  hommes  cultivés,  l'habitude  de  ramasser  des 
épingles  témoigne  d'un  instinct  d'ordre  et  d'économie  (cf.  Thistoire  populaire 
The  taie  of  a  pin''  ;  mais,  en  réalité,  il  y  a  là  une  simple  superstition  :  Who  sees 
a  pin  andpick  it  up  \  AU  his  days  will  be  in  luck  (2). 

Une  forme  plus  primitive  de  ces  croyances,  où  paraît  encore  le  tabou  du  fer, 
est  celle-ci.  Un  homme  trouve  un  morceau  de  fer  sur  sa  route;  il  doit  le  ramas- 
ser de  la  main  droite,  cracher  dessus  et  le  jeter  par  dessus  son  épaule  gauche, 
sans  se  retourner  et  sans  chercher  à  voir  où  tombe  le  fer.  Celui  qui  se  retourne 
perd  le  bon  effet  de  son  action,  consistant,  paraît-il,  à  frapper  un  démon  qui 
le  suit  et  à  le  mettre  en  fuite. 

Mason,  dans  son  Anatomie  of  Sorcerie  (1613),  énumère,  parmi  les  signes  de 
bonne  fortune,  la  découverte  d'un  vieux  morceau  de  fer.  J'ai  vu,  à  Paris  même, 
des  personnes  instruites  qui  touchaient  du  fer  pour  écarter  les  mauvais  pré- 
sages, comme  pour  faire  passer  dans  le  métal  tabou  le  germe  nocif  qu'elles 
pouvaient  avoir  contracté  (3). 

S.  R. 

L'Etaia  des  Gassitérides  (4). 

Au  cours  d'un  mémoire  sur  la  flotte  romaine  de  la  Manche  (Classis  Britan- 
nica), M.  Emmanuel  Green  a  soutenu  qu'il  n'a  jamais  existé,  malgré  les  asser- 
tions des  historiens  anciens,  de  commerce  d'étain  entre  la  Grande-Bretagne  et 
la  Gaule.  Toute  la  légende  serait  née  de  l'erreur  géographique  qui  plaçait  l'ex- 
trémité ouest  de  l'île  de  Bretagne  à  peu  de  distance  et  en  face  de  l'Espagne. 
L'étain  de  Cornouailles  n'est  mentionné  que  tardivement  au  moyen  âge;  le  sau- 
mon d'étain,  qui  aurait  été  découvert  dans  le  port  de  Falmoulh  et  qu'on  attri- 
bue à  l'époque  romaine,  est  une  légende  ajoutée  à  d'autres.  La  Bretagne  four- 
nissait du  plomb,  que  l'on  embarquait  à  Clausentum  (Southampton),  mais  elle 
n'exportait  pas  d'étain.  Cette  manière  de  voir,  bien  que  contredite  par  les  textes, 
mérite  réflexion.  J'ajoute  que  toutes  les  recherches  faites  de  nos  jours  pour 
découvrir  la  moindre  trace  d'étain  aux  îles  Sorlingues  —  les  prétendues  Cas- 

(1)  On  a  prétendu  aussi  que  le  fer  à  cheval  rappelait  une  paire  de  cornes,  ou  le 
croissant  lunaire;  mais  ce  sont  là  des  hypothèses  bien  aventurées. 

(2)  Les  épingles  sont  l'objet  d'autres  superstitions.  Une  couturière  anglaise  ne  se 
sert  pas  d'épingles  noires  pour  essayer  une  robe;  c'est  mauvais  signe  si  les  épingles 
contenues  dans  une  boîte  se  répandent  sur  le  sol;  c'est  bon  signe  si  une  goutte  «ie 
sang  tombe  sur  un  chapeau,  d'un  doigt  qui  a  été  piqué  par  une  épingle  {Notes  and 
guéries,  1905,  p.  465). 

(3)  Notes  and  queries,  1905,  p.  397-398. 

(4)  The  Athenaeum,  25  novembre  1905,  p.  728. 


236  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

sitérides    —  sont  restées  sans  résultat,  comme  me  l'a  plusieurs  fois  affirmé, 
après  avoir  résidé  dans  ces  îles,  M.  Bonsor. 

S.   R. 

i\è}}Tes  hiancs. 

A  la  foire  de  Rouen,  on  exhibait  dernièrement  une  Négresse  blanche.  Ses  che- 
veux crépus,  sa  face  prognathe,  son  nez  épaté,  ses  lèvres  volumineuses  ne 
laissent  aucun  doute  sur  son  origine;  mais  la  peau  est  dépourvue  de  pigment. 
Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  qu'il  s'agit  d'un  de  ces  cas  d'albinisme  qui  ne  sont 
pas  rares  dans  la  race  noire. 

Déjà,  en  1744,  on  montrait  à  Paris  un  Nègre  présentant  tous  les  caractères 
d'un  albinos.  Voltaire  nous  en  a  laissé  la  pittoresque  description  suivante  : 

«  En  1744,  les  Parisiens  avaient  contemplé,  non  sans  étonnement,  un  petit 
animal  blanc  comme  du  lait,  avec  un  mufle  taillé  comme  celui  des  Lapons,  ayant, 
comme  les  Nègres,  de  la  laine  frisée  sur  la  tête,  mais  une  laine  beaucoup  plus 
fine  et  qui  est  de  la  blancheur  la  plus  éclatante;  ses  cils  et  ses  sourcils  sont  de 
cette  même  laine,  mais  non  frisée;  ses  paupières  sont  d'une  longueur  qui  ne 
leur  permet  pas,  en  s'élevant,  de  découvrir  tout  l'orbite  de  l'œil,  lequel  est  un 
rond  parfait  Les  yeux  de  cet  animal  sont  ce  qu'il  y  a  de  plus  singulier;  l'iris 
est  d'un  rouge  tirant  sur  la  couleur  de  rose;  la  prunelle,  qui  est  noire  chez 
nous  ou  chez  tout  le  reste  du  monde,  est  chez  eux  d'une  couleur  aurore  très 
brillante.  Ainsi,  au  lieu  d'avoir  un  trou  percé  dans  l'iris  à  la  façon  des  blancs 
et  des  nègres,  ils  ont  une  membrane  jaune  transparente  à  travers  laquelle  ils 
reçoivent  la  lumière...  Ils  regardent,  ainsi  que  marchent  les  crabes,  toujours  de 
côté  et  sont  louches  de  naissance;  ils  ne  voient  bien  que  dans  le  crépuscule. 
La  nature  les  destinait  probablement  à  habiter  des  cavernes.  Cet  animal  s'ap- 
pelle un  homme,  parce  qu'il  a  le  don  de  la  parole,  de  la  mémoire,  en  plus  de  ce 
qu'on  appelle  la  raison  et  une  espèce  de  visage.  » 

Voltaire  croyait  que  les  Nègres  blancs  constituaient  une  race  qui  vivait  près 
du  Loango.  Mais,  en  1765,  Lecat  rechercha  les  causes  de  la  métamorphose  du 
Nègre  en  Blanc  et  du  Blanc  en  Nègre  et  il  n'eut  pas  de  peine  à  découvrir  que  le 
délaut  de  pigmentation  observé  chez  les  Nègres  blancs  était  purement  accidentel 
et  qu'il  ne  s'agissait  en  réalité  que  de  cas  d'albinisme.  Cette  conclusion  a  pure- 
ment et  simplement  été  confirmée  par  toutes  les  recherches  effectuées  depuis  le 

xviir  siècle: 

R.  V. 

Les  IVègres  aux  Etats-Unis. 

D'après  le  dernier  recensement,  la  population  de  couleur  des  États-Unis  se 
compose  de  95  0/0  de  Nègres  et  5  0/0  d'Indiens.  Le  nombre  total  des  Nègres 
habitant  les  États-Unis  continentaux  (à  l'exclusion  de  Porto-Rico,  de  Hawaï,  etc.) 
est  de  8.840.000;  près  des  9/10  habitent  au  sud  de  l'Ohio.  De  1890  à  1900,  le 
nombre  des  Nègres  a  augmenté  de  H8  0/0  dans  les  38  plus  grandes  villes  de 
l'Union,  celui  des  Blancs  de  32,7  0/0.  Dans  les  petites  villes  et  dans  la  campagne, 
la  proportion  est  renversée  :  dans  les  États  du  Sud,  les  Nègres  n'ont  augmenté 
que  de  21,7  0/0  contre  26,5  0/0  pour  les  Blancs  dans  les  localités  de  2.500  habi- 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 


237 


lanls  et  au-dessus;  dans  les  villages  de  moins  de  2.500  habitants,  l'augmen- 
tation des  Nègres  est  de  16,4  0/0,  celle  des  Blancs  de  25  0/0. 

Dans  les  Étals  du  Nord,  93  0/0  des  Nègres  habitent  les  villes.  Leur  mortalité 
est  de  30,2  pour  1.000;  celle  des  Blancs  de  17,3.  Le  nombre  des  naissances 
diminue  chez  les  Nègres,  tandis  qu'il  augmente  chez  les  Blancs. 

D""  L.  Laloy. 


Note  sur  la  population  de  la  Tripolitaine. 


La  liste  suivante  des  chitïresdela  population  en  Tripolitaine  est  la  plus  exacte 
que  l'on  puisse  se  procurer  jusqu'ici.  Elle  est  fournie  presque  entièrement  par  le 
nouveau  recensement  turc  qu'un  fonctionnaire  a  bien  voulu  me  communiquer 
secrètement. 

Les  noms  qui  y  figurent  sont  ceux  des  districts  administratifs  ou  moudiriats 
et  kaimakanats,  groupés,  comme  on  sait  en  sandjaks,  sous  la  direction  d'un 
moutecaref. 


Tarhouna  (kaïmakao) 
Khoms  (siège  du  moutecaref) 
Misrata  (kaïmakan) 
Seurt  (kaïmakan)  . 
Zlitten  (kaïmakan) 
Msellata  (kaïmakan) 
Tabya  (moudir).     . 
Taorgha  (moudir) . 
Zenzour  (moudir)  . 
Zavia  (kaïmakan) . 
Adjelat  (kaïmakan) 
Zouara  (kaïmakan) 
Kedoua  (moudir)  . 
Gariana  (kaïmakan 


))     .     .     32.687 

hah 

teçaref)  29.450 

» 

.  .  .  39.860 

)) 

.  .  .  37.240 

n 

.  .  .  28.720 

n 

.  .  .  31.900 

n 

.  .  .   9.800 

)) 

.  .  .   7.900 

n 

.  .  .  11.760 

» 

.  .  .  42.580 

» 

.  .  .  29.860 

)i 

.  .  .  34.320 

» 

.  .  .   8.695 

» 

.  .  .  45.600 

» 

Kikia  (moudir) 9.350  hal). 

Ytfren  (siège  d'un  moutecaref)    29.700      » 

Djado  (kaïmakan). 

Nalout  (kaïmakan) 

Misda  (moudir).     . 

Rhadamès  (kaïmakai 

Orfella  (kaïmakan) 

Bondjem  (kaïmakan 

Sokua  (kaïmakan). 

lîhat  (moutecaref) . 

Fezzan  (moutecaref) 

Ghati 

Dj effara  Karabouli 


8.790 
16.400 
10.600 
13.880 
43.200 
14.700 
38.600 
43  800 
47.500 
34.800 

9.600 


La  population  du  Fezzan  se  décompose  ainsi 


Sine 8.930  hab. 

Simnou 1.630      » 

Honne 10.400      « 

Zella 8.510      » 


Kétroune 8.700  hab. 

Oïdi  Gharbi 9.300      .. 

Oïdi  Gherkya 1.000      » 

Soufra  Cherkya     ....  9.700      » 


La  population  du  Gaiiana  se  compose  en  quatre  grandes  tribus  :  les  Bent- 
Daoud,  les  Beni-Haiiffa,  les  Koïssimé,  les  B'^ni-Nser. 


Beni-Daoud 


Dyassir 

Barachichc 

Kiroïua 710 

Tégassate 2.128 

Evled  Yaia 912 

Evled  Ali 481 


895  hab. 
743      » 


iMensil  Tegrinna 
Evled  Izam  .     . 
Tegrinna.     .     . 
Kasr  Tegrinna . 

Maouziue.     .     . 


436  hab. 
734      .) 

682  .. 
873  .. 
530      » 


BeniHaliffa  : 

Chemsa 646    hab.     Djehécha 

Bouzaïan 1.121      »        Kouléba  . 


415  hab. 
725      » 


238 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 


Cln'ctau  . 
Houleye  . 
Guezan  . 
Tebadoutte 
Oiifizzir  . 
Kabac .     . 


311    hab.     Msofiin 


360 
600 
783 
723 
548 


Oussadioe 
Migarba  . 
Cherfa .  . 
Guséba    . 


636 

hab 

918 

» 

485 

» 

609 

)> 

320 

»> 

Koïs'^imé  : 

Evled  Mourad 
Evled  AzzouQ 
Abgare  .  . 
Rhébat  .  . 
Bourasse.  . 
Berya  .  .  . 
Bousselaraa . 


380   hab.     Koissimé  juifs. 


,  .  .  635  »  Myaaine  . 

,     .  .  .  490  »  Nélyèue   . 

,     .  .  .  674  »  Soiédya    . 

,     .  .  .  511  .)  Salimé      . 

.     .  .  .  920  »  Menzoïir. 

.     .  .  .  851  »  Lamiche  . 

Zenàn 1.200  »  Rméchatte 


360 

hab 

415 

» 

583 

» 

910 

» 

690 

)) 

480 

» 

674 

)j 

705 

» 

Beni-Nser 


Kamoun  . 

Melik  .  . 
Essbéhé  . 
Aaguibé  . 
Bouyayade 
Gamoudi. 
Zivia  .  . 
Bemadi    . 


762    hab.     Kéamé 


Evled  Brèke 
Djeafra  .  . 
Arayfa.     .     . 


699 

» 

321 

» 

840 

» 

411 

» 

380 

» 

425 

n 

261 

u 

ribus 

m 

697  hab 

581 

» 

674 

» 

Kassatte  . 
Métatate  . 
Déooune . 
Fekha.  . 
Ségayfe  . 
Bouméade 
Eslahatte. 


184  hab. 

597  .) 

420  n 

576  .> 

643  >. 

879  » 

195  » 

743  )) 


Il  faut  y  ajouter  quelques  tribus  nomades  vivant  dans  des  gourbis  : 


Métanine. 
Kmata 


831  hab. 
2.480      » 


Dans  les  chiffres  précédents,  la  population  Juive  est  comprise. 
Cette  population  Israélite  de  la  Tripolitaine  est  très  inégalement  répartie  dans 
le  vilavet.  On  la  trouve  dans  la  zone  littorale  et  dans  celle  des  Djebels. 


Tripoli 12.000  Juifs. 

Zenzour 60  » 

Zavia 450  » 

Gariana 300  ^) 

Orfella 60  » 

Taorgha 200  » 

Yffren 1.000  >. 


Mechya 1.000  Juifs. 

Tadjourah \  200     » 

Msellata 350      » 

Khoms 300      » 

Zlitten  (oasis) 450      » 

Misrata 400     » 


Au  total  :  16.770  individus. 

U  faut  remarquer  que  le  point  le  plus  méridional  où  l'on  trouve  des  Juifs  est 
Orfella.  Au  sud  des  Djebels,  les  Israélites  ne  s'aventurent  plus  dans  l'intérieur. 

Dans  le  sandjak  de  Ben-Ghasi,  la  population  juive  est  de  2.150  individus,  dont 
2.000  pour  le  port  de  Ben-Ghasi  et  150  pour  Derna. 

La  population  juive  est  très  malheureuse.  A  Tripoli,  8.000  Israélites  vivent  dans 
la  plus  noire  misère;  le  reste  n'a  pas  son  pain  assuré  pour  le  lendemain.  Dans 
le  Djebel,  la  situation  est  bien  plus  déplorable  encore,  car  les  fidèles  de  la 
Synagogue  sont  victimes  d'usages  féodaux  que  les  Turcs  n'ont  pas  encore  com- 


NOUVELLES  ET  CORBESPONDANGE. 


239 


plèlement  abolis.  Les  cheikhs  arabes  peuvent  les  rançonner  à  merci  et  même  les 
tuer.  Ces  malheureux  n'émigrent  pas  parce  qu'ils  ne  sauraient  où  aller  :  ils 
vivent  perdus  dans  leurs  montagnes,  sans  même   avoir  conservé  de  relations 


avec  leurs  coreligionnaires  de  la  côte. 


MÉHIER  DE  MaTHUISIEDLX. 


La  Population  blanche  des  Colonies  allemandes. 

A  l'occasion  de  l'examen  du  budget  colonial,  le  gouvernement  allemand  a  sou- 
mis au  Reichstag  une  statistique  de  la  population  blanche  des  diverses  colonies 
de  l'empire.  Voici  cette  statistique,  qui  ne  comprend  ni  l'Afrique  australe  —  à 
cause  du  chiffre  anormal  de  Blancs  qui  s'y  trouvent  par  suite  de  la  guerre  — , 
ni  les  îles  Samoa,  dont  la  population  entière  est  recensée  à  part  : 


Est-Afri- 

Togo 

Came- 

Pacific 

cain 

Sexes 

roun 

— 

1.352 

193 

727 

505 

316 

31 

77 

129 

205 

» 

22 

55 

1.873 

224 

826 

689 

216 


738 


431 


Hommes 

Femmes 

Enfants 

Totaux 

iNATIONALITÉS 

Allemands 1.324 

Grecs 110 

Boers 83 

Français 78 

Anglais.    . 67 

italiens ^  .   .  60 

Suisses » 

Autrichiens « 

Américains » 

Divers 151 

Totaux 1.873 

PROFESSIONS 

Ecclésiastiques 301 

Fonctionnaires 228 

Militaires 173 

Agents  techniques 67 

Ouvriers 77 

Planteurs 180 

Commerçants 142 

Divers 182 

Totaux 1  352 


A  propos  des  taches  de  la  rég:ion  lombaire. 

M.  Ten  Kate  rapporte  [Zeitschrift  fur  Ethnologie,  t.  XXXVII,  1905,  fasc.  5) 
que  les  taches  lombaires  des  nouveau-nés  sont  bien  connues  à  Ceylan  :  il  les  a 
observées  aussi  bien  chez  les  Gingalais  que  chez  les  Tamils.  A  Java,  lorsque  les 
grands  parents  d'une  femme  enceinte  meurent,  elle  frotte  une  partie  quelconque 


1 

29 

53 

1 

» 

» 

3 

» 

» 

2 

» 

» 

1 

23 

8 

1) 

36 

177 

224 

826 

689 

26 

90 

143 

63 

110 

50 

20 

73 

21 

32 

•>) 

3 

11 

33 

» 

4 

108 

82 

44 

268 

85 

4 

45 

119 

193 

727 

505 
R.  V. 

240  NOUVELLES  ET  CORRESPOiNDANCE. 

du  cadavre  avec  un  peu  de  charbon  ou  de  suie,  de  façon  à  produire  une  lâche 
de  la  grandeur  d'une  pièce  de  monnaie.  Elle  espère  que  son  enfant  aura 
également  à  sa  naissance  une  tache  sombre.  S'il  eti  est  ainsi,  cela  prouve  que 
les  qualités  physiques  et  morales  des  grands  parents  ont  été  transmises  à 
l'enfant.  Dans  le  cas  contraire,  elles  sont  passées  à  un  autre. 

D^  L.  Laloy. 

Tours  du  silence. 

Cette  expression,  familière  aux  archéologues,  est  inconnue  des  Parsis  qui 
construisent  lesdites  tours  ou  dakhumas.  Sir  George  Birdwood  en  attribue  l'in- 
vention à  un  Irlandais  nommé  Hobert  Xavier  Murphy,  éditeur  du  Bombay 
Times  et  traducteur  au  service  du  gouvernement  de  l'Inde,  qui  mourut  le 
2G  lévrier  1857.  De  1847  à  1850,  il  donne  des  articles  au  Dublin  University  Maga- 
zine;  c'est  probablement  dans  cette  Revue  qu'il  a  été  d'abord  question  des 

«  Tours  du  silence  »  (1). 

S.  R. 

Les  transports  de  lerrcs. 

La  terre  de  Tlrlande  a  la  réputation  d'être  très  fertile  et  de  ne  point  nourrir 
de  serpents.  Il  y  a  quelques  années,  un  Irlandais,  gouverneur  d'une  des  colo- 
nies anglaises  de  l'Australie,  y  fit  transporter  une  forte  cargaison  de  terre  d'Ir- 
lande et  la  déchargea  dans  une  tranchée  creusée  autour  de  sa  résidence,  afin 
d'en  écarter  les  serpents.  Dans  la  première  moitié  du  xvii^  siècle,  on  importait 
souvent  de  ta  terre  d'Irlande  en  Angleterre  afin  d'accroître  la  fécondité  des 
champs.  D'autre  part,  les  Irlandais  expatriés,  qui  désirent  reposer  en  terre  irlan- 
daise, en  font  quelquefois  venir  à  cet  effet.  En  1853,  tout  un  navire  chargé  de 
terre  d'Irlande  aborda  aux  États-Unis,  commandé  par  un  Irlandais  qui  avait  fait 
fortune  dans  ce  pays.  Encore  aujourd'hui,  de  petites  quantités  de  terre  irlan- 
daise sont  envoyées  chaque  année  en  Amérique;  on  la  répartit  entre  de  petits 
sacs,  que  l'on  place  dans  les  cercueils  des  Irlandais  pauvres,  en  témoignage  de 

leur  amour  pour  le  sol  natal  (2). 

S.  R. 

Le  culte  phallique  au  Laos. 

La  France  médicale  (n"  du  25  décembre  1905)  publie  un  curieux  article  de 
M.  E.  Janselme,  intitulé  Un  vestige  du  culte  phallique.  La  danse  du  Serpent  à 
Luang-Prabang.  La  cérémonie  dont  il  s'agit  fait  partie  des  réjouissances  publiques, 
notamment  des  enterrements  qui,  au  Laos,  sont  l'occasion  de  fêtes  d'où  la 
gaîté  n'est  pas  bannie. 

La  représentation  comporte  trois  tableaux.  Au  premier,  de  vieilles  femmes  et 
un  médicastre  dansent  autour  d'un  panier  rempli  de  feuillages.  Les  femmes 
veulent  voir  ce  qui  se  trouve  au-dessous  des  feuilles;  l'une  d'elles  est  mordue 
par  un  serpent  et  meurt. 

(1)  The  Times,  8  août  1903;  Noies  and  guéries,  30  septembre  1905. 

(2)  Notes  and  queries,  1905,  p.  395, 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  241 

Au  deuxième  tableau,  le  médicastre  constate  que  la  femme  est  bien  morte.  Au 
troisième,  il  la  ressuscite.  Pour  cela,  il  a  d'abord  recours  à  de  Teau-de-vie  de 
riz,  dont  il  entonne  près  d'un  litre  au  cadavre,  à  l'aide  d'une  fleur  de  bananier, 
qui  sert  de  coupe.  Ses  efforts  restant  impuissants,  il  prend  des  phallus  «  artis- 
tement  peints  et  d'un  réalisme  à  faire  rougir  une  demi-vierge  »,  les  dispose  par 
rang  de  taille,  et,  commençant  par  les  plus  grêles,  il  essaye  leur  vertu  «  en  les 
introduisant  dans  l'habitat  qui  leur  est  destiné  par  les  causes  finales.  Les  pre- 
miers sont  de  nul  effet,  les  seconds  font  tressaillir  la  morte  qui  s'étire  volup- 
tueusement dans  une  pose  alanguie;  enfin  le  gros  calibre  ressuscite  la  morte 
qui  d'un  bond  saute  sur  ses  pieds.  »  Je  m'empresse  d'ajouter  que  cette  scène 
n'est  que  mimée. 

Chaque  année,  à  Luang-Prabang,  on  promène  en  grande  pompe  un  immense 
phallus,  que  suit  un  nombreux  cortège  d'hommes,  de  femmes  et  d'enfants.  Les 
jeunes  gens  fabriquent  des  jouets  en  bois  qui,  par  un  jeu  de  ficelles,  entrent  en 
action  et  s'accouplent.  Ces  spectacles  qui,  chez  nous,  passeraient  pour  obscènes, 
ne  semblent  provoquer  chez  les  Laotiens  aucune  pensée  de  luxure.  Nul  ne 
peut  indiquer  l'origine  de  ces  singulières  cérémonies.  M.  Janselme  croit  qu'elles 
avaient  autrefois  un  caractère  rituel  et  qu'elles  étaient  destinées  «  à  représenter 
d'une  manière  concrète  la  toute-puissance  de  l'organe  mâle,  symbole  de  la  vie, 
présidant  aux  transmigrations  ou  incarnations  successives.  » 

R.  V. 


Les  momies  australiennes. 

M.  Klaatsch,  qui  parcourt  en  ce  moment  l'Australie,  a  pu  se  procurer  la 
momie  d'un  chef  australien  mort  récemment;  il  donne  quelques  détails  sur  le 
mode  de  fabrication  de  ces  momies  {Zeitschrift  fiir  Ethnologie,  t.  XXXVIf,  1905, 
fasc.  5).  Aucun  agent  chimique  n'entre  dans  leur  composition.  Le  cadavre  est 
d'abord  enterré  pendant  quelques  jours  puis  déterré.  On  enlève  les  cheveux  et 
l'épiderme  qui  tombe  en  décomposition.  On  ouvre  le  corps  et  on  le  place  sur 
un  échafaudage,  au-dessus  d'un  feu  destiné  à  le  dessécher  lentement.  Les 
femmes  recueillent  la  graisse  et  le  sang  qui  dégouttent  du  cadavre  et  s'en 
enduisent  les  cheveux,  qu'elles  disposent  en  petites  touffes.  Plus  tard  elles 
coupent  ces  touffes,  les  relient  ensemble  avec  de  la  cire  et  en  font  des  colliers. 
Lorsque  le  cadavre  est  suffisamment  desséché,  on  l'attache  avec  des  liens 
d'écorce,  de  façon  à  mettre  les  membres  en  flexion  forcée  contre  le  corps. 
Cette  coutume  de  momifier  les  cadavres  semble  avoir  été  générale  autrefois 
entre  Cooktown,  au  nord,  et  Townsville,  au  sud.  On  n'y  soumet  plus  que  les 
cadavres  des  guerriers  et  des  chefs.  Dans  d'autres  parties  de  l'Australie  on  se 
contente  de  sécher  les  cadavres  sur  le  feu,  sans  en  faire  des  momies. 

D'  L.  Lalov. 


l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906,  16 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE 

(avec  notes  analytiques.) 


a)  Travaux  publiés  dans  les  recueils  anthropologiques. 

Bulletins  et  Mémoires  de  la  Société  d'Anthroplogie  de  Paris, 

5e  série,  t.  VI,  1905. 

iVo  3.  —  Ch.  Lejeune,  La  place  de  rhomme  dans  l'univers  et  dans  la  série  zoolo- 
gique {suite  et  fin).  —  Roux,  Note  sur  un  cas  d'inversion  sexuelle  chez  une  Como- 
rienne  faisant  usage  d'un   phallus  (Inversion  chez  les  jeunes  gens  à  Madagascar). 
Discussion  :  M.  Zaborovvski  (ces  habitudes  sont  communes  sur  la  côte  orientale  de 
l'Afrique).  —  Lehmann-Nitsche,  Les  lésions  bregmatiques  des  crânes  des  îles  Canaries 
et  les    mutilations  analogues    des   crânes  néolithiques   français.   —    Fourdrignier, 
Chronologie    céramique,   vases   susicns,  poterie   dolménique,  anciens   procédés  de 
fabrication.  [Essai   de   synchroniser  les  couches  des  céramiques  méditerranéennes 
.(néolithique,    crétoise  et  mycénienne)   avec  celles    de   Suse.  Dépôt  de  terre  noire 
destinée  à  la  poterie  dans  un  milieu  dolménique,  près  Carnac  (Morbihan).  Démonstra- 
tion expérimentale.]  Discussion  ;  MM.  Baudoin  et  Vauvillé.  —  P.  d'Enjov,  Pénalités 
chinoises,  peines  et  supplices.  Sursis  et  revision  (Les  peines  sont  dosées  avec  plus 
d'équité  qu'en   France,   surtout   pour  le  vol,   en   se  basant  sur  la  valeur  de  l'objet 
volé).  —  CiiARviLHAT,  Auatolc  Roujou  (1841-1904)  (Notice  nécrologique,  avec  liste  des 
travaux).  —  Papillault,  Crânes  d'Abydos.  [Étude  de  11  crânes,  7  masculins  et  4  fé- 
minins, rapportés  par  M.  Amélineau,  et  considérés  par  lui  comme  préhistoriques  ; 
l'ind.  céph.  (75  et  78)  et  les  autres  caractères  les   rapprochent  des  crânes  de   Sak- 
karah  (Brown)  et  d'El-Khozan  (Chantre).  Crâne  d'  «  Osiris  »)].  Discussion  :  Verneau, 
Zaborowski,  Atgier.  —  Capitan,  Recherches  dans  les  graviers  quaternaires  de  la  rue  de 
Rennes  à  Paris  (Dent  de  Rhinocéros  tichorinus  et  de  Mammouth  ;  lames  et  éclats  à 
bulbe).  Discussion  :  M.  A.  dr  Morkllet.  —  Baudouin,  Découverte  d'un  menhir  tombé 
sous  les  dunes  et  d'une  station  gallo-romaine  aux  Chaumes  de  Saint-Hilaire-de-Riez 
(Vendée)  {suite);  fig.  (12  squelettes  probablement  des  naufragés).  — Pittard,  Influence 
de  la  taille  sur  l'indice  céphalique  dans  un  groupe  ethnique  relativement  pur  (les 
Tsiganes  de  la  Dobrodja.  Étude  sur  1205  sujets  des  deux  sexes.  Les  grandes  tailles 
ont  l'indice  céph.  légèrement  moindre  que  les  petites,  la  différence  est  d'une  unité 
pour  les   hommes.    Elles   est   due    à  la  croissance   du  diam.   antéro-postér.).    — 
GiovANETTi,  Quelques  observations  et  corrections  se  référant  au  travail  de  M.  Merej- 
kow^sky  sur   les   crânes   de  la   Sardaigne   {Bulletin  de   la  Société  d' Anthropologie , 
année  1882)  (chiffres  mal  transcrits  ou  indices  mal  calculés). 

ATo  4,  —  VoLKov,  Rapport  sur  les  voyages  en  Galicie  orientale  et  en  Bukovine  en 
1903  et  1904  (mensuration  de  113  Ilouzoules  et  de  126  Boïki  ;  taille,  ind.  céph.,  pigmen- 
tation; les  deux  portions  de  Ruthènes  ne  sont  qu'un  seul  et  même  peuple,  différencié 
par  l'action  du  milieu).  —  Salomon,  Description  d'un  foetus  achondroplase.  Discus- 
sion :  Baudouin,  FIervé,  Atgier,  Papillault  (à  propos  de  la  distinction  à  faire  entrer 
la  tératologie  et  la  pathologie).  —  Baudouin,  Les  gravures  sur  os  de  l'époque 
gollo-romaine  à  la  nécropole  de  Troussepoil,  au  Bernard  (Vendée);  fig.  (Signes  en 
forme  de  X  et  V,  VII,  etc.,  sortes  de  «  tailles  »).  —  Roux,  Contribution  à  l'étude 
anthropologique  de  l'Annamite  tonkinois  {fig.)  (Mensurations  de  70  soldats  de  génie 
et  d'artillerie  ;  caractères  psychiques  et  pathologiques.)  —  Atgier,  La  Vienne  aux 
temps  préhistoriques  (époque  quaternaire)  (à  suivre). 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  '243 

Revue  de  l'École  d'Anthropologie  de  Paris,  1905,  15^  année. 

N°  11.  —  HuGUET,  Superstition,  magie  et  sorcellerie  en  Afrique  (Cours  d'ethnogra- 
phie générale).  —  Loisel,  L'oeuf  femelle  (Production  des  sexes,  etc.  ;  conférence).  — 
PiTTARD,  La  couleur  des  yeux  et  des  cheveux  et  la  forme  du  nez  chez  1270  Tsiganes 
des  deux  sexes  de  la  péninsule  des  Balkans  (cheveux  foncés  et  yeux  foncés  de  87  à 
94  pour  cent  suivant  les  sexes.  Nez  presque  toujours  droit  avec  tendance  à  i'aquili- 
nité).  —  Capitan,  Compte  rendu  de  la  première  session,  tenue  à  Périgueux,  du  congrès 
préhistorique  de  France.  —  Discours  de  M.  Thulié. 

N°  12.  —  ScHENK,  Étude  d'ossements  et  crânes  humains  provenant  de  palafittes  de 
l'âge  de  la  pierre  polie  et  de  l'âge  du  bronze.  Lac  de  Neuchâtel  (squelette  des  pala- 
fittes, âge  de  la  pierre  polie,  taille  probable  de  l°i,559  ;  un  crâne  du  même  âge,  bra- 
chycéphale  à  82,3  ;  3  crânes  de  l'âge  du  bronze,  indices  :  82,7,  82,1,  81,7).  Lac  Léman 
(1  squelette  des  palafittes  d'Auty,  âge  indéterminé,  taille  probable  1^,59,  i.  c.  84,7). 

—  ScHRADER,  Sur  Ics  conséqueuces  physiques  et  historiques  du  retrait  des  anciens 
glaciers  (conférence).  —  Zaborowï^ki.  Derniers  travaux  sur  l'anthropologie  des  Fin- 
landais  (Analyse  de  l'ouvrage  de  West.erlund).  —  P.  G.  M.  Découverte  d'une  sépul- 
ture néolithique  â  Martigny,  près  Vendôme  (Loir-et-Cher)  (véritable  désastre  an- 
thropologique :  20  squelettes  préhistoriques,  trouvés  intacts  ont  été  brisés  en  mille 
morceaux). 

Archiv  fur  Anthropologie,  t.  II,  1904. 
a)  Abliandlungen]  Kleinere  Mitteilungen. 

N°  1.  —  KRAEMERjDie  Ornamentik  der  Kleidmatteu,  etc.  {V  ornementa  lion  des  vête- 
ments tressés  et  le  tatouage  dans  les  îles  Marshall,  suivi  des  notices  technologiyues, 
philologiques  et  ethnologiques;  fig.,  ^  pi.  Dessin  des  parties  des  animaux,  des  diffé- 
rents objets  de  navigation,  etc.,  le  tout  stylisé  et  rectiligne.  Nomenclature  indigène 
des  ornements  et  des  tatouages.  Présence  éventuelle  du  tatouage  par  cicatrices  au 
milieu  du  tatouage  par  piqûre).  —  K.  V.  Miske,  Die  ununterbrochene  Besiedeluug, 
etc.  {Lieu  d' habitation  ininterrompue  de  Velem  Saint-Guy,  depuis  les  premiers  temps 
néolithiques  jusqu'à  la  période  romaine;  fig  ).  —  Baelz,  Die  sogenannten  magischeu, 
etc.  (Les  soi-disant  miroirs  magiques  et  leur  usage.  Description  d'un  procédé  plus 
simple  que  le  long  polissage  dont  parle  Berson.  Idées  qui  se  rattachent  aux  miroirs 
magiques  au  Japon,  les  miroirs  magiques  dans  la  Grèce  antique!. 

iVo  2.  —  K.  V.  Ujfalvy,  Die  Ptolemâer,  etc.  [Les  Plolémées.  Contribution  à  l'an- 
thropologie historique;  fig.,  1  pi.  Démonstration  par  les  portraits  gravés  ou  sculptés 
de  la  dégénérescence  de  cette  famille  macédonienne  transplantée  en  Egypte  et  y 
ayant  pratiqué  le  croisement  in  and  in,  en  endogamie  stricte  pendant  trois  siècles). 

—  K.  V.  MisKE,  Die  Bedeutung  Velems,  etc.  ^Importance  de  la  station  de  Velem 
Saint-Guy  comme  fonderie  préhistorique,  suivi  d'un  aperçu  sur  la  question  de  l'anti- 
moine et  du  bronze.  L'introduction  du  bronze  chypriote  en  Hongrie  a  été  précédée 
du  développement  local  de  l'industrie  du  cuivre  et  du  bronze  à  antimoine,  que  l'on 
trouve  aussi  dans  les  provinces  baltiques;  fig.).  —  Montelius,  Die  Datierung,  etc. 
Détermination  de  Vâge  du  Stonehenge.  Les  récentes  trouvailles  des  objets  en  pierre 
et  en  brgnze,  ainsi  que  les  calculs  des  astronomes  assignent  à  ce  temple  du  soleil, 
l'âge  du  début  de  la  période  du  bronze,  environ  3500  ans  av.  J.-C.  ;  fig.). 

N'  3.  —  Bauer,  Beitrâge  zur  authropologischen,  etc.  {Contributio?i  à  Vétude  anthro- 
pologique du  palais  osseux.  Proposition  et  essais  de  différentes  mesures  nouvelles, 
entre  autres  celle  de  la  hauteur  de  la  voûte  palatine.  Le  torus  palatinus  n'est  pas 
un  caractère  de  race,  ni  un  stigmate  de  dégénérescence;  c'est  une  exostose  sans 
signification  pathologique  ni  morphologique.  La  forme  paraboloïde  est  de  beaucoup 


244  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

la  plus  fréquente  chez  l'homme.  Bon  résumé  des  travaux  précédents;  1  pL).  —  Laloy, 
Ethnograpbisches  aus  Sudwest,  etc.  Ethnographie  du  sud-ouest  de  la  France;  fig . 
2e  article  :  Les  Basques;  \0  fiq.  IIa])itations.  Jeux.  Attelages  des  bœufs,  ancres  en  bois, 
etc.).  —  Karutz,  Ethuographische  Wandluugen  {Excursion  ethnographique  dans  le 
Turkestan.  Exposé  général). 

N^  4.  —  Voss,  Der  Schlossberg  bel  Burg,  etc.  [La  «  monlagne  du  chdleau  »  près  de 
Burg,  dafis  la  forêt  de  la  Sprée,  district  de  Koltbus.  Fouilles  exécutées  à  l'occasion 
du  trauspercement  de  cette  montagne  par  im  tunnel  de  chemin  de  fer.  Le  site  n'est 
pas  slave,  mais  anté-slave  ;  on  y  trouve  les  objets  de  pierre,  mais  surtout  les  objets 
de  la  fin  de  la  période  du  bronze  et  de  celle  de  Hallstatt).  —  Duerst,  Die  Tierwelt  der 
Ansiedelungen,  etc.  {Les  restes  des  animaux  des  stations  de  la  montagne  du  château 
près  Burg  sur  la  Sprée:  fig.,  5  pi.  Description  des  restes  de  différents  animaux 
trouvés  dans  cj  site;  animaux  domestiques  :  porc,  bœuf,  mouton,  chien,  chèvre, 
cheval  ;  anim.  sauvages  :  cerf,  sanglier,  chevreuil,  Bos  primigenius,  canard.  La  plupart 
des  races  domestiques  trouvées  vivent  encore  aujourd'hui  dans  le  nord  de  l'Europe  et 
en  Islande).  —  K.  E.  RA^KE,  Das  Fehlergesetz,  etc.  {La  loi  de  l'erreur  probable,  ou 
loi  de  Gauss  et  sa  généralisation  par  Fechner  et  Vearson;  la  portée  de  ces  travaux 
mathématiques  pour  l'Anthropologie.  Exposé  des  travaux  de  Fechner  et  de  Pearson. 
Les  formules  de  ces  deux  spécialistes  n'apportent  pas  plus  de  précision  dans  les 
comparaisons  des  séries.  La  loi  de  Gauss  suffit,  avec  quelques  adjonctions,  pour 
reconnaître  les  séries  homogènes.) 

6)  Gorrespondez-BIatt  d.  deutsch.  Gesellsohaft  f.  Anthropologie,  Ethnologie  u. 

Urgeschichte,  So^  année,  1904. 

iVo  1.  —  Seiler,  Von  den  Zwergstâmmea,  etc.  {Tribus  de  nains  dans  le  Cameroun 
méridional,  parmi  les  Mobeya.  Récits  des  missionnaires.  Taille  parfois  jusqu'à 
1™,52.  Chasseurs,  vivant  en  symbiose  avec  les  Mobeya  agriculteurs.  Huttes  en  bran- 
chages, etc.).  —  GaossE,  Bericht  iiber  weitere  Versuche,  etc.  [Rapport  sur  des  nou- 
velles recherches  relatives  à  l'utilisation  de  briquelage,  pour  l'extraction  du  sel  de 
cuisine.  Expériences).  —  Knoup,  Ein  Kistengrab,  etc.  {Une  tombe  en  fortne  de  boite 
de  V époque  néolithique). 

A'O  2.  —  RA^KE,  Ueber  Verbrechergehirne  {Les  cerveaux  des  criminels.  Conférence). 

—  Reinecke.  Prâhistorische  Ndsld,  {Mélanges  préhistoriques). 

No  3.  —  Bihkner,  Das  Hautpigment  des  Menschen,  etc.  {Le  pigment  cutané  de 
l'homme  et  les  ainsi  nommées  taches  pigmentaires  des  Mongols;  fig.,  d'après  les 
travaux  d'Adachi  et  les  siens  propres.  N'a  pu  trouver  de  taches  sur  trois  cadavres 
d'eufants  chinois  conservés  dans  l'alcool.  Conseille  d'étudier  le  degré  de  Iranslu- 
cidité  de  l'épi  lerme  dans  différentes  races).  —  Reinecke,  Prâhistorische  Varia  {Mé- 
langes pi^é  historiques,  suite;  fig.  Age  des  tombes  à  caisses  et  des  poteries  à  visage 
humain  dans  l'est  de  l'Allemagne). 

A'os  4  et  5.  —  Traeger,  Zur  Forschung  ùber  alte,  etc.  {Contribution  à  l'étude  des 
anciens  types  de  navires.  C.  Moyens  de  navigation  en  Albanie  et  en  Macédoine;  fig. 
Outres;  troncs  d'arbre  creusés  en  canots;  chalands;  canots  en  plusieurs  pièces,  etc. 

—  Reiinkcke,  Prâhistorische  Varia  {Mélanges  préhistoriques,  fin.). 

iVo  6.  — Dittmeyer,  Bericht  ûber  aufgefunde,  etc.  {Rapport  sur  la  découverte  des 
dépressions  en  forme  d'entonnoirs,  près  d'Oberwaldtchrungen). 

iV»  7.  — Fischer,  Ein  einfaches  undpraktisches  etc.  [Procédé  simple  et  pratique  pour 
prendre  l'empreinte  de  la  main  et  du  pied  sur  le  papier.  Ce  procédé  a  pour  base  la 
réaction  du  ferricyanure  de  potassium  sur  le  chlorure  de  fer;  il  donne  les  épreuves 
indélébiles  du  bleu  de  Prusse). 

A'"  8.  —  J.  R.  Ein  Oberkiefer,  etc.  (Maxillaire  supérieur  avec  dents  surnumé- 
raires. Fig.). 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  245 

Zeitschrift  fur  Ethnologie,  37^  année,  1905. 

N°  4.  —  a)  Abhandiungen.  —  Assiny,  Eine  Reise  von  Pekiûg  etc.  {Un  voyage  de 
Pékin  en  Bwmmiie  à  travers  la  Chine  et  la  région  de  la  frontière  tibétaine  ;  fig. 
Récit  de  voyage).  —  Oppert,  Die  Gottheiten,  etc.  Les  divinités  des  Hindous  (suite). 
[Chap.  3  :  Le  culte  des  habitants  primitifs  de  l'Inde.  Divinisation  de  la  Terre 
(Gramma)  ;  divinités  locales,  etc.].  —  Pôcfi,  Ueber  den  Hausbau,  etc  La  construction 
des  demeures  cher,  les  Jabim  sur  la  côte  orientale  de  la  Novelle-Guinée  allemande;  fig. 
Maisons  carrées  sur  pilotis  semblables  à  celles  des  Battas).  —  Ltssauer,  Die  Doppel- 
âxte,  etc.  {Les  haches  doubles  de  Vâge  du  cuivre  dans  l'Europe  occidentale^  etc.  Hache 
à  deux  tranchauts  situés  dans  le  même  plan,  mais  ayant  au  milieu  un  orifice  mi- 
nuscule; objets  votifs,  signes  de  commandement,  ou  barres  du  métal?  carte  et  fig.). 

h)  Verhandlungen.  Seleb,  Die  Photographie,  etc.  (Photogr.  d'une  pièce  remarquable  de 
l'antiquité  mexicaine;  fig.  Tête  en  jadéite  provenant  de  Tula,  avec  hiéroglyphes). —  Lis- 
SAUER,  Ueber  den  ersten,  etc.  [Rapport  sur  le  premier  congrès  international  des  archéo- 
logues, à  Athènes,  eu  avril  1905).  —  H.  Yirchow,  Weitere  Mitteilungeu,  etc.  {Suite  de 
mes  observations  sur  les  pieds  des  Chinoises;  kpt.  et  fig.  Description  détaillée  des  radio- 
graphies prises  sur  3  femmes  chinoises  de  10,  24  et  32  ans,  et  d'un  moulage  fait  sur  le 
vivant  par  une  dame  sculpteur.  Comparaisons  avec  le  cas  de  Perthes  et  celui  décrit  pré- 
cédemment par  l'auteur  lui-même).  —  Discussion  :  Messing (introduction  sous  la  dynas- 
tie des  Tang,  vii^  siècle)  et  Velde  (les  femmes  du  peuple  déforment  peu  le  pied).  — 
Busse,  Das  Brandgrâberfeld  bei  Wichelmsau,  etc.  {La  nécropole  à  incinération  près 
de  WichelmsaUj  district  du  Bas-Barnion  ;  fig.  Objets  en  fer  et  en  bronze  ;  poterie  orne- 
mentée depuis  le  me  siècle  av.  J. -G.  jusqu'au  iv^  ap.  J.-C.).  —  Discussion:  Krause.  — 
LissAUEB,  Ueber  die  Bedeutung  des  Graberfeldes,  etc.  {La  nécropole  de  Wichelmsau 
dans  ses  rapports  avec  Vétude  des  échanges  commerciaux  pendant  l'époque  des  migra- 
tions des  peuples.  C'est  une  illustration  du  commerce  gaulois  qui  pénétrait  à  l'E.  jus- 
qu'à la  Sprée  et  du  commerce  hongrois  qui  se  dirigeait  au  N.  sur  la  Silésie).  — Discus- 
sion :  KossixA,  Busse)  ;fig.  —  Kollman,  Ueber  Rasseugehirne  {Les  cerveaux  des  diverses 
races.  A  propos  du  travail  de  Jakob  de  Buenos-Aires  sur  les  4  cerveaux  des  Fué- 
giens.  Il  n'y  a  pas  de  différences  morphologiques  entre  les  cerveaux  des  différentes 
races).  —  Schellong,  Weitere  Mitteiluugen,  etc.  {Suite  de  mes  observations  sur  les 
Papous  [Jabim)  de  la  province  du  port  de  Finsch  dans  le  nord-est  de  la  Nouvelle-Gui- 
née,iavre  du  Kaiser  Wilhelm.  Observation  faite  en  1886-88,  alors  que  ces  Papous  étaient 
en  plein  âge  de  la  pierre.  Description'  de  différentes  coutumes;  de  la  vie  matérielle, 
etc.  Bibliographie  des  autres  articles  de  l'auteur  sur  la  même  tribu).  —  Krause, 
Ueber  Mord-oder  Siihnekreuze.  [Croix  de  meurtre  ou  d'expiation,  que  l'on  pose  quel- 
quefois le  long  des  routes,  en  Allemagne).  —  Velder,  Die  rachitische  Bildung,  etc. 
{La  structwe  rachitique  du  crâne.  Présentation).  —  Discusdon  :  Von  Luchan,  Velde, 
IIansemann).  —  Lehmann,  Ueber  eine  lapplandische  etc.  {Tambour  magique  des  Lapons  ; 
bien  conservé  avec  tous  les  dessins  ;  provient  de  la  collection  de  Wormius).  — 
ViKCuow,  Zwei  Photos,  etc  {Deu.x  photographies  d'une  tête  injectée  au  formol  mélangé 
d'alcool,  avec  la  préparation  des  muscles  de  la  face).  —  Schwelnfurth,  Ueber  die  i-tein- 
zeitlichen,  etc.  [Recherches  relatives  à  l'âge  de  la  pierre  dans  la  Haute-Égrjpte;  fig. 
Objets  en  pierre  taillée,  trouvés  dans  les  niveaux  inférieurs  à  ceux  qui  ont  donné  les 
outils  du  type  Chelléen  ;  ces  objets  sont  presque  sphériques  ou  polyédrique?,  à 
peine  retouchés).  —  Von  Luschan,  Ueber  alte  Portràtdarstellungen,  etc.  [Les  anciens 
portraits  de  Sendschirli).  —  Von  Luschan,  Ueber  ein  os,  etc.  [Un  os  svpratympanique 
chez  l'homme).  —  Solberg,  Gebriiuche  der  Mittelmesa-Hopi,  etc.  Usages  dfs  Ilopi  de  la 
Mesa  moyenne  [Moqui)  concernant  le  baptême,  le  mariage,  la  mort.  Étude  détaillée. 
Usage  de  se  barbouiller  avec  de  la  boue  entre  les  parents  des  mariés  du  sexe  fé- 
minin; un  seul  homme  prend  part  à  ces  ébats,  c'est  le  père  du  marié).  —  Discussion  : 

SCHWEINFURTH,  SOLBERG,    V.  d.   StEINEN). 


246  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Ejégodnik  rousskago  antropologhitcheskago  Obchtchestva,  etc.  {Annuaire  de  la 
Société  russe  d'Anthropologie,  près  l'Université  de  Saint-Pétersbourg ^  réd.  par  le 
secrétaire,  B.  F.  Adier).  T.  I,  1904.  Saiat-Pétersbourg,  1905. 

C'est  le  premier  volume  de  la  Société  d'Anthropologie  de  Saiat-Pétersbourg,  réor- 
ganisée. Les  «  Prolokoly  »  de  l'ancienne  Société  ont  cessé  de  paraître  en  1901. 

D.  KoROPTCHEvsKY,  Znatcliénié,  etc.  [La  signification  des  provinces  <.i  géographiques  >^ 
dans  le  processus  ethnogénique.  1.  Termes  classificateurs  de  l'anthropologie  contempo- 
raine.   2.  Idées    sur  l'influence  du  milieu.   3.    Influence   du    milieu  géographique. 

4.  Zones  d'isolement  de  Maurice  Wagner  et  provinces  géographiques  d'A.  Bastian. 

5.  Les   types    ethniques    de  l'Amérique  centrale  et  du  nord-ouest  de  l'Amérique. 

6.  Types  ethniques  de  l'Amérique  du  sud  et  de  l'Amérique  du  nord-est.  7.  Types 
ethniques  des  populations  sauvages  de  l'Australie,  de  l'Océanie  et  du  sud-est  de 
l'Asie.  8.  Le  processus  ethnogénique  en  Afrique  et  ses  rapports  avec  les  provinces 
géographiques.  9.  Types  régionaux  et  locaux  de  l'Asie  Centrale  et  de  l'Extrême- 
Orient  10.  L'Europe,  berceau  des  types  locaux  et  régionaux.  Conclusions).  — 
D.  Klementz,  N.  D.  Koroptchevsky  (Nécrologie,  av.  portrait).  —  N.  Moghiliansky, 
Naoutchnyia  Vzgliady,  etc.  [Idées  scientifiques  de  M.  N.  Koroptchevsky).  —  Tcuë- 
POURKOVSKY,  K'voprossou  0  nasliedovanii,  etc.  {Contribution  à  Vélude  de  Vhérédilé  et 
de  la  variation  chez  les  différents  types  anthropologiques.  Étude  anthropométrique 
sur  1.132  filles-mères  et  leurs  enfants  d'où  il  ressort,  d'après  les  formules  de  varia- 
tion et  de  corrélation,  proposées  par  Pearson,  que  les  filles  héritent  l'indice  cépha- 
lique  de  la  mère  d'une  façon  deux  fois  plus  intense  que  les  garçons;  que  chez 
les  adultes  le  type  brun  est  plus  pur  que  le  type  blond,  etc  ).  —  Baudoin  de  Cour- 
TENAY,  Ob  odnoï  iz  storon,  etc.  [Un  des  côtés  de  V  «  humanisation  »  graduelle 
de  la  langue  dans  le  domaine  de  la  prononciation,  en  rapport  avec  l'ânthro- 
po/ogie.  La  prononciation  évolue  vers  la  prédominance  des  syllabes  émises  à  l'aide 
des  organes  antérieurs  et  supérieurs  de  la  parole  (bouche,  et  dans  celle-ci,  lèvres  et 
bout  de  la  langue),  aux  dépens  de  ceux  qui  sont  produits  par  les  organes  postérieurs 
et  inférieurs  (base  et  milieu  de  la  langue,  dans  la  bouche  et  glotte)  suivant  la 
loi  du  moindre  effort].  —  L.  Chternberg,  Koult  Inaou,  etc.  (Le  culte  d'inaou  chez 
les  A'inos.  Communication  préliminaire,  av.  1  pi.  Les  Aïnos  n'ayant  du  culte  que 
pour  les  Kamous  ou  esprits  bons  et  protecteurs,  les  inaou  sont  des  intermédiaires 
que  les  hommes  chargent  de  toutes  les  commissions  pour  les  Ramous.  Les  copeaux 
de  ces  baguettes  sont  les  langues  multiples  de  ces  messagers  éloquents).  — M.  Adler, 
Fridrich  Ratzel  (Nécrologie  av.  portr.).  —  Bialyketsky-Biroulia,  Golovnoï  Ouka- 
zatiel,  etc.  {L'indice  céphaiique  des  Slaves,  Letlo-Lithuaniens,  etc.,  d'après  les  mensu- 
rations sur  les  soldats  russes.  Résumé  d'un  travail  anthropométrique  sur  3.640  sujets. 
Les  Grands  Russiens  sont  sous-brachycéphales  ;  les  Petits  Rusiens  tendent  vers  la 
brachycéphalie,  les  Polonais  aussi,  etc.  Pas  de  moyennes).  —  M.  Roussof,  Iz  Kar- 
patskikh  Dolin,  etc.  {Noies  des  vallées  Carpathiennes.  Le  village  de  Sinévodsko- 
Vychnié  dans  les  monts  Beskides,  peuplé  de  Boïki,  une  des  divisions  du  peuple  Ru- 
thène.  Mœurs,  habitations  ;  troglodytes.  —  M°ie  m.  Lahionova,  Zyrianskaïa  i  rousskaïa 
Svadby,  etc.  {Le  mariage  parmi  les  Zyrianes  et  les  Russes  à  Obdorsk,  prov.  de  To- 
bolsk.  Textes  des  chansons,  etc.). 

Sbornik,  etc.  {Publications  du  Musée  d'Anthropologie  et  d'ethnographie  de  l'Acad. 
des  Se.  de  Saint-Pétersbourg) .  Fasc.  5,  1905,  gr.  in-S»  (en  russe). 

Ce  fascicule  de  15  p.  av.  1  pi.  est  consacré  au  travail  de  A.  D.  Roudnev  ;  Zamietki 
0  lekhnikié  bouddiiskoï,  etc.  {Notes  sur  la  technique  de  l'iconographie  bouddhique 
des  Zouratchin  {artistes)  modernes,  mongols,  bouriates  et  Kalmouks,  à  Ourga,  dans 
la  Tran<!baikalie  et  dans  la  prov.  d'Astrakan.  Détails  sur  la  préparation  de  la  toile, 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  247 

l'usage  des  couleurs,  etc.  La  manière  de  peindre,  de  modeler,  de  ciseler  ou  de  couler 
ea  métal  les  images  du  panthéon  bouddhiste-lamaïte). 

Bureau  of  American  Ethnology.  Washington,  in-8o. 

S1th  Annual  Report,  1899-1900.  (1903).  —  Rapport  du  Directeur  (avec  une  carte). 
—  J.  W.  Fewkes,  Hopi  Katcinas  {Les  «  Katcinas  »,  êtres  surnaturels  du  panthéon 
Hopi\  av.  63  pi.  et  fig.  reproduisant  les  dessins  des  artistes  indigènes  versés  dans 
le  symbolisme  hopi.  Définition  du  Katcina  :  esprit  des  ancêtres  dont  les  incarna- 
tions sont  revêtues  de  symboles  particuliers  à  ces  anciens;  c'est  aussi  le  nom  du 
pouvoir  magique  qui  peut  s'incarner  dans  un  objet,  dans  un  animal,  dans  un  homme. 
Description  des  fêles  périodiques  et  des  danses  où  les  Katcinas  jouent  le  premier 
rôle;  les  fêtes  portent  les  noms  différents,  de  Powamu,  de  Pamurli,  de  Palulilkoûti, 
suivant  les  clans.  Explication  des  dessins  de  nombreux  Katcinas,  de  leurs  masques, 
des  danses,  de  la  cérémonie,  etc.).  —  J.  N.  B.  Hewitt,  Iroquoian  Gosmology  [Cosmo- 
logie des  Iroquois,  de  New-York  et  du  Canada  ;  l^e  partie  ;  textes  en  3  dialectes 
(Lenan,  Onondaga  et  Mohawk)  avec  traduction  interlinéaire.  Suivant  cette  cosmolo- 
gie la  terre  est  un  principe  vivant  qui  communique  la  vie  à  la  plante  et  par  cette 
dernière,  sous  forme  de  nourriture,  à  l'homme.  Grandes  ressemblances  avec  les  cos- 
mogouies  des  autres  tribus  américaines]. 

22ih.  Aîinual  Report,  1900,  1901  (1904;.  — Par^.  1. —  Rapport  du  Directeur  (Powell). — 
J.  W.  Fewkes,  Two  summers'  work,  etc.  {Travaux  exécutés  pendant  deux  étés  dans 
les  ruines  des  pueblos  de  la  vallée   du  Petit  Colorado,  Arizona  et   dans  les  régions 
environnantes.  Description  des  objets,  av.  70  pi.  et  122  fig.  Conclusion  générale  sur 
la  distribution  de  la  poterie  ornementée  dans  l'Arizona  :  la  poterie  noire  et  blanche, 
caractéristique  des  cliff-dwellers  ne  se  rencontre  qu'au  sud  de  l'habitat  tusayan  ;  la 
jaune  est  répandue  chez  ces  derniers;  la  rouge  est  cantonnée  dans  la  vallée  du  Petit 
Colorado;  la  brune  dans  la  vallée  de  la  Gila.  Idées  générales  sur  l'évolution  du  type 
architectural  des  pueblos.  Les  pueblos  ou  réunion  de  plusieurs  fermes  adjacentes  sont 
le  produit  de  la  nécessité  de  défense  commune  des  habitants  qui   possèdent  une 
ferme  pour  chaque  clan.  Là  où  il  n'y  avait  pas  de  danger  d'attaque,  les  fermes  sont 
éparses).  —  Cykus    Thomas,  Mayan,  etc.  {Calendrier    des  Maya)',  2^  partie    (1),   av. 
2  pi.  et  47  fig.  d'après  le   codex  de  Dresde,  les  hiéroglyphes  de  Copan  et  de  Qui- 
rigua  publiés  par  Maudsley,  etc.  —  Part.  2.  —  Alice  C.  Fletciier,  The  Hako,  etc. 
{Le  Hako,  cérémonie   des   Pawnee,  av.  19  pi.  et  10  fig.  d'après  ce  qu'avait  vu  l'au- 
teur chez  les  Ourahu  il  y  a  15  ans  et  ce  qui  lui  a  été  raconté  pendant  4  ans  par  un 
vieux  Pawnie,  Tahirussawichi,  chef  de  la  cérémonie,  avec  l'aide  d'un  autre  Pawnie, 
civilisé,  J.  Mûrie.  Les  chansons  ont  été  prises  au  phonographe   et  rendues  avec  la 
notation  musicale). 

23th  annual  Report,  1901-1902  (1904).  —  Rapport  du  Directeur  (Powell).  — 
Mme  Matilda  Cox  Stevenson,  The  Zuiïi  Indians,  etc.  [Les  Indiens  Zuni,  leur  mytholo- 
gie, leurs  sociétés  ésotériqnes,  leurs  cérémonies,  av.  129  pi.  et  34  fig.  Introduction. 
Mythologie  :  Conception  générale  de  FUnivers;  classification  des  puissances  supé- 
rieures (célestes,  terrestres,  souterraines)  ;  origine  de  l'Univers  (provenant  d'un 
brouillard  par  ordre  de  l'être  suprême).  Culte  anthropique  et  rituel  de  ce  culte. 
Calendrier  et  cérémonies  qui  s'y  rattachent.  A'shiwanni  ou  sacerdoce  de  la  pluie. 
Cérémonies  se  rapportant  à  la  moisson,  etc.  Cérémonies  de  Chalâko.  Court  aperçu 
sur  l'histoire,  les  arts  et  les  coutumes  des  Zuni,  sur  leurs  jeux,  leur  industrie,  leur 
somatologie  (d'après  Hrdlicska,  avec  notes  sur  l'albinisme).  Médecine.  Sorcellerie. 
Sociétés  ésotériques  :  descriptions  détaillées  de  la  société  des  avaleurs  d'épées,  celle 
du  grand  feu,  celle  de  Cactus,  etc.]. 

Bulletin  n»  29,  1905,  pet.  in-S».  —  J.  R.  Swanton,  Haida  texts  and  myths  {Texte.^ 
et  mythes  des  Haidas,  dialecte  Skidegate,  recueillis  dans  l'île  de  la  Reine-Charlotte). 

(1)  La  première  a  été  publiée  dans  le  19^  Rapport  annuel  du  Bureau  ethnologique. 


248  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

b)  Articles  anthropologiques  publiés  dans  différents  recueils. 

Comptes-renduB...  de  rAoadémie  des  sciences.  Paris,  i903,  iQ-4. 

T.  140  {Janvier- juin).  —  (P.  1538  et  1636.  L.  Lapicque,  Recherches  sur  l'éthnogéuie 
des  Dravidieus-  \.  Les  Kader  des  raonts  d'Auémalé  et  les  tribus  voisines.  II.  Relations 
anthropologiques  entre  les  tribus  de  la  montagne  et  les  castes  de  la  plaine  [Don- 
nées sur  32  hommes  Kaders  (i.  c.  13.3,  ind.  nasal  79,  taille  1™,36),  et  sur  les  Mondo- 
wer,  leurs  voisins,  parlant  tamoul  et  dont  les  serfs  portent  Je  nom  de  Poulayer  (i.  c.  : 
Mondower  73;  Poulayer  74;  1.  nas.  :  78  et  83  ;  taille  1™^39  pour  les  deux).  Les  43  Malosser 
ont  un  i.  c.  de  76,  i.  nas.  de  79  et  la  taille  159  cm.  Les  chiffres  correspondants  pour 
42  Tamouls  de  caste  paria  sont  :  76.7,  77.7,  162  ;  pour  31  de  caste  Sudra  (la  plus  éle- 
vée) 78,  74,  161,  etc.  Les  ancêtres  des  Dravidiens  sont  plus  noirs  que  ceux-ci  ««mais 
distincts  des  Negritos  andaraanais  dont  l'indice  céph.  moyen  est  83  «.]  —  P.  1729, 
M.  BouLB,  Sur  l'origine  des  éolithes  (silex  retouchés,  même  avec  bulbe  de  [lercussion 
retirés  des  délayeurs  d'une  fabrique  de  cimeot)  (1). 

T.  141  (Juill.  déc).  —  P.  124.  L.  Lapicque,  Ethnogénie  des  Dravidiens  :  (Prédravidiens 
du  type  nègre  (dont  les  restes  sont  représentés  par  les  Panyer  et  cerlaines  autres  tri- 
bus dolichocéphales,  platyrhinieones,  noires  de  petite  taille,  aux  cheveux  crépus)  et 
Protodravidiens  de  type  blanc  (restes  :  Toddas,  Nayer,  e'.c.  dolichocéphales,  lepto- 
rhiniens  aux  cheveux  lisses  et  fins,  au  teint  clair  et  de  taille  assez  élevée.  Les  Dra- 
vidiens seraient  issus  du  mélange  de  ces  deux  types  primordiaux),  —  P.  224.Guil- 
LEMiNOT,  Étude  des  côtes  par  l'orthodioscopie  (radiographique)  —  P.  218.  Capitan 
et  Papillault,  Identification  du  cadavre  de  l'amiral  américain  Paul  Jones,  H3  ans 
après  sa  mort. 

Annales  du  Musée  Guimet. 

Bibliothèque  d'études,  t.  20,  Paris,  1906,  in-8.  —  Ce  volume  de  340  pages  est  entiè- 
rement consacré  au  trarail  de  M.  Adhémar  Leclère  :  Les  livres  sacrés  du  Cambodge  : 
1'"^  partie  de  la  vaste  collection  sur  la  littérature  sacrée  du  Bouddhisme  cambod- 
gien. Elle  contient  la  «<  Vie  du  Bouddha  -»  abrégée  et  la  ««  Vie  de  Devadalta  »,  le  traître 
de  la  communauté  au  temps  de  Bouddha.  —  Bibliothèque  de  Vulgarisation,  t.  17, 
1906,  in-16.  On  a  réuni  dans  ce  volume  les  conférences  faites  au  Musée  Guimet  par 
M.  Emile  Guimet  et  dont  voici  les  titres  :  La  statue  vocale  de  Memuon;  les  récentes 
découvertes  archéologiques  faites  en  Egypte;  les  musées  de  la  Grèce  ;  des  antiqui- 
tés de  la  Syrie  et  de  la  Palestine  ;  le  théâtre  eu  Chine  au  xiii^  siècle. 

Journal  Asiatique,  10^  série,  t.  VI. 

No  3.  (nov.-déc.  1905).  —  Victor  Hkisry,  Physique  védique.  [Système  général  de 
physique  de  ruDivers;le  ^apa^  «<  chaleur»,  ««  souffrance  »,«<  macération  »,  «ascétisme», 
sorte  d'imprégnation  qui  donne  la  vertu  magique,  etc.  L'haleine  iprana)  c'est  la  vie, 
puisque  si  elle  n'est  pas  réinspirée  [apana),  si  elle  ne  rentre  pas  dans  l'être,  celui-ci 
cesse  de  vivre.  La  chaleur  est  également  la  vie.  Ses  rapports  avec  l'extase).  — 
P.  411.  G.  Marchand,  Conte  en  dialecte  marocain  (texte,  traduction,  annotations).  — 
P.  473.  E.  Revillout,  Nouvelle  étude  juridico-économique  sur  les  inscriptions 
d'Amten  et  les  origines  du  droit  égyptien. 

Bulletin  archéologique  du  comité  des  travaux  historiques    et  scientifiques. 

Année  1904. 

P.  57.  Ulysse  Dumas,  Note  sur  la  grotte  de  l'En-Quissé,  commune  de  Siinte-Anas- 
tasie  (Gard)  [crâne  humain  et  dents;  perles  en  cuivre  (?j  ;  fig.]  —  P.  247.  Ulysse 
Dumas,    La   grotte   de   la    Baume-Longue,   commune   de    Dions    (Gard)  (silex  type 

(1)  Voy.  L'Anthropologie,  p.  237. 


BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE.  249 

Moustier  et  la  Madeleine,  poteries,  etc.;  fig.).  —  P.  272.  J.  Pilloy,  Uue  épée  de 
bronze  (semblable  à  celles  du  n"  906  du  Musée  PrébisL.  de  G.  et  A.  de  Mortillet, 
mais  complète,  découverte  dans  la  rivière  d'Oise  (un  peu  en  aval  de  Chauny,  Aisne, 

fig)' 

Anna'es  de  Géographie,  t.  XIII,  Paris,  1904. 

P.  193.  JusT  Navarre,  La  géographie  médicale.  A  propos  d'un  livre  récent  (The 
geography  of  disease  par  F.  G.  Clemow.  Inutilité  des  recherches  sur  la  distribution 
géographique  des  maladies,  etc.  La  réponse  de  Clemow  se  trouve  à  la  p.  361  du 
même  recueil).  —  P.  296.  E.  Robert.  La  densité  de  la  population  en  Bretagne  cal- 
culée par  zones  d'égal  éloigoement  de  la  mer  (av.  1  carie.  La  densité  diminue 
presque  régulièrement  de  la  côte  vers  le  centre  du  pays).  —  P.  334.  Vanutberghe, 
La  Corse;  étude  de  géographie  humaine.  (Esquisse  nette  et  vivante  du  caractère^ 
des  mœurs  et  de  l'état  social  des  Corses).  —  P.  420.  Mori,  Les  Italiens  en  France, 
les  Français  et  la  langue  française  eu  Italie  (d'après  les  dernières  statistiques  offi- 
cielles). 

Bibliographie  anatomique,  t.  XIV,  Paris-Nancy,  1905. 

P.  183.  A.  Weber  et  R.  Collin.  Observation  des  chefs  accessoires  des  interosseux 
dorsaux  de  la  main  chez  l'Homme.  —  P.  190.  A.  Weber  et  R.  Collin,  Un  muscle 
huméro-tranversaire  observé  chez  l'Homme.  —  P.  193.  A.  MA^NO,  Sur  un  cas  inté- 
ressant d'Arteria  saphena  magna  (commune  chez  les  Singes)  chez  l'Homme.  Consi- 
dérations sur  la  morphologie  de  la  circulation  artérielle  dans  le  membre  addominal 

ifig-)' 

Annales  de  l'Institut  national  Agronomique,  2^  sér.,  t.  IV,  fascic.  2,  Paris;  1905. 

P.  261.  —M.  RiNGELMANN,  Essaï  sur  l'histoire  du  génie  rural  (suite).  [2«  partie:  La 
Chaldée  et  l'Assyrie.  Constructions  rurales.  Étude  monographique  complète.  Les  végé- 
taux originaires  de  la  Chaldée  et  de  l'Assyrie  ;  le  régime  foncier,  les  cultures,  le  ca- 
dastre, les  contrats  ;  dessins  et  plans  assyriens  ;  les  abris  temporaires,  tentes,  enceintes, 
maisons  en  bois,  huttes,  tanières;  matériaux  de  construction  ;  fondations;  escaliers, 
etc.;  construction  des  maisons,  mobilier;  voûtes,  portes,  fenêtre  ;  cuisines,  fours, 
lieux  d'aisance  ;  les  habitations  complètes  :  le  sérail,  le  harem,  le  khan,  le  trésor  ; 
écuries,  étables  ;  meules,  magasins  à  grains,  celliers,  amphores;  ensemble  de  con- 
structions d'une  villa  rurale;  moyennes*  et  grandes  exploitations,  etc.  Nomb.  fig. 
avec  essais  originaux  de  restauration]. 

Bulletin  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Colmar.  —  Milteilungen  derNaturhis- 
torischen,  etc.  Nouv.  Série,  t.  VII,  1903-4.  Colmar,  1904,  in-8o. 

P.  101.  —  BuHL.  Notizen  uber  ein  AUemanischfrâokisches,  etc.  {Sotes  sur  un 
cimetière  Allaman-franc  à  Colmar,  av.  45  fîg.  et  2  pi.  Tombes  en  dalles  :  coffres  de 
pierre.  Description  des  objets  en  bronze  et  en  fer). 

Internationale  Monatschrift  fur  Anatomie  und  Physiologie,  t.  21.  Leipzig,  1904. 

Fasc.  4-8.  (Dédié  au  Prof.  W.  Krause  pour  son  cinquantenaire,  av.  porfr.).  — . 
P.  137.  P.  Bartels,  Ueber  Rassenunterschiede  am  Schadel,  etc.  [Les  caractères  dis- 
linctifs  des  races  fournis  par  le  crâne.  Étude  préliminaire  sûr  la  fréquence  de  tel  ou 
tel  caractère  crânien  (os  des  Incas,  suture  métopique,  trous  pariétaux,  os  japo- 
nicum,  etc.)  d'après  une  cinquantaine  de  séries  de  différeutes  races,  composées  de 
2  à  93  crânes.  Suivant  l'auteur  ce  n'est  pas  tant  la  «  fréquence  »  d'un  seul  caractère 
que  r  «  accumulation  »  plus  ou  moins  considérable  de  ces  caractères  dans  une  série 
donnée,  qui  doit  déterminer  la  position  de  la  race  dans  l'échelle  évolutive  au  point 
de  vue  somatologique  ;   ce  point  de  vue  n'a  rien  à  faire  avec  le  point  de  vue  du 


250  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

développement  iutellectuel.  Sugfïoslion  pour  l'eiitcnto  sur  les  caractères  descriptifs 
du  ciAue,  1  pi.  Bibliographie].  —  V.  292.  G.  Guldijeiu;,  Ueber  die  KriimmuDg,  etc. 
{Sur  la  courbure  du  diaphyse  du  fémur.  Fosiliou  de  la  question  ;  indication  des 
recherches  à  faire).  —  P.  311.  W.  Waldeyi^r  Bemerkungeu  ueber  Gruben,  etc. 
{Observations  sur  les  dépressions,  les  canaux  et  autres  particularités  de  l'os  basi- 
laire  ou  basisphénoïde.  Canal  cranio-pharyngien,  canal  basilaire  médiau,  etc.) 

Sitzungsberichte  d.  k.  Preussischen  Akademie  d.  Wissenschaft,  Berlin,  8°,  1906. 

N°  1.  —  P.  3.  AValdeyer,  Gehirne  siidwe9^.afrikanischer  Vôlker  {Les  cerveaux  des 
peuplades  de  V  Afrique  sud -occidentale.  Etude  descriptive  de  9  cerveaux  de  Ilereros 
(dont  deux  de  femmes)  et  de  2  cerveaux  d'Ovarubo.  Se  diviseut  eu  2  groupes  : 
1,  allougés  à  circonvolutions  fines  et  nombreuses;  2,  arrondis  à  circonvolutions  larges 
et  plus  simples.  Grand  bourrelet  olfaclif;  opérules  de  l'uucus;  cervelet  très  grand. 
Poids  moyen,  à  l'état  frais,  1385  gr.,  variant  de  1210  gr.  à  1410  gr.  chez  les  hommes 
Herero.  Les  individus  étaient  de  taille  gigantesque  (près  de  1dj,80  en  moyenne).  — 
V.  302.  Môbius,  Kônnen  die  Tiere,  etc.  {Les  animaux  son l-il s  capables  de  percevoir 
et  de  sentir  la  beautél  réponse  négative  car  ne  peuvent  pas  comprendre  les  lois  de 
la  nature). 

Gegenbaurs  Morphologisches  Jabrbuch.  Leipzig,  8°. 

T.  XXXIV,  1905.  —  P.  \.  0.  ScHLAGEiNHAUFEN,  Das  Hautleistensystem,  etc.  {Les plis  et 
les  lignes  cutanées  de  la  plante  du  pied  des  Primates,  comparés  avec  ceux  de  la  paume 
de  la  main,  2^  partie  (1),  118  fig.  Étude  descriptive  détaillée  chez  un  grand  nombre 
de  Primates.  La  plante  de  l'homme  se  rapproche  le  plus  par  ses  plis  de  la  plante 
des  anthropomorphes.  On  y  trouve  aussi  des  différences  suivant  les  races.  Les  Maya 
ont  les  plis  beaucoup  plus  primiti's  que  les  Nègres;  les  Papouas  ont  un  type  à 
part,  etc.)  (2). 

Mitteilungen   von   Forschungsreisenden...   aus  den  Deutscben    Schutzgebieten, 

t.  XVII,  fas.  4,  Berlin,  1904. 

P.  175.  Dr  BoRN.  Einige  Beobachtungen,  etc.  {Quelques  observations  ethnographiques 
dans  les  iles  Oleai,  dans  le  groupe  insulaire  qui  s'étend  entre  Palaou,  Garolines  et 
l'archipel  Marshal.  D'après  leur  type  physique,  leur  costume  et  leur  langue,  ces 
insulaires  appartiennent  aux  Garoliniens  du  Centre.  Vie  matérielle  et  sociale). 

Globus,  t.  LXXXVIII,  Braunschweig,  1905. 

iV®  H.  —  RiCHTER,  Unsere  gegenwartige  Keuntnis,  etc.  {Notice  connaissance  pré- 
sente de  V ethnographie  des  Célèbes  {suite).  Le  «  bloc  »  ethnographique  se  compose 
de  Bugis  ou  Boughis,  et  de  Mangkassares  dans  le  sud,  des  Toradja  dans  le  nord 
de  la  presqu'île  méridionale;  vient  ensuite  la  population  du  centre  et  de  la  presqu'île 
sud-est  et  celle  de  Palu,  Sigi  et  Saussu.  Il  faut  compter  à  part  la  population  de  la 
presqu'île  de  l'Est,  et  celle  de  Minahassa). 

N°  12.  —  Seidel,  Sprachen  und  Sprachgebiete,  etc.  {Les  Idiomes  de  la  Micronésie 
allemande  et  leur  distribution.  Langue  des  îles  Mortlok  (Garolines);  autres  dialectes 
du  Carolinien  dans  les  Mariannes;  langue  tout  à  fait  spéciale  différente  d.es  autres 
langues  polynésiennes  dans  l'île  de  Kusaic,  etc.).  —  Richteh,  Unsere  gegenwartige 
Kenntnis,  etc.  {Notre  connaissance  présente  de  l'ethnographie  des  Célébes  {fin).  Des- 

(1)  La  Ire  partie  a  paru  dans  le  t.  XXXIII  du  même  recueil. 

(2)  Le  résumé  de  ce  travail  très  n)inulieux  se  trouve  dans  le  Correpondenz-Blatt 
d.  Deutsch.  Anlhr.  GeselL,  1905,  n»  10. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  251 

cription  de  la  population,  fortement  mélangée  et  hétérogène.  Probabilité  des  migra- 
tions de  Bornéo  dans  Gélèbes  et  en  général  de  l'Indo-Chine  dans  l'Archipel  Malais. 
Les  Protomalais  étaient  probablement  à  l'âge  du  bronze;  le  fer  est  d'importation 
étrangère.  Traces  du  paléolithique  découvertes  par  Sarasin). 

JV»  13.  —  J.  BooTH,  Die  Nachkommen  der  Sulu  Kaffern,  etc.  [La  descendance  des 
Cafres-Zoulous  [Wangoni]  dans  l'Est  africain  allemand.  Les  Wangoni  (singulier 
Mgoni)  parlant  le  kingoni  sont  les  descendants  des  Zoulou  en  ligne  masculine;  ils 
habitent  l'Unguri  à  l'est  de  Niassa.  Histoire  de  leurs  migrations  d'après  le  récit 
d'un  jeune  Mgoni,  instruit  et  très  intelligent),  —  Stephan  (Di"),  Beilrâge  zur  Psycho- 
logie, etc.  [Contributions  à  la  psychologie  des  habitants  de  la  Nouvelle-Poméranie, 
suivi  des  observations  ethnographiques  sur  les  Barriai  et  sur  Vile  Hunt  Duror;  fig.). 

N°  14.  —  Stephan  (Df),  Beitrâge  zur  Psychologie,  etc.  [Contribution  à  la  psycholo- 
gie des  habitants  de  la  Nouvelle-Poméranie,  suivi  des  observations  ethnographiques 
sur  les  Barriai  et  sur  l'île  Uunt  {Duror)\  fig.  En  Nouvelle-Poméranie  (Nouvelle-Bre- 
tagne) le  type  devient  de  plus  eu  plus  ressemblant  aux  Papous  à  mesure  que  l'on 
avance  de  l'est  à  l'ouest.  Usage  des  parfums.  Langage.  Numération.  Différences  psy- 
chologiques individuelles,  incantations,  etc.  Objets  ethnographiques). —  Booth,  Die 
Nachkommen  der  Sulu  Kaffern,  etc.  [La  descendance  des  Zoulous-Cafres  (Wangoni) 
dans  l'Est  africain  allemand  [fin]].  Métissage.  Clans  et  gens.  Nombre.  Langue;  1  pi.]. 

N°  13.  —  Von  LuscHAN,  Ziele  and  Wege,  etc.  [But  et  ynoyens  d'un  musée  d'ethnographie 
moderne.  Distinctiou  entre  les  collections  de  «  montre  »,  les  collections  d'étude  et 
les  collections  d'enseignement.  Conseils  judicieux). 

N^"  16.  —  BuECHNEn,  Zum  Buddhatypus  [Le  type  de  Buddha.  L'auteur  suppose  que 
la  représentation  d'une  chevelure  crépue  est  une  stylisation  d'un  ornement  en 
coquilles  d'escargots). 

.V°  18.  —  Laufer,  Ein  angebliciies,  etc.  [L'image  soi-disant  de  Christ  de  la  période 
des  Ihang,  publiée  par  A.  Giles,  dans  son  «  Introduction  to  the  History  of  Ghinese 
pictorial  art  »,  est  celle  de  Bouddha,  entre  Gonfucius  et  Lao-tse.  Fig.).  —  Wilsek  (Dr  L.j, 
Neues  ûber  den  Urmenschen,  etc.  [Encore  à  propos  des  Hommes  préhistoriques  de 
Krapina.  N'admet  pas  la  brachycéphalie  des  crânes  de  Krapina  énoncée  par  Gorja- 
novic-Kramberg,  ni  l'existence  des  pygmées  paléolithiques).  —  Lehmann  (Dr  \V.), 
Altmexikanische  Muschelzierate,  etc.  [Ornements  antiques  mexicains  en  coquilles 
ajourées;  fig.). 

N°  20.  —  V.  Negelein,  Die  Pflauze  im  Volsksglauben  [La  plante  dans  la  croyance 
populaire.  Étude  folkloristique). 

N^  21.  —  Graebner,  Einige  Speerformen,  etc.  [Quelques  formes  de  piques  de  l'Archi- 
pel Bismarck;  fig.  Étude  descriptive.  Les  formes  de  l'île  Mutschou  sont  les  plus  pri- 
mitives). 

A'o  22.  —  V.  Negelein,  Die  Pflanze  im  Volksglauben  [La  plante  dans  la  croyance 
populaire,  fin). 

N'  23.  —  S.  Paul  und  Fkitz  Sarasins,  Forschungen  [Les  explorations  de  F.  et  de 
F.  Sarasin  dans  l'ile  de  Gélèbes.  Fig.  Résumé  du  grand  ouvrage  de  ces  naturalistes 
contenant  des  données  ethnographiques). 

iV*  24.  —  Besdau,  Der  Mond  in  Volksmedizin,  etc.  [La  lune  dans  la  médecine  popu- 
laire, dans  les  coutumes  et  les  usages  des  Mexicains  des  provinces  frontières  du  Texas 
méridional.  Étude  folkloristique). 

Petermann's  Mitteilungen,  t.  LI,  Gotha,  1905. 

P.  36.  —  H.  Sbidel,  Die  Bevôlkerung,  etc.  [La  population  des  Carolines  et  des 
Mariannes.  Étude  statistique.  Ou  comptait  en  190 î  dans  les  Mariannes  :  1.686  Cha- 
raorros  et  897  Caroliniens,  en  tout  2.646  indigènes  micronésiens,  contre  1.903  eu  1900. 
Comme  autres  éléments  :  7  Allemands,  3  Espagnols,  3  Sud-Américains,  3  Malais  et 


252  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

47  Japonais.  La  population  des  Garoliues  orientales  était  de  25.224  habitants  en  1903 
(contre  24.142  eu  1901-2).  Les  Euro-Américains  y  étaient  88  et  les  Japonais  17. 
Dans  les  Carolines  occidentales  la  population  est  de  7  io6  pour  l'année  1903  (contre 
7.464  en  1901-2)].  —  P.  249  et  271.  Grubauer  Al,  Negritos,  Ein  Besuch  bel  den 
Ureinwohnern,  etc.  {Les  Négrilos.  Une  excursion  chez  les  abo?'igènes  de  la  presqu'île 
Malaise.  Récit  sans  prétention  d'un  collectionneur  d'objets  ethnographiques;  mœurs 
primitives;  gouvernement;  culture  matérielle,  etc  ).  — P.  285.  Ergebnisse,  etc.  [Ré- 
sultais du  recense»:enl  de  V Empire  russe  en  1897  en  ce  qui  concerne  les  langues]  sous 
forme  de  tableau  ;  17  rubriques)  (1). 

Denkschriften  d.  k.  Akademie  der  Wissenschaften,  t.  75.  Wieu,  1905,  in-4o. 

P.  491.  Neumann,  Ueber  die  an  den  aiten  Peruanischen  keramiken...  dargestellt  ins 
Hautverànderungen,  etc.  {Sur  les  affections  cutanées  représeiitécs  dans  la  céramique 
péruvie7ine  ancienne  et  sur  des  paieries  anthropomorphes,  en  rapport  avec  la  question 
de  l'ancienneté  de  la  syphilis  et  d'autres  dermatoses  en  Amérique.  3  planches.  Les 
figures  représentent  des  lésions  syphilitiques.  La  maladie  a  donc  existé  en  Amérique 
avant  l'arrivée  des  Européens,  mais  cela  ne  prouve  pas  qu'elle  fut  importée  de 
l'Amérique  en  Europe,  où  elle  a  existé  probablement  de  tout  temps). 

Proceedings  of  the  R.  Irish  Academy.  Dublin,  t.  26,  section  C. 

N°  3  {férier  1906).  —  P.  42.  G.  Coffey,  Early  iron  sword,  etc.  Épée  en  bronze 
très  ancienne  trouvée  en  Irlande.,  dans  le  lit  du  fleuve  Shannon,  pendant  les  draga- 
ges de  1846,  et  conservée  à  l'Académie.  C'est  la  première  épée  du  type  de  Hallstatt 
trouvée  en  Irlande.  Fig.). 

K.  Akademie  van  Wetenschappen  te  Amsterdam.  Verslag  etc    [Compte  rendu  des 
séauces  de  la  section  des  sciences),  n»  du  28  octobre  1905,  in-S". 

E.  FiscFiER,  Das  Primordialcranium,  etc.  Le  crâ?ie  primordial  du  Tarsius  spec- 
trum  ;  communication  préliminaire.  De  l'étude  du  crâne  d'un  fœtus  du  Tarsier,  il 
ressort  que  cet  animal  occupe  la  place  que  lui  assignait  jadis  Harbrecht  comme 
ancêtre  commun  des  lémuriens,  des  singes  et  des  hominiens;  en  même  temps  le 
chondrocràne  a  des  analogies  frappantes  avec  celui  des  reptiles). 

Izviestiià,  etc.  {Bulletin  de  la  Société  russe  de  Géographie^  t.  XL,  fasc.  1-2,  Saint- 
Pétersbourg,  1904. 

P.  31.  —  DouNiN-GoRKAviTCii,  Otchosk  naroduostey.  etc.  {Esquisse  des  popidations  du 
nord  de  la  province  de  Toholsk,  comprenant  les  distr.  de  Berezov  et  de  Sourgout,  soit 
environ  900.000  km.  carrés,  avec  35.000  habitants  seulement.  Dans  ce  chiffre  les  Ostiaks 
occupent  la  première  place  ;  viennent  ensuite  les  Russes,  les  Samoyèdes,  les  Vogouls 
et  les  Zirianes.  Etude  ethnographique  et  sociologique  de  chacun  de  ces  groupes 
d'après  les  observations  personnelles  pendant  15  ans  en  qualité  d'inspecteur  des 
forêts.  Divisions  en  tribus;  langage;  idées  religieuses;  situation  économique.  Dimi- 
nution de  la  population  indigène  dans  certaius  districts;  augmentation  dans  d'autres. 
Mention  du  peuple  Niah-Samar-gah,  découvert  par  A.  Yakoby  en  1894,  près  de  la 
rivière  Naiym  ;  il  ressemblerait  au.x:  Samoyèdes    mais    parle   une  langue  différente. 

(I)  Cf.  AïTOF.  Les  langues  parlées  en  Russie,  d'après  le  recensement  de  1897.  Paris 
(A.  Colin),  1906,  in-8°. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  253 

Bulletin  de  la  Société  Vaudoise  des  sciences  naturelles^,  o°  série,  t.  XLÎ, 

Lausanue,  1905. 

A'o  154.  —  P.  271.  A.  ScHENK.  Les  ossements  liaoaaiQS  du  cioietièrô  gallo-helvète 
de  Vevey.  (Une  dizaine  de  crânes  et  squelettes.  Ind.  céph.  moy.  75,5;  taille  probable 
1672  mm.  pour  les  hommes,  1360  pour  les  femmes  On  peut  rattacher  ces  restes  à 
la  race  Nordique).  —  P.  289.  A.  Schenk,  Note  sur  des  crânes  et  ossements  prove- 
nant d'anciennes  sépulliires  de  la  Suisse  et  de  la  Savoie  (de  l'époque  gallo-romaine. 

12  crânes  dont  les  uns  sont  brachy  (i.  c.  82),  les  autres  dolichocéphales  (pas  mesu- 
rables) ou  mésocéphales  (78,7).  Taille  probable  des  dolicho  et  mésocéphales  mas- 
culins :  1693  mm.) 

Verhandlungen  d.  Naturforsch.  Gesellschaft  in  Basel,  t.  XVlll.  1903. 

P.  i.  —  II.  HupE,  Notiz  ûber  die  cbemische,  etc.  [Sote  sur  l'analyse  chimique  des 
objets  préhistoriques  trouvés  dans  les  tombes  de  Castaneda,  prèsGron,  sud  du  canton 
des  Grisons  (tin  de  l'âge  du  bronze  et  jusqu'à  l'époque  de  La  Tène).  Certains  objets 
sont  en  cuivre  presque  pur  (1,6  0/0  d'étain),  d'autres  au  contraire  contiennent  jusqu'à 

13  0/0  d'élain.  Analyse  des  objets  en  fer  et  comparaisons  avec  les  analyses  des 
objets  provenant  d'Italie.  Les  bronzes  proviennent  donc  des  ateliers  étrusques  et 
ont  été  faits  avec  les  métaux  provenant  des  mines  toscanes  deCampilia;  le  fer  pro- 
vient des  mines  d'Elbe].  —  P.  33.  Fk.  Sarasin,  Bericht  ûber  die  Sammlung,  etc. 
{Rapport  pour  Vannée  1904  sur  Vétat  des  collections  ethnographiques  au  Musée  de  Bâte. 
Description  des  objets  provenant  surtout  de  l'Archipel  Asiatique  et  particulièrement 
de  Célèbes. 

Journal  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal,  t.  LXXllI,  Part  111  (Anthropology), 

1904  (1).  Calcutta. 

iVo  3.  —  J.  E.  Fbie.nd-Pereira.  Totemism,  etc.  {Le  Totémisme  chez  les  Khonds 
septentrionaux  de  l'état  tributaire  de  Bod.  Comme  critérium  du  totem,  en  voie  de 
disparition,  l'auteur  admet  la  prohibition  de  détruire,  chasser,  manger,  tuer,  telle  ou 
telle  espèce  d'animal,  de  plante,  d'objet,  etc.).  —  A'°  4.  —  P.  R.  T.  Gurdo.n.  Note  on 
the  Khasis,  Syntengs,  etc.  [Sote  sur  les  Khasis,  Syntengs  et  tribus  congénères  du  distr. 
de  collines  de  Khasi  et  de  Jaintia.  Assam  ;  2  pi.  Notes  préliminaires.  Les  mœurs  et  les 
coutumes  de  Khassia  et  de  Syntengs,  ainsi  que  leur  type  paraissent  les  classer  défi- 
nitivement parmi  les  Indo-Chiuois.  Description  et  fig.  des  pierres  levées,  toujours  en 
nombre  impair,  érigées  probablement  en  l'honneur  des  ancêtres  de  la  famille  ou  des 
défunts.  Noms  de  père,  frères,  petit-fils,  etc.,  que  l'on  donne  à  chaque  pierre,  actuelle- 
ment. Vocabulaire.  Préfixes,  etc.).  —  Supplément  :  Annaxdale,  Note  on  the  llair- 
Worm,  etc.  [Les  «  vers  des  cheveux  »,  Nematodes,  parasites  du  genre  Gordius,  dans  le 
folk-lore  européen  et  oriental). 

Extra  n^.  —  P.  1.  H.  Rose,  Customs  in  the  Trans-border,  etc.  {Coutumes  ou  «  Loi 
coutumière  »  des  tribus  habitant  au  delà  de  la  frontière  delà  provvice  de  Nord-Ouest, 
c'est-à-dire  du  Waziristan,  Karrom,  Swat,  Dir  et  Tchilral.  Traits  saillants  de  cette 
loi:  pas  de  distinction  entre  le  crime  et  le  dommage  personnel;  peu  de  cas  que  l'on 
fait  de  la  loi  musulmane  dans  les  questions  de  l'héritage,  surtout  pour  les  femmes, 
dans  ce  pays  pourtant  très  attaché  à  l'Islamisme).  —  P.  33.  L.  S.  O'Malley, 
Agraharis,  etc.  (Les  Agraharis  de  Sasaram,  Bengale,  sont  des  Siks  aussi  bien  au  point 
de  vue  physique  que  par  leurs  mœurs  et  leur  religion.  Ils  sont  au  nombre  de  700.) 

(1)  A  partir  de  l'année  1903,  les  trois  sections  (parts)  du  J.  A.  S.  B.  sont  fusionnées 
avec  les  Proceedings  en  un  seul  recueil  portant  le  titre  :  Journal  and  Proceedings 
of  the  As.  Soc.  of  Beng,  in-S»,  à  côté  duquel  paraissent  les  «  Memoirs  »,  in-4°. 


254  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Records  of  the  geological  survey  of  India,  t.  32.  Part  3.  Calcutta,  1905. 

P.  199.  Gly  E.  PiLGiuM,  Ou  the  occurrence,  etc.  [Présence  de  tElephas  antiquus 
[Naynadicus)  dans  les  alluvions  quaternaires  de  la  Godaveri;  suivi  des  remarques  sur 
les  espèces,  de  cet  éléphant,  leur  distrihutiou  et  sur  l'âge  des  dépôts  analogues  dans 
l'Inde.  Description  du  crâne,  du  fémur  et  du  bassin  de  l'éléphant  trouvé  à  Nandur 
Madmeshwar,  distr.  Nassk,  prov.  de  Bombay,  dans  les  alluvions  de  la  Godaveri  qui 
s'étendent  plus  loin  que  ne  l'indique  la  carte  géologique.  UE.  Namadicus  n'est  qu'une 
variété  de  l"^.  antiquus  qui,  originaire  de  l'Europe,  a  émigré  dans  l'Inde  et  s'y  est 
maintenu  plus  longtemps  que  les  variétés  européennes;  il  s'y  est  éteint  sans  laisser 
de  descendance  car  l'Eléphant  actuel  de  l'Inde  en  diffère  sous  plusieurs  rapports]. 

Mitteilungea  der  deutschen  Gesellschaft  fur  Natur-und  Vôlkerkuade   Ostasieas, 

t.  X,  partie  1,  Tokyo,  1904. 

P.  1.  — T.  Wada.  Die  Schmuck- und  Edelsteine,  etc.  {La  parure  et  les  pierres 
précieuses  chez  les  Chinois:  6  p/.  Aperçu  des  pierres  précieuses  employées,  aujour- 
d'hui et  jadis,  aussi  bien  par  les  Chinois  que  parles  autres  populations  qui  les  ont 
précédés  en  Chine.  Étude  minéralogique.  Détails  sur  le  jade,  etc.).  —  P.  79.  L'abbé 
H.  Haas,  Der  heilige  Kanon,  etc  [Le  canon  sacré  du  Bouddhisme  au  Japon.  Résumé 
des  livres  canoniques  en  japonais  et  en  chinois,  ordinairement  conservés  dans  un 
édicule  spécial  appelé  Rinzo  (Lun-tsan)]. 

Bulletin  of  the  American  Muséum  of  Natural  History,  t.  XXI, 

New-York,  1905. 

P.  37.  —  KuNZ,  G.  F.  On  the  ancienl,  etc.  [Sur  une  hache  sumérienne  (babylonienne) 
très  ancienne,  portant  des  inscriptions  idéographiques  faisant  partie  de  la  collec- 
tion Morgan  au  Musée  Américain  d'histoire  naturelle  ;  av.  fig.  et  1  pi.  C'est  une 
hache  votive  en  agate,  peut-être  la  plus  ancienne  portant  inscription.  Provient  de 
la  collection  du  Cardinal  Steph.  Borgia,  décrite  par  Froehner  (Collection  Tyszkiewicz, 
Paris,  1898)].  —  P.  49.  Dynelet  Prince  et  Lau.  Rob.  [Traduction  de  l'inscription  de  la 
hache  précédente,  un  peu  différente  de  celle  qui  est  donnée  dans  l'article  dé  Kunz 
par  J.  M.  Price,  mais  qui  confirme  le  caractère  votif  de  l'objet;  av.  1  pi.]. 

Memoirs  of  the  Muséum  of  Comparative  Zoology  at  Harvard  Collège,  t.  33, 

Cambridge  (U.  S.),  1906,  iu-4o. 

Ce  volume,  consacré  au  rapport  général  d'Aï..  Agassiz  sur  l'expédition  océanogra- 
phique de  r  «  Albatros  »  en  1904-1905,  contient,  p.  ;J7  et  suiv.  une  courte  description 
et  de  nombreuses  photographies  (pi.  27-50)  des  célèbres  statues  gigantesques  de 
l'île  de  Pâques,  ainsi  que  des  constructions  cyclopéeunes  et  les  gravures  rupestres 
de  cette  île. 

Journal  of  the  Academy  of  Natural  Science  of  Philadelphia,  2°  série,  t.  XIII, 

Part  2,  1905;  in-fol. 

Ce  fascicule  de  332  p.,  av.  43  fig,  est  entièrement  consacré  aux  Mémoires  de  Gla- 
RENCB  B.  MooRE  :  1°  Certain  Aboriginal  Remains,  etc.  {Les  restes  des  populations 
aho7ngènës  du  Black  Warrior  River;  2<^  Les  restes  du  basTombighee  River  \  3°  Les  restes 
du  Mobile  Bay  et  du  Mississipi  Sound]  4°  Recherches  diverses  dans  la  Floride.  Objets 
trouvés  dans  les  mounds;  poteries,  disques  en  pierre  avec  dessins,  hachettes  avec 
manche  faites  d'un  seul  bloc  de  pierre  et  ayant  jusqu'à  28  centimètres  de  longueur, 
haches  de  cérémonies  en  pierre  et  en  cuivre,  pipes,  pendentifs  en  cuivre  ;  bols 
ornés  de  dessins  mis  sur  les  crânes  dans  les  sépultures  ;  outils  et  coquilles). 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  255 

Transactions  of  the  Fourth  International  Dental  Congress,  Saint-Louis,  Ms. 

Saint-Louis,  1904. 

l'e  section.  —  A.  H.  Thompson,  Ethnographie  Odontography  ;  etc.  [Uodontographie 
ethnographique  :  Les  Mound-Builders  et  les  peuples  Pré-Andins  de  la  vallée  du 
Mississipi.  Etude  d'an  grand  nombre  de  dénis  sur  les  crânes  trouvés  dans  lesmounds. 
Similitude  de  structure  des  molaires  et  des  lésions  dentaires  avec  ce  que  l'on  trouve 
chez  les  Mexicains,  d'où  l'auteur  croit  pouvoir  conclure  que  les  Mound-Builders  ont 
émigré  du  Mexique,  que  ce  sont  des  descendants  probables  des  Aztèques). 

Anales  del  Museo  Nacional  de  Buenos  Aires,  série  3,  t.  V,  1905. 

P.  203-574.  —  Félix  Outes,  La  edad  de  la  piedra,  etc.  [L'dge  de  la  pierre  en  Pata- 
gonie.  Étude  d^archéologie  comparative.  Esquisse  générale  de  l'anthropologie  et  de 
l'ethnographie  des  Patagons  avant  l'arrivée  des  Européens.  La  population  de  la  Pala- 
gonie  était  primitivement  dolichocéphale  dans  le  N.-O.  jusqu'au  4lo  lat.  N.  Époque 
quaternaire.  8  stations  paléolithiques  dont  une  otfraut  une  coupe  remarquable  des 
terrains  pampéens  et  où  Ton  a  trouvé  des  outils  en  pierre  taillée  (types  chelléo- 
moustérieus)  en  place.  Époque  néolithique  (3  périodes).  Descriptions  détaillées  des 
objets.  Classification  des  flèches.  Résumé  eu  français.  Bonne  bibliographie  et  index. 
206  fig.  L'industrie  chelléo-mouslérienne  se  trouve  en  Patagonie  dans  des  formations 
géologiques  beaucoup  plus  modernes  qu'en  Europe  ;  les  outils  ont  des  analogies 
frappantes  avec  ceux  de  l'Afrique  du  Nord  et  ceux  de  l'Amérique  du  Nord  (Trenton)]. 

Boletin  del  lustituto  geografico  argentino.  Bueuos-Aires,  t.  XXII,  s.  d.  (1905?). 

T.  22,  nos  7-12.  —  P.  68.  P,  Fray  Sagarfas  Ducci,  Vocabulario,  etc.  [Vocabulaire  Toba- 
espagnol  de  500  mots  environ).  —  P.  89.  Beniono  T.  Martinez,  Ethnografia,  etc.  [Eth- 
nographie de  la  région  du  Rio  de  la  Plata.  Suite  à  une  communication  faite  au  Con- 
grès scientifique  de  l'Amérique  latine  en  1898.  Les  Timbucs,  les  Corondas,  les  Colastines, 
les  Quilooajacs  et  les  Pairindis  des  auteurs  du  xvi^  siècle;  leur  habitat  reconstitué). 

Revista  de  Derecho,  Historia  y  Letras,  t.  XXIII.  Buenos-Aires,  1905. 

P.  267.  R.  Lehmann-Nitsghk,  Tumulo  indigena,  etc.  [Un  lumulus  indigène  dans  les 
îles  du  delta  du  Parajia,  fouillé  par  L.  M.  Torres.  Le  tumulus  servait  eu  même  temps 
de  sépulture  et  d'habitation;  on  y  a  trouvé  des  objets  en  pierre,  des  pointes  de  lance, 
en  bois  de  cerf,  des  poteries  à  dessin  géométrique,  des  os  fendus  d'animaux  divers, 
des  noix  de  cocos  gravées  avec  une  pierre  spécialement  façonnée,  etc.  ;  enfin  30  crânes 
et  7  squelettes,  qui  dénotent  une  population  de  taille  moyenne  à  crâne  volumineux. 
Peut-être  venaient-elles  du  Ghaco). 

Anales  de  la  Sociedad  cientifica  argentina,  t.  LX,  fasc.  4,  octobre  1905. 

Buenos-Aires. 

P.  145.  Félix  F.  Outes,  Observaciones  à  dos  estudios,  etc.  [Observations  à  propos 
de  deux  études  de  M.  Eric  Boman  sur  la  palethnologie  du  nord-ouest  de  VArgenline, 
publiées  dans  L'Homrne  préhistorique,  t.  II,  1904,  et  dans  le  Journal  de  la  Société  des 
Américanistes,  t.  II,  n°  1,  1905.  Critique  des  conclusions  de  M.  Boman  sur  la  destina- 
tion des  petits  «  mounds  »,  sur  la  sépulture  dans  les  urnes,  etc.). 

P.  168.  S.  A.  Lapone  Quevedo,  La  lengua  leca  [Fm  langue  leca,  parlée  par  les  indi- 
gènes du  Rio  Mapiri  et  du  Rio  Beui,  Bolivie,  voisins  des  Yuracares  et  des  Chiquitos; 
d'après  les  manuscrits  des  PP.  Cardus  et  Herrero,  avec  notes  explicatives  et  2  cartes 
Vocabulaire). 


256  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Memorias  y  revista  de  la  Sociedad  cientifica  «  Antonio  Alzate  »,  t.  XXII, 

Mexico,  1905. 

P.  5.  — A.  Casïkllanos.  I.  Procedeucia,  etc.  Provenance  des  peuj^les  américains.  II. 
Ghronologia,  etc.  {Chronologie  Mixteque)  (Ruines  de  San  Pablo  Mitla.  Essais  de  prou- 
ver par  les  textes  niexicaius  la  migration  sino-japonaise,  ameuée  par  les  courants 
sur  la  côte  de  la  Californie  et  sur  la  côte  ouest  du  Mexique  en  général;  3  pL). 

Journal  and  Proceedings  of  the  Royal  Society  of  New  South  Wales  for  1904, 

t.  38,  Sydney,  1905. 

P.  203.  R.  II.  Mathews,  Ethnological  notes,  etc.  (Notes  ethnologiques  sur  les  tribus 
des  Aborigènes  de  la  Nouv.  Galles  du  Sud  et  de  Victoria.  Remarques  préliminaires 
sur  la  vie  et  les  travaux  de  Tauteur;  né  dans  la  brousse  australienne  il  y  a  passé 
toute  sa  vie;  il  ne  tient  pas  compte  des  travaux  des  autres.  Sociologie  des  Ngeumba 
et  des  Thurrawal.  Naissance.  Langue  des  Ngeumba.  Expéditions  de  vendetta.  Chan- 
sons, av.  musique  notée.  Recherche  des  aliments.  Sorcellerie  et  magie.  Sociologie 
des  tribus  de  la  Victoria  occidentale  et  orientale.  Langage  des  belles-mères.  La  céré- 
monie de  Wouggoa  et  autres  cérémonies  d'initiation.  Mythologie.  Eolk-lore.  Liste 
de  95  mémoires  ou  notes  de  l'auteur). 

Report  of  the  lOth  Meeting  of  the  Australasian  Association  for  the  Advanc.  of  Se. 

held   at   Duuedin,  1904,  t.  10.  Wellington-Dunedin  (Nouv.  Zél.),  1905.  Section  F. 
(Anthropologie  et  Ethnographie). 

P.  376.  Baldwin  Spencer,  Adress,  etc.  [Discours  présidentiel  sur  «  le  Totémisme  en 
Australie  ».  Le  «  Robong  »  ou  objet  matériel,  animé  ou  non,  qui  donne  son  nom 
à  un  groupe  et  avec  lequel  ce  groupe  est  en  relations  spéciales  (tolème  primitif 
du  groupe),  considéré  au  point  de  vue  social,  et  au  point  de  vue  des  cérémonies  et 
de  la  magie].  —  P.  424.  Edw.  Tregear,  A  comparison  of  Words,  etc.  {Comparaison 
des  mots  de  la  langue  Maori  et  d'autres  langues  polynésiennes,  avec  les  mots  des 
idiomes  parlés  à  Célèbes,  le  Mangkassarais  et  la  Boughi  ;  111  mots  plus  ou  moins  les 
mêmes  dans  les  deux  groupes).  —  P.  445.  Elsdon  Best,  Maori  Folk-lore  {Le  Folk- 
lore des  Maori,  recueilli  par  l'auteur  dans  la  tribu  des  Tuhoc.  Les  «  tanihwa  »  esprits 
des  lacs,  rivières,  etc.;  mythes).  —  P.  453.  S.  Percy  Smith,  Some  personal  habits,  etc. 
{Sur  quelques  habitudes  personnelles  et  les  manières  des  Polynésiens.  Manière  de  s'as- 
seoir, de  marcher,  de  porter  les  charges,  de  boire,  de  mesurer  la  hauteur  ;  natation  ; 
conversation;  gestes).  —  P.  461.  R.  H.  Matthf.ws,  The  Kumbainggeri,  etc.  {Le  Kum- 
bainggeri,  une  des  langues  aborigènes  de  la  Nouv.  Galles  du  Sud;  titre  seulement). 

J.  Deniker. 


Le  Gérant  :  P.  Bouchez. 


Angers.  —  Imp.  A.  Burdin  et  C^S  rue  Garnier,  4. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI 

RÉSUMÉS  ET  CONCLUSIONS  DES  ÉTUDES  GÉOLOGIQUES 


PAR 

Marcellin  boule  (*^ 


LA  GROTTE  DU  PRINCE 

Résumé  et   conclusions. 

La  description  qui  précède  (2)  montre  que  le  remplissage  de  la 
Grotte  du  Prince  est  dû  principalement  aux  agents  physiques. 
Plusieurs  circonstances  ont  exposé  cette  excavation  aux  effets  d'un 
ruissellement  superficiel  des  eaux  sauvages  ayant  pu  acquérir  par- 
fois un  caractère  presque  torrentiel  :  sa  situation  topographique 
dans  un  pli  du  rocher,  au  déhouché  d'un  petit  thalweg;  les  larges 
fissures  qui  la  mettaient  en  communication  avec  l'extérieur. 

Si  la  présence  de  foyers,  avec  des  pierres  taillées  intentionnelle- 
ment, à  la  base  même  des  terrains  de  remplissage  d'origine  subaé- 
rienne, nous  prouve  que  l'Homme  prit  possession  de  la  grotte  dès 
que  la  mer  s'en  fut  retirée,  l'alternance  souvent  répétée  de  couches 
riches  et  de  couches  complètement  stériles  en  documents  archéo- 
logiques prouve  que  les  séjours  humains  furent  maintes  fois  contra- 

(1)  Tous  nos  lecteurs  savent  que  !a  description  scientifique  des  Grottes  de  Gri- 
maldi  fouillées  par  les  soins  du  Prince  de  Monaco  doit  faire  l'objet  d'un  grand 
ouvrage  en  cours  de  publication.  Cet  ouvrage  est  divisé  en  deux  volumes,  coaipre- 
nant  chacun  plusieurs  fascicules. 

Le  premier  fascicule  du  tome  I,  intitulé  Historique  et  Descriptioîi^  par  M.  le  Cha- 
noine DE  Villeneuve,  ainsi  que  le  premier  fascicule  du  tome  11^  Anthropologie  par  le 
D"^  Verneau,  sont  imprimés  depuis  plusieurs  mois.  Le  2^  fascicule  du  tome  I,  consacré 
à  la  géologie  et  à  la  paUogéograpkie  vient  de  paraître.  L'article  qu'on  va  lire  est 
composé  d'extraits  de  ce  fascicule.  11  reproduit  les  principales  conclusions  de  mes 
études  géologiques  et  stratigraphiques.  Le  3'  fascicule  du  tome  I,  purement  paléon- 
tologique,  dont  la  rédaction  m'a  été  également  confiée,  el  le  fascicule  2  du  tome  II,  oii 
M.  Cartailhac  traite  de  l'archéologie,  vont  être  mis  sous  presse. 

(2)  Où  les  couches  successives  de  remplissage  ont  été  examinées  une  à  une,  tant  au 
point  de  vue  de  leurs  caractères  physiques  qu'a  celui  de  leur  contenu  paléontolo- 
gique. 

l'anthropologie.  —  T.  xvir.  —  1906.  H 


2oS  Maucellin  boule. 

ries  par  le  jeu  des  phénomènes  de  remplissage.  Les  diiïérences 
d'ordre  physique  présentées  par  ces  divers  dépôts  ainsi  que  la  pré- 
sence de  plusieurs  planciiers  stalagmitiques  permettent  d'affirmer 
que  le  régime  de  la  grotte  subit  de  nombreuses  variations  et  que 
l'ensemble  des  dépôts  correspond  à  une  durée  considérable. 

La  Paléontologie  parle  dans  le  même  sens.  Il  faut  d'abord  remar- 
quer que  tous  les  terrains,  à  l'exception  peut-être  du  n»  9,  c'est-à- 
dire  toutes  les  couches  comprises  entre  l'ancienne  plage  marine  et 
le  plancher  stalagmitique  8,  sont  d'âge  quaternaire,  puisque  le 
foyer  A  renfermait  des  ossements  d'Eléphant,  d'Ursiis  spelœus  et 
(VHi/3sna  crocida,  espèces  qui  ont  disparu  de  nos  pays  avant  l'au- 
rore des  temps  actuels. 

Les  dépôts  de  la  Grotte  du  Prince  (fig.  1)  se  laissent  facilement 
diviser  en  deux  groupes  que  séparent  les  grands  blocs  éboulés  et 
dont  l'allure  est  assez  diiïcrente  :  d'une  part  les  couches  1  à  5  avec 
les  foyers  subordonnés  E,  D.  G  ;  d'autre  parties  couches  6  à  9 avec 
les  foyers  subordonnés  B  et  A. 

Les  éléments  caractéristiques  de  la  faune  des  foyers  E  et  D  ont 
une  signification  bien  nette  ;  ce  sont  des  espèces  dénotant  un  climat 
chaud  :  Eléphant  antique,  Rhinocéros  de  Merck  et  surtout  Hippo- 
potame. 11  est  intéressant  de  constater  que  ces  dépôts  inférieurs,  à 
faune  mammalogique  chaude,  succèdent  immédiatement  à  la  for- 
mation marine  avec  faune  malacologique  un  peu  plus  chaude  que 
la  faune  delà  Méditerranée  actuelle.  Le  caractère  archaïque  de  ce 
premier  groupe  est  encore  accusé  par  la  présence  d'une  espèce 
chevaline  et  d'une  forme  d'Ours  aux  affinités  pliocènes. 

Dans  le  foyer  C  il  n'y  a  plus  d'Hippopotame  mais  nous  y  trou- 
vons encore  l'Eléphant  antique  et  le  Rhinocéros  de  Merck,  Le 
Chamois  commence  à  introduire  une  note  froide.  Ces  diiïérences 
sont  encore  peu  importantes  ;  il  y  a  continuité  évidente  dans  la 
faune  comme  dans  les  dépôts. 

Les  couches  4,  5,  6,  d'une  épaisseur  totale  considérable  et  oii  se 
voyaient  de  nombreuses  traces  du  séjour  des  fauves,  correspondent 
à  une  longue  période  d'inoccupation  de  la  grotte  par  l'Homme.  Au 
cours  de  cette  période  les  modifications  de  la  faune  deviennent  sen- 
sibles par  la  disparition  progressive  des  éléments  chauds  et  par 
l'apparition  ou  le  développement  d'espèces  froides.  C'est  ainsi  que 
le  contenu  paléontologique  des  foyers  B  oiïre  un  caractère  nouveau, 
accusé  surtout  par  la  présence  du  Renne,  que  j'ai  été  le  premier  à 
signaler  dans  les  gisements  de  Grimaldi. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI. 


259 


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260  Marcellin  BOULE. 

La  superposition  de  ces  deux  faunes,  l'inférieure  dénotant  un 
climat  chaud,  la  supérieure  dénotant  un  climat  froid,  a  été  cons- 
tatée maintes  fois  dans  l'Europe  centrale  et  occidentale.  En  France 
surtout,  nous  ne  manquons  pas  d'observations  précises  à  cet 
égard,  mais  on  s'est  souvent  demandé  si  la  môme  superposition 
pouvait  être  admise  pour  les  pays  méridionaux  ou  si,  au  contraire, 
les  faunes  chaudes  du  Midi  n'avaient  pas  été  contemporaines  des 
faunes  froides  du  Nord.  L^étude  stratigraphique  et  paléontologique 
de  la  Grotte  du  Prince  nous  montre  que  cette  succession  doit  être 
admise  pour  la  Côte  d'Azur  comme  pour  les  Pyrénées,  les  bords 
de  la  Seine  ou  de  la  Tamise.  Nous  savions  d'ailleurs,  par 
M.  Forsyth-Major,  qu'à  un  certain  moment  des  temps  quater- 
naires, le  Campagnol  des  Neiges  est  descendu  dans  la  plaine 
lombarde;  par  A.  Milne- Edwards  que  le  Harfang  a  probablement 
vécu  en  Sardaigne  ;  par  Nehring  que  le  Lemming  de  Norwège  est 
parvenu  jusqu'en  Portugal  ;  par  M.  Rivière  que  le  Glouton  a  fait 
partie  de  la  faune  des  Baoussé -Rousse  ;  par  M.  Régal ia  que  le  golfe 
de  la  Spezia  a  eu  autrefois  un  rude  climat  et  que  la  Calabre  a  été 
envahie  par  quelques  animaux  de  la  faune  des  steppes. 

Quelle  place  doivent  occuper  les  divers  dépôts  de  la  Grotte  du 
Prince  dans  la  série  des  temps  quaternaires?  Avant  de  répondre  à 
cette  question  il  faut  d'abord  s'enlendreau  sujet  delà  classification 
des  dernières  époques  géologiques  et  tout  le  monde  sait  que  l'accord 
est  loin  d'être  fait  à  cet  égard. 

Certaines  classifications,  établies  par  de  purs  géologues,  ont 
l'inconvénient  de  ne  pas  tenir  suffisamment  compte  des  faits  paléon- 
tologiques  ou  archéologiques.  D'autres  ont  l'inconvénient  opposé 
de  ne  s'appuyer  que  sur  les  animaux  fossiles.  En  invoquant  surtout 
les  faits  archéologiques  les  Préhistoriens  sont  arrivés  à  établir  un 
plus  grand  nombre  de  coupures,  une  chronologie  plus  détaillée. 
On  peut  reprocher  à  leur  méthode  de  n'avoir  a  priori  qu'une  portée 
régionale,  de  ne  pouvoir  s'appliquer  qu'à  des  surfaces  restreintes 
de  notre  continent. 

Dès  1888,  j'ai  proposé  une  classification  des  temps  quaternaires 
basée  sur  la  coordination  des  trois  ordres  de  renseignements  (1). 
Les  découvertes  effectuées  depuis  un  peu  partout  ne  me  paraissent 


(l)  M.  Boule,  Essai  de  Paléontologie  stratigraphique  de  l'Homme  {Revue  d' Anthro- 
pologie, 1888  et  1889). 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI. 


261 


pas  devoir  faire  changer  les  grandes  lignes  de  ce  premier  essai,  que 
je  reproduis  ci  dessous  en  le  simplifiant  et  en  modifiant  un  peu  la 
nomenclature. 


DIVISIONS 

géologiques 


PIIÉNOMENKS  ET  FOniMATIOiNS 

géologiques 


ACTUEL 


ANIMAUX 

caractéristiques 


AUuvions  récentes. 

Tourbières. 

Climat  voisin  de  l'actuel. 


Espèces  actuelles. 

Animaux 
domestiques. 


Couches  de  transition.  —  Cerf  élaphe^ 
Castor. 


an 
Pi  j 


[  Dépôts  supérieurs  des 
\  grottes.  Partie  supé- 
supérieur<  rieure  du  loess.  Cli- 
/  mat  froid  et  sec;  ré- 
(  gime  des  steppes. 


Dépôts  de  remplissage 
des  grottes.  Lœss.  AUu- 
vions   des   bas-niveaux 
ou   des  terrasses   infé- 
moyen  <[  rieures. 

Moraines     de     la      3^ 
grande     période     gla 
ciaire.  Climat   froid   et 
humide. 


EPOQUE  DU  RENNE. 

Renne,  Saïga, 

faune 
des  steppes. 


\ 


Alluvious  des  terras- 
ses moyennes.  Tufs 
calcaires.  Climat  doux, 
inférieur^  Moraines  de  la  2^ 
grande  période  gla- 
ciaire. Climat  froid  et 
humide. 


EPOQUE 
DU  MAMMOUTH 

Mammouth, 
Rhinocéros  à 
narines  cloison- 
nées. Ours, 
Hyène    des   ca- 
vernes, etc. 


EPOQUE 

UE  l'hippopotame 

Eléphant  antique. 
Rhinocéros  de 
Merck.  Hippo- 
potame, etc. 


Couches  de  transition  du  Forest-bed,  de  Saint-Prest,  de 
Solilhac.  Climat  tempéré. 


'•«3    f 


PLIOCENE 

supérieur 


AUuvions  des  pla- 
teaux. 

Moraines  de  la  l^e 
grande  extension  gla- 
ciaire. 


ÉPOQUE   DE   L  ÉLÉ- 
PHANT MÉRmiONAL 

Rhinocéros 
étrusque.    Che- 
val de   Sténon, 
etc. 


LXDUSTRIE   HUMAINE 


PERIODE   DES  METAUX 

Age  du  fer. 
Age  du  bronze. 
Age  du  cuivre. 

PÉKIODE  NÉOLITHIQUE 

OU  de  la  pierre  polie 


Industrie  de 

transition 

I        MAGDALÉNIEN 

Sculptures,  gra- 
vures et  peintures 
silex  taillés  pe- 
tits et  très  variés 


MOUSTIERIFN 

Origine  du  tra 
j  vail  de  l'os  ;  si- 
lex    ordinaire 
ment  taillés  sur 
une  seule  face 


CHELLÉKN 

Premières  traces 
humaines  indis- 
cutables en  Eu- 
rope ;  les  beaux 
silex  sont  taillés 

surlesdeuxfaces 


Les  questions  d'accolades  sont  assez  arbitraires!^  puisqu'elles  ne 
représentent  que  des  opérations  de  notre  esprit;  ce  qu'il  faut  éta- 
blir c'est  la  succession  des  événements  et  le  synchronisme  des  phé- 
nomènes. J'avais  autrefois  englobé  la  faune  à  Elephas  meridionalis 
dans  le  Quaternaire  ;  je  préfère  aujourd'hui  la  considérer  comme 


262  Marcellin  BOULE. 

datant  le  Pliocène  supérieur.  Cela  n'a  pas  grande  importance  ;  il 
suffit  de  se  rappeler  que  cette  époque  est  celle  de  la  première 
irrande  extension  glaciaire  dont  les  effets  aient  été  bien  constatés 
en  Europe  (Sc\nikn  de  Geikie,  Gi  nzikn  de  Penck  et  Bruckner). 

Les  dépôts  de  Saint-  Prest  et  de  Solilliac,  en  France,  ceux  du  Forest- 
bed,  en  Angleterre,  ceux  de  Siissenborn  enThuringe,  etc  ,  peuvent 
être  considérés  comme  placés  à  la  limite  du  Pliocène  et  du  Pléisto- 
cène,  c'est-à-dire  du  Tertiaire  et  du  Quaternaire.  Ils  représentent 
la  première  grande  période  interglaciaire  (NoHFOLKiEiN  de  Geikie). 

Le  Quaternaire  comprend  les  temps  pléistocènes  et  les  temps 
actuels. 

Au  Pléistocène  inférieur  correspond  d'abord  une  seconde  période 
glaciaire,  celle  qui  paraît  avoir  été  la  plus  importante  (Saxonien  de 
Geikie,  Mindélun  de  Penck  et  Bruckner),  puis  une  seconde  grande 
période  interglaciaire  (Helvétien  de  Geikie),  marquée  par  une 
faune  composée  d'éléments  indiquant  un  climat  chaud  ;  Éléphant 
antique,  Rhinocéros  de  Merck,  Hippopotame,  Machairodus,  Singes, 
etc.  Les  débris  de  ces  animaux  se  rencontrent,  soit  dans  les  allu- 
vions  les  plus  anciennes  du  système  hydrographique  actuel ,  soit  dans 
les  dépôts  les  plus  inférieurs  des  cavernes.  C'est  aussi  dans  les  ter- 
rains de  cette  époque  qu'on  recueille  les  plus  anciens  instruments 
en  pierre  reconnus  comme  authentiques  par  tout  le  monde.  Au 
point  de  vue  archéologique,  c'est  le  Chelléen,  de  Mortillet  :  déno- 
mination que  je  considère  comme  excellente  au  moins  dans  l'état 
actuel  de  la  science. 

Le  Pléistocène  moyen  est  caractérisé,  au  point  de  vue  géologique, 
par  un  retour  des  grands  phénomènes  glaciaires  (troisième  période, 
PoLANDiËN  de  Geikie,  RissieiN  de  Penck  et  Bruckner),  par  la  forma- 
tion de  nouvelles  nappes  d'alluvions,  tantôt  superposées  à  celles  du 
Pléistocène  inférieur,  tantôt  situées  en  contre- bas  de  celles-ci. 
C'est  l'époque  du  principal  remplissage  des  cavernes  par  les  phé- 
nomènes physiques  et  de  la  formation  des  grandes  masses  du  lœss 
de  nos  pays,  les  origines  de  ces  deux  sortes  de  terrains  étant  tout 
à  fait  analogues.  C'est  aussi  l'époque  du  dernier  creusement  des  val- 
lées, du  dernier  modelé  de  la  topographie  actuelle. 

La  faune  est  très  différente  de  celle  du  Pléistocène  inférieur.  Il 
n'y  a  plus  d'Hippopotame;  l'Éléphant  antique  est  remplacé  par  le 
Mammouth,  le  Rhinocéros  de  Merck  par  le  Rhinocéros  à  narines 
cloisonnées,  et  l'on  sait  que  cette  dernière  espèce,  comme  le  Mam- 
mouth, était  adaptée  aux  rigueurs  d'un  climat  glaciaire.  Le  Pléis- 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  263 

tocène  moyen  a  vu  dans  nos  pays  le  règne  des  grands  Carnassiers  : 
Ours,  Hyène,  Lion  des  cavernes. 

Le  Pléistocène  supérieur  est  mal  caractérisé  aux  points  de  vue 
géologique  et  stratigraphique  ;  les  dépôts  qui  lui  correspondent 
accusent  une  topographie  et  une  hydrographie  très  voisines  de  la 
topographie  et  de  l'hydrographie  actuelles  en  même  temps  qu'un 
climat  froid  et  sec  (1)  ;  dans  les  grottes  ce  sont  surtout  des  apports 
humains,  cendres  de  foyers  et  débris  de  cuisine.  La  faune  ne  diffère 
pas  beaucoup  de  celle  du  Pléistocène  moyen  et,  dans  mon  tableau 
de  1889,  j'avais,  pour  cette  raison,  considéré  les  deux  étages 
comme  ne  formant  qu'un  seul  bloc  géologique.  Pourtant  la  strati- 
graphie des  cavernes  permet  généralement  de  distinguer  deux 
niveaux  successifs  et  ces  deux  niveaux  renferment  des  faunes  un 
peu  différentes  sans  qu'on  puisse  affirmer  que  ces  dilTérences  ne 
sont  pas  dues  à  Fintervention  humaine.  Cette  intervention  a  dû,  en 
effet,  introduire  dans  les  foyers  des  ossements  de  certains  animaux 
qui  n'y  seraient  peut-être  pas  arrivés  par  le  simple  jeu  des  phéno- 
mènes physiques.  Ce  qui  est  certain  c'est  que  le  Renne  est  l'es- 
pèce dominante  de  ce  niveau  oii  il  est  accompagné  de  diverses 
formes  animales  indiquant  un  climat  analogue  à  celui  des  steppes. 

Mais  c'est  surtout  l'archéologie  qui  conduit  à  une  division  très 
nette.  L'ethnographie  des  Hommes  du  Pléistocène  supérieur,  dilfé- 
rente  de  celle  des  Hommes  du  Pléistocène  moyen,  lui  est  aussi  très 
supérieure.  La  distinction,  faite  d'abord  par  Lartet^  d'un  âge  du 
Mammouth  et  d'un  âge  du  Renne,  est  justifiée  par  l'archéologie 
bien  plus  que  par  la  paléontologie.  Elle  se  retrouve  dans  les 
expressions  à  peu  près  correspondantes  de  Moustérien  et  de  Mag- 
dalénien de  Mortillet. 

Revenons  à  la  Grotte  du  Prince.  Ce  gisement  est  remarquable 
par  la  continuité  de  ses  dépôts,  par  l'absence  de  lacunes  stratigra- 
phiques  ;  et,  comme  il  a  été  exploré  avec  le  plus  grand  soin,  on  peut 
s'attendre  à  y  rencontrer  tous  les  passages  d'une  faune  à  rautre,à 
éprouver  une  grande  difficulté  à  fixer  les  points  précis  oii  doivent 
passer  les  lignes  des  coupures. 

(1)  Cette  époque,  considérée  par  moi  comme  post-glaciaire  aurait  été  marquée, 
d'après  divers  géologues,  par  une  ou  plusieurs  nouvelles  phase  d'avancement  des 
glaces  moins  importantes  que  les  premières  (Mecklemboukgien,  etc.,  de  Geikie, 
WuBMiEN  de  Penck  et  Bruckner).  Cela  est  possible,  mais  je  n'ai  personnellement 
pas  d'observations  à  l'appui  de  cette  manière  de  voir.  On  trouvera,  dans  la  2"  sec- 
tion de  ce  travail,  quelques  réllexions  relatives  à  ce  sujet. 


264  Marcellin  BOULE. 

Que  les  dépôts  inférieurs,  c'est-à-dire  les  couches  1,  2  et  les 
loyers  subordonnés  E  et  1)  doivent  être  rapportés  au  Pléistocène 
inférieur  et  considérés  comme  synclironiques  des  couches  de 
Chclles,  cela  ne  saurait,  je  crois,  faire  l'objet  d'un  doute  car,  avec 
les  espèces  caractéristiques  du  Pléistocène  inférieur  :  Hippopo- 
tame, Ëh'^phant  antique,  Uhinocéros  de  Merck,  ces  dépôts  ren- 
ferment un  certain  nombre  de  formes  animales  d'un  caractère  très 
archaïque. 

Ce  rapprochement  étonnera  sans  doute  beaucoup  de  Préhisto- 
riens. Les  pierres  taillées  recueillies  dans  les  niveaux  les  plus  infé- 
rieurs de  la  Grotte  du  Prince  sont,  en  effet,  différentes  des  types 
caractéristiques  des  gisements  chelléens  classiques;  elles  repro- 
duisent les  formes  de  l'industrie  dite  moiistiérienne,  qui  est  ordinai- 
rement associée  en  Europe  à  la  faune  du  Mammouth. 

Faisant  ici  surtout  œuvre  de  géologue  et  de  paléontologiste  et 
nullement  d'anthropologiste,  je  devrais  laissera  mes  savants  amis, 
MM.  Gartailhac  et  Verneau,  le  soin  de  discuter  et  d'expliquer  cette 
anomahe.  Je  me  permettrai  pourtant  de  présenter  quelques  obser- 
vations. 

La  première  idée  qui  s'offrira  à  l'esprit  des  Préhistoriens,  pour 
qui  l'argument  archéologique  a  plus  de  valeur  que  tout  autre,  sera 
de  supposer  que  la  faune  chaude,  à  Éléphant  antique  et  Hippopo- 
tame, a  vécu  sur  la  Côte  d'Azur  pendant  que  la  faune  froide  régnait 
dans  le  reste  de  la  France.  On  pourrait  peut-être  admettre  cette 
explication  si  l'on  n'avait  trouvé  que  des  débris  d'espèces  chaudes 
dans  les  gisements  des  Baoussé-Roussé.  Mais  nous  avons  vu  que  la 
faune  froide  y  est  représentée  dans  des  couches  superposées^  comme 
partout  ailleurs,  à  celles  de  la  faune  chaude. 

Les  géologues  enclins  à  multiplier  les  périodes  glaciaires  et  dési- 
reux de  trouver  dans  les  données  paléontologiques  des  arguments 
en  faveur  de  leurs  conceptions  d'ordre  purement  physique^  penseront 
peut  être  que  la  faune  chaude  des  foyers  inférieurs  de  la  Grotte  du 
Prince  n'est  pas  contemporaine  de  celle  de  Chelles  mais  qu'elle 
correspond  à  un  retour  de  cette  faune  pendant  une  époque  inter- 
glaciaire plus  récente.  Je  ferai  remarquer,  dans  ce  cas,  qu'aucun 
fait  ne  vient  à  l'appui  d'une  telle  hypothèse  ;  qu'une  pareille  alter- 
nance n'a  jamais  été  constatée  dans  des  couches  en  superposi- 
tion (1).  Et  d'un  autre  côté,  puisque  Findustrie  moustiérienne  est 

(1)  Il  m'est  impossible  de  compreûdre  sur  quelles  données  MM.Penck  et  Briickner 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  265 

partout  ailleurs  contemporaine  d'une  faune  froide,  elle  ne  saurait 
indiquer  que  des  conditions  glaciaires  et  non  interglaciaires. 

Il  nous  faut  donc  admettre,  et  c'est  à  mes  yeux  un  des  plus 
importants  parmi  les  résultats  scientifiques  nouveaux  fournis  par 
l'exploration  méthodique  de  la  Grotte  du  Prince,  que  dans  ce  gise- 
ment l'industrie  moustiérienne,  c'est-à  dire  Tinduslrie  générale- 
ment considérée  comme  caractéristique  du  Pléistocène  moyen,  est 
contemporaine  de  la  faune  chelléenne,  c'est-à  dire  de  la  faune  du 
Pléistocène  inférieur. 

Ce  fait,  si  inattendu  qu'il  soit,  n'offre,  après  réflexion^  rien  d'ex- 
traordinaire. S'il  nous  étonne  un  peu  c'est  peut-être  parce  que  nous 
connaissons  très  mal  le  faciès  industriel  des  dépôts  des  cavernes 
remontant  au  Pléistocène  inférieur.  L'industrie  dite  moustiérienne 
est  une  des  plus  primitives  qu'on  puisse  imaginer;  elle  est  plus 
simple  certainement  que  celle  qui  a  produit  les  beaux  spécimens  de 
Chelles  et  de  Sainl-Acheul,  puisqu'elle  ne  se  compose  que  d'éclats 
retouchés  sur  les  bords.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'elle  nous 
apparaisse  dès  les  débuts  de  la  période  paléolithique.  D'ailleurs  les 
stations  humaines  renfermant  à  la  fois  l'industrie  chelléenne  et  l'in- 
dustrie moustiérenne  sont  extrêmement  nombreuses  (1).  Le  gise- 
ment de  Chelles  lui-même  offre,  à  côté  des  pièces  de  choix  que 
recueillent  tous  les  collectionneurs,  une  foule  de  types  plus  petits, 
analogues  à  nos  pierres  taillées  des  foyers  inférieurs,  et  beaucoup 
des  éolithes  signalés  par  M.  Rutot  dans  les  alluvions  quaternaires 
de  la  Belgique  sont  des  produits  de  cette  industrie  primitive.  Par 
contre,  nous  connaissons  des  gisements  d'une  industrie  purement 
chelléenne,  comme  celle  des  quartzites  des  environs  de  Toulouse 
qui  sont  exactement  contemporaines  de  la  faune  froide  et  qui,  par 
suite,  tiennent  ici  la  place  du  Moustiérien.  Ces  différences  ne  sau- 
raient avoir  une  grande  portée  au  point  de  vue  chronologique;  elles 
tiennent  souvent  à  des  causes  accidentelles.  Il  est  possible,  par 
exemple,  que  les  Paléolithiques  des  Baoussé- Rousse,  forcés  de 
tailler  leurs  instruments  dans  des   galets  de  petites  dimensions 

se  sont  appuyés  pour  placer  une  faune  à  Elephas  anliquus  et  Rhinocéros  Mercki  entre 
le  Moustiérien  et  le  Solutréen  (voy.  Obermaiek,  in  L'Anthropologie,  t.  XV,  p.  31). 

Quoique  partisan  de  la  périodicité  des  grands  phénomènes  glaciaires  qui  ont  mar- 
qué la  fin  du  Tertiaire  elle  Quaternaire,  je  ne  puis  dissimuler  que  les  observations 
d'ordre  purement  paléontologique  ne  s'accordent  pas  avec  une  trop  grande  multi- 
plicité des  phases  glaciaires  et  interglaciaires. 

(1)  D'Acy  en  a  donné  une  énumération  fort  longue  quoique  incomplète  dans  UAn- 
thropologie,  t.  V,  p.  371. 


266  Marcellin  BOULE. 

n'aient  pu  se  procurer  des  blocs  de  matière  première  d'un  volume 
suflisant  pour  la  fabrication  de  grandes  pièces  amygdaloïdes. 

Les  faits  d'ordre  géologique  et  paléontologique  ont  une  significa- 
tion et  une  portée  plus  générales  que  les  faits  ethnograpliiqiies 
parce  qu'ils  sont  indépendants  de  Faction  humaine.  C'est  aux  géo- 
logues et  aux  paléontologistes  qu'il  appartient  d'établir  les  grandes 
divisions  des  temps  quaternaires  et  c'est  dans  les  cadres  fixés  par 
eux  que  les  Préhistoriens  pourront  à  leur  tour  faire  des  subdivi- 
sions archéologiques.  Dans  le  cas  actuel  j'estime  que  l'ethnographie 
doit  s'incliner  devant  la  géologie  et  la  paléontologie.  11  ne  me  paraît 
pas  possible  de  douter  que  les  foyers  inférieurs  de  la  Grotte  du 
Prince,  à  faune  chaude,  ne  doivent  être  rapportés  au  Pléistocène 
inférieur. 

C'est  aussi  dans  cet  étage  que,  pour  des  raisons  développées  dans 
la  deuxième  section  de  ce  travail,  je  fais  entrer  la  plage  marine;  il 
est  donc  probable  que  les  dépôts  subaériens,  à  fossiles  terrestres, 
ne  représentent  que  la  partie  supérieure  de  ce  Pléistocène  inférieur. 

Le  Pléistocène  moyen  et  le  Pléistocène  supérieur  sont  ici  très 
difficiles  à  délimiter.  Je  serais  porté  à  attribuer  presque  tout  le 
reste  du  remplissage  au  Pléistocène  moyen,  le  foyer  C  faisant  tran- 
sition. 11  faut  lui  rapporter,  à  coup  sûr  les  couches  4,  5,  6,  qui  cor- 
respondent à  une  période  de  grande  activité  des  agents  atmosphé- 
riques :  désagrégation  des  roches,  accumulation  de  brèches  tant  à 
l'extérieur  qu'a  l'intérieur  des  grottes,  dépôt  de  couches  d'argile  à 
ossements. 

Je  ne  saurais  affirmer  qu'il  y  ait,  dans  la  Grotte  du  Prince,  des 
couches  fossilifères  représentant  le  Pléistocène  supérieur,  lequel 
est  plus  développé,  comme  nous  le  verrons  tout  à  l'heure,  dans  les 
grottes  voisines  où  les  apports  humains  sont  plus  importants,  où 
les  phénomènes  physiques  ont  joué  un  moins  grand  rôle  dans  le 
remplissage  et  où,  surtout,  les  documents  archéologiques  et  anthro- 
pologiques, plus  nombreux  et  plus  variés,  permettent  de  faire  des 
divisions  plus  précises. 

LA  GROTTE  DES  ENFANTS 

Conclusions. 

La  Grotte  des  Enfants  nous  offre  des  caractères  fort  différents  de 
ceux  de  la  Grotte  du  Prince,  tant  au  point  de  vue  de  la  nature  des 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI. 


267 


terrains  de  remplissage  qu'à  celui  de  leur  contenu  (1).  Les 
Hommes  paléolithiques  y  ont  séjourné  d'une  façon  à  peu  près  per- 
manente pendant  toute  la  long-ue  durée  qui  correspond  à  la  forma- 
tion de  couches  superposées  sur  près  de  10  mètres  d'épaisseur  et 


GROTTE      DES      ENFANTS 


FiG.  2.  —  Coupes  longitudinale  et  transversale  de  la  Grotte  des  Enfants. 

offrant  presque  toutes,  à  un  degré  plus  ou  moins  accusé,  le  carac- 
tère d'apports  et  de  foyers  humains  (Voyez  fig.  2). 

Tout  ce  remplissage  est  quaternaire  puisque  le  Renne  a  laissé  ses 
traces  dans  les  couches  tout  à  fait  supérieures  (l^*^  coupe)  (2);  c'est 
là  un  premier  résultat  auquel  conduit  l'étude  de  la  faune.  Et  ce 
résultat  est  des  plus  importants  au  point  de  vue  de  la  solution  du 
prohlème,  tant  discuté,  de  l'âge  des  squelettes  humains. 

La  Paléontologie  est  ici  d'accord  avec  l'Archéologie  pour  démon- 
trer que,  dans  leur  ensemble,  les  dépôts  de  la  Grotte  des  Enfants 

A-l^'u^  i'"'^''''^'''''  '^^°'  l'ouvrage  d'où  ces  paragraphes  sont  extraits,  la  description 
détaillée  des  terrains  de  remplissage  de  la  Grotle  des  Enfants. 
(2)  Entre  C  et  B  des  figures  ci-dessus. 


268  Mahcellin  BOULE. 

sont  un  peu  plus  récents  que  ceux  de  la  Grotte  du  Prince  ou,  pour 
parler  d'une  façon  plus  précise,  que  les  couches  inférieures  y  sont 
un  peu  moins  anciennes  et  les  couches  supérieures  un  peu  plus 
récentes. 

Les  couches  les  plus  profondes,  reposant  immédiatement  sur  le 
plancher  rocheux  de  la  grotte,  ne  renfermaient  ni  Elephas  anliquus^ 
ni  Hippopotame.  Le  seul  élément  caractéristique  du  Pléistocène 
inférieur  qui  y  ait  été  rencontré  est  le  Rhinocéros  Mercki.  Or,  il 
semble  ressortir  de  l'étude  de  la  Grotte  du  Prince  et  de  celle 
d'autres  gisements  européens,  surtout  de  l'Europe  méridionale, 
que  le  Rhinocéros  Mercki  paraît  avoir  survécu  dans  nos  contrées  à 
l'Hippopotame  et  à  l'Eléphant  antique.  La  présence  du  Rhinocéros 
de  Merck  ne  suffirait  donc  pas  toujours,  à  mon  avis,  pour  caracté- 
riser le  Pléistocène  inférieur.  Pour  ce  qui  est  de  la  Grotte  des 
Enfants  on  peut  encore  remarquer  que  le  Rhinocéros  de  Merck  est 
associé,  dans  les  couches  inférieures^  à  VUrsus  spelœiis  en  môme 
temps  qu'à  XUrsus  arctos.  Je  serais  donc  porté  à  rapprocher  ces 
couches  inférieures  (  1 0^  et  9^  coupes)  (  1)  non  pas  des  premiers  foyers 
E  et  D  de  la  Grotte  du  Prince,  mais  du  foyer  G,  c'est-à-dire  de  les 
considérer  comme  formant  le  passage  du  Pléistocène  inférieur  au 
Pléistocène  moyen. 

Les  squelettes  de  Négroïdes  du  foyer  I,  lequel  surmonte  directe- 
ment ces  dépôts  inférieurs,  appartiendraient  donc  au  Pléistocène 
moyen  et  seraient  ainsi  sensiblement  de  l'âge  des  squelettes  de  Spy, 
en  Belgique. 

Le  foyer  H,  renfermant  le  grand  squelette  masculin,  a  livré  une 
faune  ne  différant  par  aucun  caractère  important  de  celle  du  foyer  I  ; 
je  la  rapporte  encore  au  Pléistocène  moyen,  ce  qui  entraîne  à  vieil- 
lir notablement  la  race  humaine  dite  de  Cro-Magnon  représentée 
dans  le  foyer  H. 

Quand  on  examine  les  listes  d'animaux  établies  plus  haut,  couche 
par  couche,  on  est  frappé  de  voir  qu'à  partir  de  ce  foyer  H  jusqu'au 
sommet  des  dépôts,  la  faune  est  très  uniforme;  les  grandes  espèces 
carnivores  y  sont  rares  ce  qui  peut  s'expliquer,  en  dehors  de  toutes 
considérations  chronologiques,  par  le  fait  que  la  grotte,  continuel- 
lement habitée  par  l'Homme,  ne  pouvait  servir  de  repaire. 

Le  Renne  a  été  trouvé  dans  les  5°  et  1"  coupes  (2)  ;  il  est  très  logi- 

(1)  Comprenant  les  foyers  L  et  K  des  figures  ci-jointes. 

(2)  C'est-à-dire  vers  le  foyer  F  et  entre  C  et  B  des  figures  ci-jointes. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  269 

que  de  supposer  que  ces  niveaux  supérieurs  de  la  grotte  sont  con- 
temporains de  la  plus  grande  extension  de  cet  animal  et  qu'il  faut  les 
rapporter  à  l'âge  du  Renne,  c'est-à-dire  au  Pléistocène  supérieur. 
Dès  lors  Fàge  des  squelettes  humains  trouvés  par  M.  Rivière 
d'abord,  dans  le  foyer  G,  et  par  M.  de  Villeneuve  ensuite,  dans  le 
foyer  B,  se  trouve  parfaitement  établi.  11  n'est  pas  douteux  que  ces 
squelettes  soient  pléistocènes;  mais  on  peut  affirmer,  je  crois, 
qu'ils  ne  remontent  pas  au-delà  du  Pléistocène  supérieur. 


PALEOGÉOGRAPHIE 

Formations  marines  aux  Baoussé-Roussé  (1). 

Nous  avons  maintenant  les  moyens  de  reconstituer  l'histoire  géo- 
logique des  grottes  des  Baoussé-Roussé.  Gelles-ci  ont  pu  prendre 
naissance  dès  que  les  phénomènes  orogéniques  eurent  placé  dans 
la  situation  qu'ils  occupent  aujourd'hui,  les  calcaires  jurassiques 
dans  lesquels  elles  sont  creusées,  c'est-à-dire  dès  la  Hn  du  Miocène. 
Leur  formation  se  rattache  au  phénomène  général  des  cavernes  en 
pays  calcaire  :  élargissement  des  joints  ou  des  fissures  de  la  roche 
parles  eaux  atmosphériques  de  pénétration;  remplissage  par  désa- 
grégation des  parois  et  apports  extérieurs  dus  au  ruissellement. 

Au  début  du  Pliocène,  la  Côte  d'Azur,  comme  la  plupart  des 
régions  circum-méditerranéennes,  a  dû  subir  des  mouvements 
positifs;  la  mer  a  envahi  une  partie  des  territoires  anciennement 
émergés.  Si  certaines  des  cavités  souterraines  s'ouvraient  déjà  à 
l'extérieur,  les  vagues  n'ont  pu  que  les  débarrasser  de  leurs  pre- 
miers dépots  meubles  de  remplissage  et  augmenter  leurs  dimen- 
sions. Nous  savons  que  vers  la  fin  du  Pliocène  le  niveau  de  la  mer 
était  beaucoup  moins  élevé  qu'au  début.  Le  mouvement  négatif 
a-t-il  été  régulièrement  progressif  ou  a-t-il  été  interrompu  par  des 
mouvements  positifs?  Je  ne  connais,  dans  la  région,  aucun  fait  qui 
me  permette  de  répondre  à  cette  question.  Mais  je  tâcherai  de 
montrer  plus  loin  qu'il  a  dû  y  avoir,  pendant  la  durée  du  Pliocène, 
une  série  de  mouvements  de  sens  contraire  dont  nous  ne  pouvons 
apprécier  ici  que  le  résultat  final.  Pendant  la  durée  des  mouvements 
négatifs,  beaucoup  d'excavations  des  roches  calcaires  sous-marines 

(1)  Couclusions  d'uQ  chapitre  cousacré  à  l'élude  des  plages  marines  de  l'intérieur 
de  la  Grotte  du  Prince  et  de  ses  abords. 


270  Marcellfn  BOULE. 

émergeaient  peu  à  peu  pour  être  bientôt  remplis  de  dépôts  subaé- 
riens, destinés  eux-mêmes  à  disparaître  à  la  suite  de  nouveaux 
changements  du  niveau  de  base  des  cours  d'eau  souterrains,  etc. 

On  sait,  en  eiïet,  que  ces  très  anciens  remplissages  de  grottes 
ou  de  cavernes  ne  s'observent  que  rarement.  J'en  ai  signalé  un 
exemple  dans  les  Pyrénées,  et,  en  Angleterre,  M.  Boyd-Dawkins  a 
décrit  une  caverne  avec  contenu  paléontologique  de  l'époque  plio- 
cène. 11  semble  qu'il  en  existe  des  traces  à  la  Grotte  du  Prince 
même,  sous  forme  de  lambeaux  de  brèches  soudées  à  la  paroi  cal- 
caire des  Baoussé- Rousse,  à  la  sortie  du  tunnel  et  bien  au-delà  des 
limites  extérieures  du  cône  de  remphssage  de  la  grotte  tel  qu'il  exis- 
tait avant  l'établissement  du  chemin  de  fer. 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  un  certain  moment,  qui  correspond  à  la  fin 
du  Pliocène  ou  au  début  du  Quaternaire,  la  Grotte  du  Prince,  com- 
plètement débarrassée  de  tout  remplissage  antérieur,  était  baignée 
par  les  eaux  d'une  mer  dont  le  niveau  s'est  maintenu  longtemps  à 
la  cote  d'environ  +  25  mètres.  Le  niveau  de  cette  mer  s'est  abaissé 
peu  à  peu  jusqu'à  la  cote  +12  mètres  où  elle  a  édifié  les  dépôts 
coquilliers  qui  recouvrent  le  plancher  de  la  grotte.  Puis  le  mouve- 
ment négatif  a  dû  continuer. 

11  me  paraît  en  effet  impossible  que  de  grands  et  lourds  Pachy- 
dermes aient  pu  circuler  avec  facilité  sur  le  territoire  des  Baoussé- 
Roussé  tel  que  nous  le  voyons  aujourd'hui.  L'existence,  au  large 
des  rochers  de  la  côte  et  à  une  faible  profondeur,  d'une  plate -forme 
sous-marine  s'étendant  fort  loin,  m'a  paru  ressortir  de  l'examen 
des  cartes  hydrographiques.  J'ai  pensé  qu'il  y  avait  là  une  indica- 
tion qu'après  le  dépôt  des  sables  à  Slrombus  buboiims^  la  mer,  en  se 
retirant,  a  laissé,  entre  elle  et  les  rochers  escarpés  du  littoral,  un 
espace  assez  vaste  pour  permettre  aux  Eléphants,  aux  Rhinocéros, 
aux  Hippopotames,  de  se  livrer  à  des  évolutions  auxquelles  la  topo- 
graphie actuelle  ne  saurait  se  prêter. 

Un  géologue  anglais,  G.  Maw  (1),  a  signalé  un  fait  curieux  à  cet 
égard.  Les  cavernes  de  Menton,  dit-il,  dont  l'origine  est  subaé- 
rienne, se  prolongent,  au  moins  sur  un  point,  à  une  distance  con- 
sidérable sous  la  mer.  En  face  de  ces  cavernes,  une  source  jaillit 
dans  la  mer  avec  une  force  suffisante  pour  produire,  par  temps 
calme,  une  petite  oasis  dans  l'eau  salée.  Cette  source  débouchait  et 

(1)  Oq  the  évidence  of  récent  changes  of  level  in  the  Mediterranean  Coast-Line 
{Geol.  Magaz.,  t.  VII,  ISTO,  p.  548). 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  211 

coulait  probablement  autrefois  sur  la  terre  ferme  et  depuis  celle 
époque  la  terre  a  dû  être  submergée. 

Afin  d'avoir  des  données  plus  précises,  S.  A.  S .  le  Prince  Albert  P"" 
a  bien  voulu  faire  procéder  par  M.  Sauerwein  à  des  sondages  aux- 
quels j'ai  eu  le  plaisir  d'assister.  La  carie  planche  XII  montre  la 
bathymétrie  de  la  région  comprise  entre  Monaco  et  San  Lorenzo, 
telle  qu'elle  résulte  de  ces  sondages  et  des  documents  antérieurs. 
La  plate-forme  sous-marine  est  bien  dessinée  en  face  de  Grimaldi, 
de  San-Remo,  de  San-Lorenzo,  où  elle  a  de  5  à  6  kilomètres  de 
largeur. 

A  partir  du  rivage  actuel  le  sol  sous-marin  s'abaisse  lentement 

d'attiTtiondo 
1377"" 


629 
i  Baoussé  Housse 


FiG.  3.  —  Protil  des  Alpes  et  de  la  Méditerranée  passant  parles  Baoussé- Rousse. 

jusqu'à  une  profondeur  comprise  entre  iSO  et  200  mètres.  Au-delà 
de  la  courbe  bathymétrique  200,  les  pentes  augmentent  brusque- 
ment. Le  profil  de  la  croûte  terrestre,  entre  le  Monte-Grammondo 
et  un  point  situé  à  lo  kilomètres  environ  au  large  de  Grimaldi  est 
une  ligne  brisée  formée  schématiquement  de  trois  parties  (fig.  3). 
Les  deux  éléments  extrêmes,  AB,  CD,  représentent,  le  pre- 
mier, l'inclinaison  générale  du  versant  de  la  chaîne  alpine,  le  second 
l'inclinaison  générale  des  fonds  sous-marins;  ils  sont  sensiblement 
parallèles  et  accusent  une  pente  d'environ  16  à  17  0/0.  L'élément 
moyen,  qui  figure  la  plate-forme  de  raccordement^  n'a  qu'une  pente 
de  2  à  3  0/0.  Il  est  clair  que  cette  disposition  résulte  de  l'action  de 
la  mer  au  cours  des  déplacements  de  son  niveau,  à  une  époque  ou 
à  des  époques  géologiques  relativement  peu  éloignées.  11  n'est  pas 
trop  téméraire  de  supposer  que  l'amplitude  du  mouvement  négatif, 
dont  nous  avons  relevé  les  traces  dans  la  Grotte  du  Prince,  peut 
être  mesurée  par  la  valeur  de  la  courbe  limite  de  la  plate-forme. 


212  Marcellin  boule. 

La  carte  montre  admirablement  un  autre  phénomène  déjà  signalé 
par  M.  Issel  (1).  C'est  Texistence,  au  droit  des  grandes  vallées 
actuelles  de  la  Ligurie  (Roya,  JNervia,  Arma,  Taggia,  etc.),  d'une 
topographie  sous-marine  qui  représente,  de  toute  évidence,  le  pro- 
longement de  ces  vallées.  Ce  phénomène  se  retrouve  sur  beaucoup 
d'autres  points  du  globe  et  a  fait  l'objet  d'intéressants  travaux  (2). 
L'explication  qu'en  a  donnée  M.  Suess  (3j,  qu'il  s'agit  non  d'un 
creusement  mais  d'une  accumulation  de  sédiments  de  part  et 
d'autre  du  cours  d'eau  prolongé  dans  la  mer,  ne  saurait  être 
adoptée  dans  tous  les  cas.  Et  ici,  en  particulier,  il  ne  me  paraît  pas 
douteux  qu'il  s'agisse  d'une  topographie  subaérienne  aujourd'hui 
submergée,  probablement  contemporaine  de  la  grande  période 
d'émersion  pontienne. 

Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  la  vallée  sous-marine  ne  se 
relie  pas  complètement  à  la  vallée  continentale.  11  y  a  une  solution 
de  continuité  entre  les  deux.  Ce  n'est  que  vers  la  couche  bathymé- 
trique  limite  de  la  plate-forme,  c'est-à-dire  vers  la  courbe  200,  que 
la  topographie  de  la  vallée  submergée  commence  à  s'accuser.  Cette 
disposition  s'explique,  d'un  côté  par  les  déplacements  du  niveau  de 
la  mer  s'exerçant  entre  les  courbes  0  et  —  200  et  par  Tarasement 
dû  à  l'action  des  vagues,  d'un  autre  côté  par  un  remblaiement  dû 
aux  apports  des  rivières;  les  deux  phénomènes  devant  aboutir  à  un 
aplanissement  général  dans  la  traversée  de  la  plate-forme. 

Quelle  amplitude  peut-on  assigner  au  mouvement  de  retour  de 
la  mer?  Il  est  possible  que  certaines  plages,  émergées  à  de  très 
basses  altitudes  et  signalées  par  divers  géologues  sur  la  Côte  d'Azur 
comme  ayant  un  faciès  plus  récent,  doivent  être  rapportées  à  ce 
mouvement  positif.  Mais  ce  n'est  pas  démontré.  La  distinction 
n'est  basée  que  sur  l'absence,  qui  peut  être  accidentelle,  de  quel- 
ques rares  espèces  de  Mollusques  et  j'ai  déjà  insisté  sur  le  peu  de 
valeur  d'un  tel  argument.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  ce  mouve- 
ment positif,  dont  la  réalité  ne  saurait  être  niée  puisque  c'est  lui 
qui  a  ramené  la  mer  dans  ses  limites  actuelles,  n'a  pas  permis  à 


(1)  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  Sciences,  24  et  31  janvier  1887. 

(2)  SaDS  parler  de  la  littérature  sur  les  fjords  de  Norwège,  il  faut  citer  surtout  : 
Spencek  (J.-W.),  Reconstruction  of  the  Antilleaa  Continent  [BulL  of  the  geol.  Soc.  of 
America,  vol.  6,  1895),  et  Hull  (G.).  On  the  Oceanic  terraces  and  river  valleys  [Vic- 
toria Instilule  Trans.,  1899).  —  Anciennes  vallées  envahies  par  la  mer  {Congrès  géol. 
intern.,  Paris,  1900,  vol.  I,  p.  321). 

(3)  La  Face  de  la  Terre  (Trad.  de  Margerie),  t,  11,  p.  852. 


LES  GROTTES  DE  GRIMÂLDI.  273 

relle-ci  de  dépasser  le  seuil  général  des  grottes  de  Grimaldi,  c'est- 
à-dire,  l'altitude  de  10  mètres  environ.  Les  dépôts  meubles  du  rem- 
plissage de  la  Grotte  du  Prince  et  de  la  Barma  di  Baousso  da  Torre 
ainsi  que  les  cendres  des  foyers  n'ont,  en  efî'et,  présenté  aucune 
trace  de  remaniement  ou  de  brassage  par  les  flots.  On  m'a  même 
affirmé  que  certains  talus  archéologiques  arrivaient  jusqu  à  la  mer. 
Il  est  actuellement  très  difficile  de  vérifier  cette  assertion. 

LES    RIVAGES    MÉDITERRANÉENS    AUX   TEMPS    QUATERNAIRES 

La  longue  enquête  que  je  viens  de  résumer  (1)  aura  au  moins 
l'avantage  de  montrer  combien  ce  que  nous  savons  est  peu  de 
chose  à  côté  de  ce  que  nous  ignorons.  Elle  sera,  je  pense,  de  quel- 
que utilité  aux  géologues  qui  s'intéressent  à  Fliistoire  des  temps 
quaternaires,  en  constituant  une  sorte  d'introduction  à  leurs  recher- 
ches personnelles  sur  les  mêmes  sujets.  Il  me  semble  de  plus  que 
les  résultats  de  cette  enquête,  complétant  les  données  nouvelles 
recueillies  à  Grimaldi,  se  prêtent  à  quelques  vues  d'ordre  général. 

La  précision  et^  par  suite,  la  valeur  des  observations  que  j'ai 
rapportées  sont  forcément  inégales.  Dans  un  essai  de  synthèse 
comme  celui  que  je  désire  tenter  ici,  il  faut,  d'une  part,  tenir  grand 
compte  de  ces  différences  et^  d'autre  part,  ne  s'appuyer  que  sur  des 
faits  d'ordre  positif. 

Le  phénomène  de  déplacement  des  rivages  pendant  les  dernières 
■époques  géologiques  est  un  phénomène  général  pour  la  Méditerranée. 
—  C'est  la  première  conclusion  qui  se  dégage  deTensemblede  nos 
observations.  Depuis  le  détroit  de  Gibraltar  jusqu'à  la  côte  syrienne 
il  n'est  pas  un  pays  du  littoral  méditerranéen  qui  ne  présente  sa 
guirlande  de  dépôts  marins  émergés  à  des  hauteurs  variable's  au- 
dessus  de  la  mer  actuelle. 

Des  savants  distingués,  partant  de  cette  idée  a  priori  que  les 
dépôts  horizontaux  de  même  altitude  doivent  être  partout  du  même 
âge,  se  sont  donné  la  tâche  de  rapporter  ces  dépôts  à  un  certain 
nombre  de  mers  caractérisées  par  leurs  altitudes.  On  aurait  ainsi 
les  mers  de  200  mètres,  150  mètres,  100  mètres,  60  mètres,  etc., 

(1)  Pour  essayer  de  donner  aux  questions  soulevées  par  l'étude  des  formations 
marines  des  Haoussé  Rousse,  toute  l'ampleur  dont  elles  me  paraissent  susceptibles, 
j'ai  passé  en  revue,  dans  un  long  chapitre,  avec  de  nombreuses  indications  biblio- 
grapiiiques,  les  observations  du  même  ordre  faites  sur  d'autres  points  du  littoral 
méditerranéen. 

l'anthropologie.  —  T.  xvri.  —  1906.  18 


27i  Marcellin  boule. 

jusqu'à  la  mer  actuelle.  Mieux  vaudrait,  à  mon  sens,  chercher  à 
lixer,  pour  chaque  rég-ion,  Tàge  de  ses  diverses  formations  marines 
et  comparer  ensuite  les  altitudes  des  formations  synchroniques  des 
divers  pays. 

Abaissement  progressif  des  lignes  de  rivages  depuis  le  début  du 
Pliocène.  —  D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  tout  se  passe 
comme  si,  depuis  le  maximum  de  la  transgression  pliocène  (3^  étage 
méditerranéen  de  M.  Suess),  le  niveau  de  la  mer  s'était  abaissé  pro- 
gressivement autour  des  continents  d'ailleurs  encore  très  instables. 
Que  ce  mouvement  négatif  ait  été  interrompu  ou  non  par  des 
retours  positifs,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  le  résultat  final  est 
qu'à  la  tin  du  Pliocène  le  niveau  général  et  relatif  de  la  mer,  dans 
la  région  méditerranéenne^  était  inférieur  à  celui  qu'elle  atteignit  à 
certains  moments  du  Pliocène  inférieur  et  du  Pliocène  moyen. 

Nous  savons  de  plus  que  le  Pliocène  supérieur  a  été  marqué  par 
un  refroidissement  des  eaux  marines,  aussi  bien  de  la  Méditerranée 
que  de  l'Atlantique,  et  qu'il  a  été  suivi  de  très  près  par  la  plus 
importante  des  invasions  glaciaires  continentales. 

Sur  bien  des  points,  en  France,  en  Algérie,  en  Egypte,  etc  ,  le 
niveau  de  cette  mer  du  Pliocène  supérieur  paraît  se  tenir  autour  de 
la  cote  -\-  60  mètres.  Mais  ailleurs  (Italie  méridionale,  Sicile, 
Grèce,  Egéide,  etc.),  les  altitudes  de  ses  dépôts  sont  parfois  très 
diiïérentes,  ce  qui  prouve  que  les  grands  mouvements  tectoniques, 
surrection  de  certaines  parties  continentales,  efl'ondrement  de 
fosses  marines,  n'étaient  pas  encore  terminés. 

Les  dépôts  quaternaires  sont  presque  partout  sensiblement  hori- 
zontaux et,  par  suite ^  postérieurs  aux  grands  mouvements  tecto- 
niques. —  Mais  il  résulte,  par  contre,  des  observations  que  nous 
avons  faites  au  cours  de  notre  périple  méditerranéen  que  les  for- 
mations, dont  l'âge  quaternaire  est  bien  établi  par  la  Paléontologie, 
ont  presque  partout  conservé  leur  horizontalité  primitive  et  ne  sau- 
raient, par  suite,  avoir  été  soumises  à  de  grands  mouvements 
d'ensemble  de  l'écorce  terrestre,  sauf  peut-être  dans  l'Italie  méri- 
dionale et  en  Sicile,  régions  encore  soumises  à  un  régime  volca- 
nique et  sismique  des  plus  intenses  (1). 

Théoriquement,  il  paraît  donc  possible,  dans  la  Méditerranée,  de 

(1)  On  observe  le  contraire  dans  d'autres  parties  du  globe,  notamment  dans 
l'Europe  septentrionale,  autrefois  occupées  par  d'immenses  calottes  de  glace;  je  n'ai 
pas  la  pensée  d'établir  une  règle  générale* 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDl.  218 

fixer  la  position  des  lignes  de  rivage  correspondant  aux  diverses 
étapes  des  mouvements  de  la  mer  depuis  la  (in  du  Pliocène.  11 
semble  qu'au-dessus  d'une  certaine  altitude,  ne  dépassant  pas 
60  mètres,  on  n'ait  affaire  qu'à  des  dépôts  pliocènes.  On  a  bien  con- 
sidéré comme  quaternaires  des  plages  émergées  à  des  altitudes  plus 
élevées  mais,  ou  bien  ces  dépôts  ont  été  observés  dans  des  régions 
volcaniques  souvent  ébranlées,  ou  bien  ils  sont  mal  caractérisés  au 
point  de  vue  paléontologique  et  rien  n'empêche  de  les  attribuer 
au  Pliocène  supérieur  plutôt  qu'au  Pléistocène. 

En  réalité  les  plages  émergées  vraiment  quaternaires  se  tiennent 
généralement  à  une  altitude  comprise  entre  0  et  30  mètres.  Les 
cotes  30,  lo,  8  mètres  sont  les  plus  fréquentes  d'un  bout  à  l'autre 
de  la  Méditerranée.  Ce  fait  n'a  pas  manqué  de  frapper  tous  les 
auteurs  qui  se  sont  occupés  de  la  question  depuis  le  général  de  La 
Marmora,  qui  écrivait  il  y  a  un  demi-siècle,  jusqu'aux  auteurs  les 
plus  récents,  MM.  de  Lamothe,  Négris,  etc. 

La  plupart  des  plages  quaternaires  se  rapportent  au  Pléistocène 
inf trieur.  —  Vu  leur  faible  altitude,  les  plages  quaternaires  ont 
donné  aux  géologues  qui  s'en  sont  occupés  l'impression  de  terrains 
très  récents.  Elles  ont  été  généralement  considérées  comme  ne 
remontant  pas  au-delà  du  Pléistocène  supérieur.  Nos  observations 
ont  montré  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  sur  la  Côte  d'Azur  où  des  dépôts 
marins,  dont  la  base  se  trouve  à  7  mètres  d'altitude,  supportent  des 
terrains  d'origine  subaérienne  à  faune  mammalogique  du  Pléisto- 
cène inférieur.  Ces  conclusions  peuvent-elles  s'appliquer  aux  autres 
pays  circumméditerranéens  ? 

11  ne  faut  pas  dire  qu'il  y  a  synchronisme  entre  les  divers  dépôts 
que  nous  avons  longuement  énumérés  parce  qu'il  y  a  similitude  de 
conditions  topographiques.  11  faut  chercher  à  fixer  l'âge  de  chacun 
d'eux  par  la  Paléontologie.  Malheureusement,  dans  beaucoup  de 
cas,  nous  manquons  de  documents.  Mais  il  est  très  important  de 
constater  que,  partout  oii  les  fossiles  sont  suffisants,  ceux-ci 
parlent  dans  le  même  sens  et  qu'ils  empêchent  de  considérer  les 
plages  émergées  entre  les  cotes  0  et  -|-  30  comme  des  plages 
récentes,  je  veux  dire  comme  des  plages  datant  de  la  période  géolo- 
gique actuelle  ou  même  du  Pléistocène  supérieur. 

Si  les  données  paléontologiques  sont  loin  d'être  aussi  nombreuses 
qu'on  pourrait  le  désirer,  il  ne  faut  pas  oublier  qu'elles  se  répar- 
tissent sur  le^  points  les  plus  différents  du  littoral  méditerranéen. 


276  Marcellin  boule. 

Comment  ne  pas  être  frappé  par  exemple  de  ce  fait  que  la  faune 
malacolog-icjue  à  Stj'omhus  buboniiis  et  (ju(îlqucs  autres  espèces 
chaudes  caractérise  un  grand  nombre  des  dépôts  qui  nous  occupent 
en  France,  en  Toscane,  dans  ITtalie  méridionale,  à  Chypre,  en 
Egypte,  en  Tunisie,  en  Algérie,  aux  Baléares,  en  Espagne?  iN'est-il 
pas  raisonnable  de  supposer  que  les  investigations  futures  feront 
découvrir  des  gisements  analogues  dans  les  régions  intermédiaires? 

Les  Mammifères  fossiles  nous  fournissent  un  instrument  chro- 
nologique plus  précis,  l^artout  oii  on  les  a  rencontrés^  les  restes  de 
la  faune  du  Pléistocône  inférieur  à  Elepha^  antiqims,  ow  bien  les  pro- 
duits de  1  industrie  humaine  contemporains  de  cette  faune  se  sont 
montrés  stratigraphiquement  au  dessus  des  plages  émergées  d'al- 
titudes très  faibles  ou  dans  Tintérieur  même  de  ces  plages  :  en 
France,  en  Toscane,  dans  l'Italie  méridionale,  à  Malte,  aux  Darda- 
nelles, en  Egypte,  en  Algérie,  au  Maroc,  en  Portugal. 

Nous  ne  connaissons  pas,  dans  le  bassin  de  la  Méditerranée,  un 
seul  exemple  de  dépôts  marins  émergés  reposant  sur  des  formations 
à  Elephas  primigenius,  Rhinocéros  tichorhinus^  ou  renfermant  des 
débris  de  la  faune  du  Pléistocèhe  supérieur.  Il  est  vrai  que  j  in- 
voque ici,  à  mon  tour,  un  fait  d'ordre  négatif.  On  peut  aussi  m'ob- 
jecter  que  la  faune  froide  du  Pléistocène  supérieur  de  l'Europe 
centrale  ou  occidentale  est  mal  représentée  dans  l'Europe  méridio- 
nale. Nous  avons,  en  tous  cas,  le  droit  de  dire  qu'en  l'état  actuel  de 
nos  connaissances,  les  données  paléontologiques  ne  sont  pas  en 
faveur  de  l'existence  de  plages  émergées  du  Pléistocène  supérieur. 

Le  Pléistocène  inférieur  correspond  à  un  grand  mouvement  néga- 
tif de  la  Méditerranée.  —  L'étude  des  Baoussé- Rousse  m'a  con- 
duit à  admettre  que  le  mouvement  négatif  postpliocëne,  dont  les 
diverses  lignes  de  rivage,  aux  altitudes  intérieures  à  60  mètres, 
paraissent  ne  représenter  que  des  temps  d'arrêt,  a  dû  avoir  une 
amplitude  considérable.  S^agit-il  d'un  phénomène  local  ou  d'un 
phénomène  général  pour  la  Méditerranée?  Les  preuves  directes  à 
l'appui  de  cette  dernière  proposition  ne  sont  pas  très  nombreuses, 
comme  toujours  quand  il  s'agit  de  mouvements  négatifs.  Nous 
avons  pourtant  quelques  indications. 

Examinons  dabord  la  topographie  sous-marine  aux  abords  des 
côtes  actuelles.  LY'tude  d'une  carte  bathymétrique,  comme  celle  de 
la  planche  XIII,  ou  comme  la  Carte  générale  des  Océans  du  Prince 
Albert  l^'  ,  révèle  l'existence,  dans  d'autres  régions  delà  Méditerra- 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  277 

née,  de  plates-formes  sous-marines  analogues  à  celle  de  Grimaldi, 
mais  d'une  superlicie  souvent  beaucoup  plus  considérable. 

A  rOuest,  c'est  dabord  l'ancien  «  plateau  continental  »  du  Golfe 
de  Lion,  si  bien  étudié  par  M.  Pruvot  (1)  et  au-delà  duquel  les  pro- 
fondeurs augmentent  rapidement.  Sa  largeur,  d'environ  70  kilo- 
mètres^ se  réduit  beaucoup  entre  le  cap  Creux  et  Tarragone,  pour 
augmenter  de  nouveau  brusquement  à  partir  de  cette  dernière  ville 
jusqu'au  cap  de  Palos,  d'où  elle  se  poursuit  jusqu'à  Gibraltar  avec 
une  étendue  plus  restreinte. 

La  côte  algérienne  plonge  si  brusquement  que  parfois,  à  lo  kilo- 
mètres au  large,  les  fonds  atteignent  2.000  et  2.500  mètres.  Au 
droit  de  Bône  la  plate-forme  réapparaît;  l'isobatbe  de  200  mètres 
ne  tarde  pas  à  envoyer  une  sorte  de  cap  vers  la  Sardaigne  dont  elle 
reste  séparée  par  des  fonds  de  1.600  mètres.  En  face  de  Tunis  cette 
courbe  s'éloigne  beaucoup  du  littoral  actuel  ;  à  la  longitude  du  cap 
Bon,  elle  rejoint  presque  celle  qui  entoure  la  Sicile.  La  Petite-Syrte 
correspond  à  un  développement  énorme  de  la  plate-forme  dont  la 
largeur  atteint  près  de  200  kilomètres  et  qui,  beaucoup  plus  resser- 
rée dans  la  Grandc-Syrte,  se  poursuit  jusqu'à  l'embouchure  du  iNil 
avec  une  largeur  moyenne  de  20  kilomètres  seulement. 

Les  côtes  de  la  Syrie  et  de  l'Asie-Mineure  s'enfoncent  brusque- 
ment sous  les  eaux,  sauf  dans  le  golfe  d'.Alexandrette,  où  l'isobathe 
200  semble  aller  au-devant  de  la  pointe  orientale  de  Chypre  dont  la 
séparent  pourtant  des  profondeurs  de  600  mètres. 

A  partir  de  Rhodes,  cette  même  courbe  réunit  les  divers  archipels 
de  la  mer  Egée  en  un  petit  nombre  de  blocs,  dont  les  uns  se  soudent 
soit  au  continent  asiatique,  soit  à  la  péninsule  des  Balkans,  et  dont 
les  autres  ne  sont  séparés  des  premiers  que  par  des  détroits  rela- 
tivement peu  profonds.  La  Crète  reste  encore  à  l'état  d'île.  Les 
rivages  occidentaux  de  la  Grèce  sont  très  abrupts;  pourtant  l'iso- 
bathe 200  fait  disparaître  le  golfe  de  Corinthe  et  rattache  les  îles 
Ioniennes  au  continent.  En  remontant  au  Nord  dans  l'Adriatique, 
elle  ne  dépasse  pas  la  latitude  de  Raguse  et  délimite  dans  l'Italie 
méridionale  une  zone  dont  la  largeur  n'atteint  20  kilomètres  qu'au- 
tour du  golfe  deTarente.  La  Sicile  se  trouve  ainsi  rattachée  à  l'Ita- 
lie par  un  mince  pédicule  et  l'étendue  de  l'île  est  considérablement 
augmentée  dans  deux  directions  :  vers  le  Sud,  l'isobathe  200 
englobe  Malte  et  vers  l'Ouest  elle  arrive  jusqu'au  voisinage  du  cap 

(1)  Archives  de  zoologie  expérimentale,  3^  série,  t.  V,  1897,  p    511. 


278  Marcellin  BOULE. 

Bon.  Très  près  du  rivage,  en  Calabre,  elle  s'en  écarte  souvent  en 
Gampanic  pour  envelopper  (>apri,  [scliia,  les  îles  IV)ntines  et,  plus 
au  iNord,  (iiglio,  Monte-Cliristo,  Pianosa,  1  île  d'Elbe. 

Elle  rattache  la  Corse  à  l'Italie  par  un  isthme  étroit  et  assure 
très  larj^ement  la  communication  de  l'île  française  avec  la  Sar- 
daigne,  dont  elle  accroît  nolahlement  l'étendue 

Qu'une  pareille  topographie  sous-marine,  dont  on  retrouve  des 
exemples  sur  une  foule  d'autres  points  du  globe  [socle  continental 
des  géo -physiciens),  prouve  des  changements  relativement  récents 
dans  le  niveau  relatif  des  terres  et  des  mer,  cela  ne  saurait,  je  crois, 
faire  l'objet  d'un  doute.  A  ceitains  moments  cette  plate- '"orme  a  dû 
être  émergée  en  totalité  ou  en  partie. 

A  cet  argument  et  à  ceux  que  j'ai  déjà  fait  valoir  à  propos  de 
Grimaldi  je  puis  ajouter  quelques  autres  témoignages. 

Sur  certains  points  du  littoral  méditerranéen,  dans  le  golfe  de  la 
Spezia,  par  exemple,  il  y  a  d'après  Carazzi  (1),  à  600  mètres  du 
rivage  et  à  10  mètres  de  profondeur,  une  terre  à  ossements  de 
Mammifères  qui  prouve  que  la  mer  a  eu,  pendant  un  certain 
temps,  ses  limites  en  deçà  des  limites  actuelles  Spratt  a  montré 
qu'autour  de  Tile  de  Malte  des  rochers  sous-marins  présentent  des 
fissures  remplies  d'une  terre  rouge  à  ossements.  Ces  observations 
concordent  avec  celles  qui  ont  permis  à  Sir  J.  Murray  d'affirmer 
que  l'île  était  autrefois  beaucoup  plus  étendue  vers  le  Sud-Est. 

Pomel  (2)  a  montré  qu'une  partie  au  moins  de  la  plate-forme 
sous-marine  si  étendue  de  la  Petite-Syrte  est  formée  par  un  dépôt 
récent  à  coquilles  terrestres.  M.  de  Lamothe  (3)  admet  volontiers 
que  les  plages  de  30  mètres  et  15  mètres  du  Nord  de  l'Afrique  ne 
représentent  que  des  temps  d'arrêt  d'un  mouvement  négatif  dont  il 
lui  paraît  difficile  de  fixer  l'amplitude,  mais  qui  a  fait  baisser  le 
niveau  de  la  Méditerranée  au-dessous  de  son  niveau  actuel  Des 
sondages  nombreux  ont  montré  à  Ville  que  la  vallée  de  la  Mitidja 
a  été  creusée  à  près  de  200  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  mer, 
puis  remblayée.  Ce  chiffre  représente  précisément  la  cote  moyenne 
de  la  plate  forme  submergée.  Ce  remblaiement  des  vallées  actuelles, 
dans  leur  partie  inférieure,  paraît  être  un  phénomène  fréquent 
dont  l'explication  ne  peut  être  fournie  que  par  des  changements  du 


(1)  La  breccia  ossifera  del  Monte  Rocchetta  [Boll.  Comit.  geol.  liai.,  i.   I,  p.  199). 

(2)  Bul.  de  la  Soc.  géol.  de  France,  3°  série,  t.  XIN,  1818,  p.  217. 

(3)  Comptes  rendus  de  VAc.  des  Sciences,  26  décembre  1904  et  lac.  cit.  passim. 


LES  GROTTES  DE  GRIMÂLDI.  ,279 

niveau  de  base  des  cours  d'eau.  En  ce  qui  concerne  le  Rhône^  par 
exemple,  M.  G.  Picard  (1)  nous  apprend  que  des  bancs  de  cailloux 
roulés,  prolongement  de  ceux  de  la  Grau  ou  de  la  Camargue,  ont 
été  rencontrés  par  des  sondages  à  Aigues-Mortes  et  dans  d'autres 
localités  jusqu'à  —  50  mètres 

La  géographie  zoologique  et  la  paléontologie  nous  fournissent 
d'autres  arguments.  Leith-Adams.  Falconer,  Wallace,  Ramsay, 
E.  Blanchard,  A.  Milne  Edwards,  M.  Boyd-Dawkins,  etc  ,  s'en 
sont  servis  pour  accréditer  Ihypothèse  d'une  jonction  continentale 
récente  de  l'Europe  et  de  l'Afrique.  Après  avoir  énuméré  un  grand 
nombre  d'êtres,  animaux  ou  plantes,  communs  encore  aujourd'hui 
au  littoral  européen  et  au  littoral  africain.  E  Blanchard  a  cru  pou- 
voir dire  :  <i  Si  les  rives  méditerranéennes  étaient  rapprochées j 
l'investigateur  le  plus  attentif  passerait  d'Europe  en  Afrique  ou 
d'Europe  en  Asie  sans  qu'aucun  trait  de  la  nature  vivante  l'en 
avertît  ». 

11  y  a,  entre  les  faunes  de  Mammifères  fossiles  de  TEurope,  des 
îles  de  la  Méditerranée  et  de  l'Afrique,  des  ressemblances  telles 
qu'elles  ne  peuvent  s'expliquer  que  par  des  connexions  terrestres 
aujourd'hui  disparues.  C'est  un  fait  depuis  longtemps  connu  que  la 
faune  pléistocène  européenne  renferme  des  éléments  qui  sont 
aujourd'hui  essentiellement  africains  :  YElephas  africanus  ou 
prisais,  l'Hippopotame,  le  Porc-Épic,  le  Lion,  l'Hyène  {achetée,  le 
Serval,  le  Macaque,  etc  Tout  en  ayant  sa  physionomie  propre  (2) 
la  faune  quaternaire  de  l'Algérie  renferme  quelques  formes  euro- 
péennes :  YElephas  antiquus,  le  Rhinocéros  Mercki,  des  Ours.  La 
plupart  des  grandes  îles  de  la  Méditerranée  :  Corse,  Sardaigne, 
Sicile,  Malte,  Grète,  Chypre,  ont  livré,  aux  explorateurs  de  leurs 
cavernes  ou  de  leurs  brèches  à  ossements,  les  restes  fossilisés  d'un 
grand  nombre  d'espèces  animales  identiques  à  celles  des  continents 
voisins. 

On  ne  peut  expliquer  cette  répartition  en  même  temps  que  ce 
morcellement  d'éléments  launiques  semblables  que  par  d'anciennes 
connexions  terrestres,  et  ces  connexions  elles-mêmes  impliquent, 
soit  des  variations  dans  le  niveau  général  de  la  Méditerranée,  soit 

(1)  La  Camargue.  Étude  stratigrapbique  de  la  région  du  Bas-Rhône.  Br.  iu-S»,  81 
p.  Nîmes,  Imprimerie  Générale,  1901.  Ce  mémoire  m'a  été  obligeamment  communi- 
qué par  M.  Blayac. 

(2)  Voy.  M.  BouLB,  Les  Mammifères  quaternaires  de  l'Algérie  d'après  les  travaux 
de   Pomel  {V Anthropologie,  t.  X,  1899,  p.  563). 


280  Marcellin  BOULE. 

reffontlrement  des  ponts  continentaux  ou  des  isthmes  qui  ratta- 
chaient autrefois  ces  diverses  terres  entre  elles.  Nous  n'avons  pas 
de  preuves  directes  et  péremptoires  d'eiïondrements  aussi  récents. 
Nous  avons  au  contraire  la  preuve  de  changements  du  niveau 
relatif  de  la  mer.  Dans  l'état  actuel  de  la  science  c'est  donc  à  cette 
explication  qu'on  doit  s'arrêter.  Mais  il  s'agit  de  serrer  la  question 
déplus  près  et  de  chercher  à  esquisser  les  principaux  trails  de 
l'histoire  des  vicissitudes  géographiques  dont  la  Paléontologie  nous 
révèle  sûrement  l'existence. 

Nécessité  d'admettre  pluneurs  grands  mouvements  négatifs  au 
cours  des  dernières  périodes  géologiques.  —  Depuis  les  mémorables 
découvertes  paléontologiques  de  M.  Albert  Gaudry  en  Grèce,  nous 
savons  que  vers  la  fin  du  Miocène,  la  Méditerranée  devait  être 
réduite  à  quels  grands  lacs  entre  lesquels  de  larges  communications 
assuraient  un  brassage  contiuuel  des  faunes  de  Mammifères  d'Eu- 
rope et  d'Afrique.  Il  est  permis  de  supposer  que  c'est  surtout  de  ce 
moment  que  date  l  individualité  de  la  faune  africaine,  laquelle  a  con- 
servé, dans  ses  grands  traits_,  beaucoup  de  souvenirs  de  l'époque 
où  les  limons  du  Léberon,  de  Fikermi,  de  Samos,  de  Maragha 
enfouissaient  d'innombrables  ossements.  Le  Miocène  tout  à  fait 
supérieur  correspond  donc  à  un  mouvement  négatif  d'une  ampli- 
tude énorme  qui  fut  suivi  d'un  mouvement  positif  non  moins  impor- 
tant. Celui-ci  correspond  à  la  transgression  pliocène  (3^  étage 
méditerranéen),  dont  les  dépôts  s'observent  sur  une  foule  de  point 
du  pourtour  méditerranéen  ainsi  que  dans  la  plupart  des  îles. 

La  faune  continentale  pliocène  a  un  caractère  différent  de  celle 
du  Miocène  supérieur.  Les  relations  ne  sont  plus  autant  avec 
l'Afrique  qu'avec  l'Asie  et,  par  celle-ci,  avec  l'Amérique  :  diminu- 
tion des  Antilopes,  grand  développement  des  Cervidés,  Bovidés  pri- 
mitifs, Tapirs,  Chevaux,  etc.  A  cette  époque  le  continent  africain  a 
dû  être  complètement  isolé  de  l'Europe  et  probablement  aussi  de 
l'Asie  (1). 

Si  la  régression  des  mers  pliocènes  s'était  faite  régulièrement, 
sans  intercalations  de  mouvements  positifs,  les  communications 
n'auraient  pu  se  rétablir  avant  l'époque  marquée  par  le  dévelop- 
pement de  la  faune  dont  VElephas  antiquus  est  le  chef  de  file   Dans 

(Ij  Vasskl,  Sur  les  faunes  de  l'isthme  de  Suez  [Bull,  delà  Soc.  d'Hist.  nat.  d'An- 
tun,  vol.  111,  1890,  p.  81  du  tirage  à  part). 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  281 

cette  hypothèse  un  certain  nombre  de  faits  paléontologiques  sont 
inexplicables.  M.  Forsyth  Major  (1)  a  montré,  à  plusieurs  reprises, 
que  certains  éléments  des  faunes  mammalogiques  quaternaires  des 
îles  méditerranéennes  se  rattachent  à  des  formes  pliocènes  plutôt 
qu'à  des  formes  quaternaires  continentales.  C'est  ainsi  qu'on  trouve 
en  Corse  et  en  Sardaigne  :  le  Prolagus  sardiis  voisin  des  Prolagiis 
pliocènes  ;  un  Carnivore,  VEnhydrictls,  apparenté  avec  Miistela 
Majori  du  Pliocène  de  Monte  Bamboli,  en  Toscane.  Les  petits 
Hippopotames  de  Crète  et  de  Chypre  ne  seraient  pas  des  dimi- 
nutions de  177.  amphibus  mais  des  espèces  voisines  d'une  forme 
des  lignites  pliocènes  de  Casino.  De  tels  faits  nous  obligent  à 
admettre  des  communications  temporaires  à  un  certain  moment  du 
Pliocène. 

D'autres  espèces  de  ces  mêmes  îles  sont  semblables  à  des  formes 
quaternaires  ou  actuelles  :  Sanglier,  Cerf  du  groupe  Elaphe,  Bou- 
quetin, Mouflon,  Renard,  Cuon,  Homme  paléolithique.  Et  cela 
prouve  que  les  communications  ont  dû  se  faire  à  diverses  reprises. 

La  présence  simultanée  de  l'Éléphant  antique,  de  l'Éléphant 
d'Afrique,  du  Rhinocéros  de  Merck,  du  Lion,  de  la  Panthère,  du 
Serval,  deFHyène  striée,  del'Hyène  brune,  de  l'Hyène  tachetée,  du 
Porc-Épic,  du  Macaque,  de  part  et  d'autre  de  la  Méditerranée,  à 
l'époque  des  plages  aujourd'hui  émergées,  c'est-à-dire  à  un  moment 
où  toutes  relations  paraissaient  être  rompues,  implique  nécessai- 
rement un  passage  antérieur  à  cette  époque,  et  datant  probable- 
ment du  Pliocène  supérieur. 

Il  y  a  des  arguments  géologiques  en  faveur  de  cette  manière  de 
voir.  Tandis  que  les  dépôts  marins  du  Pliocène  inférieur  et  du  Plio- 
cène moyen  indiquent  une  grande  transgression  marine,  les  dépôts 
continentaux  contemporains,  formés  de  couches  lacustres  ou  flu- 
viales très  épaisses,  dénotent  une  période  de  remblaiement  des 
vallées  parfaitement  en  rapport  avec  le  relèvement  du  niveau  de 
base  des  cours  d'eau.  Puisvient  une  période  de  grands  ravinements. 
J'ai  montré  depuis  longtemps  que,  dans  le  Massif  central  de  la 
France,  où  tous  les  changements  de  la  géographie  pliocène  et  qua- 
ternaire se  lisent  si  clairement,  le  principal  creusement  des  vallées 
actuelles  s'est  effectué  pendant  le  Pliocène  supérieur.  11  paraît  en 


(1)  L'origine  dclla  fauDa  délie  nostre  isole  {Atli  Soc.  tosc.  Se.  nat.j  procès-verb. 
III,  pp.  36,  113,  192).  —  Die  Tyrrhenis  {Kosmos,  VJI,  1883,  p.  1  et  81).  —  Proc.  zool., 
Soc.  of  London^  1901,  p.  628.  —  Geol.  Mag.,  oct.  et  nov,  1905,  pp.  462  et  501. 


282  Marcellin  BOULE. 

être  de  même  dans  les  régions  circumméditerranéennes,  dans  celles 
du  moins  qui  ont  été  suffisamment  étudiées  à  ce  point  de  vue. 

J'ai  dit,  à  propos  du  Velay,  après  avoir  fait  remarquer  que  le 
travail  d'érosion  auquel  est  due  la  topographie  actuelle  de  la  région, 
a  été  presque  entièrement  elTectué  pendant  le  Pliocène  supérieur: 
«  Les  diiïérences  présentées  par  les  faunes  de  Sainzelles  (Pliocène 
supérieur)  et  de  Solilliac(Quaternaire  tout  à  fait  inférieur)  expriment 
les  changements  biologiques  correspondant  à  la  durée  du  creuse- 
ment des  vallées  actuelles  aux  environs  du  Puy.  Ces  diiïérences  ne 
sont  pas  très  considérables,  bien  qu'elles  représentent  un  laps  de 
temps  à  coup  sûr  très  important  I^^lles  nous  donnent  donc,  une  fois 
de  plus,  une  idée  grandiose  de  la  durée  des  temps  géologiques  ». 
Cette  conclusion  est  à  rapprocher  de  celle  qui  ressort  d'une  étude 
de  MM.  Di  Stefano  et  Viola  sur  les  dépôts  marins  en  Basilicate  et 
dans  la  Pouille.  Ces  savants  ont  montré  qu'il  y  a  eu,  entre  le  Plio- 
cène et  le  Quaternaire,  des  changements  physiques  énormes  tandis 
que  les  changements  concomitants  de  la  faune  marine  sont  insi- 
gnifiants (1). 

Nous  sommes  donc  amenés  à  penser  qu'un  grand  mouvement 
négatif  a  eu  lieu  pendant  le  Pliocène  supérieur,  probablement  pen- 
dant la  seconde  moitié  de  cette  époque.  Cette  hypothèse  nous  per- 
met de  comprendre  la  diffusion  de  certaines  espèces.  C'est  à  ce 
moment  que  ÏE/ephas  antiquus,  le  Rhinocéros  Mercki,  les  Hyènes 
et  peut-être  l'Hippopotame,  qui  existaient  déjà  au  Pliocène  supé- 
rieur, ou  étaient  représentés  par  des  formes  très  voisines,  ont  pu 
circuler  d'un  continent  à  l'autre  et  s'établir  dans  certaines  îles. 
Puis,  à  l'origine  du  Quat<'rnaire,  un  nouveau  mouvement  positif  a 
dû  rompre  les  communications.  C'est  lui  qui  a  laissé  de  si  nom- 
breuses traces  sur  tout  le  pourtour  delà  Méditerranée  sous  la  forme 
des  plages  émergées  que  nous  avons  étudiées.  Pendant  cette  époque 
la  Corse,  la  Sardaigne,  la  Sicile,  Malte,  la  Crète,  Chypre,  sont 
restées  isolées.  Certaines  formes  géantes  émigrées  en  Sicile  et  à 
Malte,  s'y  trouvant  emprisonnées,  ont  pu  s'y  rapetisser  peu  à  peu 
pour  donner  des  variétés  naines  ;  les  formes  pliocènes  ont  continué 
à  se  perpétuer,  parfois  en  se  modifiant  légèrement,  en  Corse,  en 
Sardaigne,  en  Crète,  à  Chypre. 

Le  dernier  mouvement  négatif,   dont  nous  avons  retrouvé  les 
traces^  nous  explique  l'immigration,  dans  les  îles  rattachées  tempo - 

(\)  In  G.  DoLLFUs,  Annuaire  géologique  universel,  t.  X,  p.  394. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  283 

raireinent  et  pour  la  dernière  fois  au  continent,  des  espèces  dont 
Torig-ine  est  plus  récente  et  môme  des  espèces  actuelles.  Que  ce 
mouvement  ncg-atif  de  l'époque  quaternaire  ait  eu  une  amplitude 
beaucoup  moindre  que  celui  du  l^liocène  supérieur  me  paraît 
démontré  :  1°  par  létude  des  phénomènes  physiques  continentaux 
contemporains  qui  sont  loin  d'avoir  l'ampleur  de  ceux  du  Pliocène; 
2°  par  l'interprétation  des  données  paléontologiques  qui  semblent 
prouver  que  les  communications  n'ont  pas  dû  être  aussi  larges  ni 
aussi  nombreuses.  On  peut  prendre  comme  exemple  la  comparai- 
son des  faunes  quaternaires  d'Afrique  et  d'Europe.  Elles  sont  fort 
ditlérentes  dans  l'ensemble.  Il  n'y  a  qu'un  pelit  nombre  d'espèces 
communes  et  celles-ci  sont  parmi  les  plus  anciennes.  La  faune  qua- 
ternaire de  l'Algérie  a  déjà  son  autonomie.  Mais  il  y  a  des  points 
de  contact  incontestables.  L'Homme  paléolithique  est  représenté 
en  Algérie  et  en  Europe  par  des  produits  industriels  trop  sem- 
blables pour  ne  pas  avoir  une  origine  commune  (1). 

Amplitudes  des  mouvements  négatifs.  —  Quelles  amplitudes 
minima  faut-il  attribuer  à  ces  mouvements  négatifs  ?  L'examen  des 
cartes  bathy métriques  montre  qu'un  abaissement  de  200  mètres 
du  niveau  de  la  mer  actuelle  rattacherait  à  l'Italie  le  groupe  de  l'île 
d'Elbe,  la  Corse  et  la  Sardaigne,  ainsi  que  la  Sicile  et  Malte.  Quel- 
ques dizaines  de  mètres  de  plus  suffiraient  pour  l'établissement  d'un 
pont  entre  la  Sicile  et  l'Afrique.  Les  Baléares,  Candie^  Chypre 
resteraient  encore  complètement  entourées  d'eau.  Ce  sont  là  des 
conditions  que  je  crois  suffisantes  pour  rendre  compte  des  faits 
paléontologiques  relatifs  au  Quaternaire.  Elles  peuvent  s'accorder 
très  facilement  avec  les  données  de  la  géologie  continentale  sans 
avoir  recours  à  des  effondrements  dont  je  ne  saurais  nier  l'existence 
a  priori  y  mais  dont  nous  n'avons  aucune  preuve  directe. 

Il  n'en  est  pas  de  même  du  mouvement  négatif  du  Pliocène  supé- 
rieur. Il  est  très  difficile,  pour  cette  époque,  de  faire  la  part  qui 
revient  aux  effondrements  et  celle  qui  revient  au  simple  abaisse- 
ment des  lignes  de  rivages.  Je  crois  qu'une  communication  a  dû 
exister  alors  entre  le  Maroc  et  la  Péninsule  ibérique.  Pour  trans- 
former en  un  isthme  le  détroit  de  Gibraltar  actuel,  il  faudrait 
abaisser  le  plan  d'eau  méditerranéen  d'environ  700  mètres.  Mais  il 


(1)  M.  Boule,  Etude  paléontologique  et  archéologique  sur  la  statioa  paléolithique 
du  lac  Karar,  Algérie  {VAnlhi^opologie,  t.  XI,  1900,  p.  i  avec  fig.  et  pi.). 


284  MarckllIn  boule. 

existe,  à  l'ouest  du  détroit,  une  lii^ne  de  hauts  fonds  disposée  en  arc 
de  cercle  et  représentant  peut  être  un  raccordement  des  plis  tecto- 
niques de  TAtlas  et  de  la  Cordilière  bctiquc.  11  suflirait  d'un  abais- 
sement d'environ  300  métros  pour  les  faire  émerger. 

Le  rattachement  des  Baléares  à  l'Espagne  exigerait  un  chilTre 
beaucoup  plus  considérable,  au  moins  700  mètres.  11  faut  remar- 
quer que,  jusqu'à  présent,  ces  îles  n'ont  livré  aucun  ossement  de 
Mammifère  fossile  quaternaire.  La  Crète  et  Chypre  sont  séparées 
des  terres  voisines  par  des  profondeurs  du  même  ordre,  mais  nous 
savons  que  les  petits  Hippopotames  quaternaires  de  ces  îles  se 
rattachent  à  des  formes  du  Pliocène  inférieur.  La  jonction  de  la 
Sardaigne  avec  le  continent  africain,  dont  quelques  géologues  ont 
parlé,  me  paraît  encore  plus  improbable  car  les  fonds  intermé- 
diaires sont  au  moins  de  1.600  mètres. 

Mouvement  positif  du  Pléislocène  supérieur.  —  Le  mouvement 
positif,  qui  a  ramené  la  mer  dans  ses  limites  actuelles,  a-til  été 
continu  ou  interrompu  par  de  nouvelles  oscillations?  Si  l'on  peut 
répondre  à  cette  question  d'une  façon  satisfaisante  pour  ce  qui 
concerne  les  mers  septentrionales,  on  ne  saurait,  je  crois,  rien 
affirmer  pour  la  Méditerranée.  En  tous  cas  un  nouveau  mouve- 
ment négatif  ne  s'impose  nullement  au  point  de  vue  paléontolo- 
gique.  Je  suis  de  l'avis  de  M.  Forsyth  Major  (1)  qui  admet  une 
rupture  définitive  entre  la  Corse  et  le  continent  après  le  Pléistocène 
inférieur.  J'ai  déjà  formulé  une  conclusion  analogue  au  sujet  de 
l'Algérie.  Les  phénomènes  observés  sur  la  Côte  d'Azur  nous  ont 
fourni  la  preuve  que  le  mouvement  positif  du  Pléistocène  supérieur 
n'a  pas  permis  à  la  mer  de  dépasser  sensiblement  ses  limites 
actuelles.  Nous  savons  aussi,  par  les  observations  de  M.  Issel  à  la 
Grotte  ^QV^Q^^^\,  que  son  niveau  n'a  pas  varié  depuis  l'époque  néo- 
lithique. Quant  aux  temps  historiques,  la  longue  et  savante  enquête 
de  M.  Suess  (2)  me  paraît  avoir  démontré  que  les  changements 
topographiques  survenus  sur  divers  points  du  littoral  méditerra- 
néen et  sur  lesquels  M.  Négris  (3)  a  pubhé  des  notes  intéressantes, 
peuvent  s'expliquer  par  des  phénomènes  très  localisés,  de  natures 

(1)  Gcolog.  Magaz.,  octobre  1905,  p.  40o. 

(2)  La  Face  de  la  terre,  éd.  française,  t.  II,  chap.  xi. 

(3)  Régression  et  transgression  de  la  mer  depuis  l'époque  glaciaire  {Revue  univer- 
lle  des  Mines^  4^  série,  t.  III,  1903,  p.  249).  —  Étude  sur  la  dernière  régression  de 
(îier)  Bull,  de  la  Soc.  géol.  de  France,  4^  série,  t.  IV,  1904,  p.  156  et  591). 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  285 

diverses,  et  tout  à  fait  indépendants  des  modifications  d'ensemble 
du  niveau  de  la  mer. 

Liaison  des  phénomènes  marins  avec  Us  phénomènes  continentaux 
contemporains.  —  L'étude  des  phénomènes  continentaux  qui  ont 
marqué  les  derniers  âges  de  la  terre,  développement  des  glaciers, 
creusement  des  vallées  actuelles,  formation  des  terrasses  alluviales, 
a  fait  de  grands  progrès  depuis  un  quart  de  siècle.  Mais  les  expli- 
cations qu'on  a  données  de  ces  phénomènes  ne  sont  pas  encore  très 
satisfaisantes.  Avec  M.  Penck  certains  géologues  veulent  en  trou- 
ver les  causes  en  amont,  dans  les  massifs  montagneux  et  les  rat- 
tacher à  peu  près  exclusivement  au  développement  périodique  des 
grands  glaciers.  D'autres,  partisans  des  doctrines  de  M.  Suess  sur 
les  mouvements  eustatiques,  c'est-à-dire  sur  les  mouvements  d'en- 
semble de  la  surface  marine,  tournent  leurs  yeux  vers  lavai  et  ne 
veulent  invoquer  que  des  changements  dans  le  niveau  de  base  des 
cours  d'eau.  Il  me  paraît  que  chacune  de  ces  manières  de  voir, 
considérée  isolément,  est  impuissante  à  tout  expliquer  et  que  cha- 
cune renferme  pourtant  une  part  de  vérité.  Loin  de  s'exclure  les 
deux  théories  peuvent,  je  crois,  se  prêter  une  mutuelle  assistance. 
C'est  ce  que  je  voudrais  montrer  en  terminant. 

Dès  1888,  j'ai  cherché  à  dégager  quelques  résultats  généraux 
des  comparaisons  qu'on  pouvait  faire  à  cette  époque  entre  les 
diverses  formations  quaternaires  de  nos  pays  (1).  J'ai  montré 
notamment  qu'il  fallait  admettre  l'existence  d'au  moins  trois 
périodes  glaciaires  que  j'ai  cherché  à  localiser  dans  le  temps  au 
moyen  de  la  stratigraphie  et  de  la  paléontologie.  Depuis  lors^  les 
travaux  de  divers  géologues  ont  augmenté  le  nombre  de  ces 
périodes.  M.  James  Geikie  (2)  en  admet  six  on  se  basant  principa- 
lement sur  ce  qu'on  observe  dans  TEurope  septentrionale  ; 
MM.  Penck  et  Brûckner  (3)  en  comptent  au  moins  quatre  dans  les 
Alpes.  Dans  les  deux  cas  l'augmentation  porte  sur  des  oscillations 
du  mouvement  général  de  retrait  des  grands  glaciers  de  la  troi- 
sième période,  oscillations  dont  l'importance  a  pu  varier  beaucoup 
suivant  les  pays.  L'accord  existe  entre  la  plupart  des  géologues 

(1)  M.  Boule,  Essai  de  Paléontologie  stratigraphique  de  l'Homme  [Revue  d'Anthro- 
pologie, 3e  série,  t.  III  et  IV,  1888  et  1889). 

(2)  The  Greal  Ice  âge,  3^  édit.,  1894, 

(3)  Voyez  daus  L'Anthropologie,  t.  XV,  1904,  pp.  1  et  3o,  des  résumés  des  dcralers 
travaux  de  MM.  Penck  et  Briickner  sur  la  chronologie  glaciaire. 


286 


Marcellin  BOULË. 


sur  les  trois  périodes  glaciaires  principales.  Quant  à  leur  localisa- 
tion clans  le  temps,  mes  vues  di lièrent  de  celles  de  M.  Penck,  dont 
j'admire  les  travaux  de  physiographie,  mais  qui  ne  me  paraît  pas 


2?  Période, 
qladciire 


Z'r  rér'iode/ 
qlaccaxre/ 

/  \ 

J  \ 

!      \ 


3?Fi^Lode^ 
Cflaciccùre/' 

/  N 

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L i_ 


^  / 

^  / 


\         f 
\      i 


I^'  P&riode'- 

interqlxjudcLire/ 

(Fores  thecL) 


..PLIOCENE    SUP" 


irttarcflaxicàre/ 
(Oudles) 
--inférieur ^., moyen. 


suponeur 


y-. 


.PLEISTOCENE 


-ACTUEL. 


Fi(3.  4.  —  Graphique  des  périodes  glaciaires  et  interglaciaires. 


avoir    interprété    correctement   les   données    paléontologiques    et 
archéologiques. 

On  peut  représenter  par  le  graphique  ci-dessus  (fig.  4)  la  succes- 


Phasc 
positive. 
fbjuPUxJcèru:/ sup  ' 


PhcLscy 
positive/ 

ir^èriAiur 


Phoja/ 
posiu.ve/ 
diC'Plài^tocÀne/ 
TTioye-ru 


Niveau       actuel 


de    la    mer 


PJuLsa 
7U'(/atzv(y 
de-  7 CL  fin  dit. 
Pliocène'  siip  \ 


P/zase. 

Tiàcfatiney 

de  Lct/hiyduy 

Plézs-  tocène. 

inPâ^usur 


FiG.  5.  —  Graphique  des  changements  des  lignes  de  rivages  de  la  Méditerranée 
pendant  les  dernières  époques  géologiques. 


sion  des  phases  glaciaires  et  interglaciaires.  Un  second  graphique 
pour  les  changements  des  lignes  de  rivage  en  Méditerranée 
(fig.  o)  aurait  la  forme  d'une  sorte  de  sinusoïde  analogue  à  la  pre- 


Les  grottes  de  GRIMALDI.  287 

mière  {\).  Les  deux  phénomènes  paraissent  donc  obéir  à  des 
rhythmes  semblables  et  les  données  paléontologiques  amènent  à 
penser  que  les  périodes  sont  concordantes.  Les  grandes  invasions 
glaciaires  correspondraient  ainsi  aux  grands  mouvements  positifs 
de  la  mer  et  les  périodes  interglaciaires  aux  mouvements  négatifs. 

Ce  rapprochement  a  déjà  été  formulé  par  M.  James  Geikiepour 
les  contrées  septenlrionales.  Je  n'ignore  pas  les  objections  qu'on 
peut  lui  faire.  Il  semble  que  l'abaissement  des  lignes  de  rivage,  en 
augmentant  l'altitude  des  reliefs  continentaux  devrait  avoir  pour 
conséquence  l'abaissement  de  la  ligne  des  neiges  perpétuelles  et 
amener  une  recrudescence  glaciaire.  Mais  on  peut  se  demander  si 
ce  n'est  pas  le  résultat  contraire  qui  est  plus  sûrement  atteint  par 
la  diminution  du  domaine  maritime,  pourvoyeur  des  précipitations 
atmosphériques  et  par  Faugmentation  du  domaine  continental, 
celle-ci  devant  entraîner  un  climat  plus  sec  et  un  régime  voisin  de 
celui  des  steppes  actuel. 

On  admet  généralement  que  les  phases  interglaciaires  corres- 
pondent à  des  périodes  de  creusement  des  vallées  et  les  phases 
glaciaires  à  des  périodes  de  remblaiement.  Or,  M.  de  Lapparent  (2) 
a  déjà  montré  que  le  phénomène  des  terrasses  alluviales  ne  saurait 
être  regardé  comme  une  conséquence  exclusive  du  régime  gla- 
ciaire, puisqu'il  se  présente  dans  une  foule  de  vallées  qui  n'ont 
jamais  été  soumises  à  ce  régime.  Il  est  donc  nécessaire  de  faire 
intervenir  des  changements  de  pente  des  cours  d'eau,  changements 
dont  la  cause  la  plus  simple  doit  se  trouver  dans  les  variations  du 
niveau  de  base.  Les  périodes  de  remblaiement  correspondraient 
donc  à  des  périodes  de  submersion,  c'est-à-dire  à  des  mouvements 
positifs,  tandis  que  les  périodes  de  creusement  impliqueraient  des 
mouvement  négatifs  (3). 

11  me  semble  que  cette  théorie  rend  compte,  mieux  que  toute 


(1)  11  n'est  question  ici  que  des  réj^ions  méditerranéennes.  Gela  doit  être  bien 
entendu,  car  si  je  suis  amené  à  admettre  la  réalité  de  variations  d'ensemble  du 
niveau  de  l'eau  dans  cette  sorte  de  cuvette  ou  de  grand  lac  salé  qu'est  la  Méditer- 
ranée, je  n'ai  ni  l'intentioa,  ni  les  moyens  d'aborder  le  problème  pour  d'autres 
régions  du  globe,  auxquelles  je  ne  saurais  par  suite  appliquer  les  mêmes  conclu- 
sions. 

(2)  Traité  de  géologie,  5^  éd  ,  p.  1721. 

(3)  M.  de  Lamothe  a  fait  des  observations  analogues  {Bull,  de  la  Soc.  géol.  de 
Fratice,  4^  série,  t.  I,  1901,  p.  375  et  suiv.).  Les  vues  que  je  présente  ici  ne  sont  pas 
sans  rapports  avec  celles  de  mon  émineut  confrère,  bien  qu'elles  n'aient  pas  le 
même  point  de  départ.  Mais  le  côté  chronologique  en  est  très  différent» 


288  Marcbllin  BOULE. 

autre,  des  principaux  phénomènes  qui  ont  marqué  les  dernières 
périodes  géologiques  dans  le  bassin  de  la  Méditerranée. 

Les  transgressions  des  mers  pliocènes  nous  expliquent  les  phé- 
nomènes de  remblaiement  des  vallées  continentales  contemporaines 
dans  le  Massif  central  de  la  France,  le  bassin  du  Rhône,  etc.  Elles 
correspondent  au  développement  des  premiers  grands  glaciers  sur 
des  montagnes  dont  l'altitude  absolue  était  alors  beaucoup  plus 
grande  qu'aujourd'hui. 

Le  mouvement  négatif  de  la  mer  du  Pliocène  supérieur  est  en 
corrélation  étroite  avec  Tactivitc  énorme  de  l'érosion  continentale 
pendant  la  même  période.  Ce  mouvement  négatif  correspond  à  la 
première  grande  époque  interglaciairC;,  celle  du  Forest-bcd  en 
Angleterre,  de  Saint-Prest,  de  Solilhac  en  France,  caractérisée,  au 
point  de  vue  paléontologique,  par  la  coexistence  de  types  pliocènes 
indigènes  et  de  formes  nouvellement  arrivées  de  contrées  lointaines. 
A  ce  moment  de  grande  extension  du  domaine  continental,  les 
communications  avec  les  grandes  îles  méditerranéennes,  rompues 
depuis  le  Pontien,  se  sont  rétablies  et  ont  permis  la  dilTusion  des 
types  pliocènes  sur  la  persistance  desquels  M.  Forsyth  Major  a 
appelé  l'attention. 

Au  nouveau  mouvement  positif,  dont  les  traces  sont  visibles  un 
peu  partout  dans  la  région  méditerranéenne,  correspond  une  nou- 
velle invasion  glaciaire,  la  plus  importante.  Le  creusement  des 
vallées  actuelles,  déjà  très  avancé,  reste  stationnaire.  Il  ne  reprend 
que  lorsque  les  glaciers  reculent  et  que  la  mer  se  retire.  G^est  cette 
période  des  temps  quaternaires  qui  a  fait  l'objet  principal  de  notre 
étude.  Elle  correspond  au  règne  de  la  faune  à  Elephas  aiiliquus, 
dont  les  débris  se  rencontrent  dans  les  dépôts  tout  à  fait  inférieurs 
du  remplissage  des  grottes  et  dans  les  alluvions  anciennes  des 
vallées.  Tantôt  celles-ci  forment  des  terrasses  assez  élevées  au- 
dessus  du  thalweg,  tantôt  elles  sont  situées  très  près  du  fond  ou 
au  fond  même  de  ces  vallées,  ce  qui  marque  la  valeur  du  creuse- 
ment ellectué  pendant  cette  période. 

Les  observations  paléontologiques  sont  faites  généralement  dans 
les  régions  moyennes  des  grandes  vallées.  11  serait  intéressant  de 
voir  ce  que  deviennent  les  alluvions  à  Elephas  antiquiis  vers  les 
embouchures  des  fleuves.  Si  ma  théorie  est  exacte,  elles  doivent 
parfois  se  trouver  au-dessous  du  niveau  delà  mer.  Nous  manquons 
de  documents  sur  ce  point  mais  ceux  que  je  possède  sont  à  l'appui 
de  cette  supposition. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  289 

Si  nous  admettons  que  ce  mouvement  négatif  du  Pléistocène 
inférieur  ait  pu  rétablir  des  relations  entre  les  îles  méditerra- 
néennes et  les  continents  voisins,  cela  nous  permet  d'expliquer  les 
ressemblances  qu'on  observe  entre  les  faunes  contemporaines  de 
ces  diverses  régions  et  notamment  la  présence,  en  Europe  et  en 
Afrique,  de  races  humaines  ayant  le  même  outillage  paléolithique. 

Le  Pléistocène  moyen  est  marqué  sur  les  continents  parle  retour 
des  conditions  glaciaires  et  par  la  formation,  soit  de  terrasses  allu- 
viales en  contre-bas  des  précédentes,  soit  de  dépôts  de  comblement 
du  fond  des  vallées.  Il  correspond  également  à  un  nouveau  dépla- 
cement positif,  à  un  nouvel  agrandissement  du  domaine  maritime. 
Et  de  même  que  cette  troisième  période  glaciaire  a  été  beaucoup 
moins  importante  que  la  deuxième,  de  même  ce  nouveau  mouve- 
ment positif  du  niveau  de  la  mer  a  été  très  inférieur  en  amphtude 
à  celui  qui  l'avait  précédé. 

Pour  le  Pléistocène  supérieur  les  rapprochements  sont  plus 
difficiles.  Dans  le  Nord  de  l'Europe  on  peut  encore  établir  certains 
rapports  entre  les  phénomènes  continentaux  et  les  déplacements 
du  niveau  de  la  mer.  Dans  le  bassin  de  la  Méditerranée  les  faits 
susceptibles  d'être  interprétés  à  ce  point  de  vue  font  actuellement 
complètement  défaut. 

Telles  sont  les  conclusions  générales  qui  me  paraissent  découler 
des  études  que  je  viens  d'exposer.  J'ai  hésité  à  les  formuler.  Nul  n'a 
plus  que  moi,  je  peux  le  dire,  le  sentiment  de  la  difficulté  des  pro- 
blèmes que  j'ai  abordés,  et  je  ne  saurais  prétendre  en  donner  la 
solution  définitive.  Il  serait  extraordinaire  que  je  ne  me  fusse  pas 
trompé  sur  plus  d'un  point.  Mais,  en  une  matière  aussi  complexe, 
la  science  ne  peut  procéder  que  par  approximations  successives. 
Tout  ce  que  j'ose  espérer  c'est  que  ce  travail  renferme  quelques 
parcelles  nouvelles  de  vérité.  . 


l'anthropologie.  —  T.  xvli.  —  1906.  19 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI 

RÉSUMÉ    ET    CONCLUSIONS    DES    ÉTUDES    ANTHROPOLOGIQUES 


PAR 


LE  D^  R.  VERNEAU 


J'aurais  été  heureux  de  réserver  aux  lecteurs  de  V Anthropologie 
la  primeur  de  mes  recherches  sur  les  sépultures  et  les  squelettes 
humains  des  grottes  de  Grimaldi  ;  mais  le  fascicule  de  l'ouvrage, 
édité  par  les  soins  du  Prince  de  Monaco,  qui  contient  les  résultats 
de  mes  études  comprend  212  pages  grand  in-4'*,  et  je  ne  pouvais 
songer  à  accaparer  toute  notre  Revue  à  moi  seul. 

Mon  travail  a  paru  le  12  avril  dernier.  Toutefois,  comme  il  n'en 
a  été  broché  jusqu'à  ce  jour  qu'une  demi-douzaine  d'exemplaires, 
le  présent  article,  quoiqu'il  reproduise  simplement  les  conclusions 
de  mes  diiïérents  chapitres,  constitue  presque  un  mémoire  inédit. 

LES  SÉPULTURES 

Les  grottes  de  Grimaldi  ont  fait  l'objet  de  nombreuses  recherches 
et,  dès  1872,  elles  ont  livré  à  M.  Rivière  un  squelette  humain,  qui 
est  devenu  rapidement  célèbre.  D'autres  cadavres  y  ont  été  recueil- 
lis par  le  même  explorateur,  par  M.  Julien,,  par  M.  Abbo  et  enfin 
par  le  Prince  de  Monaco.  J'ai  montré  que,  à  la  suite  des  fouilles  de 
M.  Rivière,  la  plupart  des  préhistoriens  considéraient  les  squelettes 
humains  découverts  aux  Baoussé-Roussé  comme  remontant  à 
l'époque  quaternaire,  sans  spécifier  toutefois  à  quelle  période  il 
fallait  les  rapporter.  Néanmoins  des  doutes  subsistaient  dans  l'es- 
prit de  plus  d'un  archéologue,  doutes  qui  s'accentuèrent  à  la  suite 
des  découvertes  faites  dans  la  Barma  Grande.  Beaucoup  de  savants 
se  rallièrent  alors  à  la  manière  de  voir  de  G.  de  Mortillet  et  consi- 
dérèrent les  sépultures  des  grottes  de  Grimaldi  comme  datant  du 
début  de  l'époque  néolithique.  Presque  tous  ceux  qui  leur  avaient 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906. 


292  Dr  R.  VERNEAU. 

attribué  une  très  haute  antiquité  les  rajeunirent  sensiblement  et 
déclarèrent,  avec  d'Acy,  qu'on  devait  les  reporter  à  la  fin  de  l'àg-e 
du  Renne.  Enfin  une  dernière  opinion,  intermédiaire  entre  celles  de 
G.  de  Mortillet  et  de  d'Acy,  se  fit  jour  :  les  squelettes  dateraient  de 
la  période  de  transition  entre  le  Quaternaire  et  le  Néolithique. 

Ces  divergences  de  vue  montraient  combien  il  était  nécessaire 
d'entreprendre  de  nouvelles  recherches  et  de  les  poursuivre  avec 
une  méthode  qui  ne  laissât  aucune  prise  à  la  critique.  C'est  ce  que 
comprit  le  Prince  de  Monaco,  qui  rédigea  lui-même  les  instructions 
devant  servir  de  guide  à  M.  le  chanoine  de  Villeneuve.  Celui-ci, 
avec  une  conscience  et  un  soin  qui  défient  toute  attaque,  s^  con- 
forma scrupuleusement,  aidé  dans  sa  tâche  par  M.  Lorenzi.  Dans 
la  Grotte  des  Enfants,  il  fut  assez  heureux  pour  faire  des  trouvailles 
qui  me  paraissent  de  nature  à  mettre  fin  à  toute  discussion. 
M.  Boule^  dont  la  compétence  ne  saurait  être  mise  en  doute, 
a  démontré  que  : 

1**  Tous  les  squelettes  remontent  à  léjjoqne  quaternaire  ; 

2°  Le  squelette  qui  gisait  au  niveau  le  pins  élevé  [à  l'^jQO  de  pro- 
fondeur) doit  être  rapporté  au  Quaternaire  supérieur; 

3°  Le  squelette  découvert  à  7™, 05  de  profondeur  est  naturelle- 
ment plus  ancien; 

4°  Enfin,  les  deux  squelettes  de  la  sépulture  rencontrée  à  7"*, 75  de 
profondeur  remontent  à  un  moment  fort  reculé  des  temps  quater- 
naires^ car  ils  reposaient  sur  des  dépôts  oii  Von  a  trouvé  des  molaires 
diin  animal  de  la  faune  chaude  (Rhinocéros  Mercki). 

Presque  tous  les  auteurs  —  et  ils  sont  nombreux  —  qui  ont  parlé 
des  Baoussé-Roussé  (la  plupart  sans  y  être  jamais  allés)  —  ont 
admis  que  les  défunts  n'étaient  pas  abandonnés  au  hasard.  C'était 
même  une  des  raisons  qu'invoquait  G.  de  Mortillet  pour  prétendre 
que  les  squelettes  étaient  récents,  car,  assurait-il,  jamais  les  tribus 
quaternaires  n'ont  donné  la  sépulture  à  leurs  morts. 

Il  est  vrai  que,  d'après  M.  Rivière,  les  soins  que  donnaient  les 
troglodytes  de  Grimaldi  à  ceux  qu'ils  avaient  perdus  se  réduisaient 
à  bien  peu  de  chose,  puisque,  pour  cet  auteur,  les  cadavres  étaient 
laissés  sur  le  sol,  tels  qu'ils  avaient  succombé,  sans  aucun  arran^ 
gement,  sans  même  que  la  terre  eût  été  creusée  pour  les  recevoir 
ni  qu'aucune  pierre  eût  été  placée  intentionnellement  auprès  d'eux* 
Tout  ce  que  se  bornaient  à  faire  les  survivants,  c'était  de  répandre 
une  couche  de  fer  oligiste  sur  les  dépouilles  des  adultes. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  293 

J'ai  montré  que  : 

1"  Les  tribus  quaternaires  des  Baoussé- Rousse  ensevelissaient  réel- 
lement leurs  morts  et  pratiquaient  plusieurs  modes  de  sépultures; 

2°  Les  cadavres  étaient  parfois  inhumés  sur  un  foyer  ancien  quon 
laissait  intact  ou  que  Von  creusait  par  places.  D'autres  foiSy  ils 
étaient  déposés  dans  de  véritables  fosses,  assez  vastes  pour  recevoir 
jusqu'à  trois  sujets; 

3°  La  fosse  creusée  dans  le  sol  pouvait  être  remplacée  par  une 
sorte  de  tombe  rudimentaire  constituée  par  quelques  pierres  plan- 
tées debout  ; 

4°  Dans  certains  cas,  les  pierres  verticales  étaient  surmontées  de 
pierres  posées  horizontalement  sur  elles,  de  façon  à  former  des  sortes 
de  petites  cistes  incomplètes,  qui  n  abritaient  quune  partie  du 
cadavre. 

Dans  les  diverses  grottes  de  Grimaldi,  les  cadavres_,  placés  soit 
le  long-  des  parois,  soit  au  milieu,  étaient  orientés  suivant  le  grand 
axe  des  cavernes  ou  dans  le  sens  transversal;  la  tête  était  dirigée 
vers  le  Nord,  le  Sud  ou  l'Est. 

Les  morts  étaient  allongés  sur  le  dos,  couchés  sur  le  côté^  ou  sur 
le  ventre.  Parfois  les  membres  étaient  étendus  complètement,  mais 
souvent  les  avant-bras  étaient  fortement  fléchis,  de  sorte  que  les 
mains  se  trouvaient  ramenées  au  niveau  du  cou.  Les  membres 
inférieurs  eux-mêmes  étaient  loin  d'être  toujours  dans  l'extension; 
là  vieille  femme  de  la  Grotte  des  Enfants  les  avait,  par  exmple,  dans 
la  flexion  forcée. 

Par  conséquent,  aucune  règle  ne  présidait  à  r orientation  des 
corps  ni  à  r  attitude  qu'on  donnait  aux  cadavres.  Les  femmes  étaient 
traitées  de  la  même  façon  que  les  hommes. 

De  nombreux  objets  de  parure  ont  été  recueillis  dans  les  sépul- 
tures. Ils  se  trouvaient  sur  la  tête,  au  cou,  sur  la  poitrine,  aux  bras 
ou  aux  jambes  des  sujets.  Leur  abondance  est  variable,  aussi  bien 
que  leur  nature  et  leur  travail;  mais  rien  ne  permet  de  distinguer 
les  parures  des  femmes  de  celles  des  hommes,  les  mêmes  bijoux 
ayant  été  rencontrés  sur  les  squelettes  des  deux  sexes.  Seuls,  les 
jeunes  enfants  ne  portaient  pas  d'objets  de  parures,  pas  plus  qu'ils 
n'avaient  auprès  d'eux  les  lames  en  silex  ou  les  poinçons  en  os 
qu'on  a  découverts  avec  plusieurs  squelettes  masculins  ou  fémi- 
nins. 


294  D'  R.  VERNEAU. 

L'examen  détaillé  du  mobilier  funéraire  conduit  aux  conclusions 
suivantes  : 

1"  Les  morts  des  deux  sexes  devaient  être  ensevelis  avec  tous  leurs 
objets  de  parure  ; 

2°  V ornementation  était  la  même  pour  l homme  et  pour  la  femme; 

3**  A  côté  des  cadavres  étaient  parfois  déposés  des  objets  usuels.  Il 
est  donc  permis  de  supposer  que  les  troglodytes  des  Baoussé-Roussé 
pensaient  que  les  leurs  avaient  encore  des  besoins  après  leur  mort; 

4^  Les  jeunes  enfants  étaient  simplement  ensevelis  avec  leurs 
pagnes. 

Les  rites  funéraires  étaient  assez  variés.  Je  viens  de  rappeler  la 
diversité  des  modes  de  sépultures  et  j'ai  parlé  en  passant  de  l'inci- 
nération. Un  des  rites  les  plus  intéressants  est  celui  qui  consistait 
à  déposer  les  morts  sur  un  lit  de  peroxyde  de  fer  et  à  les  recouvrir 
de  la  même  substance.  Mais  cette  pratique  n'était  pas  générale  et 
elle  n'était  pas  plus  souvent  employée  pour  un  sexe  que  pour  l'autre. 
Rien  n'autorise  à  supposer,  comme  on  l'a  fait,  que  la  matière  colo- 
rante fût  appliquée  sur  des  cadavres  déjà  décharnés.  Les  observa- 
tions que  j'ai  rapportées  avec  détails  permettent  de  conclure  que  : 

1°  V incinération  était  rarement  pratiquée  ; 

2^^  Fréquemment  les  morts  étaient  ensevelis  au  milieu  d\ine  couche 
de  fer  oligiste  qui  a  coloré  en  rouge  les  objets  de  parure  et  les  sque- 
lettes eux-mêmes,  lorsque  les  parties  molles  eurent  été  détruites  ; 

3°  Rien  ne  permet  de  dire  que  les  cadavres  étaient  décharnés  avant 
de  recevoir  la  sépulture  ; 

4°  Certains  individus  étaient  ensevelis  simplement,  sans  que  leurs 
dépouilles  fussent  recouvertes  de  peroxyde  de  fer.  Mais  il  est  diffi~ 
cite  de  découvrir  les  motifs  qui  dictaient  le  choix  du  mode  de  funé- 
railles ;  ce  n'était  pas  le  sexe  et  il  ne  semble  pas,  non  plus^  que  ce 
fiU  la  condition  du  défunt. 

A  l'heure  actuelle,  il  est  amplement  démontré  que,  dès  une 
période  très  ancienne  du  Quaternaire,  les  troglodytes  de  Grimaldi 
entouraient  leurs  morts  de  respect,  qu'ils  les  ensevelissaient  avec 
des  bijoux  auxquels  ils  attachaient  sans  doute  beaucoup  de  valeur 
et  que,  souvent,  ils  déposaient  à  côté  des  cadavres  des  objets  dont 
les  vivants  se  servaient  journellement.  Tout  cela  tendrait  à  faire 
admettre  que  les  vieilles  tribus  des  Baoussé-Roussé  croyaient  à 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  295 

une  autre  vie  et  qu'elles  étaient  persuadées  que  les  morts  avaient  les 
mêmes  besoins  que  ceux  qui  leur  survivaient.  Cette  croyance  a  dii 
aller  en  se  fortifiant  de  plus  en  plus  ;  et,  à  la  fin  de  l'âg-e  du  renne, 
nous  voyons  nos  troglodytes,  qui,  habitant  les  rives  de  la  mer, 
devaient  faire  entrer  les  poissons  et  les  mollusques  marins  pour 
une  bonne  part  dans  leur  alimentation,  déposer  auprès  des  cadavres 
de  ceux  qu'ils  avaient  perdus,  une  provision  de  nourriture,  sous  la 
forme  de  Trochus. 

Telles  sont  les  déductions  qu'il  est  permis  de  tirer  des  faits  que 
nous  avons  passés  en  revue.  Avec  un  peu  d'imagination,  on  pour- 
rait aller  bien  plus  loin;  mais  on  tomberait  dans  le  champ  des 
hypothèses  toutes  gratuites,  et  c'est  un  terrain  sur  lequel  je  ne  veux 
pas  me  laisser  entraîner. 

LES  SQUELETTES  HUiMAlNS 

Jusqu'au  jour  où  le  prince  de  Monaco  reprit  les  fouilles  inache- 
vées de  M.  Rivière  dans  la  grotte  dite  des  Enfants,  les  cavernes  de 
Grimaldi  n'avaient  livré  qu'un  seul  type  ethnique  :  le  type  clas- 
sique de  la  vallée  de  la  Vézère  à  l'âge  du  renne.  L'abbé  de  Ville- 
neuve eut  la  bonne  fortune  de  rencontrer  dans  cette  grotle  quatre 
squelettes  humains  gisant  à  des  niveaux  fort  différents  et  très  dis- 
tincts les  uns  des  autres  par  leurs  caractères  physiques. 

Squelette  du  niveau  supérieur  de  la  Grotte  des  Enfants. 

Le  sujet  qui  occupait  le  niveau  supérieur  était  trop  détériorié 
pour  que  son  étude  pût  être  faite  complètement;  toutefois  quelques 
indications  se  dégagent  de  l'examen  des  os  les  mieux  conservés; 
elles  peuvent  se  résumer  de  la  façon  suivante  : 

Conclusions  relatives  an  squelette  féminin  du  niveau  supérieur  de 
la  Grotte  des  Enfants,  —  Il  est  bien  difficile,  dans  l'état  où  se  trouve 
le  squelette,  de  rattacher  le  sujet  dont  il  vient  d'être  question  à 
l'une  des  races  fossiles  que  nous  connaissons.  Le  léger  méplat 
pariéto-occipital  que  j*ai  signalé  et  la  forme  rectangulaire  des 
orbites  pourraient  faire  penser  au  type  féminin  de  Cro  Magnon; 
mais  la  base  du  crâne  offre  un  renflement  qu'on  n'observe  généra- 
lement pas  dans  cette  race.  En  outre,  la  petite  taille  de  cette  femme, 
le  peu  de  robusticité  de  son  squelette,  la  forme  triangulaire  de  son 
tibia  sont  des  particularités  qui  s'opposent  à  ce  rapprochement. 

J*ai  fait  allusion  aux  caractères  négroïdes  du  type  de  Grimaldi. 


296  Dr  R.  VERNEAU. 

Notre  sujet  du  niveau  supérieur  présente  quelques-uns  de  ces 
caractères;  le  plus  frappant  csl  l'allongement  relatif  du  deuxième 
segment  du  membre  inférieur.  11  est  probable  qu'il  en  était  de 
même  du  membre  supérieur,  car  la  très  grande  brièveté  de  l'hu- 
mérus devait  être  compensée  par  un  allongement  proportionnel  de 
l'avant-bras.  Toutefois  l'absence  des  radius  et  l'état  incomplet  des 
cubitus  ne  permettent  pas  d'évaluer  l'indice  antibrachial.  J'ose  à 
peine  rappeler  le  prognathisme  alvéolo-dentaire  de  la  mandibule, 
le  menton  n'offrant  rien  de  nigritique. 

Ces  faibles  traits  communs  permettent-ils  de  rapprocher  la 
femme  rencontrée  presque  au  sommet  de  la  Grotte  des  Enfcints 
des  deux  sujets  qui  gisaient  à  5™, 85  au-dessous?  Assurément  non. 
L'allongement  relatif  du  deuxième  segment  des  membres  auquid  je 
viens  de  faire  allusion  n'a,  dans  le  cas  présent  qu'une  minime 
importance.  C'est  bien  un  des  caractères  qu'on  observe  chez  les 
populations  nigritiques,  mais  je  montrerai  dans  le  chapitre  suivant 
que  nos  sujets  du  type  de  Cro-Magnon  offrent  la  même  particula- 
rité (i).  Par  conséquent,  si  l'on  est  en  droit  d'y  voir  un  caractère 
ancestral^  on  peut  avec  tout  autant  de  vraisemblance  supposer  que 
la  femme  du  niveau  supérieur  de  la  Grotte  des  Enfants  Ta  hérité  de 
la  race  de  Cro-Magnon  que  de  la  race  de  Grimaldi. 

La  fréquence  de  la  platymérie  à  l'époque  de  la  pierre  polie  auto- 
rise-t-elle  à  rattacher  la  femme  de  la  Grotte  des  Enfants  à  la  race 
des  dolichocéphales  néolithiques,  qui  devait  jouer  dans  nos  contrées 
un  rôle  si  important  plus  tard'^  Est-on^  par  suite,  en  droit  de  con- 
clure que  cette  race  a  fait  son  apparition  chez  nous  dès  la  fin  des 
temps  quaternaires,  contrairement  à  l'opinion  généralement 
admise?  Je  ne  le  crois  pas.  Certes  nos  dolichocéphales  néolithiques 
n'avaient  pas  la  robusticité  des  chasseurs  de  renne  de  Cro-Magnon 
et  ils  possédaient  le  grand  développement  vertical  de  la  tête  que 
nous  montre  le  sujet  féminin  que  nous  étudions;  mais,  chez  eux,  la 
taille  est  sensiblement  plus  élevée  et  le  crâne  est  infiniment  plus 
allongé  d'avant  en  arrière,  en  même  temps  qu'il  n'offre  pas  la  dila- 


(1)  H  n'avait  guère  été  possible  jusqu'à  ce  jour,  à  cause  du  mauvais  état  de  coo- 
servatioQ  des  squelettes  découverts,  d'étudier  les  proportions  des  membres  chez  les 
individus  de  la  race  de  Cro-Magnon.  M.  Rivière  a  bien  indiqué  le  rapport  de  l'avant- 
bras  au  bras  pour  trois  des  sujets  qu'il  a  rencontrés  aux  Raoussé-Roussé;  mais  les 
deux  hommes  de  Raousso  da  Torre  avaient  les  os  des  membres  supérieurs  fracturés 
ou  incomplets,  de  sorte  que  les  indices  que  donne  l'auteur  n'offrent  aucune  garantie 
de  certitude. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  297 

talion  en  travers  que  j'ai  signalée  au  niveau  des  bosses  pariétales. 

Kn  somme,  notre  sujet  présente  quelques  caractères  delà  race  de 
Grimaldi;  quelques  caraclères  de  celle  de  Cro-Magnon  et  quelques 
caractères  de  la  race  dolichocéphale  néolithique;  mais,  par  l'en- 
semble de  ses  particularités  ostéologiques,  il  ne  peut  être  rattaché 
ni  à  l'une  ni  à  l'autre  de  ces  trois  races.  Il  me  paraît  difficile  de  le 
considérer  comme  le  résultat  d'un  croisement  complexe  qui  aurait 
mélangé  les  sangs  de  chacune  d'elles,  car,  par  sa  taille,  il  reste  au- 
dessous  de  la  plus  peti:  e.  En  se  basant  sur  la  courbure  exagérée  des 
cubitus,  certains  seront  peut-être  lentes  d'expliquer  sa  faible  sta- 
ture par  le  rachitisme.  Je  ne  saurais  accepter  cette  explication  parce 
que  ni  le  crâne,  ni  le  bassin,  ni  le  tibia  ne  présentent  aucun  vestige 
de  cette  affection. 

Faut-il,  en  fin  de  compte,  voir  dans  la  femme  du  niveau  supé- 
rieur de  la  Grotte  des  Enfants  le  tijpe  d'une  race  qui  n'aurait  pas 
encore  été  signalée?  Il  serait  bien  téméraire  de  l'affirmer,  car  si  le 
squelette  ne  paraît  nullement  pathologique,  son  état  de  conserva- 
tion laisse  trop  à  désirer  pour  qu'on  puisse  baser  sur  son  étude  des 
conclusions  sérieuses.  Je  préfère,  quant  à  moi,  me  tenir  sur  la 
réserve.  11  m'a  semblé,  néanmoins,  que  je  ne  pouvais  passer  com- 
plètement sous  silence  les  caractères  de  ce  sujet.  Tout  insuffisante 
que  soit  la  description  qui  précède,  elle  servira  peut-être  un  jour  à 
établir  des  rapprochements,  si  de  nouvelles  découvertes  nous  pro- 
curent les  restes  d'autres  individus  ayant  vécu  à  la  fin  de  l'époque 
quaternaire. 

Squelettes  du  typk  dk  Cro-Magnon. 

Un   des  sujets  découverts  par  M.  le   chanoine    de    Villeneuve 

—  celui  qui  gisait  entre  le  précédent  et  ceux  du  niveau  inférieur 

—  rentre  incontestablement  dans  le  type  de  Cro-Magnon,  tout 
en  offrant  certaines  variantes.  Les  particularités  qu'il  présente 
auraient  pu  être  individuelles;  aussi  ai-je  cru  devoir  reprendre 
l'étude  de  tous  les  individus  appartenant  au  môme  type  ethnique 
qui  avaient  été  rencontrés  précédemment  dans  les  grottes  de 
Grimaldi. 

Voici  les  résultats  auxquels  m'a  conduit  cette  étude. 

Conclusions  relatives  aux  sujets  de  la  race  de  Cro-Magnon,  —  Les 
faits  exposés  a^■ec  détails  dans  ce  chapitre  permettent  d'affirmer 
que  nos  troglodytes  de  grande  taille  appartenaient  bien  au  même 


298 


Dr  R.  VERNEAU. 


type  ethnique  que  les  chasseurs  de  renne  de  la  Vézère.  La  preuve 
nous  en  a  été  fournie  à  chaque  pas,  quel  que  fut  le  caractère  que 
nous  ayons  envisagée.  Cette  constatation  avait  été  faite  longtemps 
avant  moi,  et  il  eût  été  surperflu  d'écrire  un  aussi  long  chapitre 
pour  démontrer  une  vérité  que  personne  ne  conteste  si  je  n*avais 
eu  à  ajouter  quelque  chos€  aux  travaux  de  mes  devanciers. 

J'ai  cru  utile,  en  premier  lieu,  de  préciser  les  observations,  de 
revenir  sur  certaines  questions  qui  n'avaient  été  traitées  que  d'une 
manière  superficielle,  ou  même  inexacte,  et  de  serrer  les  compa- 


Fio.  1.  _  Bassin  du  grand  sujet  masculin  de  la  Grotte  des  Enfants 
(Type  de  Gro-Magnon). 


raisons  ayec  le  type  classique  de  la  Dordogne.  J'ai  pu  montrer 
ainsi  que  les  hommes  fossiles  des  Baoussé-Roussé  accentuaient 
quelques  traits  caractéristiques  de  cette  race,  notamment  en  ce  qui 
concerne  la  taille,  le  volume  de  la  tête,  la  robuslicité  du  squelette, 
les  particularités  de  l'humérus,  du  fémur,  du  tibia  et  du  péroné. 

Chemin  faisant,  il  m'a  été  donné  d'étudier  des  caractères  que, 
faute  de  documents,  il  avait  été  impossible  d'examiner  jusqu'à 
présent.  C'est  ainsi  que  j'ai  pu  montrer  que  nos  troglodytes  avaient 
î'avant-bras  relativement  très  long  par  rapport  au  bras,  la  jambe 
très  longue  par  rapport  à  la  cuisse  et  le  membre  inférieur  fort 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI. 


299 


allongé  en  comparaison  du  membre  supérieur.  Par  les  proportions 
de  leurs  membres,  ils  se  rapprochaient  donc  des  races  nigritiques. 
Le  bassin  nous  a  mis  en  présence  d'un  type  pelvien  qui,  lui,  n'a 
rien  de  nigriliquc.  Le  beau  développement  de  ses  ailes  (fig.  1  et  2), 
l'harmonie  de  ses  courbes  en  font,  au  contraire,  un  bassin  aussi 
élégant  que  celui  des  Blancs  qui  ont  le  plus  évolué.  Il  s'en  distingue 
surtout  par  sa  vigueur  et  par  un  raccourcissement  de  ses  diamètres 
antéro-postérieurs  (fig.  2),  principalement  au  niveau  du  détroit 
supérieur.  Malgré  les  différences  qui  existent  entre  les  deux  bassins 
complets  que  j'ai  eus  à  ma  disposition,  l'un  et  l'autre  présentent  la 


Fig.  2.  —  Bassin  du  grand  sujet  masculin  de  la  Grotte  des  Enfants 
(Type  de  Cro-Magnon). 


même  morphologie  fondamentale  de  la  marge  ;  on  peut  donc 
regarder  cette  morphologie  spéciale  comme  l'apanage  de  notre  race 
quaternaire  de  la  Yézère  et  des  Baoussé-Roussé.  On  est  d'autant 
plus  en  droit  d'attribuer  aux  particularités  que  j'ai  relevées  plus 
haut  un  caractère  ethnique  que  nous  avons  retrouvé  les  plus 
typiques  sur  le  bassin  du  vieillard  de  Cro-Magnon,  quoiqu'il  soit  en 
assez  mauvais  état. 

11  m'a  été  permis  également  d'observer  sur  les  os  des  membres 
un  certain  nombre  de  dispositions  anatomiques  qui,  en  raison  de 
leur  constance,  doivent  être  considérées,  selon  moi,  comme  des 
traits  de  la  race;  je  viens  de  les  résumer  dans  les  pages  qui  pré- 


300  Ur  R.  VERNEAU. 

cèdent  immédiatement  et  j'y  renverrai  simplement  le  lecteur.  Je 
ne  rappellerai  que  l'aplalissement  antéro- postérieur  de  la  diaphysc 
du  radius,  l'aplatissement  d'avant  en  arrière  delà  diapliyse  fémorale 
au-dessous  des  troclianters,  la  constance  de  la  fosse  hypotrochan- 
térienne,  l'élongation  du  métacarpe,  le  raccourcissement  des 
doigts,  et  la  saillie  du  talon,  les  autres  caractères  ayant  été  signa- 
lés à  maintes  reprises. 

Mais,  au  cours  de  mes  comparaisons,  j'ai  noté  des  faits  qui  sou- 
lèvent un  problème.  Nos  troglodytes  qui,  à  tanl  d'égards,  se  relient 
intimement  au  vieillard  de  la  Vézère,  nous  ont  montré  cependant 
une  variante  du  type  céphalique  assez  appréciable  pour  qu'on  se 
demande  s'ils  n'ont  pas  subi  Tinfluence  de  quelque  élément  étran- 
ger. Cette  variante  est  principalement  caractérisée  par  le  peu  de 
saillie  des  bosses  pariétales,  le  renflement  relativement  faible  de 
l'inion,  l'atténuation  de  l'aplatissement  basilaire  et  la  disparition 
du  prognathisme  sous-nasal,  (les  particularités,  ai-je  dit,  ne  sont 
pas  assez  importantes  pour  masquer  les  nombreux  traits  communs 
qui  existent  entre  les  hommes  des  Baoussé-Roussé  et  le  vieillard 
de  Cro-Magnon;  mais  sont-elles  suflisantes  pour  faire  supposer 
des  croisements?  A  mon  sens,  une  telle  hypothèse  ne  saurait  être 
soutenue. 

Il  convient  d'abord  de  remarquer  que  le  vieillard  de  Gro-Magnon 
présentait,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  une  exagération  des  caractères 
céphaliques  de  sa  race.  Il  constituait,  en  quelque  sorte,  une  excep- 
tion parmi  les  siens,  car  aucune  des  autres  tètes  appartenant  au 
même  type  ethnique  par  l'ensemble  de  leur  morphologie  n'en  a 
montré  les  traits  aussi  accusés.  11  faut  donc  voir  dans  le  vieillard 
un  exemple  de  variation  individuelle  qui  s'est  produit  au  sein  d'un 
groupe  dont  il  n'a  fait  qu'exagérer  les  traits  fondamentaux. 

Un  fait  tout  semblable  s'est  produit  parmi  la  tribu  des  Baoussé- 
Roussé.  L'homme  n°  1  de  la  Barma  Grande  répète  le  type  du  vieux 
sujet  de  la  Vézère  et,  comme  celui-ci,  exagère  les  caractères  de 
ceux  au  milieu  desquels  il  vivait.  S'il  s'était  opéré  des  croisements, 
il  faudrait  admettre  que,  seul,  il  avait  échappé  au  métissage. 

En  second  lieu,  on  comprendrait  difficilement,  dans  l'hypothèse 
d'un  mélange  de  races,  que  la  majeure  partie  des  caractères  impor- 
tants n'ait  subi  aucune  altération  sensible,  comme  ceux  tirés  des 
orbites,  du  nez,  des  arcades  zygomatiques,  de  la  mandibule,  etc. 
Je  sais  bien  qu'on  a  cité  chez  des  métis  des  cas  de  juxtaposition  de 
caractères  ;  mais  ces  cas  ont  toujours  été  isolés.  Aucun  naturaliste 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  301 

n'admet  plus  que  les  choses  se  passent  chez  l'homme  autrement 
que  chez  les  autres  êtres  organisés  ;  et  si  des  croisements  s'étaient 
produits  aux  Baoussé-Roussé,  nous  ne  verrions  pas  nos  troglodytes 
présenter  presque  tous,  à  l'état  de  pureté,  les  traits  du  vieillard  de 
Cro-Magnon  à  l'exception  d'un  petit  nombre  de  caractères  qui, 
seuls,  auraient  été  aiïectés  par  le  métissage. 

C'était  bien  la  même  race  qui  vivait  dans  les  montagnes  de  Gri- 
maldi  et  dans  la  vallée  de  la  Vézère,  race  qui,  durant  l'époque  qua- 
ternaire et  postérieurement,  s'est  répandue  sur  une  vaste  surface. 
Jusqu'ici  on  avait  supposé  qu'elle  s'était  constituée  dans  le  sud- 
ouest  de  la  France  et  qu'elle  avait  émigré  dans  différentes  direc- 
tions. Aujourd'hui,  on  peut  se  demander  si  la  migration  n'a  pas  eu 
lieu  en  sens  inverse. 

On  s'est  plu,  pendant  longtemps,  à  dépeindre  les  hommes  des 
Grottes  de  Grimaldi  comme  formant  un  petit  groupe  qui  serait 
venu  s'échouer  dans  le  coin  où  ont  été  rencontrés  leurs  restes 
et  qui  s'y  serait  trouvé  trop  isolé  pour  avoir  joué  un  rôle 
dans  le  peuplement  de  contrées  plus  ou  moins  éloignées.  Ce  pré- 
tendu isolement  était  purement  hypothétique.  On  commence  à 
récolter  dans  toute  la  région  des  objets  d'industrie  qui  rappellent 
de  très  près  ceux  qu'on  a  recueillis  aux  Baoussé-Roussé  et  on 
découvre  même  des  ossements  humains  qui  ressemblent  singuliè- 
rement à  ceux  de  nos  cavernes.  x\insi,  en  1881,  on  communiqua  à 
A.  de  Quatrefages  des  débris  osseux  qui  avaient  été  exhumés  du 
«  diluvium  de  Nice  ^).  Ils  gisaient  primitivement  dans  un  dépôt  non 
remanié  du  quartier  de  Carabacel  oii  ils  avaient  été  rencontrés  au 
cours  de  travaux  de  terrassement.  Mon  regretté  maître,  en  pré- 
sence des  pilastres  que  portaient  les  fémurs  et  des  caractères  de  la 
mandibule,  n'hésita  pas  à  rattacher  ces  quelques  débris  à  la  race  de 
Cro-Magnon  (1). 

Par  conséquent,  la  petite  tribu  des  Baoussé-Roussé  n'est  déjà 
plus  complètement  isolée  sur  son  promontoire  rocheux  ;  on  lui  a 
découvert  des  parents  dans  la  région,  Et  vraiment  il  était  bien  dif- 
ficile de  supposer  qu'elle  n'eût  pas  prospéré  dans  cette  contrée  qui 
a  dû  être  si  favorable  à  l'habitation  humaine  durant  l'époque  qua- 
ternaire. Le  pays  était  admirablement  abrité  contre  les  vents  froids 


(1)  Un  mot  sur  la  découverte  d'un  squelette  humain  fossile  dans  le  diluvium  de 
Nice.  Lettre  à  M.  de  Qaatrefages,  in  «  Annales  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences 
et  Arts  des  Alpes-Maritimes  »,  t.  VllI,  1882. 


302  Dr  R.  VERNEAU. 

du  nord,  les  retraites  y  abondaient  et  le  gibier  était  loin  d'y  être 
rare,  à  en  juger  par  la  quantité  d'ossements  d'animaux  recueillie 
dans  les  grottes.  Dans  de  telles  conditions,  la  peuplade  a  du  gran- 
dir et  essaimer  en  diiïérentes  directions.  Elle  a  pu,  en  fin  de 
compte,  s'étendre  fort  loin  et  gagner  peu  à  peu  cette  région  péri- 
gourdine  d'où  on  a  voulu  la  faire  venir. 

Les  stations  du  Périgord  ne  datent,  en  effet,  que  de  l'âge  du 
renne;  et,  même  en  vieillissant  autant  que  possible  celle  de  Cro- 
Magnon,  on  n'arrive  qu'à  la  faire  remonter  «  à  une  époque  assez 
reculée  »  du  même  âge  (1).  Or,  j'ai  dit  plus  haut  que  notre  grand 
squelette  de  la  Grotte  des  Enfants  est  considéré  par  M.  Boule 
«  comme  de  l'époque  du  Mammouth,  c'est-à-dire  du  Quaternaire 
moyen  ».  Depuis  que  ce  passage  a  été  imprimé,  mon  savant  ami 
a  fait  une  trouvaille  qui  confirme  sa  première  opinion  sur  la  grande 
ancienneté  de  ce  squelette  :  il  a  découvert  du  renne  parmi  les  osse- 
ments d'animaux  recueillis  dans  la  première  coupe  pratiquée  par 
M.  de  Villeneuve,  c'est-à  direà  plus  de  5  mètres  au  dessus  du  cadavre 
qui,  par  l'ensemble  de  ses  caractères,  appartient  incontestablement 
à  la  race  des  chasseurs  de  la  Dordogne.  Donc  cet  homme,  recouvert 
de  plus  de  5  mètres  de  dépôts  intacts  qui  contenaient  du  Renne  à 
leur  sommet,  est  vraiment  bien  ancien.  11  doit  être  antérieur  à  ceux 
de  LaugerieBasse,  deGourdan,  de  Chancelade,  etc.,  et  même  à  celui 
de  Cro-Magnon.  Comme  il  présente,  ainsi  que  l'ai  montré  dans  ce 
chapitre,  tous  les  caractères  essentiels  de  ce  dernier,  ce  sont  ses 
arrière-petits  fils  qui  ont,  selon  toute  vraisemblance,  gagné  le  Péri- 
gord où  nous  retrouvons  plus  tard  le  même  type  ethnique.  Par  suite, 
il  me  semble  qu'il  faille  admettre  aujourd'hui  qu'au  lieu  d'avoir 
émigré  de  l'ouest  à  l'est  pour  atteindre  les  Baoussé-Roussé,  la  race 
de  Cro-Magnon  a  accompli  sa  migration  de  l'est  à  l'ouest  et  que 
l'Homme  dit  de  Menton,  au  lieu  d'être  le  descendant  du  chasseur 
de  renne  delà  Vézère,  en  est,  au  contraire,  l'ancêtre. 

La  race  négroïde  de  Grimaldi, 

Les  deux  squelettes  rencontrés  dans  la  double  sépulture  infé- 
rieure delà  Grotte  des  Enfants  —  les  plus  anciens,  par  conséquent, 
—  offrent  tout  un  ensemble  de  caractères  qui  les  différencient  de 
toutes  les  races  humaines  fossiles  connues  jusqu'au  moment  de 

(l)  Emile  Gartailhac,  La  France  préhistorique^  p.  106. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  '  303 

leur  découverte  ;  ils  méritaient  donc  une  étude  détaillée,  d'où  se 
dégagent  les  conclusions  suivantes  : 

Conclusions  relatives  aux  Négroïdes  de  Grimaldi.  —  Les  faits 
que  j'ai  longuement  examinés  dans  ce  chapitre  démontrent  que  les 
deux  sujets  de  la  sépulture  inférieure  de  la  Grotte  des  Enfants  se 
ressemblent  singulièrement  entre  eux  et  diffèrent  totalement  des 
sujets  dont  f  ai  énuméré  les  caractéristiques  dans  le  chapitre  précé^ 
dent. 

La  vieille  femme  et  l'adolescent  de  la  Grotte  des  Enfants  méritent 
à  coup  sûr  le  nom  de  Négroïdes;  ils  doivent  être  classés  dans  un 
groupe  nouveau  dont  les  principaux  caractères  peuvent  se  résumer 
de  la  façon  suivante  : 

1°  Taille  un  peu  supérieure  à  la  moyenne; 

2°  Développement  exagéré  de  lavant-bras  par  rapport  au  bras  et 
de  la  jambe  par  rapport  à  la  cuisse  ; 

S'*  Membre  inférieur  extrêmement  allongé  comparativement  au 
inembre  supérieur; 

(Par  ces  deux  derniers  caractères,  nos  Négroïdes  exagèrent  les 
traits  des  Nègres  d'aujourd'hui); 

4o  Tête  volumineuse^  dysharmonique  à  un  très  haut  degré,  avec 
crâne  fort  allongé  d'avant  en  arrière  et  face  à  la  fois  large  et  basse  ; 

5*'  Forme  régulièrement  elliptique  de  la  voûte  crânienne; 

6°  Notable  développement  du  crâne  dans  le  sens  vertical; 

l""  Front  bien  développé;  léger  méplat  en  arrière  des  pariétaux; 
renflem£nt  de  l'occipital  en  arrière  et  en  bas  ; 

8"  Glabelle  efi  relief;  arcades  sourcilières  saillantes  au  niveau  des 
sinus  frontaux,  complètement  effacées  en  dehors  ; 

9°  Orbites  très  larges,  à  faible  diamètre  vertical; 

\  0*"  Nez  platyrhinien  (fig.  3  et  5),  avec  bord  antérieur  du  plancher 
se  terminant  en  gouttières; 

11*^  Prognathisme  énorme  des  mâchoires  ; 

12**  Voûte  palatine  étroite  et  profonde; 

13^  Maxillaire  inférieur  à  menton  fuyant ^  à  corps  épais ^  à 
branches  montantes  larges  et  basses,  avec  des  eondyles  très  inclinés 
en  arrière  ; 

14^  Dents  volumineuses;  molaires  supérieures  allongées,  à  denti- 
cide  postéro-interne  très  détaché  ;  la  seconde  et  la  troisième  arrière^ 


304 


Dr  R.  VEHNEAU. 


molaire  de  la  mandibule  avec  denticule  postérieur  bien  reconnais- 
sablc  (1)  ; 

(Par  la  dentition,  notre  jeune  Négroïde  se  rapproche  considéra- 
blement des  Australiens)  ; 

15"  Bassin  à  ilions  verticaux^  développés  en  hauteur,  à  crête 
iliaque  très  courbée,  à  échancrure  sciatique  étroite,  comme  chez  les 
Nègres  actuels; 


FiG.  3.  —  Crâne  de  la  vieille  feaime  de  la  double  sépulture  de  la  Grotte  des  Enfants 

(Type  négroïde). 

\^^  Au  membre  supérieur,  le  cubitus  offre  une  torsion  prononcée 
au  niveau  de  l'insertion  du  muscle  carré  pronateur  et  le  radius  se 
montre  à  la  fois  aplati  d'avant  en  arrière  et  élargi  transversalement', 

17"  Fémur  remarquable  surtout  par  l'exagération  de  sa  courbure 
à  concavité  postérieure^  comme  chez  les  Anthropoïdes-, 

18"  Tibia  avec  réti'oversion  de  l extrémité  supérieure  \ 

(1)  Cf.  Albert  Gaudhy,  Conirihuiion  à  l'histoire  des  Hommes  fossiles.  L'Anthropologie, 
t.  XIV,  fasc.  1,  figures  1,  2,  7,  10  et  13. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  305 

19°  Saillie  du  talon  extrêmement  prononcée . 

En  présence  d'un  aussi  grand  nombre  de  caractères  qui  ne  se 
retrouvent  aujourd'hui  que  chez  les  races  considérées  comme  infé- 
rieures par  les  anthropologistes,  il  est  impossible  de  ne  pas 
regarder  nos  Négroïdes  de  Grimaldi  comme  occupant  eux-mêmes, 
sous  beaucoup  de  rapports,  un  des  échelons  inférieurs  de  THuma- 


Fio.  4.  —  Gràae  de  la  vieille  femme  de  la  double  sépulture  de  la  Grotte  des  Eafaats 

(Type  négroïde). 


nité.  Cependant^  on  doit  reconnaître  que  l'organe  dont  le  beau 
développement  caractérise  le  mieux  THomme,  c'est-à-dire  le  cer- 
veau, avait  déjà  évolué  d'une  façon  tout  à  fait  remarquable.  Sans 
doute  la  race  de  Grimaldi  s'était-elle  trouvée  placée  dans  des  con- 
ditions exceptionnellement  avantageuses,  qui  lui  avaient  permis 
de  cultiver  ses  facultés  intellectuelles.  Elle  était  déjà  en  possession 
d'une  industrie  qu'on  ne  peut  pas  qualifier  de  primitive,  ainsi  que 
le  montrera  M.  Gartailhac.  Elle  recherchait  les  objets  de  parure, 
car  l'abondance  du  gibier  lui  assurait  la  vie  matérielle  et  lui  lais- 
sait des  loisirs.  Et,  tandis  que  les  malheureux  sauvages  d'Australie, 


l'anthropologie.   —  T.  XVII.   —  1906. 


20 


308  Dr  R.  VERNEAU. 

sur  cepoiatà  des  conclusions  que  j'ai  résumées  en  quelques  lignes 
et  que  je  reproduis  textuellement. 

En  Bretagne,  comme  en  Suisse  et  dans  le  nord  de  l'Italie,  il  a 
vécu,  à  l'époque  de  la  pierre  polie,  à  l'âge  du  bronze  et  pendant  le 
premier  âge  du  fer,  un  certain  nombre  d'individus  qui  se  distin- 
guaient par  quelques  traits  de  leurs  contemporains.  Les  caractères 
exceptionnels  que  présente  fréquemment  le  crâne  de  ces  individus 
consistent  dans  un  prognathisme  parfois  énorme  et  dans  une  mor- 
phologie spéciale  de  l'appendice  nasal.  Le  nez  est  large  pour  sa 
longueur  et  ses  fosses,  au  lieu  d'être  limitées  en  avant  et  en  bas 
par  un  bord  aigu,  se  terminent  par  un  bord  mousse,  creusé  d'une 
gouttière  plus  ou  moins  prononcée  qui  se  prolonge  sur  la  face 
antérieure  des  maxillaires  supérieurs. 

Tous  ces  sujets  ont  un  crâne  dolichocéphale  dont  la  voûte  affecte 
une  forme  elliptique  à  la  fois  très  régulière  et  très  allongée,  sauf 
sur  les  deux  têtes  de  Chamblandes  où  elle  se  montre  un  peu  plus 
courte.  Le  développement  vertical  de  la  boîte  encéphalique  est 
généralement  remarquable.  Le  front  est  peu  fuyant,  et,  en  arrière, 
on  observe  un  léger  méplat  pariéto-occipital. 

Une  face  relativement  basse  et  large  accompagne  presque  tou- 
jours ce  crâne  haut,  long  et  régulièrement  elliptique,  sur  lequel 
les  bosses  pariétales  sont  très  mal  indiquées;  la  tête  est  donc  com- 
plètement dysharmonique,  comme  celle  de  nos  chasseurs  de  renne 
du  Périgord,  dont  elle  diiïère  considérablement  sous  les  autres 
rapports. 

A  ces  caractères  s'ajoutent,  dans  bien  des  cas,  des  orbites  rela- 
tivement larges,  mais  cependant  plus  développées  en  hauteur  que 
celles  des  hommes  de  Cro-Magnon.  La  mandibule,  habituellement 
très  épaisse  au  niveau  de  la  deuxième  molaire,  porte  un  menton 
peu  saillant,  quelquefois  même  sensiblement  en  retrait. 

Toutes  ces  particularités  peuvent  ne  pas  se  trouver  réunies  sur 
la  même  tête;  mais  les  individus  dont  j'ai  parlé  dans  les  pages  qui 
précèdent  offrent  toujours,  comme  je  l'ai  dit,  certains  traits  qui  les 
distinguent  non  seulement  des  races  qui  vivaient  à  l'époque  néo- 
lithique ou  pendant  les  premiers  âges  des  métaux,  mais  aussi  des 
races  fossiles  que  l'on  connaissait  avant  les  fouilles  du  Prince  de 
Monaco.  On  était  assez  embarrassé  naguère  pour  expliquer,  par 
exemple,  Texistencerelativement  fréquente  d'un  fort  prognathisme 
chez  les  préhistoriques  de  l'Europe  occidentale.  Aujourd'hui  que 
nous  connaissons  la  race  fossile  de  Grimaldi,  l'explication  devient 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  309 

simple  :  il  s'agit  de  cas  d'atavisme  partiel^  comme  lavait  supposé 
A.  de  Quatrefages  lorsqu'on  ne  connaissait  encore  aucune  race 
fossile  présentant  un  prognathisme  assez  considérable  pour  qu'on 
pût  lui  attribuer  la  grande  projection  des  maxillaires  qu'on  observe 
à  l'état  erratique  chez  certains  individus  d'Europe.  L'existence 
d'une  race  ancienne  très  prognathe,  que  la  théorie  avait  fait 
admettre  à  mon  éminent  maître,  est  aujourd'hui  un  fait  démontré  : 
c'est  à  la  vieille  race  négroïde  des  Baoussé-Roussé  qu'il  faut,  vrai- 
semblablement, faire  remonter  l'origine  des  caractères  exceptionnels 
quej 'ai  signalés,  au  cours  de  ce  chapitre,  chez  des  sujets  de  l'époque 
néolithique  ou  des  premiers  âges  des  métaux. 

Il  me  paraît  difficile  de  conserver  le  moindre  doute  à  cet  égard. 
Lorsque  l'atavisme  a  fait  réapparaître  un  fort  prognathisme  chez 
les  individus  dont  j'ai  parlé,  il  a  en  même  temps  reproduit  une 
autre  particularité  morphologique  des  Négroïdes  rencontrés  par 
M.  le  chanoine  de  Villeneuve  dans  la  Grotte  des  Enfants  :  je  fais 
allusion  à  la  forme  spéciale  du  noz.  Et  si  1  hérédité  atavique  no 
s'est  pas  limitée  aux  mâchoires  et  au  squelette  nasal,  nous  l'avons 
toujours  vu  reproduire  quelques  uns  des  traits  de  la  race  de  Gri- 
maldi.  Parfois  ce  sont  les  orbites  qui  se  dilatent  dans  le  sens  trans- 
versal, en  même  temps,  d'ailleurs,  que  toute  la  face;  parfois  c'est 
le  menton  qui  fuit  pendant  que  les  arcades  dentaires  se  projettent 
en  avant.  Généralement  le'crànc  rappelle  aussi  d'une  façon  frap- 
pante la  conformation  de  la  vieille  femme  et  de  l'adolescent  des 
Baoussé-Roussé.  Enfin,  nous  avons  rencontré  un  exemple,  non 
plus  d'atavisme  partiel^  mais  d'atavisme  complet  chez  le  sujet  néo- 
lithique de  Conguel,  que  le  D'"  Georges  Hervé  a  été  le  premier 
à  rapprocher  du  type  de  Grimaldi.  Ici,  c'est  la  tête  entière  qui 
reproduit  les  particularités  caractéristiques  de  nos  Négroïdes  fos- 
siles. 

Nous  avons  pu  aller  plus  loin  encore  dans  nos  comparaisons»' 
Les  deux  individus  de  Chamblandes,  chez  lesquels  le  D'"  Alexandre 
Schenk  a  reconnu  des  caractères  négroïdes,  n'étaient  pas  repré- 
sentés seulement  par  leur  extrémité  céphalique;  on  a  recueilli  une 
bonne  partie  de  leur  squelette.  Il  a  été  possible,  par  conséquent, 
d'étudier  les  proportions  de  leurs  membres.  Or,  nous  avons  vu 
que  l'homme  de  Chamblandes  se  confond  avec  les  Nègres  et  avec 
nos  sujets  de  Grimaldi  par  le  rapport  de  sa  clavicule  ou  de  son 
radius  à  son  humérus,  par  le  rapport  de  son  tibia  à  son  fémur  et 
par  celui  de  son  membre  supérieur  à  son  membre  inférieur.  Il  en 


310  Dr  R.  VERNEAU. 

est  de  même  de  la  femme  de  Chamblandes^  sauf  en  ce  qui  concerne 
le  rapport  cléido-huméral. 

Tous  ces  faits  ont  évidemment  une  signification  qu'on  ne  saurait 
méconnaître.  Ils  démontrent  que  nos  deux  Négroïdes  de  Grimaldi 
sont  bien  les  représentants  d'une  racCy  qui  a  joué  un  rôle  impor- 
tant dans  l'Europe  occidentale.  S'il  s'agissait  simplement  d'indi- 
vidus erratiques,  échoués  accidentellement  aux  Baoussé- Rousse, 
on  ne  verrait  pas  leur  inOuencc  se  faire  sentir,  par  atavisme,  à 
l'époque  néolithique  et  pendant  les  premiers  âges  des  métaux, 
depuis  la  péninsule  armoricaine  jusqu'en  Suisse  et  dans  tout  le 
nord  de  lltalie.  Pour  qu'il  ait  été  possible  d'en  retrouver  les  traces 
dans  toute  cette  région,  il  a  fallu  que  la  vieille  race  négroïde  des 
Baoussé-Roussé  comptât  un  certain  nombre  de  représentants  et 
qu'elle  se  répandît  sur  une  vaste  surface.  Aujourd'hui  que  l'atten- 
tion est  attirée  sur  elle,  il  n'est  pas  douteux  qu'on  ne  nous  apporte 
de  nouveaux  faits  à  l'appui  de  cette  manière  de  voir.  Mais,  d'ores 
et  déjà^  les  observations  de  MM.  Georges  Hervé  et  Alexandre 
Sclienk,  celles  que  j'ai  pu  faire  moi  môme  et  que  j'ai  rapportées 
ci-dessus,  d'autres  encore  dont  il  sera  question  dans  le  chapitre 
suivant,  me  semblent  avoir  posé  le  problème  d'une  façon  bien  nette 
et  l'avoir  résolu  en  partie  II  incombe  aux  anthropologistes  de  con- 
trôler mes  dires  et  de  voir  si  je  me  suis  laissé  entraîner  par  l'imagi- 
nation. 

Les  survivancks  de  la  rack  de  Grimaldi  a  l'époque  actuelle. 

Malgré  le  nombre  de  siècles  qui  s'est  écoulé  depuis  l'époque  oii 
vivaient  les  Négroïdes  de  la  Grotte  des  Enfants,  leurs  caractères  si 
particuliers  se  reproduisent  encore  par  atavisme  chez  certains  indi- 
vidus. J'en  ai  rencontré  des  exemples  au  cours  de  la  mission  en 
Suisse  et  en  Italie,  que  m'avait  confiée  le  Prince  de  Monaco.  Mes 
observations  m'ont  conduit  à  des  conclusions  qui  me  paraissent 
assez  intéressantes  pour  que  je  les  rappelle  ici. 

Lorsqu'on  étudie  les  populations  qui  vivent  de  nos  jours  à  l'est, 
au  nord  et  à  l'ouest  des  Baoussé-Roussé,  on  rencontre  de  ci  de-là 
quelques  individus,  toujours  extrêmement  clairsemés,  qui  se  diiïé- 
rencient  nettement  par  certains  caractères  de  leurs  voisins.  Parmi 
ces  caractères,  il  en  est  deux  sur  lesquels  j'ai  insisté  d'une  façon 
toute  spéciale  :  c'est  la  platyrhinie  et  le  prognathisme. 

On  s'étonnera  peut-être  de  me  voir  attacher  de  l'importance  à 
ces  deux  caractères,  dont  plus   d'un  anthropologiste   a  constaté 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  3H 

l'association  sur  quelques  rares  têtes  d'Européens  modernes.  C'est 
que  ni  la  platyrhinie  ni  le  prognathisme  bien  accusé  ne  sont  des 
traits  des  races  qui  ont  vécu  en  Europe  depuis  les  temps  histo- 
riques, pas  plus,  d'ailleurs,  que  de  celles  dont  la  science  nous  avait 
révélé  Texistence  aux  époques  préhistoriques.  D'un  autre  côté,  on 
ne  saurait  regarder  ces  caractères^  notamment  le  prognathisme, 
comme  étant  le  résultat  de  l'évolution.  Toutes  les  recherches 
modernes  ont  démontré  qu'au  fur  et  à  mesure  qu'il  se  civilise, 
l'homme  voit  ses'dents  diminuer  de  volume  et,  par  suite,  ses  maxil- 
laires se  raccourcir. 

Or,  si  la  platyrhinie  et  la  forte  saillie  des  mâchoires  ne  sont  ni 
un  legs  des  races  que  les  savants  classaient  parmi  celles  qui  ont 
contribué  à  la  formation  des  populations  actuelles  de  l'Europe,  ni 
le  résultat  de  l'évolution  qui  s'accomplit  lentement,  mais  d'une 
façon  continue,  dans  l'organisme  humain,  il  faut  chercher  une 
autre  explication  de  leur  présence  chez  un  nombre  très  restreint 
d'individus.  La  plus  simple  et  en  même  temps  la  plus  plausible 
est  celle  qu'a  donnée  A.  de  Quatrefarges  pour  le  prognathisme  : 
c'est  que  ces  particularités  morphologiques  sont  des  caractères 
ataviques  que  quelques-uns  d'entre  nous  tiennent  d'un  ancêtre 
extrêmement  éloigné.  La  rareté  même  du  phénomène  est  un  argu- 
ment qui  milite  en  faveur  de  cette  manière  de  voir.  S'il  s'agissait 
d'un  héritage  récent,  le  phénomène  serait  assurément  beaucoup 
moins  exceptionnel . 

Cette  race  platyrhinienne  et  très  prognathe,  dont  la  théorie  fai- 
sait prévoir  Texistence  à  une  époque  reculée,  les  fouilles  du  Prince 
de  Monaco  aux  Baoussé-Roussé  nous  l'ont  fait  connaître.  Il  n'est 
pas  sans  intérêt  de  noter,  en  passant,  que  presque  tous  les  individus 
modernes,  platyrhiniens  et  prognathes,  dont  j'ai  pu  étudier  les 
crânes,  m'ont  présenté  les  gouttières  nasales  si  accusées  sur  la  tête 
de  la  vieille  femme  de  la  Grotte  des  Enfants. 

Les  particularités  anatomiques  que  je  viens  de  mentionner  et 
que  je  regarde  comme  des  cas  d'atavisme,  s'accompagnent  parfois 
d'autres  caractères  qui  peuvent  s'expliquer  de  la  même  façon.  Ainsi, 
au  milieu  des  populations  brachycéphales  du  nord  de  l'Italie,  nous 
avons  rencontré  quelques  sujets  platyrhiniens  et  très  prognathes 
qui  se  distinguaient  encore  de  leurs  voisins/par  une  notable  élon- 
gation  du  crâne.  JN'est-il  pas  remarquable  que,  plus  ces  individus 
aberrants  s'éloignent  du  type  habituel  de  leur  groupe  et  plus  ils  se 
rapprochent  de  nos  Négroïdes  de  Grimaldi? 


3l2 


Dr  R.  VERNEAU. 


Nous  avons  vu  le  type  ccphaliquc  de  ces  derniers  pres<jue  com- 
plètement réalise  chez  une  femme  moderne  de  Bologne  (fig.  7  et  8) 
et  chez  une  femme  du  moyen  âge  de  la  Suisse. 

Mes  recherches  m'ont  conduit  à  des  résultats  plus  probants 
encore.  J'ai  eu  la  bonne  fortune  d'observer  deux  Négroïdes  vivants, 
originaires  l'un  et  l'autre  des  montagnes  du  nord-ouest  du  Pié- 
mont. Or,  non  seulement  ils  présentaient  les  mêmes  particularités 
crâniennes  et  faciales  que  la  vieille  femme  et  l'adolescent  de  la 


Fio.  7.   -  Crâne  d'une  femme  moderne  de  Bologne,  Italie  (Type  négroïde). 


Grotte  des  Enfants,  mais  ils  s'en  rapprochaient  encore  par  les  pro- 
portions de  leurs  membres  supérieurs.  Ici,  l'atavisme  n'est  plus 
contestable  :  le  type  négroïde  est  réalisé  presque  dans  toute  sa 
perfection,  et,  d  un  autre  côté,  il  est  impossible  d'attribuer  à  une 
héridité  directe  les  caractères  des  deux  individus.  En  effet,  j'ai 
examiné  le  père  de  Tun  d'eux  et,  des  renseignements  qui  m'ont  été 
fournis  sur  les  autres  parents,  je  dois  conclure  que  les  fils  ne  res- 
semblaient ni  à  leurs  pères  ni    à  leurs  mères.  Ils   reproduisaient 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDl. 


313 


donc  les  traits  d'ancêtres  éloignés,  et  ces  ancêtres  remontent  sans 
doute  à  une  époque  fort  reculée. 

Ce  sont  très  vraisemblablement  nos  Négroïdes  de  Grimaldi  qui 
doivent  être  considérés  comme  les  ascendants  éloignés  de  nos  deux 
montagnards  piémontais,  puisque  nous  retrouvons  chez  ceux  ci 
tous  les  caractères  es^sentiels  delà  vieille  race  des  Baoussé-Rous^é. 

Il  est  bien  difficile,  d'ailleurs,  d'attribuer  à  l'intervention  récente 
d'un  élément  nigritique  les  particularités  anatomiques  dont  il  a  été 
question  dans  ce  chapitre.  J'ai  eu  soin  de  choisir,  pour  mes  obser- 


FiG.  8.  —  Crâne  d'une  femme  moderne  de  Bologne,  Italie  (Type  négroïde). 

vations,  les  régions  où  l'arrivée  de  véritables  Nègres  est  le  moins 
vraisemblable  et  où  la  population  actuelle  a  conservé  une  pureté 
relative.  On  ne  saurait  guère  supposer,  par  exemple,  que  des  Noirs 
soient  allés  mélanger  leur  sang  à  celui  des  peuplades  des  mon- 
tagnes de  la  province  d'Ivrea,  encore  si  peu  accessibles.  Et,  dans 
cette  hypothèse,  il  faudrait  encore  faire  intervenir  Tatavisme,  car 
les  ancêtres  directs  de  nos  Négroïdes  n'offraient  en  aucune  façon 
les  caractères  de  ceux  ci.  Personne  n'admettra,  je  pense,  qu'il  soit 
arrivé  assez  de  Nègres  dans  les  provinces  septentrionales  de  l'Italie 
ou  dans  le  Valais  pour  y  avoir  laissé  toutes  les  traces  signalées 
dans  les  pages  qui  précèdent.  Cette  hypothèse,  absolument  gra- 


316  Dr  R.  VERNEAU. 

race  de  Néanderthal  et,  un  peu  aussi,  vers  le  type  anthropoïde. 
Parfois  même  nos  Négroïdes  se  rapprochent  davantage  de  ce  der- 
nier que  l'Homme  de  Néanderthal.  C'est  ce  que  nous  montre,  par 
exemple,  leur  prognathisme  si  remarquable,  plus  accusé  certai- 
nement que  celui  des  individus  de  la  Grotte  de  Spy. 

En  tenant  compte  de  l'ensemble  des  caractères,  on  dirait  que  la 
race  de  Spy  et  celle  de  Grimaldi  soient  deux  branches  collatérales 
d'un  tronc  qu'il  est  encore  difficile  de  préciser,  mais  qui  devait  res- 
sembler dans  une  certaine  mesure  au  Pithecanthropiis.  Chez  elles, 
l'évolution  s'est  faite  en  sens  divergents  :  l'Homme  de  Spy  ou  de 
Néanderthal  a  conservé  dans  le  crâne  proprement  dit  une  grande 
partie  des  caractères  de  son  ancêtre,  mais  il  en  a  perdu  le  progna- 
thisme exagéré,  quoiqu'il  soit  sensiblement  plus  prognathe  qu'on 
ne  le  croyait  naguère,  ainsi  que  le  démontrent  des  recherches  encore 
inédites  du  professeur  Julien  Fraipont  (1).  L'Homme  de  Grimaldi, 
au  contraire,  s'est  développé  considérablement  sous  le  rapport  du 
volume  delà  boîte  encéphalique,  mais  sa  face  n'a  pas  évolué  dans 
es  mêmes  proportions,  surtout  au  point  de  vue  du  prognathisme. 

11  n'y  a  rien  là,  d'ailleurs,  qui  soit  en  contradiction  avec  la  doc- 
trine évolutive  ni  avec  les  faits  observés  chez  les  autres  êtres  orga- 
nisés. Nous  savons  fort  bien  que  tous  les  organes  peuvent  ne  pas 
évoluer  parallèlement  ni  avec  la  même  rapidité.  Suivant  la  nature 
des  changements  qui  s'opèrent  dans  le  milieu,  une  partie  du  corps 
d'un  animal  peut  se  modifier  profondément  sans  que  les  autres 
parties  éprouvent  de  changements  bien  appréciables.  C'est  ce  que 
n'ignore  aucun  éleveur,  et  les  amateurs  de  pigeons  ont,  en  Angle- 
terre, mis  à  profit  cette  loi  pour  transformer  soit  le  bec,  soit  les 
ailes,  soit  les  pattes,  soit  le  port  des  sujets  sur  lesquels  ils  ont  pra- 
tiqué leurs  expériences.  Or,  comme  l'a  si  bien  dit  Armand  de  Qua- 
trefages,  «l'homme  ne  peut  qu'être  soumis  aux  lois  physiologiques 
générales  qui  régissent  tous  les  autres  êtres.  C'est  là  une  vérité 
aujourd'hui  généralement  reconnue.  Toute  théorie  qui  conduit  à  le 
regarder  comme  échappant  à  ces  lois  est  fausse  »  (2).  Par  suite,  on 
peut  dire  que  ce  qui  se  passe  chez  le  pigeon  et  les  autres  êtres  orga- 

(1)  M.  Fraipont  m'a  récemment  parlé  des  expériences  qu'il  a  faites  pour  détermi- 
ner le  prognathisme  de  l'Homme  de  Spy.  Je  me  borne  à  mentionner  en  passant  le 
résultat  de  ces  expériences,  ne  voulant,  en  aucune  façon,  déflorer  le  sujet  et  priver 
l'auteur  de  la  satisfaction  bien  légitime  d'exposer  lui-même  ses  recherches. 

(2)  A.  DE  QuATUEFAGES,  Histoire  générale  des  races  humaines.  Inlroduclion  à  Vétude 
des  races  humaines.  Paris,  1889,  p.  45. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDI.  317 

nisés  se  passe  chez  l'Homme,  et  que  si  la  race  de  Néanderthal  et 
celle  de  Grimaldi  ont  été  soumises  à  des  conditions  différentes,  elles 
ont  forcément  évolué  dans  des  directions  différentes.  Mais  Tune  a 
gardé  dans  le  crâne,  l'autre  dans  sa  face,  des  caractères  de  l'an- 
cêtre, comme  toutes  les  races  colombines  ont  conservé  dans  leur 
organisme  quelque  chose  de  leur  ancêtre,  le  biset. 

Si  nous  additionnons  les  caractères  ataviques  des  deux  plus 
vieilles  races  fossiles  d'Europe  que  nous  connaissons  actuellement; 
si  nous  tenons  compte  des  particularités  du  crâne  de  l'Homme  de 
Spy  et  des  caractères  faciaux  de  l'Homme  de  Grimaldi^  nous  arri- 
vons à  cette  conclusion  que  nos  premiers  ancêtres  devaient  réelle- 
ment se  rapprocher  du  Piihecanthro-pus  et  des  grands  singes 
anthropomorphes  d'aujourd'hui. 

Cependant,  par  les  proportions  de  ses  membres  inférieurs, 
comme  par  le  volume  de  son  crâne,  l'Homme  de  Grimaldi  diffère 
notablement  des  Anthropoïdes.  Tandis,  en  effet,  que  ceux-ci  ont  la 
jambe  très  courte  par  rapport  à  la  cuisse,  les  Négroïdes  de  la 
Grotte  des  Enfants  ont  le  tibia  extrêmement  développé  en  compa- 
raison du  fémur.  A  ce  point  de  vue^  l'Homme  de  Spy  forme  la 
transition  entre  les  grands  singes  et  nos  Négroïdes,  tout  en  se  rap- 
prochant davantage  des  premiers  que  des  seconds.  Nous  assistons 
encore  ici  à  une  véritable  évolution.  Si  nous  partons  d'un  type  plus 
ou  moins  pithécoïde,  à  tibia  relativement  très  court,  nous  voyons 
la  jambe  s'allonger  chez  l'Homme  de  Spy  et  atteindre  son  maxi- 
mum de  développement  chez  celui  de  Grimaldi.  Chez  ce  dernier, 
les  changements  semblent  s'être  produits  avec  une  rapidité  qui 
surprend  un  peu;  mais  le  fait  est  susceptible  d'une  explication 
plausible.  Tant  que  nos  ancêtres  n'ont  été  que  des  bipèdes  impar- 
faits —  et  M.  Fraipont  assure  que  tel  était  le  cas  des  Hommes  de 
Spy  — ,  lajambe  est  restée  relativement  courte.  Une  fois  que  l'atti- 
tude verticale  est  devenue  définitive,  le  tibia  a  dû  se  développer 
rapidement  en  longueur.  Cette  évolution  a  été  grandement  favori- 
sée par  le  genre  d'exislence  des  troglodytes  des  Baoussé-Roussé 
qui,  vivant  de  gibier,  étaient  obligés  de  fournir  chaque  jour  de 
longues  marches.  Les  chasseurs  du  type  de  Cro-Magnon,  qui  leur 
ont  succédé,  menaient  le  même  genre  de  vie  et,  chez  certains 
d'entre  eux,  le  tibia  s'est  encore  allongé.  Deux  de  nos  sujets  de  ce 
types  —  sur  les  quatre  qu'il  nous  a  été  permis  d'étudier  à  ce  point 
de  vue  —  nous  ont,  en  effet,  fourni  un  rapport  tibio-fémoral  excep- 
tionnellement élevé. 


318  D"-  R.  VERNEAU. 

Ce  qui  peut  paraitriî  étrange  au  premier  abord,  c'est  que  l'ITommc 
de  Grimaldi  et  T Homme  de  Cro-Magnon  s  éloignent  plus,  à  cet 
égard,  du  type  anthropoïde  que  l'Européen  moderne.  Les  adver- 
saires du  transformisme  verront  peut-être  dans  ce  fait  un  argu- 
ment à  opposer  à  la  doctrine  de  l'évolution.  Il  me  semble  que 
l'argument  n'a  qu'une  valeur  assez  minime,  car  rien  ne  prouve  que 
les  tribus  néolithiques,  qui  ont  contribué  dans  une  large  mesure 
à  la  formation  des  populations  actuelles  de  l'Europe,  se  soient  déve- 
loppées dans  les  mômes  conditions  que  les  tribus  des  Baoussé- 
Uoussé.  Elles  possédaient  des  onimaux  domestiques  et  connais- 
saient déjà  l'agriculture,  ce  qui  porterait  à  croire  qu'elles  avaient 
évolué  dans  des  conditions  ditTérentes  et  avec  plus  de  rapidité  que 
les  peuplades  autochtones  de  nos  contrées.  Si  elles  en  étaient 
arrivées  à  une  vie  relativement  sédentaire  avant  que  leur  tibia  n'eût 
acquis  la  grande  longueur  que  nous  avons  notée  chez  les  tribus 
chasseresses  de  Grimaldi^  on  comprend  aisément  que  leur  jambe 
ait  cessé  de  s'accroître. 

Une  autre  hypothèse  peut  expliquer  la  brièveté  relative  de  la 
jambe  chez  l'Européen  moderne.  Le  jour  où  nos  ancêtres  n'ont 
plus  été  dans  l'obligation  de  marcher  constamment  à  la  poursuite 
du  gibier,  l'évolution  régressive  a  pu  entrer  en  jeu.  Quoi  qu'il  en 
soit  de  ces  hypothèses,  les  faits  que  j'ai  enregistrés  dans  ce  travail 
me  paraissent  assez  solidement  établis  pour  résistera  la  critique. 

Parmi  ces  faits,,  il  en  est  un  qui  me  paraît  aujourd'hui  tout  à  fait 
indiscutable  :  c'est  que,  à  une  période  très  reculée  des  temps  qua- 
ternaires, nous  avons  compté  des  Négroïdes  parmi  nos  ancêtres. 
Si  cette  importante  découverte  ne  nous  permet  pas  de  remonter  au 
type  primitif  de  l'humanité,  elle  nous  fournit  cependant  à  cet  égard 
quelques  indices  qui  ne  sont  pas  à  dédaigner.  Mais  elle  nous  ren- 
seigne bien  mieux  sur  l'origine  de  certains  caractères  de  races  plus 
récentes. 

Jusqu'au  jour  où  les  fouilles  du  Prince  de  Monaco  nous  ont 
révélé  l'existence  de  l'ancienne  race  de  Grimaldi,  l'Homme  de  Cro- 
Magnon  semblait  un  être  exceptionnel,  qui  ne  se  rattachait  à 
aucun  type  humain  antérieur.  Entre  lui  et  l'Homme  de  Spy  les 
différences  étaient  telles  qu'aucun  anthropologiste  ne  songeait  à 
regarder  celui-ci  comme  l'ancêtre  du  premier.  La  question  change 
d'aspect  lorsqu'on  établit  une  comparaison  entre  la  race  de  Cro- 
Magnon  et  nos  Négroïdes  de  la  Grotte  des  Enfants. 


LES  GROTTES  DE  GRIMALDT.  319 

Au  premier  abord,  les  deux  races  paraissent  bien  dilTérentes 
l'une  de  Tauti-e;  mais  quand  on  examine  les  détails,  on  voit  que 
rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'il  y  ait  entre  elles  des  liens  de  parenté. 

Les  dissemblances  portent  principalement  sur  la  taille,  le  volume 
du  crâne,  le  prognathisme  et  la  forme  de  la  voûte  crânienne  ; 
encore  convient  il  de  faire  une  réserve  pour  ce  dernier  caractère 
puisque  les  Cro-Mag-nons  des  Baoussé-Ronssé  ne  présentent  pas  la 
forme  penlagonale  de  la  tête  que  montrent  la  plupart  de  leurs  con- 
génères du  Périgord.  Chez  eux,  l'augmentation  de  la  taille  et  du 
volume  de  l'encéphale  peut  tenir  à  une  seule  et  même  cause,  car  il 
suffit  que  la  taille  s'accroisse  pour  que  l'encéphale  subisse  une 
augmentation  parallèle  de  volume.  Or,  nos  éleveurs  ont  démontré 
expérimentalement  que  pour  relever  la  stature  des  petits  chevaux 
de  la  Camargue,  il  n'est  besoin  que  de  donner  une  alimentation 
choisie  à  la  jument  en  état  de  gestation.  Chez  l'homme,  en  agissant 
de  même,  on  obtient  des  résultats  identiques.  Par  suite,  pour 
expliquer  que  les  descendants  des  Négroïdes  deGrimaldi  aient  vu 
leur  taille  s'accroître  dans  des  proportions  notables,  il  faut  simple- 
ment admettre  que  les  conditions  générales  d'existence  se  soient 
améliorées,  que  la  nourriture,  notamment,  soit  devenue  plus 
abondante.  11  semble  bien  qu'il  en  ait  été  ainsi.  Non  seulement, 
à  l'âge  du  renne,  Ihomme  avait  acquis  une  longue  expérience  à  la 
chasse,  mais  il  possédait  un  armement  plus  perfectionné,  et  le 
gibier  abondait. 

Quant  au  prognathisme,  il  paraît  être  également,  en  partie  tout 
au  moins,  sous  l'influence  de  l'alimentation.  De  bonnes  conditions 
d'existence,  d'après  Darwin,  amènent  une  diminution  du  volume 
des  dents;  il  en  résulte  une  diminution  corrélative  de  la  longueur 
des  mâchoires  et,  par  suite,  du  prognathisme. 

Chez  l'Homme  de  Cro-Magnon,  la  projection  en  avant  des  maxil- 
laires n'a  pas,  d'ailleurs,  complètement  disparu;  elle  s'est  simple- 
ment atténuée,  parfois  notablement,  comme  nous  l'ont  montré  nos 
grands  sujets  de  Grimaldi. 

Entre  la  tête  des  Négroïdes  et  celles  des  individus  du  type  de  Cro- 
Magnon.  nous  avons  signalé  un  bon  nombre  de  traits  communs.  Je 
rappellerai  la  dysharmonie  entre  la  face  et  le  crâne,  le  beau  déve- 
loppement du  front,  le  méplat  pariéto-occipital,  le  renflement  de 
l'inion,  la  forme  des  arcades  sourcilières  et  de  la  glabelle,  celle  des 
orbites,  etc.  D'un  type  à  l'autre,  les  différences  ne  constituent  en 
réahté  qu'une  question  de  degré.  Les  particularités  qui  ont  attiré 


320  Ur  R.  VEKNEAU. 

rattention  des  anlliropologistes  lorsqu'ils  se  sont  trouves  en  pré- 
sence du  crâne  du  vieillard  des  Eyzies,  existaient  déjà  chez  nos 
Négroïdes  de  Grimaldi  à  un  état  plus  ou  moins  rudimenlaire.  Par 
conséquent,  à  quelque  point  de  vue  que  nous  nous  placions,  rien  ne 
s'oppose  à  ce  que  ceux-ci  soient  les  ancêtres  des  chasseurs  de  l'âge 
du  renne. 

Que  les  hypothèses  que  je  viens  d'émettre  soient  vraies  ou  fausses, 
il  reste  acquis  que,  en  dehors  de  la  race  de  Neanderthal,  il  a  vécu 
chez  nous,  à  un  moment  très  reculé  des  temps  quaternaires,  une 
race  qui,  par  beaucoup  de  ses  caractères  céphaliques,  par  ses  carac- 
tères pelviens,  par  les  proportions  de  ses  membres,  offrait  de 
remarquables  analogies  avec  les  Nègres  d'aujourd'hui,  c'est-à-dire 
avec  les  groupes  ethniques  que  l'on  place  aux  derniers  échelons  de 
l'Humanité. 

La  race  de  Cro-Magnon,  qui  lui  a  succédé,  présente  sans  contredit 
un  type  plus  élevé.  J'ai  montré  que  son  bassin  n'avait  plus  rien  de 
nigritique.  Cependant  cette  belle  race  avait  conservé  quelques  carac- 
tères d'infériorité  sur  lesquels  l'attention  n'avait  pas  été  appelée 
et  qui  nous  ont  été  révélés  par  les  proportions  des  membres,  par 
Félongation  du  métacarpe  et  par  la  grande  saillie  du  talon. 

Nous  pouvons  donc,  maintenant  que  nous  connaissons  un  nou- 
veau chaînon  de  la  série  humaine,  assurer  que  l'Homme  de  l'Eu- 
rope occidentale  n'a  pas  cessé  d'évoluer  pendant  toute  l'époque 
quaternaire,  qu'il  a  présenté,  au  début  de  cette  période  des  carac- 
tères le  rapprochant  du  Pithecanthropus  et  des  Anthropoïdes,  qu'il 
s'est  ensuite  rapproché  des  Nègres  et  qu'il  a  fini  par  acquérir  une 
grande  partie  des  caractères  des  races  blanches,  tout  en  conservant 
encore  quelques  stigmates  d'infériorité. 

Les  anthropologistes  sauront  gré  au  Prince  de  Monaco  et  aux 
consciencieux  chercheurs  qui,  sous  sa  direction,  ont  mené  à  bonne 
fin  de  longues  et  pénibles  fouilles  dans  les  Grottes  de  Grimaldi, 
d'avoir  procuré  à  la  science  tant  de  documents  précieux  et  d'avoir 
projeté  une  nouvelle  lumière  sur  le  passé  de  l'Humanité. 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE 

EN  FRANGE  (" 


PAR 

J.  DÉCHELETTE 


Au  temps  des  vives  controverses  engagées  à  propos  de  l'existence 
d'un  âge  du  bronze  dans  l'Europe  centrale  et  occidentale,  l'un  des 
principaux  arguments  formulés  par  les  adversaires  du  système  des 
trois  âges  reposait  sur  la  prétendue  absence  de  dépôts  funéraires 
correspondant  aux  dépôts  de  fondeurs  ou  cachettes.  Si  nous  nous 
reportons  aujourd'hui  à  ces  anciennes  discussions,  nous  constatons 
une  fois  de  plus  combien  il  est  imprudent  d'édifier  des  théories  abso- 
lues sur  les  données  négatives  d'une  science  encore  jeune.  En  réa- 
lité, les  tombes  de  Tâge  du  bronze  avaient  été  déjà  exhumées  en 
nombre  notable  et  parfois  par  ceux-là  mômes  qui  en  contestaient 
l'existence,  mais  on  ne  possédait  pas  encore  sur  la  période   à 
laquelle  elles  appartenaient  des  notions  assez  complètes  et  assez 
précises  pour  les  distinguer  à  travers  les  autres.  A  l'heure  actuelle, 
si  leur  nombre  est  encore  bien  inférieur  à  celui  des  sépultures  de 
l'âge  du  fer  et  de  la  longue  phase  néolithique,  elles  n'en  sont  pas 
rrioins  assez  abondantes,  bien  qu'encore  inégalement  réparties  sur 
notre  territoire. 

La  durée  de  l'âge  du  bronze  représentant  sans  doute  en  Gaule 
plus  d'un  millénaire  d'années,  on  conçoit  aisément  que  les  rites 
funéraires,  de  même  que  la  composition  du  mobilier  se  soient  modi- 

(1)  Ce  mémoire  est  extrait  de  notre  Manuel  d'archéologie  préhistorique^  gauloise  et 
gallo-romaine,  en  préparation.  Nous  devons  prévenir  ici  nos  lecteurs  que  nous  avons 
adopté  pour  lage  du  bronze  les  divisions  chronologiques  de  M.  Montelius  {Congrès 
international  dCAnthrop.  et  d'Archéol.  préhistorique,  Paris,  1900),  après  en  avoir 
contrôlé  avec  soin  l'exactitude.  Toutefois,  nous  ramenons  à  quatre  les  cinq  subdi- 
visions de  cette  classiûcalioQ,  en  groupant  dans  notre  quatrième  et  dernière  période 
les  périodes  IV  et  V  de  M.  Montelius  (haches  à  ailerons  et  haches  à  douille),  ces 
deux  diirnières  coupures  ne  nous  semblant  pas  assez  nettes,  du  moins  sur  le  terri- 
toire français,  dans  l'état  actuel  des  découvertes.  Pour  les  autres  périodes,  les  modi- 
fications que  nous  proposons  portent  sur  des  séries  d'objets  qui  n'avaient  pas 
encore  été  classés  avec  une  précision  suffisante. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  21 


322  J.  DÈCIIELETTE. 

fiés  à  plusieurs  reprises,  par  suite  crinfluences  multiples,  durant 
cette  longue  période.  Nous  suivrons  dans  cet  aperçu  synthétique 
l'ordre  chronologique,  sans  nous  dissimuler  que,  dans  certains  cas, 
la  pénurie  des  trouvailles  ou  1  insuffisance  des  procès-verbaux  de 
leur  découverte  rend  encore  malaisée  cette  tentative  de  classifica- 
tion. 

1 .  Sépultures  de  lâge  du  bronze  I  et  11.  —  La  distribution  des 
cachettes  ou  dépôts  de  l'âge  du  bronze  en  France,  telle  que  l'a  éta- 
blie notre  statistique  récente,  montre  nettement  que  l'emploi  du 
cuivre  et  du  bronze  fut  tout  d'abord  plus  répandu  dans  les  régions 
du  littoral  océanique  que  dans  les  provinces  intérieures  de  notre 
pays.  Ce  fait  qui  s'explique  aisément  par  la  situation  géographique 
des  minerais  d'étain^  au  nord- ouest  de  la  péninsule  ibérique  et  dans 
le  pays  de  Cornouailles,  est  de  nouveau  confirmé  par  l'aire  de  répar- 
tition des  plus  anciennes  sépultures  de  l'âge  du  bronze. 

Nulle  part,  en  etfet,  elles  n'apparaissent  aussi  abondamment  que 
dans  la  péninsule  armoricaine,  où  leur  exploration  a  été  en  général 
opérée  avec  une  méthode  excellente  par  plusieurs  archéologues 
bretons,  notamment,  dans  le  Finistère,  par  M.  Paul  du  Ghatellier  (1). 

Le  groupe  breton  des  sépultures  de  cette  période  l'emporte  sur 
tous  les  autres,  non  seulement  par  le  nombre  des  dépôts,  mais  par 

{\)  La  bibliographie  est  très  étendue.  On  consultera  les  ouvrages  suivants  :  P.  du 
Ghatellier;  Les  Époques préliist.  et  gaid.  dans  le  Finistèi^e,  Paris  1889,  p.  40  et  suiv.  ; 
—  du  même,  Les  Sépultures  de  Vépoque  du  bronze  en  Bretagne,  Pari?,  1883,  Extrait 
des  Mém.  de  la  Soc.  d'Émul.des  Côtes-du-Nord,  t.  XXI,  1883.  Ces  deux  ouvrages 
sont  fort  rares  en  librairie.  —  Les  Comptes  rendus  de  la  Soc.  d'Émul.  des  Côtes'du- 
Nord,  coutiennent  de  nombreux  procès-verbaux  de  fouilles  de  ces  sépultures.  Voir 
les  articles  cités  par  M.  Le  Pomois  dans  sa  notice  sur  l'Exploration  du  tumulus 
de  Cruguel,  commune  de  Guidel  (Morbihan),  Rev.  archéoL,  1890,  H,  p.  335.  Sur  les 
sépultures  de  Carnoët  (Quimperlé,  Finistère),  voir  Le  Men,  Rev.  arche'oL,  1868,  I, 
p.  364.  Sur  le  tumulus  de  Kerusun,  en  Saint-Jean  Brévelay,  voir  Bull.  Soc.  polym.., 
Morbihan,  1883,  p.  172.  Le  tumulus  de  Kérhué-Bras  (Finistère)  a  été  décrit  par  M.  du 
Ghatellier,  Rev.  archéoL,  1880,  I,  p.  310.  Sur  le  tumulus  de  Tanwédou  à  Bourbriac 
(Côtes  du-Nord,^,  voir  une  intéressante  notice  de  l'abbé  Le  Foll,  Congrès  archéoL  de 
France,  1863,  Montauban,  p.  59 i.  L'auteur  y  signale  la  découverte  de  trois  lames  de 
poignards  et  d'une  pince  à  épiler  (?)  en  or  pâle,  et,  en  outre,  plusieurs  mil  iers  de 
petits  clous  cylindriques  d'or,  d'un  millimètre  de  longueur.  On  consultera  également 
A..  Martln,  Les  sépultures  armoricaines  à  belles  pointes  de  flèches  en  silex,  L'Anthrop., 
1900,  j).  159,  et  AvENEAu  de  la  Grancière,  Distribution  géograph.  de  seize  sépult.  de 
Vâge  du  br.  en  Bretagne,  Rev.  Ec.  Anthrop.,  1899,  p,  159.  Pour  la  bibliographie 
de  plusieurs  autres  trouvailles  importautes  des  Côtes-du-Nord,  voir  Montklius, 
Congrès  in tern.  d' Anthrop.,  Paris,  1900,  p.  344. 

Nous  adressons  à  MM.  Paul  du  Ghatellier  et  Aveneau  de  la  Grancière  nos  vifs 
remerciements  pour  l'aimable  accueil  que  nous  avons  trouvé  auprès  d'eux  dans 
notre  voyage  d'étude  en  Bretagne. 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE. 


323 


l'intérêt  spécial  des  monuments  et  la  richesse  de  leur  mobilier. 
C^est  en  Bretagne  que  l'époque  néolithique  a  laissé  les  constructions 
tombales  les  plus  grandioses  de  nos  provinces  françaises.  Aux 
premiers  temps  de  l'introduction  du  cuivre  et  du  bronze  dans  la 
péninsule  armoricaine,  le  culte  des  morts  continue  à  créer  d'impor- 
tants monuments,  mais  ceux-ci  sont  établis  d'après  de  nouvelles 
méthodes  de  construction.  Les  sépultures  sont  constituées  par  des 
tertres  tumulaires  abritant  une  chambre  centrale.  Ces  tumulus  sont 
encore  de  grandes  dimensions  :  celui  de  IMabennec  (Finistère) 
mesure  45  mètres  de  diamètre  sur 
4'", 50  de  haut;  celui  de  Plouguin 
35  mètres  et  3  mètres;  celui  de  Guis- 
seng  (n°  1),  50  mètres  et  2°',50  (1). 
Beaucoup  d'autres,  dans  le  Finis- 
tère, présentent  des  dimensions  si- 
milaires ou  un  peu  plus  faibles. 

Ces  buttes  artificielles,  avec  chape 
d'argile  protectrice,  abritent  un  ca- 
veau intérieur  autour  duquel  on  ren- 
contre rarement  des  sépultures  ad- 
ventices, d'âge  postérieur.  Un  des 
caractères  de  ces  tumulus  bretons 
des  premiers  temps  de  l'âge  du 
bronze,  c'est  de  présenter  soit  dans 
leur  construction ,  soit  dans  leur 
mobilier,  une  remarquable  unité. 
Les  premières  sépultures  n'ont  pas 
été,  en  général,  bouleversées  par  de 
nombreux  ensevelissements  secon- 
daires, comme  certaines  cryptes 
néolithiques. 

Les  chambres  centrales  présentent 
deux  types  principaux  :  le  type  à  plan  rectangulaire,  avec  cou- 
verture plate,  formée  d'une  grosse  dalle  dolménique,  et  le  type  à 
plan  plus  ou  moins  circulaire,  avec  voûte  d'encorbellement  ou 
fausse  voûte.  Les  murs  ou  supports  latéraux  ne  sont  plus  formés 
de  mégalithes,  mais  construits  en  pierres  sèches,  disposées  en 
assises  régulières.  Dans  les  chambres  à  voûte  d'encorbellement, 


FiG .  1.  —  Sépultures  de  Vkge.  du 
broDze  (Finistère).  1,  chambre  du 
tumulus  de  Plabeunec;  2,  coupe 
d'un  tumulus  à  Parc  an-Dorgueu  ; 
3,  chambre  du  tumulus  de  Kers- 
trobel  (d'après  P.  du  Chatellier). 


(1)  P.  DU  Chatelliku,  Sépultures  de  lépoque  du  bronze^  p.  10,  14 


ss. 


324  J.  DÉCIIELETTE. 

les  assises  supérieures  sont  composées  de  pierres  plates,  dont 
chaque  rang  déborde  sur  le  précédent.  Ce  dernier  mode  de  cons- 
truction a  été  observé,  par  M.  du  Chateliier  dans  les  tumulus  de 
Kerstrobel,  commune  de  Crozon,  de  Coatmocun^  commune  de 
Brennilis,  de  Noto  Norobou,  commune  de  Loqueiïret,  de  Goarem- 
ar-Yelin,  commune  de  la  Feuillée,  pour  ne  citer  que  quelques 
exemples.  La  figure  1  reproduit  d'après  le  môme  auteur^  la  coupe  de 
quelques-unes  de  ces  chambres  à  voûte  d'encorbellement. 

Les  constructeurs  des  tombeaux  armoricains  de  cette  période  ont 
apporté  à  leur  exécution  un  soin  tout  particulier.  Une  banquette 
intérieure  continue  est  souvent  disposée  à  la  base  des  murs  pour 
servir  de  supports  à  des  madriers  de  chêne  abritant  le  dépôt  funé- 
raire. Ce  dépôt  repose  d'ailleurs  sur  un  plancher  de  bois,  garni  de 
sable  fin.  La  plupart  des  chambres  sépulcrales  mesurent  intérieu- 
rement 2™, 50  X  1"',50,  chiffres  moyens.  La  hauteur,  dans  les  cham- 
bres non  voûtées,  n'atteint  pas  2  mètres. 

Le  plus  grand  nombre  des  sépultures  appartient  à  Vàge  du 
bronze  II,  mais  les  haches  plates  vraisemblablement  en  cuivre,  de 
même  que  les  petits  poignards  de  même  métal  ou  de  bronze  encore 
pauvre  en  étain,  types  caractéristiques  de  l'âge  du  bronze  I,  ne 
sont  pas  rares  (1). 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  étudier  ici  en  détail  les  divers 
objets  composant  ce  mobilier,  toujours  homogène  et  si  nettement 
apparenté  à  celui  des  îles  de  la  mer  Egée  et  du  littoral  méditer- 
ranéen, à  répoque  pré-mycénienne.  La  pierre  est  associée  au  cuivre 
et  au  bronze.  Le  métal,  encore  rare,  est  employé  avec  parcimonie. 
Les  pointes  de  flèches  sont  en  silex,  mais  taillées  avec  une  incom- 
parable perfection.  Elles  sont  munies  d'ailerons  et  de  pédoncu- 
les (2).  Les  haches  en  pierre  polie  sont  plus  rares.  Sur  les  trente 
et  une  sépultures  du  Finistère  fouillées  jusqu'en  1899  par  M.  P.  du 
Chateliier,  dix-sept  seulement  avaient  un  mobilier  duquel  était 
exclue  toute  arme  de  pierre  (3). 

(1)  Le  dolmen  du  Penker,  à  Plozevet,  a  livré  par  exemple  à  M.  du  Chateliier  un 
vase  caliciforme  à  zones  poiotillées,  2  haches  polies,  1  pointe  de  flèche  en  silex,  une 
«  plaquette  d'archer  »  et  un  poignard  en  métal  (P.  du  Chatellier,  Sépultures  de 
répoque  du  bronze,  p.  69).  Depuis  cette  publication,  M.  du  Chateliier  a  reconnu  par 
une  analyse  chimique  que  le  poignard  est  en  cuivre  pur. 

(2)  En  1890,  M.  Le  Pontois  compte  huit  sépultures  bretonnes  où  les  flèches  en  silex 
sont  associées  à  des  armes  de  bronze,  poignards  et  haches  (fiey.  archéol.,  1890,  II, 
p.  335).  Ce  nombre  pourrait  à  l'heure  actuelle  être  sensiblement  élevé. 

(3)  P.  DU  CiiATELLiER,  ÈpoQues  prékist.,  p.  45. 


LES  SEPULTURES  DE  L'AGE  DU  BROiNZE  EN  FRANGE. 


321 


Les  armes  de  bronze  ou  de  cuivre  se  composent  exclusivement 
de  poignards  triangulaires  à  languettes  ou  à  rivets,  le  plus  souvent 
ornés  de  filets  ou  d'une  nervure  médiane.  Les  haches  sont  des 
lames  plates  ou  à  rebords  droits,  de  faible  saillie.  Comme  les  poi- 
gnards de  Mycènes,  ceux  de  l'Armorique  avaient  parfois  leurs 
manches  ornés  de  clous  d'or,  à  leur  partie  inférieure  (1).  Les  objets 
de  parure  en  métal  sont  beaucoup  plus  rares.  On  a  cependant  signalé 
dans  des  dolmens  de  Plouhinec  des  anneaux  de  bras  et  de  doigt  en 
spirale,  et  un  petit  ciseau  à  soie,  associé  à  des  pendeloques  (2). 
Dans  le  groupe  le  plus  riche  de  ces  sépultures  bretonnes,  celui  de 
la  forêt  de  Carnoët,  l'une  d'elles  contenait  des  chaînettes  en  or,  en 


FiG.  2.  —  Poteries  de  l'âge  du  bronze  1  et  11  (3). 

argent  et  en  bronze  avec  des  objets  semblables  à  ceux  que  nous 
venons  de  mentionner. 

Dans  la  plupart  des  sépultures  bretonnes  apparaît  un  vase  à 
quatre  anses,  ordinairement  uni,  rarement  orné  de  dents  de  loup 
(fig.  2).  Le  nombre  des  anses  et  leur  développement  donne  à  cette 
poterie  un  faciès  original  et  les  distingue  nettement  des  vases  néoli- 


(1)  Rev.  ArchéoL,  1890,  II,  p.  320. 

(2)  Du  Chatellibu,  Époques  préhist.,  p.  41. 

(3)  1,  2,  7,  8,  9,  10,  tumulub  du  Finistère  (P.  du  Chatkllier,  Sépultures^  pi,  I  et  II 
et  Paierie  aux  époques  préhist.  et  gauL,  pl.  XIII).  —  3,  Nécropole  de  Castellucio,  près 
Syracuse,  Sicile  (Oasf,  Bull,  paletn.  ital.,  1892,  pl.  Il,  5.  —  4,  Radim  près  Pecek, 
Bohème  (Pic,  Starozitnosii  zemé  ceské,  I,  i,  pl.  LXXXIV,  6).  —  5,  Sardaigne  {Mon. 
anliclii  dei  Lincei,  XI,  1,  pl.  XVllI,  11).  —6,  Nackenheim  près  Mayence  {Westdeulsche 
Zeitschrift,  1900,  pl.  la,  7  et  p.  39G).  —  Le  nombre  des  anses  est  parfois  réduit  à  deux. 


326  J.  DÉCHELETTE. 

lliiqucs  et  de  ceux  des  périodes  postérieures  à  l'âge  du  bronze.  Or, 
à  cette  môme  époque,  c  est-à-dire  au  temps  des  petits  poignards 
el  des  haches  plates  en  cuivre,  nous  retrouvons  à  Hissarlik,  en 
Sicile,  en  Sardaigne  et  en  Bohême,  comme  le  montre  la  figure  2, 
des  vases  à  quatre  anses  qui  disparaissent  également  aux  époques 
ultérieures  Le  vase  caliciforme  de  la  fin  du  néolithique  se  ren- 
contre dans  les  plus  ancieimes  sépultures. 

Pendant  les  deux  premières  périodes  de  l'âge  du  bronze,  l'inhu- 
mation constitue  dans  toute  l'Kurope  le  rite  dominant.  Cependant 
il  est  important  de  noter  que  la  Bretagne  ferait  exception  à  cette 
règle,  au  témoignage  de  ses  explorateurs.  En  1889,  M.  du  Chatel- 
lier  rapporte  que  sur  les  trente  et  une  sépultures  de  cette  série 
fouillées  à  cette  date,  vingt- huit  contenaient  une  incinération,  et 
les  trois  autres  une  inhumation  simple  (1). 

Parmi  les  rites  funéraires,  nous  noterons  l'usage  encore  répandu 
de  creuser  des  cupules  sur  quelque  pierre  du  tombeau.  M.  Le 
Pontois  a  observé  des  pierres  à  cupules  dans  la  sépulture  tumulaire 
de  Cruguel  (Morbihan^  (2).  M.  du  Ghatellier  a  constaté  le  même  fait 
dans  le  Finistère.  Or,  dans  une  riche  sépulture  dolménique  de  l'âge 
du  bronze  I,  avec  poignard  en  cuivre,  anneaux  et  diadèmes  d'or, 
découverte  récemment  en  Portugal,  à  Quinta  da  Agua  Branca,  une 
pierre  est  également  ornée  de  cavités  cupelliformes  sur  ses  deux 
faces  (3). 

Ces  sépultures  sont  réparties  sur  les  départements  du  Finistère, 
des  Côtes-du-Nord  et  du  Morbihan.  On  les  retrouve  sur  le  littoral 
de  la  Normandie.  Vers  184o^  on  découvrit  à  Longues^  près  Bayeux, 
sous  un  lit  de  pierres,  six  lames  de  poignard  en  cuivre  jaune, 
accompagnées  de  deux  haches  plates  (4).  Ces  objets  sont  tout  à  fait 
semblables  à  ceux  de  l'Armorique.  Le  lit  de  pierres  qui  les  abritait 
était  évidemment  une  chambre  funéraire  ruinée.  Quant  à  la  trou- 
vaille de  «  longs  barreaux  de  fer  »  associés  à  ces  bronzes,  d'après  un 
témoignage  incertain  des  ouvriers,  on  doit  évidemment  la  tenir 
pour  fausse. 

Descendons  maintenant  vers  le  sud.  le  long  du  littoral  océanique. 
Nous  aurons  à  signaler  en  Gironde  une  intéressante  sépulture 
dolménique,  découverte  récemment  au  terrier  de  Cabut,  commune 

(1)  P.  DU  Ghatellier,  Époques  préhist.,  p.  45. 

(2)  Rev.  archéoL,  1890,  II.  p.  315. 

(3)  José  Fortes,  Portugalia,  t.  IF,  1906,  p.  243. 

(4)  ViLLERS,  Méjn.  de  la  Soc.  d^agric.  de  Bayeux,  t.  III,  1845,  p.  379. 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE. 


327 


d'Anglade  (Gironde)  (1).  Sous  un  monument  mégalithique  se  com- 
posant d'une  table  et  de  six  piliers,  on  a  recueilli  un  poignard  trian- 
gulaire à  languette,  del'âge  de  bronze  1,  long  de  0°",  157,  associé  à  des 
objets  de  parure  néolithiques  :  perles  en  os,  coquilles  tubulaires, 
amulettes  en  os  gravées,  etc.  De  petits  bâtonnets  en  os,  ornés  de 
nodosités  régulières,  sont  semblables  à  ceux  que  les  frères  Siret  ont 
recueillis  en  Espagne^  dans  des  stations  du  premier  âge  du  métal^ 
notamment  à  Fuente  Alamo  (2). 

Dans  cette  même  région,  une  importante  sépulture  de  Tâge  du 
bronze  II  était  déjà  connue  depuis  longtemps,  celle  de  Singleyrac 
(Dordogne)  (fig.  3)  ;  elle  contenait  une  hache  en  bronze  à  bords  droits 
peu  saillants,  une  épée  courte  ou  plutôt  un  poignard  à  rivets  et  à 
poignée  pleine,  d'un  type  analogue  à 
celui  des  poignards  italiques  à  poignée 
cylindrique,  enfin  un  collier  en  spirales 
d'or,  semblable  à  celui  de  Garnoët  (3). 

Si  nous  passons  maintenant  aux  dé- 
partements du  bassin  méditerranéen, 
nous  trouvons,  les  dépôts  funéraires  de 
l'âge  du  bronze  I  (comprenant  l'âge  du 
cuivre)  dans  des  grottes  naturelles  et 
artificielles,  ainsi  quedans  des  dolmens. 

Nous  avons  vu  que  les  populations 
néolithiques  utilisaient  les  grottes  na- 
turelles pour  y  abriter  leurs  morts  et 

que  ces  grottes  sépulcrales,  rares  dans  le  nord  de  la  France,  sont 
au  contraire  nombreuses  dans  les  province  de  l'est  et  du  midi  (4). 

L'apparition  du  métal  ne  modifia  en  rien  les  coutumes  funé- 
raires; il  ne  fut  pas  importé  par  un  peuple  nouveau,  mais  intro- 
duit peu  à  peu  par  voie  commerciale.  Aussi,  bien  des  dépôts  funé- 
raires exhumés  des  grottes  et  des  dolmens,  tout  en  étant  postérieurs 
à  l'introduction  du  cuivre  et  du  bronze,  conservent-ils  en  tout  ou 
partie  leur  faciès  néolithique.  Le  métal  n'apparaît  que  sous  la  forme 
de  menus  objets,  grains  de  collier,  anneaux,  bagues,  flèches,  etc. 
Les  poignards  sont  plus  rares  dans  les  sépultures  du  midi  de  la 


Fio.  3.  —  Sépulture  de  Sia- 

gleyrac  (Dordogne),  d'après 

A.  de  Gourgues. 


(1)  Daleau  et  Maufras,  Soc.  archéol.  de  Bordeaux,  1904,  p.  84. 

(2)  n.  et  L.  Siret,  Premiers  âges  du  métal,  pL  LXV,  fig.  81. 

(3)  V'°  A.  DE  GoiiRGUES,  Découverte  d'une  sépulture  gauloise  aux  environs  de  Bergerac 
en  Jajivier  1859.  Actes  de  l'Acad.  des  sciences,  etc.  de  Bordeaux. 

(4)  Cartailuac,  France  préhist.,  p.  142  et  152. 


328  J.  DÉCHELETTE. 

France  qu'en  Bretagne  et  les  haches  plates  y  sont  encore  moins 
ahondantes  (d). 

On  donne  parfois  le  nom  d'époque  durforliennc  à  cette  première 
période  du  métal,  cuivre  ou  hronze  pauvre  en  étain,  qui  suit  immé- 
diatement   la  fin   de  l'âge  néolithique  et  s'en  distingue  à  peine. 
Cette  dénomination  est  tirée  du  nom  de  la  grotte  sépulcrale  de 
Durfort(2),  dans  le  département  du  Gard,  oi^i  Ton  a  découvert,  sous 
un    empâtement    stalagmitique,    un   grand    nombre   d'ossements 
humains  mêlés  à  des  silex,  à  des  os  d'animaux  ouvrés,  à  des  objets 
de  parure  en  os  et  en  pierre.  Dans  ce  milieu  néolithique  apparaissent 
d'assez  nombreux  objets  de  cuivre,   surtout  des  perles  en  forme 
d'olives,  et  de  petits  poinçons  (3).  Plusieurs  autres  grottes  sépul- 
crales de  la  même  époque  ont  été  explorées  dans  le  Gard  et  dans  la 
région  voisine  (4).  Le  frère  Sallustien- Joseph  a  réuni  à  Alais  une 
forte  belle  collection  d'objets  provenant  de  ses  fouilles  persévé- 
rantes dans  les  grottes  du  Gardon,  notamment  dans  la  grotte  de 
Saint-Yérédème,  commune  de  Sanilhac  (Gard).  Une  lame  de  poi- 
gnard en  bronze,  de  la  grotte  de  Saint-Geniès,  lame  en  forme  de 
feuille  allongée,  longue  de  0"', 165,  a  été  reconnue  à  l'analyse  comme 
étant  en  cuivre  pur  (5).  L'âge  de  ces  grottes  n'est  pas  seulement 
déterminé  par  la  présence  de  quelques  objets  de  cuivre  ou  de  bronze, 
mais  encore  par  des  spécimens  très  caractéristiques  de  la  céramique 
des  premières  périodes  de  l'âge  du  bronze. 

A  défaut  de  grottes  naturelles,  on  creusait  alors  des  excavations 
artificielles  dans  le  flanc  des  collines  pour  y  abriter  les  morts.  Telles 
sont  les  grottes  de  la  montagne  du  Castellet  aux  environs  d'Arles, 
grottes  en  forme  à' allées  couvertes^  décrites  par  M.  Cazalis  de 
Fondouce  (6).  Ces  galeries  sont  creusées  dans  le  calcaire,  mais 

(1)  Voir  dans  Chanthk,  Age  du  hronze,  2«  partie,  p.  3H,  un  essai  statistique  de 
objets  de  métal  trouvés  dans  les  dolmens  du  midi  de  la  France.  Nous  renvoyons  au 
môme  ouvrage,  p.  36,  pour  la  bibliographie  de  cette  question. 

(2j  Cette  dénomination  est  due  à  M.  Jeanjean.  Elle  correspond  à  Vépoque  cébé- 
nienne  de  M.  Chantre.  Le  terme  âge  du  bronze  I  est  préférable. 

(3)  Cazalis  de  Fondouce  et  Ollieh  de  Mabichard,  Mai.,  1869,  p.  249.  —  D^  Raymond, 
Vépoque  dur  for  tienne,  p.  19.  —  P.  Raymond,  L'arrondissement  d^Uzès  avant  V  histoire, 
Paris,  1900.  —  Ad.  Jeanjean,  Vâge  du  cuivre  dans  les  Cévennes^  Mém.  de  l'Acad. 
de  Nîmes,  1891. 

(4)  V.  P.  Raymond,  Grottes  sépulcrales  dans  le  Gard,  Bull.  Soc.  Anthrop.,  1897, 
p.  67  (grottes  des  Saint-Geoiès  et  d'Aiguèze). 

(5)  Raymond,  Bull.  Soc.  Anthrop.,  1897,  p.  67. 

(6)  Cazalis  de  Fondouce,  Les  temps  préliist.  dans  le  sud-est  de  la  France.  Les  allées 
couvertes,  Montpellier,  1873.  Cf.  Matériaux,  1877,  p.  441  et  Cbantre,  Age  du  bronze, 
2*  partie,  p.  25. 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  E>i  FEANGE. 


329 


recouvertes  de  grandes  dalles.  Elles  constituent  donc  un  type 
intermédiaire  entre  la  grotte  et  la  sépulture  dolménique .  La 
grolte  Bounias,  l'une  des  deux  allées  de  la  montagne  du  Gastellet, 
renfermait  un  grand  nombre  d'ossements  humains,  des  pointes  de 
flèches  en  silex,  un  poignard  en  bronze  à  languette  et  sans  rivets 
et  divers  autres  objets.  Comme  on  le  voit,  ce  mobilier  oiïre  une 
composition  analogue  à  celui  des  tumulus  bretons  des  débuts  de 
Vk^Q  du  bronze. 

Les  dépots  funéraires  que  nous  venons  d'étudier  proviennent  des 
départements  maritimes  de  la  France  ou  de  localités  situées  à  proxi- 
mité de  cette  zone.  Dans  les  départements  intérieurs,  les  sépultures 


FiG.  4.  —  Sépulture  de  Gourtavant  (Aube). 


de  l'âge  du  bronze  I  et  II  sont  beaucoup  plus  rares.  Sans  doute,  les 
populations  côtières  n'avaient  pas  le  monopole  de  ces  premiers 
outils  de  métal,  mais,  l'étain  venant  par  mer,  les  centres  de  fabrica- 
tion et  de  transit  les  plus  importants  avoisinaient  les  côtes.  Ces 
objets  ne  parvenaient  encore  qu'en  petit  nombre  dans  l'intérieur 
des  terres  et  les  habitants  du  centre  de  la  France  ne  s'en  dessaisis- 
saient pas  aisément  au  profit  de  leurs  morts. 

Cependant  un  important  tumulus,  avec  mobilier  typique  deTàge 
du  bronze  11^  a  été  fouillé  récemment  à  Saint-Menoux  (Allier  (l). 
11  mesurait  environ  25  mètres  de  diamètre  sur  2  mètres  de  hauteur 
et  contenait  quatre  squelettes.  Deux  d'entre  eux  gisaient  au  centre 
de  la  butte,  dans  un  amoncellement  de  pierres  et  de  terre,  avec  les 

(1)  Abbé  MoREL,  Le  tumulus  de  Saint-Menoux  {Allier),  Moulins,  1900. 


330  J.  DÉCHELEÏTE. 

débris  d'un  vase,  un  bracelet  et  deux  beaux  poignards  triangulaires 
en  bronze,  dont  le  plus  grand  mesure  0",23  do  long  et  O'^^O;]  de 
large  à  sa  base,  munie  de  six  rivets  (1). 

2.  Sépultures  de  l  â(je  du  bronze  III.  —  A  l'âge  du  bronze  111,  le 
rite  de  l'inhumation  domine  encore.  Pour  cette  période,  la  sépul- 
ture type  est  celle  de  Courtavant,  commune  de  Barbuise,  départe- 
ment de  l'Aube  (fig.  4)  Sa  découverte  eut  un  grand  retentissement, 
parce  qu'elle  survint  à  une  époque  où  les  adversaires  de  l'âge  du 
bronze  niaient  volontiers  la  présence  de  gisements  funéraires  de 
cette  époque  sur  le  territoire  français.  La  tombe  de  ('ourtavant  se 
composait  d'une  grande  fosse  rectangulaire  dont  les  parements 
avaient  été  revêtus  d'une  épaisse  muraille  en  pierres  sèches.  Elle 
contenait  un  squelette  couché  sur  le  dos,  les  pieds  à  l'Orient  «  Le 
guerrier  qui  avait  été  inhumé  sous  cette  espèce  de  tumulus-dolmen, 
écrit  l'inventeur,  portait  une  épée  de  bronze  placée  entre  ses 
jambes.  Cette  épée  était  renfermée  dans  un  fourreau  de  bois,  dont  la 
terminaison  [bouterolle],  en  bronze  très  oxydé,  a  été  retrouvée  en 
place,  un  couteau  de  bronze  était  glissé  sous  la  poignée  de  l'épée. 
Une  longue  épingle  en  bronze  a  été  retrouvée  sur  la  clavicule  droite. 
A  la  place  de  la  main,  dont  les  ossements  avaient  disparu,  on  a 
recueilli  un  anneau  de  bronze.  On  a  constaté  aussi  sur  le  fémur 
droit  la  présence  de  deux  viroles  de  bronze,  de  forme  allongée  et 
d'un  petit  lingot  de  métal  semblable  à  de  l'étain  ou  à  du  plomb.  Le 
squelette  portait  sur  la  poitrine,  sans  doute  comme  ornement,  une 
défense  de  sanglier.  Enfin  de  nombreux  fragments  de  poterie  noire 
gisaient  aux  pieds  du  morts  )>  (2).  11  est  intéressant  de  noter  que 
cette  céramique  paraît  se  rapprocher  de  celle  des  tumulus  armo- 
ricains de  l'âge  du  bronze  11^  si  l'on  en  juge  par  la  forme  d'une 
anse. 

L'épée  et  l'épingle  de  Courtavant  appartiennent  nettement  à  l'âge 
du  bronze  III.  Ces  sépultures  de  chefs,  inhumés  avec  une  épée  de 
bronze,  sont  rares  en  France  et  d'ailleurs  peu  communes  dans  la 
plupart  des  autres  pays.  C'est  seulement  au  début  de  l'époque  bail- 


lai) Citons  encore  ici  la  sépulture  de  Rames  (Hautes-Alpes)  avec  nu  poignard  trian- 
gulaire à  rivets  et  à  filets  en  creux,  une  belle  hache-spatule  à  bords  droits,  un  collier 
ou  diadème  en  bronze  orné  et  une  dent  d'ours  perforée  {Matériaux,  1878,  p.  155).  Cette 
sépulture  appartient  à  l'âge  du  bronze  II. 

(2)  MoREL,  Bull,  monumental,  1875,  p.  230.  Dans  son  Album  de  la  Champagne  sou- 
terraine, pi.  XXXXII,  M.  Morela  publié  de  nouveau  cette  sépulture,  mais  la  planche 
du  Bulletin  monumental  est  plus  complète. 


LES  SEPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE. 


331 


stattienne,  lors  de  la  transition  de  Tàge  du  bronze  à  l'âge  du  fer,  que 
lépée  de  bronze  apparaît  assez  fréquemment  dans  les  dépôts  funé- 
raires. Les  petits  poignards  triangulaires  des  deux  périodes  précér 
dentés  ne  présentaient  pas  les  mômes  difficultés  de  fabrication  que 
ces  grandes  et  belles  lames  effilées.  Ces  dernières,  dans  un  grand 
nombre  de  régions,  étaient  des  objets  importés,  d'une  valeur  sans 
doute  considérable.  On  ne  les  déposait  qu'avec  parcimonie  dans  les 
sépultures. 

Parmi  les  épées  de  l'âge  du  bronze  III  découvertes  en  France  iso- 
lément et  en  dehors  de  toute  exploration  méthodique,  quelques-unes 
cependant  doivent  provenir  de  gisements  fu- 
néraires dont  on  n'a  pas  observé  la  présence. 

Sur  la  rive  droite  du  Rhin,  plusieurs  sépul- 
tures à  épées  de  l'âge  du  bronze  III  sont  con- 
nues. 

Nous  citerons  comme  type  une  tombe  dé- 
couverte récemment  dans  un  tumulus  à 
Staadorf  (Elaut  Palatinat).  Là  encore,  l'épée 
était  déposée  près  d'un  squelette  au  centre  du 
tertre,  dans  un  loculus  de  pierres.  Avec  cette 
arme,  munie  de  rivets,  longue  de  0"^64, 
gisait  une  hache  à  bords  droits  saillants ,  une 
épingle-rouelle,  un  disque  à  anneau  central^ 
orné  au  pointillé  (tous  ces  objets  en  bronze) 
et  un  vase  en  terre  brune  muni  d'une  anse 

(dg.  5)  (1). 

Mais  si  les  tombes  à  épées  de^  l'âge  du 
bronze  111  sont  rares,  on  en  compte  un  assez  grand  nombre  de  la 
môme  période  ne  renfermant  que  de  menus  objets  de  parure,  tels 
que  des  épingles  et  des  bracelets.  Ce  n'est  donc  que  par  une  étude 
approfondie  de  ces  divers  objets  que  l'on  peut  opérer  la  classifica- 
tion chronologique  des  gisements  funéraires  de  l'âge  du  bronze. 
La  fibule,  dont  le  témoignage  est  important,  à  partir  de  l'époque 
hallstattienne,  n'apparaît  pas  dans  l'Europe  occidentale  avant  la 
période  IV  du  bronze,  époque  durant  laquelle  elle  demeure  d'ail- 
leurs encore  fort  rare. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  qu'au  temps  oh  le  classement  de 
ces  menus  objets  n'avait  pas  été  opéré,  nombre   d'archéologues, 


Frî.  5.  —  Sépulture  tu- 
mulaire  de  Staadorf 
(Haut  Palatinat). 


(1)  K.  Brunner,  Zeilschrifi  fur  Ethnologie^  Nachrichten,  1903,  p.  38. 


332 


J.  DÉCIIELETTE. 


tels  qu'Alexandre  Berlrand  aient  confondu  les  sépultures  de  l'âge 
du  bronze  avec  celles  de  l'âge  du  1er.  Une  méprise  peut  se  produire 
ici  d'autant  plus  aisément  qu'on  ne  saurait  relever  aucune  diiïéri-nce 
appréciable  entre  les  rites  funéraires  de  la  fin  de  la  première  de  ces 
deux  périodes  et  du  commencement  de  la  seconde.  L'usage  d'abriter 
sous  des  tertres  factices  les  dépouilles  des  morts,  parfois  inhumés, 
d'autres  fois  incinérés,  n'est  pas  moins  répandu  à  l'époque  du  bronze 
qu'à  celle  dellallstatt,  et  bien  souvent,  dans  un  groupe  detumulus, 
les  deux  époques  sont  représentées  sans  qu'aucune  particularité  de 
construction  ne  diiïérencie  les  tertres  d'âges  di(Térents.  Un  tumulus 
peut  môme  contenir  des  sépultures  de  diverses  époques,  depuis  le 


FiG.  6.  —  Sépulture  tumulaire  de  la  Combe-Bernard  (Côte-d'Or). 


début  de  Fâge  du  bronze  jusqu'au  milieu  du  second  âge  du  fer.  Si 
l'on  veut  déterminer  son  histoire  el  distinguer  la  sépulture  princi- 
pale des  sépultures  secondaires,  il  importe  donc  de  conduire  les 
fouilles  avec  une  scrupuleuse  méthode. 

Le  tumulus  de  la  Combe-Bernard,  commune  de  Magny-Lambert 
(Côte-d'Or),  regardé  à  tort  comme  hallstattien,  est  un  exemple  typique 
de  tumulus  de  l'âge  de  bronze  entouré  de  tertres  plus  récents, 
car  il  avoisine  les  célèbres  buttes  hallstatiennes  de  la  Vie  de  Bagneux 
et  de  Montceau-  Laurent.  Il  abrite  cependant  une  sépulture  caractéris- 
tique de  l'âge  du  bronze  III  (fig.  6)  ;  celle  ci,  de  même  que  les  pré- 
cédentes, est  une  inhumation.  Le  squelette  gisait  en  place,  les  pieds 
au  sud-est.  Il  portait  à  chaque  bras  un  bracelet  fait  d'une  tige  de 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE.  333 

bronze  carrée,  tordue  en  hélice  ;  une  grande  épingle  à  tête  côtelée 
fixait  les  vêtements  sur  la  poitrine.  A  l'une  des  jambes  était  passé 
un  anneau  formé  d'un  ruban  de  bronze  à  nervure  longitudinale  et 
extrémités  en  spirale.  Le  mobilier  comprenait  de  plus  les  objets  sui- 
vants :  plusieurs  bracelets  ou  anneaux  en  lignite,  une  plaquette  en 
or,  ornée  au  repoussé,  une  aiguille  de  bronze  à  chas  losange,  du 
type  des  palafittes,  une  bague  de  même  métal,  enfin  une  petite  perle 
de  verre  bleu  à  incrustations  vert  d'eau  (1). 

Sur  la  rive  droite  du  Rhin,  nous  trouvons  plusieurs  sépultures 
exactement  synchroniques  avec  celle  de  la  Combe-Bernard.  Le 
mobilier  d'une  tombe  découverte  dans  le  Jura  de  Souabe  (fig.  7) 
nous  servira  d'exemple  typique.  Le  squelette  gisait  sous  un  tumulus, 
orienté  au  sud  ouest.  Sur  sa  poitrine  étaient  placées  deux  épingles  ; 
chacun  de  ses  poignets  portait  un  bracelet  de  bronze  massif,  à  sec- 
tion quadrangulaire  et  gravé  d'orne- 
ments. Enfin  deux  anneaux  de  jambes 
à  spirales,  tout  à  fait  semblables  à  ceux 
de  la  Combe-Bernard,  complétaient  la 
parure  du  défunt  (2). 

11  serait  aisé  de  multiplier  ces  rap- 
prochements. Ils  démontrent  nettement        —  iifliiiim-rzUlD 
la  similitude  des  rites  funéraires  et  des       f,g.  7.  _  sépulture  tumuiaire 
types   industriels    de  l'âge  du  bronze              *^^  Jura  de  Souabe. 
dans  l'Allemagne  du  sud  et  la  France 

orientale.  Ce   parallélisme  se  poursuit,  comme  nous  le  verrons, 
pendant  toute  la  durée  de  l'âge  du  fer. 

Nous  classons  également  à  cette  période  quelques-unes  des  sépul- 
tures tumulaires  de  Benney  et  de  Lemainville  en  Lorraine,  que  leur 
inventeur,  M.  le  comte  Beaupré,  a  attribuées  par  erreur  au  second 
âge  du  fer  (3). 


(1)  Voir  Bertiund,  Archéologie  celtique  et  gauloise,  2^  édit.,  p.  292  et  pL  IX-X- 
Quelques  objets  de  bronze  et  ua  fragment  d'objet  de  fer,  trouvés  à  proxinaité  du 
squelette  pouvaient,  nous  dit  l'inventeur,  ne  pas  appartenir  à  la  même  sépulture,  ce 
qui  pour  nous  est  hors  de  doute. 

(2)  Sautter,  Prahist.  Grabhûgel  auf  der  schwahischen  Alb.,  Prâhist.  Blâller,  1902, 
p.  21  et  pi.  11,  fig.  5,  6,  7. 

(3)  Comte  Beaupré,  Fouilles  dans  les  tumulus  situés  dans  les  bois  de  Benney  et  de 
Lemainville,  Nancy,  1904.  Le  poiumard  en  bronze  et  surtout  l'épingle  côtelée  de  la 
planche  II  sont  des  types  caractéristiques  de  l'âge  du  bronze  111.  Pour  l'Alsace, 
des  sépultures  de  diverses  périodes  de  l'âge  du  bronze  sont  décrites  dans  l'ou- 
vrage de  Maximilien  de  Ring,  Tombes  celtiques  de  l'Alsace,  Strasbourg,  1861. 


334  J.  DEGIIELEÏTE. 

C'est  aussi  à  1  âge  du  bronze  III  qu'appartiennent  sans  cloute  la 
majeure  partie  des  sépultures  de  Veuxhaulles  (Côte-d'Or),  bien 
connues  par  la  description  qu'en  a  donnée  Flouest  (1).  iMalheureuse- 
ment  cette  ricbe  nécropole  n'a  pas  été  fouillée  méthodiquement. 
J*armi  les  objets  qu'à  publiés  Flouest,  les  plus  caractéristiques, 
notamment  les  g-randes  épingles  à  collerettes,  datées  par  les  trou- 
vailles de  Vernaison  et  de  Vers  se  classent  à  l'âge  du  bronze  II [. 

Ces  sépultures  de  Veuxhaulles  étaient  constituées  par  des  coffres 
en  pierre.  «  Que  Ton  se  figure,  écrit  Flouest,  une  sorte  de  cercueil 
construit  à  l'aide  de  ces  dalles  grossières^  mesurant  de  0'°,40  à 
0™,50  de  côté,  qu'on  appelle  laves  dans  le  pays.  Posées  d'abord  à 
plat  au  fond  d'une  fosse  longue  en  moyenne  de  2  mètres  et  large 
de  0'",60,  elles  fournissaient  une  sorte  de  plancher  sur  lequel  on 
étendait  le  corps  du  défunt.  Dressées  ensuite  sur  champ  et  étroite- 
ment juxtaposées,  elles  formaient  tout  autour  des  parois  verticales 
se  coudant  à  angle  droit  du  côté  de  la  tête  et  des  pieds.  Enfin 
employées  de  nouveau  à  plat  et  disposées  au-dessus  des  parois 
qu'elles  débordaient  légèrement,  tout  en  les  maintenant  par  l'effet 
de  leur  poids,  elles  constituaient  pour  l'ensemble  un  toit  ou  cou- 
vercle. Toutes  les  tombes  rencontrées  par  les  ouvriers  ont  unifor- 
mément présenté  ce  mode  de  construction;  toutes,  également  dis- 
tantes entre  elles  de  trois  à  quatre  mètres,  se  sont  montrées 
orientées  de  la  même  manière  :  les  pieds  au  levant,  la  tête  au  cou- 
chant ». 

Ces  tombes  étaient  donc,  comme  celle  de  Courtavant,  des  inhu- 
mations. Un  des  squelettes  avait  à  sa  droite  une  épée  brisée  en 
plusieurs  tronçons  et  près  de  la  main  une  hache-marteau  en  corne 
de  cerf. 

3.  Sépultures  de  l'âge  du  bronze  IV.  —  Les  sépultures  de  la  der- 
nière période  se  distinguent  des  précédentes  par  leur  mobilier  et 
par  la  prédominance  du  rite  de  l'incinération,  qui,  d'ailleurs  n'est 
point  exclusivement  employé.  L'usage  d'élever  des  tertres  funé- 
raires persiste  sur  certains  points,  mais  il  est  moins  répandu,  et 
fréquemment  les  urnes  cinéraires  sont  déposées  en  pleine  terre,  sans 
aucun  tumulus. 

Les  armes  sont  rares  dans  les  tombes  de  cette  période.  On  con- 
naît cependant  quelques  sépultures  contenant  des  épées,  comme 

(1)  Notes  pour  servir  à  télude  de  la  haute  antiquité  en  Bourgogne.  Semur-ea-Auxois, 
1872,  p.  39.  Cf.  CtîANTRE,  Age  du  bronze,  II,  p.  226. 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE.  335 

celle  de  Breg-nier  (Ain),  près  de  Pierre-Chatel  :  une  épée  à  poignée 
pleine  et  pommeau  plat,  du  type  dit  de  Mœringen,  a  été  retirée 
d'un  amas  de  pierres  recouvrant  des  débris  d'ossements  humains. 
Deux  bracelets  ouverts  et  un  sistre  cylindrique  en  bronze  orné  de 
pendeloques  en  forme  de  croissants,  accompagnaient  ce  glaive  (1). 

Un  tumulus  à  la  Roche-Rousse,  commune  d'Esclanèdes  (Lozère) 
a  livré  au  D^  Prunières  une  épée  de  bronze,  déposée  à  la  droite  d'un 
squelette;  mais  l'inventeur  n'ayant  pas  décrit  cette  arme,  elle 
peut  appartenir  soit  à  la  période  I  de  l'époque  hallstaltienne,  soit  à 
l'âge  du  bronze  III  ou  IV  (2). 

La  célèbre  sépulture  du  Theil,  commune  de  Billy  (Loir-et-Cher), 
décrite  par  Tabbé  Bourgeois  (3),  contenait  un  mobilier  d'un  inté- 
rêt exceptionnel  :  une  hache  en  bronze  à  ailerons,  un  casque  du 
type  itahque  de  ceux  de  Falaise,  un  ciseau  de  bronze,  un  magni- 
lique  ceinturon  rà  pendeloques,  deux  petites  lames  d'or,  des  perles 
en  verre  bleu  et  en  ambre,  un  fragment  de  moule  pour  hache  à  aile- 
rons et  épingle,  une  fusaïole.  des  débris  de  poterie. 

Un  relevé  géographique  des  sépultures  isolées  et  des  nécropoles 
de  l'âge  du  bronze  IV,  dans  les  diverses  provinces  de  la  France, 
serait  à  coup  sûr  assez  étendu.  Les  sépultures  tumulaires  se  ren- 
contrent notamment  dans  le  Jura  (4),  la  Franche-Comté  et  la  Bour- 
gogne. Les  bracelets  et  les  épingles  à  tête  vasiforme  des  tombelles 
d'Auvenay  (Côte-d'Or)  appartiennent  à  la  fin  de  l'âge  du  bronze  (5). 

Toutefois  les  nécropoles  les  plus  importantes,  dans  la  France 
centrale,  se  composent  de  tombes  plates,  oii  les  urnes  cinéraires 
l'emportent  en  nombre  sur  les  inhumations.  On  peut  citer  comme 
exemples  les  nécropoles  de  Fougues  les-Eaux  et  d'Arlhel  (Nièvre) 
et  de  Dompierre  (Allier)  (voir  fig.  9  et  11). 

La  nécropole  de  Pougues-les-Eaux  paraît  occuper  une  grande 


(1)  E.  Chantre,  Sépulture  de  Vâge  du  bronze  dans  VAin,  Mat.,  1886,  p.  191. 

(2)  Âfas,  ISSII,  p.  698.  Le  même  D^'  Prunières  a  fouillé  uq  grand  nombre  de  tumulas 
et  de  dolmens  dans  la  Lozère,  malheureusement  ses  comptes-rendus  sont  en  général 
dépourvus  de  ligures  et  si  incomplets  que  l'on  se  prend  souvent  à  déplorer  l'infati- 
gable activité  de  ce  fouilleur. 

(3)  Eev.  Arch.,  1875,  I,  p.  74-77. 

(4)  Pjroutet,  Notes  sur  les  sépultures  antérieures  à  Vdge  de  fer  dans  le  Jura  Salinois. 
L^Authropologie,  1901,  p.  29  :  tumulus  du  bois  de  Sery  (p.  37),  tumuli  de  la  Rivière, 
près  de  Pontarlier;  une  lance  à  douille,  une  hache  à  ailerons,  une  faucille,  deux 
épingles  et  une  spirale,  le  tout  en  bronze. 

(5)  Voir  les  planches  publiées  par  A.  Bertrand,  Rev.  archéoL,  1861,  T,  p.  1  et  pi.  I 
et  IL 


336  J.  DÉCIIELETTE. 

étendue.  On  y  a  rencontré  des  inhumations  et  des  incinérations, 
avec  un  bon  nombre  de  vases.  Les  bronzes,  peu  abondants,  con- 
sistent en  épingles  à  tête  sphéroïdale,  épingles  à  tôte  repliée  en 
crosse,  rasoirs,  bracelets  ouverts.  Les  perles  d'ambre  complétaient 
les  objets  de  parure  en  métal  (1).  Le  fer  fait  entièrement  défaut. 

Les  tumulus  d'Arthel,  dans  le  même  département,  ont  livré  sur- 
tout des  bracelets  et  des  débris  de  poteries  ressemblant  à  celles  de 
Fougues  (2). 

A  Dompierre  (Allier),  une  nécropole  du  même  âge  que  les  précé- 
dentes et  également  très  riche  en  poteries,  a  été  détruite  par 
Texploitation  d'une  sablière  (3). 

Sur  le  plateau  de  Saint-Barnaid,  près  Trévoux  (Ain),  on  a  mis 
au  jour  vers  1862  un  assez  grand  nombre  de  sépultures  apparte- 
nant à  diverses  époques,  depuis  le  néolithique  jusqu'à  l'époque  de 
La  Tène  (4).  A  l'âge  du  bronze,  ces  sépultures  sont  des  tumulus  de 
faibles  dimensions,  où  l'incinération  domine.  Les  cendres  étaient 
déposées  dans  des  vases  en  terre,  protégés  par  des  galets.  Les 
types  céramiques  et  les  objets  de  bronze  se  classent  pour  la  plu- 
part à  l'âge  du  bronze  IV. 

Nous  ne  pouvons  nous  arrêter  ici  à  l'étude  de  la  céramique  de 
l'âge  du  bronze,  qui  fait  l'objet  spécial  d'un  chapitre  de  notre 
Manuel.  Nous  avons  essayé  d'en  présenter  un  classement  par 
périodes.  Pendant  la  dernière,  les  séries  céramiques  les  plus 
importantes  sont  les  suivantes  : 

1.  Les  vases  à  panse  cannelée  (fig.  9,  n""  2-9)); 

2.  Les  vases  à  sillons  horizontaux  (fig.  H,  n°'  1-6)  ; 

3.  Les  vases  mamelonnés  (fig.  10)  ;  ^    • 

4.  Les  vases  unis,  apparentés  par  leurs  formes  à  ceux  des 
séries  ornées  précédentes  (fig.  11,  n°'  7,  11-13). 

Nous  avons  déjà  parlé  des  vases  à  anses  multiples  des  périodes  I 
et  IL  A  la  période  III  et  peut-être  aussi  à  la  précédente  doivent  se 
classer,  croyons-nous,  des  vases  très  caractéristiques  de  l'âge  du 


(1)  Dr  Jacquinot  et  P,  Usquin,  La  nécropole  de  Pougues-les-Eaux  [Nièvre),  Mat., 
1879,  p.  385,  nombreuses  figures.  Cf.  Mat.,  1877,  p.  237. 

(2)  Jacquinot,  Mat.,  1881,  p.  71. 

(3)  Nous  devons  à  M.  Bertrand  de  Moulins,  les  dessins  de  quelques-uns  de  ces 
vases  importants  pour  la  connaissance  de  la  céramique  du  l'âge  du  bronze  (voir  fig.  9 
et  11}. 

(4)  Valentin-Smith,  Fouilles  dans  la  vallée  du  Formans  {Ain),  Lyon,  1888,  plusieurs 
planches. 


LES  SEPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE. 


337 


bronze  dont  le  décor  est  profondément  gravé  ou  estampé,  sans 
doute  pour  recevoir  le  plus  souvent  des  incrustations  en  pâte 
blanche.  Ces  vases  étant  par  suite  creusés  sur  tout  leur  pourtour 
d'alvéoles  profondes,  nous  les  désignons  sous  la  dénomination  de 
vases  alvéolés  (Hg.  8j.  M.  Chauvet  a  signalé  de  beaux  spécimens 
de  cette  série  découverts  à  la  station  du  Bois  du  Roc^  commune 
de  Yilhonneur  (Charente) .  Cette  céramique  présente  en  raison 
de  sa  large  diiïusion  une  grande  importance.  Elle  est  répandue  en 
Alsace  et  en  Souabe  et  se  retrouve  dans  le  midi  et  dans  le  centre 
de  la  Frajice.  On  y  reconnaît  deux  types  distincts,  le  gobelet  et  la 


FiG.  8.  —  Poteries  des  tamulas  de  l'Alsace;  âge  du  bronze  II-IIL  Les  vases  n^s  2-5 
appartiennent  à  la  série  des  vases  <»  alvéolés  »  (l). 

coupe,  le  vase  à  verser  et  le  vase  à  boire.  On  doit  évidemment  con- 
sidérer ces  vases  comme  les  succédanés  et  les  dérivés  immédiats  des 
vases  dits  caliciformes,  vases  de  Tàge  du  cuivre,  dont  le  décor  se 
compose  d'impressions  non  pas  profondes,  mais  légères,  disposées 
également  en  zones  horizontales.  De  part  et  d'autre,  les  deux  mêmes 
formes  se  répètent.  L'anse  des  vases  alvéolés  n'est  même  pas  une 
nouveauté,  car  on  la  trouve  parfois  sur  les  vases  caliciformes  et  sur 
les  coupes  de  la  même  série. 

Quelques  exemplaires,    découverts  sur  le  territoire  allemand, 


(1)  1,  A.  W.  Naue,  Denktiiaeler  der  vorrôm.  metallzeit  im  Elsass,  Strasbourg,  1905, 
pi,  vil,  47;  —  2,  ibid.,  pi.  VII,  46;  —  3-5,  ibid.,  pi.  XIII,  107,  104,  105. 

l'amhropologie.  —  T.  xvrii.  —  1906.  22 


338 


J.  DÉCHELETTE. 


nous  procurent  pour  la  date  de  cette  céramique  alvéolée  un  point 
de  repère  chronologique.  Ils  étaient  associés  par  exemple,  dans  des 
sépultures  tumulaires  de  Magerking-en  (Jura  de  Souabe),  à  de 
longues  épingles  de  ïàge  du  bronze  11  ou  III.  L'inventeur  de  ces 
tumulus,  M.  Iledinger,  les  attribue  d'ailleurs  à  la  première  moitié 
de  l'âge  du  bronze  (1). 

Les  alvéoles  se  présentent  le  plus  souvent  sous  la  forme  de 
triangles  disposés  en  zones.  En  s'allongeant,  les  triangles  de  la 
zone  inférieure  (fig.  8,  n^  2)  ont  donné  naissance  à  des  cannelures 
triangulaires  (fig.  9,  n^  1),  De  ces  derniers  vases,  ornés  towt  à  la  fois 
de  triangles  alvéolés  et  de  cannelures,  sont  peut-être  dérivés  les 
vases  à  simples  cannelures  de  la  période  IV,  cannelures  tantôt  ver- 
ticales {(\g.  9,  n°2-5),  tantôt  obliques  (fig.  9,  n«  6),  tantôt  brisées 


Fio.  9.  —   Poteries  ornées  de  cannelures.  Age  du  bronze  IV  (2). 

(fig.  9,  n^  7).  Une  importante  série  de  ces  derniers  types  provient 
de  la  nécropole  de  Dompierre  (iVllier),  où  l'on  rencontre  également 
les  vases  à  sillons  horizontaux,  de  même  qu'à  Saint-Darnard  (Ain). 
La  série  des  vases  à  mamelons  est  moins  abondamment  repré- 
sentée en  France  que  dans  les  pays  d'outre-Rhin.  L'exemplaire 
n°  2  de  la  figure  10  provient  d'un  tumulus  du  bois  de  Lemainville 
en  Lorraine.  Les  tumulus  de  l'Alsace  en  ont  livré  de  nombreux  spé- 


(1)  Archiv  fUr  Anthropologie^  XXVIII,  l^r  et  2^  trimestres,  p.  165. 

(2)  1,  2,  3,  5,  Alsace  (A.  W.  Naue,  Denkmaeler,  pi.  Vil,  45;  pi.  Yl,  38;  pi.  Vi,  42; 
pi.  XllI,  109);  —  4,  Grotte  de  Nermont,  comm.  Je  Saint-Moré,  Yonne  {Matériaux, 
1887,  p.  514);  —  6,  7,  nécropole  de  Dompierre  (Allier).  Dessins  inédits  communiqués 
par  M.Bertrand,  conservateur  du  musée  de  Moulins;  —  9,  tumulus  de  la  Haute 
Bavière  (J.  Nauk,  die  Bronzezeit  in  Oberbayern,  pi.  XLV,  1)  ;  —  8,  Nécropole  de 
Pougues-les-Eaux,  Nièvre,  Jacquinot  et  Usqui.n,  La  nécrop.  de  Fougues,  Extrait  du 
Bull.  Soc.  nivernaise,  1878.  pi.  I. 


LES  SÉPULTURES  DE  L'AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE. 


339 


cimens.  De  la  Gaule  orientale,  ces  vases  ont  rayonné  vers  l'Est  : 
ils  ont  dû  servir  de  prototypes  aux  nombreuses  poteries  dites  liisa- 
demies,  dont  les  formes  et  le  mode  d'ornementation  sont  similaires. 

Un  examen  plus  détaillé  et  plus  complet  de  la  céramique  des 
sépultures  de  Tâge  du  bronze  nous  entraînerait  à  de  trop  longs 
développements.  Nous  avons  voulu  simplement  signaler  ici 
l'importance  de  quelques  grandes  séries  qui  n'ont  pas  encore  été 
l'objet  d'une  étude  synthétique. 

Les  sépultures  de  Tàge  du  bronze  III  et  IV  de  la  France  ne  sau- 
raient être  convenablement  étudiées,  si  on  ne  les  rapprochait  des 


FiG.  10.  —  Vases  mameloQûés.  Age  du  bronze  IV  (1). 

dépots  funéraires  de  la  même  époque  de  la  Suisse,  et  surtout  de 
ceux,  bien  plus  nombreux,  de  l'Allemagne  du  sud  et  de  la  Bohême. 
Cette  étude  comparative  présente  d'autant  plus  d'intérêt  et  d'utilité 
que  Ton  possède  pour  quelques-uns  de  ces  différents  pays  des  mono- 
graphies d'ensemble  qui  font  encore  défaut  dans  notre  littérature. 
Dans  la  Haute  Bavière  seule,  plus  de  trois  cents  lieux  de  sépulture 
ont  été  explorés  avant  1891  par  M.  Julius  Naue,  à  qui  Ton  doit  une 


(1)  1,  Alsace,  A.  W.  Naue,  Denkmaeler,  pi.  VII,  48;  —  2,  turaulus  de  Lemaiuville, 
Lorraine  (Comte  Beaue'ké,  Fouilles  dans  les  tum.  des  bois  de  Beiiney  el  de  Lemain- 
ville,  Nancy,  î904.  pi.  1);  —  3  et  5,  lumulus  de  la  Haute  Bavière  (J.  Naue,  Die  BroJi- 
zezeit  in  Oberbayern,  pi.  XLII,  l  et  pi.  XLIV,  2);  —4,  poterie  de  type  lusacien,  prov. 
de    Brandebourg  (A.  Voss,  Zeits.  f.  EUinoL,  1903,  p.  170,  fig.  11). 


3i0 


J.  DECHELETTE. 


grande  publication  sur  ses  découvertes  (1  ).  M.  Naue  a  distingue  deux 
époques  seulement  dans  l'âge  du  bronze  de  la  Bavière.  Les  tombes 
de  la  première  période  sont  relativement  pauvres.  Tous  les  objets 
en  bronze  sont  fondus,  en  métal  mince.  Les  épées,  les  lances  et  les 
couteaux  font  à  peu  près  défaut.  On  trouve  beaucoup  d'ambre, 
mais  l'or  manque.  Les  épées,  les  tlècbes,  les  pointes  de  lance  et  les 
couteaux  apparaissent  au  contraire  dans  les  tombes  de  la  seconde 
période,  dont  l'inventaire  est  extrêmement  riche;  les  objets  en 
ambre  toutefois  deviennent  rares. 

Les  tombes  de  l'âge  du  bronze  dans  la  Haute  Bavière  sont  des 
tumulus  de  pierres,  à  cella  voûtée.  L'incinération  des  morts  domine 
durant  la  seconde  période.  On  rencontre  aussi  des  inhumations  et 
des  incinérations  partielles.  Les    corps   sont  placés  suivant   des 


FiG.  H .  —  Poteries  de  l'âge  du  bronze  IV.  Vases  à  sillons  horizontaux  et  vases  unis  (2). 


directions  diverses,  mais  il  semble  que  l'on  ait  préféré  l'orientation 
est-ouest. 

Les  tumulus  de  pierres  de  la  Bohême  n'oiïrent  pas  moins  d'ana- 
logie avec  ceux  de  la  France  orientale.  De  part  et  d'autre,  on  peut. 
y  reconnaître  deux  grandes  catégories,  ceux  de  l'époque  du  bronze 
et  ceux  d'époque  plus  récente  (Hallstatt  et  La  Tène).  Le  poignard 

(1)  JuLius  Naue,  Die  Bronzezeil  in  Oberbayern,  Munich,  1894,  Jn-4.  Du  même, 
UAge  du  bronze  dans  la  Haute-Bavière,  Soc.  d'Authrop.^de  Lyon,  1892. 

(2)  1  et  4,  vases  de  type  lusacien,  prov.  de  Brandebourg,  A.  Vos?,  Zeils.  f.  El/moL, 
1903,  p.  168,  fiLT.  let  2;  —  2,  nécropole  de  Dompierre,  Allier.  (Dessin  communiqué 
par  M.  Bertrand);  —  3,  6,  7,  8,  H,  12,  13,  nécropole  de  Pougues-Ies-Eaux,  Nièvre. 
(Jacquinot  et  Usquin,  loc.  cit.,  pi.  I,  II,  IV);  —  5,  nécropole  de  Saint-Barnard,  Ain 
(Vallentin  Smith,  Fouilles  dans  la  vallée  de  Formans^pl.  I);  —  9,  caverne  de  la 
Baume,  près  Moûtbéliard,  Doubs  (H.L'Epée,  Recherches  archéol.,  Montbéliard,  1882, 
pi.  V,  fig.  1).  —  10,  palafitte  d'Auvernier,  lac  de  Neuchâtel  (Desor,  Les  Palafittes  du 
lac  de  Neuchâtel,  1865,  p.  33,  fig.  22). 


LES  SÉPULTURES  DE  L  AGE  DU  BRONZE  EN  FRANCE.        341 

triangulaire  court  et  la  hache  plate,  ces  types  classiques  de  1  âge 
du  bronze  I,  n'apparaissent  pas  dans  ces  tumuli.  Les  principaux 
types  industriels,  couteaux,  haches,  fibules,  bracelets,  corres- 
pondent entièrement  par  leurs  formes  à  ceux  de  la  France  orien- 
tale et  delà  Bavière  {i).  Seule  la  céramique  offre  des  caractères  pro- 
prement indigènes.  11  taut  ajouter  qu'en  Bohême  comme  en  France, 
le  peuple  des  tumuli  de  Ysige  du  bronze  n'est  connu  que  par  ses 
sépultures.  On  n'a  pas  encore  retrouvé  de  restes  d'habitations 
correspondant  aux  dépôts  funéraires  (2). 

Le  plus  grand  nombre  des  tumulus  de  l'âge  du  bronze  de  l'Alle- 
magne du  sud  et  de  la  Bohême  appartiennent  aux  périodes  II  et 
III.  Pendant  la  quatrième  période^  on  rencontre  surtout  des  nécro- 
poles par  incinération  que  les  Allemands  désignent  sous  le  nom 
de  champs  cTtirnes  (Urnenfelder).  Cette  dénomination  pourrait 
également  s'appliquer  aux  nécropoles  françaises  semblables  à  celle 
de  Pougues-les-Eaux  dont  nous  avons  parlé.  Nous  verrons  que  le 
même  parallélisme  se  poursuit  dans  les  mêmes  régions  aux  époques 
ultérieures. 

M.  Pic,  en  étudiant  les  antiquités  de  l'âge  du  bronze  en  Bohême, 
a  dressé  la  carte  géographique  des  tumulus  qui,  tant  par  leur  cons- 
truction que  par  leur  mobilier,  présentent  une  analogie  caracté- 
ristique avec  ceux  de  son  pays.  Les  tumulus  de  l'Allemagne  méri- 
dionale et  centrale,  de  la  Suisse  et  de  la  France  figurent  seuls  sur 
cette  carte,  à  l'exclusion  de  ceux  des  Iles  Britanniques,  de  la  Scan- 
dinavie, des  régions  alpestres  situées  au  sud  de  la  Suisse,  de  ceux 
de  la  presqu'île  balkanique  et  de  la  Russie,  groupes  divers  qui  se  rat- 
tachent à  des  civilisations  différentes  et  dont  nous  n'avons  point  à 
parler  ici. 

Les  sépultures  de  l'âge  du  bronze  en  Suisse  ont  été  étudiées  par 
M.Heierli  (3).  M.  Heierli  fait  observer  qu'à  l'époque  néolithique  les 


(1)  Ils  sont  au  contraire  très  nombreux  en  Bohême  dans  les  sépultures  dites 
d'Uaelice.  Voir  Pic,  Starozitnosti,  t.  I,  fasc.  L 

(2)  Pic,  Slaroz.  Zerné  Ceské^  t.  I,  fasc,  2.  Pokoleni  Kamennîch  mohyL{Le,  peuple  des 
tumulus  de  pierres);  Prague,  1900,  37  planches  et  plusieurs  cartes.  Voir  notre  analyse 
de  cet  ouvrage  (avec  figures)  dans  U Anthropologie,  1901,  p.  413.  Parmi  les  tombes 
les  plus  célèbres  de  l'âge  du  broDze  en  Bohêmo,  nous  citerons  celle  de  Milavec,  de 
même  date  que  celle  de  Gourtavant  et  conteufint  un  curieux  chaudron  de  bronze  à 
roues,  une  épée  de  bronze  de  type  bavaro-hongrois  et  des  épingles  (Pic,  loc.  cit., 
pi.  XXVII. 

(3)  Voir  son  article  dans  VAnzeiger  fUr  Schweiz.  Allerlumskunde,  1897,  p.  42;  Die 
bronzezeitlischen  Gràber  in  Schweiz. 


342  J.  DECHELETTE. 

tombes  de  la  Suisse  sont  à  inhumation.  Les  squelettes  gisent  dans 
des  cistes  en  pierres  et  présentent  une  posture  repliée.  A  la  fin  de 
celte  période  apparaissent  dans  la  Suisse  allemande  des  tumulus 
à  incinération.  Durant  1  ài^e  du  bronze,  les  sépultures  delà  Suisse 
orientale  dilTèrent  de  celles  de  la  Suisse  occidentale.  Dans  le  terri- 
toire de  l'ouest,  les  cistes  se  sont  conservées  et  l'on  rencontre  en 
outre  des  sépultures  en  pleine  terre;  dans  l'est,  au  contraire,  on 
trouve  des  tumulus  à  incinération  et  des  tombes  plates  à  urnes  ciné- 
raires. Nous  croyons  que  ces  diversités  sont  souvent  explicables 
par  des  écarts  chronologiques  plutôt  que  par  des  considérations 
ethnographiques. 

La  tombe  à  ciste  d'Auvernier,  sur  les  bords  du  lac  de  Neuchâtel, 
tombe  décrite  par  Gross,  est  célèbre  dans  1  histoire  de  l'archéologie 
préhistorique,  parce  qu'elle  compte  parmi  les  premières  tombes 
connues  de  l'âge  du  bronze  (1). 

Nous  n'avons  indiqué  dans  cet  aperçu  que  les  sépultures  les  plus 
caractéristiques  ou  les  nécropoles  les  plus  importantes.  Ces 
exemples  suffisent  à  démontrer  que  l'on  ne  saurait  plus  parler 
actuellement  de  la  pénurie  des  sépultures  de  l'âge  du  bronze  en 
France.  Certaines  de  nos  provinces,  il  est  vrai,  ne  nous  en  ont  pas 
encore  livré,  mais  l'activité  ou  la  sagacité  de  quelque  nouveau  tra- 
vailleur peuvent  d'un  jour  combler  en  partie  ces  lacunes  ou  du 
moins  atténuer  l'inégalité  que  nous  constatons  actuellement,  à  cer- 
taines périodes,  dans  la  répartition  géographique  de  ces  dépôts. 

(1)  V.  GnAMitE,  Age  du  bronze,  2^  partie,  p.  65. 


L'ÉPÉE  DE  BHENNUS 

PAR 

Salomon   REINACH 


Si  l'on  en  croit  Polybe,  qui  seul  nous  a  conté  en  détail  les  guerres 
des  Romains  contre  les  Gaulois  en  Italie,  au  in^  siècle  avant  notre 
ère,  les  forgerons  celtiques  étaient  de  bien  médiocres  artisans.  Ils 
fabriquaient  de  lourdes  épées  camardes,  d'un  fer  si  mou  et  de  qualilé 
si  mauvaise  qu'après  avoir  frappé  un  premier  coup  elles  se  repliaient 
sur  elles  mêmes  ;  le  guerrier  gaulois  devait  quitter  le  front  de  bataille 
pour  redresser  à  l'écart  le  fer  de  son  arme^  comme  le  moissonneur 
rebat  sa  taux  dans  son  champ.  Encore  les  épées  gauloises  étaient- 
elles  bien  plus  défectueuses  que  dos  faux,  car  celles-ci  servent  du 
moins  pendant  quelques  heures  avant  d'avoir  besoin  d'être  aigui- 
sées, tandis  que  l'épée,  au  dire  de  Pol3be,  était  lamentablement 
faussée  et  tordue  dès  le  premier  choc. 

Le  texte  de  Polybe,  qui  nous  apprend  cela,  n'est  pas  le  seul;  on 
trouve  à  peu  près  la  même  chose  dans  Plutarque  et  dans  Polyen. 
Mais  Plutarque  a  tiré  son  information  de  Polybe  et  Polyen  a  copié 
Plutarque.  Trois  textes  qui  dérivent  de  la  même  source  ne  font  tou- 
jours qu'un  texte;  vérité  évidente,  mais  que  les  historiens  modernes 
semblent  trop  souvent  avoir  ignorée. 

La  soumission  définitive  des  Gaulois  dltalie  eut  lieu  en  222. 
Polybe,  né  vers  21o,\sept  ans  après,  put  connaître  et  interroger 
des  hommes  qui  avaient  pris  part  à  ces  luttes  terribles;  il  put 
aussi  se  faire  l'interprète  de  légendes  en  voie  de  formation.  Quoi 
qu'il  en  soit,  son  témoignage  est  très  clair;  on  peut  chercher  à 
l'expliquer,  non  le  récuser. 

Racontant  la  campagne  du  consul  C.  Flaminius  contre  les  In- 
subres,  en  l'an  223,  Polybe  s'exprime  ainsi  (1)  :   «  Les  Gaulois 

(1)  Polybe,  II,  33  (trad.  Bouchot,  t.  I,  p.   133;  trad.    Cougoy,  Extraits  des   auteurs 
grecs,  t.  II,  p.  105).  Pourquoi  Gougny  a-t-il  traduit  :  «  courbées  comme  des  strigiles  », 
alors  qu'il  y  a  seulement  xapiTrTOfxsvai  dans  le  grec? 
l'anthropolosie.  —•  T.  xvir.  —  1906. 


3',6  S.  REINACH. 

posti'rieur.  Polycn  a  copié  Plutarquo  littéralemeot  dans  le  court 
paragraphe  qu'il  a  consacre  à  Camille  dans  ses  Stratagèmes  (l). 
Ces  passages  ont  d'autant  moins  d'autorité  que  l'histoire  entière  de 
Camille,  dans  Plutarque  comme  dans  Tite-Live,  appartient  au 
domaine  de  la  légende. 

Les  écrivains  latins  n'ont  rien  dit  de  la  mauvaise  qualité  des 
épées  gauloises,  mais  ont  parlé  seulement  de  leurs  pointes  camardes. 
C'est  donc  avec  surprise  que  Ion  voit  M.  Brizio,  directeur  du  Musée 
de  Bologne,  citer  à  ce  sujet  Tite  Live,  XX,  chap.  4^  et  49 y  au  cours 
d'un  mémoire  sur  la  nécropole  sénonaise  de  Montefortino,  publié 
en  1899  dans  les  Monumenti  antichi  (2).  Non  seulement  M.  Brizio 
renvoie  à  ces  texies,  mais  il  en  constate  Tanalogie  avec  celui  de 
Polybe.  Or^  il  est  assez  noloire  que  la  seconde  décade  de  Tite  Live 
n'est  pas  parvenue  jusqu'à  nous  ;  une  référence  au  livre  XX  ne 
laisse  pas  de  paraître  singulière.  J'ai  pu  m'assurer  que  M.  Brizio 
a  copié  ces  deux  références  (et  plusieurs  autres)  dans  un  mémoire 
du  comte  Gozzadini,  publié  à  Modènc  en  1879,  Di  un  anticosepolcro 
a  Ceretolo  (p.  23,  2i).  Ce  dernier  auleurne  se  borne  pas  à  signaler 
les  prétendus  textes  de  Tite  Live;  il  les  analyse  et  parle,  d'après 
eux,  des  deux  défaites  des  Gaulois  à  Télamon  et  sur  les  rives  du 
Pô.  J'ignore  où  Gozzadini  lui  même  a  copié  ses  références  ;  mais  elles 
remontent  sans  doute  à  quelque  vieil  ouvrage  où  les  Suppléments 
de  Freinsheim  à  Tite  Live  avaient  été  mis  à  contribution.  Comme 
c(t^  Suppléments,  publiés  en  !6i9,  sont  en  partie  traduits  de  Polybe, 
il  n'est  pas  étonnant  que  MM.  Gozzadini  et  Brizio  aient  cru  que 
Polybe  était  la  source  de  Tite  Live  ;  il  l'est  davantage  que  deux 
archéologues  estimés,  à  vingt  ans  de  distance,  se  soient  donné 
le  ridicule  de  prouver  qu'ils  citaient  Tite  Live  sans  avoir  pris  la 
peine  de  l'ouvrir. 

Presque  tous  les  historiens  modernes  ont  accepté  sans  réserves 
le  texte  unique  de  Polybe  et  répété  que  le  fer  gaulois  ne  valait  rien; 
tout  récemment  encore,  M.  Andrew  Lang,  rappelant  l'usage  fait 
du  témoignage  de  Polybe  par  M.  Bidgeway,  ajoutait  spirituelle- 
ment :  «  Their  swords  were  as  bad  as,  or  worse  tkan^  British 
bayonets  :  theij  ahvays  doubledup  »  (3).  Mais^  déjà  au  xvni®  siècle, 
un  militaire,  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions,  M.  de  Sigrais, 


(1)  PoLYEN,  Slratag.,  VIII,  7. 

(2)  Monumenti  antichi,  1899,  t.  IX,  p.  756. 

(3)  Revue  archéol.,  1908,  I,  p.  291. 


L'EPEE  DE  BRENNUS.  347 

avait  exprimé  des  doutes  qui  font  honneur  à  son  esprit  critique  (1)  : 
«  Cette  assertion  (de  Polybe),  écrit-il,  doit  nécessairement  se 
restreindre  à  l'action  dont  il  fait  le  récit  ou  à  quelques  faits  rares 
qui  se  présentaient  peut-être  à  sa  mémoire.  En  la  prenant  dans 
toute  sa  généralité  apparente,  concevrait-on  qu'une  nation  qui  avait 
toujours  le  fer  à  la  main  n'en  ait  connu  ni  la  qualité  ni  la  trempe,  et 
qu'avec  de  telles  armes  elle  eût  gagné  des  batailles  et  résisté  pen- 
dant plusieurs  siècles  aux  Romains?...  11  est  vrai  que  Plutarque 
suppose  les  Gaulois  armés  de  ces  épées  molles  dès  le  temps  de 
Camille;  on  sent  qu'il  les  a  prises  de  Polybe,  ensuite  Polyen  a  copié 
Plutarque  et  toutes  ces  autorités  ont  induit  en  erreur  les  écrivains 
modernes  ».  Cela  est  fort  bien  raisonné  (2).  M.  Brizio  qui,  en  1899, 
est  revenu  sur  le  même  sujet  (3),  observe  aussi  que  les  Gaulois  d'Ita- 
lie, en  rapports  constants  avec  les  Etrusques,  auraient  pu  certaine- 
ment acquérir  de  ces  derniers  des  épées  utilisables,  s'ils  ne  savaient 
pas  en  fabriquer  eux-mêmes.  Malheureusement,  M.  Brizio,  qui 
est  étruscomane,  tire  de  ces  prémisses  de  fausses  conclusions  : 
parce  que  les  épées  gauloises,  provenant  des  tombes  sénonaises 
de  Montefortino  dans  le  Picenum,  sont  de  bonne  qualité  et  d'un 
fer  très  résistant,  il  af(irme  que  ces  épées,  comme  les  casques 
et  les  fibules  découverts  au  même  endroit,  sont  de  fabrication 
étrusque,  que  les  Gaulois  de  la  Gaule  n'avaient  aucune  indus- 
trie digne  de  ce  nom  et  que  les  belles  armes  trouvées  dans  les  sépul- 
tures gauloises  de  la  Champagne  sont  elles-mêmes  d'importation 
étrusque  (4).  J'ai  réfuté  ailleurs  ces  hérésies  archéologiques  (5), 
auprès  desquelles  la  confusion  de  Freinshemius  avec  Tite  Live 
paraît  une  erreur  presque  vénielle. 

Il  serait  hors  de  propos  de  démontrer  ici  que  l'industrie  de  la  Gaule 

(1)  Considérations  sur  l'esprit  militaire  des  Gaulois,  par  M.  (de  Sigrais),  capitaine 
de  cavalerie,  de  l'Académie  royale  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  Paris,  1174, 
p.  26.  Ce  livre  a  6té  acquis  pour  la  bibliothèque  du  musée  de  Saint-Germain  par 
feu  MazarJ,  qui  l'a  cité  dans  la  Revue  archéologique  (1880,  I,  p.  168).  Mazard,  copiant 
Gozzadiui,  a  également  allégué,  dans  son  article,  les  passages  inexistants  de  Tite- 
Live.  —  Sur  Sigrais,  cf.  J.  Lemoine,  Çorrespoyidance  amoureuse  et  militaire,  p.  271, 

(2)  Belloguet  [Ethnofjénie  gauloise,  t.  III,  p.  436-7)  admet  sans  sourciller  ce  qui 
paraissait  impossible  à  Sigrais  :  «  Souvent  ils  étaient  obligés,  ces  terribles  pourfen- 
deurs, d'interrompre  leurs  coups  pour  redresser  avec  le  pied  leurs  mauvaises  lames... 
Pendant  deux  ou  trois  siècles,  de  terribles  défaites  détruisirent  plusieurs  de  leurs 
armées,  sans  qu'ils  songeassent  à  changer  leur  manière  de  combattre  ou  un  arme- 
ment aussi  défectueux  ». 

(3)  Monumenti  anlichi,  t.  IX,  p.  758. 
^4)  Ibid.,  p.  757. 

(5)  S.  Reinagh,  L Anthropologie,  1902,  p.   267-272. 


348  S.  REINAGH. 

était  très  développée  dès  l'an  400;  c'est  là  une  vérité  que  les  décou- 
vertes archéologiques  ont  établi  sans  contestation  possible.  Mais, 
comme  je  Tai  fait  voir  il  y  a  douze  ans,  dans  une  critique  d'un 
mémoire  de  M,  0.   Ilirschfeld,   on  peut  môme  alléguer  un  texte 
classique  pour  prouver  que  les  ouvriers  gaulois  en  métaux  étaient 
appelés,  vers  le  début  du  v°  siècle,  en  Italie  (1  ).  Pline  l'Ancien  raconte, 
d'après  le  Xh   livre  des    Anliqiiitates  de  Varron,  qu'un  Helvète 
nommé  Ilélicon,  ayant  résidé  à  Rome  fabrilem  ob  artem,  rapporta 
dans  son  pays  une  figue  sèche,  du  raisin,  de  l'huile  et  du  vin,  ce 
qui  donna  à  ses  compatriotes  l'idée  d'envahir  lltalie.  M.  Ilirschfeld 
avait  pensé  que  cette  histoire  ne  devait  pas  être  antérieure  à  la  guerre 
des  Cimbres,  époque  à  laquelle  les  Romains  connurent  pour  la  pre- 
mière fois  les  Helvètes.  J'écrivais  à  ce  propos  :  «  On  peut  n'êlre 
pas  d'accord  sur  ce  point  avec  le  savant  allemand.  L'Helvète  Héli- 
con  a  séjourné  à  Rome  fabrilem  ob  artem.  Cela  ne  veut  pas  dire 
qu'il  y  soit  venu  pour  apprendre  un  métier,  mais  pour  exercer  le 
sien.  Or,  les  découvertes  faites  dans  la  station  de  La  Tène,  sur  le 
lac  de  Neufchâtel,  nous  ont  montré  quelle  était,  en  pays  helvète^ 
l'excellence  de  l'industrie  du  fer,  ars  fabrilis^  vers  le  iv' siècle  avant 
J.  C.  Il  n'y  aurait  donc  rien  d'impossible  à  ce  qu'un  ^lrtisan  de  ce 
pays  eût  été  attiré  à  Rome,  comme  les  ouvriers  de  certaines  indus- 
tries allemandes  l'ont  été  de  nos  jours  à  Paris,  et  qu'il  fût  revenu 
chez  les  siens  en  faisant  une  description  séduisante  des  richesses 
du  pays  où  il  avait  séjourné.  Si  donc  la  tradition  recueillie  par 
Varron  a  quelque  valeur,  elle  attesterait  la  présence  des  Helvètes 
au  nord  des  Alpes  dès  le  iv®  siècle  avant  notre  ère.  »  M.  Camille 
Jullian  a  eu  tout  récemment  l'occasion  de  se  rallier  à  ma  manière 
de  voir  (2).  Non  seulement  les  forgerons  celtiques  n'avaient  pas  de 
leçons  à  recevoir  en  Italie,  mais  il  appert  qu'on  les  y  appelait  pour 
en  donner. 

Cela  posé,  le  passage  cité  de  Polybe  réclame  une  explication  toute 
différente  de  celle  qu'on  admet  ordinairement.  Faut-il  croire  que 
les  Insubres  de  223,  à  la  fin  d'une  longue  guerre,  ne  disposaient 
plus  que  d'épées  fabriquées  à  la  hâte,  que  le  texte  de  Polybe  vise  un 
état  de  choses  tout  accidentel,  indûment  généralisé  par  les  mo- 
dernes? (3)  Telle  paraît  avoir  été  l'opinion  du  capitaine  de  Sigrais. 

(1)  s.  Reinach,  ap.  Bertraad  et  Reiaach,  Les  Celles^  p.  212. 

(2)  G.  Jullian,  Notes  gallo-romaines,  XXX  (1906),  p.  122. 

(3)  Le  témoignage  de  Tacite  sur  les  Aestii  {rarus  ferri,  frequens  fusLiumvsus,  Germ., 
45)  peut  être  dû  à  une  géaéralisatioa  analogue;  cf.  ibid.,  6,  où  il  parle,  d'une  manière 
générale,  de  la  rareté  du  fer  chez  les  Germains. 


L'ÉPÉE  DE  BRENNUS.  349 

Mais  Polybe  semble  bien  dire  que  la  mauvaise  qualité  des  épées 
g-auloises  était  chose  avérée  et  reconnue,  puisque  les  tribuns,  avant 
la  bataille,  en  informent  les  troupes  romaines  et  leur  donnent  des 
instructions  en  conséquence  pour  le  combat  corps  à  corps.  Son 
récit  est  si  détaillé  qu'il  n'aurait  pas  manqué  d'expliquer  en  quel- 
ques mots  le  caractère  défectueux  des  armes  des  Insubres  s'il  avait 
été,  dans  son  opinion,  l'effet  de  l'épuisement  de  leurs  ressources, 
et   non  celui  du  manque  d'habileté  de  leurs  artisans. 

Le  dernier  archéologue  qui  ait  traité  avec  détail  des  épées 
anciennes  écrit  à  ce  propos  :  «  Les  épées  de  La  Tène  étaient  forgées 
avec  du  fer  doux;  par  suite,  elles  se  recourbaient  facilement  dans 
le  combat  ,  comme  cela  est  d'ailleurs  attesté  par  d'anciens  au- 
teurs (1).  »  Rien  de  plus  ;  pas  même  un  renvoi  aux  auteurs  en  ques- 
tion. Mais  il  y  a  une  différence  importante  entre  une  arme  qui  se 
recourbe,  qui  tend  à  prendre  le  profil  d'un  sabre,  et  une  arme  qui 
se  replie  sur  elle-même  comme  une  lame  de  fer  blanc.  Or,  c'est 
bien  de  cela  que  parle  Polybe.  Une  expérience,  faite  au  Musée  de 
Saint-Germain,  avec  une  lame  de  fer  de  la  longueur  et  de  l'épais- 
seur des  épées  gauloises,  a  prouvé  qu'elle  pouvait  bien  se  fausser 
en  frappant  violemment  un  obstacle,  mais  —  le  bon  sens  suffit  à 
l'indiquer  —  qu'elle  ne  se  «  doublait  »  pas.  Pour  «  doubler  »  une 
pareille  épée,  ou  lui  donner  la  forme  d'un  S,  il  faut  qu'un  homme 
la  torde  fortement  et  longuement  en  l'appuyant  contre  son  genou  ; 
une  succession  de  coups,  si  énergiques  qu'on  les  suppose,  ne  peut 
pas  produire  le  même  effet. 

L'information  de  Polybe  ne  repose-t-elle  donc  sur  rien?  C'est  là, 
de  toutes  les  hypothèses  qu'on  peut  faire,  la  moins  admissible, 
car  Polybe  est  un  historien  de  premier  ordre.  Son  information  est 
d'ailleurs  confirmée,  du  moins  en  apparence,  parce  fait  que  le  capi- 
taine de  Sigrais  ignorait  encore  et  que  l'abbé  Cochet  a  constaté 
d'abord  en  1847  (2)  :  c'est  que  nous  possédons  un  bon  nombre 
d'épées  gauloises  tordues,  doublées,  repliées  en  trois  et  même  en 
quatre.  Signalées  d'abord  en  Normandie,  ces  épées  repliées  l'ont 
été  depuis  en  Champagne,  dans  la  vallée  du  Rhône,  dans  la  vallée 
du  Rhin,  en  Suisse,  dans  1  Italie  du  nord,  en  Hongrie  et  même  en 
dehors  du  domaine  propre  de  la  civilisation  celtique,  au  Danemark 
dans  l'île  de  Bornholm  (3). 

(I)  J.  Naue,  Die  vorromischen  Schwei-ler,  iVIuiiicli,  1903,  p.  89. 

(2j  Revue  archéoL,  1863,  I,  p.  33;  cf.  ibid.,  1859,  p.  763. 

(3)  Pour  les  exemples  signalés  en  Normandie,  voir  Coutil,  DulL  de  la  Société  nor- 


3S0  S.  REINAGH. 

Les  arcliéologucs  qui  se  sont  occupes  de  ces  epées  repliées  ont 
tous  rappelé  les  textes  antiques  qui  mentionnent  des  épées  gauloises 
ainsi  tordues;  mais  il  est  curieux  de  voir  à  quel  point  leur  connais- 
sance, d'ailleurs  incomplète,  des  textes  les  a  conduits  à  se  contre- 
dire sur  la  question  de  la  qualité  de  ces  armes.  Techniciens  eux- 
mêmes  ou  éclairés  par  des  techniciens,  ils  devaient  avouer  qu'elles 
sont  excellentes  ;  historiens,  ou  croyant  Fêtrc,  ils  étaient  tenus  de 
les  déclarer  exécrables.  Voici  comment  s'exprime  M.  Vouga  dans 
son  livre  sur  Les  Helvètes  à  La  Tène  (p.  16);  on  sait  que  La  Tène, 
sur  le  lac  de  Neufchàtel^  marque  l'emplacement  d'un  fortin  helvé- 
tique du  xn"  et  du  ii^  siècle  avant  notre  ère,  où  Ton  a  découvert  une 
centaine  d'épées   en  fer  et  quantités  d'objets  de   harnachement, 
d'usage  ou  de  parure  :  «  Les  Gaulois  travaillaient  le  fer  et  le  bronze 
avec  une  grande  perfection  ;  plus  de  la  moitié  des  épées  étaient 
encore  dans  le  fourreau  et,  lorsqu'on  parvint  à  les  en  sortir,  elles 
paraissaient  n'avoir  jamais  été  employées  ;  quant  à  celles  qui  sont 
sans  fourreau,  beaucoup  présentent  des  in  tailles  ou  sont  faussées. 
Ce  sont  bien  les  épées  pliantes  et  à  pointe  camarde  que  les  histo- 
riens romains  [sic]  nous  décrivent,  ces  épées  mal  trempées  qui  se 
ployaient  sur  les  armes  des  Romains  et  se  changeaient  en  strigiles 
selon  Polybe  [Polybe  n'a  jamais  dit  cela  ;  cette  comparaison  avec  des 
strigiles  est  de  l'invention  du  traducteur  Cougny].  J'en  ai  redressé 
plusieurs  qui  étaient  ainsi  faussées.  » 

Le  mot  «  faussées  »  est  assez  vague;  s'il  s'agissait  d'épées  repliées 
ou  doublées,  Vouga  l'aurait  dit.  D'ailleurs,  dans  les  quatre  planches 
d'épées  qui  accompagnent  son  mémoire,  il  n'y  a  pas  une  seule  épée 
repliée. 

Le  mémoire  de  Youga  est  de  1885  ;  l'année  d'après,  1886,  M.  le 
D'  Gross  publiait  son  ouvrage  La  Tène,  un  oppidum  helvète^  où  sont 
réunies,  sur  quatre  planches  phototypiques,  les  images  des  épées 
trouvées  à  La  Tène,  toutes  en  fer  et  non  tordues.  A  la  p.  20, 
M.  Gross  parle  de  la  «  perfection  technique  »  des  armes  de  La  Tène  ; 
mais,  à  la  page  suivante,  sous  l'intluence  du  passage  cité  de  Vouga, 

mande  d'études  préhistoriques^  t.  IX,  1901,  p.  97,  qui  en  indique  aussi  d'autres.  Pour 
la  Champagne,  voir  Morel,  La  Champagne  souterraine,  p.  85  ;  Coyon,  Vart  du  fer  à 
Vépoque  gauloise,  p.  10,  etc.  Pour  la  vallée  du  Rhône  :  Bulletin  du  Comité,  1897, 
p.  481-520  (avec  planches).  Pour  la  Suisse  :  Bonstetten,  Armes  et  cliariots  découverts 
à  Tiefenau,  pi.  V,  etc.  Pour  l'Italie  du  nord,  il  suffit  de  renvoyer  à  une  note  de  Dm- 
zio,  Monum.  antichi,  t.  IX,  p.  756.  Pour  la  Hongrie  :  Rev.  archéol.,  1879,  II,  p.  214, 
215.  Pour  Bornholm  :  Matériaux,  t.  XXII,  p.  284.  J'ai  noté  plusieurs  exemples  d'épées 
repliées  dans  les  Musées  de  la  vallée  du  Rhin. 


L'ÉPÉE  DE  BRENNUS.  351 

que  M.  Gross  a  d'ailleurs  omis  de  citer,  il  écrit  :  «  Plusieurs  épées, 
principalement  celles  qui  étaient  encore  renfermées  dans  leur 
fourreau,  sont  parfaitement  intactes  et  dans  un  état  de  conservation 
tel  qu'elles  paraissent  n'avoir  jamais  servi  ;  d'autres,  en  revanche, 
témoignent  d'un  emploi  répété  par  les  brèches  multiples  de  leur 
tranchant  ;  d'autres  encore  sont  entièrement  faussées  et  quelques- 
unes  même  sont  brisées  en  plusieurs  tronçons.  »  On  ne  s'étonne 
pas  que  certaines  épées,  recueillies  dans  les  ruines  d'un  fortin 
abandonné  depuis  plus  de  deux  mille  ans,  soient  ébréchées,  brisées 
ou  faussées;  remarquez  que  M.  Gross,  comme  M.  Vouga,  emploie 
ce  dernier  mot,  mais  ne  parle  pas  d'épées  repliées  sur  elles-mêmes. 
Toutefois,  au  mot  faussées,  il  ajoute  une  note  oii  il  transcrit  ce  qu'il 
appelle  «  le  jugement  que  porte  Plutarque  sur  la  manière  de  com- 
battre des  compagnons  de  Brennus.  »  Plutarque  ne  porte  pas  de 
jugement,  mais  copie  Polybe;  il  ne  parle  pas  des  compagnons  de 
Brennus,  mais  de  Gaulois  qui  firent  la  guerre  aux  Romains  vingt- 
trois  ans  plus  tard;  enfin^  Polybe  et  Plutarque  parlent  expressé- 
ment d'épées  gauloises  repliées  et  doublées,  non  pas  d'armes  sim- 
plement faussées.  La  référence,  outre  qu'elle  manque  de  précision, 
pourrait  faire  croire  à  tort  que  certaines  épées  de  La  Tène  ont  été 
trouvées  dans  le  même  état  que  beaucoup  d'épées  exhumées  de 
tombeaux  celtiques,  qui  sont  effectivement  repliées  en  deux,  en  trois 
et  même  quelquefois  en  quatre. 

Ce  qui  est  vrai  de  La  Tène  est  vrai  d'Alésia.  Parmi  les  épées 
recueiUies  au  cours  des  fouilles  ordonnées  par  Napoléon  III,  quel- 
ques-unes sont  faussées  et  brisées,  tant  par  l'effet  des  chocs  que  par 
celui  de  la  rouille;  il  n'y  en  a  pas  qui  soient  repliées. 

Je  n'hésite  pas  à  affirmer  que  les  épées  repliées  se  sont  toutes 
trouvées  dans  des  tombes  celtiques  et  qu'on  n'en  a  pas  rencontré 
dans  les  stations  non-funéraires,  dont  les  plus  connues  sont  La 
Tène  et  Alésia  (1). 

Mais  pourquoi  les  tombes  celtiques  ont-elles  donné  en  si  grand 
nombre  des  épées  repliées?  Les  archéologues  qui  acceptent  les  yeux 
fermés  le  témoignage  de  Polybe  pourraient  être  tentés  de  répondre 
que  les  guerriers,  ensevehs  dans  les  tombes,  sont  morts  en  com- 

(I)  '<  Od  repliait  parfois  les  lances,  les  poignards  et  même  de  grandes  épingles 
mesurant  50  à  60  centimètres.  En  Normandie,  ces  découvertes  ont  toujours  coïn- 
cidé avec  la  présence  de  vases  funéraires  »  (Cottii.,  Bull,  de  la  Soc.  normande  d'études 
pi'ékisl.,  t,  IX,  1901,  p.  101).  Ces  nécropoles  normandes  appartiennent  à  la  seconde 
phase  du  deuxième  âge  du  fer  (La  Tène  II). 


352  S.  RElNACll. 

J)attant  et  que  leurs  épées  s'étaient  repliées  en  deux  ou  en  trois  au 
cours  des  luttes  suprêmes  qu'ils  ont  soutenues.  Mais  il  suffit  de 
faire  observer,  pour  réduire  cette  hypothèse  à  néant,  que  l'épée 
repliée  en  deux  ou  en  trois  se  trouve  très  souvent  dans  son  four- 
reau (1);  si  elle  avait  été  déformée  sur  le  champ  de  bataille,  en  assé- 
nant de  g-rands  coups  sur  les  casques  et  les  cuirasses  des  ennemis, 
il  est  évident  qu'elle  se  trouverait  hors  du  fourreau  et  que  le  four- 
reau, n'étant  pas  une  arme,  n'eût  pas  souffert. 

Nous  sommes  donc  en  présence  d'un  rite  celtique,  rite  que  l'on 
constate  ailleurs  encore  qu'en  pays  celtique  et  qui  rentre  dans  une 
catégorie  d'usages  funéraires  très  répandus  que  l'ethnographie 
étudie  sous  la  rubrique  de  «  brisures  intentionnelles  »  (2).  Les  vases, 
les  figurines  en  terre  cuite,  les  armes,  les  outils,  les  vêtements, 
souvent  même  les  objets  de  parure  sont  endommagés  plus  ou  moins 
gravement,  brisés,  mutilés,  déchirés,  avant  que  la  tombe  sereferme 
sur  le  possesseur  ou  le  porteur  de  ses  objets.  Je  ne  connais  qu'un 
seul  texte  antique  mentionnant  cet  usage;  c'est  un  demi-vers  de 
Properce  :  fracto  busta  piare  cado  (3)^  qui  se  rapporte  à  la  brisure 
des  vases  funéraires;  mais  les  fouilles  en  ont  fourni  d'innombrables 
preuves,  que  Millin  et  Millingen,  au  commencement  du  xix«  siècle, 
ont  été,  semble-t-il,  les  premiers  à  recueillir  (4).  M.  Pottier  et  moi, 
en  explorant  la  nécropole  de  Myrina  en  Eolide,  avons  souvent 
remarqué  que  la  mutilation  des  objets,  figurines,  vases,  ustensiles 
de  bronze,  ne  pouvait  s'expliquer  par  la  pression  des  terres  ou  la 
vétusté  ;  la  tête  de  telle  statuette  se  trouvait  dans  un  coin  de  la  sépul- 
ture, le  corps  dans  le  coin  opposé;  il  était  évident  que  les  survivants 
avaient  brisé  les  figurines  sur  le  bord  de  la  tombe  ouverte  et  en 
avaient  jeté  les  fragments  dans  la  fosse  avec  le  dessein  de  les 
séparer  (5).  On  remplirait  un  volume  avec  des  témoignages  de  ce 
genre;  qu'il  me  suffise  de  transcrire  quelques  lignes  de  M.  Vedel, 
sur  les  fouilles  exécutées  par  lui,  avec  beaucoup  de  conscience,  dans 


(1)  Voir,  au  musée  de  Sainl-Genuain,  les  nos  4879,  4883,  11367,  13509  (épées  tor- 
dues dans  leurs  fourreaux,  provenant  de  sépultures  gauloises  de  la  Marne). 

(2)  Voir  surtout  Verh.  bevl.  Gesellsch.  filr  Anihrop.^  t.  XXIV,  p.  166;  Archiv  fur 
Anlhrop.,  t.  XXIV,  p.  180.  Le  même  usage  de  briser  des  vases  sur  les  tombes  se 
constate  dans  le  Bourbonnais  et  le  Berry,  à  Madagascar,  en  Nouvelle-Guinée,  dans 
la  Grèce  contemporaine,  etc.  —  Il  est  inutile  d'accumuler  les  références. 

(3)  Propepce,  V,  7,  34. 

(4)  Voir  mes  Peintures  de  vases,  p.  89,  91. 

(5)  Pottier  et  Reinacu,  La  Nécropole  de  Myrina,  p.  103. 


L'ÉPÉE  DE  BRENNUS.  333 

les  nécropoles  de  l'île  de  Bornholm  (i)  :  «  Beaucoup  d'objets  ont  été 
endommagés  à  dessein  avant  d'être  enfouis;  c'est  notamment  le  cas 
pour  les  armes;  les  épées  sont  tordues  ou  brisées;  une  d'entre  elles 
était  roulée  sur  elle-même  et  une  autre  courbée  en  zigzag;  la  plu- 
part étaient  brisées  en  plusieurs  morceaux  qui  n'ont  même  pas 
tous  été  déposés  dans  la  sépulture.  Quant  aux  umbos  de  boucliers, 
un  tiers  d'entre  eux  ont  été  brisés,  aplatis,  bossues  ou  détériorés... 
Les  bijoux  d'or  ont  généralement  été  fracassés  ou  coupés  en  mor- 
ceaux; quelques  fibules  de  bronze  ont  aussi  été  brisées.  Les  vases  de 
bronze  sont  également  réduits  en  fragments  et  leurs  débris  sont  si 
petits  qu'il  est  impossible  d'en  reconnaître  la  forme  (2).  » 

J'ai  vu  en  Grèce,  il  y  a  vingt  ans,  déchirer  les  vêtements  d'une 
femme  que  Ton  venait  de  déposer  au  tombeau   Si  l'on  interroge  les 
survivants  sur  la  cause  de  cet  usage,  ils  répondent  qu'on  veut  ainsi 
décourager  les  violateurs  de  sépultures.  Comme  toutes  les  expli- 
cations de  rites  religieux  d'où  la  religion  est  éliminée  par  le  rationa- 
lisme, celle  ci  ne  vaut  rien.  Elle  se  présente  d'ailleurs   si  naturel- 
lement qu'elle  a  été  alléguée  pour  motiver  la  brisure  et  la  torsion 
des  épées  celtiques  par  ceux  des  archéologues  qui  ne  voulaient  pas 
y  voir  l'cfTet  du  dernier  usage  de  ces  armes.  «  D'autres  pensent, 
écrit  à  ce  sujet  M.  Morel  (3)^  que  les  Gaulois  étant  essentiellement 
nomades,  on  avait  soin,  aux  funérailles  du  chef,  de  briser  son  épée 
pour  qu'elle  ne  tentât  pas  la  cupidité  des  passants.  »  Les  «  passants  » 
qui  auraient  été  tentés  de  violer  une  tombe  de  chef  y  auraient 
cherché  —  et  y  ont  cherché  en  eiïet  —   des  objets  de  métal,  dont  la 
matière  oiïrait  une  certaine  valeur  ;  brisés  ou  non,  ils  devaient  avoir 
le  même  poids.  11  y  a  des  explications  que  le  «  bon  sens  »  suggère 
d'abord,  mais  qui  ne  résistent  pas,  pour  peu  qu'on  les  presse,  à 
l'épreuve  du  même  «  bon  sens  ». 

L'idée  primitive  qui  a  inspiré  tous  ces  usages  est  probablement 
celle  ci  :  le  mort  est  un  homme  brisé;  il  faut  que  les  objets  qui 
l'accompagnent  dans  la  tombe  soient  brisés  aussi.  L'usage  si 
répandu  de  placer  des  objets  dans  les  tombes  a  été  généralement 
expliqué,  par  les  anciens  eux-mêmes,  comme  TefTet  de  la  sollici- 
tude des  vivants,  qui  veulent  meubler  la  demeure  du  mort  et  sub- 
venir ainsi  aux  besoins  de  la  vie  d'outre-tombe.  11  est  incontestable 

(1)  Matériaux,  t.  XXII,  p.  284. 

(2)  Les  pointes  de  lance  eii  fer  sont  quelquefois  tordues  et  pliées  comme  les  épées 
{Bull,  du  Comité,  1897,  p.  502,  503;  Monumenti  anlichi,  t.  IX,  p.  756). 

(3)  MoKBL,  La  Champagne  souterraine,  p.  85. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  23 


354  S.  REINACH. 

que  celte  idée  du  don  fait  aux  morts  s'est  manifestée  de  bonne 
heure  et  a  produit  des  conséquences  dont  les  fouilles  de  toutes  les 
nécropoles  portent  témoignage;  mais  c'est  une  idée  secondaire, 
non  primitive,  et  qui  se  concilierait  mal  avec  Fliabitude  de  briser 
la  suppellex.  A  l'origine,  non  seulement  le  mort  est  tabou  et  ne 
doit  être  touché  (jae  par  certaines  personnes,  préparées  d'avance  à 
cet  oflice  et  purifiées  après,  mais  tout  ce  que  le  mort  a  possédé  ou 
touché  est  lahoii  égt  lement.  On  ensevelit  le  guerrier  avec  ses  armes , 
la  femme  avec  ses  objets  de  parure,  parce  qu'ils  sont  tabous  et,  à 
ce  titre,  retirés  delà  circulation  et  du  commerce,  parce  qu'ils  sont 
devenus  «  dangereux  »,  au  sens  magique  de  ce  mot.  L'usage  une 
fois  établi  et  confirmé  par  la  pratique  de  longues  générations,  il 
tendit,  d'une  part,  a  s'atténuer  par  la  fraude  pieuse  de  la  substitu- 
tion, consistant  dans  l'abandon  delà  partie  pour  le  tout  ou  de  l'image 
pour  la  réalité  —  d'autre  part,  à  prendre  une  signification  nouvelle 
par  le  développement  de  l'idée  de  don  et  d'offrande.  L'étude  du 
sacrifice,  où  l'idée  d'offrande  est  également  adventice  et  secondaire, 
mais  où  elle  devient  bientôt  dominante,  offre  l'exemple  d'une  évo- 
lution analogue  qu'il  nous  suffit  d'avoir  indiquée  ici. 

Au  dire  de  plusieurs  antiquaires  contemporains,  les  épées  ployées 
auraient  été  préalablement  rougies  au  feu,  probablement  sur  le 
feu  même  du  bûcher  (1).  Il  faut  repousser  cette  hypothèse,  d'abonl 
parce  que  les  épées  de  fer  celtiques  pouvaient  parfaitement  être 
pliées  à  froid  en  deux,  en  trois  et  en  quatre  (2),  puis,  parce  que  de 
nombreuses  épées  ployées,  en  particulier  celles  qu'on  a  recueillies 
dans  les  nécropoles  de  la  Marne  et  de  la  haute  Italie,  proviennent 
de  sépultures  à  inhumation  On  a  aussi  pensé  que  les  épées  étaient 
traitées  de  la  sorte  pour  pouvoir  être  introduites  dans  les  urnes 
funéraires,  ou  placées  comme  des  bandes  de  fer  autour  de  ces 
urnes  (3);  cette  opinion  est  également  réfutée  par  la  prévalence 
de  l'inhumation  dans  les  plus  anciens  cimetières  celtiques,  jus- 
qu'aux environs  de  l'an  200  avant  notre  ère.  Ce  n'est  pas  à  dire 
que,  dans  les  nécropoles  celtiques  à  incinération,  l'épée  n'ait  pu 
quelquefois  être  chauffée  avant  d'être  tordue  et  introduite  après 

{\)  Coutil,  Bull,  de  la  Soc.  normande  d'études  préhistoriques^  t.  IX  (1901),  p.  99; 
SaiDt-Veuant,  Bulletin  du  Comité^  1897,  p.  514,  520;  Pulsky,  Rev.  arcJiéol.,  1879,  II, 
p.  216. 

(2)  L'expérience  a  été  faile  à  Saint-Germain  sur  une  lame  de  fer  de  mêmes  dimen- 
sions. 

(3)  Saiist- Venant,  lac.  /.,  p.  483,  4S9. 


L'ÉPÉE  DE  BRENNUS.  335 

torsion  dans  une  urne;  mais  le  rite  de  la  torsion  est  antérieur  à 
celui  de  l'incinération  et  à  l'usage  des  grandes  urnes  destinées  à 
recevoir  les  cendres  du  mort. 

Nous  avons  établi  :  1^  que  la  torsion  des  épées  de  fer  n'est  pas  un 
eiïet  de  leur  emploi;  2**  que  c'est  un  rite  religieux  très  répandu. 
Reste  à  expliquer  pourquoi  Polybe,  auteur  judicieux  et  grave,  a 
signalé  des  épées  celtiques  tordues  et  doublées  aux  mains  des  der- 
niers défenseurs  de  la  Gaule  Cisalpine. 

La  réponse  à  cette  question  s'impose  :  Polybe  a  connu,  directe- 
ment ou  indirectement,  des  groupes  de  tombes  celtiques  contenant 
des  épées  repliées,  comme  on  en  a  découvert  un  grand  nombre,  au 
xix^  siècle,  à  Marzabotto,  à  Bologne,  dans  les  environs  de  Côme, 
dans  le  Picenum  ;  il  a  cru,  comme  les  archéologues  modernes 
jusqu'à  notre  temps  (i),  que  ces  groupes  de  sépultures  marquaient 
les  emplacements  de  champs  de  bataille;  il  en  a  conclu  que  les 
morts  avaient  été  ensevelis  avec  leurs  épées  dans  l'état  oii  celles-ci 
avaient  été  réduites  par  la  violence  d'un  suprême  corps  à  corps. 

Une  fois  les  Gaulois  d'Italie  exterminés,  chassés  au  delà  des 
Alpes  ou  réduits  en  esclavage,  le  territoire  fertile  qu'ils  occupaient 
et  011  ils  pratiquaient  surtout  l'élevage  fut  réparti  entre  des  colons 
romains.  Ceux-ci,  rien  qu'en  labourant  le  sol,  durent  souvent  ren- 
contrer des  nécropoles,  dans  les  pays  mômes  où  la  résistance  des 
Gaulois  avait  été  si  longue  à  briser  ;  à  l'aspect  de  ces  grands  corps 
[procera  corpora),  ensevelis  avec  de  grandes  épées  camardes  du  type 
de  La  Tène  II  [gladii  praelongi  sine  mucronibus),  rephées  sur  elles- 
mêmes  et  comme  tordues,  les  nouveaux  venus,  encore  hantés  par 
le  souvenir  des  récentes  batailles,  durent  naturellement  s'imaginer 
qu'ils  en  exhumaient  les  victimes.  C'est  de  nos  jours  seulement 
qu'on  a  cessé  de  croire  qu'une  agglomération  de  tombes  marquait 
l'emplacement  d'un  combat.  N'a- 1- on  pas  vu  encore,  sous  le  second 
Empire,  des  savants  comme  Quicherat  et  Castan  alléguer  les 
riches  nécropoles  de  l'Alaise  francomtoise  comme  une  preuve  à 
l'appui  de  l'identification  d'Alaise  avec  le  théâtre  des  victoires  déci- 
sives de  César? 

De  tout  temps,  les  anciens  ont  violé  des  sépultures  et  se  sont 
emparés  de  leur  contenu;  la  TU[A5wpuxia,  comme  on  l'appelait,  n'est 


(1)  Un  des  premiers  archéologues  italiens  qui  aient  décrit  une  nécropole  gauloise, 
saus  en  reconnaître  le  caractère,  Giani,  a  intitulé  sou  ouvrage  :  Batlaglia  del  Ticino 
(Milan,  1824). 


350  ?.  REINACII. 

pas  sculenicnt  une  pratique  du  moyen  âge  et  de  notre  temps. 
Quand  les  colons  romains  s'établissaient  dans  une  région,  ils  se 
hâtaient  d'y  fouiller  les  anciennes  tombes.  Slrabon  nous  Tapprend 
expressément  dans  sa  description  de  Gorintbe  (1)  :  «  Corinthe,  écrit- 
il,  resta  longtemps  déserte  ;  elle  fut  restaurée  par  le  divin  César  à 
cause  de  la  beauté  du  site.  César  y  envoya  comme  colons  un  grand 
nombre  d'alfranchis  qui,  explorant  les  ruines  et  fouillant  les  tombes 
(xà  £pc{7:ta  y.'.voOvTsç  xai  lohq  ixqz-jz,  (TJvavaay.àTCTOvTsç),  découvrirent  une 
quantité  de  tessons  de  vases  et  de  bronzes.  Comme  ces  objets 
étaient  d  un  admirable  travail,  ils  ne  lassèrent  aucune  sépulture 
inviolée  et  remplirent  Rome  d'antiquités  dites  nécrocorinlhvii^  qui 
s'y  vendirent  à  de  très  haut  prix.  Au  début,  les  tessons  de  poteries 
furent  payés  aussi  cher  que  les  bronzes  de  Corinthe  ;  mais,  dans  la 
suite,  cette  mode  passa,  parce  que  les  trouvailles  de  tessons  devinrent 
rares  et  que  la  plupart  de  ceux  que  l'on  continuait  à  découvrir 
n'étaient  pas  d'une  aussi  belle  qualité  que  les  premiers.  »  Ce  passage 
est  d'autant  plus  intéressant  qu'on  y  trouve  la  première  mention  du 
commerce  d'objets  exhumés  de  tombes  et  Tune  des  rares  mentions 
de  vases  peints  que  la  littérature  antique  nous  ait  conservées. 

Un  autre  texte,  beaucoup  plus  célèbre,  peut  recevoir  quelque 
lumière  des  considérations  que  nous  avons  fait  valoir.  Virgile, 
dont  le  nom  est  celtique,  comme  l'a  déjà  reconnu  Zeuss,  dont 
la  mère  Magia  porte  un  nom  celtique,  qui  est  né  en  pays  cel- 
tique à  Andes,  dans  le  territoire  de  Mantoue,  qui  s'est  montré 
singulièrement  informé  des  choses  et  des  usages  celtiques,  Virgile, 
lui  aussi,  a  dû  voir,  dans  sa  jeunesse,  des  tombes  celtiques  ouvertes 
par  le  soc  de  la  charrue,  laissant  paraître  des  squelettes  de  grande 
taille,  à  côté  d'armes  de  fer  rongées  par  la  rouille.  Lui  aussi,  comme 
Polybe  ou  son  informateur,  a  dû  croire  qu'il  avait  sous  les  yeux  les 
victimes  d'une  bataille  sanglante  et  quand,  vers  la  fm  du  premier 
livre  des  Gcorgiques^  il  prédit  qu'un  jour  le  laboureur  découvrira, 
en  creusant  les  champs  de  l'Émathie,  les  corps  des  Romains  tom- 
bés dans  les  guerres  civiles,  il  se  souvient  évidemment  des  spec- 
tacles analogues  qui  ont  frappé  ses  yeux  et  de  l'interprétation 
aussi  naturelle  que  fausse  qu'il  en  a  donnée.  Mon  hypothèse  s'auto- 
rise à  la  fois  del'épithète  attribuée  par  Virgile  au^  ossements,  gran- 
dia^  qui  convient  à  des  squelettes  de  Gaulois  et  non  de  Romains,  et 
de  la  mention  des  tombes,  sepulcra.  W  n'y  a  pas  de  tombes  pour  les 

(1)  Strabon,  VIII,  6,  23,  p.  327  (éd.  Didot). 


L'EPEE  DE  BRENNUS.  357 

victimes  des  guerres  civiles;  comme  dit  Lucain,  répétant  un  lieu 
commun,  bcllam  civile  sepidcra  Vix  ducibiis;  praeslare  potest  (1);  si 
Virgile  parle  ici  de  sépultures,  c'est  qu'il  a  dans  l'esprit  des 
tombes  de  guerriers  ensevelis  avec  leurs  armes  et  pris  à  tort,  par 
ses  contemporains  et  par  lui.  pour  des  guerriers  morts  au  champ 
d'honneur.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  découvrir  ainsi  dans  Virgile 
l'écho  d'une  impression  d'enfance,  d'un  souvenir  de  la  Gaule  cisal- 
pine^ analogue  à  ceux  qui,  cent  ans  plus  tôt,  motivèrent  l'erreur 
de  Polybe  sur  la  qualité  des  armes  gauloises  : 

Scilicet  et  tempiis  çcniet  cum  finibus  illis 
Agricola,  incurvo  terram  înolilus  aratro^ 
Exesa  inveniet  scabra  robigine  pila 
Aut  gra{>ibus  rastrls  galeas pulsabit  inanes 
Grandiaquc  effossis  niirabiiur  ossa  sepulcris  (2). 

En  résumé,  l'archéologie  a  mis  hors  do  doute  que  les  Gaulois 
étaient  de  très  habiles  forgerons  dès  le  v<^  siècle  avant  notre  ère  et 
que  leurs  épées  de  fer,  peut-être  même  d'acier  (3),  valaient  au 
moins  les  armes  de  leurs  ennemis.  Ces  épées,  à  l'époque  île  l'Allia 
et  de  la  prise  de  Home,  probablement  même  jusqu'à  la  (in  du 
iv^  siècle,  étaient  pointues,  à  double  tranchant  et  servaient  à  fiap- 
per  d'estoc  et  de  taille  (4).  Plus  lard,  un  type  piévalut  (mais  non  à 
titre  exclusif]  dont  l'extrémité  inférieure  était  camarde  et  avec 
lequel  on  frappait  seulement  de  taille  (5);  comme  armes  de  pointe 
les  Gaulois  avaient  des  javelots  [gaesa)  et  des  poignards,  dont  on 
connaît  un  grand  nombre,  mais  que  Polybe  n'a  pas  mentionnés  dans 
la  description  de  leur  armement.  Les  écrivains  anciens,  racontant 
les  guerres  contre  les  Celtes  au  iii^  siècle  et  plus  tard,  ont  eu  raison 

(1)  Lucain,  Phars.,  IX,  237. 

(2)  Virgile,  Géorg.,  1,  492-497. 

(3)  «  L'épée  longue,  de  faible  épaisseur,  le  type  de  la  période  marnieune  [La  Tene  l] 
était  en  acier  »  (Ch.  Goyon.  L'art  du  fer  à  Vépoque  gauloise^  Ghâlous-sur-.Marue, 
1903,  p.  15).  L'auteur  de  cette  intéressante  brochure  est  un  ancien  ouvrier;  il  a 
procé  lé  à   de  sérieuses  expériences. 

(4)  Ibid.^  p.  6  :  «  Les  épées  de  la  Marne  sont  pointues  et  à  double  tranchant,  ren- 
forcées à  leur  axe  d'une  nervure  longitudinale.  C'était,  par  le  fait,  une  arme  d'estoc 
et  de  taille.  »  11  en  est  de  même  des  épées  gauloises  de  Moutefortino  {Mon.  anlichi^ 
t.  IX,  p.  756). 

(5)  Voir  le  passage  souvent  cité  de  Retfye  sur  les  épées  gauloises  d'Alésia  {Revue 
arc/iéol.,  1864,  II,  p.  346-7,i.  A  cette  époque,  personne  ne  soupçonnait  encore  révo- 
lution que  le  type  de  l'épée  gauloise  a  subie  et  qui  n'a  été  révélé  que  par  Tischler 
eu  1885. 


360  A.  CIIEVniEH. 

produit  par  la  succession  de  trois  coups  1'  un  assez  fort,  les  deux 
autres  plus  faibles  et  plus  rapprochés,  la  demi-somnolence  du  Noir 
qui  laisse  couler  le  temps  en  éprouvant  la  douce  jouissance  de  ne 
rien  faire. 

Le  son  du  kirigny  s'entend  de  très  loin;  par  les  nuits  tranquilles 
on  reconnaît  à  7  ou  8  kilomètres  la  présence  d'un  bateau  indigène 
qui  se  laisse  tout  doucement  entraîner  par  la  chaude  brise  de  terre 
tandis  que  l'équipage  entier,  allongé  sur  le  pont,  écoute  en  silence 
un  des  matelots  qui  chante  à  mi-voix.  Mais  ce  bruit  est  un  peu 
voilé,  chantant,  et  très  différent  de  l'appel  brutal  et  heurté  du 
taboulé. 

Celui-ci  est  toujours  plus  gros,  mais  plus  court  que  le  kirigny. 
Comme  lui,  il  est  fabriqué  au  moyen  d'une  section  de  tronc  d'arbre, 
mais  celle-ci  est  taillée  par  dessous  en  forme  de  calebasse  et  évidée 
de  manière  à  ne  laisser  que  3  ou  4  centimètres  d'épaisseur  de  bois. 
La  partie  évidée  est  recouverte  d'un  cuir  très  fort,  tendu  au  moyen 
de  lanières  et  de  chevilles  aussi  fortement  que  possible,  et  de  plus,  au 
moment  où  on  doit  l'employer,  on  expose  pendant  quelques  instants 
le  cuir  à  un  feu  de  paille  afin  de  provoquer  une  tension  plus  forte. 
Pour  battre  de  ce  tambour,  on  se  sert  d'une  sorte  de  cravache  en  cuir 
tressé  terminée  par  une  partie  renflée  contenant  des  matières  dures 
soigneusement  enveloppées  de  cuir.  Deux  hommes  prennent  le  taboulé 
de  la  main  gauche,  le  soutenant  par  les  courroies,  et  de  la  main 
droite  armée  de  la  cravache  frappent  le  cuir  à  tour  de  bras  et  alter- 
nativement  de  manière  à  diminuer  le  plus  possible  l'espace  de 
temps  qui  sépare  deux  coups.  Le  roulement  dure  quelques  minutes 
et  se  termine  par  quelques  coups  isolés  qui  indiquent  aux  notables 
que  l'on  convoque,  par  leur  nombre  conventionnel,  le  motif  qui  les 
fait  réunir. 

Dans  tout  village  constituant  le  groupement  communal  dans  l'or- 
ganisation indigène,  il  ne  doit  exister  qu'un  seul  taboulé  qui  est 
accroché  dans  la  case  du  chef  de  village.  Personne  ne  doit  donner 
l'ordre  de  le  battre  sauf  le  chef  ou  son  remplaçant,  qui  est  généra- 
lement son  fils  ou  son  frère.  Le  roulement  du  taboulé  sert  à  convo- 
quer les  notables  chez  le  chef  de  village  en  cas  de  paix,  à  mener  les 
combattants  au  feu  en  cas  de  guerre,  et  à  convoquer  le  peuple  pour 
les  cérémonies  religieuses,  à  la  mosquée  chez  les  Musulmans  ou  aux 
arbres  sacrés  chez  les  Fétichistes.  11  est  à  remarquer  que  tandis 
que  les  instruments  de  musique  en  général,  surtout  ceux  à  cordes, 
ne  sont  employés  que  par  les  hommes  de  la  caste  spéciale  des  griots, 


SOCIETE  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  361 

ce  sont,  au  contraire,  toujours  des  hommes  libres  qui  battent  ce] 
tambour.  ,.■..'■. 

L'invasion  musulmane,  toute  récente  en  Afrique  occidentale,  a 
fait  disparaître  chez  nos  Noirs  toutes  les  manifestations  artistiques 
dont  on  retrouve  des  traces  seulement  dans  les  parties  les  plus 
reculées  du  pays.  La  représentation  de  la  figure  humaine  ou  de 
toute  chose  vivante  étantinterdite  aux  croyants,  nos  sujets  ont  cessé 
presque  partout  de  sculpter  des  fétiches  et  de  faire  sur  les  murs 
des  cases  des  bas- reliefs  grossiers  représentant  des  scènes  de  la  vie 
indigène.  Seuls  les  indigènes  du  Kissy  et  ceuxduBas-Nunez  étaient 
restés  jusqu'à  ces  dernières  années  réfractaires  à  la  propagande 
musulmane,  comme  d'ailleurs  à  la  pénétration  européenne  ;  et  si,  à 
l'heure  actuelle,  il  est  bien  difficile  de  trouver  un  objet  fétiche 
semblable  à  celui  que  je  possède,  il  y  a  dix  ans,  on  pouvait  en  voir 
de  pareils  chez  tous  les  chefs  importants  du  pays  Bagas. 

Ils  sont  devenus  si  rares  depuis  quelques  années,  qu'il  semble 
que  dans  leur  zèle  religieux  et  Tardeur  de  leur  lutte  contre  les 
idoles,  les  marabouts  fassent  briser  les  fétiches  dès  qu'ils  ont 
obtenu  la  conversion  d'un  chef  de  village.  Or  ils  sont  bien  près 
d'avoir  atteint  leur  but,  puisqu'en  1903  il  ne  restait  que  quatre 
villages  entièrement  fétichistes  dans  toute  la  Basse-Guinée. 

Les  Musulmans,  et  d'ailleurs  beaucoup  de  nos  compatriotes, 
voient  dans  un  objet  sculpté  par  des  Noirs  et  représentant  des  êtres 
humains,  un  fétiche,  c'est-à-dire  un  objet  sacré,  ayant  par  lui- 
même  une  puissance  utile  ou  nuisible,  et  auquel  les  Nègres  rendent 
hommage.  Rien  n'est  moins  exact.  Le  Noir  autochtone  de  la  cote 
occidentale  se  fait,  ou  plutôt  se  faisait  avant  notre  arrivée  et  celle 
des  marabouts,  une  idée  beaucoup  plus  relevée  de  la  divinité  et  de 
ses  manifestations  que  nous  ne  le  croyons  généralement.  Il  admet- 
tait l'existence  d'un  Dieu  unique  et  tout  puissant  gouvernant  le 
monde,  mais  sans  intervention  directe  sur  les  affaires  des  hommes  ; 
des  puissances  intermédiaires,  généralement  le  bien  et  le  mal,  se 
disputent  la  créature  humaine,  et  celle-ci  est  directement  sollicitée 
par  des  esprits  inférieurs.  Ceux-ci  rôdent  autour  des  villages,  peu- 
vent s'incarner  dans  le  corps  d'animaux  ou  d'hommes,  et  leurs 
desseins  semblent  généralement  mauvais.  On  leur  rend  un  culteî 
propitiatoire,  on  laisse  croître  près  du  village  de  grands  fromagers^ 
qui  leur  servent  d'abris,  de  lieu  de  repos,  de  domicile  officiel,  si  j,©; 
puis  ainsi  dire;  on  y  porte  des  offrandes,  on  sacrifie  des  bœufs 
noirs  et  des  poules  blanches  pour  qu'ils  cessent  de  tourmenter  Icb:- 


362 


A.  CHEVRIER. 


pauvres  morts,  mais  dans  aucun  cas  on  ne  leur  attribue  un  pouvoir 
divin. 

Dans  les  pays  restes  fétichistes,  il  existe  sous  les  fromagers  sa- 
crés une  case  ronde  dans  laquelle  n'entrent  que  les  vieux  initiés 
sorciers  ou  notables  Scymos,  et  dans  laquelle  sont  renfermées  des 
statuettes  de  bois  représentant  des  hommes  ou  des  femmes  dans  des 

poses  toujours 
les  mômes,  qui 
semblent  des  at- 
titudes emprun- 
tées à  quelque 
ancienne  liturgie 
oubliée  des  peu- 
ples qui  vivent 
maintenant  en 
Afrique  et  aux- 
quels l'écriture  a 
manqué  pour  re- 
cevoir de  leurs 
ancêtres  une  tra- 
dition précise. 
Ces  statuettes  re- 
présentent les  es- 
prits qui  habitent 
dans  le  voisinage 
du  village  ;  elles 
n'ont  pas  de  pou- 
voir propre, mais 
on  doit  en  pren- 
dre grand  soin 
parce  qu'en  leur 
manquant  de  res- 
pect on  irriterait  l'esprit  qu'elles  sont  censées  représenter;  déplus, 
on  ne  doit  pas  les  laisser  voir  à  tout  le  monde.  De  cette  dernière 
pratique  je  ne  vois  d'autre  raison  que  le  désir  des  initiés  d'entourer 
leur  culte  de  quelque  mystère  pour  se  donner  une  autorité  morale 
plus  grande  sur  le  menu  peuple  :  les  prêtres  de  toutes  les  religions 
en  ont  usé  ainsi. 

Chrétiens  et  Musulmans  ont  considéré  les  fétichistes  comme  des 
hommes  de  casle  inférieure,  à  peine  au-dessus  du  niveau  moral  de 


Fin.  1.  —  Tambour  taillé  dans  un  seul  bloc  de  bois  de  fro- 
mager (ce  tambour  a  appartenu  à  un  grand  dignitaire  de 
la  société  des  Scymos). 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  363 

]a  brute,  sans  compréhension,  sans  morale,  qu'on  avait  le  droit  de 
traquer  comme  du  bétail  et  de  réduire  en  esclavage.  Si  l'on  avait 
pris  la  peine  d'étudier  la  langue  et  les  coutumes  de  ces  hommes, 
sans  parti  pris,  en  voulant  bien  admettre  que  la  vérité  n'est  pas 
toujours  seulement  d'un  côté  des  Pyrénées,  et  que  l'on  peut  trou- 
ver, sous  des  formes  qui  semblent  étranges  et  barbares,  de  hautes 
pensées  philosophiques,  on  se  serait  peut-être  aperçu  que  les  soi- 
disant  sauvages  n'étaient  nullement  inférieurs  à  leurs  conquérants, 
sinon  par  l'organisation  guerrière,  du  moins  au  point  de  vue  moral. 

Le  tambour  fétiche  que  je'possède  doit-il  êlre  tenu  pour  un  fétiche 
au  sens  propre  du  mot,  comme  l'entendent  les  prêtres  musulmans 
et  chrétiens?  Il  me  paraît  que  non.  Au  point  de  vue  nègre,  c'est 
un  objet  d'art  de  grande  valeur  ayant  exigé  un  travail  considé- 
rable de  l'artiste  qui  Ta  exécuté. 

Tailler  dans  une  seule  pièce  de  bois  de  fromager  le  tambour,  le 
groupe  de  statuettes  qui  le  soutient  et  le  socle,  exige  de  celui  qui  a 
conçu  et  exécuté  le  projet  un  réel  sens  artistique^  d'autant  plus 
appréciable  que  l'auteur  de  ce  travail  vivait  dans  un  village  perdu 
dans  les  terres  basses  du  Nunez,  n'avait  certainement  jamais  vu 
aucune  sculpture,  et  qu'il  n'avait  à  sa  disposition  que  les  haches  et 
les  couteaux  grossièrement  forgés  par  le  forgeron  du  village. 

La  signification  du  groupe  qui  sert  de  support  au  taboulé  est 
assez  diflicile  à  préciser  :  il  semble  que  l'artiste  ait  voulu  représenter 
les  esprits  qui  président  dans  le  village  à  la  reproduction  de  l'es- 
pèce humaine,  les  nouvelles  générations  servant  de  soutien  à  l'au- 
torité du  chef  symbolisée  par  le  tambour.  Nous  pourrions  traduire 
cette  idée  en  français  :  la  puissance  de  la  nation  réside  dans  l'es- 
poir des  générations  futures  sans  cesse  plus  nombreuses. 

Lorsque  plus  haut  nous  avons  défini  les  types  de  tambours,  nous 
n'avons  pas,  et  avec  intention,  parlé  d'un  socle  quelconque,  parce 
que  dans  tous  les  villages  musulmans,  et  même  chez  les  fétichistes 
qui  ne  pratiquent  plus  les  rites  en  usage  autrefois,  le  taboulé  est 
toujours  taillé  en  hémisphère  dans  sa  partie  inférieure,  sans  aucune 
ajouture.  Seuls  les  chefs  affiliés  à  la  société  des  Scymos,  c'est  à- 
dire  pratiquant  ostensiblement  l'ancien  culte,  osent  conserver  dans 
leur  case  des  symboles  à  forme  humaine. 

Les  Scymos.  —  En  parlant  des  croyances  religieuses  des  Noirs 
fétichistes,  nous  avons  été  amené  à  employer  le  mot  de  Scymo, 
nom  indigène  d'une  société  secrète  autrefois  fort  puissante,  en  voie 
de  disparition  aujourd'hui,  fort  peu  connue  des  Européens,  et  dont 


364  A.  CIIEVRIER. 

rexistencc  et  les  coutumes  peuvent  présenter  un  certain  intérêt 
documentaire,  son  pouvoir  politique  ayant  à  peu  près  complète- 
ment disparu.  Pour  en  indiquer  l'origine,  il  est  indispensable  de 
rappeler  brièvement  Ihistoire  des  populations  indigènes  de  la  Gui- 
née, histoire  qui  semble  n'avoir  jama-s  été  écrite  et  dont  on  ne 
tr  uve  qu'un  aperçu,  d'ailleurs  fort  incomplet,  dans  la  notice  con- 
cernant la  Guinée  et  publiée  lors  de  l'exposition  universelle  de 
1900. 

Les  traditions  des  indigènes  qui  habitent  actuellement  le  littoral 
africain  ne  remontent  pas  au  delà  de  350  ans.  A  cette  époque,  la 
côte  était  habitée  par  des  tribus  dont  la  trace  même  a  disparu. 

11  semble  que  ces  populations  étaient  fort  primitives,  et  ne 
devaient  guère  être  plus  civilisées  que  celles  qui  se  servaient  des 
instruments  en  pierres  taillées  que  l'on  retrouve  un  peu  partout 
dans  le  pays.  Les  occupants  actuels  n'ont  gardé  aucun  souvenir  de 
ceux  qui  les  précédaient  et  s'imaginent  que  leurs  ancêtres  ont 
trouvé  le  pays  désert.  Il  ne  peut  pas  en  avoir  été  ainsi,  puisque  les 
Européens  qui  les  premiers  parcoururent  la  côte  ont  trouvé  des 
populations  dont  ils  ont  parlé  dans  leurs  récits  de  voyages,  et  d'ail- 
leurs les  tribus  du  Haut-Niger,  dont  des  familles  sont  venues  à  la 
côte  à  des  époques  reculées,  ont  un  langage  parfois  absolument 
dissemblables  de  leurs  frères  d'origine.  Chezles  Bagas,  par  exemple, 
seuls  les  noms  de  pays  et  de  famille  sont  empruntés  à  la  langue 
mandé,  la  langue  courante  en  étant  devenue  aussi  dissemblable  que 
l'allemand  du  français. 

Il  est  donc  certain  que  les  tribus  nigériennes  venues  vers  le 
littoral  ont  trouvé  des  populations  indigènes  autochtones  dont  ils 
n'eurent  point  de  peine  à  devenir  les  maîtres  en  raison  de  leur  supé- 
riorité guerrière  et  peut-être  intellectuelle,  et  que  les  deux  races  se 
fondirent  en  un  nouveau  groupement  humain  qui  ne  conserva  les 
traditions  que  des  envahisseurs,  comme  il  arriva  de  la  Gaule  après 
César. 

Mais  les  autochtones  étant  de  beaucoup  plus  nombreux,  leur 
lajigue  devint  celle  des  conquérants  dont  le  métissage  modifia  des 
caractères  ethniques. 

Par  suite  de  cette  origine  composite  du  peuple,  il  est  extrême- 
ment difficile  de  donner  une  origine  et  une  raison  aux  coutumes 
comme  aux  traditions,  et  souvent  nous  nous  trouvons  en  présence 
d'usages  que  les  Noirs  les  plus  intelligents  ne  peuvent  expliquer, 
telle  que  l'excision  des  femmes  par  exemple. 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SGYMOS.  365 

11  y  a  300  ans  environ,  les  tribus  Bagas  qui  occupent  actuelle- 
ment le  littoral  g-uinéen  étaient  installées  sur  le  Haut-Niger  et  le 
Mongo,  affluent  de  la  petite  Scarcie,  entre  Faranna  et  Falaba  ; 
les  Tendas  occupaient  le  Fouta  central,  les  Timéné  le  Fouta  du 
Sud  et  le  Limban,  les  Mandégny  le  littoral  du  Rio  Pongo  à  la 
Roquelle. 

Au  nord,  vers  le  Haut-Sénégal  et  le  Moyen-Niger,  était  un  grand 
empire  soninké,  et  les  Malinké  habitaient  les  forêts,  presque  détruites 
aujourdhui,  du  Kouranko. 

Vers  Tombouctou,  des  guerres  religieuses  se  livraient  entre  les 
hommes  du  désert,  déjà  musulmans,  et  les  Sonrhai  réfractaires  à 
rislam.  Peu  à  peu  l'agitation  gagna  les  royaumes  du  Sud,  et  la 
propagande  islamique,  après  avoir  provoqué  FefTondrement  de 
lempire  soninké,  gagna  les  Toucouleurs  ;  des  émissaires  de  Nioro 
vinrent  convertir  les  Peulhs  épars  et  en  paix  dans  les  royaumes 
nègres  de  la  Haute-Guinée.  Les  Nègres,  devant  l'union  desFoulbés 
jusque-là  épars  et  tributaires,  tentèrent  de  conserver  leur  autorité, 
mais  ne  surent  pas  unir  leurs  efforts.  D'ailleurs  les  Bagas,  les 
Tendas  et  les  Sankarani  étaient  pris  à  revers  par  d'autres  tribus  du 
Moyen-Niger  qui  se  convertissaient  aux  croyances  nouvelles.  Les 
guerres  terribles  prirent  fin,  il  y  a  environ  200  ans,  dans  une  grande 
bataille  livrée  au  nord-est  de  Timbo,  oii  les  Noirs  furent  totale- 
ment battus  et  les  Foulbés  tellement  épuisés  par  la  lutte  qu'ils  ne 
purent  profiter  de  la  victoire  et  laissèrent  les  vaincus  s'éloigner  en 
paix. 

Ceux-ci  préférèrent  l'exil  à  l'esclavage  et  la  migration  vers 
Fouest  commença  pour  les  Bagas  sous  les  ordres  d'un  chef  nommé 
Ibrahima  et  surnommé  Bemba,  c'est-à-dire  l'Ancêtre,  par  les  géné- 
rations actuelles.  Lentement,  familles  par  familles,  ils  descen- 
dirent du  Niger  par  les  sentiers  accidentés  qui  contournent  les 
sommets  escarpés  des  montagnes  du  sud  du  Fouta  Djallon, 
gagnèrent  le  bassin  du  Kounkouré  qu'ils  suivirent  jusqu'à  la  mer, 
puis  se  séparèrent  en  deux  groupes  dont  l'un  s'installa  dans  le 
Kaloum  (la  presqu'île  de  Conakry)  du  consentement  des  Mandényi, 
occupants  du  sol  à  cette  époque,  tandis  que  l'autre  traversa  le  Rio 
Pongo  et  s'installa  en  petits  territoires  indépendants,  depuis  l'ouest 
de  l'embouchure  du  Kounkouré  jusqu'à  celle  du  Cassini  dans  la 
Guinée  Portugaise.  Les  nouveaux  Etats  Bagas  eurent  à  lutter  contre 
les  tribus  soussous  qui  suivirent  leur  migration  quelques  années 
plus  tard  et  qui  sont  originaires  du  Oulada  (cercle  de  Kouroussa)^^ 


366  A.  CIIEVRIER. 

mais  il  semble  qu'ils  vécurent  en  bonne  intelligence  avec  leurs  voi- 
sins établis  avant  eux  ou  vers  la  même  époque,  comme  les  Nalous 
qui  furent  chassés  delà  province  de  Touba,  et  les  Tendas  qui  habi- 
taient antérieurement  le  bassin  supérieur  de  la  Comba  ou  Rio 
Grande. 

Les  Bagas,  les  Nalous,  les  Tendas^  appartenaient  à  des  types 
humains  peu  diiïérents.  Nègres  présentant  nettement  les  caractères 
de  la  race  noire,  sans  mélange  avec  les  races  sémitiques  ou 
ariennes,  comme  les  Foulbés  ou  les  Maures,  ils  ont  des  mœurs 
sédentaires,  sont  agriculteurs,  et  peu  querelleurs,  mais  résolument 
attachés  au  sol  qu'ils  cultivent  avec  inlelligence  ;  ils  sont  loin  de 
manquer  de  courage  et  défendent  leurs  champs  et  leurs  cases  avec 
une  énergie  féroce. 

Les  uns  comme  les  autres  pratiquaient,  avant  l'arrivée  des  Musul- 
mans, le  culte  fétichiste  dont  nous  avons  dit  quelques  mots  précé- 
demment, ignoraient  et  ignorent  encore  Tesclavage,  et  vivent  sous 
le  régime  du  communisme  par  villages. 

Depuis  quelques  années,  les  Nalous  ont  adopté  les  mœurs  musul- 
manes bien  qu'ils  aient  conservé  leurs  sorciers,  et  lesTendas,  qui  ont 
eu  à  supporter  des  guerres  terribles,  sont  dispersés  dans  les  forets 
du  Compony  par  petits  groupes  qui  ont  principalement  la  chasse 
comme  moyen  d'existence;  mais  les  pays  Bagas  ayant  conservé 
leur  organisation  primitive  constituent  encore  un  curieux  sujet 
d'études  et  de  remarques  pour  ceux  que  passionne  la  doctrine  col- 
lectiviste. 

Les  trois  tribus  dont  nous  venons  de  parler  avaient  échappé  par 
la  fuite  en  pays  Foula  à  l'esclavage,  situation  extrêmement  pénible, 
et  redoutée  presque  autant  que  la  mort.  Les  chefs  Foulbés 
n'avaient  pas  perdu  tout  espoir  de  réduire  en  captivité  ces  fugitifs, 
qu'ils  ont  considérés  jusqu'à  l'installation  de  l'autorité  française 
comme  des  esclaves  leur  ayant  échappé,  et  de  fréquentes  expédi- 
tions furent  envoyées  contre  eux  par  les  almamys  de  Timbo.  Les 
marabouts,  d'autre  part,  encourageaient  vivement  les  chefs  poli- 
tiques à  lutter  contre  les  nouveaux  groupements  qui  avaient  énergi- 
quement  refusé  de  se  laisser  convertir.  Divisés  par  petits  groupes, 
souvent  par  familles,  dans  un  pays  neuf,  sans  chefs  communs,  ceux- 
ci  avaient  à  défendre  leur  vie  ou  au  moins  leur  liberté  et  celle  des 
leurs,  leurs  biens  et  leurs  traditions,  dans  des  conditions  d'autant 
plus  défavorables  qu'ils  avaient  affaire  à  des  États  indigènes  disposant 
d'une  organisation  rudimentaire  analogue  à  celle  de  la  France  sous 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  367 

le  régime  féodal  et  disposant  d'une  force  relativement  importante. 

Les  besoins  de  la  défense  commune  rendirent  les  Bagas  ingé- 
nieux par  instinct  de  conservation,  et  ainsi  fut  fondée  la  société 
secrète  des  Scymos. 

Ceux-ci  se  donnèrent  pour  but  de  défendre  le  sol  de  la  nouvelle 
patrie  des  tribus,  de  repousser  la  propagande  musulmane,  de 
maintenir  les  traditions  de  l'antique  religion  fétichiste,  enfin  de 
remplacer  l'organisation  sociale  de  l'État  à  laquelle  le  tempérament 
delà  population  répugnait,  par  une  autorité  puissante  et  indiscutée 
qui  put  donner  des  défenseurs  éprouvés  et  disciplinés  aux  villages 
qui  seraient  menacés. 

Ces  différents  buts  semblent  à  des  cerveaux  européens  tellement 
légitimes  et  d'un  intérêt  si  général  qu'on  ne  conçoit  pas  bien  la  né- 
cessité pour  les  poursuivre  de  créer  une  société  secrète.  Mais  nous 
avons  devant  nous  une  population  primitive,  presque  sauvage, 
parmi  laquelle  les  gens  intelligents  sont  fort  peu  nombreux.  La 
masse,  indisciplinée  et  d'humeur  inconstante,  ne  pouvait  être  menée 
que  par  la  crainte  de  choses  cachées  et  dépassant  sa  compréhension. 

Les  patriciens  romains  avaient  inventé  les  jours  fastes  et  néfas- 
tes avant  que  le  droit  ne  fût  codifié;  nos  Nègres  imaginèrent  des 
rites  bizarres  et  compliqués  pour  donner  la  crainte  du  surnaturel  à 
la  population  et  inspirer  le  respect  des  chefs.  11  imposèrent  aux 
adeptes  des  privations  et  un  entraînement  méthodique  à  la  lutte  et 
à  la  vie  de  brousse  pour  en  faire  éventuellement  des  guerriers 
redoutables .  11  ne  semble  pas  que  leur  raisonnement  ait  été  mauvais . 

Les  mœurs  que  nous  retrouvons  encore  aujourd'hui  dans 
quelques  villages  Bagas  et  dont  les  Scymos  entendaient  défendre 
l'existence  sont  absolument  différentes  de  celles  des  autres  Noirs 
voisins,  qui  sont  tous  convertis  à  un.  Islam  modéré,  du  moins 
superficiellement. 

Chez  les  Bagas  Foré  (Noirs),  qui  nous  donnent  le  type  de  l'organi- 
sation primitive,  chaque  village  constitue  une  unité  sociale,  dans 
laquelle  la  propriété  du  sol  et  des  récoltes  est  en  commun. 

11  existe  nominalement  un  chef  de  village,  mais  son  autorité 
est  absolument  nulle,  et  toutes  les  décisions  importantes  doivent 
êtres  prises  du  consentement  unanime  de  la  population  représentée 
par  l'assemblée  des  gens  mariés.  Les  discussions  sont  longues  et 
orageuses,  et  une  décision  ferme  n'est  prise  que  si  les  notables  affi- 
liés aux  Scymos,  et  que  l'on  considère  comme  un  peu  sorciers, 
n'ont  pas  déclaré  les  esprits  favorables  à  la  solution  proposée. 


*368  A.  CIIEVRIER. 

Lo  sol  occupe  par  ce  peuple  est  à  peine  de  quelques  mètres  plus 
élevé  que  le  niveau  de  la  mer,  et  il  existe  d'immenses  rizières  très 
habilement  établies,  défendues  par  des  digues  de  plusieurs  kilo- 
mètres contre  les  ras  de  marée,  digues  dont  l'exécution  ferait  hon- 
neur à  des  ouvriers  européens.  La  culture  du  riz  au  moyen  des 
simples  pîoches  indigènes  exige  un  travail  énorme,  car  la  planta- 
tion se  fait  d'abord  en  semis,  les  plants  étant  ensuite  repiqués  à  la 
main  ;  pas  une  mauvaise  herbe  ne  doit  rester  dans  le  champ,  et  les 
digues  doivent  être  pendant  cinq  mois  l'objet  d'une  surveillance 
continuelle  pour  que  la  hauteur  de  l'eau  soit  maintenue  au  niveau 
convenable  pour  l'état  de  croissance  de  la  plante. 

La  rizière  tout  entière  ainsi  que  les  palmeraies  d'Eléis  qui  se 
trouvent  dans  le  voisinage  sont  la  propriété  collective  des  habitants. 
La  culture  et  l'exploitation  ont  lieu  en  commun.  Dès  cinq  heures 
du  matin,  lorsque  l'époque  des  cultures  est  arrivée,  un  homme 
sonne  le  réveil  au  moyen  d'une  trompe  formée  d'une  longue  corne 
de  bœuf  ou  d'antilope.  Tous  les  hommes  et  les  femmes  valides, 
ainsi  que  les  enfants  à  partir  de  dix  ans,  se  rendent  ensemble  dans 
les  champs,  laissant  le  village  à  la  garde  des  vieillards  et  des  tout 
jeunes  enfants.  Le  travail  dure  jusque  vers  trois  heures  et  demie 
ou  quatre  heures  de  l'après-midi  sans  aucune  interruption  ;  une 
nouvelle  sonnerie  de  trompe  rappelle  les  ouvriers  qui  rentrent  au 
village  par  petits  groupes  et  s'occupent  alors,  les  hommes  de  leurs 
plaisirs,  les  femmes  des  soins  du  ménage  et  de  la  préparation  du 
repas  du  soir. 

Lorsque  le  riz  est  arrivé  à  maturité,  la  récolte  a  lieu  dans  les 
mêmes  conditions  ;  le  riz  en  paille  est  rassemblé  au  milieu  du  village 
et  partagé  entre  les  familles  au  prorata  du  nombre  de  membres  qui 
ont  participé  aux  cultures.  Parfois  le  village  vend  la  récolte  en 
totalité  et  partage  le  payement  entre  ses  membres. 

Les  palmiers  sont  également  possédés  en  commun  par  le  village, 
dont  tous  les  membres  peuvent  participer  à  la  récolte,  mais  les  pro- 
duits récoltés  par  chaque  famille  lui  restent  attribués  sans  partage. 
De  môme  les  petites  cultures  de  plantes  ménagères  qui  avoisinent 
les  cases  sont  propriété  privée. 

Les  cases  sont  propriété  privée,  mais  lorsque  le  besoin  de  les 
construire  ou  de  les  réparer  se  fait  sentir,  le  maître  de  la  case  fait 
appel  aux  autres  habitants  qui  doivent  l'assister  gratuitement  dans 
son  travail. 

Pour  les  palmiers  à  huile,  qui  sont  une  richesse  considérable  et 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  369 

une  ressource  alimentaire  indispensable  dans  un  pays  où  la  viande 
de  boucherie  fait  totalement  défaut,  des  mesures  spéciales  de  pré- 
servation ont  été  adoptées.  La  récolte  des  régimes  est  interdite  sous 
des  peines  fort  sévères  pendant  deux  périodes  de  plusieurs  mois 
pendant  lesquels  les  régimes  arrivent  à  maturité.  Lorsque  le  mo- 
ment d'autoriser  la  récolte  est  arrivé,  les  chefs  font  une  sorte  de 
proclamation  devant  la  case  des  fétiches,  y  sacrifient  quelques  ani- 
maux, puis  vont  processionnellement  visiter  les  palmeraies  suivis 
de  toute  la  population.  Le  soir,  une  fête  a  lieu  dans  le  village, 
égayée  par  les  danses  des  Scymos  en  costume  rituel^  et  surtout 
par  d'abondantes  libations  de  rhum  de  traite  et  de  vin  de  palme. 

Le  vin  de  palme  est  la  boisson  la  plus  employée,  et  les  Bagas  en 
consomment  des  quantités  invraisemblables.  Après  la  récolte  du  riz, 
du  lo  janvier  au  16  février  à  peu  près,  les  villages  sont  en  fête 
pendant  un  mois;  pendant  tout  ce  temps,  le  tamtam  dure  jour  et 
nuit,  et  il  est  à  peu  près  impossible  de  trouver  dans  tout  le  pays 
un  seul  homme  qui  soit  de  sang-froid. 

Le  seul  travail  auquel  on  se  livre  est  la  récolte  du  vin  de  palme 
que  les  jeunes  gens  rapportent  l'après-midi  dans  de  grandes  dames- 
jeannes  oii  l'on  a  fait  couler  la  sève  des  palmiers  au  moyen  d'inci- 
sions pratiquées  la  veille  sur  des  pédoncules  de  régimes.  Les  indi- 
gènes sont  assez  habiles  pour  pratiquer  ces  incisions  en  fatiguant 
la  plante  sans  la  tuer. 

L'habitation  des  Bagas  ne  présente  aucune  différence  avec  celle 
des  autres  Noirs  voisins,  si  ce  n'est  que  les  murs  sont  construits  au 
moyen  de  sortes  de  briques  en  vase  séchée.  En  revanche,  le  cos- 
tume est  presque  inexistant.  Les  hommes  portent  un  vêtement  de 
dessus  composé  d'une  pièce  de  tissu  de  coton  pliée  en  deux  et  per- 
cée au  milieu  d'un  trou  par  où  passe  la  tête,  et  un  pantalon  très 
court  atteignant  à  peine  le  genou,  ou  plus  simplement  un  simple 
mouchoir  faisant  le  tour  des  reins  et  dont  la  partie  inférieure  re- 
pliée passe  entre  les  jambes.  Quant  aux  femmes,  leur  costume  se 
compose  de  quelques  perles  rouges  autour  du  cou,  et  de  quelques 
petits  morceaux  de  bois  passés  dans  le  nez  ou  les  oreilles  ;  le  corps 
est  entièrement  nu,  mais  je  dois  ajouter  que  ces  femmes  sont  si 
laides  que  l'idée  ne  vient  pas  de  trouver  impudique  cette  complète 
nudité. 

D'ailleurs  la  pudeur  telle  que  nous  la  concevons  est  une  chose 
absolument  incompréhensible  pour  les  primitifs.  Chez  les  Bagas, 
une  fille  n'est  autorisée  à  se  marier  que  si  elle  a  donné  au  préalable 

l'anthropologie.  —  T.  xvn.  —  1906.  24 


370  A.  CIIEVRIËR. 

à  sa  faniillcdes  enfants  (jui  la  remplaceront  chez  ses  parents  lors- 
qu'elle aura  suivi  son  époux.  Celui-ci,  de  son  côté,  ne  tient  pas  à 
embarrasser  sa  maison  d'une  femme  qui  peut  être  stérile  et  ne 
lui  donnerait  pas  de  descendance.  11  en  résulte  que  l'usage  s'est 
établi  de  ne  permettre  aux  (illes  de  se  marier  que  lorsqu'elles  ont 
eu  deux  enfants.  Or,  comme  la  femme  noire  allaite  ses  enfants  pen- 
drnt  plus  de  deux  ans,  et  que  pendant  tout  ce  temps  elle  vit  dans 
un  isolement  complet,  les  épousées,  en  pays  Bagas,  sont  un  peu  des 
matrones  lorsqu'elles  unissent  leur  sort  à  celui  de  leur  époux. 

Les  Bag-as  sont  polygames  à  la  façon  des  Chinois  ;  c'est-à-dire 
qu'ils  épousent  plusieurs  iemmes  lorsque  leurs  moyens  le  leur 
permettent,  et  que,  dans  les  autres,  cas  ils  se  bornent  à  avoir  une 
seule  épouse. 

Les  Noirs  de  ces  tribus  n'admettent  pas  l'esclavage  et  préfèrent 
la  mort  à  la  perte  de  la  liberté.  Ils  prétendent  d'ailleurs  qu'ils  ne 
peuvent  vivre  en  captivité  et  que  ceux  d'entre  eux  qui  ont  été  en- 
levés comme  prisonniers  de  guerre  et  n'ont  pu  être  rachetés  par 
leurs  familles  n'ont  pas  tardé  à  succomber.  Les  esclaves  échappés 
des  pays  voisins  qui  sont  venus  leur  demander  asile,  ou  ceux  qu'eux- 
mêmes  ont  achetés,  sont  admis  dans  la  communauté  comme  les 
hommes  libres  du  pays. 

Les  trois  circonstances  de  la  vie  indigène  où  se  manifeste  une 
idée  religieuse  sont  la  naissance,  la  circoncision  et  la  mort  ;  le 
mariage  n'a  aucune  importance. 

D'après  la  vieille  croyance  dont  les  Scymos  gardent  le  secret, 
l'âme  humaine  est  immortelle  et  transmigre,  mais  reste  volontiers 
dans  la  même  famille.  Chaque  fois  qu'un  enfant  naît,  on  s'enquiert 
donc  de  l'origine  de  l'âme  qui  est  en  lui.  Une  matrone  affiliée  aux 
Scymos  prend  l'enfant  sur  ses  genoux,  place  sur  le  bord  d'une  table 
et  en  porte- à-faux  une  pièce  d'argent,  puis  interroge  les  "esprits 
auxquels  elle  cite  successivement  les  différents  parents  défunts  en 
leur  demandant  d'indiquer  celui  dont  Tàme  habite  maintenant  le 
corps  du  nouveau-né.  Lorsqu'elle  a  prononcé  le  nom  qui  convient, 
la  pièce  tombe  d'elle-même  à  terre. 

Une  cérémonie  très  compliquée  a  lieu  huit  jours  après  la  nais* 
sance  ;  c'est  en  même  temps  la  fête  des  relevailles  de  la  mère  et  le 
baptême  de  l'enfant  auquel  on  donne  le  nom  d'un  parent,  si  possible 
de  celui  qui  lui  a  lègue  son  âme.  Toute  la  journée,  les  matrones  chan- 
tent des  complaintes  composées  de  litanies  d'injures  contre  les 
hommes  qui  imposent  aux  femmes  les  fatigues  de  l'enfantement. 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  371 

La  circoncision  des  hommes  et  l'excision  des  femmes  se  prati- 
quent une  fois  par  an,  au  printemps,  lorsque  les  enfants  ont  environ 
10  ou  12  ans.  Elle  est  opérée  en  dehors  des  villages  par  des  vieil- 
lards affilies  aux  Scymos,  hommes  ou  femmes  suivant  le  cas,  et  les 
enfants  qui  ont  subi  cette  opération  se  livrent  pendant  toute  la 
saison  suivante  exclusivement  à  la  danse  et  au  plaisir. 

Les  garçons  sont  revêtus  d'une  sorte  de  robe  de  bure  couleur 
ocre,  avec  un  capuchon  leur  couvrant  la  tète.  Les  fillettes  portent 
leurs  plus  beaux  vêtements,  et  les  parentes  ou  amies  leur  prêtent 
leurs  bijoux  ;  en  plus,  elles  s'ornent  d'une  sorte  de  petit  tablier 
formé  de  fds  entrecroisés  chargés  de  perles  de  verre  de  couleurs 
diverses  dont  les  dessins  réguliers  sont  souvent  fort  ingénieux. 
L'initiation  au  rite  scymo  commence  un  peu  après  la  circonci- 
sion, ainsi  que  nous  l'expliquerons  plus  loin. 

La  mort  d'un  fétichiste  est  considérée  comme  un  fait  anormal  et  la 
conséquence  des  maléfices  soit  des  esprits,  soit  d'un  ennemi,  toutes 
les  fois  que  la  maladie  ou  la  vieillesse  en  sont  le  motif. 

C'est  là  un  trait  commun  aux  mœurs  de  toutes  les  tribus  non 
musulmanes  d'Afrique.  Chez  celles  qui  sont  encore  fort  sauvages, 
telles  que  les  Kissiens,  il  arrive  que  le  sort  désignant  un  habitant 
du  village  comme  coupable  delà  mort  d'un  de  ses  concitoyens,  le 
malheureux  soit  réduit  en  esclavage  ainsi  que  ses  proches,  ou  con- 
damné à  une  amende  formidable. 

Chez  les  Bagas,  les  mœurs  sont  plus  douces,  mais  celui  ou  celle 
que  le  sort  désignerait  à  la  vindicte  du  village  se  verrait  en  but 
aux  pires  avanies  et  obligé  de  quiter  le  pays. 

Chez  les  Bagas  seulement,  la  famille  cherche  querelle  au  défunt 
qui  a  commis  la  faute  de  se  laisser  mourir,  et  il  se  passe  après 
la  mort  d'un  chef  de  famille  une  scène  qui  nous  semble  folle, 
que  le  lecteur  prendra  sans  doute  pour  une  plaisanterie  et  qui  est 
cependant  parfailement  authentique.  Dès  qu'un  chef  de  famille  a 
rendu  l'âme,  on  fait  une  toilette  sommaire  du  corps,  et  on  l'asseoit 
revêtu  de  ses  plus  beaux  habits  sur  un  escabeau,  [)uis  sa  femme 
s'approche  de  lui  l'interpellant  :  «  Dis-moi,  mon  mari,  depuis  que 
nous  sommes  mariés  as-tu  eu  quelque  reproche  à  me  faire?  N'ai-je 
pas  été  pour  toi  une  bonne  épouse,  soigneuse,  loyale  et  dévouée  ? 
Ne  t'ai-je  pas  donné  des  enfants  que  j'ai  élevés?  N'as-tu  pas  cha- 
que jour  trouvé  ton  riz  cuit  à  point  et  convenablement  assai- 
sonné? 

«  Alors^  si  tu  n'as  pas    de  reproches   à  me  faire,  pourquoi  me 


372  A.  CIIEVRIEU. 

quitlcs-lu?  Tu  n'es  qu'un  làclic  et  un  sans  cœur  de  nie  laisser  seule 
dans  la  vie.  Voici  ta  punition  ». 

Et  une  gifle  sonore  s'abat  sur  la  joue  du  pauvre  mort  qui  n'en 
peut  mais. 

Après  la  femme,  les  concubines,  le  père,  la  mère,  les  enfants,  tous 
viennent  faire  une  scène  analogue  au  défunt. 

On  songe  ensuite  à  l'enterrer  décemment.  On  lui  fait  une  toilette 
soignée,  on  l'enveloppe  dans  un  drap  blanc,  puis  dans  des  pièces 
d'étoiïe  d'autant  plus  nombreuses  que  le  mort  était  plus  riche,  on 
creuse  un  trou  assez  profond  au  milieu  de  sa  case,  et,  après  l'avoir 
encore  envelopé  de  nattes^  on  l'enterre,  en  laissant  attachée  à  son 
poignet  droit  une  bande  d'étoffe  blanche  dont  l'extrémité  supérieure 
est  fixée  au  toit  de  la  case. 

La  case  est  ensuite  évacuée  et  on  la  laisse  tomber  en  ruines.  Un 
mois  après  la  mort,  une  cérémonie  funèbre  réunit  la  famille  et  les 
proches.  On  immole  pour  le  repos  des  mânes  du  défunt  des  ani- 
maux dont  on  fait  offrande  aux  esprits,  on  chante  l'éloge  du  mort,  et 
on  fait  en  son  honneur  un  bon  repas  aussi  copieusement  arrosé  que 
possible. 

Comme  on  peut  le  voir^  le  rite  scymo  n'intervient  pas  dans  la  vie 
ordinaire^  et  les  adeptes  n'apparaissent  que  lorsque  Tordre  est 
troublé,  s'il  convient  de  punir  un  coupable  contre  lequel  les  chefs 
ne  peuvent  agir,  ou  pour  imposer  par  la  terreur  le  respect  des 
croyances  et  l'autorité  des  fétiches. 

La  plupart  des  Bagas,  Nalous  et  Vieux  Soussous  sont  affiliés  à 
la  société,  mais  cependant  on  n'initie  pas  les  enfants  des  étrangers 
nouvellement  arrivés  dans  le  pays,  ni  les  jeunes  esclaves,  bien 
qu'ils  ne  soient  marqués  d'aucun  signe  de  servitude. 

Les  hommes  comme  les  femmes  sont  initiés,  mais  suivant  des 
formules  spéciales,  dans  des  lieux  absolument  séparés. 

Pour  tous,  la  première  prescription  est  de  garder  un  silence  absolu 
sur  l'initiation,  les  formules  liturgiques,  le  but  delà  société  et  ses 
moyens  d'action.  11  n'y  a  pas  d'exemple  que  ce  serment  ait  été  trahi 
par  aucun  adepte;  d'ailleurs  toute  indiscrétion  est  rigoureusement 
punie  de  mort.  Ce  que  nous  avons  pu  apprendre  résulte  d'indiscré- 
tions involontaires,  de  conversations  entre  indigènes  surprises  alors 
qu'ils  croyaient  pouvoir  parler  librement  sans  être  compris. 

La  société  se  recrute  parmi  les  jeunes  gens  d'une  quinzaine 
d'années,  et  leur  temps  d'initiation  dure  trois  ans.  Pendant  ces  trois 
années,  les  néophytes  doivent  vivre  dans  la  forêt  sacrée  dont  ils  ne 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  373 

peuvent  sortir  que  la  nuit  et  masqués.  Il  sont  soumis  à  une  disci- 
pline très  dure  et  on  les  entraîne  à  supporter  sans  faiblir  les  priva- 
tions et  la  douleur  physique.  Ils  ne  doivent  pas  voir  leurs  parents^ 
et  sont  astreints  à  une  chasteté  absolue-  Leur  famille  apporte  à  la 
lisière  du  bois  les  provisions  qu'on  leur  destine,  et  ignore  même 
s'ils  vivent  encore. 

Les  exercices  d'initiation  sont  prescrits  et  surveillés  par  de  vieux 
initiés  qui  ne  sortent  presque  jamais  de  la  forêt  et  ne  vivent  pas  de 
la  vie  du  village.  Néanmoins,  ils  ont  une  grande  influence  et  sont  les 
vrais  chefs  du  pays,  car  on  les  consulte  toujours  dans  les  cas  graves. 
On  leur  attribue  un  pouvoir  surnaturel,  mais  cependant  pas  funeste 
comme  celui  des  sorciers.  Ils  transmettent  aux  jeunes  gens  leurs 
traditions  et  leur  enseignent  une  langue  spéciale  comprise  des 
seuls  initiés  dont  il  ne  nous  a  jamais  été  possible  de  nous  procurer 
un  vocabulaire.  Les  consonances  en  sont  rudes  comme  celles  du 
Kissien,  sans  l'aspiration  du  rhain  arabe  qui  est  si  fréquente  dans 
le  Ouololf  et  les  idiomes  Nigériens,  et  ne  présente  d'analogie  avec 
aucune  des  langues  parlées  actuellement  dans  les  pays  voisins. 

Lorsque  les  trois  années  d'initiation  des  jeunes  gens  sont  terminées, 
leur  retour  au  village  donne  lieu  à  une  grande  fcte  dont  la  partie  la 
plus  curieuse  est  la  réception  des  nouveaux  affiliés  par  les  anciens. 
Ces  derniers  sont  placés  sur  deux  rangs  au  milieu  du  village  et 
armés  chacun  d'une  solide  matraque.  Les  jeunes  gens  entièrement 
nus,  doivent  passer  entre  les  deux  rangs  de  leurs  anciens,  en 
marchant  à  quatre  pattes  et  aussi  vite  que  le  permet  ce  mode  de 
marche,  et  chaque  fois  qu'ils  passent  devant  un  ancien,  celui  ci 
leur  assène  un  grand  coup  de  trique.  C'est  une  façon  de  baiser  donné 
au  nouveau  chevalier  qui  a  mérité  ses  éperons  qui  conviendrait 
assez  peu  à  des  Européens. 

Le  nouveau  Scymo  rentre  dans  la  vie  ordinaire  et  ne  se  recon- 
naît plus  des  autres  hommes  que  grâce  à  de  petits  tatouages  sur  la 
figure,  le  dos  et  la  poitrine. 

Les  femmes  sont  également  initiées  au  rite  scymo,  mais  d'une 
façon  bien  plus  sommaire,  et  seulement  pendant  un  an.  On  ne  leur 
enseigne  pas  la  langue  secrète,  mais  seulement  quelques  chants, 
la  manière  de  pratiquer  l'excision,  des  danses  rituelles,  et  leur  initia- 
tion par  les  matrones  semble  plutôt  une  parodie  de  celle  des  hommes, 
un  simple  simulacre  destiné  à  satisfaire  le  besoin  d'imitation  qui 
existe  en  elles. 

Les  Européens,  de  même  que  les  Noirs  étrangers  au  pays,  ne 


374  A.  CIIEVRIER. 

voient  des  Scymos  que  les  manifestations  extérieures  des  jours  de 
fête.  Des  jeunes  gens  revêtent  alors  le  costume  sacré  qui  se  com- 
pose d'un  jupon  court  en  paille  rappelant  celui  de  nos  danseuses  de 
ballets,  d'un  justaucorps  ég-alement  en  paille  fine  cousue  et  d'une 
coilTure  qui  varie  suivant  le  type  représenté  mais  qui  simule  géné- 
ralement une  figure  humaine  en  bois  noirci,  au  revers  de  laquelle 
est  cloué  un  voile  rouge  qui  cache  le  derrière  de  la  tête.  Certains 
masques  ont  des  cornes,  d'autres  de  la  barbe,  d'autres  simulent  la 
coiffure  d'une  femme,  mais  les  types  sont  peu  nombreux,  cinq  ou 
six  seulement,  toujours  pareils,  et  cela  semble  établir  que  l'on  se 
trouve  en  présence  de  la  représentation  d'anciennes  divinités  d'un 
culte  oublié  en  partie,  dont  la  forme  des  divinités  conservée  par  la 
sculpture  a  été  reproduite  d'âge  en  âge. 

Ces  mascarades  n'ont  pas  plus  d'importance  pour  les  Noirs  que 
celles  du  carnaval  chez  nous.  Les  Scymos  dansent  suivant  les 
rythmes  qu'on  leur  enseigne  dans  la  forêt,  soufflent  dans  leurs 
trompes  et  amusent  la  foule,  mais  ce  n'est  là  qu'un  jeu. 

Dans  les  pays  oii  ils  ont,  au  contraire,  conservé  leur  autorité, 
lorsqu'un  événement  grave  nécessite  leur  intervention,  ils  sonnent 
de  la  trompe  dès  la  nuit  tombée,  et  à  ce  signal  toute  personne  non 
initiée  doit  rentrer  chez  elle  et  fermer  ses  portes,  éteindre  toute 
lumière  et  ne  sortir  sous  aucun  prétexte.  Toute  personne  trouvée 
dans  les  rues  après  le  deuxième  coup  de  trompe  serait  impitoyable- 
ment assommée,  et  tuée  si  elle  a  cherché  à  reconnaître  l'individu 
qui  se  cache  sous  le  masque  scymo.  Toute  la  nuit,  la  population 
est  terrorisée  par  des  bruits  infernaux  que  les  adeptes  produisent 
en  souftlant  dans  des  trompes  et  en  frappant  des  tambours  bizarres. 
Puis  on  bat  le  tambour  de  rassemblement,  le  taboulé  des  Scymos 
qui  se  trouve  dans  la  case  du  chef,  et  celui-ci  reçoit  les  instructions 
de  la  société.  Au  jour,  il  ne  reste  trace  de  rien  dans  le  village  si  ce 
n'est  quelque  imprudent  ademi-assommé,  et  l'on  exécute  les  volon- 
tés qui  ont  été  notifiées  au  chef. 

Depuis  que  la  France  occupe  la  Guinée,  les  Scymos  ne  se  per- 
mettent plus  les  manifestations  nocturnes  telles  que  celles  que 
nous  venons  de  décrire,  leur  franc-maçonnerie  est  devenue  une 
société  d'assistance  mutuelle  et  de  résistance  morale  à  la  pénétra- 
tion islamique  que  notre  action  favorise. 

Certes,  de  jour  en  jour,  la  crainte  inspirée  par  cette  société  à  la 
foule  des  Noirs  va  en  diminuant^  mais  il  lui  reste  encore  un  certain 
prestige. 


SOCIÉTÉ  SECRÈTE  DES  SCYMOS.  375 

Tous  les  neuf  ans,  les  divers  groupes  scymos  de  la  Guinée 
envoient  leurs  représentants  à  une  sorte  de  concile  qui  se  tient 
chaque  fois  en  un  lieu  différent.  Le  dernier  a  eu  lieu  à  Couffin  en 
1904..  Tous  les  villages  de  Conakry  à  la  Guinée  portugaise  étaient 
représentés,  et  de  grandes  fêtes  ont  eu  lieu  comme  d'ordinaire, 
mais  sans  le  moindre  désordre^  et  sans  que  l'administration  ait  eu 
à  intervenir. 

Cette  note,  bien  que  déjà  assez  longue  est  fort  incomplète  et  n'a 
nullement  la  prétention  d'avoir  dit  tout  ce  que  l'on  pourrait  expo- 
ser de  réellement  curieux  sur  ce  sujet. 

Une  question  cependant  vient  tout  naturellement  à  Tesprit  : 
Quelle  est  l'origine  des  rites  de  cette  société  secrète  dont  l'organi- 
sation témoigne  d'une  mentalité  supérieure  à  celle  que  nous  prê- 
tons volontiers  aux  Nègres? 

Que  l'on  veuille  bien  considérer  que  la  conception  philosophique 
que  se  font  nos  fétichistes  de  la  divinité,  de  la  mort,  de  la  trans- 
migration des  âmes,  n'est  pas  inférieure  à  celle  du  monde  antique 
grec  ou  romain  ; 

Que  les  usages  des  Scymos,  pour  ce  que  nous  en  connaissons, 
sont  absolument  semblables  à  ceux  des  peuples  Noirs  ayant  une 
organisation  sociale  fort  ancienne  et  compliquée,  comme  les  Okous 
et  les  Yorouba  de  la  Gold  Coast; 

Que  Ton  retrouve  des  usages  semblables  dans  toute  l'Afrique  du 
Nord  et  du  Centre  ; 

On  ne  trouvera  peut  être  pas  étrange  que  nous  croyions  qu'il  a 
pu  exister  autrefois  en  Afrique  un  état  social  et  intellectuel  bien 
plus  avancé  que  celui  que  nous  y  rencontrons  aujourd'hui.  Nous 
croyons  que  l'Afrique  est  un  monde  jeune  parce  que  nous  ne  le 
connaissons  pas  depuis  longtemps,  et  que  la  science  géographique 
et  ethnographique  de  nos  ancêtres  ne  sortait  guère  du  bassin  de  la 
Méditerranée.  Plus  tard  nos  missionnaires  et  nos  voyageurs  ont, 
partout  où  ils  ont  passée  traité  de  sauvages  les  gens  dont  ils  n'ont 
pas  compris  la  langue  ou  les  usages  diflérents  des  nôtres. 

La  sauvagerie  des  Blancs  chasseurs  d'esclaves  à  l'ouest,  l'action 
fanatique  des  musulmans  à  l'est,  désorganisa  les  Etats  qui  compo- 
saient le  monde  noir,  et  provoqua  une  tourmente  épouvantable 
dans  tout  le  continent  africain.  D'une  demi -civilisation,  on  revint  à 
la  barbarie  complète. 

De  l'ancienne  religion,  des  traditions  du  peuple,  il  ne  resta  que 
des  fragments  conservés  tant  bien  que  mal  par  des  vieillards  qui 


376  A.  CHEVRIER. 

s'efforcèrent  de  faire  revivre  un  peu  d'eux-mêmes  chez  leurs  des- 
cendants en  leur  transmettant  leurs  idées. 

11  est  probable  que  les  Scymos  n'ont  pas  d'autre  origine. 

Mais  hélas,  chez  des  gens  auxquels  l'écriture  faisait  défaut,  et 
qui  lurent  obligés  de  recourir  à  l'exil  pour  éviter  l'esclavage,  qui 
pendant  des  siècles  durent  lutter  pour  sauver  leur  existence  maté- 
rielle, bien  peu  de  ce  que  savaient  leurs  ancêtres  a  pu  se  conserver, 
et  il  est  probable  que  môme  les  plus  savants  d'entre  eux  ignorent 
le  sens  philosophique  qu'avaient  leurs  rites  d'autrefois,  et  que 
seules  les  manifestations  extérieures  et  les  pratiques  bizarres  de 
Tancien  culte  se  sont  conservés  grâce  à  la  société  secrète  des  Scy- 
mos. 


DIVISIONS  DES  SOMÂLIS  ISSAS 


PAR 


Pierre  CARETTE-BOUVET 


Les  Issas  constituent  une  fraction  importante  de  la  race  Somali. 
Leurs  divisions  et  subdivisions  sont  importantes  à  connaître  et 
l'histoire  des  principaux  faits  sur  lesquels  elles  sont  basées  est  loin 
d'être  dépourvue  d'intérêt.  Divers  auteurs  l'ont  déjà  abordée.  Nous 
nous  proposons  ici,  sans  entrer  dans  aucun  détail  bibliographique, 
de  retracer  l'origine  des  tribus  Issas,  telle  qu'elle  peut  être  établie 
d'après  les  traditions  indigènes. 

Les  Issas  peuvent  être  classés  en  : 

1*^  «  Ad  »,  blancs;  ce  sont  les  habitants  des  régions  Est,  tribus 
anglaises  de  l'Orrolidjog; 

2*^  «  Assadjog  »,  rouges;  vers  le  centre; 

3°  «  Madobas  »,  noirs;  des  régions  Ouest  de  Guebet  et  El  Kass, 
au  Nord,  vers  la  mer. 

Les  mœurs,  le  caractère,  le  type  même  de  ces  gens  sont  modifiés 
par  le  climat  des  diverses  régions. 

Ces  catégories,  différentes,  évoluent  sur  trois  bandes  de  80  ou 
100  kilomètres  environ  chacune;  elles  n'en  sortent  guère. 

Les  plus  forts,  les  plus  nombreux,  les  plus  riches  des  Issas  sont 
ceux  des  hauts  plateaux,  vers  les  altitudes  de  800  mètres. 

Les  plus  sauvages  sont  ceux  de  Guelbet. 

Leurs  migrations  sont  déterminées  par  les  guerres  ou  les  exi- 
gences de  leurs  troupeaux. 

L'Issa  suit  les  pluies,  il  marche  derrière  la  poussée  des  jeunes 
herbes,  parcourant  ainsi  de  vastes  espaces. 

Les  animaux  des  plaines  basses^  cependant,  dépérissent,  dispa- 
raissent, sous  le  climat  des  régions  plus  hautes  et  réciproquement. 

Loin  des  régions  familières  l'inquiétude  se  met  dans  les  troupeaux  ; 
les  senliers,  les  plantes,  la  température  ne  leur  sont  plus  favo- 
rables; ils  se  nourrissent  mal.  L'Issa  ne  peut  séjourner  là  oh  ses 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906. 


378  PiuRRE  CARETTE-BOUVET. 

troupeaux  souiïrenL;  c'esl  un  pasteur,  il  ne  vit  que  de  laitage,  d'un 
peu  de  viande  et,  depuis  peu,  de  quelques  grains  achetés  à  la  ville. 

Certaines  tribus  ne  quittent  point  les  zones  qui  leur  sont  propres. 
D'autres,  au  contraire,  ont  des  habitants  épars  sur  le  territoire 
entier  aux  diverses  altitudes.  Ces  derniers  évoluent  dans  le  cercle 
respectif  qui  convient  à  leurs  besoins,  à  leurs  goûts,  aux  exigences 
de  leurs  animaux. 

La  société  des  Issas  présente,  au  premier  aspect,  l'apparence 
d'une  masse  compacte,  d'un  corps  unique  plein  de  cohésion. 

Ce  corps  a  cependant  ses  nervures;  cette  masse,  lorsqu'elle  est 
unie  par  les  mômes  passions,  a  ses  rouages  qui  la  poussent,  la  font 
mouvoir,  et,  pour  la  diriger,  le  respect  profond  des  usages  qu'à 
travers  les  siècles  lui  ont  légués  ses  pères. 

Chez  les  Issas,  le  communisme  a  été  la  base  première  de  toute 
organisation  sociale;  ce  communisme  absolu  du  début  s'est  mo- 
difié, transformé,  par  la  suite;  des  fissures  se  sont  créées  dans  ce 
système  ;  des  diversités  d'intérêt  ont  entamé  son  unité,  fraction- 
nant cette  masse,  créant  une  société  nouvelle  dirigée  par  d'autres 
besoins  et  régie  par  d'autres  lois. 

Ces  fractions  ont  cependant  gardé  de  leurs  premiers  âges  une 
empreinte  profonde;  elles  sont  faites  à  l'image  du  corps  dont  elles 
se  sont  détachées. 

Pour  l'observateur,  un  indice  précieux  dirige  les  recherches;  il 
constate  la  délimitation  des  lieux,  la  diversité  des  intérêts,  la  divi- 
sion des  Issas  :  il  s'agit  des  marques  qu'au  fer  rouge  ils  font  à  leurs 
animaux  ;  ces  signes  déterminent  la  nationalité  de  leur  propriétaire, 
mais  non  celui-ci. 

Tout  animal  porte  la  marque  de  sa  tribu  et  non  celle  de  son 
maître. 

Cependant,  si  pour  leurs  biens,  leurs  intérêts  divers,  les  Issas 
sont  fréquemment  portés  à  se  diviser,  même  à  s'entretuer,  il  est  un 
terrain  sur  lequel  ils  s'entendent  sans  division;  il  s'agit  du  respect, 
de  l'honneur,  dont  ils  entourent  la  pureté  de  leur  sang  et  de  leur 
dédain  pour  l'étranger: 

Depuis  les  premiers  ans  de  leur  âge,  ils  établissent  la  lignée  de 
leur  famille  par  les  mâles. 

Les  préceptes  moraux  qui  régissent  leurs  unions  leur  ont  fait 
conserver,  de  nos  jours  encore,  une  coutume  sur  laquelle  est  écha- 
faudé  tout  leur  système  social  :  c'est  Tobligation  de  rechercher  une 
femme  dans  un  groupe  de  tribu  étranger  au  leur. 


DIVISIONS  DES  SOMALIS  ISSAS.  379 


Les  Issas  se  divisent  en  trois  branches  généalogiques  bien  dis- 
tinctes :  Aboals,  Dalols,  Wordiks. 

Les  Abg-als  comptent  plus  de  la  moitié  des  Issas;  ils  ne  peuvent 
s'unir  qu'à  des  Dalols  ou  à  des  Wordicks;  réciproquement,  ceux-ci 
ne  peuvent  contracter  mariage  chez  eux-mêmes. 

Cette  grande  loi  qui  réprouve  comme  immoral,  impur,  tout  mariage 
pouvant  unir  un  même  sang,  montre  combien  est  vivace,  chez  eux, 
le  lien  de  la  famille. 

Une  série  de  légendes  qu'ils  ont  conservées,  adoucies,  atténuées, 
par  le  voile  du  passé,  permet  de  reconstituer  leurs  épreuves,  leurs 
triomphes^  de  découvrir  les  passions  qui  les  animent  encore. 

De  larges  cicatrices,  à  peine  fermées,  montrent,  au  flanc  de  cette 
race,  toutes  les  haines  dont  elle  hérita  de  ses  aïeux. 

Il  convient  de  remonter  jusqu'à  Ahmed  leur  père  (1).  Toutes  les 
légendes  s'accordent  sur  les  régions  qui  virent  les  premiers  drames  : 
ce  furent  flaiss  et  Mai,  vers  le  cap  Gardafui. 

Ahmed  eut  deux  fils  :  Issa,  père  des  Issas^  et  Esshac  dont  les  des- 
cendants furent  les  Eabéraouah. 

Les  querelles  des  deux  fils  d'AnMED  étaient  incessantes  ;  aux  pâtu- 
rages, où  ils  gardaient  les  troupeaux  de  leur  père,  les  prairies  plus 
herbeuses  étaient  déjà  disputées.  Bien  souvent  ils  songèrent  à  s^en- 
Iretuer,  mais  ils  étaient  frères  et  le  lien  du  sang  était  là. 

Devenus  grands,  les  enfants  prirent  parti  pour  leurs  pères:  ils 
en  vinrent  aux  mains.  Esshac  donna  raison  aux  siens;  Issa  soutint 
ses  fils  :  Eleyé,  Ali  Haoullacate,  Hollé.  Hagullacate,  un  jour, 
frappa  un  de  ses  cousins  et  le  tua. 

C'est  là  le  premier  drame  dont  ils  aient  gardé  le  souvenir.  Depuis 
lors,  et  de  nos  jours  encore,  un  llabéraoual  ne  peut  se  risquer  seul 
sur  la  terre  des  Issas  sans  s'exposer  à  être  massacré. 

Après  ce  meurtre,  trace  effacée  du  long  choc  de  deux  races,  choc 
assez  puissant  pour  que  l'efiroi  en  subsiste  encore,  les  Issas  fuyant 
le  sang  répandu  gagnèrent  l'Ouest;  les  Habéraouals  se  retirèrent 
vers  l'Est.  Les  pâturages  abandonnés  entre  eux  furent  pris  par  les 
Gadahoursis\  ces  gens  aux  origines  mal  définies  étaient  venus  des 
hauteurs  du  Sud. 
Les  Issas,  dans  leur  exode,  eurent  bientôt  à  lutter  contre  des 

(1)  Voir  p.  391  le  tableau  des  divisions  principales  des  Somalis  Issas. 


380  Pierre  CARETTE-BOUVET. 

peuples  étrangers  et  les  trois  frères  unis  au  début  se  séparèrent;  ils 
en  vinrent  à  se  quereller.  C'est  alors  qu'ils  firent  la  rencontre  d'un 
enfant  chétif,  courbé  par  l'étude  :  Wokdik;  c'était  le  fils  de  lettrés 
habitant  fort  loin,  il  avait  fui  ses  parents  ne  voulant  pas  de  leur 
science. 

Les  fils  d'IssA  le  prirent  comme  arbitre  de  leurs  différends.  Il  y 
était  étranger.  Woudik  les  calma,  les  apaisa,  leur  montrant  le  dan- 
ger de  se  désunir  en  face  des  étrangers. 

Depuis  ce  temps,  VOgaz,  arbitre  des  anciens  de  toutes  les  tribus, 
est  pris  dans  la  famille  des  Wordiks;  il  est  encore  de  nos  jours  le 
lien  qui  unit  les  chefs  des  groupes  divers. 

IIoLLÉ,  cependant,  vint  à  être  lue  par  des  Gallas.  Sa  femme  était 
en  couches;  elle  mit  au  monde  Fourlaba  qui,  tout  enfant,  fut  pris 
en  protection  par  Olaldonn,  son  cousin,  fils  d'HAouLLACATE.  Ils  for- 
mèrent Tassocialion  des  Dalols. 

Eleyé  qui  avait  pris  une  épouse  Galla  en  eut  des  fils  :  les  Ab- 
gals. 

Avant  de  mourir,  Eleyé  recommanda  aux  siens  de  ne  pas  se  marier 
entre  eux.  C'est  depuis  lors  que  datent  les  lois  du  mariage. 

Des  fils  des  Abgals,  deux,  seuls,  ont  légué  leur  nom  aux  Issas 
de  nos  jours  :  Moussa,  le  plus  fort,  et  son  frère.  Ce  dernier,  jaloux 
de  Moussa,  avait  gardé  au  cœur  le  désir  de  s'unir  aux  Ilabéraouals  ; 
il  reçut  le  nom  de  Moumassen  (en  Issa  le  serpent  caché). 

MouMAssEN  et  Moussa  ne  purent  jamais  s'entendre;  leurs  que- 
relles sont  encore  bien  vivantes.  Moussa  chassa  loin  de  lui  son 
frère  turbulent;  ce  dernier  tâcha  de  rejoindre  les  Habéraouals,  il 
partit  à  l'Est  et  se  mit  à  vivre  avec  certains  d'entre  eux.  Le  puissant 
Moussa  eut  plusieurs  fils  :  Jones,  Saad,  Arti,  Mhoura,  Bidda,  cer- 
tains font  de  celui-ci  un  esclave  avec  Ourouéné;  pour  ce  dernier, 
originaire  sans  doute  de  Guerri  vers  le  Sud,  nul  n'hésite,  il  n'est 
pas  descendant  des  fils  d'Issa,  aussi  ses  fils  jouissent-ils  du  privilège 
d'épouser  indistinctement  les  filles  de  toutes  les  tribus,  sauf  celles 
des  Orronés,  étrangers  comme  eux. 

Après  la  mort  de  Moussa,  au  partage  de  ses  biens,  Bidda  assas- 
sine Jones  ;  la  femme  de  celui-ci,  épouvantée,  s'enfuit;  elle  est  près 
de  mettre  au  monde  un  fils  que  son  père  ne  pourra  défendre,  et 
la  haine  de  Bidda  pourrait  l'atteindre. 

Les  frères  de  Jones  songent  à  punir  le  meurtrier,  mais  ils  ne  le 
peuvent  sans  être  fratricides  eux-mêmes. 

D'autres  disent  qu'ils  ne  sauraient  immoler  un  esclave  (v.  ci- 


DIVISIONS  DES  SOMALIS  ISSAS.  381 

dessus)  pour  venger  leur  frère.  Aussi  se  bornent-ils  à  s'en  par- 
lag"er  les  troupeaux. 

Au  loin,  cependant,  le  fils  de  Jones  grandit  caché  par  sa  mère. 

JN*est-ce  pas  là  l'image  d'un  peuple  vaincu  qui  se  recueille  et 
viendra  relever  la  tête  près  de  ceux  qui  l'ont  abattu  ? 

La  femme  de  Jones  avait  conservé  le  souvenir  d'un  grand  palmier 
doiim  au  pied  duquel  Saad  tenait  conseil  chaque  jour.  «  Va,  dit-elle  à 
son  fils,  tu  reconnaîtras  ton  oncle  à  ses  vêtements,  fais-toi  rendre 
les  biens  de  ton  père,  mets-toi  sous  sa  protection  ». 

L'enfant  devait  voyager  la  nuit;  Bidda,  s'il  l'avait  rencontré, 
l'aurait  tué.  Il  marcha  donc  longtemps^  atteignit  l'arbre  et  se  cacha 
parmi  les  palmes. 

Saad  arriva,  sa  suite  était  nombreuse.  L'enfant  caché  dans  la 
verdure  reconnut  ses  vêtements  ;  il  vit  son  oncle  s'abriter  sous 
l'arbre  où  il  s'était  dissimulé.  Timidement,  pour  attirer  son  atten- 
tion, il  arrache  quelques  feuilles  aux  palmes,  les  brise,  les  jette 
à  terre  et  en  couvre  son  oncle.  Saad  se  lève,  aperçoit  l'enfant, 
celui-ci  se  nomme;  son  oncle,  heureux  de  le  revoir,  lui  rend  une 
partie  des  biens  de  son  père,  il  le  prend  en  protection  et  lui  donne 
nom  «  Odahcob  »  (pointe  de  palmes)  en  souvenir  de  leur  ren- 
contre. 

La  tribu  des  OJahcobs  est  aujourd'hui  le  groupe  le  plus  puis- 
sant et  le  plus  uni  de  tous  les  Issas;  ses  troupeaux  sont  les  plus 
nombreux.  Il  prête  son  appui  aux  Saad  Moussa  et  épouse  leurs 
querelles  avec  ardeur. 

Saad  avait  recueilli  Ourouéné  l'esclave  de  son  père  ;  sa  tribu 
en  protège  encore  la  descendance. 

Plus  tard,  les  Orronés^  aux  origines  incerlaines,  vinrent  s'unir 
auxDalols;  d'un  sang  étranger,  ils  jouissent  des  mêmes  libertés 
que  les  Ourouénés  pour  leurs  unions. 

Les  Orronés,  cependant,  ne  sont  pas  de  sang  noble  ;  jusqu'en  ces 
toutes  dernières  années,  le  tribut  du  prix  du  sang  n'était  pas  payé 
pas  les  Issas  à  leurs  familles  lorsque  l'un  d'eux  était  assassiné. 
Cette  indemnité  de  cent  chamelles,  payée  par  la  tribu  d'un  assassin 
à  celle  de  la  victime,  est  un  véritable  acte  de  soumission  d'une 
société  qui  craint  les  représailles  d'une  autî-e.  Aussi  n'est-elle 
pas  servie  aux  parents  du  mort  par  le  meurtrier,  mais  bien  par  la 
tribu  celui-ci  à  celle  de  la  victime;  une  faible  partie  du  troupeau  est 
ensuite  attribuée  à  la  famille  du  mort. 

Ces  mœurs  simples,  rudes,  léguées  aux  Issas  parleurs  pères,  et 


382  Pierre  CARETTE-BOUVET. 

tous  ces  souvenirs,  laissent  entrevoir,  à  travers  la  poussière  du 
passé  l'histoire  des  Issas. 

Ce  sont  les  traces  visibles  de  la  lulte  pour  Texistence  de  ces 
nomades,  en  leur  brousse  aride,  sous  le  ciel  brûlé  qui  tant  de  fois 
a  vu  regorgement  de  ces  races  de  pasteurs. 

De  nos  jours  encore,  leurs  origines,  leurs  affinités,  les  portent  à 
sympathiser  entre  eux  ou  bien  à  laisser  échapper  à  nouveau  le 
vieux  levain  des  haines  qui  leur  sommeille  au  cœur. 

Il  appartient  au  voyageur  de  ne  pas  exaspérer  ces  passions  si 
vivantes  encore  ;  les  irriter,  les  épouser  inconsciemment,  serait 
faire  preuve  d'une  inexpérience  coupable  dont  la  répercussion  san- 
glante pourrait  s'étendre  à  des  milliers  d'hommes. 


LES  PIERRES  GRAVÉES 

DE  SIARO  ET  DE  DAGA  BEID  (SOMAL) 

PAR 

Pierre  CARETTE-BOUVET  et  Henri   NEUVILLE 


L'attention  a  été  attirée,  dans  un  travail  précédent  (1),  sur  le  fait 
que,  chez  les  Issas^  tout  animal  domestique  porte  non  pas  la  marque 
d'un  maître,  mais  celle  d'une  tribu  tout  entière.  Ceci  résulte  d'une 
organisation  communiste,  sur  laquelle  nous  ne  pourrons  ici  nous 
étendre,  entraînant  pour  la  tribu  elle-même  la  nécessité  de  posséder 
des  marques  de  propriété  qui,  ailleurs,  seraient  individuelles. 

C'est  à  ces  marques  que  doivent  être  rapportées  les  inscriptions, 
ou  tout  ou  moins  les  signes,  relevés  par  les  auteurs  de  cette  note  à 
Siaro  (Siareu  ou  Siara),  et  à  Daga  Beid  («  pierres  des  serpents  »). 
Ces  localités  appartiennent  à  la  région  O.-S.-O.  de  Daouenlé  (pays 
somali)  où  nous  nous  sommes  trouvés  récemment,  Tun  de  nous  y 
étant  appelé  par  ses  fonctions  et  l'autre  s'y  trouvant  de  passage  pour 
amener  en  France  les  riches  collections  réunies  par  le  baron 
Maurice  de  Rothschild,  qu'il  avait  accompagné  comme  naturaliste 
dans  cette  partie  do  l'Afrique. 

Nous  avons  pensé  qu'il  ne  serait  pas  sans  intérêt  de  porter  succinc- 
tement à  la  connaissance  du  public  érudit  ces  inscriptions,  qui 
paraissent  n'avoir  jamais  été  relevées,  et  dont  nous  croyons  pouvoir 
donner  une  explication  tout  au  moins  partielle. 

Disons  tout  de  suite  qu'elles  ont  été  faites  sur  des  blocs  naturels 
de  grès  grossier,  isolés  dans  le  pays  somali,  relalivement  loin  de 
toute  agglomération. 

Leur  origine  se  perd  dans  la  nuit  des  temps.  Les  indigènes,  inter- 
rogés au  sujet  de  cette  origine,  n'ont  pu  donner  aucune  explication 

(1)  Pierre  Garette-Bouvet.    Divisions    des  Somalis  Issas,  iii  L'Anthropologie^  1906, 
p.  377. 

l'anthropologie.  —  T.  xvri.  —  1906. 


384  Pierre  CARETTE-BOUVET  ET  Henri  NEUVILLE 

et  n'en  ont  même  tente  aucune  ;  tout  au  plus  quelques  uns  ont-ils 
essayé,  mais  combien  vag^uement,  d'attribuer  à  ces  gravures  une 
origine  surnaturelle.  Nous  sommes  ici  en  présence  de  documents 
dont  l'antiquité  paraît  considérable  et  semble  devoir  échapper  à 
toute  évaluation.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  caractères  ou  signes  qui 
les  composent  doivent  être  indubitablement  identifiés  avec  ces 
marques  dont  les  tribus  Issas  se  servent  pour  reconnaître  leurs 
bestiaux;  certains  de  ces  signes  reproduisent  fidèlement  les  mar- 
ques actuellement  en  usage  dans  des  tribus  bien  déterminées  ; 
d'autres  s'y  rapportent  moins  certainement.  Nous  ne  donnons,  pour 
ces  dernières,  que  les  tentatives  interprétations  suggérées  par  nos 
conversations  avec  les  indigènes  et  par  la  connaissance  toute  spé- 
ciale des  choses  du  pays  somali  que  l'un  des  auteurs  a  pu  acquérir 
au  cours  d'un  séjour  déjà  fort  long  dans  ce  pays. 

Avant  de  reproduire  ces  inscriptions  et  d'en  donner  les  explica- 
tions qu'elles  comportent  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances, 
disons  qu'elles  ont  été  faites  d'après  un  procédé  très  simple,  par 
percussion  du  rocher  gréseux  avec  un  caillou  arrondi  quelconque, 
ramassé  par  terre;  cette  percussion  détache  facilement  des  parcelles 
de  ce  grès  à  grains  très  grossiers,  et  ce  mode  de  gravure  produit 
des  traits  réguUers,  parfois  même  assez  fins.  Nous  n'aurions  peut- 
être  pas  supposé  qu'il  soit  possible  de  tracer  ainsi  ces  inscriptions, 
si  nous  n'avions  vu  les  indigènes  nous  accompagnant  reproduire 
sans  coup  férir,  d'après  cette  méthode,  et  après  quelques  instants 
d'observation,  des  figures  absolument  identiques  aux  premières, 
tout  aux  moins  aux  plus  simples  de  celles  ci,  car  plusieurs  ont 
demandé  un  certain  sens  artistique  à  l'artiste  primitif  qui  les  a 
exécutées.  A  diverses  reprises,  d'ailleurs,  les  nomades  ont  ajouté, 
au  texte  primitif,  des  variantes  ou  des  additions  diverses,  dont  le 
caractère  plus  récent  se  reconnaît  souvent  assez  facilement. 

Nous  nous  sommes  attachés  à  relever  surtout  les  inscriptions  an- 
ciennes, primitives,  qui,  dans  l'esprit  de  leurs  auteurs,  surtout  en 
ce  qui  concerne  celles  de  Daga  Beid,  devaient  probablement  servir 
d'une  sorte  de  table  des  marques  de  propriété  des  tribus,  ou  si  l'on 
préfère  une  autre  comparaison,  d'une  sorte  de  dépôt  des  marques, 
dépôt  peut-être  destiné  à  perpétuer  une  tradition  indispensable  et  à 
permettre,  le  cas  échéant,  de  retrouver  le  sens  de  celles-ci  et  de  les 
reconnaîlre.  Diverses  autres  explications  pourraient  assurément 
être  proposées,  surtout  au  sujet  des  causes  du  groupement  de  ces 
diverses  marques  appartenant  à  des  tribus  fort  différentes  ;  peut- 


LES  PIERRES  GRAVÉES. 


385 


être  furent  elles   réunies  pour  perpétuer  le  souvenir  de  quelque 
événement  dont  le  souvenir  s*est  perdu. 

Qu'il  nous  suffise  de  donner  leur  description  et  d'indiquer,  pour 
chacune,  dans  la  mesure  oii  nous  pouvons  le  faire  et  parfois  avec 
certaines  réserves,  le  sens  qu'il  convient  de  leur  donner,  c'est- 
à-dire  la  tribu  (ou  subdivision  de  tribu)  à  laquelle  elle  se  rap- 
porte. 

PlKRHE  DE    Si ARC. 

Cette  pierre  (fig.  i)  est  constituée  par  un  simple  bloc  de  grès, 


Fio_  1.  _  Pierre  de  Siaro  (face  Nord). 


naturellement  dressé,  de  forme  irrégulière,  et  dont  le  volume,  de 
beaucoup  inférieur  à  celui  des  Daga  Beid  dont  nous  parlerons  plus 
loin,  n'est  que  de  quelques  mètres  cubes  (1).  Sur  ses  diverses  faces  se 
trouvent  des  gravures  dont  les  croquis  ci-contre  donnent  une  repré- 
sentation schématique.  Mêlés  à  ces  signes,  figurent  des  hommes, 
des  chameaux  et  des  bœufs.  L'un  des  hommes  représentés  sur  la 
face  Est  est  armé  d'une  lance  et  porte  le  bouclier  rond.  En  haut 
de  cette  même  pierre  se  trouvent  des  signes  presque  totalement 
effacés  et  difficiles,  sinon  impossibles,  à  déchiffrer. 


(1)  La  hauteur  et  la  largeur  sont  ici  d'environ  2^,25. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906. 


25 


386 


Pierre  CARETTE  BOUVET  ET  IIe.nri  NEUVILLE 


Daga  Heid  (Piehkes  des  Serpents). 

Ces  pierres  forment  un  groupe  de  vastes  champignons  rocheux. 
De  même  que  la  précédente,  et  comme  la  plupart  des  roches  qui 
émergent  dans  cette  région,  elle  est  de  nature  gréseuse.  Les  faces 
Nord  ((ig.  2)  et  Sud  (fig.  3)  (1)  portent  des  gravures,  mais  le  côté 
Sud  est  de  beaucoup  le  plus  riche  en  inscriptions. 

Le  côté  Nord  porte,  indépendamment  des  signes  proprement  dits, 


Fig.  2.  —  Daga  Beid.  Face  Nord. 

que  nous  reproduisons  ici,  un  chameau  gravé  en  creux  et  très 
ancien  par  rapport  à  la  plupart  des  inscriptions,  qu'il  semble  avoir 
précédées. 

Le  même  animal  est  reproduit  sur  la  face  Sud,  où  les  inscriptions 
sont  plus  nombreuses  et  paraissent  plus  intéressantes  (peut-être  les 


FiG.  3.  —  Daga  Beid.  Face  Sud. 

autres  n'en  sont-elles  que  des  répétitions).  A  peu  près  au  centre 
et  en  haut  de  l'excavation  dans  laquelle  sont  groupés  la  plupart  des 
signes,  ce  chameau  est  gravé,  en  creux  d'environ  un  centimètre  de 
profondeur;  le  fond  de  la  gravure  est  finement  poli.  Cet  animal 
paraît  être,  en  quelque  sorte,  l'en  tête  du  travail;  sa  gravure  est, 
comme  celle  de  son  congénère  delà  faceN.,  extrêmement  ancienne. 
D'autreschameaux  sontégalement  figurés,  mais  moinsparfaitemcnt, 
et  ne  sont  probablement  que  des  copies,  reproduisant  jusqu'aux 
défauts  de  l'original.  Remarquons  que  la  plénitude  de  l'abdomen 
(1)  Ces  orientations  sont  approximatives. 


LES  PIERïtES  GRAVÉES. 


387 


serait  de  nature  à  laisser  supposer  que  l'on  a  peut-être  voulu  repré- 
senter ici  une  chamelle  pleine,  représentation  assez  propre  à  jouer 
aux  yeux  des  indigènes,  en  raison  de  leur  genre  de  vie,  le  rôle  d  un 
symbole  de  fécondité. 

La  concavité  de  la  roche,  au  niveau  et  au  dessous  du  chameau, 
est  totalement  couverte  de 
signes.  A  droite  de  cette  con- 
cavité, sur  une  face  presque 
plate  d'une  au  Ire  tête  de  roche, 
plus  vaste  et  juxtaposée  à  la 
précédente,  est  figuré,  assez 
grossièrement,  un  animal  qui 
est  certainement  une  girafe 
(fi g.  5).  Aucun  représentant 
de  ce  genre  n'existe  plus  main- 
tenant dans  cette  région,  mais 

cette  disparition  ne  semble  remonter  qu'à  une  date  relativement 
récente. 


FiG.  4.  —  Chameau  de  Daga  Beid 

(d'après  un  estampage  des  auteurs). 

Longueur  :  Om,77. 


Figures  relevées  suu  la  pierre  dk  Siaro. 

Face  Est  (fig.  6). 

a.  Tribu  Fourlaba  reir  Saëp  reir  Nour  (1).  (Cette  marque  serait 

d'origine  dankali  ;  les  Fourlaba 
reir  Nour  habitent  en  effet  près 
delà  frontière  Somali-Dankali) 
(dimension  40  cm.  X  25  env.). 
b.  Tribu  Orroné  reir  Dualé. 
Les  Orronés  ne  sont  pas  de 
sang  Issa  ;  c'est  une  sorte  d'an- 
nexé à  la  famille  Issa,  venue 
probablement  de  la  province 
de  Guerri,  dans  le  S.-E.  de 
Daouenlé,  à  l'Est  de  Harrar. 

c.  Tribu  Orroné  reir  Aosso  (15  cm.  x  15  env.). 

d.  Tribu  Abgal  Odahcob  reir  Galane.  Ce  signe  représente  deux  arcs 
armés  de  flèches,  celles  ci  étant  réunies  par  leurs  pointes  ;  le  plus 
souvent,  au  heu  des  points  qui  se  trouvent  ici  en  haut  et  en  bas  de 

(1)  Ce  qui  revient  à  dii'e  tribu  Fourlaba,  division  Saëp,  subdivsion  Nour. 


FiG.  5.  —  Girafe  gravée  sur  uue  des 
Pierres  des  Serpents. 


388 


PiRRKE  CARETTE-UOUVET  ET  Henri  NEUVILLE. 


la  (igure,  se  voient  des  prolongements  de  la  ligne  axiale  figurant  les 
flèches.  Le  plus  souvent  aussi^  les  angles  du  haut  et  du  has,  au  lieu 
d'être  aigus,  sont  arrondis  en  arcs.  La  figure  est  alors  plus  conforme 
à  la  représentation  de  deux  arcs  armés  de  flèches.  Nous  ajouterons 
encore  que,  généralement,  cette  tribu  ajoute  un  croissant  à  son 
signe  particulier  (e?),  mais  cette  variante  ne  se  trouve  pas  indi- 
quée sur  la  pierre.  Cette  marque  s'appli- 
que actuellement  sur  la  nuque  des  cha- 
meaux, les  arcs  descendant  à  droite  et  à 
gauche. 

Face  Sud-Ouest  (fig.  7). 

a.  Tribu  Abgal  Odahcob  reir  Maalen. 
Tribu  respectée  portant  conseil  et  sort.  Ce 
signe  est  sujet  à  plusieurs  variations,  il 
peut  devenir  b  ou  c. 

Face  Nord  (fig.  8). 

Ce  signe  est  le  plus  compliqué  de  tous 
ceux  que  nous  avons  pu  étudier.  11  paraît 
se  rapporter  à  la  tribu  Dalol  Olaldonn  (?) 
(20  cm.  X  30  env.) 


1 


Fig.  6.  —  a,  b,  c,  c?,  signes 
gravés  sur  la  face  Est  de  la 
Pierre  de  Siaro. 


Figures  relevées  sur  les  Pierres  des  Serpents  (Daga  Beid). 

Bien  que  ces  figures  soient  de  beaucoup  plus  variées  et  plus 
nombreuses  que  celles  de  Siaro,  l'interprétation  d'un  grand  nombre 
d'entre  elles  nous 
échappe.  Nous  avons 
relevé  les  suivantes 
(outre  celles  du  cha- 
meau et  de  la  girafe). 

FiG.  7.  —  a,  sigue  gravé  sur  la  face  Sud-Ouest  do 
Face  Nord  (fig  9).  ^^  Pierre  de  Siaro. 

a .     Certaines    va  - 
riantes  de  ce  signe  sont  dépourvues  du  point  ou  du  petit  trait  figuré 
en  haut  de  la  courbe  de  droite  (/)  ;  il  paraît  se  rapporter  à  la  tribu 
Fourlaba  ;  peut  être  le  signe  e  en  est-il  une  autre  variante   très 
dénaturée. 


LES  Pll':Ul\ES  GRAVEES. 


389 


o 


l 


J 


Vv 


8.  —  Sigue  grave  sur  la  face  NorJ 
de  la  Pierre  de  Siaro. 


b,  c,  d.  Tribu  Abgal  reir  Odahcob  reir  Maalen.  Nous  avons  très 
probablement  affaire  ici  à  des  variantes  du  signe  relatif  à  cette 
même  tribu  relevé  sur  la  pierre 

de  Siaro  (voir  fig-.  7) 

/et^  (ne  forment  qu'un  seul 
signe).  Tribu  Abgal  Ogadcool. 
Ce  signe  est  sujet  à  diverses 
variantes.  Le  trait  fourchu  placé 
à  gauche  peut  notamment  être 
reporté  à  droite. 

i.  La  partie  (igurée  en  poin- 
tillé ne  fait  peut-être  pas  partie 
du  signe  lui-même,  qui,  réduit 
ainsi  à  la  partie  droite  de  la 
figure,  semble  se  rapporter  à  la  tribu  Abgal  Vaddor. 

k.  Tribu  Abgal  Odahcob  Gued'id'er  (?). 

Face  Sud  (fig.  10). 

Plusieurs  de  ces 
signes  nous  sont  déjà 
connus  d'après  ce  qui 
précède. 

a.  Reproduction  des 
signes  a  ou  e  du  côté 
Nord  (Voiries  explica- 
tions qui  leur  sont  rela- 
ves). Tribu  Fourla- 
ba  (?). 

b.  Reproduction  du 
signe  a  de  la  fig.  6,  ou 
peut  être  tribu  Dalol 
Four-l'nous  (?). 

c  Qi  d  (ne  forment 
qu'un  seul  signe).  Va- 
riante du  signe  /^  de  la  face  Nord  (?)  ou  peut-être  du  signe  a  de 
la  face  Sud  (?). 

c.  Variante  des  signes  b,  c,  d,  de  la  face  Nord  (?). 
f/.  Variante  du  signe  i  ci-dessous. 

i.   Tribu    Moumassen  reir  Arabouine  (littéralement  le   serpent 
caché  à  la  grande  langue). 


KiG.  9.  —  Signes  gravés  sur  la  face  Nord  des 
Pierres  des  Serpents, 


390  Pierre  GARETTE-BOUVET  ET  Henri  NEUVILLE. 

k.  Tribu  Abgal  Odalicob  reir  Galane  (v.  ci-dessus). 

/.  Variante  probable  du  sig-ne  b. 

771.  C'est  probablement  le  signes  très  dénaturé,  de  même  que  les 
signes  o  ci  p.  Ce  dernier  a  cependant  une  certaine  analogie  avec  le 
signe  a  de  la  face  Nord- 

11.  Peut  être  un  diminutif  du  signe  i  de  la  face  Nord. 

0  et  p.  Voir  signe  m. 

Si  nous  voulons  maintenant  résumer  ce  que  nous  indiquent  ces 
inscriptions,  nous  voyons  qu'elles  manifestent  un  groupement  de 


F  iG.  \0.  —  Signes  gravées  sur  la  face  Sud  des  Pierres  des  Serpents. 

marques  appartenant,  sous  les  réserves  ci-dessus  émises,  aux  tri 
bus  suivantes  : 

Pierre  de  Siaro. 

Fourlaba  reir  Saëp  reir  Nour. 
Orroné  reir  Dualé. 
Orroné  reir  Aosso. 
Abgal  Odahcob  reir  Galane. 
Abgal  Odahcob  reirMaalen. 
Dalol  Oladonn  ? 

Pierres  des  Serpents  [Daga  Beid). 

Fourlaba  (?). 

Abgal  reir  Odahcob  reir  Maalen. 


LES  PIERRES  GRAVÉES. 


391 


Abgal  Ogadcool. 

Abgal  Vaddor(?).  -  '■ 

Ab^al  Odahcob  Gued  Kl'er  (?). 

Dalol  Fourl'nous  (?). 

Moumassen  reir  Arabouine. 

AbgalOdahcob  reir  Galane. 

Sur  la  pierre  de  Siaro,  nous  retrouverions  ainsi  des  traces  apparte- 
nant aux  tribus  très  voisines  Olaidonn  et  Fourlaba,  dont  la  réunion 
a  formé  le  groupe  des  Dalols,  ainsi  que  de  deux  tribus  Abgal 
Odahcob  (Galane  et  Maalen),  et  enfinde  la  tribu  Orroné,  étrangère 

ûdshcob  S.D. 


Jones      Saad     Aril     Mhoura  B^lda 

Moumassen.  D. 


Dalols 


Orronès  S. 
9     . 


Wordicks 
9 


Eleye 


Olaidonn  S.       Fourlaba  S.  D. 
/\li  Haoullacate      Hollé 


Issa 

père  des  15535 


Esshac 
père  des  HâbérâOUâh 


Ahmed 

FfG.  11.  —  Tableau  des  Divisions  généalogiques  principales  des  Somalis  Issas,  dressé 
pour  l'indication  des  tribus  auxquelles  se  rapportent  les  marques  de  Siaro  et  de  Daga 
Beid  (la  lettre  S  indique  que  la  marque  de  la  tribu  se  trouve  sur  la  pierre  de  Siaro 
et  la  lettre  D  donne  la  même  indication  pour  Daga  Beid). 


par  rapport  aux  Issas,  mais  non  pas  considérée  par  eux  comme  enne- 
mie et  aveclaquelle  les  mariages  sont  permis  aux  descendants  d'Issa. 

Ce  groupement  serait  assez  homogène;  il  réunirait  des  descen- 
dants de  chacun  des  trois  fils  d'Issa  :  Eleyé  (Abgals),  Ali  Haoullacate 
(Olaidonn)  et  Hollé  (Fourlaba);  ces  deux  dernières  tribus  ont,  comme 
nous  venons  de  le  dire,  formé  le  groupe  des  Dalols,  parallèle  à  celui 
des  Abgals. 

En  ce  qui  concerne  les  représentations  de  Daga  Beid,  les  choses 
se  compliquent  un  peu  ;  nous  y  retrouvons,  à  côté  des  tribus  Abgals 
(très  largement  représentées)  et  Dalols,  celle  des  Moumassen,  dont 


392  PiKHBE  CARETTE-BOUVET  ET  Hrnri  NEUVILLE. 

les  démêlés  anciens  avec  les  autres  Abgals  (Moussa)  ont  laissé  des 
traces  durables  chez  les  Issas. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  rapprochement  des  marques  appartenant  ^ 
des  tribus  aussi  diverses  est  intéressant  à  relever,  d'abord  parce  qu'il 
permet  de  dresser  un  tableau  de  ces  marques  en  elles-mêmes, 
d'après  des  monuments  dont  l'origine  précise  est  obscure,  mais  dont 
l'authenticité  générale  est  indiscutable,  et  ensuite  parce  que  Fétude 
de  nouveaux  documents  du  même  genre,  aidée  au  besoin  par  colle 
des  traditions,  serait  peut  êlre  de  nature  à  permettre,  dans  la  suite, 
de  retrouver  la  trace  des  événements  auxquels  a  pu  être  lié  le  fait  du 
groupement,  sur  ces  pierres,  des  marques  appartenant  à  ces  tribus. 


VARIÉTÉS 


Murs  d'enceintes  à  parements  internes. 

Dans  son  excellent  mémoire  sur  les  Antiques  enceintes  fortifiées  du 
Midi  de  la  France  (Extrait  des  Comptes-rendus  du  Congrès  international 
d' Anthropologie  de  Paris,  19O0),  M.  de  Saint-Venant  a  atliré  l'attention 
des  archéologues  sur  le  curieux  mode  de  construction  de  quelques-uns 
des  remparts  ayant  fait  l'objet  de  ses  recherches.  Nous  voulons  parler 
des  «  murailles  géminées  »  constituées  par  deux  murs  de  pierres  sèches 
accolés  et  possédant,  outre  leurs  deux  parements  extérieurs,  un  pare- 
ment interne  noyé  dans  la  masse  de  la  maçonnerie.  Flouest  avait 
déjà  signalé  cette  disposition  particulière  dans  l'enceinte  de  Nages, 
mais  en  France  elle  n'avait  pas  encore  été  observée  ailleurs.  Avec 
beaucoup  d'à-propos,  M.  de  Saint-Venant  s'était  souvenu  à  ce  sujet  du 
passage  des  Commentaires  de  César,  où  le  munis  duplex  des  Aduatici 
avait  embarrassé  les  traducteurs.  Cette  expression^  en  présence  des 
constatations  archéologiques,  s'expliquait  en  effet  tout  naturellement 
et  le  murus  duplex  des  Aduatici  n'était  autre  chose  que  le  rempart 
géminé  retrouvé  chez  les  Volques  Arécomiques. 

Depuis  lors^  l'étude  des  enceintes  préhistoriques  a  été  reprise  avec 
une  nouvelle  activité  dans  plusieurs  de  nos  provinces,  notamment  en 
Provence  et  dans  les  Alpes  maritimes,  grâce  à  l'activité  persévérante 
de  MM.  Goby  et  Guébhard.  La  haute  importance, de  ces  monuments  ne 
saurait  être  discutée  et  l'on  s'étonnerait  de  l'indifférence  dont  ils  ont 
été  entourés  jadis,  si  l'on  ne  songeait  que  bien  souvent,  l'ardeur  des 
archéologues  est  trop  exclusivement  soutenue  et  entretenue  par  la 
passion  du  collectionneur.  On  ne  saurait  donc  trop  encourager  ceux 
qui  consacrent  leurs  travaux  à  l'étude  toute  désintéressée  des  vestiges 
de  la  fortification  préhistorique. 

Au  cours  de  leurs  recherches,  MM.  Goby  et  Guébhard  ont  rencontré 
à  leur  tour  plusieurs  spécimens  de  ces  mêmes  murailles  dites  géminées 
ou  juxtaposées  (Camp  Subeyra,  Camp  Barlet,  à  Cannaux,  La  Capelle  de 
Saint-Cézaire,  Camp  de  Collet  Assout)  (1). 

(1)  P.  Goby  et  A.  Guébhard,  Swr  les  Enceintes  préhist.  des  Alpes  maritimes^  extrait 
des  G.  R.  de  l'Afas,  1904,  p.  1083  et  1108;  —  A.  Guébhard,  Essai  d'inventaire  des 
Enceintes  préhist.  (Castelars)  du  dép.  du  Vai\  extrait  du  G.  R.  du  le*"  Congrès 
préhist.  de  France,  Périgueux,  1903.  M.  Guébhard,  ne  connaissant  pas  encore  le 
travail  de  M.  de  Saint-Venant,  avait  été  lui  aussi  conduit  au  rapprochement  précité 
relativement  au  murus  duplex  de  César. 

l'anthropologie.  —  T.  xvir.  —  1906. 


394  VARIETES. 

De  rexamen  des  reliques  recueilles  dans  les  enceintes  du  Gard^ 
longues  épées  à  fourreau  de  fer,  lances  en  fer  à  double  umbos  en 
forme  de  pont,  monnaies  gauloises,  fibules,  poteries  etc.,  M.  de  Saint- 
Venant  avait  pu  conclure  que  le  groupe  auquel  appartiennent  les  murs 
géminés  paraît  remonter  au  temps  de  l'indépendance  des  Volques 
Arécomiques,  c'est-à-dire  à  l'époque  dite  de  La  Tène. 

Or,  cette  conjecture,  déjà  établie  sur  des  données  positives,  se  trouve 
confirmée  par  des  découvertes  faites  sur  le  territoire  allemand,  décou- 
verles  qui  ne  pouvaient  se  produire  plus  opportunément  et  sur 
lesquelles  nous  nous  proposons  d'attirer  l'attention. 

On  connaît  depuis  longtemps  en  Allemagne  les  deux  forteresses 
préhistoriques  situées  sur  le  Grand  et  le  Petit  Gleichberg,  près  de 
Romhild,  dans  la  Saxe.  La  seconde  station  surtout,  appelée  la  Steins- 
burg,  est  devenue  en  quelque  sorte  classique  depuis  la  publication  que 
lui  a  consacrée  Jacob  en  1887.  Mais  les  premières  explorations  ayant 


^ 


FiG.  1.  —  Coupe  du  rempart  de^ 

la  Steinburg.  ^Fic  2.  — ^Coupe  schématique  d'un  mur  triplé. 

été  incomplètes,  elles  ont  été  reprises  dernièrement  par  la  Société 
archéologique  de  Meiningen.  Un  résumé  des  travaux  a  été  présenté 
par  M.  Gôtze,  du  Musée  ethnographique  de  Berlin,  tout  d'abord  dans 
les  Yerhhandlungen  der  Berliner  Gesell.  f.  Anthrop.,  1900,  p.  416-427  et 
plus  récemment  dans  une  revue  provinciale  allemande  (1). 

Or  il  est  fort  intéressant  de  constater  que  les  remparts  de  la  Steins- 
burg  ont  été  en  partie  construits  sur  le  même  type  que  les  murailles 
d'enceintes  du  midi  de  la  France,  dont  nous  venons  de  parler.  11  suffit 
pour  s*en  assurer  de  rapprocher  la  coupe  publiée  par  M.  Gôtze  (fig.  1) 
{Verhhandt.,  p.  418)  de  la  coupe  schématique  de  la  Capelle  de  Saint- 
Cézaire  et  des  murs  similaires  (fig.  2)  donnée  par  M.  Guébhard  [Essai  d'in- 

(l)  Die  Steinsburq  auf  des  dem  Kleinem  Gleichherge,  extrait  de  la  revue  Baii 
und  Kunsldenkmùler  Tfiuringens,  1904,  p.  466-472.  Nous  devons  à  l'obligeance  de 
M.  Gôtze  l'envoi  de  cette  brochure.  L'auteur  nous  a  signalé  le  mode  de  construc- 
tion des  remparts  de  la  Steinsburg,  en  nous  demandant  si  Ton  connaissait  on 
France  un  dispositif  analogue.  Nous  sommes  maintenant  en  mesure  de  lui 
répon  Ire. 


VARIETES.  395 

ventaire,  p.  48).  De  part  et  d'autre,  nous  trouvons  le  même  système  de 
parements  intérieurs  formant  dans  la  masse  des  pierrailles  de  solides 
chaînages  longitudinaux  et  assurant  la  stabilité  de  la  muraille.  Le 
nombre  des  parements  internes  peut  varier,  mais  le  principe  de  cons- 
truction reste  identique. 

L'oppidum  de  la  Steinburg  était  protégé  par  plusieurs  remparts  con- 
centriques, dont  le  tracé  irrégulier  se  conforme  sensiblement  au  relief 
du  sol.  L'enceinte  extérieure  dessine  un  ovale  et  mesure  1  km.  de 
long  sur  800  m.  de  large.  Les  fouilles  ne  sont  pas  encore  terminées  et 
quelques  constatations  secondaires  sur  le  tracé  et  la  nature  des  diverses 
enceintes  demeurent  encore  incomplètes.  Le  dispositif  dont  nous 
parlons,  pour  le  mode  de  construction,  a  été  reconnu  sur  un  point  du 
mur  extérieur  et  sur  la  seconde  enceinte.  Sur  d'autres  points  il  est 
possible,  mais  ce  n'est  encore  qu'une  simple  conjecture,  que  les 
constructeurs  aient  employé  la  pierre  et  le  bois,  selon  l'usage  ordi- 
naire des  Gaulois. 

On  a  découvert  dans  l'oppidum  des  habitations  en  pierres  sèches  et 
des  sépultures.  Les  menus  objets,  ornements,  armes,  outils,  ustensiles, 
ajoute  M.  Gôtze,  appartiennent  pour  la  plus  grande  partie  à  la  fin  de  la 
période  de  Hallstatt  et  à  La  Tène  I  et  II,  soit  à  une  époque  comprise  entre 
le  v^  et  le  i^'  siècle  av.  J.-C.  La  montagne  porte  les  traces  d'une  faible  oc- 
cupation antérieure,  remontant  à  l'époque  néolithique  ou  tout  au  moins  à 
celle  du  bronze.  «Vers  le  milieu  du  premier  millénaire  av.  J.-C,  les  Celtes 
y  établirent  un  oppidum  puissament  fortifié,  pour  se  garantir  contre  l'in- 
vasion des  Germains  venant  du  Nord.  Cette  place  fut  sans  doute  aban- 
donnée au  premier  siècle  av.  J.-C. ,  lors  de  la  conquête.  Il  n'y  eut  ensuite 
sur  cette  station  que  des  occupations  temporaires.  » 

Rapprochées  des  observations  de  M.  de  Saint-Venant,  citées  plus 
haut,  les  récentes  constatations  qu'ont  procurées  les  fouilles  de  la 
Steinsburg  acquièrent  une  portée  nouvelle,  et  il  semble  bien  que  nous 
sommes  autorisés  à  considérer  ce  type  de  murailles  à  parements  mul- 
tiples comme  appartenant  sinon  à  un  groupe  ethnique  déterminé,  tout 
au  moins  à  une  période  précise  des  temps  prolohistoriques. 

Les  Gaulois  renforçaient  ordinairement  leurs  remparts  de  pierres  à 
l'aide  d'une  charpente  interne.  Lorsque  le  bois  faisait  défaut,  ils  y 
suppléaient  sans  doute  en  établissant  dans  la  masse  de  la  maçonnerie 
une  solide  ossature  en  moellons. 

Déjà  le  rempart  d'Alt  Kônig  dans  la  province  de  Nassau  nous  avait 
permis  de  retrouver  sur  le  territoire  allemand  le  système  gaulois  de 
construction  militaire  décrit  par  César  à  propos  du  siège  d'Avaricum. 
Le  parallélisme  se  poursuit  à  l'aide  de  ces  nouvelles  découvertes. 

Joseph  DÉCnELETTE. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE 

EN  FRANCE  ET  A  L'ÉTRANGEll 


BouLK  (Marcellin).  L'âge  des  derniers  volcans  de  la  France.  Broch.  iii-8,  extr.  de 
La  Géographie.  Paris,  1906,  Masson  et  C'e  éditeurs. 

En  annonçant  aux  lecteurs  de  L'Anthropologie  que  TAcadémie 
des  Sciences  avait  décerné  le  prix  Alhumbert  à  M.  Boule,  j'ai  pris  l'en- 
gagement de  dire  quelques  mots  de  l'important  mémoire  que  mon 
excellent  ami  a  consacré  à  L'Age  des  derniers  volcans  de  la  France.  Je 
le  fais  avec  d'autant  plus  de  plaisir  que  j'ai  l'assurance  de  rendre  un 
réel  service  aux  préhistoriens  en  leur  signalant  cette  étude  écrite  par 
un  savant  qui  connaît  admirablement  le  sujet  qu'il  traite  (il  l'a  étudié 
pendant  25  ans),  et  dans  laquelle  ils  trouveront  non  seulement  des  don- 
nées géologiques,  mais  aussi  de  très  intéressants  paragraphes  sur  la 
paléontologie,  l'homme  fossile  et  l'archéologie. 

M.  Boule,  en  effet,  ne  s'est  pas  borné,  pour  fixer  l'âge  des  dernières 
éruptions  volcaniques  du  Massif  central  de  la  France  à  recourir  à  la 
géologie  ;  il  a  mis  à  contribution  la  topographie,  la  paléontologie,  l'ar- 
chéologie^,  l'histoire  et  les  traditions.  Disons  tout  de  suite  que  ni  l'his- 
toire, ni  les  traditions  ne  lui  ont  fourni  de  témoignages  sérieux  :  les  textes 
de  Sidoine  Apollinaire,  de  saint  Avit  et  de  Grégoire  de  Tours,  sur  les- 
quels on  s'est  appuyé  pour  rajeunir  certains  volcans  du  Vivarais,  n'ont 
aucune  valeur  parce  qu'ils  ont  été  mal  traduits,  ainsi  que  l'a  montré,  en 
1890,  M.  Salomon  Reinach  dans  la  Revue  archéologique.  On  a  mal  inter- 
prété également  un  passage  de  l'ouvrage  de  Legrand  d'Aussy,  dans  le- 
quel cet  auteur  raconte  qu'au  xiii®  siècle  des  fermiers  du  Chapitre  de 
la  cathédrale  de  Clermont  ont  demandé  à  être  déchargés  du  prix  de  leur 
bail,  le  puy  ayant  pris  feu  et  leurs  moissons  ayant  été  détruites  par 
l'incendie. 

Certes  dans  un  mémoire  qui  a  pour  objet  l'étude  des  volcans,  la  to- 
pographie, la  stratigraphie,  la  géologie  et  la  pétrographie  devaient  occu- 
per une  large  place  ;  aussi  M.  Boule  leur  accorde-t-il  la  part  qu'elles 
méritent  dans  les  chapitres  qu'il  consacre  successivement  à  chacun  des 
groupes  du  Massif  central.  Mais  il  nous  montre  qu'à  elles  seules,  elles 
ne  permettent  pas  d'assigner  une  date  aux  diff'érentes  éruptions  qui  se 
sont  succédées.  Prenons,  par  exemple,  la  Chaîne  des  Puys  ;  d'une  ma- 
nière générale,  on  peut  dire  que  les  coulées  de  labradorites  et  d'andé- 


MOUVEMEiNT  SCIENTIFIQUE.  397 

sites  recouvrent  les  coulées  de  basaltes  ;  mais,  dans  certaines  localités, 
ce  sont  les  basaltes  qui  recouvrent  les  roches  don!  ils  sont  habituelle- 
ment surmontés.  Par  conséquent,  on  arriverait  à  des  conclusions  abso- 
lument erronées  en  attribuant  toujours  une  plus  grande  anciennelé 
aux  éruptions  volcaniques  qui  ont  donné  naissance  à  des  coulées  de 
basaltes. 

Les  couchesbasaltiques  elles-mêmes  ne  sont  pas  toutes  du  même  âge: 
l'auteur  a  parfaitement  établi  que,  dans  les  environs  du  Puy,  celles  des 
plateaux  sont  plus  anciennes  que  celles  des  pentes  ou  des  vallées. 

En  somme,  si  les  données  topographiques,  stratigraphiques,  géolo- 
giques et  pétrographiques  peuvent  permettre  à  un  homme  de  la  com- 
pétence de  M.  Boule  d'établir  un  classement  chronologique  approxi- 
matif des  différentes  éruptions,  l'âge  de  ces  éruptions  ne  saurait  être 
établi  d'une  façon  positive  que  parla  paléontologie  et  parfois,  quand  il 
s'agit  d'éruptions  postpliocènes,  par  l'archéologie.  Or,  le  Massif  central 
de  la  France  a  livré  bien  des  fossiles  qui  autorisent,  dans  certains  cas, 
à  assigner  aux  coulées  volcaniques  une  date  sûre.  Ainsi,  dans  les  envi- 
rons du  Puy  existe  une  coulée  de  basalte  qui  recouvre  une  couche  ren- 
fermant du  Rhinocéros  de  Merck  et  remontant,  par  conséquent,  au 
Quaternaire  inférieur.  Au  lieu  dit  Les  Rivaux,  les  mêmes  basaltes  sont 
surmontés  de  couches  stratifiées  dans  lesquelles  MM.  Aymard  et  Boule 
ont  recueilli  des  ossements  appartenant,  entre  autres,  au  Mammouth, 
au  Rhinocéros  à  narines  cloisonnées,  à  l'Ours  des  cavernes  et  à  l'Hyène 
des  cavernes,  c'est-à-dire  à  des  espèces  caractéristiques  du  Quaternaire 
moyen.  Par  conséquent,  l'éruption  qui  a  donné  lieu  à  la  coulée  basal- 
tique doit  être  considérée  «  comme  datant  du  Pléistocène  inférieur, 
caractérisé  par  une  faune  à  espèces  chaudes  ». 

C'est  à  cette  époque,  pendant  laquelle  a  vécu  le  Rhinocéros  de  Merck, 
qu'il  faut  faire  remonter  le  fameux  Homme  fossile  de  Denise.  Son  au- 
thenticité ne  saurait  faire  l'objet  d'un  doute.  «  Rien  n'est  plus  facile 
que  de  retrouver  en  place  la  roche  identique  à  celle  qui  empâte  les 
ossements  du  musée  du  Puy.  Elle  est  disposée  en  lits  parfaitement 
stratifiés,  sur  la  pente  sud  du  volcan  de  Denise,  au-dessus  de  la  route, 
près  de  l'Ermitage.  »  M.  Boule  a  fait  l'examen  microscopique  de  la 
gangue  qui  enveloppait  les  ossements  humains  et  il  a  reconnu  qu'elle  a 
une  origine  détritique  et  qu'elle  constitue  un  véritable  dépôt  d'atter- 
rissement.  S'il  est  difficile  de  déterminer  exactement  la  position  strati- 
graphique  de  ce  dépôt,  on  n'en  arrive  pas  moins,  dans  toutes  les  hypo- 
thèses 011  l'on  se  place,  à  assigner  une  antiquité  considérable  aux  osse- 
ments humains  de  la  montagne  de  Denise.  Les  caractères  néandertha* 
loïdes  du  crâne  ne  suffisent  pas  pour  rajeunir  l'Homme  fossile  du 
Velay,  dont  «  il  y  aurait  lieu  de  reprendre  l'étude  à  la  lumière  de  bien 
des  faits  nouveaux  et  il  serait  facile  de  montrer  que  les  caractères 
crâniologiques  invoqués  n'ont  aucune  rigueur  chronologique  ». 


398  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

S'il  parait  bien  établi  que  l'Homme  de  Denise  «  a  été  le  témoin  et 
peut-être  aussi  la  victime»  d'éruptions  dalantdu  Pléistocène  inférieur, 
on  ne  saurait  être  aussi  afiirmatif  pour  le  squelette  humain  de  Grave- 
noire.  Là,  rien  ne  prouve  que  les  scories  où  les  ossements  ont  été 
trouvés  n'aient  pas  été  remaniées.  L'ouvrier  qui  les  a  exhumés  a  même 
affirmé  qu'il  les  avait  rencontrés  près  d'une  excavation  artificielle  mon- 
trant distinctement  les  traces  de  coups  de  pioche. 

Les  abris  des  coulées  basaltiques  de  Pranal  ont  été  sûrement  utilisés 
par  l'Homme  à  une  époque  préhistorique.  Mais  si  la  coulée  dans  laquelle 
se  sont  formés  les  abris,  à  la  suite  de  la  désagrégation  du  basalte,  est 
incontestablement  très  ancienne,  on  peut  affirmer  que  la  station  hu- 
maine ne  remonte  pas  au  delà  du  Néolithique,  ainsi  que  le  démontrent 
la  faune  et  l'industrie.  Seule  la  présence  d'ossements  de  Panthère  serait 
de  nature  à  susciter  quelques  doutes  s'il  n'était  pas  prouvé  que  la 
formation  des  grottes  remonte  très  haut  dans  le  passé  et  que,  par  suite, 
elles  ont  pu  parfaitement  servir  de  refuge  à  des  carnassiers  quater- 
naires avant  d'avoir  été  fréquentées  par  l'Homme. 

M.  Boule  établit  l'âge  delà  station  humaine  de  la  lave  de  Blanzat; 
elle  date  sûrement  de  l'âge  du  Renne.  Il  étudie  enfin  celle  de  Neschers 
et  démontre  que  la  coulée  du  Tartaret,  au  milieu  de  laquelle  est  situé 
un  abri  sous  roche  utilisé  par  l'Homme,  est  «  postérieure  à  la  faune  à 
Elephas  primigenius  ou  tout  au  plus  contemporaine  de  cette  faune.  » 
Par  conséquent,  on  peut  affirmer  que  la  station  humaine  est  plus 
récente.  C'est  ce  que  prouve  l'étude  de  la  faune  et  de  l'industrie. 
M.  Boule  figure  un  bois  de  Renne  portant,  gravée  au  trait,  l'image  d'un 
cheval.  Or,  les  recherches  de  Piette  nous  ont  appris  que  ce  genre  de 
gravure  a  fait  son  apparition  «  peu  de  temps  avant  que  le  Renne  ne 
quitte  définitivement  nos  régions  pour  retourner  vers  le  Nord.  » 

De  sa  consciencieuse  étude,  M.  Boule  tire  la  conclusion  que  les 
éruptions  volcaniques  du  Massif  central  de  la  France  se  sont  succédées, 
presque  sans  interruption,  pendant  toute  la  période  de  creusement  des 
vallées  actuelles.  Dans  le  Velay,  les  dernières  eurent  lieu  à  l'époque  où 
vivait  l'Éléphant  antique.  La  principale  phase  éruptive  de  la  Chaîne  des 
Puys  se  produisit  pendant  l'âge  du  Mammouth;  la  plus  récente  de 
toutes,  celle  du  Tartaret,  est  encore  antérieure  à  la  fin  de  l'âge  du 
Renne.  Par  conséquent,  l'Homme  en  a  pu  être  le  témoin  ;  et  lorsque  l'on 
rencontre,  comme  à  Denise,  des  restes  humains  au  milieu  des  scories, 
on  n'est  nullement  en  droit  de  suspecter  l'authenticité  de  ces  débris 
parce  que  leur  contemporanéité  avec  les  éruptions  volcaniques  nous 
reporterait  trop  haut  dans  le  passé,  ni  de  rajeunirces  éruptions,  comme 
l'ont  fait  les  abbés  Hamard  etJacquart,  pour  ne'pas  attribuera  l'Homme 
une  antiquité  exagérée.  Tous  les  faits  recueillis  par  M.  Boule,  de  quel- 
que nature  qu'ils  soient,  concordent  d'une  façon  si  satisfaisante  qu'on 
peut  regarder  comme  démontrée  sa  thèse  sur  l'âge  des  derniers  volcans 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  399 

de  la  France  et  comme  résolue  la  question  de  l'ancienneté  des  restes 
humains  rencontrés  dans  les  coulées  volcaniques  du  Massif  central 
ou  à  leursurface. 

R.  Verneau. 

W.  Branco.  Ueber  die  fraglichen  fossilen  menschlichen  Fussspûren  dm  Sandsteine 
von  Varnambo  A,  Victoria,  uad  andere  angebliche  Spùren  des  fossilen  Menschen 
in  Australien  (Sur  les  empreiutes  fossiles  problématiques  de  pas  humains  de  Var- 
nambool  et  autres  prétendues  traces  de  l'homme  fossile  en  Australie).  Zeitsch.  fiir 
Ethnologie.  Heft  I,  1903. 

Id.  Fragliche  Reste  und  Fussfiihrten  des  tertiâren  Menschen  (Restes  et  empreintes 
de  pas  problématiques  de  l'Homme  tertiaire).  Monatsberickte  der  deutsch.  Geolog. 
Gesellsch.,  n°  7,  1904. 

M.  Branco  convaincu,  comme  la  plupart  des  paléontologistes,  que 
Texistence  du  genre  Homo  dans  le  Tertiaire  supérieur  est  très  vraisem- 
bable,  passe  rapidement  en  revue,  dans  le  premier  mémoire,  les  observa- 
tions publiées  jusqu'à  présent  sur  la  découverte  des  restes  de  cet  homme 
ou  des  traces  de  son  activité  dans  des  assises  attribuées  au  Tertiaire. 

Les  traces  d'industrie  se  bornent  pour  le  moment  aux  «  pierres  uti- 
lisées »  de  M.  Rutot  ;  elles  sont  bien  faibles  pour  nous  faire  admettre  que 
cet  homme,  dont  nous  pressentons  l'existence,  a  vécu  en  Europe. 

Les  restes  de  squelettes  sont  :  1"  les  dents  du  Bohnerz  de  Souabe 
signalées  par  M.  Klaatsch  et  étudiées  par  M.  Branco;  elles  ont  proba- 
blement appartenu  au  Dryopithèque  ;  2°  le  crâne  de  Calaveras,  qui  a 
fait  Tobjet  de  nombreux  travaux  depuis  sa  découverte  en  1866  et 
dont  M.  Branco  n'admet  pas  l'authenticité,  non  plus  que  celle  des 
autres  portions  de  squelettes  trouvés  en  Californie;  3°  les  squelettes  de 
Savona  en  Ligurie,  de  Lamassas  en  Lot-et-Garonne,  de  Castelnodolo 
qui  proviennent  de  sépultures  creusées  dans  le  Miocène  ou  le  Pliocène; 
4"  les  squelettes  trouvés  dans  le  limon  des  Pampas  de  la  République 
Argentine;  leur  âge  dépend  surtout  de  l'âge  attribué  aux  assises  supé- 
rieures du  Pampéen  que  certains  auteurs  considèrent  comme  quater- 
naires, d'autres  comme  pliocènes.  M.  Branco  se  rallie  à  la  première  opi- 
nion qui  paraît  de  plus  en  plus  vraisemblable  depuis  que  nous  savons 
que  la  marche  de  l'évolution  a  été  totalement  différente  sur  le  continent 
austral  et  sur  le  continent  boréal. 

Les  empreintes  de  pas  n'apportent  pas  de  preuves  plus  décisives, 
car  aucune  d'elles  n'est  certainement  authentique.  Les  plus  anciennes 
ont  été  signalées  dès  1805,  sur  les  bords  de  la  rivière  Buchtarma  en 
Sibérie;  elles  sont  probablement  intentionnellement  taillées  dans  une 
roche  granitique;  elles  sont  associées  à  des  empreintes  de  fer  de  cheval. 
M.  Branco  examine  ensuite  les  traces  signalées  en  Amérique,  en  Géorgie, 
à  Saint-Louis  et  dans  le  Nevada,  aucune  ne  lui  paraît  mériter  un  crédit 
sérieux.  11  étudie  enfin  avec  beaucoup  de  soin  des  empreintes  décou- 


400  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

verles  en  1903  dans  l'Afrique  occidentale  allemande,  ce  ne  sont  pas 
des  traces  humaines  car  leurs  proportions  diffèrent  absolument  de 
celles  des  pieds  humains,  elles  sont  peut-être  attribuables  à  un  anthro- 
pomorphe inconnu,  mais  cela  est  très  douteux;  l'une  d'entre  elles  pré- 
sente six  orteils.  Il  paraît  probable  que  ce  sont  des  représentations 
présentant  quelque  analogie  avec  les  gravures  rupeslres  du  Sud  de 
TAlgérie. 

V Anthropologie  a.  rendu  compte  déjk  de  la  découverte  sensationnelle 
faite  en  Australie,  à  Varnambool  (Victoria),  à  60  mètres  de  profondeur, 
sur  un  grès  marin,  d'empreintes  problématiques  qui  rappellent  celles 
de  deux  pieds  humains  et  celle  du  siège  d'un  homme  (ou  de  deux 
hommes)  assis. 

La  coupe  du  gisement  est  la  suivante  de  haut  en  bas  : 

1.  Terre  arable,  sol  de  la  forêt. 

2.  Argile. 

3.  Roche  volcanique. 

4.  Calcaire  avec  mollusques  marins,  Nauiilus^  Peclen,  Terebralulay 
Echinus. 

5.  Grès  calcaire  à  empreintes  d'Homme,  d'Emeu,  de  Kangourou,  de 
Dingo. 

Il  est  vraisemblable,  quelle  que  soit  la  rapidité  de  la  sédimentation 
dans  les  régions  tropicales,  que  ces  grès  sont  d'âge  assez  ancien.  On  a 
cru  pouvoir  de  là  conclure  qu'on  était  en  présence  d'empreintes  de  pas 
d'Homme  tertiaire;  mais  cette  conclusion  est  au  moins  prématurée  tant 
que  l'on  ignorera  l'âge  de  ces  calcaires  à  fossiles  marins. 

M.  Branco  a  eu  à  sa  disposition  un  moulage  des  empreintes  de  Var- 
nambool, il  en  donne  la  figure  à  côté  d'une  empreinte  comparative 
laissée  sur  du  plâtre  par  un  jeune  homme  accroupi.  Les  résultats  de 
son  étude,  très  scientifiquement  faite,  sont  : 

1°  Qu'on  ne  peut  tirer  aucune  conclusion  certaine  relativement  à 
l'empreinte  du  siège,  qui  est  peu  nette,  et  supposerait  une  position  con- 
tournée de  l'individu  que  justifie  mal  l'examen  attentif  des  empreintes 
des  pieds; 

2°  Que  les  prétendues  empreintes,  dont  l'analogie  avec  des  pas 
humains  est  assez  frappante  au  premier  abord,  sont  exceptionnellement 
étroites.  Elles  sont  remarquablement  symétriques,  ce  qui  donne  bien  à 
penser  qu'il  s'agit  d'empreintes  de  pas;  mais  leur  état  actuel  ne  permet 
aucune  affirmation  positive,  car  il  est  en  particulier  impossible  d'y  voir 
la  moindre  trace  d'ongles  ou  d'orteils.  11  faudrait  admettre,  comme  l'a 
remarqué  Gregory,  que  cet  Homme  si  ancien  ne  marchait  pas  pieds- 
nus. 

Il  est  d'ailleurs  vraisemblable  que  si  un  ou  deux  hommes  (car 
l'empreinte  du  siège,  si  peu  nette,  a  été  interprétée  par  certains  auteurs 
comme  la  trace  d'un  homme  et  d'une  femme)  s'étaient  assis  en  ce  point, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  401 

ils  auraient  laissé  les  traces  d*un  grand  nombre  de  pas  et  non  de  deux 
pieds  seulement. 

Quant  aux  autres  preuves  de  l'existence  de  l'Homme  fossile  en  Aus- 
tralie, que  rappelle  M.  Branco,  elles  sont  extrêmement  rares  (1)  bien 
que  les  chercheurs  d'or  aient  activement  exploré  la  plupart  des  dépôts 
alluviaux.  Elles  comprennent  seulement  deux  ou  trois  trouvailles  d'ins- 
truments en  pierre,  plus  ou  moins  intentionnellement  taillés,  d'âge  in- 
déterminé, quelques  aiguilles  en  os  et  surtout  deux  dents  humaines 
trouvées  avec  des  restes  de  grands  marsupiaux, /^î'pro^oc^one^  Thylacoleo, 
qui  sont  peut-être  d'âge  pliocène.  La  question  importante  est  desavoir 
si  ces  dents  ont  été  réellement  recueillies  avec  ces  ossements  fossiles  et 
on  n'a,  à  ce  sujet,  aucune  certitude. 

Une  autre  découverte  aussi  peu  nette  au  point  de  vue  scientifique  est 
celle  d'un  côté  de  Nothotherium  Mitchetli  portant  des  traces  d'incisions 
intentionnelles. 

A.  Thevenin. 

Sturoe  (D'  Allen).  Catalogue  descriptif  de  sa  collection  préhistorique.  Broch.  de  110 

pages.  Nice,  1906. 

La  collection  d'objets  des  époques  de  la  pierre  réunie  par  le  D^"  Sturge 
est  une  des  plus  belles  et  des  plus  variées  du  monde  entier.  Son  heu- 
reux possesseur,  qui  habite  Nice,  a  tenu  à  la  montrer  aux  membres  du 
Congrès  de  Monaco;  il  les  a  invités  à  se  rendre  chez  lui  et  a  offert  à 
chacun  d'eux  une  brochure  où  sont  décrits  les  objets  les  plus  intéres^ 
sants.  La  lecture  de  ce  catalogue  n'a  rien  de  pénible  car  l'auteur  entre- 
mêle ses  énumérations  de  petites  dissertations  sur  des  sujets  variés. 
Elle  montre  que  M.  Sturge  est  un  esprit  distingué,  subtil,  original, 
qu'il  est  passionné  pour  les  antiquités  préhistoriques.  Elle  dénote  une 
connaissance  profonde  delà  morphologie  des  instruments  de  pierre,  de 
leur  typologie  comme    on  dit  parfois  aujourd'hui,  mais  elle  montre 
aussi  que  l'auteur  n'a  guère  envisagé    les  problèmes   préhistoriques 
qu'au  point  de  vue  archéologique  et  très  peu  au  point  de  vue  de  l'his- 
toire naturelle.  Les  côtés    géologique   et    paléontologique    sont   très 
négligés,  ce  qui  explique  qu'après  avoir  lu  tels  paragraphes  du  plus 
haut  intérêt  et  du  plus  grand  mérite  sur  des  questions  de  morphologie 
ou  de  technologie,  on  tombe  tout  à  coup  sur  des  phrases  qui  paraissent 
extraordinaires  à  un  naturaliste  surpris  de  les  trouver  en  si  bonne  com- 
pagnie. 

Un  catalogue  ne  s'analyse  pas.  Il  me  paraît  pourtant  utile  de  signaler 
à  nos  lecteurs  qui  n'ont  pas  eu  le  plaisir  de  visiter  la  collection  du 

(1)  Voir  Etiieridge.  lias  Man  a  geological  history  in  Australia.  Proceed.  Linnean  Soc. 
of  N.  S.  Whales,  Ser.  2,  vol.  V.  1890. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  190G.  26 


402  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

D""  Sturge  les  séries  les  plus  importantes,  soit  par  leur  beauté,  soit  par 
leur  nouveauté,  et  de  leur  présenter  quelques-uns  des  commentaires  dont 
leur  propriétaire  les  accompagne. 

A  côté  d'un  choix  de  pièces  de  la  Scandinavie,  le  !)■'  S.  avait  placé 
une  collection  superbe  d'instruments  égyptiens  de  la  péi'iode  prédynas- 
tique,  presque  tous  achetés  à  des  Arabes.  On  sait  que  ce  merveilleux 
outillage  s'est  continué  pendant  les  premières  dynasties  mais  sans 
présenter  la  même  perfection.  Quant  aux  instruments  en  pierre  trouvés 
dans  des  monuments  moins  anciens,  de  laXlI*^  dynastie  par  exemple, 
l'auteur  partage  l'avis  de  M.  de  Morgan  que  ces  instruments  doivent 
être  attribués  à  une  station  préhistorique  beaucoup  plus  ancienne.  L'in- 
dustrie de  la  pierre  dite  prédjnastique  serait  contemporaine  de  l'âge  du 
bronze.  Mais  il  y  aurait  en  E^^ypte  une  industrie  purement  néolithique, 
prémétallique,  dont  les  produits  se  rencontrent  sur  le  sable  du  désert  ou 
en  tas  de  rebuts  ressemblant  aux  kjoekkenmoeddings  danois.  Ces  pro- 
duits sont  différents  des  instruments  prédynastiques.  Ils  ne  se  recueil- 
lent jamais  dans  les  tombeaux.  On  les  trouve  presque  exclusivement 
autour  du  Fayoum.  Des  objets  très  semblables  ont  pourtant  été  signalés 
dans  le  Sahara,  au  sud  de  l'Algérie,  dans  le  sud  de  la  Palestine  et  aux 
environs  de  Luxor.  Avec  les  silex  taillés  on  trouve  au  Fayoum  des  haches 
polies.  Les  différences  de  patine  entre  ces  objets  et  ceux  de  la  première 
série  prouvent  qu'il  s'agit  d'une  période  beaucoup  plus  ancienne  et 
d'une  très  grande  durée. 

Le  groupement  parallèle,  dans  une  même  vitrine,  d'instruments  en 
pierre  de  la  Scandinavie  et  du  Fayoum  montre  de  telles  ressemblances 
que  M.  Sturge  ne  peut  croire  à  de  simples  coïncidences;  il  doit  y  avoir 
entre  les  deux  civilisations  des  rapports  étroits  qu'on  ne  tardera  pas  à 
découvrir.  Un  problème  du  même  genre  se  pose  devant  la  collection  de 
pointes  de  flèches  de  diverses  parties  du  monde,  où  les  mêmes  types 
se  retrouvent. 

Une  série  des  plus  curieuses  est  celle  des  instruments  néolithiques 
de  la  Grande-Bretagne.  On  y  remarque  des  pièces  travaillées  à  deux 
époques  différentes,  la  différence  de  patine  marquant  l'espace  de  temps 
compris  entre  le  premier  travail  et  le  second.  Ces  objets  conduisent 
M.  Sturge  à  attribuer  à  l'époque  néolithique  une  durée  très  considé- 
rable. Si  l'on  suppose  que  les  dernières  retouches  à  patine  légère 
remontent  à  4.000  ou  5.000  ans,  quelle  longueur  de  temps  nous  sépare 
de  l'époque  du  premier  travail  correspondant  aux  surfaces  à  patine 
profonde? 

Je  passe  sur  les  nombreuses  vitrines  renfermant  des  instruments 
néolithiques  taillés  ou  polis  d'un  grand  nombre  de  pays,  des  armes  de 
l'époque  du  bronze,  des  haches,  des  fibules,  et  d'autres  objets  métalli- 
ques et  j'arrive  aux  séries  paléolithiques. 

L'auteur  nous  donne  de  curieux  renseignements  sur  les  formes  chel^ 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  403 

léennes  et  acheuléennes  de  l'Angle'erre  mais  le  cô!é  géologique  de  ses 
explications  laisse  plutôt  à  désirer.  Trois  autres  séries  paléolithiques 
sont  remarquables  :  celles  des  Somalis,  des  Indes  anglaises  et  de 
lEgypte.  M.  Seton-Karr  a  trouvé  beaucoup  d'instruments  en  place  au 
sein  d'une  véritable  formation  géologique  superficielle.  Quant  à  leur 
ressemblance  avec  les  types  européens,  elle  est  frappante  et  se  pour- 
suit parfois  jusque  dans  les  moindres  détails  de  fabrication.  Les  pierres 
taillées  de  Madras  offrent  les  mêmes  similitudes  et  l'on  sait  qu'elles 
proviennent  d'une  latérite  ancienne.  Les  types  paléolithiques  ont  été 
recueillis  par  l'auteur  lui-même  sur  le  plateau  qui  domine  la  vallée 
des  Tombeaux  des  Hois,  à  une  altitude  de  300  mètres  Beaucoup  ont 
une  double  patine. 

A  signaler  encore  une  collection  de  silex  provenant  d'un  dépôt  de 
terre  à  briques  du  Suffolk  et  reproduisant  exactement  les  formes  du 
Moustier;  une  immense  série  comparative  de  silex  minuscules  des  pro- 
venances les  plus  diverses  :  Angleterre,  Indes  anglaises,  Egypte, 
Sahara,  Algérie,  France;  de  nombreuses  pièces  des  grottes  de  Grimaldi, 
etc. 

Toutes  les  personnes  qui  ont  eu  le  plaisir  de  répondre  à  l'appel  de 
M.  le  Dr  Sturge  ont  été  éblouis  à  la  vue  de  ces  splendides  collections  et 
charmés  de  la  façon  dont  M.  et  M"i°  Sturge  en  faisaient  les  honneurs. 

M.   BOULK. 

GoMMOM.  Contribution  à  Tétude  des  silex  taillés  de  Saint-Acheul  et  de  Montières. 
—  Découverte  d'un  atelier  de  taille  paléolithique  ancien  à  Saint-Acheul.  Deux 

broch.  avec  fig.,  sans  lieu  ni  date;  ce  sont  très  probablement  des  extraits  du  Bull, 
de  la  Soc.  linnéenne  du  Nord  de  la  France,  1906. 

Dans  la  première  de  ces  brochures,  M.  Commont,  professeur  à  l'école 
normale  d'Amiens,  rappelle  l'histoire  des  carrières  de  Saint-Acheul,  les 
nombreuses  discussions  qu'elles  ont  provoquées,  la  façon  dont  les 
ouvriers  ont  fabriqué  ou  fabriquent  encore  des  faux,  les  difficultés  que 
présente  l'étude  de  pareils  gisements,  les  principales  causes  d'erreurs. 
Il  nous  donne  ensuite  le  tableau  qui  représente,  d'après  lui,  la  succes- 
sion stratigraphique  et  archéologique  des  formations  quaternaires  de 
Saint-Acheul.  Le  voici  légèrement  simplifié  et  disposé  d'une  façon  un 

peu  différente  : 

Néolithique 
Terre  à  briques       |      Outils  campigniens  et  robenhausiens  communs. 

5.  Base  de  la  terre    \  Paléolithique 

àbriques;  surface  de    [    Lames  magdaléniennes  à  patine  blanche  ou  bleuâtre, 
l'ergeron.  ) 

4.  Graviers   supé-     )      „. ,  ....  -  i  *     i        n   •      *     ••         «  *„-i 

.    ,     ,  j      (      Pièces  moustienennes  :   éclats    Levallois  et  pièces  retail- 

neurs  a  la  base  de    >  , .  ,         i_     j 

\  lees  sur  un  ou  deux  bords. 
1 ergeron.                      j 


404  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 


Pièces    acheuléennes,    les  seules   que   l'on    trouve   encore 
commuDément. 


3.  Sables  gras  au- 
dessous  des  graviers 
supérieurs. 

2.  Sable  aigre  ou  \  Pièces  chelléennes,  très  abondantes  il  y  a  trente  ans,  rue 
mélange  de  sable  et  >  Groix-Saint-Firmin  et  rues  avoisinantes,  assez  rares  aujour- 
de  cailloux.  )    d'hui  sur  le  plateau. 

1.  Silex  du  fond  j  Pièces  très  anciennes,  simplement  éclatées,  à  patine  très 
sur  la  craie.  )    profonde,  aux  arêtes  usées  (très  rares  aujourd'hui). 

L'auteur  décrit  brièvement  Foutillage  du  niveau  n"  1,  qui  renferme 
des  instruments  à  taille  grossière,  à  grands  éclats  avec  de  grandes 
réserves  de  la  surface  primitive  du  rognon  de  silex  (photogravures).  Il  y 
a,  en  même  temps,  de  petits  instruments,  sortes  de  grattoirs  avec 
retouches  et  bulbe  de  percussion. 

M.  Commont  traite  ensuite  de  l'époque  chelléenne  à  Saint-Acheul. 
Primitivement  l'industrie  de  cette  époque,  qui  devrait  conserver  le  nom 
d'acheuléenne  par  droit  de  priorité,  ne  comprenait  qu'un  seul  type 
d'instruments,  mais  des  recherches  plus  minutieuses  ont  fait  retrouver 
au  même  niveau  des  éclats  plus  ou  moins  retaillés,  râcloirs  et  grattoirs, 
ou  simples  déchets  de  fabrication.  Le  gisement  de  l'industrie  chelléenne 
se  trouve  dans  les  graviers  inférieurs  qui  ont  aussi  livré  des  molaires 
d'Eléphant  antique. 

Cette  première  brochure  n'offre  rien  de  bien  nouveau  et  surtout  rien 
de  démonstratif.  La  seconde  est  beaucoup  plus  intéressante. 

L'auteur,  suivant  depuis  trois  ans  les  travaux  d'une  carrière  de 
Saint-Acheul,  dite  carrière  Tellier,  a  découvert,  au  sein  des  couches 
quaternaires,  ce  qu'il  croit  être  un  véritable  atelier  paléolithique. 

Voici  la  coupe  des  terrains  telle  qu'on  pouvait  l'observer  en  1905,  de 
haut  en  bas  : 

1.  Terre  à  briques. 

2.  Ergeron. 

3.  Argile  rouge  sableuse  ou  limon  fendillé. 

4.  Limon  gris  avec  poupées  calcaires. 

5.  Sable  jaunâtre,  pur,  très  meuble  avec  veines  de  manganèse  et 
d'ossements. 

6.  Sable  brun  roux,  plus  consistant. 

7.  Limon  blanc,  dit  terre  à  pipe,    renfermant  des   coquilles; 
n'existe  que  d'un  côté  de  la  carrière. 

8.  Lit  de  gravier  plus  ou  moins  épais. 

9.  Craie. 

La  surface  riche  en  silex  taillés  et  considérée  comme  un  atelier  de 
taille  du  silex  sépare  les  graviers  du  fond  n°  8  des  sables  brun  roux 
n°  6;  c'est  sur  le  prolongement  latéral  de  ce  niveau  que  s'intercale  le 
limon  blanc  à  coquilles  n°  7.  Le  gisement  se  trouve  à  48ie,76  au-dessus 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  405 

de  la  rivière  la  plus  voisine  et  à  8"'/20  de  profondeur.  La  couche  de 
sable  qui  supporte  les  silex  taillés,  plus  foncée  et  plus  consistante, 
représente  un  ancien  sol.  Les  pierres  travaillées  étaient  répandues  sur 
un  espace  de  5  mètres  sur  5  mètres.  Vers  la  partie  supérieure  de  la 
couche  n°  6,  à  1™,60  au-dessus  de  l'atelier^,  un  autre  niveau  archéolo- 
gique à  instruments  finement  retouchés,  correspondait  à  l'industrie 
acheuléenne.  L'inventaire  des  objets  de  l'atelier  est  très  intéressant.  Il 
comprend  les  formes  les  plus  variées.  Un  total  de  1.150  pièces  se  décom- 
pose de  la  façon  suivante  :  968  éclats,  92  nucléi  ou  enclumes,  20  percu- 
teurs, 70  outils  divers  dont  15  «  coups  de  poing  ».  Les  quelques  figures 
qui  accompagnent  le  travail  de  M.  Comment  sont  bien  instructives.  A 
côté  d'une  langue  de  chat  des  plus  élégantes  de  forme  et  des  plus  soi- 
gnées de  facture,  nous  voyons  de  grossiers  percuteurs  rappelant  cer- 
tains éolithes  de  M.  Rutot,  des  formes  amygdaloïdes  comme  en  renferme 
le  Mousliérien,  du  Moustier  même,  de  véritables  râcloirs  du  même  type, 
et  toute  une  série  de  petites  formes  qui  ne  sont  que  des  éclats  plus  ou 
moins  bien  retouchés  en  forme  de  grattoirs,  de  pointes  et  même  de  per- 
çoirs. 

Il  y  a,  comme  on  le  voit,  une  sorte  de  contradiction  entre  la  belle 
ordonnance  du  tableau  de  la  succession  des  industries  donné  par  l'au- 
teur dans  sa  première  brochure  et  les  précieuses  observations  qu'il  rap- 
porte dans  la  seconde.  C'est  évidemment  vers  celle-ci  que  vont  nos 
préférences,  car  il  s'agit  ici  d'un  travail  fait  d'après  nature,  sans 
aucune  influence  d'école.  Elle  vient  à  l'appui  des  observations  que  j'ai 
présentées  sur  divers  faciès  de  l'industrie  humaine  du  Pléistocène  infé- 
rieur à  propos  des  grottes  de  Grimaldi.  Il  est  vraiment  curieux  de  voir 
que  dans  ce  miUeu  chelléen,d'un  âge  bien  déterminé,  dont  tous  les  élé- 
ments sont  à  peu  près  contemporains  puisqu'il  s'agit  d'un  atelier  sur 
un  ancien  sol  recouvert  parles  dépôts  d'une  inondation,  sur  1.150  silex 
taillés  on  n'ait  recueilli  que  15  objets  de  type  vraiment  chelléen. 

Des  coquilles  récoltées  dans  la  couche  n°  7  et  envoyées  par  l'auteur 
à  M.  Obermaier  ont  été  déterminées  parle  D»"  Baborde  Prague.  Voici  la 
liste  des  espèces: 

Hélix  hispida  L. 

H.  terrenaCles^;  espèce  éteinte  du  diluvium  de  l'Europe  centrale. 
H.  terrena  var.  Commonti  Babor;  très  abondante. 
H.  arbustorum  L.  var.  Sendtneri  dessin. 
Crionella  lubrica^iiW. 

PupacL  poltavica  Bœttg.  du  Pléistocène  moyen  de  la  Russie  mé- 
ridionale. 
Succinea  cf.  Scliumaclieri  Andr. 
Limnea  auricularia  L. 
L.  —  ovata  Drap. 


408  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

jusque-là;  puis  il  rappelle  les  travaux  de  MM.  Boule,  Cartailhac,  de 
Villeneuve  et  Verneau  et  les  conclusions  que  mes  collaborateurs  et  moi 
nous  avons  cru  pouvoir  tirer  de  nos  études.  11  commente  principale- 
ment les  déductions  de  M.  Boule  et  les  miennes,  en  faisant  parfois 
quelques  réserves,  que  je  ne  saurais  passer  sous  silence. 

Les  lecteurs  de  UAntliropologie  connaissent  nos  idées  sur  les  grottes 
des  Baoussé-Boussé  et  sur  les  vieux  troglodytes  qui  y  vivaient  autre- 
fois; il  serait  oiseux,  par  conséquent,  de  revenir  sur  des  questions  qui  ont 
été,  à  maintes  reprises,  traitées  dans  cette  Bévue.  Je  ne  m'arrêterai  donc 
qu'aux  réserves,  fort  peu  nombreuses  d'ailleurs,  formulées  par  M.  Issel. 
Notre  distingué  confrère  n'est  pas  convaincu  que  le  vaste  plateau 
sous-marin,  dont  les  sondages  du  Prince  de  Monaco  ont  démontré  l'exis- 
tence, ait  émergé  au  début  de  l'époque  quaternaire  et  qu'il  ait  constitué 
«  une  terrasse  sur  laquelle  les  éléphants  et  les  rhinocéros  dont  on  ren- 
contre les  ossements  dans  la  caverne  (du  Prince)  auraient  trouvé  des 
pâturages  ».  Les  observations  faites  dans  la  grotte  «  di  Bergeggi  »  et 
sur  tout  le  littoral  italien  le    portent  à  rajeunir  le  plateau,  dont   la 
submersion  n'aurait  débuté  qu'au  commencement  de  l'époque  actuelle. 
11  n'est  nullement  nécessaire,  ajoute  M.  Issel,  d'admettre  l'hypothèse 
d'une  terrasse  émergée  le  long  du  littoral  «  pour  expliquer  l'existence 
de  puissants  pachydermes  à  proximité  des  grottes  ».  Ce  ne  sont  pas 
des  squelettes  entiers,  dit-il,  qu'on  a  récoltés  dans  les  cavernes,  mais  des 
ossements  isolés,  provenant  surtout  des  membres.  Il  s'agit  vraisembla- 
blement de  parties  détachées  d'animaux  tués  à  une  certaine  distance  et 
emportées  par  l'homme  pour  s'en  nourrir.  Il  remarque  encore  que  le 
rhinocéros  et  surtout  l'éléphant  ne  sont  pas  essentiellement  des  animaux 
des  pays  plats  et  qu'ils  s'accommodent  des  terrains  accidentés.  Quant 
à  l'hippopotame,  c'est  un  animal  dont  les  coutumes  se  concilient  mal 
avec  les  conditions  qu'offre  une  plage  marine  ou  un  littoral  rocheux, 
comme  celui  des  Baoussé-Boussé.  En  revanche,  le  milieu  qui  lui  con- 
vient, il  le  trouvait  dans  les  vallées  voisines  de  la  Boia  et  de  laNervia, 
et  c'est  là,  selon  toute  vraisemblance,  que  les  troglodytes  des  Bochers- 
Bouges  chassaient  aussi  l'éléphant  et  le  rhinocéros. 

Certes,  on  ne  saurait  supposer  que  l'hippopotame  eût  vécu  dans  une 
contrée  dépourvue  d'eau  douce;  mais  le  grand  plateau  aujourd'hui 
submergé  montre  des  dépressions  qui  continuent  la  direction  des  ravins 
actuels,  dépressions  qui  paraissent  bien  correspondre  à  d'anciens  cours 
d'eau.  D'un  autre  côté,  les  restes  d'éléphant  découverts  dans  la  Barma 
Grande  ne  se  réduisent  pas  à  quelques  os  isolés  des  membres  :  M.  Abbo 
n'en  a  pas  terminé  l'extraction,  mais  déjà  il  a  exhumé  de  nombreux 
ossements  de  l'animal  et  notamment  un  os  iliaque  qui  était  articulé 
avec  le  fémur  correspondant.  Si  le  proboscidien  a  été  tué  dans  les  val- 
lées de  la  Boia  ou  de  la  Nervia,  il  faut  admettre  que  les  troglodytes 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  409 

qui  lui  ont  donné  la  chasse  ne  se  sont  pas  laissés  effrayer  par  le  poids 
des  quartiers  qu'ils  ont  transportés  dans  leur  grotte. 

A  propos  des  deux  squelettes  humains  recueillis  dans  la  sépulture 
inférieure  de  la  grotte  des  Enfants,  M.  Issel  reconnaît  qu'ils  présentent 
des  caractères  négroïdes  incontestables  ;  mais  il  ajoute  :  «  S'agit-il  de 
représentants  d'une  race  inférieure  spéciale  qui  aurait  précédé  le  type 
de  Cro-Magnon  ?  Sont-ce,  au  contraire,  des  individus  anormaux  qui 
reproduisent  par  atavisme  les  caractères  d'une  race  plus  ancienne?  » 
—  Je  me  bornerai  à  faire  remarquer  que,  dans  un  cas  comme  dans 
l'autre,  nos  Négroïdes  n'en  fournissent  pas  moins  la  preuve  qu'il  a  vécu 
anciennement  une  race  offrant  des  caractères  d'infériorité  bien  mani- 
festes. M.  Issel  partage  donc,  au  fond,  l'opinion  que  j'ai  émise  à  ce 
sujet. 

A  part  ces  réserves,  qui  ne  portent  que  sur  quelques  détails,  M.  Issel 
se  rallie  complètement  aux  idées  de  M.  Boule  et  aux  miennes.  Nous  ne 
pouvons  que  nous  féliciter  de  voir  nos  conclusions  essentielles  adoptées 
par  un  savant  delà  compétence  du  professeur  de  Gênes. 

R.  Verneau. 

Trutat  (Eug.).  Le  Congrès  international  d'Anthropologie  et  d'Archéologie  pré- 
historiques de  Monaco.  Ext.  du  Bull,  périod.  de  la  Soc.  Ariégeoise  des  Sciences^ 
Lettres  et  Arts.  Fois.,  1906. 

M.  Trutat  nous  donne  ses  impressions  de  congressiste  plutôt  qu'un 
véritable  compte  rendu  de  la  XIIP  session  du  Congrès  international 
d'Anthropologie  et  d'Archéologie  préhistoriques.  Il  mentionne,  en 
effet,  dans  sa  brochure,  qu'un  petit  nombre  des  questions  qui  ont 
fait  l'objet  de  communications  à  Monaco,  car  il  ne  parle  que  des 
éolithes,  des  découvertes  des  Baoussé-Roussé,  des  enceintes  dites 
ligures,  des  cabanes  er  pierres  sèches  de  la  Ligurie  et  du  midi  de  la 
France,  et,  enfin,  de  l'art  des  cavernes.  Pour  trois  de  ces  questions 
(éolithes,  Baoussé-Roussé  et  ornementation  des  cavernes),  M.  Trutat 
accompagne  son  résumé  d'un  court  historique  qui  a  dû  être  fort  goûté 
de  la  plupart  des  lecteurs  du  Bulletin  de  la  Société  Ariégeoise. 

Le  compte  rendu  du  Congrès  qui  a  paru  dans  le  dernier  fascicule  de 
L'Anthropologie  me  dispense  de  donner  une  analyse  plus  détaillée  de 
l'article  de  M.  Trutat.  Je  me  contenterai  d'en  reproduire  un  passage, 
que  je  ne  puis  laisser  passer  sans  rectification.  «  iM.  le  D""  Verneau,  dit 
l'auteur,  s'occupe  ensuite  des  restes  humains  trouvés  à  Baoussé- 
Roussé,  et  il  s'étend  tout  particulièrement  sur  cette  race  négroïde 
trouvée  là  pour  la  première  fois.  Fait  de  première  importance  qui 
montre  que  dès  ces  époques  reculées  des  relations  existaient  avec  le 
continent  Africain.  Chose  remarquable,  cette  race  deGrimaldi  alaissédes 
représentants  dans  quelques  localités  isolées  dans  le  fond  des  mon- 
tagnesquilongentlescôtes, M.  Verneau  lésa  formellementreconnues...  » 


410  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Ce  n'est  pas  dans  les  montagnes  qui  longent  tes  côtes  que  j'ai  recher- 
ché et  retrouvé  les  descendants  des  Négroïdes  de  Grimaldi,  car  on 
aurait  pu  m'objecter  qu'il  s'agissait  de  types  plus  ou  moins  négritiques 
arrivés  par  mer  à  une  époque  récente  ;  c'est  en  Suisse  et  dans  des  loca- 
lités retirées  du  Piémont  et  de  l'intérieur  de  l'Italie  septentrionale  que 
j'ai  fait  surtout  mes  recherches  La  découverte,  loin  des  côtes,  de  nom- 
breuses traces  d'un  élément  négroïde  a  une  tout  autre  importance,  car 
elle  permet  d'éliminer  l'hypothèse  de  l'arrivée  par  mer  d'individus 
partis  d'Afrique. 

Il  me  semble  impossible,  en  effet,  de  voir  dans  les  Négroïdes  de  la 
grotte  des  Enfants  la  preuve  que  «  des  relations  existaient  avec  le  con- 
tinent Africain  »  dès  l'époque  où  venaient  de  se  déposer,  dans  les 
cavernes  des  Baoussé-Roussé,  les  couches  à  faune  chaude.  Quelques 
préhistoriens  pourront  soutenir  cette  thèse,  mais  les  faits  que  j'ai 
réunis  dans  mon  travail  me  paraissent  de  nature  à  rallier  la  grande 
majorité  des  suffrages  en  faveur  de  l'autochtonisme  des  Négroïdes  qua- 
ternaires de  l'Europe. 

R.  V. 

Bkeuil  (Abbé).  Les  Cottes,  grotte  du  vieil  âge  du  Renne  à  Saint-Pierre  de  Maillé 
(Vienne).  Revue  de  l'École  d'Anlhr.  de  Paris,  lévrier  1906. 

Le  Pléistocène  supérieur  est  très  difficile  à  détailler  par  les  seules 
méthodes  géologiques  ou  paléontologiques;  il  forme,  à  ce  point  de  vue, 
un  bloc  compacte,  dans  lequel  les  archéologues  seuls  ont  pu  jusqu'à 
présent  établir  des  divisions.  Nos  lecteurs  savent  que,  dans  ces  derniers 
temps,  MM.  Cartailhac  et  Breuil  sont  arrivés  à  faire  de  nombreuses 
coupures  dans  l'âge  du  Renne,  en  utilisant  d'un  côté  les  beaux  travaux 
de  Piette  sur  les  harpons  et  sur  les  œuvres  d'art,  et  en  étudiant  de  plus 
près  l'industrie  du  silex.  La  grotte  des  Cottes,  décrite  par  l'abbé  Breuil, 
est  un  gisement  qui  se  rapporte  à  l'âge  du  Renne  le  plus  ancien, à  l'âge 
du  Renne  inférieur,  qu'on  peut  appeler  Aurignacien  du  nom  de  la 
célèbre  station  fouillée  par  Ed.  Lartet  et  caractérisée  par  une  industrie 
spéciale. 

La  grotte  des  Cottes  s'ouvre  à  7  mètres  au  dessus  du  niveau  de  la  rivière 
la  Gartempe.  Elle  a  été  fouillée  à  deux  reprises  par  M.  de  Rochebrune  qui 
a  publié  les  résultats  de  ses  travaux  d'abord  en  une  brochure  spéciale, 
puis  dans  les  Matériaux  (1881,  p.  102).  Les  résultats  de  la  seconde 
fouille  n'avaient  pas  été  suffisamment  étudiés  et  M.  l'abbé  Breuil  en  a 
repris  l'exposé.  Cette  seconde  fouille  a  livré  des  débris  de  Mammouth,  de 
Rhinocéros  à  narines  cloisonnées,  de  Lion,  d'Hyène,  d'Ours  des  caver- 
nes, de  Renne  L'industrie  accompagnant  ces  ossements  comprend, 
outre  de  belles  séries  moustiériennes,  un  outillage  spécial  en  os,  en  bois 
de  Cervidés  (que  M.  B.  s'obstine  à  appeler  corne),  en  ivoire,  et  des  silex 
de   formes  particulières.   Tout  cela  est  de  V Aurignacien  typique.  Les 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  411 

objets  en  os  sont  de  menas  poinçons  assez  variés  de  formes  :  des  «  mar- 
ques de  chasse  «à  traits  alignés,  une  longue  tige  cylindrique  en  ivoire, 
une  grosse  épingle,  des  sortes  de  lissoirs  en  bois  de  Renne  et  surtout 
une  série  de  pointes  à  base  fendue,  dites  du  type  d'Aurignac,  lesquelles 
seraient  tout  à  fait  caractéristiques  du  vieil  âge  du  Renne.  A  noter  de 
plus  un  morceau  de  canon  de  Renne  évidé,  sorte  de  flacon  renfermant 
encore  de  l'ocre  et  analogue  aux  étuis  à  aiguilles  déjà  connus. 

L'outillage  de  silex  comprend  :  quelques  burins,  la  plupart  différents 
des  formes  classiques  par  un  des  tranchants  très  retouché  ;  des  grat- 
toirs et  des  perçoirs;  des  lames  avec  pointes  déviées  latéralement  en 
forme  de  vraies  lames  de  couteaux  ;  des  lames  avec  grandes  concavités 
retouchées  soigneusement:  des  grattoirs  nucléiformes,  trapus,  carénés. 
Ces  deux  dernières  catégories  d'objets  ne  sont  pas  moins  caractéristiques 
de  ce  niveau  que  les  pointes  en  os  à  base  fendue. 

Le  travail  se  termine  par  des  comparaisons  avec  d'autres  localités  : 
Brassempouy,  Spy,  Pair-Non-Pair,  etc.  qui  permettent  d'établir  défi- 
nitivement le  niveau  d'Aurignac  dans  la  série  stratigraphique  de  l'âge 
du  Renne.  Il  serait  situé  entre  le  Moustiérien  et  le  Solutréen  et  compren- 
drait des  assises  présolutréennes,  antérieures  au  grand  développement 
attislique  de  l'âge  du  Renne  :  «  Sauf  quelques  figurines  humaines  on  n'y 
peut  rapporter  que  des  ornementations  géométriquesabsolument  rudi- 
mentaires,  qui  y  sont  d'ailleurs  très  constantes  ».  il  paraît  que  Ed.  Lar- 
tet,  Sir  John  Evans  et  M.  Hamy  avaient  parfaitement  compris  cette 
chronologie  de  même  que  Gabriel  de  Mortillet,  lors  de  ses  premiers 
essais  de  classification. 

Je  dois  me  demander  pour  ma  part,  en  qualité  de  géologue  et  de 
paléontologiste,  si  ce  niveau  ne  devrait  pas  être  rattaché  au  Moustiérien 
ou  pour  parler  autrement  au  Pléistocène  moyen  plutôt  qu'au  Pléis- 
tocène  supérieur.  On  pourrait  le  soutenir  par  de  bons  arguments.  La 
vérité  c'est  qu'ici  comme  partout  ailleurs,  la  nature  se  moque  de  nos 
classifications.  11  n'en  est  pas  moins  vrai  que  MM.  Cartailhac  et  Breuil 
nous  ont  rendu  un  grand  service  en  débrouillant  la  succession  des 
belles  industries  du  Paléolithique  supérieur  sur  le  territoire  français. 

M.  Boule. 


Bkelml  (L'abbé).  La  dégénérescence  des  figures  d'animaux  en  motifs  ornemen- 
taux à  l'époque  du  Renne  (Extr.  des  Comptes  rendus  de  V Acad.  des  Inscriptions 
et  Iielle:i- Lettres,  1905,  p.  105). 

L'auteur  a  eu  l'idée  d'étudier  certains  graphiques  considérés  comme 
inintelligibles,  le  plus  souvent  de  bien  médiocre  intérêt  au  point  de  vue 
artistique.  Après  en  avoir  fait  une  nombreuse  collection,  il  s'est  attaché 
à  les  disposer  en  séries  ou  en  familles  naturelles,  les  uns,  plus  simples, 
paraissant  dériver  d'autres  plus  compliqués,  lesquels  se  relient  à  des 


412  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

dessins  nettement  figurés  dont  ils  ne  sont  qu'une  interprétation  réduite 
ou  géométrique.  Ce  serait  là  une  des  sources,  la  source  la  plus  impor- 
tante  de  l'ornementation  des  artistes  de  l'âge  du  Renne. 

La  note  lue  par  M.  l'abbé  lireuil  à  l'Académie  des  Inscriptions  n'est 
que  le  résumé  d'une  thèse  présentée  à  l'Université  suisse  de  Fribourg 
où  elle  a  été  couverte  d'éloges.  La  publication  de  ce  dernier  travail  est 
des  plus  désirables  et  nous  souhaitons  qu'elle  ne  se  fasse  pas  trop 
attendre. 

Dans  sa  note  préliminaire,  l'auteur  a  pris  comme  exemples  un  certain 
nombre  de  figurations  :  les  signes  tectiformes,  les  mains,  la  queue  de 
poisson,  le  poisson  entier,  le  serpent,  la  jambe  antérieure  du  Cheval 
ou  du  Bison,  la  ramure  de  Renne,  les  têtes  d'Equidés  et  d'autres  Mam- 
mifères. De  cette  longue  énumération  de  faits  qui  se  présentera  avec 
une  richesse  encore  plus  grande  dans  le  travail  définitif,  M.  Breuil 
tire  la  conclusion  qu'à  côté  des  grands  artistes  de  Tâge  du  Renne,  qui 
demandaient  à  une  étude  directe  de  la  nature  les  sujets  qu'ils  gravaient 
ou  peignaient  avec  tant  de  perfection,  il  y  avait  des  copistes  qui,  défi- 
gurant peu  à  peu  les  œuvres  dont  ils  s'inspiraient  «  arrivaient  incon- 
sciemment à  modifier  profondément,  à  abolir,  et  parfois  à  inverser 
même  le  sens  d'une  figure  naturaliste,  jusqu'à  la  réduire  au  misérable 
rôle  de  motif  ornemental  ». 

En  dehors  du  stock  limité  des  ornements  primordiaux,  qui  se  retrou- 
vent partout,  l'ornementation  de  l'âge  du  Renne  est  donc  le  fruit  d'une 
altération  plus  ou  moins  profonde  de  l'art  figuré.  Cela  rappelle  l'origine 
des  écritures  qui  sont  sorties  de  la  pictographie  et  dont  les  caractères 
ont  perdu  l'aspect  et  la  signification  qu'ils  avaient  primitivement. 

M.  B. 

Breuil  (H.).  L'art  à  ses  débuts,  l'Enfant,  les  Primitifs  (Extr.  de  la  Revue  de  philo- 
sophie^ 1906.) 

Charmant  article  qui  paraît  n'être  que  le  premier  d'une  série  consa- 
crée au  problème  de  l'origine  de  l'art.  Dans  celui-ci  Tauteur  étudie 
l'évolution  de  l'enfant  en  ce  qui  concerne  son  intelligence  des  images 
et  leur  reproduction.  Voici  le  résumé  de  cette  enquête  : 

«  L'Enfant  comprend  d'abord  les  images  les  plus  semblables  à  la  réa- 
lité par  leur  proportions,  comme  les  statues  et  les  figurines,  ou  qui  en 
donnentplus  ou  moins  parfaitement  l'illusion,  comme  l'image  du  miroir, 
et  enfin  l'ombre.  Plus  tard  il  comprend  les  estampes  et  les  peintures, 
interprétant  bientôt  dans  un  sens  figuré  tout  ce  qui  se  présente  à  ses 
regards.  C'est  sous  cette  forme,  et  par  le  choix  grossier  des  matériaux 
auxquels  il  donne  plus  ou  moins  arbitrairement  une  signification,  que 
l'enfant  fait  ses  premiers  efforts  spontanés  pour  matérialiser  ses  concep- 
tions; sauf  des  modelages  bien  frustes,  la  statuaire  ou  la  sculpture 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  413 

est  au-dessus  de  ce  que  peuvent  réaliser  ses  mains,  mais  l'ombre  portée, 

l'empreinte,  le  découpage  de  silhouettes,  doivent  être  plutôt  considérés 

comme  spontanés  que  les  dessins  exécutés  par  imitation  d'un  geste 

ou  mémoire  fidèle  d'un  cliché  ». 

Il  sera  intéressant  de  voir  si,  dans  ce  cas  encore,  l'évolution  du  groupe 

est  parallèle  à  celle  de  l'individu  et  si  le  développement  artistique  des 

Primitifs  s'est  fait  comme  chez  les  Enfants  d'aujourd'hui.  Evidemment  il 

doit  y  avoir  des  difïérences  tenant  à  la  différence  des  milieux  servant  de 

premiers  éducateurs.  M.  Breuil  est,  mieux  que  personne,  à  même  de 

nous  l'apprendre. 

M.  B. 

Pabat  (L'Abbé).  Les  grottes  de  la  vallée  de  l'Yonne.  La  grotte  de  La  Roche-au- 
Loup  (Extr.  du  Bull,  de  la  Soc.  des  Sciences  de  l'Yonne,  2e  semestre  de  1904. 
Auxen-ô,  1906). 

M.  Parât,  après  avoir  beaucoup  écrit  sur  les  grottes  de  la  vallée  de 
la  Cure,  entreprend  la  description  de  celles  de  la  vallée  de  l'Yonne 
moins  riche  que  la  première.  Dans  son  cours  moyen,  c'est-à-dire  dans 
la  traversée  du  département  qui  lui  doit  son  nom,  la  vallée  de  l'Yonne 
présente  36  excavations  longues  de  3  à  35  mètres  et  creusées  presque 
toutes  dans  le  Rauracien  (ou  Corallien  inférieur).  Au  point  de  vue 
archéologique,  6  grottes  seulement  ont  fourni  des  résultats. 

La  plus  importante,  à  cet  égard,  est  celle  de  La  Roche-au-Loup. 
Son  remplissage,  épais  de  5  mètres,  comprenait  deux  couches  distinctes 
d'aspect  ;  une  couche  inférieure,  de  beaucoup  la  plus  importante,  formée 
d'argile  jaune  parfois  sableuse  et  caillouteuse  et  d'âge  quaternaire  ; 
une  couche  supérieure,  de  couleur  brune,  tout  au  plus  néolithique.  La 
plupart  des  animaux  dont  les  débris  osseux  ont  été  recueillis  dans 
l'argile  inférieure,  et  que  j'ai  déterminés  au  Muséum,  appartiennent  à 
la  faune  du  Mammouth.  L'auteur  signale  encore  la  présence  de  deux 
espèces  qu'on  ne  s'attendait  pas  à  trouver  ici  :  l'Hippopotame  de  déter- 
mination certaine  puisqu'elle  est  due  à  M.  Albert  Gaudry,  et  l'Élan.  Il 
serait  très  intéressant  de  connaître  la  position  exacte  dans  la  masse  du 
remplissage  de  l'incisive  d'Hippopotame,  mais  M.  Parât  ne  peut  l'indi- 
quer, ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'admettre  la  contemporanéité  de  cette 
espèce  chaude  avec  les  espèces  froides  de  l'ensemble  du  gisement.  La 
présence  de  l'Elan,  dans  ce  même  milieu,  sans  être  aussi  extraordinaire, 
est  un  fait  assez  étrange  et  la  détermination  des  dents  sur  lesquelles  ce 
fait  est  basé  mériterait  d'être  reprise.  L'industrie  lithique  compren- 
drait deux  niveaux  :  l'inférieur  moustérien,  le  supérieur  magdalénien. 

L'auteur  a  fait  suivre  l'exposé  de  ses  recherches  dans  la  grotte  de  La 
Roche-au-Loup  d'une  dissertation  sur  l'histoire  des  temps  quaternaires, 
notamment  sur  l'époque  moustiérienne  et  sur  l'Homme  préhistorique, 
avec  exemples  tirés  de  la  région,  qui  sera  certainement  goûtée  des  lec- 


414  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUK. 

leurs  du  Bulleùn  de  la  Société  des   Sciences  de  l^ Yonne   auxquels    il 
s'adresse. 

Les  autres  gisements  de  la  vallée  de  l'Yonne  datent  les  uns  du  Qua- 
ternaire supérieur,  d'autres  du  Néolithique;  les  derniers  sont  de  Tépoque 
des  métaux  et  gallo-romains.  Une  note  complémentaire  raconte  l'his- 
toire fort  peu  édifiante  de  la  fabrication  d'une  fausse  gravure  sur  os 
représentant  un  Ours  des  Cavernes  et  qui  aurait  été  donnée  comme  pro- 
venant de  la  Grotte  des  Fées. 

M.  B. 

E.  Neuweilkr.  Die  praehistorischen  Pflanzenreste  Mitteleuropas  mis  besonderer 
Berùcksichtigimg  der  schweizerischen  Funde  (Les  restes  végétaux  préhistori- 
ques de  l'Europe  centrale,  avec  référence  spéciale  aux  découvertes  suisses).  Zurich, 
1905. 

Dans  ce  travail  M.  Neuweiler  a  entrepris  la  tâche  aussi  difficile  que 
louable,  d'examiner  de   nouveau  les  restes  végétaux  préhistoriques  de 
l'PCurope  centrale.  Dans  ce  but  il  a  repris  de  fond  en  comble  l'étude  de 
toutes  les  découvertes  de  ce  genre  faites  en  Suisse,  le  pays  classique 
des  palafîttes  ;  ensuite  celle  des  gisements  principaux  de  l'Autriche,  de 
l'Allemagne  et  de  l'Italie,  enfin  de  quelques  localités  de  France  et  de 
Belgique.  Tout  ce   qui  était  douteux  a  été  supprimé,  ou,  du  moins, 
noté  comme  tel;  un  grand  nombre  d'espèces  ont  été  déterminées  pour 
la  première  fois.  Des  anciennes  déterminations  du  botaniste  HeerW  en 
est  qu'on  n'a  pu  conserver  :  Tliuidium  delicatalum  est  en  réalité  :  Th. 
Philibertij  les   semences   que   Heer  avait  attribuées  à  Pinus  silvestris 
appartiennent  presque  exclusivement  à  Najas;  la  présence  de  Pinus 
montana   n'est  pas  bien   certaine  ;   Lolium   temulentum,  Chenopodium 
rubrum,  Ranunculus  hederaceus,Spergula  pentandra  ;  Arenaria  serpylli- 
folia  sont  à   supprimer.  Heer   avait  dressé  une  liste  de  près  de  120 
espèces  préhistoriques,  qui  s'élève  maintenant,  sans  compter  le  seigle, 
l'orge,  le  froment  et  l'avoine,  à  environ  220;  environ  170  de  celles-ci 
sont  établies  pour  la  Suisse.  Pour  la  première  fois  on  y  a  établi  environ 
70  espèces  dont  deux  appartiennent  aux  plantes  cultivées,  les  autres 
aux  plantes  sauvages.  Ce  sont  les  suivantes  :  Lenzites  abietina,  L.  sae- 
piaria^  Polyporus  auslralis  f  P.  hirsutus,  Tubercularia  s^.,  Aylaria  sp., 
Cenococcum  geophilum,  Peltigera  sp.,  Camptothecium  lutescens^  Eurhyn- 
chium    striatum,    Hylocomium    triquetrnm,    Bypnum    incurvatum,   H. 
cupressi forme,  Isothecium  myurum,  Thuidium  tamariscinum,  Th.  pseudo- 
tamariscinum.  Th.  Pliliberti,  Sparganium   cf.  ramosum,  Najas   marina, 
N.  intermedia,  Setaria  cf.   viridis.   Avena  fatua,  Bromus  secalinus,  B. 
mollis^    B.  sp.,   Triticum  repens,   Scirpus  Tabernaemontani,   Cladium 
Mariscus,  Salix  capraea,  Populus  tremulaf  Juglans  regia,   Ulmus  cam- 
pestris?  Polygonum  lapathifolium,  P,  Persicaria,  P.  aviculare,  P.    con- 
volvulus,   Lychnis  flos     cucculi,    L.   vespertina,   Saponaria    officinalis, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  415 

Slellaria  graminea,  Moehringia  trinervia,  Clematis  Vitalba,  Fumaria 
of/icinalis,  Thlaspi  arvense,  Naslurtium  officinale,  Potentilla  sp.,  Agri- 
monia  Eupatorium,  Sanguisorba  sp.,  Vicia  cracca,  V.  hirsuta,  Euphor- 
bia  helioscopea,  Vitis  viniferaj  Viola  sp.,  Cicuta  virosa,  Angelicasiivestris, 
Anagallis  arvensis,  Verbena  officinalis^  Verbascum  sp.  (Thapsus?)  Ajuga 
reptans,  Teucrium  sp.  (Scordium  ?).  Galeopsis  Tetrahit,  Lycopus  euro- 
paeus,  Mentka  aqualica,  M.  arvensis,  Salvia  sp.,  Scutellarna  galericulnla. 
Stachys,  sip.  Lamium  sp.,  Solanum  Dulcamara,  Hyoscyamus  nigerf  Ver- 
bascum sp.  Galium  spurium,  G.  Aparine,  S  fier  ardia  arvensis,  Valerianeila 
Morisonii,  Cirsium  sp.  Eupatorium  cannabinum,  Lampsana  communis ^ 
Ces  découvertes  ne  fournissent  aucune  nouvelle  donnée  pour  l'his- 
toire du  développement  de  la  végétation  depuis  la  dernière  époque  gla- 
ciaire jusqu'à  Tépoque  néolithique;  toutes  les  plantes  concordent  avec 
la  flore  actuelle,  bien  que  plusieurs  comme  Trapaei  T'arguaient  diminué. 
Par  contre  le  millet  {Panicum  miliaceum  L.)  fournit  de  nouveaux  résul- 
tats; on  le  trouve  déjà  en  grande  quantité  dans  les  palafittes  néolithi- 
ques du  sud  de  l'Europe  centrale;  Setaria  italica  P.  B.  aussi  n'est  ipas 
rare.  La  découverle  de  la  noix  {Jugions  regia  L.)  dans  la  station  néoli- 
thique de  Wangen  (Suisse)  prouve  que  ce  fruit  était  déjà  connu  beau- 
coup plus  tôt  que  l'on  n'avait  admis  jusqu'ici.  Le  lin  (.Si/^yie  sp.)  aussi 
est  néolithique,  ses  semences  sont  plus  petites  que  celles  de  Silène  cre- 
tica,  une  espèce  très  rare  en  deçà  des  Alpes.  On  avait  jusqu'ici  avec 
raison  mis  en  doute  l'existence  de  la  vigne  (Vitis  vinifera  L.)  aux 
temps  préhistoriques.  M.  Neuweiler  a  examiné  de  nouveau  tous  les 
échantillons  ;  il  est  incontestable  que  ses  grains  se  trouvaient  déjà  dans 
la  couche  intacte  néolithique  de  la  palafitte  de  Saint-Biaise  (située  aux 
bords  du  lac  de  Neuenburg).  ils  se  rapprochent  surtout  des  grains  des 
raisins  non  cultivés  de  l'Alsace. 

D'"  Hugo  Obermaier. 

ScHWEiNFURTH.  PseudeoHthen  im  nordischen  Geschiebemergel  (Faux  éolithes  dans 
les  marnes  du  Nord  de  l'Allemagne).  Zeitschrifl  fiir  Ethnologie,  t.  XXXVII,  190îi, 
p.  912. 

M.  Schweinfurth  a  examiné  les  cailloux  siliceux  des  dépôts  intergla- 
ciaires de  l'Allemagne  du  Nord,  pour  savoir  s'ils  présentent  les  mêmes 
caractères  de  taille  intentionnelle  que  les  éolithes  d'Egypte.  Sa  réponse 
est  négative.  11  n'y  n'a  pas,  même  dans  les  parties  concaves  de  ces  cail- 
loux, des  arêtes  aiguës,  ce  qui  prouve  qu'ils  ont  été  roulés  par  les  eaux. 
Au  contraire  l'usure  d'un  instrument  par  son  emploi  laisse  toujours 
subsister  des  arêtes  aiguës.  D'autre  part  on  trouve  sur  les  pseudo-éoli- 
thes  des  arêtes  abattues  ou  usées  sans  rapport  avec  le  mode  d'utilisa- 
tion possible  de  l'instrument.  Dans  leur  forme  générale  ces  cailloux 
peuvent  cependant  simuler  la  taille  intentionnelle.  C'est  ainsi  que  dans 
une  gravière  de  Neu-Brandenburg,  l'auteur  a  trouvé  des  éclats  ressem- 


416  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

blant  à  des  grattoirs  moustiériens  et  enlevés  à  des  blocs  de  silex  par 
les  agents  naturels.  A  Neu-Strelitz  une  carrière  lui  a  donné  un  magni- 
tique  percuteur  reutélien. 

Dr  L.  Laloy. 

WiKOERS.  Die  paliiolithischen  Funde  aus  dem  Interglazial  von  Hundisburg  (Les 
trouvailles  paléolithiques  de  l'iiiterûrlaciaire  de  Hundisburg  près  Neuhaldensleben). 
Zeitsciv'ift  fiir  Ethnologie,  t.  XXXVll,  1905,  p.  91  5. 

En  rendant  compte  [L'Anthrop.,i.  XVI,  1905,  p.  678)  des  trouvailles  de 
M.  Favreau  à  Neuhaldensleben  j'émettais  quelques  doutes  sur  les  con- 
clusions que  Fauteur  voulait  en  tirer.  On  se  rappelle  que  M.  Favreau 
avait  constaté  sur  ces  silex  des  stries  dont  certaines  sont  superposées 
aux  traces  de  travail  intentionnel  et  qu'il  attribuait  à  la  glace  de  l'avant- 
dernière  extension.  Comme  les  instruments  sont  situés  à  2  mètres  au- 
dessous  de  la  moraine,  ils  n'ont  pas  en  effet  été  atteints  par  la  dernière 
extension.  La  conclusion  était  des  plus  importantes,  puisqu'elle  faisait 
remonter  l'existence  de  l'Homme  dans  l'Allemagne  du  Nord  jusqu'à 
l'avant-dernier  interglaciaire. 

Je  soupçonnais  que  ces  stries  pouvaient  ne  pas  être  d'origine  gla- 
ciaire. M.  Wiegers  qui  a  étudié  la  stratigraphie  de  la  région  et  examiné 
les  pièce  en  question,  déclare  que  certaines  des  soi-disant  stries  ne  sont 
que  des  lignes  de  fracture  ;  dans  la  région  il  y  a  des  stries  sur  les  roches 
en  place,  mais  les  cailloux  striés  provenant  de  la  moraine  du  fond  sont 
extrêmement  rares.  On  ne  peut  donc  supposer  que  les  stries  véritables 
que  portent  certains  instruments  de  silex  proviennent  de  l'action 
directe  de  la  glace.  M.  Wiegers  les  attribue  à  la  pression  réciproque 
des  cailloux,  sous  l'action  du  poids  de  la  glace  de  la  dernière  extension. 
Il  n'y  a  donc  pas  lieu  d'admettre  que  l'Homme  soit  apparu  dans  la 
région  avant  le  dernier  interglaciaire. 

D'  L.  L. 

H.  PoHLiG.  Die  Eiszeit  in  der  Rheinlauden  (La  période  glaciaire  dans  la  vallée  du 
Rhin).  Driefe  der  Monatsherichte  der  deutschen  geologùchen  Gesellschaft,  u°  6,  1905 
(1  pi.). 

Le  premier  des  problèmes  étudiés  par  iM.  Pohlig  est  celui  des  blocs 
erratiques.  H  fait  ressortir  qu'un  grand  nombre  d'entre  eux  sont  faux 
et  dus  simplement  à  l'érosion  qui  a  enlevé  les  matériaux  plus  légers 
situés  autour  d'eux.  Je  rappellerai  que  j'ai  décrit  [La  Nature,  n*^  1606, 
5  mars  1904)  de  fausses  traces  glaciaires  situées  dans  le  Palatinat  sur  le 
versant  du  Kalmit  ;  il  s'agissait  de  dépressions  creusées  dans  des  rochers 
de  grès  et  renfermant  chacune  un  boulet  de  grès;  elles  avaient  été 
prises  pour  des  «  moulins  de  glacier  »  ;  leur  origine  paraît  plutôt 
éolienne. 

M.  Pohlig  a  fait  connaître  dans  la  province  du  Rhin  des  sables  ren- 


MOtJVËMENT  SCIENTIFIQUE.  417 

fermant  des  fossiles  jurassiques  ou  crétacés.  Ils  indiquent  l'existence 
d'un  fleuve,  précurseur  du  Rhin  dont  la  direction  était  nord-sud  ou 
ouest-est,  et  correspondent  probablement  à  une  période  glaciaire  plio- 
cène. Ils  sont  surmontés  par  un  cailloutis  qui  représente  peut-être  l'in- 
terglaciaire  des  couches  anglaises  de  Cromer,  quoiqu'on  n'y  rencontre 
pas  Elefhas  meridionalis. 

Les  phénomènes  glaciaires  quaternaires  ont  laissé  des  traces  plus 
nettes.  Le  maximum  de  la  glaciation  alpine  est  représenté  par  les  dépôts 
les  plus  anciens  du  Rhin,  par  la  masse  principale  des  dépôts  fluviatiles 
sur  les  plateaux  et  les  versants  et  par  le  maximum  du  creusement  des 
vallées.  C'est  grâce  aux  eaux  de  fusion  des  glaciers  des  Alpes,  des  Vosges 
et  de  la  Forêt-Noire,  que  le  système  fluvial  du  Rhin  a  commencé  à 
prendre  sa  configuration  actuelle.  Les  cailloux  roulés  ont  d'abord  recou- 
vert les  plateaux,  puis  les  vallées  se  sont  creusées  et  ces  dépôts  n'ont 
plus  persisté  que  sur  leur  fond  et  leurs  versants.  Ils  ne  renferment  pas 
de  fossiles. 

Les  terrains  interglaciaires  sont  représentés  par  les  graviers  de  Dax- 
laud,  Mauer,  etc.  renfermant  Eleplias  antiquus,  Rhinocéros  Merckï  et, 
par  endroits,  Elasmotherium^  et  par  les  sables  de  Mosbach  qui  repré- 
sentent l'époque  la  plus  chaude  de  l'interglaciaire,  avec  Bippopotamus, 
Rhinocéros  Merckï  Etruirse,  Cervus  alces  latifrom,  Trogontherium.  C'est 
l'époque  où  ces  espèces  pliocènes  se  sont  de  nouveau  étendues  vers  le 
nord  pour  passer  en  Angleterre. 

Les  deux  autres  étages  de  l'interglaciaire,  le  plus  ancien,  celui  de 
Rixdorf  près  Berlin,  et  le  suivant,  celui  de  Siissenborn  près  Weimar,  ne 
sont  représentés  dans  la  vallée  du  Rhin  que  par  des  dépôts  non  fossili- 
fères. On  n'a  pas  de  données  suffisantes  pour  fixer  la  place  des  forma- 
tions volcaniques  interglaciaires  de  l'Eiffel,  du  lac  de  Laach  et  de  Bonn, 
dans  ce  système. 

Les  dernières  extensions  glaciaires  sont  caractérisées  par  les  dépôts 
fluviatiles  du  fond  des  vallées,  et  par  le  loess  qui  d'après  l'auteur  cons- 
titue un  dépôt  amené  par  les  eaux  de  fusion  des  glaciers.  Dans  la  val- 
lée du  Rhin  ces  deux  formations  sont  fort  bien  développées.  Les  graviers 
du  fond  de  la  vallée,  riches  en  fossiles  tels  que  Rhinocéros  tichorinus,  EU'- 
phas  primigenius  sont  séparés  des  formations  interglaciaires  par  une 
terrasse  bien  marquée.  Une  autre  terrasse  située  plus  bas  les  sépare  de 
l'étage  postglaciaire. 

Le  loess  des  vallons  recouvre  presque  partout  les  graviers;  il  ne  ren- 
ferme plus  trace  de  faune  glaciaire,  et  correspond  à  l'époque  néolithique 
des  anthropologues.  Il  est  identique  au  loess  des  versants  à  la  fois  au 
point  de  vue  pétrographique,  géologique  et  zoologi(j[ue.  Dès  1883  M.  Poh* 
lig  s'était  élevé  contre  l'hypothèse  de  l'origine  éolienne  du  loess.  D'après 
lui  le  loess  des  vallées  forme  le  dernier  terme  d'une  série  qui  débute 
avec  le  loess  des  plateaux  pour  se  continuer  par  les  divers  étages  de 
l'anthropologie.  —  T.  xvir   —  1906.  27 


420  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Zaborowski.  L'origine  des  animaux  domestiques  en  Europe  et  les  migrations 
aryennes.  {Comptes  rendus  de  VAss.  française.  Congres  de  Grenoble,  p.  1034  et 
suiv.) 

L'auteur  combal  les  vues  de  M.  Kriz  qui,  à  la  suite  de  ses  recherches 
en  Moravie,  a  cru  pouvoir  proclamer  que^  les  animaux  domestiques 
ayant  le  même  nom  dans  toutes  les  langues  d'Europe,  ont  été  intro- 
duits par  le  peuple  aryen  dans  ses  migrations.  Il  examine  une  à  une 
les  principales  espèces  et  n'a  pas  de  peine  à  montrer  la  faiblesse  de 
certains  raisonnements  de  M.  Kriz.  Enfin  il  cherche  à  établir  l'origine 
des  animaux  domestiques  d'après  les  données  archéologiques  et  lin- 
guistiques actuelles.  Certains  faits  paléontologiques,  qu'il  croit  établis, 
d'ailleurs  d'après  de  bons  auteurs,  ne  le  sont  pas  ;  tel  l'existence,  qui 
n'est  nullement  démontrée,  de  la  Chèvre  égagre  dans  le  Quaternaire  de 
France. 

En  somme,  M.  Zaborowski  admet  fort  bien  que  toutes  les  races 
domestiques  de  l'Europe  ne  sont  pas  de  souche  indigène.  Mais  pour 
aucune  race  domestique  aryenne  on  n'a  besoin  d'aller  jusqu'en  Asie  cen- 
trale. Il  n'est  pas  nécessaire  de  faire  intervenir  aucune  grande  migra- 
tion de  peuples  et  surtout  aucune  grande  migration  de  peuples  aryens 
d'Asie  pour  expliquer  la  présence  des  animaux  domestiques  à  l'âge  de 
la  pierre  polie.  Si  l'on  place  la  patrie  des  Protoaryens  hors  d'Europe,  on 
est  dans  l'impossibilité  d'expliquer  cette  communauté,  si  générale  dans 
les  langues  aryennes,  des  noms  de  nos  animaux  domestiques,  et  surtout 
cette  filiation  évidente  entre  les  animaux  domestiques  aryens,  comme 
le  Cheval,  le  Bœuf,  le  Porc,  etc.  et  les  races  sauvages  indigènes  de  l'Eu- 
rope quaternaire  et  néolithique.  M.  B. 

Laville  (A.).  Le  Megaceros  hibernicus  aux  environs  de  Paris  dans  les  dépôts 
infra-néolithiques.  [Feuille  des  jeunes  naturalistes^  1«'  décemlDre  1905). 

M.  Laville  a  recueilli  à  Villeneuve-Triage,  dans  des  limons  superposés 
aux  graviers  quaternaires  et  supportant  des  limons  qu'il  considère 
comme  néolithiques,  une  mandibule  de  grand  Cervidé  qu'il  attribue  au 
Megaceros,  Si  cette  détermination  est  exacte,  ce  que  je  pense  étant 
donné  le  soin  que  M.  Laville  paraît  y  avoir  apporté,  le  fait  est  des  plus 
intéressants.  L'auteur  pense  que  les  limons  à  Megaceros  correspondent 
dans  la  vallée  de  la  Seine  à  l'ancien  hiatus,  c'est-à-dire  aux  couches  du 
Mas  d'Azil  rendues  célèbres  par  les  travaux  de  Piette. 

M.  B. 

MiEG  (Mathieu).  Dessins  représentatifs  sur  os  de  la  station  préhistorique  de  Sie- 
rentz  (Haute-Alsace).  Extr.  du  Bull,  mensuel  des  séances  de  la  Société  des  sciences 
de  Nancy.  Imprim.  Berger-Levrault,  sans  date,  probablement  1906. 

L'auteur  a  découvert  une  station  néolithique  à  Sierentz  dans  une 
couche  de  terre  à  briques.  Avec  quelques  silex,  un  petit  nombre  de 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  421 

débris  de  vases,  cette  station  a  fourni  deux  objets  en  pierre  polie  dont 
l'un  tout  au  moins,  taillé  et  usé  en  lame  avec  dents  de  scies  régu- 
lières, paraît  de  fabrication  récente  et  toute  une  série  de  gravures  sur  os 
dont  l'antiquité  ne  recevra  pas  un  meilleur  accueil  des  archéologues 
expérimentés.  La  reproduction  phototypique  de  ces  derniers  suffit  pour 
laisser  reconnaître  un  travail  fait  avec  des  outils  métalliques.  Je  ne 
parle  pas  du  style  des  dessins  qui  sont  d'horribles  imitations  des  œuvres 
d'art  de  Tépoque  du  Renne  et  au  moyen  desquels  on  a  voulu  représenter 
des  Ruminants,  une  tête  de  Cerf,  un  Oiseau,  etc.  M.  Mieg  ne  nous  dit  pas 
qu'il  a  recueilli  lui-même  ses  objets.  Sa  bonne  foi  ne  saurait  donc  être 
suspectée.  11  a  bien  observé  le  caractère  enfantin  de  ces  dessins;  il  a 
pensé  qu'ils  représentaient  la  survivance  à  l'époque  néolithique  de  l'art 
de  l'âge  du  Renne  en  complète  décadence.  Je  crains  qu'il  n'ait  été  sim- 
plement la  victime  d'un  faussaire.  M.  B. 

Daleau  (F.)  et  Maufras  (E.).    Le  dolmen   du  Terrier   de  Cabut  (Extr.  des  Actes  de 
la  Société  archéologique  de  Bordeaux,  1905). 

En  1903,  des  travaux  agricoles  mirent  à  découvert  près  d'Anglade 
(Gironde),  au  Terrier  de  Cabut,  un  dolmen  sans  tumulus  composé  de  six 
piliers  et  d'une  table  et  orienté  du  N.-O.  au  S.-E.  La  moitié  du  monument 
fut  brisée  et  saccagée;  l'autre  moitié  restée  intacte  fut  fouillée  par  les 
auteurs  qui  y  trouvèrent  :  1°  des  objets  en  bronze,  lame  de  poignard 
et  quatre  morceaux  de  métal  pauvre  en  étain  ;  2°  des  objets  en  os,  une 
amulette  ou  élément  de  collier,  sorte  de  tube  fait  avec  un  humérus 
de  petit  Mammifère  et  orné  de  lignes  parallèles  et  de  dents  de  loup;  deux 
poinçons  ou  fortes  épingles,  trois  petits  bâtonnets  et  une  perle;  3^  trois 
perles  en  calcaire;  4°  diverses  coquilles  perforées,  notamment  412  den- 
tales; une  petite  rondelle  découpée  dans  une  coquille;  5°  trois  silex 
taillés;  6"  quelques  débris  depoteries  dénotant  une  forme  très  souvent 
'Rencontrée  en  France.  Tout  cela  indique  l'époque  morgienne  de  Mortillet. 
Les  ossements  qu'on  a  pu  recueillir  ont  été  étudiés  par  M.  Manouvrier  ; 
^eurétat  de  conservation  n'a  pas  permis  une  étude  précise.  Un  crâne 
reconstitué,  féminin,  est  brachycéphale.  Un  fémur  entier,  également 
féminin,  dénote  une  taille  d'environ  1°*,55.  D'après  les  mandibules  ou 
fragments  de  mandibules  recueillis  sous  ce  dolmen,  on  y  avait  enseveli 
douze  sujets  des  deux  sexes.  M.  B. 

Beaupré    (Le  comte  J.).  La  station  funéra're  du  Bois-L'Abbé.   Extr.  des  Mém.  de 

la  Soc.  arc/iéol.  lorraine,  1905. 

Un  très  petit  nombre  de  stations  funéraires  attribuables  à  l'époque 
néolithique  avec  quelque  certitude  avaient  été  jusqu'ici  reconnues  en 
Lorraine.  En  mai  1905,  l'auteur  a  découvert  dans  le  Bois-L'Abbé,  com- 
mune de  Sexey-aux-Forges,  une   station  funéraire  comprenant  deux 


422  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

groupes  bien  distincts  et  situés  à  300  mètres  l'un  de  l'autre.  Les  sépul- 
tures du  premier  groupe  étaient  dissimulées  sous  un  grand  tertre, 
de  forme  ovale,  presque  circulaire^  de  20  mètres  de  diamètre  moyen 
Ce  premier  groupe  comprend  :  une  allée  couverte  faite  de  grandes 
dalles;  des  caissons  construits  delà  même  façon  ;  des  perriers  composés 
d'éléments  moins  volumineux.  L'allée  couverte,  longue  de  10°^, 50 
formait  un  couloir  large  de  C"^,90,  haut  de  €"^,80  à  0'^\95  et  orienté  du 
Sud-Ouest  au  Nord-Est.  11  était  fermé  à  ses  deux  extrémités  par  des 
pierres.  Le  sol  était  recouvert  en  partie  de  petites  dalles  plates  noircies 
par  du  charbon.  11  n'y  avait  dans  la  partie  centrale  et  orientale  ni  osse- 
ments ni  mobilier  funéraire,  sauf  quelques  débris  d'os  longs. 

La  partie  occidentale  a  livré  quelques  silex  et  des  ossements  plus 
nombreux  appartenant  à  deux  sujets  au  moins.  Les  caissons,  au 
nombre  de  six,  renfermaient  quelques  silex,  des  morceaux  de  poterie, 
des  débris  d'os,  de  nombreuses  traces  de  feu.  Les  perriers  sont  des 
amas  de  matériaux  soigneusement  placés  les  uns  au-dessus  des  autres 
de  façon  à  former  de  petits  tumulus  rocheux  de  2  mètres  de  diamètre 
environ.  L'auteur  décrit  minutieusement  tous  ces  monuments  qu'il  a 
fouillés  avec  soin;  un  plan  accompagne  ces  descriptions  ainsi  que  d'ex- 
cellentes reproductions  photographiques  des  principaux  objets  com- 
posant un  mobilier  en  somme  très  pauvre. 

Le  second  groupe,  sans  tumulus,  comprend  deux  caissons  et  un  long 
perrier.  Les  caissons  ont  renfermé  des  squelettes  humains  dont  on  n'a 
trouvé  que  des  fragments  avec  quelques  débris  de  vases  grossiers.  Le 
perrier  s'étend  sur  une  longueur  de  14  mètres;  il  avait  dû  comprendre 
trois  sépultures  au  moins.  On  y  a  recueilli  quelques  pierres  travaillées, 
notamment  des  pointes  de  flèches  et  une  hachette  au  tranchant  soi- 
gneusement poli. 

L'auteur  termine  son  mémoire  par  des  observations  relatives  aux 
conditions  du  gisement  des  deux  groupes,  aux  ossements  qui  y  ont  été 
recueilis  (sans  connexions  anatomiquesj  et  dans  un  état  de  détérioration 
tel  qu'ils  n'ont  pu  être  étudiés  par  M.  Manouvrier.  Il  est  frappé  de  la 
concordance  qui  existe  entre  ses  observations  sur  les  cryptes  funéraires 
de  Lorraine  avec  celles  qui  ont  été  faites  ailleurs  et  si  bien  résumées 
par  M.  Cartailhac  dans  son  beau  livre  :  La  France  'préhistorique, 

M.  B. 

A.  LissAUER.  Zweiter  Bericht  ùber  die  Tiitigkeit,  etc.  (SecoQd  rapport  sur  l'activité 
de  la  commission  chargée  par  la  Société  allemande  d'Anthropologie  d'établir  des 
cartes  de  types  préhistoriques).  Zeitschrift  fur  Ethnologie,  t.  XXX Vil, ^905,  p.  793 
(37  flg.  et  1  carte  hors  texte). 

Les  haches  à  bords  relevés  étudiées  dans  le  mémoire  précédent  (1) 

(i)  Voir  VAnihrop.,  XVI,  1905,  p.  197. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  423 

ne  permettent  pas  à  la  lame  de  pénétrer  profondément.  Pour  obvier  à 
cet  inconvénient  on  a  fait  diverses  tentatives,  qui  ont  abouti  à  l'inven- 
tion des  haches  à  talon.  Celui-ci  était  destiné  à  empêcher  le  manche  de 
gUsser  du  côté  du  tranchant;  par  suite  toute  la  partie  des  bords  relevés 
située  au  dessous  de  lui  devenait  superflu.  En  même  temps  la  forme 
de  l'extrémité  supérieure  et  celle  du  tranchant  deviennent  moins 
variables. 

Sur  certaines  haches  à  bords  relevés  la  partie  médiane  est  épaissie. 
Cet  épaississement,  d'abord  fortuit,  s'accentue  et  devient  un  rudiment 
de  talon;  les  bords  relevés  descendent  encore  jusque  près  du  tranchant. 
Ce  type  de  transition  n'est  représenté  que  par  quelques  exemplaires 
dispersés  dans  le  territoire  occupé  par  la  forme  suivante,  c'est-à-dire 
en  Angleterre,  en  Irlande,  en  France,  dans  la  vallée  du  Rhin  et  l'Alle- 
magne du  Nord.  Il  paraît  appartenir  à  la  deuxième  division  de  l'âge  du 
bronze  de  Montelius. 

La  hache  à  talon  rectangulaire  est  la  plus  répandue  dans  l'Europe 
occidentale.  Les  bords  relevés  s'arrêtent  au  talon.  Au  début  cette  hache 
a  au-dessous  du  talon  deux  anneaux  destinés  à  fixer  le  manche.  Plus 
tard  on  reconnut  que  ce  mode  de  consolidation  était  superflu  et  on 
se  contenta  d'approfondir  la  gouttière  destinée  au  manche.  Les  haches 
à  talon  et  à  anneaux  ne  se  rencontrent  qu'en  Portugal,  en  Espagne,  en 
France,  en  Angleterre  et  en  Irlande;  un  seul  exemplaire  a  été  trouvé 
en  Allemagne,  en  Oldenbourg.  Les  haches  typiques  à  talon  rectangu- 
laire sont  communes  dans  la  péninsule  ibérique,  la  France,  la  Belgique, 
la  Hollande,  la  Grande-Bretagne,  la  vallée  du  Rhin  de  Bâle  à  Mayence, 
l'Allemagne  du  Nord,  le  Danemark  et  la  Suède.  Elles  font  entièrement 
défaut  en  Italie,  en  Autriche-Hongrie  et  en  Wurtemberg  ;  elles  sont 
très  rares  en  Suisse,  en  Bavière  et  en  Bohême.  Elles  appartiennent 
également  au  deuxième  âge  du  bronze. 

Le  type  nordique  est  caractérisé  par  un  talon  rectangulaire  pourvu 
d'une  bande  ornementale  transversale.  Cette  bande  est  saillante,  fait 
tout  le  tour  de  la  hache  au-dessous  du  talon  et  est  décorée  de  triangles, 
de  spirales,  de  perles  ou  de  lignes  en  zig-zag.  Cette  hache  est  une  arme 
de  guerre  ;  elle  est  spéciale  à  la  Suède,  au  Danemark,  au  Schleswig- 
Holstein,  au  Hanovre,  à  TOldenbourg  et  au  Meckleubourg.  Elle  appar- 
tient à  la  même  période  que  la  forme  précédente,  mais  existe  encore 
au  début  du  troisième  âge  du  bronze. 

La  hache  à  talon  arqué  est  très  fréquente  dans  l'Allemagne  du  Nord. 
Le  tranchant  porte  souvent  des  dépressions  en  gouttières,  et  parfois 
une  côte  médiane.  Il  y  a  assez  souvent  un  anneau  latéral.  Ce  type  très 
fréquent  dans  le  Hanovre,  le  Schleswig-Holstein,  l'Oldenbourg,  la 
Westphalie,  le  Brunswick  et  la  province  de  Saxe,  ne  fait  cependant 
défaut  nulle  part  oii  on  rencontre  la  hache  à  talon  rectangulaire, 
dont  il    n'est  qu'un  perfectionnement.  On  le  trouve  également  'dans 


424  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

l'Est  de  l'Allemagne  jusqu'en  Livonie,  et  d'autre  part  en  Wurtemberg 
et  en  Hongrie,  territoires  oii  on  n'a  pas  observé  le  type  de  l'Europe 
occidentale.  En  Scandinavie  ces  haches  sont  rares  ;  on  ne  les  connaît 
ni  en  Autriche  ni  en  Italie.  Elles  appartiennent  à  la  période  la  plus 
florissante  du  deuxième  âge  du  bronze  et  à  une  bonne  partie  du 
troisième. 

Dans  l'est  de  l'Europe  s'est  développée  une  hache  à  talon  d'un  tout 
autre  type.  Le  talon  est  formé  par  le  rapprochement  des  bords  latéraux 
relevés.  Ce  type  est  surtout  fréquent  en  Bohême,  mais  se  rencontre 
également  en  Hongrie,  en  Autriche,  en  Bavière,  en  Saxe,  en  Brande- 
bourg et  en  Silésie.  Il  est  rare  dans  le  reste  de  l'Allemagne,  sporadi- 
que  en  France  et  en  Suisse,  et  semble  faire  totalement  défaut  en  Italie, 
en  Angleterre,  et  en  Scandinavie.  Ce  type  appartient  également  aux 
deuxième  et  troisième  âges  du  bronze. 

Df  L.  Laloy. 

C.  Mehlis.  Die  bemalten  Kiesel,  etc.  (Les  cailloux  peints  du  «  Bôhl  »  près  Neustadt 
an  der  Hart).  Glohus,  t.  LXXXIX,  1906,  p.  170  (2  pi.). 

Entre  Neustadt  (Bavière  rhénane)  et  Mussbach,  s'étend  un  plateau 
haut  de  140  mètres,  et  formé  d'un  mélange  de  sables,  de  cailloutis  et  de 
limon  ;  le  niveau  géologique  est  celui  des  hautes  terrasses  du  diluvium. 
C'est  à  ce  plateau  que  s'applique  le  nom  de  Bohl,  qui,  dans  toute  la 
région  est  employé  pour  les  éminences  naturelles  ou  artificielles.  Sa 
surface  est  d'environ  18  hectares.  Ces  dépôts  d'origine  glaciaire 
offraient  à  l'homme  préhistorique  une  masse  de  matériaux  utilisables. 
Les  instruments  néolithiques  y  sont  très  abondants,  surtout  sur  un 
espace  long  de  500  mètres  et  large  de  350  qui  paraît  avoir  été  une  sta- 
tion ou  un  atelier  de  fabrication.  Mis  en  éveil  par  la  trouvaille  de 
quelques  galets  présentant  des  traces  de  peinture,  M.  xMehlis  a  tourné 
son  attention  de  ce  côté  et  a  pu  en  recueillir  une  centaine  qui,  d'après 
lui  sont  tout  à  fait  comparables  aux  galets  coloriés  du  Mas  d'Azil. 

Disons  cependant  que,  d'après  les  photographies,  les  traces  de  cou- 
leurs sont  cependant  bien  moins  nettes  que  dans  le  gisement  français  ; 
elles  sont  appliquées  en  bandes  moins  larges  et  forment  des  dessins 
moins  caractérisés.  La  couleur  est  d'un  brun-rouge.  Le  D""  Kôhl,  bien 
connu  pour  ses  trouvailles  néolithiques  à  Worms,  l'avait  prise  d'abord 
pour  des  dendrites  ou  pour  des  traces  de  racines,  et  ce  pourrait  bien 
être  là  l'explication  du  phénomène.  Un  pharmacien  de  Neustadt  l'a 
analysée  et  a  trouvé  qu'elle  était  de  nature  inorganique.  En» revanche 
un  peintre  a  été  assez  habile  pour  reconnaîtra  que  la  matière  colorante 
était  du  sang  de  bœuf  et  qu'elle  avait  été  appliquée  au  moyen  d'un 
pinceau  de  blaireau  ! 

Au  milieu  de  toutes  ces  contradictions  il  convient  de  rester  scep- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  425 

tique.  L'auteur  lui-même  a  d'ailleurs  la  prudence  de  nous  dire  qu'il 
n'ose  pas  considérer  les  dessins  de  ses  galets  comme  des  signes  alpha- 
bétiques, quoiqu'un  certain  nombre  d'entre  eux  ressemblent  à  des 
lettres  des  alphabets  crétois,  grec  ancien  ou  romain.  M.  Wilser,  dans 
une  note  qui  accompagne  le  travail  de  M.  Mehlis,  fait  remarquer  qu'il 
ne  peut  y  avoir  là  qu'une  coïncidence  fortuite,  même  si  l'on  admet, 
comme  lui,  l'origine  intentionnelle  de  ces  dessins.  En  efïet,  ces  alpha- 
bets sont  le  résultat  d'une  simplification  progressive  :  à  leurs  débuts 
ils  étaient  formés  de  signes  très  compliqués.  Or  les  dessins  des  galets  de 
Neustadt,  comme  ceux  du  Mas  d'Azil  sont  aussi  simples  que  les  carac- 
tères d'une  écriture  quia  achevé  toute  son  évolution.  Ces  signes,  traits 
parallèles  ou  obliques,  lignes  brisées,  points,  sont,  à  mon  avis,  trop  peu 
caractérisés  pour  qu'on  ne  puisse  admettre  qu'ils  ont  été  inventés  à 
diverses  époques  et  dans  des  localités  éloignées  les  unes  des  autres. 
Les  instruments  néolithiques  ainsi  que  les  galets  coloriés  se  ren- 
contrent en  général  dans  le  sol  arable.  Pourtant  M.  Mehlis  a  pu  faire 
quelques  fouilles  et  les  observer  en  place.  11  a  constaté  de  la  sorte  que 
les  galets  coloriés  se  présentent  en  compagnie  d'instruments  et  de  po- 
teries grossières  et  sans  décors.  Les  instruments  ne  sont  en  général  pas 
polis  ;  M.  Mehlis  les  rapporte  au  début  du  Néolithique.  Quant  aux  galets 
coloriés,  je  le  répète,  il  faut  attendre  que  des  descriptions  et  des  figures 
plus  précises  nous  permettent  d'asseoir  un  jugement. 

D-^  L.  L. 

K.  Kjbllmabk.  En  stenâlderboplatB  i  Jarvallen  vid  Limhamn  (Une  station  de  l'âge 
Je  pierre  dans  la  falaise  de  Jiiren,  près  Limhamn).  Antikvarisk  Tidskvift  for  Sverige* 
vol.  17,  nos  2  et  8.  Stockholm,  Wahlstrôm  och  Wistrand,  1905,  144  p.,  34  fig.  et 
plans,  7  planches,  in-S». 

Cette  station  est  située  sur  la  côte  sud-ouest  de  la  Scanie,  dans  une 
falaise  qui  borda  l'ancienne  «  mer  à  Littorines  ».  Le  site  a  été  exploré 
dès  1893  par  MM.  Carlson  et  Sôderberg;  en  1900,  M,  Kjellmark  visita 
l'endroit  pour  la  première  fois;  il  renouvela  ses  visites  en  1901  et  1902 
et  y  fit  des  fouilles,  sous  la  direction  de  xMM.  Montelius,  Sophus  MuUer, 
Sarauw  et  Otto  Rydbeck.  Il  nous  expose  dans  ce  mémoire  le  résultat 
de  ses  investigations.  La  falaise  consiste  en  roches  siliceuses  et 
calcaires,  avec  quelques  roches  éruptives  (diabase,  gneiss,  etc.).  A  ces 
assises  se  superposent  des  niveaux  divers  :  d'abord  une  couche  de 
1™,50  environ  d'épaisseur,  contenant  des  éléments  morainiques,  puis 
une  couche  d'une  quinzaine  de  centimètres  de  sable  jaune,  qui  paraît 
avoir  uneorigine  marine,  et  où  l'on  trouve  plusieurs  espèces  de  mol- 
lusques [Cardium  edule,  Mytilus  edulis,  Littorina  Littorea)  et  des  spicules 
d'épongés.  Au-dessus,  vient  un  lit  de  tourbe,  d'une  dizaine  de  centi- 
mètres contenant  des  plantes  d'eau  douce  (prèles,  roseaux)  ;  la  surface 
est  constituée  par  un  amascoquillier,  d'une  épaisseur  de  2'",25  à  2'", 50. 


426  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Les  coquilles  les  plus  fréquentes  sont  laLittorine,  le  Cardium,  laTelline, 
la  Paludine.  Dans  cette  brèche  coquillière,  on  a  trouvé  des  ossements 
appartenant  tous  à  des  animaux  de  l'époque  actuelle  :  Cerf,  Daim,  Mou- 
ton, Bœuf,  Sanglier,  Chien,  Phoque  gris,  Dauphin,  diverses  espèces  de 
poissons,  principalement  des  Gadoïdes.  Les  restes  de  bois  carbonisés, 
certaines  empreintes  de  feuilles  nous  apprennent  que  la  flore  était  aussi 
la  flore  actuelle;  ces  vestiges  appartiennent  au  chêne,  au  hêtre,  au  noi- 
setier, au  tilleul,  au  bouleau,  au  frêne.  On  ne  nous  signale  pas  de  restes 
de  conifères. 

Les  restes  d'industrie  ont  été  découverts  à  des  profondeurs  variant  da 
1™,40  à  0'»,30;  certains  objets  furent  même  trouvés  à  la  surface.  Le 
nombre  des  pièces  dépasse  10.000.  Les  objets  trouvés  sont  des  haches, 
des  grattoirs,  des  couteaux,  des  éclats  et  des  tranchets  du  type  de  ceux 
des  kjokkenmoddings  du  Danemark,  le  tout  grossièrement  travaillé.  Les 
haches  sont  de  deux  types  :  1°  haches  plates,  presque  triangulaires,  sem- 
blables à  certains  types  danois;  2°  haches  à  tranchant  rond,  beaucoup 
plus  rares  que  les  précédentes.  On  a  aussi  trouvé  des  haches  polies 
en  pierre  verte  (diabase  amygdaloïde)  et  des  tessons  de  poterie  brune, 
très  grossière.  La  décoration  de  cette  poterie  consiste  en  cavités  circu- 
laires, elliptiques  ou  naviformes,  faites  en  appliquant  le  bout  des  doigts 
sur  la  pâte  fraîche.  Les  vases  semblent  avoir  été  des  marmites,  sou- 
vent à  fond  rond,  parfois  à  fond  plat,  avec  des  bords  droits  ou  à  angle 
rentrant.  Sur  un  tesson,  on  voit  une  bordure  en  argile  rapportés.  On  a 
découvert  des  foyers  en  grosses  pierres,  de  forme  généralement  rec- 
tangulaire. 

M.  Kjellmark  compare  les  objets  qu'il  a  trouvés  à  Jàravall  avec  ceux 
découverts  à  Sibbarp,  localité  voisine  du  lieu  de  ses  fouilles,  et  avec  ceux 
provenant  de  deux  kjokkenmoddings  du  Danemark.  De  cette  compa- 
raison, il  croit  pouvoir  tirer  la  conclusion  que  la  station  appartient  à  la 
fin  de  la  période  paléolithique.  Cette  conclusion  nous  paraît  erronée  : 
rien  ne  permet  de  reporter  avant  le  Néolithique  le  temps  d'établisse- 
ment de  la  station  de  Jàravall  :  la  faune  est  néolithique,  on  y  trouve 
de  la  poterie,  enfin,  les  haches  polies  nous  donnent  une  indication 
chronologique  précieuse. 

H.  Beuchat. 

Capitan  (Dr)    et   Abnaud  d'Agnel  (L'Abbé).  Rapports  de  l'Egypte  et   de  la  Gaule  à 
l'époque  néolithique  {Revue  de  r École  d'Anthrop.  de  Paris,  septembre  1905). 

Cet  article  est  la  reproduction  d'une  communication  faite  par  les 
auteurs  à  l'Académie  des  Inscriptions  le  11  août  1905.  On  a  trouvé, 
dans  un  des  ravins  de  l'île  de  Riou,  située  à  13  kilomètres  au  sud  de 
Marseille,  toute  une  série  de  silex  taillés,  scies,  pointes,  perçoirs,  pointes 
de  flèche,  couteaux  à  soie,  herminettes,  tellement  semblables  aux 
silex  du  Fayoum  qu'il  est  impossible  de  les  distinguer  les  uns  des 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  427 

autres.  Ces  silex  se  trouvent  en  place  dans  un  mince  lit  de  sable,  au 
sein  d'une  formation  alluviale,  produite  par  un  ruisseau  qui  a  dû  couler 
autrefois  dans  le  ravin  aujourd'hui  complètement  à  sec.  Voici  la  coupe 
de  cette  formation,  de  haut  en  bas  : 

A.  Époque  romaine.  Humus  sableux  avec  nombreux  fragments  de  céra- 
mique à  couverte  rouge,  0'",10. 

B.  Époque  grecque.  Sable  fin  avec  débris  de  céramique  grecque,  0",12. 

C.  Époque  ligure.  Sable  fin  avec  débris  de  vases  en  terre  pailletée  de 
mica,  O'^.O?. 

D.  Epoque  néolithique  égyptienne.  Couche  de  fragments  calcaires  brisés, 
renfermant,  disséminés  sans  ordre,  les  silex  de  facture  égyptienne, 
0'",10. 

E.  Epoque  néolithique  locale.  Sable  noir  avec  débris  de  charbon,  coquilles 
marines,  fragments  d'os  de  Mammifères,  silex  taillés  et  débris  de  pote- 
ries de  facture  autochtone,  O^'jSO. 

F.  Quaternaire^  Sable  du  fond  du  ravin,  0^,60. 

Les  auteurs  ont  fouillé  eux-mêmes,  sans  le  secours  d'ouvriers.  Leurs 
constatations  sont  donc  de  la  plus  haute  importance.  Ils  admettent  que 
des  mouvements  de  soulèvement  et  d'abaissement  du  sol  ont  modifié 
récemment  les  côtes  provençales  de  la  Méditerranée  et  qu'à  l'époque 
néolithique  l'île  de  Riou  était  soudée  au  continent  par  l'intermédiaire 
des  îles  Calseraigne  et  de  Jaire,  qu'un  mouvement  négatif  d'une  ving- 
taine de  mètres  d'amplitude  suffirait  à  transformer  en  une  sorte  de 
péninsule  ou  de  presqu'île  comprenant  l'île  de  Riou.  Celle-ci  aurait 
d'abord  reçu  la  visite  des  aborigènes  néolithiques  de  la  Provence  qui 
auraient  laissé  leurs  traces  sous  la  forme  de  foyers  ou  d'amas  de  coquilles. 
Plus  tard  des  navigateurs  égyptiens  auraient  débarqué  sur  cette  même 
pointe  avancée  pour,  de  là,  gagner  l'intérieur  des  terres.  Plus  tard  les 
Grecs  aurai«3nt  fait  de  même.  Ces  observations  sont  évidemment  du  plus 
haut  intérêt.  Elles  permettent  d'assigner  une  date  à  notre  Néolithique 
puisque  nous  savons  que  le  Néolithique  égyptien,  antérieur  aux  pre- 
mières dynasties,  remonte  au  moins  à  5.000  ans  avant  J.-C.  Les 
kjoekkenmoeddings  de  Provence  seraient  donc  encore  plus  anciens. 

Devant  un  fait  aussi  curieux  et  aussi  gros  de  conséquences,  pour 
me  servir  de  l'expression  même  des  auteurs,  de  nouvelles  études  devront 
être  faites  à  Riou  avec  le  concours  d'un  géologue  expérimenté,  car  bien 
des  points  sont  encore  à  éclaircir  dans  cette  affaire.  Espérons  que  le 
fin  stratigraphe  qu'est  M.  Vasseur  voudra  bien  s'y  employer. 

M.  Boule. 

PACHUNDAKr.  Observatlons  sur  le  Préhistorique  en  Egypte  (Extr.  de  la^Revue  interna- 
tionale d'Egypte,  septembre  1905). 

L'auteur  ne  croit  pas  pouvoir  accepter  en  leur  entier  les  conclusions 
d'un  article  de  M.  Chantre  paru  récemment  dans  la  même  revue.  Il 


430  MOUVEMENT  SCIEiNTIFIQUE. 

David   Randall-Maciver.  Mediaeval   Rhodesia.  Londres,  Macmillan   1906,  in-4  (xv- 

106  p.,  36  pi.). 

Lorsque  la  British  Associalion  eut  décidé  de  visiter  l'Afrique  australe, 
elle  demanda  à  l'auteur  de  consacrer  quelques  mois  à  étudier  les 
ruines  de  la  Rhodesia  et  à  résoudre,  dans  la  mesure  du  possible,  la 
question  de  leur  antiquité.  C'est  le  résultat  de  ces  explorations  que 
M.  Randall-Maciver  nous  présente  dans  le  magnifique  volume  que  nous 
avons  sous  les  yeux.  Disons  tout  de  suite  que  les  fouilles  méthodiques 
auxquelles  il  s'est  livré  dans  les  ruines  d'inyanga,  Niekerk,  Umtali, 
Dhlo-Dhlo,  Nanatali,  Khami,  Zimbabwe  vont  à  rencontre  de  toutes 
les  idées  admises  jusqu'à  présent.  Loin  d'être  d'une  antiquité  remar- 
quable, ces  ruines  ne  remontent  pas  au  delà  du  xiv^  ou  du  xv'  siècle 
de  notre  ère. 

Dans  l'architecture  il  n'y  a  aucune  trace  d'influence  européenne  ou 
orientale.  On  n'a  pas  trouvé  d'inscriptions.  Les  objets  importés,  dont  la 
date  est  bien  connue  dans  leur  pays  d'origine  sont  contemporains  des 
monuments  où  ils  ont  été  trouvés;  par  suite  ceux-ci  remontent  à  la  fin 
du  moyen  âge.  Les  habitations  situées  à  l'intérieur  des  ruines  et  en 
formant  partie  intégrante  sont  nettement  du  type  africain.  Il  en  est 
de  même  des  objets  trouvés  excepté  lorsque  ceux-ci  sont  des  importa- 
tions. 

Les  ruines  d'inyanga  sont  situés  à  60  milles  au  nord  d'Umtali  et 
composées  de  quatre  forts  situés  sur  des  collines.  Celles  de  Niekerk 
sont  formées  d'une  série  de  retranchements  entourant  un  massif  mon- 
tagneux; elles  occupent  plus  de  50  milles  carrés.  Au  centre  se  trouvent 
des  constructions  circulaires  semblables  à  celles  des  forts  d'inyanga. 
Il  y  a  de  plus  un  local  qui  semble  avoir  servi  à  des  cérémonies  reli- 
gieuses. On  y  a  trouvé  des  poteries,  des  instruments  et  des  armes  en  fer 
et  d'autres  en  pierre  taillée,  que  leurs  conditions  de  gisement  démon- 
trent contemporains  des  premiers.  Nous  voyons  donc  là  un  peuple  qui 
connaissait  parfaitement  les  métaux  mais  qui  avait  conservé  pour  cer- 
taines circonstances  l'usage  de  haches,  de  pointes  de  flèches,  de  cou- 
teaux en  quartz  simplement  taillé.  Les  poteries  sont  faites  à  la  main 
et  portent  des  ornements  géométriques. 

Umtali  est  situé  sur  la  frontière  de  la  Rhodesia  et  du  territoire  portu- 
gais. Les  objets  les  plus  remarquables  qui  ont  été  trouvés  sont  des  sta- 
tuettes grossières  d^hommes,  de  femmes  et  d'animaux  taillées  dans 
une  pierre  tendre.  Il  y  a  comme  dans  les  autres  ruines  des  lances  et 
des  épées  en  fer,  des  poteries  à  décor  géométrique.  Dhlo-Dhlo,  Nanatali 
et  Khami  sont  situés  dans  le  Matabéléland  et  peuvent  être  aisément 
atteints  à  partir  de  Buluwayo.  Zimbabwe  se  trouve  plus  à  Test,  non 
loin  de  la  frontière  portugaise,  au  sud  d'Umtali. 
Dhlo-Dhlo  était  une  forteresse   ou  plutôt  une  ville  fortifiée.   Les 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  431 

murailles  sont  en  petits  blocs  de  granit  cimentés  par  endroits  et  dis- 
posés d'une  façon  décorative  vers  le  haut  du  mur.  Les  retranchements 
sont  conçus  d'une  façon  très  ingénieuse  pour  la  défense.  Un  grand 
amas  de  débris,  l'ancien  dépotoir  de  la  ville,  a  de  nouveau  donné  des 
objets  en  fer,  en  cuivre  et  en  pierre,  des  poteries  faites  à  la  main,  les 
unes  ornées  de  dessins  géométriques  gravés,  les  autres  portant  des 
chevrons,  des  triangles,  des  bandes,  peints  en  noir  sur  fond  rouge,  enfin 
des  porcelaines  à  fleurs.  Ce  sont  celles-ci  qui  permettent  de  dater  les 
ruines  en  fournissant  le  point  de  comparaison  qui  manquait  jusqu'à 
présent.  Elles  appartiennent  en  effet  à  un  type  qui  n'est  pas  antérieur 
au  xvi^  siècle  de  notre  ère.  L'un  des  fragments  de  cette  porcelaine  a 
été  trouvé  sous  le  sol  cimenté  d'un  des  bâtiments. 

Nanatali  est  une  petite  forteresse  entourée  d'une  muraille  elliptique 
de  53  mètres  de  diamètre  intérieur  maximum  et  dont  l'épaisseur  varie 
de  1"^,70  à  4  mètres.  Ce  gisement  a  donné  fort  peu  d'objets.  A  Khami 
on  trouve  une  série  de  ruines  situées  sur  des  collines.  Ce  sont  encore 
des  retranchements  qui  épousent  plus  ou  moins  les  formes  du  terrain 
et  à  l'intérieur  desquels  se  trouvent  des  plates-formes  pour  les  habita- 
tions. On  y  a  trouvé  le  même  mélange  d'objets  indigènes,  armes  de  fer, 
bracelets  de  cuivre,  instruments  de  pierre,  poteries  grossières,  amu- 
lettes en  os,  anneaux  d'ivoire,  et  d'objets  importés  tels  que  la  porce- 
laine et  un  fragment  de  bronze  émaillé. 

Le  terme  de  Zimbabwe  signifie  en  langue  indigène  «  maisons  de  pierre». 
Sous  la  forme  «  Zimbaoe  »  ou  «  Simbaoe  »  il  est  fréquemment  employé 
par  les  Portugais  pour  désigner  la  résidence  d'un  chef,  sans  tenir 
compte  de  la  localité.  Les  ruines  auxquelles  on  applique  ce  nom  ont 
été  de  la  part  de  l'auteur  l'objet  de  fouilles  méthodiques  descendant 
jusqu'au  sol  naturel.  Elles  lui  ont  montré  qu'il  n'y  a  pas  de  différences 
entre  les  objets  trouvés  dans  la  couche  la  plus  profonde  et  ceux  qui 
se  rencontrent  à  la  surface.  Dès  le  fond  on  rencontre  de  la  céramique 
identique  à  la  poterie  cafre  moderne.  On  est  donc  amené  à  conclure  que 
les  gens  qui  habitaient  ce  qu'on  a  appelé  le  temple  elliptique  apparte- 
naient à  des  tribus  dont  l'industrie  ne  saurait  être  distinguée  de  celle 
des  Makalanga  actuels. 

Comme  d'autre  part  les  constructions  situées  au-dessus  du  sol  en 
ciment  et  blocages  sont  parfaitement  homogènes  et  remontent  toutes 
à  la  même  époque  et  qu'on  y  a  trouvé  du  verre  arabe  et  des  porcelaines 
du  moyen  âge,  ceci  permet  de  fixer  au  xiv*^  ou  au  xv^  siècle  au  maxi- 
mum la  date  de  fondation  du  temple  elliptique. 

Les  habitations  construites  à  l'intérieur  des  murailles,  aussi  bien  à 
Zimbabwe  qu'à  Nanatali  et  à  Khami,  appartiennent  à  un  type  uniforme. 
Ce  sont  des  constructions  circulaires  à  parois  cimentées,  élevées  sur 
une  plate-forme  artificielle,  dont  le  diamètre  est  de  6  à  7  mètres.  Des 
marches  conduisent  à  la  hutte.  Des  poteaux  de  bois  avaient  été  enfoncés 


432  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

dans  le  ciment  de  la  plate-forme,  ce  qui  prouve  bien  que  la  construc- 
tion qui  surmontait  celle-ci  était  de  même  date  qu'elle.  Enfin  on  avait 
englobé  dans  le  ciment  des  débris  de  toutes  sortes,  qui  permettent  de 
fixer  très  exactement  la  date  de  la  construction. 

Le  «  temple  elliptique  »  est  une  enceinte  de  100  mètres  de  long  sur 
70  de  large,  formée  par  une  muraille  massive  qui  est  encore  haute  de 

10  mètres  par  endroits  et  qui  a  jusqu'à  4  mètres  d'épaisseur  au  sommet. 
Elle  appartient  au  même  type  que  les  autres  ruines  de  la  Rhodesia. 
Elle  est  formée  de  fragments  de  granit  grossièrement  taillés  et  non 
cimentés.  Au  sud  et  au  sud-est  le  haut  du  mur  est  décoré  de  chevrons. 

11  s'agit  encore  ici  d'une  forteresse;  on  peut  la  considérer  comme  un 
développement  sur  une  plus  grande  échelle  des  petites  fortifications 
situées  sur  les  kopjes  d'Inyanga  et  de  Niekerk.  Dans  la  partie  nord  de 
l'enceinte  se  trouvent  des  plates-formes  qui  servaient  probablement  de 
support  aux  habitations  du  chef.  Zimbabwe  peut  être  identifié  avec  la 
capitale  du  Monomotapa,  ce  qui  expliquerait  l'importance  de  ces  cons- 
tructions. La  moitié  sud  de  l'enceinte  semble  avoir  servi  à  des  (Céré- 
monies religieuses;  c'est  là  qu'on  a  trouvé  deux  tours  coniques  qui 
avaient  peut  être  une  signification  phallique. 

Si  l'on  admet  que  le  «  temple  »  était  la  résidence  royale,  les  ruines 
situées  dans  la  vallée  qui  sépare  le  «  temple  »  de  «  l'acropole  »,  étaient 
les  habitations  des  principaux  personnages  de  la  tribu.  Elles  ne  sont 
pas  fortifiées,  car  «  l'acropole  »  offrait  un  refuge  imprenable  en  cas  de 
danger.  Elles  reposent  sur  une  plate-forme  en  ciment  et  leurs  parois 
en  maçonnerie  sont  parfois  aussi  parfaites  que  celles  situées  dans  l'en- 
ceinte elliptique.  L'acropole  est  une  forteresse  située  sur  une  colline 
d'une  centaine  de  mètres  de  hauteur  et  absolument  imprenable. 

Il  est  impossible  d'entrer  dans  le  détail  de  tous  les  objets  trouvés 
dans  les  ruines  de  l'Afrique  australe.  Parmi  ceux  qui  peuvent  servir  à 
les  dater  citons  :  un  fragment  de  faïence  persane  datant  probablement 
du  XIV*  siècle,  de  même  que  les  verreries  arabes,  le  tout  provenant 
de  Zimbabwe;  Dhlo-Dhlo  a  donné  deux  fragments  de  porcelaine  chinoise 
peinte  en  bleu,  le  style  de  la  décoration  indique  le  milieu  de  la  dynastie 
des  Ming,  c'est-à-dire  le  début  du  xvi^  siècle;  un  objet  en  argent  d'ori- 
gine arabe;  deux  morceaux  de  verre  probablement  arabes;  des  perles 
de  verre  vénitiennes.  A  Khami  on  a  trouvé  un  fragment  d'une  coupe  en 
porcelaine  chinoise  du  xvi^  siècle. 

En  résumé  nous  avons  affaire  à  tout  un  ensemble  de  ruines  d'un 
caractère  uniforme.  Zimbabwe  représente  l'apogée  de  ce  genre  de  cons- 
truction ;  c'est  si  l'on  veut  la  combinaison  du  fort  si  remarquable  de 
de  la  colline  d'Inyanga  avec  le  kraal  à  murailles  de  pierres  de  Nanatali. 
Partout  les  huttes  forment  partie  intégrante  de  la  construction  et  n'ont 
pas  été  élevées  sur  les  ruines  par  les  Cafres  actuels.  Leur  caractère  est 
nettement  africain.  On  peut  admettre  que  Zimbabwe  aété  construit  par 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE-  433 

un  peuple  de  marchands  qui  échangeaient  de  l'or  avec  les  Arabes  de  la 
côte  et  en  recevaient  des  produits  de  l'Orient  et  même  de  l'Europe.  Vers 
la  fin  du  xv^  siècle  le  Monomotapa  fut  démembré  par  des  révoltes  de 
vassaux  et  la  capitale  fut  transportée  vers  le  nord.  De  cette  époque  date 
la  décadence  de  Zimbabwe.  De  nouvelles  villes,  moins  grandes  et  moins, 
brillantes  le  remplacèrent  :  Dhlo-Dhlo,  Nanatali,  Khami. 

Les  ruines  les  plus  anciennes  paraissent  être  celles  du  district  septen- 
trional entre  Inyanga  et  le  Zambèze.  Umlali  daterait  du  xv«  siècle, 
Inyanga  et  Niekerk  seraient  un  peu  plus  anciens,  à  en  juger  par  la 
forme  des  constructions  et  la  grossièreté  de  la  céramique.  L'absence  de 
toute  trace  de  commerce  avec  les  Portugais  montre  que  ces  établisse- 
ments étaient  abandonnés  dès  1550,  sinon  plus  tôt.  Cet  intéressant 
travail  me  paraît  devoir  mettre  fin  au  «  mirage  phénicien  »  qui  se 
jouait  sur  les  ruines  de  l'Afrique  australe.  Il  montre  également  que  les 
Nègres  sont  capables  à  l'occasion  d'élever  des  monuments  remarquables 
par  leur  masse  et  leurs  caractères  architecturaux. 

D"^  L.  L. 


A.  G.  WiLKE.  Zur  Entstehung  der  Spiraldekoration  (L'origine   de   la   décoration 
en  spirale).  Zeiischrift  fiir  Ethnologie,  t.  XXXVUI,  1906,  p.  1  (16  ûg.) . 

Dans  son  ouvrage  sur  l'origine  des  Indo-Germains,  Much  a  montré 
que  la  décoration  spirale  est  plus  ancienne  que  la  civilisation  mycé^ 
nienne,  qu'elle  n'est  donc  pas  comme  on  le  croyait  précédemment, 
empruntée  à  ce  cycle,  mais  qu'elle  a  au  contraire  pris  naissance  d'une 
façon  indépendante,  en  Europe  centrale.  Tant  qu'on  a  cherché  l'originô 
de  la  spirale  en  Orient,  c'est-à-dire  dans  un  pays  qui  connaissait  déjà 
les  métaux  et  qui  empruntait  en  majeure  partie  ses  motifs  ornementaux 
au  monde  animé,  on  pouvait  croire  que  ce  décor  avait  pour  modèle  la 
spirale  métallique  ou  des  objets  organiques,  tels  que  les  vrilles  des 
plantes.  Ce  mode  d'explication  ne  convient  pas  aux  spirales  des  poteries 
néolithiques  d'Europe,  qui  n'admettent  pas  de  décor  tiré  du  règne 
animal  ou  végétal. 

D'après  M.  Wilke  la  spirale  néolithique  dériverait  du  cercle  de  la 
façon  suivante.  Sur  un  axe  A  B  on  décrit  une  série  de  cercles  doubles 
concentriques,  qui  viennent  tous  couper  l'axe  en  des  points  équidis- 
tants.  Que  l'on  coupe  ensuite  celte  série  de  cercles  le  long  de  l'axe  et 
qu'on  refoule  les  deux  moitiés  de  figure  ainsi  obtenues,  en  les  faisant 
glisser  l'une  sur  l'autre  de  une,  ou  deux,  ou  trois  fois  la  distance  d'un 
cercle  au  suivant.  On  obtiendra  successivement  une  série  de  volutes, 
une  double  ligne  onduleuse,  une  série  de  volutes  de  sens  inverse  à  la 
première.  Si  on  avait  employé  une  série  de  cercles  triples  concentriques 
on  aurait  obtenu  :  une  ligne  de  volutes  simples,  des  doubles  volutes, 
une  ligne  onduleuse  triple,  des  volutes  de  sens  inverse  aux  précé- 
l'anturopolooie.  —  T.  xvir.  —  1906.  28 


434  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

dénies.  Avec  quatre  ou  cinq  cercles  le  nombre  des  combinaisons  est 
encore  plus  grand. 

L'auteur  montre  ensuite  que  toutes  ces  figures,  cercles  concentriques, 
volutes,  méandres,  lignes  onduleuses  sont  effectivement  représentées 
•  sur  la  céramique  néolithique.  11  étudie  à  ce  point  de  vue  surtout  les 
stations  de  Hongrie  et  de  Transylvanie  et  celle  de  Butmir  dans  la  vallée 
du  Danube.  Il  établit  que  dans  la  région  considérée  on  a  employé 
comme  motif  décoratif,  à  l'époque  néolithique,  toute  la  série  des  figures 
que  donne  la  construction  géométrique  esquissée  plus  haut.  11  est  à 
remarquer  qu'à  Butmir  les  spirales  véritables  jouent  un  rôle  subor- 
donné :  ce  qu'on  rencontre  surtout  ce  sont  les  séries  de  volutes  déri- 
vant directement  de  la  construction  géométrique  et  ces  volutes  appa- 
raissent avec  leur  plus  grande  pureté  dans  les  couches  inférieures, 
tandis  qu'ailleurs  on  y  a  souvent  adjoint  des  lignes  parasites  destinées 
à  rehausser  le  décor  mais  ne  dérivant  pas  de  la  construction  géomé- 
trique. 

11  faut  se  demander  comment  les  néolithiques  ont  découvert  cette 
méthode  qui  en  faisant  glisser  l'un  sur  l'autre  des  demi-cercles  permet 
sans  difficulté  d'obtenir  toute  une  série  de  décors  nouveaux.  En  essayant 
de  raccommoder  une  poterie  brisée  ou  un  fragment  d'os  ou  de  bois 
décoré,  ils  ont  puobserverque  les  dessins  del'undes  fragments  pouvaien  t 
faire  avec  ceux  de  l'autre  des  décors  nouveaux.  S'ils  possédaient  déjà 
des  étoffes  de  couleur,  une  erreur  dans  le  tissage  produisait  des  combi- 
naisons nouvelles.  Un  pli  dans  une  étoffe  ornée  de  carrés  pouvait  faire 
apparaître  des  lignes  brisées.  Une  fois  le  principe  découvert,  il  a  été 
appliqué  aux  objets  les  plus  divers.  Certains  vases  portent  des  méandres 
brisés  ou  des  lignes  en  zigzag,  qui  dérivent  directement  de  carrés  ou 
de  losanges  concentriques  dont  une  des  moitiés  a  glissé  par  rapport  à 
l'autre. 

Ce  procédé  a  été  employé  un  peu  partout.  L'archéologie  péruvienne 
a  fait  connaître  des  étoffes  dont  les  dessins  ne  peuvent  s'expliquer  que 
de  cette  façon.  Les  décors  en  spirale  desCliff  Dwellers  du  sud-ouest  des 
États-Unis,  et  des  mounds  de  la  Louisiane  ont  la  plus  grande  analogie 
avec  les  poteries  du  Bas-Danube.  Si,  dans  bien  des  cas  l'ornement  géomé- 
trique, et  plus  spécialement  le  méandre  et  la  spirale,  dérivent  des  figures 
d'êtres  animés,  il  n'est  pas  moins  certain  que  dans  d'autres  cas  on  voit 
des  modèles  géométriques  se  transformer  en  figures  d'hommes  ou 
d'animaux.  11  en  est  ainsi  des  figures  stylisées  qu'on  rencontre  dans  les 
tissus  péruviens.  De  même  les  décors  en  spirales  ou  en  méandre  si  . 
développés  en  Nouvelle-Zélande  s'expliquent  peut-être  plus  facilement 
par  le  procédé  géométrique  que  par  la  stylisation  de  formes  organiques. 
En  ce  qui  concerne  l'Europe,  l'origine  du  décor  en  spirale  ou  en 
méandre  doit  être  cherchée  dans  la  région  où  cet  ornement  apparaît 
avec  la  plus  grande  variété  et  la  plus  grande  pureté,  et  où  il  a  pris  dès 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  435 

le  début  le  plus  de  développement,  c'est-à-dire  dans  la  Hongrie  méri- 
dionale, et  notamment  en  Transylvanie  et  à  Butmir.  A  partir  de  ce 
point  le  décor  en  spirale  a  remonté  le  Danube  vers  l'Allemagne  cen- 
trale et  est  descendu  vei's  les  Balkans  et  l'Orient  jusqu'au  Caucase. 
L'Allemagne  a  reçu  ces  modèles  par  voie  commerciale;  elle  les  a  imités 
sans  en  comprendre  le  principe.  Aussi  y  voyons-nous  ce  décor  dispa- 
raître avant  la  fin  de  l'époque  néolithique,  alors  que  dans  son  pays 
d'origine  il  a  persisté  ot  donné  lieu  à  de  nouvelles  variétés  jusque  dans 
l'âge  du  bronze  et  même  de  Hallstalt.  Ce  n'est  qu'à  l'époque  du  bronze 
que  ce  décor  reparaît  dans  la  province  nordique,  apporté  en  même 
tem.ps  que  les  métaux. 

Dans  le  sud  du  Bakan  et  dans  l'Archipel,  le  décor  en  spirale  a  été 
apporté  par  ses  inventeurs  eux-mêmes  qui  ont  émigré  dans  ces  régions. 
Les  influences  égyptiennes  et  asiatiques  y  ont  mêlé  des  éléments 
emprunté  au  monde  organique,  et  c'est  dans  le  cercle  mycénien  et  en 
Crête  que  la  spirale  et  le  méandre  atteignent  leur  plus  haut  développe- 
ment. Quant  à  la  spirale  égyptienne  il  est  probable  qu'elle  est  autoch- 
tone et  s'est  développée  en  dehors  de  toute  influence  européenne, 
mais  d'api'ès  le  même  procédé. 

DrL.  L. 

Galien-Mingaud.  Épingles  en  bronze  trouvées  à  Vers,  Gard  (2  p.  extr.  du  Bull,  de 
la  Soc.  Elude  Se.  nat.  de  Nimes^  1903). 

Au  lieu  dit  Qualité,  commune  de  Vers,  près  le  Pont-du-Gard,  un  cul- 
tivateur, défonçant  un  champ,  a  trouvé  onze  fortes  épingles  en  bronze, 
enfouies  à  0'",40  de  profondeur,  comme  intentionnellement  groupées 
et  placées  sur  un  lit  de  pierres.  Il  s'agit  probablement  d'une  cachette 
de  marchand. 

Ces  onze  épingles  ont  été  acquises  par  le  Musée  de  Nîmes;  leur  lon- 
gueur varie  de  0^^,20  à  0'^,46,  leur  poids  de  11  à  102  grammes.  Laur  tête 
est  plate,  ou  élargie  en  forme  de  bouton,  ou  bombée  ou  fusiforme.  Le 
haut  est  orné  de  lignes  circulaires  ou  de  chevrons;  l'une  d'elles  porte, 
vers  le  haut,  huit  disques  dentés  et  mobiles.  L'analyse  chimique  d'une 
de  ces  épingles  a  révélé  un  bronze  à  10  0/0  d'étain  et  sans  plomb. 

M.  Boule. 

L.  ScHiN'KiDEK.  Kupferbeile  aus  dem  Bezirke  Koniggratz  (Haches  de  cuivre  du  dis- 
trict de  Kôuiggràtz).  Tirage  à  part  sans  indication  d'origiue,  iu-4o,  7  p.  et  2  pi. 

Les  haches  en  question  sont  à  deux  tranchants  perpendiculaires  l'un 
à  Tautre;  l'une  est  longue  de  270  mm.,  l'autre  de  285  mm.  L'analyse 
a  montré  qu'elles  sont  en  cuivre  pur  et  ne  renferment  que  des  traces 
d'autres  métaux.  L'auteur  décrit  ensuite  des  haches  en  cuivre  à  un  seul 
tranchant  provenant  de  la  même  région.  Une  autre  hache  en  cuivre 
présente  d'un  côté  un  tranchant  longitudinal,  de  l'autre  une  tête  de 


436  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

marteau;  elle  est  longue  de  250  mm.  et  provient  des  environs  de  Nim- 
Lurg.  Comme  dans  les  cas  précédents,  il  s'agit  d'une  trouvaille  isolée. 
11  est  intéressant  de  noter  qu'on  a  recueilli  dans  la  nécropole  de  Bylany, 
près  de  Bôhmisch-Brod,  deux  haches  de  pierre  qui  sont  visiblement 
copiées  sur  ces  haches-marteaux. 

M.  Schneider  donne  ensuite  la  liste  d'un  grand  nombre  de  localités 
où  on  a  trouvé  des  fragments  de  chaînettes  d'or.  L'abondance  et  la  dis- 
tribution de  ces  trouvailles  permettent  de  conclure  à  l'existence  d'une 
voie  commerciale  par  laquelle  passaient  l'or  et  le  cuivre  provenant  de 
Hongrie  pour  gagner  la  Silésie  et  les  rivages  de  la  Baltique  en  traver- 
sant la  Moravie  et  le  nord-est  de  la  Bohême. 

D"^  L.  Laloy. 

A.  LissAUER.  Die  Doppelaxte  der  Kupferzeit  im  -westlicheii  Europa  (Les  haches 
doubles  de  l'âge  du  cuivre  en  Europe  occidentale).  Zeilschrit  fUr  Ethnologie^ 
t.  XXXVII,  1905,  p.  519  (1  pi.  et  1  carte). 

1d.  Die  Doppelaxt  aus  Kupfer  von  Pyrmont  (La  hache  double  en  cuivre  de  Pyrmont). 
Ibid,  {YerfumclL),  p.  170  (2  fig.). 

11  y  a  en  Europe  des  haches  doubles  de  cuivre  de  deux  types  diffé- 
rents. Chez  les  unes  les  tranchants  sont  perpendiculaires  l'un  à  l'autre, 
chez  les  autres  ils  sont  parallèles.  Les  premières  se  rencontrent  dans 
l'Europe  orientale,  surtout  en  Hongrie,  les  secondes  en  Europe  occiden- 
tale, surtout  en  Allemagne.  Parmi  celles-ci  les  unes  ont  au  milieu  un 
trou  d'un  diamètre  suffisant  pour  y  introduire  un  manche;  chez  les 
autres  l'orifice  est  juste  assez  grand  pour  y  passer  un  fil  de  fer  ou  une 
ficelle.  C'est  de  ces  dernières  que  s'occupe  M.  Lissauer. 

On  en  connaît  actuellement  18  exemplaires,  dont  15  proviennent 
d'Allemagne,  1  de  Suisse  et  2  du  sud  de  la  France.  Chez  toutes,  la  par- 
tie médiane  est  mince  et  étroite,  les  parties  latérales  en  divergent 
comme  des  ailes  et  les  tranchants  sont  situés  dans  le  même  plan.  La 
longueur  de  ces  haches  varie  de  28  à  42  centim.,  la  largeur  de  la  partie 
médiane  est  de  1,5  à  2,6  centim.,  celle  des  tranchants  de  5  à  9,5  centim. 
Le  trou  est  carré  ou  irrégulier,  son  diamètre  est  de  0,4  à  1,5  centim.  Le 
poids  varie  de  510  à  3. 040  grammes. 

11  est  certain  que  ces  haches  n'ont  pu  servir  comme  outils.  Chez  les 
Grecs,  des  barres  de  métal  de  la  valeur  de  10  mines  avaient  la  forme 
d'une  bipenne.  En  Serbie  on  a  trouvé  des  barres  d'argent  en  forme  de 
hache  double,  datant  de  l'époque  romaine.  Des  haches  doubles  sont 
figurées  sur  des  monnaies  de  Tenedos,  de  Carie  et  de  Rhodes,  sur  les 
murs  du  palais  de  Knossos,  en  Crète.  On  a  trouvé  des  haches  votives  à 
Chypre.  H  est  donc  hors  de  doute  que  dans  le  monde  grec  la  hache 
double  était  un  symbole  religieux.  D'autre  part,  Montelius  a  montré 
que  dès  l'âge  du  cuivre  il  y  avait  en  Scandinavie  des  perles  d'ambre 
taillées  en  forme  de  bipennes. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  437 

Les  haches  de  cuivre  devaient  être  importées  de  Chypre,  et  leur  forme 
était  une  sorte  de  marque  de  fabrique  qui  en  augmentait  la  valeur.  Si 
quelques-unes  portent  des  ornements,  c'est  que  dans  le  pays  où  elles 
étaient  importées,  on  en  avait  fait  des  ex-votos  ou  des  insignes  de 
puissance.  La  carte  de  leur  répartition  montre  que  ces  haches  ont  dû 
être  importées  par  la  vallée  du  Rhône,  la  Suisse,  les  bassins  du  Rhin, 
du  Mein  et  de  la  Saale.  C'est  la  route  qu'ont  suivie  les  premières  impor- 
tations de  cuivre  venues  du  bassin  oriental  de  la  Méditerranée,  pour 
atteindre  l'Allemagne  du  Nord. 

La  hache  trouvée  à  Pyrmont  a  été  analysée  par  M.  Ralhgen.  Elle  est 
en  cuivre  pur,  sans  aucune  trace  d'étain,  peut-être  avec  une  trace  de 
bismuth.  D'^  L.  L. 

LissAUER.  Eine  Doppelaxt  aus  Kupfer,  etc.  (Hache  double  en  cuivre  d'EUierode, 
cercle  de  Northeim,  U àno'f re).  Zeilschrift  fiir  Ethnologie,  t.  XXXVII,  1905,  p.  1007 
(2  fîg.). 

Cette  hache  est  du  type  de  celles  qui  ont  été  décrites  ici  {UAnthrop., 
IX,  1898,  p.  77),  à  lames  minces  et  à  trou  d'emmanchure  de  faible 
diamètre.  Ces  haches  ne  pouvaient  être  utilisées  :  c'étaient  des  lingots 
importés  sous  cette  forme.  A  ce  propos,  l'auteur  rappelle  que  Pigorini 
a  signalé  la  présence  de  lingots  de  cuivre  à  Chypre,  en  Crète,  en  Eubée 
et  en  Sardaigne.  Ils  pèsent  jusqu'à  37  kg.  et  ne  sont  pas  perforés. 
Beaucoup  d'entre  eux  portent  des  marques,  entre  autres  la  double 
hache  Cretoise.  Les  haches-lingots  de  l'Europe  occidentale  ne  pèsent 
jamais  plus  de  3  kg.  parce  qu'on  les  transportait  par  voie  de  terre;  on 
pouvait  les  relier  par  un  lien  traversant  leur  orifice.  Au  contraire,  les 
gros  lingots  de  la  Méditerranée  orientale  étaient  transportés  par  mer. 
Cependant  on  avait  également  chez  les  Grecs  de  petits  lingots  en  forme 
de  hache  double  et  ne  pesant  pas  plus  de  6  kg. 

D--  L.  L. 

LoRTKT  ET  Gaillard.  La  faune  momifiée  de  l'ancienne  Egypte.  1  vol.  grand  10-4", 
330  pages,  7  planches  et  184  fig.  daus  le  texte.  (Extr.  des  Archives  du  Muséum  de 
Lyon,  t.  VIU  et  IX,  1905). 

Depuis  les  travaux  de  Cuvier.  Savigny,  E.  GeofTroy-Saint-Hilaire, 
rien  ou  presque  rien  n'avait  été  publié  sur  les  momies  d'animaux 
égyptiens.  M.  Lortet,  très  pénétré  de  l'importance  et  de  l'intérêt  que 
présenterait  l'étude  de  ces  momies  tant  au  point  de  vue  des  mœurs  ou  de 
la  psychologie  des  anciens  Egyptiens  qu'au  point  de  vue  de  l'histoire 
naturelle,  a  fini,  au  prix  de  démarches  multipliées,  par  obtenir  qu'on 
lui  permît  de  la  faire.  De  très  nombreux  squelettes  ont  été  extraits,  aux 
frais  du  Muséum  de  Lyon,  des  puits  ou  des  hypogées.  Beaucoup  ont  pu 
être  montés;  les  plus  belles  pièces  seront  prochainement  renvoyées  au 
Caire  oîi  elles  hgureront  dans  une  salle  du  nouveau  Musée  égyptien. 


440  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

lefois  de  signaler  le  grand  talent  d'analystes  des  auteurs.  M.  Lortet  il 
est  vrai  n*a  plus  besoin  d'être  loué  et  M.  Gaillard  a  depuis  longtemps 
l'estime  des  zoologistes  et  des  paléontologistes.  On  retrouve,  dans  les  des- 
criptions des  diverses  espèces  momifiées,  un  soin  de  précision  caracté- 
ristique de  tous  les  travaux  de  ce  savant^  et  en  même  temps  un  scep- 
ticisme de  bon  aloi.  Je  signalerai  à  cet  égard  (p.  51)  les  phrases  rela- 
tives aux  procédés  de  mensuration  et  aux  statistiques  numériques 
employés  aujourd'hui  par  beaucoup  d'auteurs  et  dont  les  résultats 
sont  des  plus  minimes.  Parmi  les  chapitres  les  plus  curieux,  je  citerai 
ceux  consacrés  aux  Chats,  aux  Bœufs  (races  sans  cornes),  aux  Moutons 
(affinités  avec  quelques  Antilopes  tertiaires),  à  Tlbis,  aux  Singes. 

Dans  une  deuxième  série,  MM.  Lortet  et  Gaillard  ont  étudié  des  osse- 
ments de  fœtus  humains  trouvés  dans  les  statues  du  dieu  Bès,  ce  qui 
confirmerait  la  supposition  que  ce  dieu  énigmatique  devait  présider  au 
travail  de  l'enfantement.  Ils  ont  pu  décrire  quelques  momies  de  Singes. 
Les  unes  se  rapportent  à  des  Cynocéphales  (Papio  hamadryas  et  P. 
Anubis  \  d'autres  momies  de  très  jeunes  individus  ont  été  attribuées 
à  des  Cercopithèques.  Les  auteurs  ont  eu  raison^  je  crois,  de  le  faire 
sous  les  plus  expresses  réserves.  Il  ne  me  paraît  pas  douteux  que  ce 
soient  des  fœtus  humains. 

Une  note  de  M.  le  professeur  Pouchet  établit  l'existence,  sur  certains 
ossements  de  Singes,  de  traces  non  équivoques  de  nombreuses  maladies  : 
sarcome,  rachitisme,  rhumatisme  tuberculeux.  Les  Hommes  ne  devaient 
pas  être  davantage  à  l'abri  de  ces  affections. 

M.  Boule. 

Evans  (Arthur  J.).  Essai  de  classification  des  époques  de  la  civilisation  minoenne. 
Broch.  8°  de  12  p.  Londres,  Quaritch,  1906. 

Cette  brochure  est  le  résumé  d'un  discours  fait  au  congrès  d'archéo- 
logie à  Athènes.  La  publication  de  ce  discours  dans  les  comptes  rendus 
du  congrès  présentant  un  certain  nombre  d'erreurs  fondamentales, 
Tauteur  a  cru  devoir  publier  sous  une  autre  forme  son  système  de 
classification;  de  là  cette  brochure,  imprimée  en  français  et  qu'il  nous 
a  offerte  au  congrès  de  Monaco.  Étant  donné  son  importance,  il  me 
parait  utile  delà  reproduire  ici  presque  textuellement. 

La  civilisation  minoenne,  comprise  entre  la  culture  néolithique  et  la 
colonisation  grecque  de  l'époque  géométrique,  se  divise  en  trois  époques, 
susceptibles  elles-mêmes  de  subdivisions. 

I.  Minoen  primitif  ou  inférieur,  se  divise  en  trois  : 

MiNOEN  PRIMITIF  I  OU  SUBNÉOLITUIQUE.  Gouchc  reposant  immédiatement 
sur  le  Néolithique  à  Knossos. 

Poterie  polie  à  la  main,  à  fond  noirâtre  ou  blanchâtre,  avec  orne- 
ments géométriques  l)lancs  ou  bruns.    «    Bucchero    »   primitif,    très 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  441 

apparenté  avec  des  vases  trouvés  par  Pétrie  à  Abydos,  dans  des  tom- 
beaux de  la  I''^  dynastie.  Vases  égyptiens  de  syénite  et  de  diorite,  de 
fabrique  protodynaslique. 

MiNOEN  PRIMITIF  II.  Poterie  de  même  genre  mais  plus  avancée.  Vases 
à  bec  haut  et  proéminent.  Dagues  de  cuivre.  Idoles  de  marbre  et 
d'ivoire  de  formes  indigènes.  Sceaux  de  marbre,  d'ivoire,  de  pierre 
tendre  à  formes  conoïdes  et  cylindriques  caractéristiques.  Apparition 
du  décor  spiraliforme. 

C'est  à  cette  époque  qu'il  faut  rapporter  la  plus  grande  partie  des 
objets  de  l'ossuaire  de  Hagia  Triada.  Poterie  de  Vasiliki.  Les  plus 
anciens  éléments  de  la  trouvaille  de  Hagios  Onuphrios. 

MiNOEN  PRIMITIF  III.  —  Becs  dcs  vases  coupés  plus  courts;  ornements 
géométriques  plus  développés;  premières  polychromies.  Types  céra- 
miques pointillés  et  incisés.  Types  cycladiques  d'idoles  en  marbre, 
palettes,  etc.  Développement  du  système  spiraliforme.  Sceaux  triangu- 
laires avec  signes  pictographiques  d'un  type  primitif.  Sceaux  d'ivoire 
d'un  art  un  peu  plus  développé.  Motifs  dérivés  des  «  buUon  seals  » 
égyptiens  de  la  VI®  dynastie. 

Dépôt  de  H.  Onuphrios;  continuation  des  types  d'Ifagia  Triada;  la 
plus  grande  partie  des  objets  de  Kumasa;  poterie  à  décor  géométrique 
de  Gournia. 

II.  Alinoen  moyen. 

MiNOEN  MOYEN  L  —  Continuation  des  vases  précédents.  L'ornementa- 
lion  polychrome,  géométrique  et  angulaire  se  généralise.  Figures  fémi- 
nines polychromes  à  collier  haut.  Sceaux  triangulaires  avec  inscriptions 
hiéroglyphiques  d'une  forme  quelque  peu  primitive.  Un  dépôt  de  tran- 
sition entre  cette  époque  et  la  précédente  a  été  trouvé  près  des  salles 
à  piliers  du  palais  de  Knossos. 

MiNOEN  MOYEN  IL  —  Triomphe  de  la  polychromie  à  motifs  élégants, 
bizarres,  parfois  très  compliqués.  Beaux  vases  «  à  coquille  d'œuf  »  imi- 
tés de  types  en  métal.  Les  vases  crétois  trouvés  par  Pétrie  à  Kahun 
(XII®  dyn.)  remontent  au  commencement  de  cette  époque.  Les  sceaux 
sont  faits  de  plus  en  plus  en  pierre  dure.  L'écriture  hiéroglyphique  se 
développe.  Scarabée  d'améthyste  imité  d'un  exemplaire  de  la  XIP  dy- 
nastie avec  hiéroglyphes  minoens. 

Les  premiers  palais  de  Knossos  et  de  Phœstos  remontent  à  cette 
époque  sinon  à  la  précédente.  A  la  fin,  beaucoup  de  traces  à  Knossos 
d'une  catastrophe  générale. 

MiNOEN  MOYEN  III.  —  Premiers  éléments  du  second  palais.  Poly- 
chromie céramique  en  décadence.  Très  beaux  dessins  blancs  à  fond 
lilaset  mauve.  Fresques  de  Knossos:  Cueilleur  de  safran,  dessins  spirali- 
formes.  Vers  la  fin,  très  belle  fabrique  de  faïence  :  reliefs  d'animaux 
d'un  naturalisme  parfait;  même  naturalisme  sur  les  sceaux  presque 
tous  en  pierre  dure.  Toujours  l'écriture  hiéroglyphique,  sauf  vers  la  fin 


442  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

OÙ  Ton  voit  apparaître  une  écriture  linéaire.  Les  lames  des  dagues  s'al- 
longent pour  devenir  les  prototypes  des  épées  de  l'époque  suivante. 

Monument  égyptien  de  la  Xlll^  dynastie  trouvé  à  Knossos.  Construc- 
tion du  tombeau  royal  d'Isopata.  Vases  d'albùtre  importés,  datant  du 
Moyen  Empire  d'Egypte. 

III.  Minoen  récent  ou  supérieur. 

MiNOEN  RÉCENT  I.  —  Les  vascs  à  fond  foncé  disparaissent  et  sont  rem- 
placés par  des  vases  à  fond  clair.  Beau  verni  de  caractère  mycénien. 
Dessins  très  naturalistes  :  vases  de  Zakro  avec  lis,  anémones,  etc.  C'est 
l'époque  du  palais  de  Hagia  Triada  où  vases  à  étrier  de  types  primitifs, 
ainsi  qu'à  Gournia.  Ecriture  hiéroglyphique  remplacée  par  la  linéaire 
de  la  classe  A.  Sceaux  de  types  fantastiques  (minotaures,  etc.).  Épées  de 
bronze. 

Les  objets  des  tombeaux  de  l'Acropole  de  Mycènes  appartiennent 
pour  la  plupart  à  cette  époque. 

MiNOEN  RÉCENT  IL  —  Époque  des  grands  vases  du  Palace  style.  Art 
moins  naturaliste,  plus  stylisé,  parfois  rococo  (dames  de  la  Cour  des 
Fresques).  Élément  architectonique  très  marqué  dans  le  décor  céra- 
mique. Les  vases  à  étrier  font  presque  défaut.  Grands  dépôts  de  tablettes 
avec  écriture  linéaire  de  la  classe  B. 

A  cette  époque  correspond  la  transformation  complète  du  palais  de 
Knossos  ;  la  fin  en  est  marquée  par  la  grande  catastrophe  du  secondpalais 
(1500  ans  environ  av.  J.-C).  Beaucoup  de  rapports  entre  les  dernière  ; 
fresques  de  Knossos  et  les  peintures  murales  de  la  XVIII®  dynastie. 

MiNOEN  RÉCENT  III.  — Vascs  et  armes  de  bronze.  Épées  très  longues  et 
très  belles;  orfèvrerie,  reliefs  en  ivoire,  intailles,  une  foule  de  petits 
objets  dans  le  style  mycénien  de  Grèce.  Dégénérescence  graduelle  de 
l'art  et  transformation  des  motifs  naturalistes.  Vase  à  étrier  commun. 

Cette  époque  débute  vers  1500  ans  av.  J.-C.  Elle  correspond  à  la  plus 
grande  diffusion  de  la  culture  dite  mycénienne.  Vers  la  fin,  réoccupa- 
tion partielle  du  site  du  Palais.  L'écriture  linéaire  de  la  classe  B  a  per- 
sisté pendant  cette  dernière  époque  minoenne. 

Les  tombeaux  géométriques  de  l'époque  suivante  à  Knossos  attestent 
de  grands  changements.  L'incinération  remplace  l'inhumation  ;  le  fer 
succède  au  bronze.  L'usage  de  la  fibule  devient  général.  Le  site  du 
Palais  reste  absolument  désert.  Pourtant  il  y  a  quelques  survivances  de 
traditions  anciennes.  Les  tombeaux  ont  la  forme  de  petits  tholoi.  Le 
vase  à  étrier,  d'un  type  dégénéré^  se  retrouve  et  certains  motifs  d'orne- 
mentation se  maintiennent. 

M.  Arthur  Evans  ne  se  dissimule  pas  que  sa  classification  n'est  que 
provisoire  et  qu'à  l'exemple  de  toutes  les  classifications,  elle  présente 
forcément  un  caractère  un  peu  artificiel.  Mais  on  ne  saurait  douter^  dit- 
il,  de  l'ordre  général  des  époques  successives  et  de  leurs  subdivisions. 
((  L'ancienne  civilisation  de  la  Crète  se  révèle  en  toute  sa  vaste  étendue 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  443 

comme  une  civilisation  homogène,  qu'on  peut  associer  à  juste  titre 
au  nom  de  son  grand  dynaste.  Aux  «  neuf  années  »  de  Minos,  dont 
parle  la  tradition  légendaire  (1)  n'est-on  pas  en  droit,  sur  la  base  des 
données  archéologiques,  de  substituer  les  neuf  époques  de  la  culture 

minoenne  »? 

M.  B. 

Reinach  (Adolphe  J.).  A  propos  des  empreintes  murales  de   Knossos  (Extr.  de  la 
Revue  de^  éludes  grecques,  t  XVIH,  n»  79,  janvier-mars  1905). 

On  sait  que  toutes  les  pierres  de  taille  de  Knossos  portent  quelque 
signe  très  simple,  composé  de  lignes  géométriques  et  pouvant  se  rap- 
porter à  cinq  types  principaux,  susceptibles  de  nombreuses  variations  : 
la  bipenne,  le  trident  ou  bident,  la  flèche,  l'étoile,  la  croix.  Ces  cinq 
types  ont  dû  avoir  une  valeur  précise  et  constante.  M.  Evans  attribue  à 
certains  d'entre  eux,  notamment  la  bipenne  et  la  croix,  une  significa- 
tion religieuse.  Cela  est  possible  parfois,  mais  d'après  Tauteur  ils  ne 
représentent,  dans  la  plupart  des  cas,  que  des  marques  de  tâcherons 
et  il  fait  valoir  à  l'appui  de  cette  hypothèse  toute  une  série  d'arguments. 
La  valeur  de  ces  signes  ne  peut  être  qu'alphabétique;  leur  interpréta- 
lion  reste  d'ailleurs  à  déterminer.  Mais  les  rapprochements  avec  les 
signes  semblables  des  alphabets  mieux  connus  pourront  contribuer  à 
la  faciliter.  En  examinant  non  seulement  les  monuments  de  l'archi- 
tecture égéenne  de  Crète  mais  ceux  de  toutes  les  autres  architectures 
où  Ton  retrouve  des  signes  semblables,  peut-être  trouvera-t-on  qu'à 
travers  les  siècles  les  idéogrammes  égéens  se  sont  perpétués  comme 
marques  de  tâcherons. 

M.  B. 

GnuEvcE  B.  MooRK.  Certain  aboriginal  remains  of  the  Black  Warrior  River  ;  — 
of  the  lowen  Tombigbee  River  ;  —  of  Mobile  Bay  and  Mississipi  Sound.  Miscel- 
laneous  investigation  in  Florida  'Journal  of  the  Academy  of  natural  Sciences  of 
Philadelphit,  vol.  XIII,  1905,  p.  125). 

Ce  mémoire  a  été  tiré  à  part  et  forme  un  fort  volume  in-4°  luxueuse- 
ment illustré.  Bien  entendu  nous  ne  pouvons  songer  à  entrer  dans  le 
détail  des  antiquités  américaines  qui  y  sont  décrites.  Je  me  contenterai 
de  choisir  les  plus  remarquables.  On  a  trouvé  près  de  Moundville  une 
hache  en  amphibolite  polie,  longue  de  0™,28  dont  la  lame  et  le  manche 
sont  formés  d'un  seul  morceau.  La  lame  se  prolonge  sur  le  dos  du 
manche  qu'elle  semble  traverser  comme  elle  ferait  d'un  manche  en 
bois.  On  a  recueilli  des  haches  semblables  à  Saint-Domingue,  mais  elles 
sont  d'un  travail  beaucoup  moins  parfait. 

(l)  Odyssée,  XIX,  178,  179. 


4  44  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Dans  des  mounds  de  la  même  région  on  a  trouvé  des  haches  de 
cuivre.  Les  unes  sont  de  forme  très  simple,  rappelant  celle  de  nos 
haches  néolithiques;  les  autres  ont  un  tranchant  arrondi  et  brusque- 
ment élargi.  Une  hache  de  pierre  polie  longue  de  0"",16  a  exactement  la 
même  forme  et  a  dû  être  copiée  sur  les  haches  de  cuivre.  11  semble  que 
l'on  ait  tantôt  voulu  imiter  en  métal  les  haches  de  pierre,  tantôt  faire 
des  haches  de  pierre  imitant  celles  en  métal.  On  trouverait  sans  peine 
des  faits  analogues  dans  le  Préhistorique  d'Europe.  C'est  à  ce  titre  que 
ces  haches  m'ont  paru  mériter  d'être  signalées  ici. 

D""  L    Laloy. 

Ugo-Vram.  Frammenti  scbeletrici  in  tombe  cristiane  pressa  Niksii  (Monténégro) 
(Fragments  de  squelettes  trouvés  dans  des  tombes  chrétiennes  auprès  de  Niksii), 
Alii  délia  Soc.  Rom.  de  Anthrop.,  1906. 

Dans  cette  courte  note,  l'auteur  donne  des  renseignements  succincts 
sur  des  ossements  trouvés  dans  un  cimetière  chrétien  à  Kocani,  près  de 
Niksii  (Monténégro).  Ces  ossements  comprenaient  deux  squelettes  à 
peu  près  complets  et  un  crâne  isolé.  Les  renseignements  que  donne  à 
leur  sujet  M.  Ugo  Vram  sont  simplement  numériques  et  ne  comportent 
aucune  conclusion.  L'indice  céphalique  du  premier  sujet  était  de  87,2  ; 
celui  du  deuxième  de  77^7;  celui  du  crâne  isolé,  que  l'auteur  n'a  pas 
calculé,  était  d'après  ses  mesures  de  81.  Le  premier  et  le  troisième 
sujet  étaient  donc  brachycéphales,  et  le  deuxième,  mésocéphale. 

R.  Anthony. 

Albxander  Bugge.  —  Vikingerne  (Les  Yikings).  Kristiania  et  Copenhague, 

Gyldendai,  1905,  317  p.  in-8. 

Le  livre  de  M.  A.  Bugge  n'a  aucune  prétention  :  il  veut  exposer  aux 
Norvégiens,  ses  compatriotes,  les  fastes  de  leurs  ancêtres,  sous  une 
forme  claire  et  agréable.  Nous,  étrangers,  y  trouvons  beaucoup  de  ren- 
seignements sur  une  civilisation  trop  peu  connue,  et  la  forme  donnée 
par  l'auteur  à  son  exposition  est  loin  de  nous  déplaire.  D'ailleurs,  on  ne 
saurait  trouver  résumé  plus  substantiel  d'une  vaste  question  et  ce  livre 
mériterait  la  traduction. 

Les  détails  ethnographiques  abondent.  Tout  d'abord,  l'auteur  montre 
la  différence  profonde  qui  sépare  les  Scandinaves  des  autres  peuples 
germaniques.  Depuis  le  temps  le  plus  ancien  oii  nous  les  connaissions, 
les  Scandinaves  possèdent  des  traits  particuliers  ;  ils  ont  vécu,  dès  un 
âge  reculé,  séparés  des  autres  Germains  continentaux;  le  premierde  ces 
peuples  avec  lequel  ils  se  retrouvèrent  en  contact  est  le  peuple  frison. 

Ils  étaient  donc  très  isolés  et  ne  subirent  que  fort  tard  l'influence 
romaine.  Jusqu'à  l'époque  des  Yikings  (ix^-xi*^  siècles),  ils  différaient 
peu  les  uns  des  autres;  ce  n'est  qu'à  partir  des  premières  expéditions 


xMOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  445 

maritimes  que  les  différents  peuples  searjdina\es  commencèrent  à 
prendre  une  individualité  distincte.  Jusqu'alors,  il  n'existait  pas  de 
nations  :  la  Suède,  la  Norvège,  le  Danemark,  étaient  habités  par  des 
hordes  peu  considérables,  mal  fixées  au  sol;  la  Suède  vit  la  première 
nation  ;  puis  une  unité  religieuse  se  forma  en  Danemark,  autour  du 
culte  à.Q  Nertkus;  la  Norvège  ne  forma  son  unité  que  très  tardivement, 
sous  Harald  Haarfager  au  ix°  siècle.  Dès  le  viii^  siècle,  des  villes  exis- 
taient déjà  en  Danemark,  dans  le  Gotaland  en  Suède  et  dans  le  sud  de 
la  Norvège. 

L'antiquité  Scandinave  paraît  avoir  connu  le  régime  du  clan,  si  nous 
en  jugeons  d'après  le  système  de  la  dation  du  nom  :  le  nombre  de  noms 
usité  dans  un  lieu  donné  devait  être  déterminé  et  leur  attribution 
équivalait  presque  à  une  réincarnation.  On  nous  dit  formellement  que 
c'était  le  nom  qui  faisait  la  parenté  (p.  101).  Généralement,  le  fils  pre- 
nait le  nom  de  son  père,  mais  quelquefois  c'était  celui  de  son  grand- 
père  ou  d'un  oncle  paternel;  celui  dont  il  portait  le  nom  devenait  alors 
son  père.  C'est,  comme  on  le  voit,  un  régime  de  clan  à  descendance  en 
ligne  masculine.  La  famille  adoptive,  introduite  plus  tard  par  suite  du 
contact  avec  les  Irlandais,  vint  modifier  profondément  le  système  Scan- 
dinave :  les  liens  entre  les  parents  adoptifs  et  leurs  «  foster  sons  »  étaient 
plus  forts  que  les  liens  du  sang. 

Le  mariage  est  assez  longuement  étudié  :  il  se  pratiquait  par  achat, 
quelquefois  accompagné  d'enlèvement;  quelquefois,  aussi,  la  femme 
était  donnée  par  son  père  à  l'époux.  La  polygamie  existait,  mais  elle  se 
développa  rapidement  pendant  la  période  qui  va  du  viii«  au  xi°  siècle  : 
on  vit  certains  rois  Scandinaves  de  Russie  posséder  des  harems  renfer- 
mant plusieurs  centaines  de  femmes.  Cependant^  la  pluralité  des 
femmes  avait  généralement  un  autre  aspect  :  les  Vikings  possédaient 
habituellement  une  épouse  dans  chacun  des  pays  entre  lesquels  ils  par- 
tageaient leur  activité.  Les  femmes  paraissent  avoir  occupé,  dans  les 
temps  anciens,  une  position  assez  inférieure  :  elles  étaient  la  propriété 
de  leur  mari,  qui  pouvait  les  léguer  à  n'importe  qui,  soitde  son  vivant, 
soit  par  testament  ;  le  mari  avait  aussi  droit  de  correction  sur  sa  femme 
(cette  coutume  est  encore  attestée,  pour  le  Danemark,  au  xiii^'  siècle); 
l'échange  des  femmes  était  fréquent;  à  la  mort  d'un  homme,  sa  ou  ses 
femmes  étaient  enterrées  avec  lui.  Cependant  des  textes  anciens  — 
entre  autres  des  inscriptions  runiques  —  nous  montrent  que  certaines 
femmes  pouvaient  prétendre  aux  plus  grands  honneurs  et  nous  signalent 
des  chefs  du  sexe  féminin. 

Les  vieillards  paraissent  avoir  été  maltraités;  plusieurs  textes  nous 
disent  môme  qu'on  supprimait  les  hommes  que  l'âge  mettait  hors  d'état 
de  porter  les  armes. 

M.  A.  Bugge  ne  paraît  pas  partager,  sur  l'origine  des  légendes  reli- 
gieuses de  la  Scandinavie,  l'opinion  de  son  père,  qui  n'y  voit  qu'un 


446  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

arrangement  de  légendes  chrétiennes  parvenues  par  l'intermédiaire 
des  Irlandais.  Ce  n'est  pas  qu'il  traite  l'influence  irlandaise  comme 
quantité  négligeable,  mais  il  croit  qu'elle  ne  s'est  pas  seulement  exercée 
pour  lournirau  monde  Scandinave  des  déformations  de  mythes  chré- 
tiens. C'est  en  Irlande  que  les  Scandinaves  ont  pris  la  plupart  de  leurs 
idées  artistiques  :  la  forme  de  la  saga  islandaise  ou  norroise  provient 
du  poëme  (anamain)  irlandais  ;  les  runes  du  Nord,  les  ornements  en 
entrelacs,  que  les  Germains  du  Nord  développèrent  d'une  façon  si  prodi- 
gieuse, seraient  d'inspiration  irlandaise.  On  pourrait  faire  certaines 
objections  à  cette  manière  devoir  :  il  nous  paraît  à  peu  près  certain  que 
la  décoration  en  entrelacs  du  Nord  est  originale  et  que  c'est  elle  qui 
a  réagi  plus  tard  sur  l'entrelac  irlandais,  qui  est  d'une  autre  nature. 
Cesdeux  formes  ont  peut-être,  d'ailleurs,  une  origine  commune,  beau- 
coup plus  lointaine  que  la  période  étudiée  par  M.  Bugge. 

On  trouvera,  éparses  un  peu  dans  tout  le  livre,  des  observations 
intéressantes  sur  l'ethnographie  et  sur  l'histoire  de  cette  extraordi- 
naire civilisation,  qui  a  laissé  de  ses  traces  depuis  Constantinople  jus- 
qu'au Groenland  et  de  l'extrême  Nord  de  la  Norvège  jusqu'aux  plages 
du  Calvados. 

H.  Beuchat. 

K.  FucHs.  Ethnographische  Mitteilungen,  etc.  (Notes  d'ethnographie  sur  les  comi- 
tats  de  Kronstadt  et  de  Fogaras  en  Transylvanie).  Milleilungen  der  anthropologi- 
schen  Gesellschaft  in  Wien,  t.  XXXV,  1905,  p.  133  (53  flg.). 

Ces  comitats  sont  habités  en  majeure  partie  par  des  Roumains;  ceux 
surtout  qui  résident  sur  la  montagne  et  qui  s'y  occupent  de  l'élevage 
des  moutons,  ont  conservé  une  foule  d'usages  et  d'instruments  intéres- 
sants au  point  de  vue  ethnographique.  Nous  ne  pouvons  que  signaler 
ici  les  plus  intéresants. 

Les  Roumains  de  Transylvanie  portent  des  marques  de  propriété  tis- 
sées dans  leurs  vêtements;  elles  sont  en  général  de  couleur  rouge, 
placées  sur  le  dos,  parfois  sur  les  manches,  ou  sur  les  capuchons.  Ce 
sont  des  signes  géométriques,  lignes  brisées,  croix,  étoiles,  losanges. 
Il  y  a  aussi  sur  les  vêtements  des  ornements  caractéristiques  et  spé- 
ciaux à  chaque  village.  Des  marques  de  propriété  individuelles  se 
retrouvent  sur  les  instruments  de  travail. 

Jusqu'à  une  époque  récente,  les  Roumains  portaient  à  la  ceinture  une 
hache  dont  la  face  visible  présentait  des  ornements  gravés  en  creux. 
Les  cannes  des  bergers  portent  aussi  des  décors  géométriques  qui  rap- 
pellent d'une  façon  frappante  ceux  des  quenouilles  des  Hautes-Pyré- 
nées que  j'ai  décrits  et  figurés  dans  Archiv  fur  Anthropologie  y  t.  I, 
1903,  p.  47.  Il  y  a  également  en  Transylvanie  des  quenouilles  décorées, 
et,  comme  sur   celles  du  Sud-Ouest  de  la  France,  les  ornements  en 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  447 

creux  sont  remplis  d'une  matière  colorante.  Ces  faits  doivent  nous 
rendre  très  prudents  sur  les  conclusions  qu'on  pourrait  être  tenté  de 
tirer  de  la  similitude  de  ces  objets. 

Ainsi  l'existence  d'un  décor  néolithique  sur  les  poteries  des  Rou- 
mains ne  prouve  pas,  comme  le  pense  l'auteur,  que  ceux-ci  soient  les 
descendants  directs  des  populations  néolithiques.  De  même,  il  n'y  a 
aucune  conclusion  à  tirer  de  la  présence  en  Roumanie  d'une  gourde 
plate  en  terre  semblable  à  certains  vases  trouvés  à  Chypre,  car  j'ai  vu 
utiliser  en  Seine-et-Marne,  à  une  heure  de  Paris,  des  gourdes  sem- 
blables. En  réalité  des  décors  et  des  instruments  simples  ont  dû  être 
réinventés  à  maintes  reprises  et  en  des  localités  fort  éloignées. 

D*"  L.  Laloy. 

Haberer.    Die  Menschenrassen  des  japanischen  Reiches  (Les  races  humaines   de 
l'empire  japonais),  Zeilschrif't  fur  Ethnologie^  t.  XXXVII,  1905,  p.  941. 

L'auteur  ne  nous  apporte  rien  de  nouveau  sur  l'ethnologie  du  Japon 
proprement  dit.  Eu  revanche,  il  nous  fournit  quelques  renseignements 
sur  Formose  qu'il  a  habité  quelques  mois.  C'est  surtout  au  xv^  siècle 
que  des  Hakka  du  sud  de  la  Chine  colonisèrent  cette  île,  dont  ils  refou- 
lèrent les  habitants  primitifs  dans  les  montagnes.  Actuellement  ces 
Hakka  constituent  une  population  de  paysans  qui  louent  leurs  services 
aux  Japonais;  ils  forment  aussi  des  troupes  qui  gardent  la  frontière  du 
pays  sauvage.  Leurs  femmes  n'ont  pas  les  pieds  déformés;  elles  travail- 
lent aux  champs;  leur  agilité  est  telle  qu'on  les  emploie  à  traîner  les 
tramways.  Dans  les  riches  territoires  de  la  côte  occidentale  se  sont  éta- 
blis des  Chinois  du  Fo-Kien,  les  Hoklo,  qui  forment  la  population  aisée 
et  commerçante  des  villes.  Ces  Hoklo  déforment  les  pieds  de  leurs 
femmes.  L'ensemble  de  la  population  chinoise  atteint  près  de  3  millions 
d'habitants. 

Les  tribus  de  l'intérieur  de  l'île  sont  toutes  d'origine  malaise.  Mais 
leur  immigration  a  dû  avoir  lieu  à  différentes  époques  et  à  partir  d'ar- 
chipels distincts,  car  actuellement  encore  ces  indigènes  se  divisent  en 
sept  groupes  qui  diffèrent  par  la  langue,  le  vêtement,  le  tatouage,  la 
construction  des  maisons.  Ce  sont  du  Nord  au  Sud  les  Atayal,  les  Vonum, 
les  Tsou,  les  Tsalisen,les  Paiwan,  les  Puyuma  elles  Ami.  Une  huitième 
tribu,  celle  des  Pepohoan,  a  perdu  son  indépendance  sous  la  domina- 
tion chinoise.  Toutes  ces  tribus  se  livrent  à  l'agriculture;  chez  certaines 
règne  la  coutume  de  la  chasse  des  têtes.  Il  en  est  surtout  ainsi  des 
Atayal.  Le  jeune  homme  ne  reçoit  le  tatouage  des  adultes  et  ne  peut  se 
marier  que  lorsqu'il  a  rapporté  la  tête  d'un  étranger,  Chinois,  Japonais 
ou  membre  d'une  autre  tribu.  Ces  têtes  sont  conservées  sur  un  écha- 
faudage en  bois  (chez  les  Atayal)  ou  entre  des  dalles  de  pierres  (chez  les 
Paiwan).  On  conserve  également  des  crânes  de  singe  (Vonum)  et  de 
cerfs  muntjaks  (Ami), 


448  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Le  nombre  de  ces  indigènes,  que  les  Japonais  désignent  sous  le  nom 
collectif  de  Sebanshin  (sauvages)  peut  être  estiméà  115.000.  Le  tatouage 
varie  suivant  les  groupes.  Chez  les  Atayal,  les  hommes  portent  une  large 
ligne  bleue  sur  le  milieu  du  front,  des  cheveux  aux  sourcils,  et  une 
ligne  verticale  au  menton.  Les  femmes  ont  une  bande  bleue  allant  d'une 
oreille  à  l'autre  en  passant  au-dessus  de  la  bouche.  Chez  les  Ami,  les 
femmes  ont  plusieurs  bandes  sur  les  poignets.  Les  Atayal  et  les  Vonum 
arrachent  aux  jeunes  gens  des  deux  sexes  les  incisives  latérales  au 
moment  de  la  puberté.  Chez  les  Ami,  il  y  a  des  maisons  spéciales  où  les 
garçons  habitent  jusqu'à  leur  mariage.  L'adultère  est  sévèrement  puni, 
et  les  chefs  eux-mêmes  n'ont  qu'une  seule  femme. 

Les  Atayal  portent  des  bâtonnets  dans  les  lobules  des  oreilles,  d'autres 
tribus  ont  des  colliers  d'agate.  Les  poignées  des  épées  et  les  têtes  de 
pipes  des  Ami  sont  ornées  de  bâtonnets  d'argent  taillés  dans  des  pièces 
de  monnaie.  Tous  ces  indigènes  sont  extrêmement  sales.  Ils  mâchent  le 
bétel,  fument  le  tabac  et  boivent  du  saké  qu'ils  fabriquent  eux-mêmes 
ou  qu'ils  achètent. 

Au  sud-est  de  Formose  se  trouve  l'île  de  Kotosho  ou  Botel  Tobago. 
Elle  est  habitée  par  une  tribu  primitive,  comptant  1.300  âmes  réparties 
en  plusieurs  villages.  Ces  indigènes  sont  inoffensifs  et  ne  font  pas  la 
la  chasse  des  têtes.  L'auteur  n'a  pas  observé  sur  eux  de  tatouages. 

D-^  L.  L. 

R.  PiDANCE.  —Notes  sur  le  Tranninh  {Revue   îndo-chînoise,  190o,  t.  III,  nos  2  et  3, 

pp.  lOo,  199  et  sq.). 

Les  notes  que  M.  R.  Pidance,  sous-inspecteur  de  Pagriculture  détaché 
au  Tranninh,  publie  au  sujet  de  cette  région,  ont  un  caractère  surtout 
géographique  et  économique.  On  y  trouve  néanmoins  quelques  ren- 
seignements intéressants  sur  la  population. 

Rappelons  d'abord  que  le  Tranninh  est  un  immense  massif  monta- 
gneux, à  forme  de  rectangle  irrégulier,  situé  au  N.-E.  du  Laos,  sur 
une  superficie  d'environ  30.000  kilomètres  carrés.  Les  45.000  habitants 
qui  occupent  ce  territoire  appartiennent  à  quatre  races  distinctes,  sub- 
divisées en  types  bien  différenciés  par  leurs  mœurs.  M.  R.  Pidance 
n'étudie  cette  différenciation  qu'au  point  de  vue  agricole. 

Les  PoU'Eunes  véritables  Laotiens,  sont  l'élément  essentiel.  Il  vivent 
sur  le  plateau,  dans  des  maisons  à  type  uniforme,  bâties  sur  pilotis  de 
bambous  tressés  et  paillottes.Ce  sont  surtout  des  éleveurs,  propriétaires 
de  beaux  troupeaux,  buffles,  vaches,  bœufs,  cochons,  'chevaux.  Les 
étables  sont  placées  sous  les  habitations  et  les  bêtes  sont  lâchées  tout  le 
jour  pour  pâturer  ;  de  là,  sur  un  sol  où  l'écoulement  des  eaux  est  diffi- 
cile, une  saleté  répugnante  et  l'aspect  misérable  de  tous  les  villages  ; 
d'ailleurs,  ces  villages,  de  reconstitution  récente,  ne  possèdent  ni  arbres 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  449 

ni  culture,  sauf  de  pauvres  rizières  ne  donnant 'qu'une  técolie  par  an. 
Les  instruments  aratoires  sont  primitifs  et  pou  nombreux.  Ce  sont  : 
une  charrue,  analogue  à  la  charrue  annamite,  comprenant  un  âge  en  bois 
formé  d'un  tronc  d'arbre  arrondi  ou  d'un  bambou  résistant,  attaché  au 
corps  proprement  dit  à  l'aide  d'un  rotin,  et  une  autre  pièce  de  bois  qui 
sert  d'étançon  ;  sep,  étançon  postérieur  et  mancherons  se  confondent  en 
un  morceau  de  bois  tordu  portant  un  soc  de  fer  ;  ce  soc,  au  lieu  de  la 
forme  en  fer  de  lance  des  socs  annamites,  se  prolonge  et  se  recourbe  en 
forme  de  versoir  ;  une  herse,  identique  à  celles  que  l'on  emploie  partout 
en  Indo-Chine,  des  bêches  et  des  houes  de  bois  et  de  fer.  Le  labour  et  le 
hersage  sont  faits  par  les  buffles,  ainsi  que  les  divers  travaux,  les  bœufs 
étant  surtout  dressés  à  porter  le  bât. 

Les  Pou-Taïs  habitent  les  vallées  navigables.  Ils  se  subdivisent  en 
Thài-Penas,  Tliài-dem,  Thài-dams,  suivant  la  couleur  du  costume.  Ils 
parlent  la  langue  laotienne  et  habitent  des  maisons  identiques  à  celles 
des  Pou-Eunes.  Ils  ont  peu  de  pâturages  et  peu  de  troupeaux,  et  cul- 
tivent le  riz,  soit  en  rizières,  soit  en  montagne,  après  déboisement.  Ils 
pratiquent  pour  ces  culture  des  barrages  en  bambous  sur  les  cours 
d'eau  et  créent  ainsi  des  réserves  d'eau.  Ils  font  aussi  du  commerce 
d'importation  et  d'exportation,  avec  l'Annam  et  le  Laos.  Leurs  villages 
sont  riants,,  beaucoup  moins  sales,  et  la  végétation  tropicale  y  abonde. 

Les  Pou-Tengs  ou  Khas  habitent  les  sommets  montagneux,  à  proxi- 
mité des  cours  d'eau.  Lo  type  d'habitation  est  encore  le  même.  Ce  sont 
les  esclaves  des  autres  populations.  Leurs  villages  sont  misérables  ;  à 
peine  possèdent-ils  quelques  cochons  et  de  la  volaille;  comme  seule 
culture,  le  riz  de  montagne  et  le  maïs,  rarement  et  sans  visée  commer- 
ciale, le  pavot  à  opium,  pour  leur  consommation  personnelle.  Ce  sont 
les  enfants  des  deux  sexes  qui  font  ces  travaux,  les  adultes  faisant  les 
corvées  et  la  récolte  du  latex,  des  lianes  à  caoutchouc  pour  les  Laotiens, 
Les  Khas  connaissent  le  laotien,  mais,  entre  eux,  il  parlent  une  langue 
particulière. 

Les  Méos^  peut-être  de  race  chinoise,  vivent,  par  groupes  de  plusieurs 
familles,  aux  plus  hauts  sommets  des  montagnes  boisées  ;  ils  se  divisent 
en  noirs,  rouges,  et  blancs,  suivant  la  couleur  des  vêtements.  Leurs 
cases  sont  faites  complètement  de  planches  et  construites  sur  le  sol; 
parfois  la  toiture  est  en  paillottes.  Comme  principales  cultures,  le 
pavot  à  opium  et  le  maïs,  ainsi  que  le  riz  de  montagne,  le  millet,  le 
chanvre,  le  sarrasin,  les  haricots,  les  fèves,  les  tomates,  les  pois  et  les 
arbres  fruitiers,  notamment  les  pêchers.  Leurs  récoltes  sont  assez  fruc- 
tueuses, beaucoup  à  cause  de  la  fertilité  des  terrains  qu'ils  occupent.  Ce 
sont  surtout  de  bons  et  grands  éleveurs,  qui  possèdent  des  types  de 
bœufs,  cochons  et  poules  beaucoup  supérieurs  à  ceux  de  leurs  voisins 
et  qu'ils  ne  laissent  pas  péricliter.  Le  Méo  sait  soigner  ses  bestiaux  : 
chaque  gros  animal  possède  sa  case  personnelle  en  planches,  surélevée 
l'amiiropolooie.  —  T.  XVII.  —  1906.  29 


452  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

de  vie  future,  avec  un  culte  des  ancêtres  extrêmement  restreint.  Enfin 
leurs  coutumes  et  leurs  plaisirs  les  rapprochent  beaucoup  des  Lolos, 
tandis  que  leur  costume,  notamment  celui  des  femmes  qui  portent  un 
cache-poitrine  particulier,  et  la  coiffure  de  celles-ci,  leur  appartiennent 
en  propre.  Leur  langue  est  celle  des  Lolos,  altérée;  ils  n'ont  pas  d'écri- 
ture; leurs  caractères  physiques  sont  aussi  très  proches  de  ceux  des 
Lolos,  mais  ils  ont  le  menton  plus  accusé,  la  peau  plus  sombre  (on  les 
appelle  fréquemment  Lolos  noirs),  le  système  pileux  plus  développé  et 
bien  que  légèrement  plus  petits,  une  musculature  plus  puissante. 

Quelques  voyageurs  ont  exagéré  les  différences  qui  séparent  les  Lolos 
et  les  Hounis.  S'ils  constituent  deux  groupes  distincts,  ils  appartiennent 
cependant  à  la  mêma  race  et  possèdent  en  somme  un  vocabulaire  à  fond 
commun,  des  caractères  physiques  très  proches,  des  mœurs,  croyances, 
coutumes  presque  identiques;  ils  ontfranchi  le  Mékongen  même  temps. 
Le  berceau  ancien  de  leur  race  semble  être,  selon  l'opinion  des  Pères 
Yial  et  Martin,  la  région  située  entre  le  Thibet  et  la  Birmanie,  car  au 
Yunnan  ils  ne  sont  certainement  pas  indigènes.  Il  est  fort  probable  que 
ce  sont  les  Hounis  qui  ont  envahi  les  premiers  cette  région  et  que  plus 
tard  ils  ont  été  suivis  des  Lolos  blancs. 

Les  Akkhas  ou  Khas,  localisés  dans  la  région  Sud-Ouest  des  États  chans 
chinois,  ne  sont  vraisemblablement  qu'une  tribu  Houni  ou  qu'un  sous- 
groupe  de  la  grande  famille  Lolos-Houni-Akkhas  :  ils  viennent  des 
mêmes  régions  que  ceux-ci,  ont  un  langage  identique,  le  même  type 
physique  et  le  même  genre  de  vie;  d'autre  part,  ils  sont  probablement 
aussi  de  môme  race  que  les  Khas  du  Haut-Laos  et  de  la  Basse-Birmanie.' 
Leur  costume  est  remarquable  par  le  soin  que  les  femmes  apportent  à 
leur  coiffure,  formée  d'un  cylindre  de  bambou  orné  de  perles,  de  bijoux 
et  d'anneaux  d'argent  et  que  l'on  ne  manque  pas  d'enterrer  avec  la 
défunte.  Les  Akkhas  habitent  les  plus  hautes  montagnes  ;  ils  vivent  séden- 
taires, occupés  de  culture  et  d'élevage.  Ni  temples,  ni  prêtres,  ni  histoire, 
ni  écriture.  Au  contraire  des  Lolos  et  des  Hounis,  la  polygamie  est  inter- 
dite. Comme  religion,  simplement  la  croyance  aux  bons  et  aux  mauvais 
esprits;  ils  possèdent  des  fétiches  divers  qu'ils  installent  à  l'entrée  des 
villages,  notamment  de  grossières  formes  humaines  sculptées  et  munies 
d'organes  génitaux  volumineux. 

Les  Mans  ou  Yâo  constituent  un  groupement  à  part  parmi  les  peu- 
plades de  la  Chine  méridionale  et  du  Nord  de  l'Indo-Chine.  Hs  sont  assez 
peu  nombreux  au  Yunnan  et  disséminés  en  petites  confédérations 
déterminées  par  la  réunion  de  plusieurs  clans,  chacun  sous  l'autorité 
d'un  chef  et  émigrant  en  masse  de  temps  à  autre.  Ce  sont  essentiellement 
des  montagnards,  des  nomades  et  des  chasseurs;  ils  n'habitent  que  les 
hauts  sommets  entre  1.000  et  2.000  mètres  et  se  livrent  à  la  culture, 
souvent  sur  un  terrain  commun.  Hs  sont  énergiques,  courageux,  indé- 
pendants, réservés  à  l'égard  des  Blancs,  assez  peu  religieux,  sauf  qu'ils 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  453 

ont  emprunté  auxChinoisle  culte  des  ancêtres^  et  peu  superstitieux.  Leur 
idiome  très  différencié  de  ceux  qui  l'entourent,  monosyllabique,  et  leur 
type  physique  caractéristique,  sont  demeurés  purs  et  sans  mélange 
avec  ceux  des  populations  voisines. 

LesMiao-tse  présentent  par  leurs  mœurs  de  sérieuses  analogies  avec 
les  Yaô  et  les  Khas.  Ils  habitent  la  haute  montagne  et  sont  le  moins 
nomades  qu'il  peuvent.  Leur  langage,  bien  différent  de  ceux  des  pré- 
cédentes populations,  est  remarquable  par  la  fréquence  des  consonnes  ts 
et  tch.  Ils  n'ont  pas  d'écriture.  Leur  type  physique  est  assez  beau  et 
quelquefois  celui  des  femmes  rappelle  un  peu  les  Européennes.  Leur 
origine  est  assez  discutée.  Topinard  les  range  dans  le  grand  groupe 
européen  avec  les  Aïnos  du  Japon  et  les  Lolos  du  Yunnan.  L'auteur  y 
verrait  volontiers,  avec  les  Mans  les  véritables  autochtones  de  la  Chine 
centrale. 

Les  K'ou-t'song-jen  sont  nettement  à  rattacher  à  la  grande  famille 
tibétaine  par  leurs  données  anthropométriques,  l'écriture,  l'idiome,  la 
religion.  Ils  habitent  l'extrême  pointe  du  Yunnan,  près  de  la  frontière 
du  Sse-tchouen  et  du  Thibet,  et  mènent  pendant  la  majeure  partie  de 
l'année  une  existence  de  commerçants  nomades,  voyageant  en  cara- 
vanes. Leur  religion  est  le  bouddhisme,  beaucoup  plus  pur  que  celui 
des  Chinois. 

Les  Poumans,  habitant  par  places  le  long  de  la  rive  droite  du  Mékong 
et  sont  sans  doute  les  véritables  aborigènes  de  cette  région.  Ils  sont  en 
voie  de  fusion  avec  les  Thài-lus. 

Les  Kawas,  divisés  par  les  Chinois  en  civilisés  et  en  sauvages,  sont 
tous  en  réalité  très  primitifs.  On  les  rencontre  dans  quelques  villages 
le  long  de  la  frontière  sino-birmane.  Les  civilisés,  grossiers  et  malpro- 
pres, habillés  cependant  avec  coquetterie,  se  livrent  à  la  culture  du  riz, 
du  mais  et  de  Topium.  Les  autres  vivent  à  peu  près  nus  et  dans  une 
réserve  farouche,  vis-à-vis  même  des  peuplades  voisines. 

Sur  les  xMuongs,  souvent  décrits,  l'auteur  passe  rapidement.  Il  indique 
seulement  que  selon  lui,  ils  sont  les  représentants  d'une  tribu  de  la  race 
Thài  et  non  pas,  comme  on  l'a  cru,  une  race  de  transition  entre  celle-ci 
et  les  Annamites,  pas  plus  que  la  race  aborigène  du  Tonkin.  Il  invoque 
notamment  que  le  Muong  comme  le  Thài  est  brachycéphale,  tandis  que 
l'Annamite  est  dolichocéphale. 

J.  L. 

H.   Haguet.   Les   Mois  de    la  région  de  Quang-Ngai  [Bévue  Indo -Chinoise,  1905, 

no  19,  p.  1419). 

Les  Mois  de  cette  région  habitent  à  l'intérieur  des  terres,  derrière  la 
muraille  de  construction  récente  qui  les  sépare  des  Annamites,  établis 
sur  le  littoral.  Ils  forment  deux  groupes  principaux,  les  Da-vach  et  les 


454  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Tra-bong,  ceux-ci  les  moins  nombreux,  l'ensemble  faisant  environ. 
33.000  âmes.  Les  Mois  du  Tra-bong  sont  plus  petits  que  les  Da-vach 
Ceux-ci  sont  sédentaires,  fixés  sur  la  pente  des  petites  emmenées  qui 
avoisinent  leurs  cultures,  riz,  maïs,  haricots,  ramie,  tabac,  ricin,  thé; 
ils  sont  propres.  Ceux  du  Tra-bong^  sales  et  cultivateurs  beaucoup  moins 
bons,  changent  au  contraire  souvent  d'habitat.  Les  deux  groupes  font 
du  petit  commerce  avec  les  Annamites,  â  qui  ils  vendent  tabac,  bétel, 
cannelle,  un  peu  d'ivoire,  cire,  etc.,  contre  des  étoffes,  et  des  instru- 
ments agricoles  ou  domestiques.  Leurs  croyances  religieuses  se  bornent 
à  peu  près  à  croire  aux  mauvais  esprits  qu'ils  se  concilient  par  des 
sacrifices  de  volaille  et  par  des  amulettes.  Leurs  fêtes,  assez  rares  (nou- 
velle année  et  fin  des  moissons),  sont  des  occasions  de  ripailles  et  de 
beuveries  énormes.  La  naissance  donne  également  lieu  à  des  réjouis- 
sances, mais  intimes  et  plus  sobres.  Après  l'accouchement,  la  mère  se 
nourrit  uniquement  de  riz  pendant  un  mois  et  dix  jours.  Après  le  décès, 
le  défunt  est  enterré  avec  les  ustensiles  qui  lui  ont  servi  durant  sa  vie, 
jarres,  marmites,  hottes,  paniers,  qui  constituent  sa  part  d'héritage 
et  qui  détournent  son  esprit  d'une  vengeance  posthume  sur  les  survi- 
vants; en  même  temps,  quand  la  fortune_le  permet,  on  fait  le  sacrifice 

d'un  buffle. 

J.  L. 

A.  BoNiFAGY.  Travaux  sur  les  Mans  :  —  1.  Monographie  des  Mans  Quan-coc  {Revue 
indo-Chinoise,  1905,  p.  132).  —  2.  La  légende  de  Tsun  d'après  les  Mans  Quân-coc 
{Id.,  1905,  p.  1176).  —  3,  Monographie  des  Mans  Cao-lan  {Id.,  p.  899).  —  4.  Mono- 
graphie des  Mans  Qudn-lràng  {Id.,  pp.  1597  et  1696). 

1.  —  Le  travail  partiel  de  M.  Bonifacy  sur  les  Mans  Quân-coc  est 
consacré  à  leur  organisation  sociale,  à  leurs  arts  et  à  leur  religion.  Leur 
famille  est  celle  des  Chinois  avec  adoucissement  du  pouvoir  absolu  du 
père  et  amélioration  du  sort  de  la  femme  et  des  enfants,  ceux-ci  élevés 
plus  doucement  encore  que  chez  les  Annamites.  Les  Quân-coc  vivent 
comme  de  simples  contribuables  annamites  et  sont  soumis  au  droit  com- 
mun. Leur  régime  de  propriété  est  le  suivant  :  d'une  part  les  familles 
qui  possèdent  des  buffles  se  partagent  entre  elles  tous  les  trois  ans  les 
rizières  de  la  plaine  qui  sont  biens  communaux;  d'autre  part  les  prolé- 
taires qui  cultivent  la  rizière  de  montagne,  se  louent  chez  les  riches,  font 
les  corvées,  mais  ne  paient  pas  d'impôts.  Ni  Tune  ni  l'autre  de  ces  castes 
n'est  fermée.  La  musique  est  le  seul  art  des  Quân-coc;  encore  n'est -elle 
que  d'usage  religieux;  les  jeux  physiques  sont  très  répandus.  L'écriture 
est  chinoise.  Ils  possèdent  quelque  littérature  :  hymnes  sacrés  légen- 
daires, contes,  recettes  et  chansons.  La  religion  est  le  taoisme;  le  boud- 
dhisme cependant  est  reconnaissable  quoique  très  efracé,JeBuddha  (Hut) 
étant  un  dieu  secondaire.  Le  grand  Dieu  est  le  ciel,  Thiên.  C'est  l'Em- 
pereur de  Jade,  divinité  suprême  des  Taoïstes^  qui  est  le  médiateur 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  455 

entre  lui  et  les  hommes.  Confucius  est  aussi  l'objet  d'un  culte  officiel.  Les 
amulettes  sont  fréquentes  et  très  variées.  Temples,  autels  domestiques, 
prêtres,  fêtes  religieuses  rappellent  ce  qu'on  observe  chez  les  Anna- 
mites, et  nous  prions  le  lecteur  de  se  reporter  à  ce  que  nous  disons  par 
ailleurs  dans  cette  même  revue  des  Cultes  annamites  tels  qu'ils  sont 
décrits  dans  le  travail  de  Dumontier.  M.  Bonifacy  fait  de  son  côté 
d'intéressantes  observations  sur  les  rites  de  la  construction  des  mai- 
sons, le  traitement  des  maladies,  le  culte  des  animaux  (il  est  à  remar- 
quer que  les  Quân-coc,  qui  n'ont  pas  perdu  le  souvenir  de  la  légende 
du  Chien,  si  caractéristique  du  grand  groupe  ethnique  auquel  ils 
appartiennent,  ne  l'admettent  plus  pour  eux-mêmes  et  l'appliquent 
uniquement  aux  autres  Mans  —  d'où  la  presque  complète  absence  de 
totémisme),  les  interdictions  rituelles  et  abstinences,  les  mythes, 
croyances  et  légendes  populaires,  les  croyances  sur  l'âme,  la  survie, 
l'autre  monde;  toutes  ces  croyances  présentent  dans  leur  ensemble 
de  nombreux  traits  communs  avec  celles  des  autres  peuples  de  civi- 
lisation chinoise  et  sont  un  mélange  de  confucianisme,  de  boud- 
dhisme et  de  taoïsme.  Il  serait  fort  intéressant  d'indiquer  les  points  de 
différence  et  de  s'arrêter  davantage  sur  le  détail,  mais  comme  tous  ceux 
du  môme  auteur  dont  il  nous  reste  à  parler,  le  présent  travail  de 
M.  Bonifacy  se  recommande  par  une  concision  pleine  de  faits  et  de 
mérites  et  dont  Tunique  défaut  est  de  supporter  mal  le  résumé.  Ce  qui 
ressort  d'intéressant  de  la  présente  monographie,  c'est  que  les  descen- 
dants du  fameux  chien  Bàn-Hu  sont  susceptibles  d'un  beau  développe- 
ment matériel  et  intellectuel,  dont  les  Màns-Quân-coc  sont  la  meilleure 
preuve. 

,2.  —  La  légende  de  Tsun,  racontée  d'après  les  Mans  Quân-coc,  se 
retrouve  plus  ou  moins  défigurée  dans  tous  les  pays  de  civilisation  chi- 
noise. Tsun  (en  sino-annamite  Tuan)  s'appelle  en  réalité  Chuen  11  est 
né,  d'après  les  historiens  chinois,  en  2317  av.  J.-C.  Avec  Yao  qui  régnait 
en  2288,  ce  sont  les  prototypes  du  parfait  souverain,  et  les  ouvrages 
classiques  font  sans  cesse  allusion  à  leurs  vertus.  Chuen  est  en  outre  le 
modèle  de  la  piété  filiale.  La  légende,  qu'il  faut  lire  tout  au  long,  s'est 
complue  à  enguirlander  ces  données  d'une  poésie  et  d'une  vie  char- 
mantes. 

3.  —  Les  Mans  Cao-lan  habitent  divers  points  du  bassin  de  la  Rivière 
Claire,  des  provinces  de  Thài-nguyên,  de  Vinh-yên,  dans  la  partie  sud 
du  1"  territoire  militaire,  et  en  Chine,  dans  les  Cent  mille  monts.  Leur 
centre  principal  est  le  huyênde  Son-duong.  Leur  site  est  soit  la  plaine, 
soit  la  pente  inférieure  des  montagnes,  à  proximité  des  bois  et  de  l'eau. 
La  maison  est  toujours  sur  pilotis,  d'un  confortable  variant  avec  la 
richesse  du  propriétaire  :  à  l'étage,  deux  pièces  dont  une  pour  les 
femmes,  en-dessous  des  loges  pour  les  cochons,  la  volaille,  les  buffles. 
Actuellement  le  vêtement  est  à  peu  près  celui  des  Annamites,  mais  il 


456  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

en  différait  beaucoup  naguère.  Alimentation  et  boisson  des  Annamites; 
usage  fréquent  du  tabac,  rare  de  l'opium;  pêche  et  chasse  comme  chez 
les  Annamites.  L'agriculture  est  très  développée  (riz,  coton,  indigo^ 
papayer  pour  la  nourriture  des  porcs);  à  signaler  un  instrument  spé- 
cial remplaçant  la  faucille  pour  couper  le  riz  de  montagne.  Outre  les 
animaux  déjà  cités,  les  Cao-lan  élèvent  les  abeilles  pour  leur  miel.  Ils 
vendent  les  produits  de  leur  travail  ou  les  utilisent  pour  la  charpente,  la 
vannerie,  le  filage,  le  tissage,  la  teinture  à  l'indigo. 

L'organisation  sociale  des  Cao-lan  rappelle  celle  des  Quân-coc.  Pas  de 
code  écrit,  mais  il  y  a  de  nombreuses  coutumes  qui  en  constituent 
l'équivalent.  Les  délits  sont  punis  de  coups  de  rotin  et  d'amendes  ; 
voici  quelques  exemples  :  vol  d'un  cochon,  10  coups,  amende  d'un 
cochon;  viol,  20  coups;  adultère,  les  oreilles  coupées  à  la  femme, 
50  coups  de  rotin  et  une  amende  au  complice  que  le  mari  peut  très  bien 
tuer  ;  d'ailleurs  la  criminalité  est  faible.  Les  Cao-lan  sont  plus  artistes 
que  les  précédents,  quoique  peu  développés  cependant  :  dessin  et  sculp- 
ture grossiers,  chant,  tambour,  cymbales,  dàn-man  (instrument  mono- 
corde dont  la  caisse  résonnante  est  un  bambou,  et  dont  les  notes  varient 
suivant  la  tension  de  la  corde,  réglée  par  le  manche),  théâtre  et  danse 
religieux.  La  littérature  peu  développée  consiste  en  petits  poèmes 
légers,  en  contes  et  légendes  religieuses;  plusieurs  jeux  physiques,  la 
paume,  la  toupie. 

Pour  la  religion,  dieux,  temples,  rites,  fêtes,  les  mythes^  les  croyances, 
il  n'y  a  pas  de  différences  essentielles  avec  les  Quân-Coc.  M.  Bonifacy 
donne  dans  cette  partie  un  assez  grand  nombre  de  traductions  pleines 
d'intérêt.  D'autre  part,  il  y  a  plusieurs  particularités  de  détail  dont 
quelques-unes  au  moins  doivent  être  signalées  :  les  Cao-lan  respectent 
le  chien  ancêtre,  mais  ne  semblent  pas  lui  rendre  de  culte,  non  plus 
qu'à  aucun  autre  animal.  Le  chien  est  tenu  comme  impur  et  ne 
doit  pas  pénétrer  dans  les  maisons.  Comme  tous  les  Mans,  les  Cao-lan 
possèdent  des  mythes  d'origine  intéressants  notamment  sur  l'origine 
de  la  tribu  qui  est,  nous  l'avons  dit,  canine.  On  trouvera  dans  ce 
mémoire  quelques  extraits  de  ces  mythes  ainsi  que  divers  chants  de 
fête,  et  enfin  des  notes  sur  l'envoûtement,  résultant  très  souvent  de  la 
présence  du  ma-ga,  esprit  mystérieux  et  redoutable  qui  s'installe  dans 
le  corps  de  certaines  personnes  et  leur  donne  un  pouvoir  surnaturel, 
et  quelques  mots  sur  la  croyance  aux  goules. 

4.  —  Les  Mans  Quan-trang  sont  cantonnés  dans  le  S. -0.  de  l'ancienne 
province  annamite  de  Tuyên-quang,  où  ils  habitent  sur  les  croupes  des 
montagnes.  Pour  éviter  des  répétitions  fastidieuses,  nous  ne  relève- 
rons ci-après  que  les  principaux  traits  qui  différencient  les  Quân-trang 
des  Mans  cités  plus  haut.  L'auteur  suit  d'ailleurs  le  même  ordre 
d'exposé  dans  chacune  de  ces  monographies  qui  se  complètent  l'une 
par   l'autre.  Dans  leur  habitation,  les   Quân-trang   mettent  loger  le 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  457 

bétail  dans  un  bâtiment  séparé  et  non  en  dessous  des  chambres.  Le 
vêtement  des  femmes  comprend  un  grand  cache-seins  en  toile  blanche, 
suspendu  au  cou  par  un  collier  d'argent,  un   habit  descendant   aux 
genoux,  teint  en  bleu,  ouvert  devant  et  croisé  par  des  fils,  fendu  sur 
les  côtés  ;  au-dessus  de  ces  ouvertures,  sur  les  reins,  au  bas  des  pans 
sont  figurées  de  nombreuses  croix  gammées  (^uct^iî/ta)  répétées  aussi  sur 
la  toque  qui  leur   sert   de  coiffure,   et  dont  le  sens   symbolique  est 
d'ailleurs  inconnu  aux  Mans  (1).  Les  Quân-trang  sont   monogames  à 
quelques  rares  exceptions  près,  et  encore  demande- t-on  l'avis  des  ancêtres 
avant  de   prendre  une  seconde  femme.   Le  mariage  est  précédé  d'un 
stage  de  six  ans,  pendant  lequel  l'homme  peut  se  désister  gratuitement 
de  la  fille  en  payant  15  piastres  ;  pendant  ce  même  temps,  les  relations 
sexuelles,  qui  sont  interdites,  sont  d'ailleurs  fréquentes  entre  les  époux 
à  l'essai.  Les  coutumes  au  sujet  des  bâtards  sont  intéressantes  :  en  cas 
de  mariage  du  père  ou  de  la  mère,  ils  sont  traités  comme  les  propres 
enfants  de  l'autre  participant;  d'ailleurs,  l'enfant  adultérin  appartient 
au  père  quem  nuptiœ  demonstrant  ;  mari  et  femme  peuvent  à  leur  gré 
introduire  chez  eux   des  enfants    nés    hors  du  mariage:  ils  ne  s'en 
privent  pas.  L'organisation  sociale  et  le  droit  pénal  sont  comme  nous 
avons  dit  chez  les  précédents  Mans  ;  cependant  il  y  a  quelques  variantes  ; 
ainsi  l'adultère  est  moins  durement  châtié  :  la  femme  n'a  les  oreilles 
coupées  qu'à  la  troisième  faute  ;  les  premières  fois,  elle  est  simplement 
battue  par  son  mari,  reçoit  8  coups  de  rotin  et  son  père  paye  4  piastres 
au  mari,  tandis  que  son  complice,  s'il  est  marié,  en  paye  7  au  mari, 
8  au  village,  ou  reçoit  50  coups  de  rotin,  et  s'il  est  célibataire,  n'est  pas 
du  tout  puni  ;  dans  le  cas  de  rapports  incestueux,  l'homme  seul    est 
puni,  sauf  entre  frères  et  sœurs  qui  sont  tous  cliâtiés.  Quelques  traces 
d'épreuve  judiciaire  à  l'huile  bouillante.  La  musique  est  comme  chez 
les  Cao-lan,  Par  contre,  la  littérature  est  beaucoup  plus  développée. 
M.  Bonifacy  en  donne  plusieurs  jolis  exemples. 

La  religion  rappelle  ce  que  nous  avons  déjà  vu.  Ici  Buddha  est  peu 
connu  :  on  croit  que  c'est  une  femme  présidant  aux  jeûnes  et  aux  puri- 
fications. De  même  que  les  Mans  ci-dessus,  les  Quân-trang  ne  repré- 
sentent pas  leurs  dieux,  sinon  par  de  simples  caractères.  Tous  les  let- 
trés sont  prêtres,  à  la  suite  de  plusieurs  initiations  :  1"  vers  10  à  12  ans, 
2»  plus  tard  ou  immédiatement  après  la  première,  mais  en  tout  cas  à 
un  degré  supérieur  de  culture;  chacune  de  ces  initiations  confère  un 
mandarinat  spécial,  un  costume  particulier  et  un  diplôme,  qui  donne 


(1)  L'auteur  voit  dans  la  svastika  la  représentation  du  tourniquet  qui  servait  à 
obtenir  le  feu  par  frottement  avant  l'invention  du  fer.  D'autre  y  voient  plutôt  l'em- 
blème de  la  puissance  géuésique;  ceci  s'appliquerait  peut-être  mieux  au  cas  ci-dessus, 
Il  est  d'ailleurs  possible  que  la  svastika  ait  plusieurs  significations,  toutes  formes 
de  l'idée  de  puissance  créatrice. 


458  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

accès  à  toutes  les  fonctions  sacerdotales.  Les  rites  et  cérémonies  du 
mariage  sont  remarquables  par  le  fait  que  ce  sont  la  femme  et  ses 
parents  qui  y  jouent  le  principal  rôle;  ils  sont  accompagnés  de  danses, 
de  mimiques  et  de  propos  obscènes  et  expressifs.  Parmi  les  rites  de  la 
mort  signalons  la  coutume  d'arracher  au  cadavre  une  dent,  un  ongle 
de  la  main,  un  du  pied,  de  couper  une  mèche  de  cheveux  et  de  mettre  le 
tout  dans  une  petite  urne;  on  croit  ainsi  enfermer  les  âmes  spirituelles 
du  défunt  et  on  les  enterre  à  l'endroit  précis  où  vient  mourir  un  coq 
égorgé  et  jeté  en  l'air.  Très  souvent,  le  cadavre  est  brûlé,  les  cendres 
recueillies  dans  une  urne  qui  est  enterrée.  Dans  les  mythes  d'origine, 
comme  chez  les  Cao-lan,  on  trouve  la  croyance  que  les  premiers  hommes 
étaient  semblables  à  des  bétes  et  qu'ils  furent  détruits  par  un  déluge 
qui  submergea  la  terre.  Les  croyances  à  l'envoûtement,  aux  goules,  etc., 
existent  aussi  chez  les  Quân-trang,  —  L'auteur  a  eu  entre  les  mains 
une  chronique  rimée  qui  lui  adonné  des  indications,  malheureusement 
tronquées,  sur  l'histoire  des  Qâan-Trang.  Il  fait  remonter  au  xrii*^  siècle 
l'exode  qui  les  a  amenés  au  Tonkin.  Rien  chez  eux  ne  rappelle  une  mi- 
gration par  voie  maritime. 

Comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer  plus  haut,  nous  avons  dû  lais- 
ser beaucoup  de  côté  dans  les  mémoires  de  M.  Bonifacy  et  nous  conten- 
ter de  notes  trop  brèves.  On  y  trouvera  de  nombreux  et  circonstanciés 

détails. 

J.  L. 

CoMMANDAM  Révérony.   Apeiçu  suF  les  races  peuplant  le  1*""  territoire  militaire 

{Revue  Indo-Chinoise,  1905,  n»»  14,  15,  16,  17,  18,  19,  20). 

11  faut  entendre  par  1"  territoire  militaire  d'Indo-Chine  —  désigna- 
tion modifiée  depuis  juillet  1905  —  le  bassin  du  Song-ky-Cong,  tribu- 
taire du  Si-Kiang,  le  bassin  supérieur  du  Song-Thuong,  le  littoral  du 
golfe  du  Tonkin,  depuis  la  frontière  sino-annamite  jusqu'à  la  ligne  de  par- 
tage entre  la  rivière  de  Tien-yen  et  le  Song-ba-Ché,  ainsi  que  les  îles  de 
la  côte.  On  y  distingue  deux  régions  ethnographiques  :  sur  le  littoral,  la 
région  sino-annamite,  ailleurs,  la  région  Thài.  La  population  totale  est 
d'environ  110.000  âmes. 

La  race  Thài  comprend  les  Thài  et  les  Nùng.  Le  groupe  Thài  pro- 
prement dit  compte  45.000  âmes  environ.  Leur  langue  qui,  à  Long- 
son,  compte  au  moins  sept  mots  laotiens  d'origine  sur  dix,  leur  type 
physique,  leurs  aptitudes  et  aspirations  permettent  de  les  rattacher 
aux  habitants  actuels  du  Mékong.  Ils  n'ont  plus  d'écriture  particulière 
et  se  servent  des  caractères  chinois  qu'ils  prononcent  à  peu  près 
comme  les  Annamites.  Ils  sont  plus  grands  que  ceux-ci  (1™,62  àl'»,65) 
mais  moins  fins  de  formes.  De  même,  malgré  une  force  réelle  plus 
grande,  ils  présentent  moins  d'endurance  qu'eux  à  la  fatigue,  sont 
apathiques  et  indolents  ;  ils  sont  aussi  moins  prolifiques,  partie  par 


iMOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  459 

tempérament,  partie  par  suite  de  l'organisation  sociale  et  des  mœurs. 
Les  femmes,  dont  la  beauté  est  vantée,  sont  d'un  type  lourd  et  empâté. 
Toutefois  il  ne  faut  pas  exagérer  leur  différence  physique  avec  les 
Annamites  :  pratiquement  il  est  assez  difficile  de  les  distinguer. 

Leur  habitation  rappelle  celle  des  Laotiens.. Leurs  vêtements  sont 
d'une  étoffe  de  coton,  tissée  par  les  femmes  avec  des  produits  du  pays 
et  sur  un  métier  tout  à  fait  annamite.  Ils  la  teignent  avec  de  l'indigo 
sombre,  préparé  par  eux  et  qui,  par  sa  beauté,  en  dépit  de  leur 
saleté  réelle,  leur  donne  un  faux  air  propre  quia  trompé  d'abord.  Leurs 
vêtements  ont  d'ailleurs  la  coupe  des  Annamites;  les  chaussures  et  les 
bijoux  ont  cependant  conservé  les  caractères  du  costume  primitif  dont 
le  souvenir  même  a  subsisté,  depuis  que  la  domination  annamite  l'a 
fait  disparaître.  Ils  se  sont  également  tout  à  fait  adaptés  à  l'état  social 
de  leurs  maîtres  et  leur  ancienne  organisation  a  disparu,  canton, 
commune  et  famille  étant  constitués  à  l'image  des  Annamites.  Comme 
ceux-ci  encore,  ils  sont  foncièrement  agriculteurs  (riz,  maïs,  patates, 
légumineuses,  coton,  mûrier,  etc.).  Ni  industrie  ni  commerce.  Au  point 
de  vue  intellectuel  et  religieux,  le  Thài  possède  les  mêmes  croyances 
et  les  mêmes  pratiques  que  les  Annamites,  mais  avec  plus  d'indifférence 
pour  le  culte  officiel.  La  même  ressemblance  se  retrouve  dans  les  cou- 
tumes relatives  à  la  naissance,  au  mariage,  à  la  mort  et  à  toutes  les 
circonstances  de  la  vie  sociale.  Pourtant  les  fiançailles  se  font  d'une 
façon  à  part,  qui  leur  est  commune  avec  les  Nùng  ;  à  certaines 
époques,  les  jeunes  gens  des  deux  sexes  se  réunissent  par  groupes  dans 
la  campagne  ;  garçons  et  filles  se  choisissent  entre  eux  suivant  leur 
désir,  s'entendent  sur  leur  situation  de  famille  puis  retournent  chacun 
chez  soi.  La  femme,  après  une  cohabitation  de  trois  jours,  retourne  chez 
ses  parents  jusqu'à  ce  que  la  grossesse  soit  constatée  ;  si  elle  est  stérile, 
elle  attend  ainsi  trois  ans  avant  d'habiter  avec  son  mari,  non  sans  lui 
faire  visite.  Les  Thài  sont  d'assez  mauvaises  mœurs;  libertinage,  adul- 
tère et  crimes  passionnels  sont  plus  fréquents  chez  eux  que  chez  les 
Annamites. 

Les  Nùng  ne  forment  pas  de  groupements  particuliers.  On  les  trouve 
partout  mêlés  aux  Thài  suivant  des  proportions  variables.  Ils  sont  évi- 
demment de  même  race,  mais,  tandis  que  ceux-ci  évoluaient  au  contact 
de  la  civilisation  annamite,  les  Nùng  ont  subi,  au  contraire,  l'action 
durable  de  la  civilisation  chinoise.  11  semble  bien,  d'ailleurs,  qu'ils 
soient  venus  de  Chine,  à  une  époque  beaucoup  plus  récente  que  les 
Thai.  Ils  furent  d'abord  vis-à-vis  d'eux  dans  la  position  de  clients,  et 
l'absence  de  mariages  entre  les  deux  groupes  contribua  à  les  main- 
tenir distincts,  quoique  mêlés.  Physiquement,  ils  ressemblent  aux  Thài, 
avec  plus  de  gravité  dans  les  formes  ;  leur  costume,  la  coiffure  des  filles 
accentuent  ce  caractère  plus  affiné.  Ils  parlent  aussi  la  langue  des  Thài, 
mêlée  à  beaucoup  de  mots   des  dialectes   chinois  méridionaux    et   à 


462  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

que  leurs  caractères  imposent  à  notre  politique.  C'est  un  sujet  dont 
nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici,  mais  nous  devions  le  signaler  d'un 
mot^  ne  fùl-ce  qu'en  raison  des  données  d'observation  qui  servent  de 
base  aux  conclusions  de  l'auteur.  Comme  il  le  fait  remarquer  justement, 
la  culture  intellectuelle  chinoise,  diversement  adaptée  à  l'esprit  des 
races  dont  nous  avons  pris  la  charge,  mais  reconnaissable  chez  elles 
toutes,  est  orientée  tout  entière  pour  la  plus  grande  facilité  et  pour 
l'efficacité  du  pouvoir  et  de  l'autorité;  et  c'est  une  idée,  selon  nous, 
très  sensée  que  de  voir  dans  une  telle  disposition  un  moyen  d'action 
dont  il  nous  serait  possible  de  tirer  un  excellent  parti. 

J.  L. 


Adhémard  Leclère.  —  Le  Cambodge.  —  Le  thvoeu-bon  kant-boent.  —  Les  phka- 
boent.  —  Le  thvoeu-phchum-boent  samnên  {Revue  /nrfo-CAmowe, 30  janvier  190o, 
t.  III  n»  2,  p.  114). 

Le  travail  de  M.  Ad.  Leclère  est  consacré  à  la  description  d'un  cer- 
tain nombre  de  fêtes  et  de  rites  cambodgiens  où  le  riz  joue  un  rôle 
prépondérant. 

La  fête  du  kant-boent,  c'est-à-dire  des  «  morceaux  de  riz  cuit  conservés  » 
dure  quinze  jours,  du  l^^'jour  de  la  lune  décroissante  de  Photrobot  à 
la  fin  du  mois  de  septembre.  La  veille  de  la  fête,  qui  est  celle  des 
Ancêtres,  les  fidèles  et  les  religieux  se  réunissent  au  temple  de  Buddha 
pour  réciter  des  stances  et  des  textes  sacrés  ;  chacun  formule  alors 
intérieurement  des  souhaits  et  prend  la  terre  à  témoin,  en  versant 
quelques  gouttes  d'eau  sur  elle.  Les  jours  suivants,  le  sommeil  est  réduit 
à  l'indispensable,  les  fidèles  priant,  faisant  cuire  le  riz,  ou  offrant  au 
temple  des  images  de  Buddha,  tandis  que  les  religieux  récitent  des 
prières  aux  diverses  heures  de  la  matinée.  Chaque  jour  les  fidèles  offrent 
aux  religieux  les  boent-hay^  boulettes  de  riz  cuit,  cette  offrande  se  fai- 
sant à  raison  de  1  boulette  le  premier  jour,  2  le  second,  3  le  troisième, 
etc.,  15  le  quinzième.  L'offrande  se  fait  suivant  un  rite  spécial.  Ces 
boulettes  sont  bénies  et,  si  le  fidèle  le  désire,  Tune  d'entre  elles  lui  est 
rendue  et  mise  au  soleil  pour  sécher.  La  fête  terminée,  un  morceau 
est  prélevé  sur  chacune  des  quinze  boulettes  séchées,  et  l'on  fait  de 
leur  ensemble,  avec  de  la  résine,  une  statue  de  Buddha,  offerte  ensuite 
au  temple.  Cependant  cette  offrande  tend  à  disparaître. 

Lesphka-boent,  ou  fleurs  des  boulettes  de  riz  cuit,  constituent  aussi 
une  offrande  pour  orner  l'autel  de  Buddha;  elles  s'offrent  en  nombre 
impair,  5,  7  ou  9.  Le  riz  est  placé  dans  un  vase  de  bois  de  forme  spé- 
ciale, avec  un  couvercle  surmonté  d'un  cierge  en  cire  et  entouré  de 
huit  bols  de  porcelaine  ou  de  verre,  remplis  de  rh  cuit,  de  flacons 
d'eau  pure  ou  parfumée,  de  bétel  et  de  noix  d'arec;  des  cierges  et  une 
décoration  particulière  ornent  le  plateau  qui  porte  ces  ustensiles. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  463 

Le  thvoeu  phchum-boent  samnên  est  la  fcte  de  la  réunion  pour  l'of- 
frande des  vivres  aux  morts,  ancêtres  el  génies  du  pays.  Elle  a  lieu 
quinze  jours  avant  la  fin  de  la  saison  rituelle  des  pluies,  moment  de  la 
retraite  annuelle  des  religieux.  Elle  consiste  en  une  cérémonie  religieuse 
dont  le  plus  important  moment  est  l'offrande  du  riz  dans  des  bols 
spéciaux  ;  de  plus,  un  cortège  formé  par  les  religieux  et  par  l'assis- 
tance entière,  sort  du  temple,  dont  il  fait  par  trois  fois  le  tour,  en  jetant 
les  offrandes,  boulettes  de  riz,  gâteaux,  etc.,  aux  ancêtres  et  aux 
génies.  Des  récitatifs  spéciaux  sont,  à  l'occasion  de  cette  fête,  prononcés 
par  les  religieux.  Ils  sont  précédés  d'un  morceau  dit  Kusalâkusalâdliam- 
ma  (doctrine  des  mérites),  rappelant  les  effets  et  les  vertus  du  Buddha 
et  les  passions  qu'il  a  étouffées  en  lui.  Ce  morceau,  ainsi  que  les  réci- 
tatifs, sont  en  langue  pâli  et  les  fidèles  ne  les  comprennent  pas.  Dans 
le  palais,  cette  fête  est  célébrée  par  les  bakous,  d'après  un  vieux  rituel 
qui  a  persisté  seulement  là,  et  qui  comprend  des  offrandes  variées  : 
sésame,  haricots,  noix  de  coco,  riz  cuit  en  boulettes,  et  riz  en  farine. 

J.  L. 

G.  DuMouTiER.  Les  cultes  annamites  [Revue  Indo-Chinoise,  t.  111,  1905,  n°s  4  à  11). 

Après  avoir  publié  divers  travaux  de  valeur  sur  les  Symboles,  les 
Emblèmes  et  les  Accessoires  du  culte  chez  les  Annamites,  les  Pagodes  de 
Hanoi^  etc.,  M.  Gustave  Dumontier  s'était  donné  la  tâche  de  faire  un 
exposé  aussi  complet  que  possible  de  tout  ce  qui  se  rapporte  aux  cultes 
annamites.  La  mort  a  suspendu  l'exécution  de  ce  travail.  Néanmoins, 
les  matériaux  accumulés  étaient  assez  nombreux  et  leur  mise  en  œuvre 
assez  avancée  pour  que  ses  exécuteurs  testamentaires  aient  pu  tirer  de 
là  un  fort  important  mémoire  publié  dans  la  Revue  Indo-C liinoise .  Ce 
n'est  pas  sans  doute  l'étude  d'ensemble  désirable,  mais,  à  son  défaut, 
une  série  de  monographies  documentaires  de  haut  intérêt,  et  qu'il 
serait  très  profitable  d'examiner  en  détail.  On  y  suit  très  nettement  les 
traces  de  l'influence  chinoise  sur  les  mœurs  et  sur  la  religion  de  l'Annam, 
et  cette  étude  des  cultes  annamites  est  en  beaucoup  d'endroits  la  des- 
cription de  déformations  d'idées  chinoises,  celles-ci  étant  elles-mêmes, 
de  leur  côté,  la  déformation  d'idées  hindoues. 

Les  notes  monographiques  de  M.  Dumontier  ont  été  réparties  en  trois 
grands  chapitres:  Culte  officiel  et  fêtes  périodiques,  Divinités  bouddhiques 
et  taoïques,  culte  des  génies.  C'est  ce  même  ordre  que  nous  adopterons 
ci-dessous,  sans  toutefois  nous  astreindre  à  le  suivre  pas  à  pas  dans  l'in- 
térieur même  de  chacune  de  ces  grandes  coupures. 

Le  culte  officiel,  en  quelque  sorte  obligatoire,  réglé  par  un  minutieux 
cérémonial,  entouré  de  prescriptions  et  de  châtiments  sévères,  et  dépen- 
dant directement  de  l'empereur,  ce  culte  se  réduit  à  de  grands  sacrifices 
à  la  Terre,  au  Ciel,  aux  saisons^  aux  mânes  des  empereurs  et  aux  phi^ 


4f:4  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

losophes.  Les  autres  cultes,  bouddhisme,  taoïsme,  évhémérisme,  culte 
des  génies,  etc.,  sont  facultatifs,  sans  que  les  lois  formulent  de  pres- 
criptions à  leur  sujet,  mais  seulement  contre  les  abus  des  prêtres  ou  les 
désordres  des  fidèles. 

Le  plus  célébré  des  philosophes  est  Confucius,  qui  possède  un 
temple  dans  chaque  province  et  dont  la  fête  se  célèbre  l'automne 
parmi  le  concours  des  hauts  mandarins  et  des  universitaires,  suivis  du 
peuple  entier.  C'est  le  plus  haut  personnage  de  la  province  qui  officie 
et,  dans  la  capitale,  l'empereur  lui-même.  La  cérémonie  consiste  sur- 
tout en  offrandes  des  prémices  de  la  terre,  fleurs,  vin  de  riz,  métaux 
précieux,  figurés  en  papier,  mais  jamais  d'animaux.  Avec  des  degrés 
divers  de  pompe,  le  culte  se  passe  de  même  dans  chaque  ville  et  village, 
qui  ont  tous  au  moins  un  autel  au  Maître  de  philosophie.  Ces  autels  et 
ces  temples  ne  sont  jamais  ornés  de  statues  de  Confucius,  mais  con- 
tiennent simplement  des  tablettes  honorifiques  et  des  maximes  de  sa 
philosophie,  sculptées  sur  des  panneaux.  En  même  temps  que  lui  et 
souvent  dans  le  même  autel,  on  honore  les  quatre  autres  grands  philo- 
sophes, Manh-Tù,  Tû-Tu,  Tâng-Tû  et  Nhan-Tû,  les  littérateurs  émi- 
nents  et  ses  parents.  Enfin,  on  rattache  à  son  culte  celui  de  divers 
génies  littéraires  des  meilleurs  disciples  de  Confucius,  de  Sî-Nhiép,  qui 
introduisit  Tétude  du  chinois  en  Annam,  etc. 

Les  sacrifices  au  Ciel  et  à  la  terre  ont  l'empereur  pour  prêtre  unique. 
Le  rituel,  réglé  bien  avant  notre  ère,  fut  introduit  avec  la  civilisation 
chinoise.  L'essentiel  de  la  cérémonie,  qui  se  fait  à  Hué,  tous  les  trois 
ans,  avec  la  plus  grande  magnificence,  consiste  en  l'hommage  que 
l'empereur  fait  au  Ciel  et  à  la  Terre  de  la  richesse  du  royaume,  en  sacri- 
fiant ou  en  déposant  sur  leur  autel  un  bœuf,  un  bouc  et  un  cochon, 
trois  coupes,  une  fiole  d'alcool  de  riz,  des  fleurs,  des  fruits,  de  l'or,  de 
l'argent,  du  jade,  de  Tivoire  et  de  la  soie.  Actuellement  le  culte  a  lieu 
dans  un  seul  temple  commun;  autrefois  il  y  avait  au  sud  de  la  capitale 
un  tertre  arrondi  pour  y  adorer  le  Ciel  qui  est  rond,  et  au  nord  un  carré 
pour  la  Terre,  qui  a  cette  forme. 

La  fêle  de  Than-ISong,  empereur  qui  succéda  àFou-Hi2737  ans  avant 
notre  ère,  et  que  les  Chinois  et  les  Annamites  honorant  comme  le  génie 
de  l'agriculture,  égale  presque  les  précédentes  en  importance;  elle  fait 
aussi  partie  du  culte  officiel  et  l'empereur  y  prend,  également,  une  part 
prépondérante.  Il  y  a  deux  cérémonies  :  l'une  à  l'ouverture  du  premier 
sillon  dans  la  rizière,  l'autre  au  premier  repiquage  de  riz.  La  pre- 
mière consiste,  dans  chaque  localité  importante,  à  faire  labourer 
un  tertre  quadrangulaire,  dit  autel  de  l'agriculture,  par  un  buffle  sacré  ; 
l'opération  se  fait  en  grande  pompe,  est  accompagnée  du  sacrifice  d'un 
bœuf,  d'un  cochon  et  d'un  bouc  et  suivie  d'un  banquet.  La  cérémonie 
du  repiquage  comporte  aussi  un  sacrifice  animal  (un  coq),  des  invoca- 
tions et  offrandes  diverses.  Les  officiants  doivent  dans  tous  les  cas 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  465 

réaliser  certaines  conditions  de  pureté,  abstinence  de  viande  de  chien 
et  de  rapports  sexuels  depuis  un  certain  temps. 

Nous  sommes  forcés  de  passer  plus  rapidement  sur  les  fêtes  suivantes, 
très  intéressantes  cependant,  mais  qui  rentrent  plus  dans  la  seconde 
catégorie  des  non  officielles.  x\ux  fêles  du  printemps,  on  promène,  dans 
toute  la  ville  ou  le  village,  une  statue  de  terre  crue,  représentant  un 
homme  qui  tient  un  buffle  par  une  corde,  puis  on  l'enterre  dans  un 
lieu  désigné,  après  des  offrandes  au  temple  du  printemps.  La  fête  des 
prémices  se  fait  au  début  de  la  récolte  du  riz  et  consiste  en  offrandes  des 
prémices  de  la  terre  au  Génie  protecteur  du  village,  prémices  variant 
avec  la  richesse  et  volontaires.  Le  Nouvel  an  est  l'occasion  de  nombreuses 
pratiques  pendant  les  sept  premiers  jours  :  le  chef  du  canton  suspend 
à  la  porte  de  sa  maison  une  tête  tranchée  de  buffle,  de  porc  ou  de  coq, 
pour  préserver  le  district  de  la  piraterie;  on  peint  au  même  endroit 
des  amulettes  ;  on  y  colle  l'image  d'un  coq  qui  attire  le  bonheur  ou  de 
guerriers  qui  font  fuir  les  diables.  On  échange  des  vœux  divers  figurés 
par  des  emblèmes.  Le  culte  des  ancêtres  joue  aussi  un  grand  rôle  pen- 
dant ces  journées.  Le  15«  jowr  du  !«■'  mois  est  surtout  une  fête  de  nuit, 
en  l'honneur  des  étudiants;  on  fait  des  offrandes  au  génie  de  la  corpo- 
ration des  éleveurs  de  vers  à  soie  et  l'on  se  recommande  au  génie  dis- 
pensateur du   bonheur.   Le  Séjour  du  3^  mois,  visite  religieuse  aux 
fleuves,  lacs  et   étangs,  accompagnée  de  réjouissances,  banquets  en 
famille,  tir  à  l'arc  dans  la  plaine  sur  des  lapins  de  bois,  horoscopes 
pour  les  chances  de  mariage  des  fllles  et  leur  bonheur  en  ménage.  On 
célèbre  en  même  temps  la  fête  des  aliments  froids,  en  souvenir  d'un 
ministre  du  vii°  siècle  avant  J.-G.  qui  périt  ce  jour-là  dans  un  incendie. 
Le  5^  jour  du  5^  mois  est  consacré  à  la  destruction  des  vers  et  autres 
insectes  nuisibles  qui  habitent  les  entrailles  :  on  mange  tous  les  fruits 
verts  que  l'on  peut  trouver,  on  boit  desliqueurs  consacréeset  l'on  recueille 
des  simples  pour  l'année.  Le  15^  jour  du  S^  mois,  au  milieu  de  l'automne, 
on   célèbre  la  lune  pour  commémorer  l'aventure  d'un    empereur  du 
vue  siècle  de  notre  ère  qui,  à  cette  date,  fit  un  voyage  dans  cet  astre, 
grâce  à  un   magicien,  lequel,  levant  en  l'air  son  bâton,  en  fit  un  arc 
céleste  qui  servit  de  pontà  son  souverain.  Les  pratiques  sont  analogues  à 
celles  qui  ont  cours  en  Chine  :  l'épouse  du  soleil  est  surtout  célébrée  par 
les  temmes,  les  jeunes  filles  et  les  enfants,  qui  parcourent  les  rues  en 
chantant  et  en  faisant  des  improvisations  littéraires. 

Il  y  a,  en  Annam,  deux  grands  types  de  temples  :  ce  sont  d'un  côté 
les  chua,  destinés  aux  divinités  bouddhiques  ettaoïqueset  dont  le  mobi- 
lier est  surtout  constitué  par  les  images  de  ces  divinités,  et  ceux  qui 
sont  consacrés  aux  génies,  dont  le  culte  est  purement  civil.  Au  contraire 
le  culte  bouddhiste  et  taoïste  est  desservi  par  un  clergé  de  bonzes,  plus 
ou  moins  initié  mais  régulier  et  hiérarchisé.  Les  chua  se  composent  d'une 
nef  transversale,  située  en  avant  de  Tédiflce,  et  dont  la  partie  centrale 
l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  30 


4ti6  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

se  prolonge  à  ani^le  droit  ;  ce  prolongement  est  le  chœur  et  contient 
los  statues  du  temple  (les  gardiens  de  la  porte,  le  génie  du  sol)  qui  sont 
de  rigueur,  et  diverses  autres,  plus  ou  moins  nombreuses  suivant  les 
années  :  en  effet,  chaque  année,  dans  chaque  province,  une  double  liste 
est  dressée,  contenant  d'une  part  les  génies  dont  l'inniicnce  a  été 
manifeste,  de  l'autre  ceux  qui  ont  ralenti  leurs  bonnes  grâces.  Ces  listes 
sont  réunies  et  examinées  par  l'empereur,  qui  distribue  des  récompenses 
et  des  peines.  On  promène  en  procession  et  on  élève  à  un  rang  supérieur 
les  génies  récompensés;  les  autres,  au  contraire,  sont  insultés,  bafoués, 
dépouillés  de  leurs  ornements. 

Nous  ne  pouvons  songer  ici  à  suivre  l'auteur  dans  l'étude  une  à  une 
de  toutes  ces  divinités  ;  il  faudrait  citer  toutes  leurs  légendes,  gracieuses, 
curieuses  ou  terribles,  ou  n'en  citer  aucune.  Beaucoup  sont  des  divinités 
purement  chinoises,  baptisées  postérieurement  de  noms  bouddhiques 
et  auxtjuelles  on  a  fabriqué  des  histoires  pour  justifier  la  multiplicité 
et  la  confusion  de  formes  ainsi  créées  At-Nan  ou  Anandaest  un  cousin 
édifiant  du  Buddha  Çakya  Muni;  Mue  Lien,  très  en  honneur  au  Tonkin, 
a  su  arracher  aux  enfers  de  Yama  sa  mère  indigne  et  vaincre,  par  ses 
prières  et  son  mérite,  la  fermeté  de  Cakyamuni,  son  maître  ;  Ri-Lac,  le 
Buddha  futur,  est  une  des  statues  les  plus  honorées  du  Tonkin  ;  sa  con- 
sécration peut  servir  de  type  à  celle  de  la  plupart  des  statues  :  l'officiant, 
coiffé  de  la  couronne  à  pétales  de  lotus,  récite  des  textes  mythiques  et, 
prenant  un  pinceau  de  la  main  droite  et  un  miroir  de  l'autre,  il  ouvre 
à  la  lumière  les  yeux  de  la  statue  inerte,  c'est-à-dire  qu'avec  de  la  cou- 
leur noire,  il  trace  sur  chaque  œil,  entre  les  paupières,  un  trait  en  vir- 
gule dont  la  pointe  est  dirigée  en  dehors.  Van-Thu  et  Pho-llien  sont 
frères,  l'un  solitaire,  vivant  sur  un  mont  neigeux  de  Chine,  en  com- 
pagnie d'un  dragon  et  d'un  serpent  et  quelquefois  s'élançant  en  l'air 
sur  un  lion  bleu,  l'autre  l'inventeur  de  la  cristallisation  du  sucre;  Dia- 
Tang  est  un  religieux  célèbre  ;  Quan-Am,  l'ancienne  épouse  de  Thien-Si, 
qui  la  chassa,  ayant  cru  par  erreur  qu'elle  voulait  l'assassiner,  se 
déguisa  en  homme  et  se  fit  bonze,  fut  accusée  d'avoir  séduit  une  jeune 
fille  et  mourut  sainte,  après  une  existence  parfaite;  elle  est  partout 
accompagnée  de  son  mari  repentant,  sous  l'image  d'un  perroquet  vert, 
Les  Kim-Cuong  sont  les  esprits  supérieurs  de  l'air,  défenseurs  du  boud- 
dhisme, ils  ont  une  place  considérable  dans  la  lithurgie. 

L'empereur  de  Jade,  Ngoc-Hoàng,  est  la  divinité  suprême  des  Taoïstes, 
il  habite  le  Ciel;  toutes  les  autres  divinités  lui  sont  subordonnées;  sa 
statue  est  dans  tous  les  temples.  Il  est  toujours  accompagné  de  deux 
acolytes,  respectivement  chargés  de  tenir  état  des  naissances  et  des 
décès  des  humains;  ils  habitent  l'un  l'Étoile  du  sud,  l'autre  l'Étoile  du 
nord.  A  l'origine  des  mondes,  l'Empereur  de  Jade  était  un  grand  oiseau 
rouge,  régnant  sur  la  matière  inerte  et  confuse,  alors  que  le  Ciel  et  la 
terre  étaient  encore  enfermés  dans  le  chaos  obscur.  Quand,  plus  tard, 


MOUVEMEiNT  SCIENTIFIQUE.  467 

le  Ciel  'lélivré  se  tint  en  haut  et  la  lerre  en  bas,  il  eut  sous  sa  domina- 
tion les  36  palais  des  génies  célestes  et  les  72  génies  des  degrés  de  la 
terre,  fut  le  maître-souverain  du  soleil,  de  la  lune,  des  étoiles,  du  vent, 
des  nuages,  de  la  foudre,  de  la  pluie,  des  esprits  et  créatures  de  ce 
monde  et  des  génies  qu'il  délégua  tour  à  tour  pour  enseigner  aux 
hommes  la  civilisation,  l'agriculture,  l'art  de  tisser,  la  justice,  la  philo- 
sophie et  la  sagesse. 

Il  est  naturellement,  lui  et  ses  coadjuteurs,  ainsi  que  de  ses  descen- 
dants, mêlé  à  de  nombreuses  légendes;  l'une  des  plus  gracieuses  est 
celle  de  sa  fille  Liêu-Hanh  qui,  bannie  du  Ciel  pour  avoir  brisé  un  vase 
précieux  au  cours  d'un  festin,  s'incarna  sur  la  terre  en  la  personne 
d'une  princesse,  épousa  un  jeune  lettré  et  mourut  peu  après  ainsi  que 
son  mari;  elle  s'incarna  à  nouveau,  revint  sur  la  terre  pour  chercher 
la  nouvelle  forme  sous  laquelle  était  de  son  côté  incarné  son  ancien 
mari,  le  trouva  en  effet  et  recommença  avec  lui  d'heureux  jours.  A  ce 
thème,  brutalement  résumé,  se  mêlent  mille  détails  délicats  et  précieux 
empreints  de  la  plus  pénétrante  poésie  et  de  grande  finesse  littéraire. 
Les  subordonnés  de  l'Empereur  de  Jade  sont  très  nombreux.  Van  Xuon, 
(le  Wen-tchouang  chinois)  est  le  génie  de  la  littérature,  patron  des  belles- 
lettres  ;  il  habite  la  constellation  de  la  Grande  Ourse  et  est  aussi  vénéré 
que  Confucius.  Son  temple,  situé  à  Hanoï,  dans  l'île  de  jade,  et  auquel 
on  accède  par  une  avenue  et  un  pont  bordés  d'emblèmes  littéraires,  est 
précédé  d'un  obélisque  surmonté  d'un  pinceau  de  pierre  et  d'un  por- 
tique représentant  un  encrier  de  marbre,  sur  le  dos  de  trois  crapauds 
à  trois  pattes.  A  ce  génie  se  joint  souvent  celui  de  la  chance  aux 
examens.  Le  Lao-Tseu  chinois,  devenu  Lao-Quan,  qui  fut  un  grand 
philosophe,  est  mal  connu  des  Annamites  et  sa  légende  est  pauvre  :  il 
fut  porté  81  ans  dans  le  ventre  de  sa  mère  qui  le  mit  bas  sous  un  pru- 
nier; il  naquit  vieillard  avec  les  yeux  et  la  bouche  carrés,  etc.  Citons 
encore  parmi  la  suite  de  l'Empereur  de  Jade  Tu-Yi,  chef  des  génies  stel- 
laires,  Huyen-Dan,  guerrier  d'origine  chinoise  qui  vivait  au  x«  siècle 
et  fut  divinisé  après  la  mort,  comme  chef  de  douze  des  généraux  célestes, 
les  Duong-Niên,  qui  répartissent  les  récompenses  et  les  peines  dans  le 
monde  entier,  chacun  d'eux  affectés  à  un  an,  car  ils  sont  douze,  confor- 
mément au  cycle  duodénaire,  Quan-Dé,  autre  guerrier  puissant,  dont  la 
vie  fut  un  roman  d'aventures,  de  dévouements  et  de  malheurs,  le  génie 
du  sol,  Tho-Dia-Long-Than,  dont  la  statue  et  le  culte  ont  pénétré  simul- 
tanément dans  les  temples  de  Confucius  et  dans  ceux  des  bouddhistes 
et  des  taïoistes,  les  divers  génies  du  foyer  et  de  la  cuisine,  Irinité  com- 
posée d'une  femme  et  de  deux  hommes  et  dont  le  pouvoir  est  très 
étendu,  le  dieu  du  tonnerre,  qui  manifeste  sa  colère  en  lançant  des 
pierres  de  foudre  sur  les  hommes  qui  l'ont  off'ensé,  lui  ou  ses  amis,  — 
les  trois  génies  dont  les  sorciers  inscrivent  les  noms  sur  la  porte  des 
maisons  pour  éloigner  les  fantômes,  —  les  trois  puretés,  sorte  de  trinité 


4B8  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

SOUS  la  présidence  de  Lao-Tseu,  et  des  quantités  de  divinités  de  moindre 
ranii,  comme  le  génie  qui  voyage  à  dos  de  poisson,  le  pharmacien  qui 
habile  dans  une  cruche,  etc.,  etc. 

Gomme  nous  l'avons  dit,  la  troisième  partie  du  travail  de  M.  Dumoutier 
est  consacrée  au  culte  des  génies.  Ce  culte  purement  civil,  est  sans 
rapports  ni  avec  les  prêtres  ni  avec  les  rites  ou  mythes  taoïstes  ou  boud- 
dhiques. Les  officiants  sont  tantôt  des  prêtres  sorciers,  affectés  au  génie 
qu'ils  honorent,  tantôt  les  particuliers  eux-mêmes.  Dans  les  temples 
consacrés  à  un  génie,  figure  seulement  le  plus  souvent  la  statue  de  ce 
génie,  ou  des  statues  de  comparses  n'appartenant  en  tout  cas  jamais  à 
l'ensemble  des  divinités  que  nous  avons  énumérées  tout  à  l'heure.  Nous 
ne  pouvons  songer  à  faire  une  innombrable  énumération  de  ces  génies  ; 
il  faut  nous  borner  à  indiquer  les  caractères  de  leurs  divers  groupes. 

Beaucoup  d'entre  eux  sont  d'anciens  guerriers  qui  ont  joué  un  rôle 
glorieux  dans  la  séculaire  tentative  que  l'Annam  a  constamment  renou- 
velée pour  secouer  le  joug  de  la  souveraineté  chinoise  ou  pour  s'oppo- 
ser à  l'humeur  conquérante  de  ses  voisins.  On  les  a,  après  leur  mort, 
élevés  à  la  dignité  de  génies,  souvent  par  une  décision  royale,  ou  bien 
par  un  accord  populaire.  Les  victoires  ou  les  hauts  faits  dont  est  ainsi 
conservée  la  mémoire,  remontent  parfois  à  une  très  haute  antiquité  et 
se  sont  cependant  conservés,  sinon  intacts  de  légende  postérieure,  du 
moins  assez  reconnaissables  encore  comme  faits  historiques.  D'ailleurs, 
bien  que  la  majorité  de  ces  génies  soient  d'origine  annamite,  il  s'en 
rencontre  encore  parmi  eux  d'importation  chinoise.  Voici  quelques 
exemples  des  faits  célébrés  et  commémorés  de  cette  façon  :  défaite 
d'une  armée  d'envahisseurs  chinois,  400  ans  av.  J.-C,  mort  du  fils  de 
l'empereur  et  de  ses  généraux,  soulèvement  populaire  durant  tout  le 
1"  siècle  avant  J.-C,  mettant  fin  à  150  ans  de  domination  chinoise; 
conquête  de  l'Annam  par  les  Chinois  en  862;  libération  de  TAnnam  en 
1285;  inondation  de  1073;  résistance  aux  Français  et  actes  de  dévoue- 
ment accomplis  à  cette  époque,  en  1862,  1873,  1882,  etc. 

Les  génies  dont  il  reste  à  nous  occuper  présentent  encore  la  com- 
mémoration de  faits  de  lutte  contre  la  Chine;  mais  ici  le  terrain  s'est 
déplacé  et  c'est  dans  le  domaine  économique  que  les  victoires  célébrées 
ont  été  remportées.  En  effet,  les  génies  des  corporations  et  des  métiers 
sont  la  divinisation  des  industriels  qui  se  sont  procuré  contre  de  l'ar- 
gent ou  par  ruse  les  procédés  secrets  de  leurs  confrères  chinois  et  qui  ont 
ainsi  contribué  à  enrichirleursconcitoyens.  Comme  pour  les  précédents, 
le  caractère  historique  est  peu  dissimulé  et  se  précise  aisément  de 
même  par  la  comparaison  des  textes  chinois.  On  a  ainsi  de  précieux 
enseignements  sur  les  dates  d'introduction  de  ces  diverses  industries. 
Nous  ne  citerons  que  quelques-uns  des  faits  ainsi  commémorés,  sans 
nous  arrêter  sur  les  noms  ni  les  légendes  des  génies  qui  leur  corres- 
pondent. Laculture  des  rizières  et  l'habitude  du  mariage  religieux  furent 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  469 

apportées  en  même  temps,  25  ans  ap.  J.-C.  et  bouleversèrent  le  mode 
de  vivre  des  Annamites,  jusque  là  chasseurs  et  pêcheurs,  faisant  l'amour 
de  la  façon  la  plus  élémentaire  ;  Torfèvrerie  date  de  l'an  547  et  son 
introduction  est  due  à  l'initiative  de  trois  jeunes  frères;  la  magistrature 
actuelle  fut  instituée  au  xv  siècle  par  un  fonctionnaire  modèle,  la  méde- 
cine au  xe  siècle,  par  un  jeune  homme  que  des  malheurs  politiques 
forcèrent  à  s'exiler  dix  ans  en  Chine,  oij  il  s'initia  à  cet  art;  la  fabrica- 
tion des  bateaux  de  bambou  fut  inventée  à  la  fin  du  même  siècle,  par  un 
général  poursuivant  une  armée  et  arrêté  par  un  cours  d'eau,  sur  lequel 
il  vit  par  hasard  flotter  une  corbeille  de  bambou  faite  par  une  vieille 
femme.  On  suit  de  même  l'histoire  de  la  fabrication  des  nattes  de  jonc 
(981  à  1006),  des  fondeurs  de  cuivre  (1226),  de  ceux  d'or  et  d'argent(1461), 
des  brodeurs  et  des  fabricants  de  parasols  (1520),  des  marteleurs  de  cuivre 
(1518),  des  incrusteurs  (1780),  des  potiers  de  terre  (1461),  des  laqueurs 
(1443-1460),  des  tanneurs  et  cordonniers  (1528),  des  imprimeurs  (1440), 
des  tisseurs  de  gaze  de  soie  (1600),  de  satin  broché  (1820-1841),  des 
joueurs  d'échec,  etc.,  etc. 

On  voit  que  l'ouvrage  de  Dumontier,  dont  nous  avons  fait  un  fort  sec 
résumé,  est  du  plus  haut  intérêt,  et  l'on  ne  peut  que  regretter  que  son 
auteur  n'ait  pas  eu,  lui-même,  le  temps  d'y  mettre  la  dernière  main 
pour  tirer  tous  les  enseignements  qu'ils  comportent  des  faits  qu'il  a  si 
clairement  exposés. 

J.  L. 


P.  STAUDrNGER.  Glassachen  aus  Nupe  (Objets  de  verre  du  pays  de  Nupé).  Zeitschrift 
fur   Ethnologie,  t.  XXXVIII,  1906,  p.  231. 

Dans  son  voyage  au  Niger  et  à  laBénoué  l'auteur  avait  pu  établir  que 
les  bracelets  de  verre  portés  dans  cette  partie  de  l'Afrique  sont  fabri- 
qués dans  le  pays  de  Nupé  ou  de  Nufé,  c'est-à-dire  dans  le  Soudan 
occidental.  Peu  de  familles  sont  en  possession  de  ce  secret  de  fabrica- 
tion et,  d'après  la  tradition,  ce  seraient  des  Juifs,  venus  d'un  pays  que 
les  indigènes  localisent  du  côté  de  l'Orient.  Cette  tradition  est  confir- 
mée par  des  objets  en  verre  que  M.  Staudinger  a  reçus  récemment 
d'Hébron  en  Palestine,  où  il  existe  depuis  l'antiquité  une  industrie  du 
verre.  Certains  des  bracelets  sont  absolument  semblables  à  ceux  du 
Soudan,  non  seulement  par  leur  forme  générale,  mais  par  leur  décor 
en  verre  de  couleur  différente  fondu  dans  la  masse.  Il  faut  noter  que 
certains  bracelets  d'Hébron  sont  trop  petits  pour  être  utilisés.  Il  semble 
que  ce  sont  des  copies  d'objets  plus  anciens.  D'autresontdes  dimensions 
normales.  Cette  identité  de  l'industrie  du  verre  en  Palestine  et  dans  le 
Soudan  méritait  d'être  signalée. 

D""  L.  Laloy. 


470  MOLVEMENT  r  CIENTll- IQUE. 

Seug[.  Contribution  ail'  Anthropologia  Americana  (Cootributioa  à  l'anthropologie  de 
l'Amérique).  AUi  delta  Sor.  nom.  de  Anthrop.,  1906. 

Dans  ce  travail,  le  professeur  Sergi  essaie  de  déduire  de  l'examen  des 
crânes  que  possède  le  Musée  Romain  d'Anthropologie  l'origine  des 
anciennes  populations  américaines. 

L'autenr  constate  d'abord  l'indéniable  difficulté  que  l'on  a  à  se  rendre 
compte  de  la  forme  typique  et  exacte  des  crânes  anciens  américains  en 
raison  des  déformations  artificielles  qu'ils  ont  généralement  subies;  le 
Musée  Romain  d'Anthropologie  possède  heureusement  quelques  crânes 
anciens  de  l'Amérique  du  Sud  n'ayant  pas  subi  de  ces  déformations.  Ce 
sont  ces  crânes  qui  ont  servi  au  professeur  Sergi  pour  son  étude.  11  les 
a  examinés  à  la  fois  au  point  de  vue  de  la  forme  générale  et  au  point 
de  vue  des  dimensions  ;  de  plus,  d'après  les  os  longs  du  membre  infé- 
rieur (fémurs  et  tibias)  de  ces  mômes  Américains  anciens,  il  a  calculé 
concurremment,  suivant  la  méthode  de  Manouvrier  et  suivant  celle  de 
Flower,  leur  taille  probable. 

Il  est  arrivé  ainsi  à  trouver  un  rapprochement  possible  entre  les 
Américains  anciens  et  les  Mélanésiens  d'une  part,  et  les  peuplades  de 
l'Asie  Centrale  d'autre  part. 

L'ensemble  de  ces  recherches  a  amené  le  professeur  Sergi  à  émettre 
l'hypothèse  suivante  qui,  à  la  vérité,  peut  encore  paraître  un  peu 
hasardée  :  il  existerait  parmi  les  populations  américaines  anciennes 
trois  types  crâniens  dont  la  présence  pourrait  s'expliquer  en  admettant 
qu'il  y  ait  eu  deux  courants  d'immigration  en  Amérique,  l'un  d'origine 
asiatique,  l'autre  d'origine  océanienne,  qui  participèrent  probablement 
l'un  et  l'autre,  à  l'époque  préhistorique,  à  la  formation  de  la  population 
américaine.  Il  peut,  de  plus,  y  avoir  eu  à  cette  époque,  en  Amérique, 
une  ancienne  population  autochtone  avec  laquelle  se  seraient  croisés 
les  envahisseurs. 

R.  Anthony. 

Stevenson  (Matilda  Coxe).  Zuiïi  Games  (Jeux  des  Zuùis).  Broch.  in-8,  de  30  p., 
planches  et  fig.  (Extrait  de  American  Anthropologist,  nouv.  sér.,  vol.  V,  n°  3,  juillet- 
septembre  1903). 

A  diverses  reprises,  il  a  été  question,  dans  différentes  publications 
américaines,  des  jeux  deZuni;  mais  jamais,  jusqu'au  travail  de  M""" 
Matilda  Coxe  Stevenson  dont  on  vient  de  lire  le  titre,  ces  jeux  n'avaient 
fait  l'objet  d'un  travail  d'ensemble.  Seuls,  quelques-uns  d'entre  eux 
étaient  connus,  et  encore  avaient-ils  été  imparfaitement  décrits.  —  Au 
cours  de  ses  différente  séjours  chez  les  Zuni,  M""*^  Stevenson  a  institué 
une  véritable  enquête  sur  le  sujet,  et  elle  a  réuni  des  renseignements 
précis  sur  tous,  des  renseignements  personnels  sur  presque  tous  les 
jeux  qu'elle  étudie  au  cours  de  son  article. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  471 

Ces  jeux,  comme  l'indique  avec  raison  l'auteur  au  début  de  son  inté- 
ressant travail,  ne  sont  nullement  des  distractions  d'enfants.  Sans 
doute,  à  côté  des  amusements  qui  leur  sont  particuliers  et  exclusifs, 
les  jeunes  Zuni  prennent  plaisir  à  imiter  leurs  parents,  mais  il  le  font 
en  ne  se  rendant  compte  que  peu,  ou  même  point  du  tout  de  leur  signi- 
fication exacte.  En  réalité,  les  jeux  des  Zuni  décrits  par  M™""  Stevenson 
sont  des  jeux  sacrés,  destinés  à  obtenir  la  pluie,  et  constituent  un 
élément  important  de  la  religion  et  de  la  sociologie  de  cette  tribu. 

Est-il  bien  utile  de  donner  ici  l'énumération  des  jeux,  au  nombre  de 
dix-sept,  étudiés  par  M"»^  Stevenson?  Une  telle  énumération  ne  serait 
intéressante  qu'accompagnée  d'un  exposé  des  règles  de  chaque  jeu,  ce 
qui  serait  refaire  l'article  même  que  nous  analysons.  Notons  donc  sim- 
plement que,  des  4ifférents  jeux  faisant  le  sujet  de  l'article  de 
VAmeiican  Anthropologist,  huit  (à  en  croire  les  sages  de  la  tribu) 
auraient  eu  pour  inventeurs  les  dieux  de  la  guerre,  qui  étaient  de 
grands  joueurs;  des  autres,  un  aurait  pris  naissance  chez  les  Zuni, 
quatre  chez  les  Koyemshi,  un  chez  les  Navaho  et  trois  au  Mexique.  Les 
prêtres  de  la  pluie,  les  deux  prêtres  de  l'arc,  représentants  terrestres 
des  dieux  de  la  guerre,  d'autres  personnages  qualifiés  encore,  ont 
fourni  à  M'"'^  Stevenson,  sur  le  sujet  dont  elle  s'occupait^,  des  renseigne- 
ments précis;  ils  l'ont  mise  aussi  à  même  de  formuler  les  règles  de 
chaque  jeu  et  de  rectifier  certaines  erreurs  commises,  soit  par  iMM.  F. 
W.  Hodge  [American  Ant/iropologlst,  juillet  1890)  et  John  G.  Owens 
(Popular  science  Monl/ily,  mai  1891)  à  propos  de  la  course  à  pied  ou 
ti/iwanr,  —  le  jeu  sur  lequel  l'article  que  nous  analysons  fournit  les 
détails  de  beaucoup  des  plus  circonstanciés  —  soit  par  M.Stewart  Culin 
[Cliass  and  Plaijing-cards  ;  Report  of  the  U.S.  National  Muséum  1896) 
à  propos  du  jeu  des  chalumeaux  fendus  {sholiwe),  auquel  se  livrèrent 
d'abord,  selon  la  tradition  zuni,  les  dieux  de  la  guerre.  Est-ce  à  dire 
qu'il  soit  impossible,  après  M"""  Matilda  Coxe  Stevenson,  de  préciser 
encore  certaines  questions  qui  se  posent  à  propos  des  jeux  des  Zuni? 
Nullement,  et  l'auteur  est  lui-même  le  premier  à  le  reconnaître  (à 
propos  de  la  traduction  du  mot  péchitwe,  par  exemple)  ;  mais  il  était 
excellent  toutefois  que  M'"^  Stevenson  publiât  dès  maintenant  les 
résultats  de  son  enquête  sur  les  jeux  des  Zuni.  Ainsi  se  trouvent 
signalées  des  diflerences  intéressantes  entre  les  divertissements  de 
cette  tribu  et  ceux  d'autres  tribus  indiennes  ;  ainsi  demeure  conservé  le 
souvenir  de  jeux  qui  tendent  aujourd'hui  à  disparaître.  M'"'  Stevenson 
n'a  jamais  vu  courir^  par  exemple,  le  Sïkon-y a'  munc-tikioanê  ou  course 
à  pied  des  femmes  ;  la  maison  de  jeu  des  Zuni  a  disparu  entre  1896  et 
1902,  et  le  sholiwe,  le  jeux  de  hasard  favori  des  vieux  Ah'shiwi  se 
jouait  beaucoup  moins  fréquemment  à  la  seconde  qu'à  la  première  de 
ces  dates.  S'il  n'en  est  pas  de  même  des  tïkwawe  (pluriel  de  tikwanè)^ 
au  fréquent  usage  desquels,  dès  l'enfance,  l'auteur  attribue  l'incontes- 


472  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

table  supériorité  des  Zuni  dans  la  course  à  pied,  du  moins  était-il  bon 

d'en  préciser  soigneusement  toute  les  particularités  et  d'en  indiquer, 

comme  des  autres  jeux  de  la  tribu,  le  caractère  religieux.  M"™^  Matilda 

Coxe  Stevenson  n'y  a  pas  manqué  ;  c'est  pourquoi  son  travail  n'est  pas 

seulement  le  commentaire  d'une  partie  des  collections  rapportées  par 

elle  au  National  Muséum,  mais  encore  un    utile  complément   de  son 

Esoteric  and  Exoteric  Life  ofthe  Zuni. 

Henri  Froidevaux. 

H.  R.  VoTH.  The  traditions  of  the  Hopi  (Les  traditions  des  Indiens  Hopis).  Field 
Columbian  Musewn.  Anthropological  Séries,  vol.  VlII.  Cbicago,  raars  1905,  in-8, 
319  p. 

Les  Hopis,  aussi  connus  sous  le  nom  de  Shinùmos  et  surtout  de 
Mokis,  sont,  à  l'heure  actuelle,  les  plus  étudiés  des  Indiens  Pueblos.  Le 
livre  de  M.  Volh  nous  apporte  une  contribution  importante  à  la  connais- 
sance de  cette  intéressante  nation  et  nous  montre  combien  nous  avons 
encore  à  apprendre  avant  de  pouvoir  en  tracer  une  monographie  com- 
plète. Cet  ouvrage  a  surtout  comme  qualité  d'avoir  été  traduit  directe- 
ment par  l'auteur  sur  les  informations  fournies  par  les  Hopis,  au  lieu 
de  passer  par  le  canal  d'un  interprète,  comme  c'est  le  plus  souvent  le 
cas  pour  les  livres  de  folk-lore  américain.  Nous  y  gagnons  une  version 
plus  littérale  des  mythes,  avantage  racheté  par  la  plus  grande  mono- 
tonie du  style. 

Les  qualités  de  sincérité  si  évidentes  du  livre  nous  mettent  à  Taise 
pour  exposer  les  résultats  quelque  peu  extraordinaires  qu'il  fournit 
à  l'analyse.  On  retrouve  dans  les  contes  des  Hopis  des  traces  très 
apparentes  de  leurs  origines  :  gens  venus  des  hauts  plateaux  du  Nevada 
et  de  rutah,  ayant  séjourné  pendant  longtemps  chez  les  Indiens  des 
Prairies  et  fixés  depuis  longtemps  dans  le  pays  des  Pueblos  authenti- 
ques (Zufiis,  Kerès,  Tafioans),  ils  ont  conservé  dans  leur  folk-lore  l'em- 
preinte de  tous  ces  séjours.  Beaucoup  de  hauts  faits  attribués  au  coyote, 
au  roitelet,  à  d'autres  animaux  ont  leurs  équivalents  presque  textuels 
chez  les  Peaux-Rouges  du  Far  West  (Arapahos,  Pawnees,  Crows,  etc.), 
les  deux  Pôokongs  ou  petits  dieux  de  la  guerre,  qui  sont  si  populaires 
sur  le  plateau  où  habitent  les  Hopis,  ressemblent  à  s'y  méprendre  aux 
frères  Cin-aû-àv  de  la  tradition  ute,  et  cependant  beaucoup  de  traits  de 
la  mythologie  sont  purement  pueblos. 

Le  caractère  composite  de  la  tradition  des  Hopis  se  décèle  dès  les  pre- 
miers textes,  qui  comprennent  les  mythes  d'origine.  Dans  l'un  de  ces 
mythes  (tradition  n'*  2),  il  est  question  de  l'origine  de  la  terre,  qui  est 
primitivement  agrandie  par  des  moyens  magiques,  comme  chez  les 
Peaux-Rouges  des  Prairies.  Comme  chez  ces  derniers,  les  oiseaux  jouent 
une  grand  rôle  dans  cette  création  ;  mais,  par  suite  de  la  fixation  dans 
un  pays  où  le  culte  solaire  est  très  développé,  le  Soleil  est  le  deus  ex 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  473 

machina.  La  création  des  êtres  animés  est  conçue,  dans  le  mythe,  dans  le 
premier  surtout,  d'une  façon  tout  à  fait  spéciale  :  la  couverture  (objet 
d'origine  étrangère,  probablement  pueblo)  y  joue  un  rôle  considérable, 
qui  se  continue  d'ailleurs  à  travers  tout  les  mythes. 

Les  deux  textes  suivants  nous  transportent  brusquement  dans  le 
monde  des  Zunis.  Les  hommes  sont  tout  créés,  ils  vivent  dans  le  monde 
souterrain  et  en  sortent  en  grimpant,  mais  d'une  façon  autre  que  celle 
que  nous  narre  la  tradition  zufii.  Dans  ce  séjour  souterrain,  tous  les 
hommes  sont  confondus  et  paraissent  être  égaux  :  à  la  sortie,  l'oiseau 
moqueur  leur  distribue  les  langages.  Puis,  en  raison  d'un  arrangement 
établi  d'avance^  ils  se  répandent  sur  la  Terre,  dans  toutes  les  directions, 
et  c'est  l'arrivée  des  Européens  à  la  place  désignée  qui  amène  la  fixation 
des  tribus  voisines  des  Hopis.  Ailleurs,  les  Blancs  sont  produits  par 
l'eau,  ce  sont  des  «  poux  d'eau  »  qui  naissent  au  premier  jour  de  la  créa- 
tion, avant  les  Indiens.  On  distingue  soigneusement  les  Espagnols  et 
les  Blancs  (Américains);  en  un  endroit,  les  Mormons  sont  aussi  distin- 
gués. 

Un  grand  nombre  de  traditions  sont  consacrées  aux  migrations  des 
divers  clans  hopis.  On  nous  raconte  l'ordre  dans  lequel  les  clans 
arrivent  dans  les  différents  pueblos  qu'ils  habitent  aujourd'hui,  les 
vicissitudes  qu'ils  ont  éprouvées  dans  leur  voyageet  les  cultes  qu'ils  ont 
apportés  avec  eux.  Ces  traditions  varient  quelque  peu  suivant  le  pueblo 
et  le  clan  auxquels  appartient  le  narrateur.  On  peut  cependant  dire 
généralement  que  la  direction  d'où  les  groupes  sont  réputés  venir 
est  toujours  la  même;  elle  diffère  quelquefois  de  celles  que  M.  Fewkes 
avait  cru  pouvoir  indiquer  dans  son  travail  sur  les  migrations  des  clans 
de  Tusayan;  c'est  ainsi  que  le  clan  de  TOurs,  qu'il  faisait  venir  des 
bords  de  Rio  Grande,  est  ici  originaire  du  Petit-Colorado. 

D'autres  traditions  historiques  sont  à  la  fin  du  livre.  Elles  nous 
racontent  la  destruction  de  villages  qu'occupaient  autrefois  les  Hopis 
dans  TArizona.  L'un  d'eux,  Sikyâtki,  fut  détruit  par  les  habitants  du 
village  de  Walpi,  pour  venger  un  homme  du  clan  des  Katcinas  qui  avait 
été  maltraité  ;  un  autre,  Awatôbi,  fut  ravagé  par  les  habitants  des  pueblos 
de  Wâlpi,  d'Oraibi,  de  Shongopavi  et  de  Mishongnovi.  Cette  ville  très 
puissante  au  xvi®  siècle  lorsque  Tobar,  le  lieutenant  de  Coronado,  la 
visita,  aurait  été  détruite,  suivant  M.  Fewkes,  parce  que  beaucoup  de 
ses  habitants  se  seraient  convertis  au  christianisme,  conversion  dont 
les  autres  Hopis  auraient  pris  ombrage.  Nous  ne  voyons  rien  de  sem- 
blable dans  les  deux  versions  que  donne  M.  Voth.  Nous  devons  ajouter 
qu'une  version  autrefois  donnée  par  M.  Stephen  ne  fait  pas  non  plus 
allusion  à  un  acte  de  fanatisme  semblable  et  s'accorde  avec  les  textes  de 
M.  Voth  pour  attribuer  la  destruction  d'Awatôbi  à  une  vengeance  de 
clan.  Le  conte  n'^  107  nous  donne  une  description  très  animée  d'un 
combat  entre  Hopis  et  Navajos. 


474  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Les  Hopis  gardeat  encore  dans  leurs  traditions  le  souvenir  de  l'occu- 
pation espagnole  et  de  Tévangélisation  par  les  prêtres  mexicains.  Us 
prétendent  que  le  séjour  de  ces  derniers  dans  les  pueblos  de  la  contrée 
hopi  ne  dura  que  quatre  ans,  après  lesquels  les  prêtres  furent  massa- 
crés, les  églises  détruites  et  certains  villages  reconstruits  dans  des 
régions  plus  inaccessibles,  par  crainte  des  représailles.  C'est  tout  ce  que 
la  mémoire  populaire  a  conservé  des  événements  qui  accompagnèrent 
la  grande  rébellion  de  1080. 

Nous  avons  déjà  dit  que  les  contes  sont  d'un  type  très  semblable  à 
celui  des  Indiens  des  Prairies,  et  nous  n'y  insisterons  pas.  Disons  seu- 
lement que  le  thème  de  la  «  fuite  magique  »  y  est  un  peu  transformé  et 
qu'il  (îonsiste  dans  la  poursuite  par  un  squelette. 

Les  renseignements  portant  sur  la  vie  religieuse  des  Hopis  ne  sont  pas 
très  abondants;  nous  avons  une  liste  des  cultes  apportés  par  les  diffé- 
rents clans  et  un  aperçu  du  rôle  important  que  jouent  les  Katcinas  ou 
danseurs  masqués.  Notre  connaissance  de  la  mythologie  reçoit  plus 
d'augmentation  :  le  rôle  joué  par  le  Soleil,  la  Femme-Araignée  el  ses 
fds,  les  jumeaux  Pôokongs,  par  l'Homme  squelette  nous  est  abondam- 
ment décrit.  Plusieurs  contes,  très  merveilleux,  nous  montrent  quelle 
puissance  énorme  est  attribuée  aux  magiciens  et  quels  rites  ilsemploient. 

L'ensemble  du  livre  est  du  plus  grand  intérêt.  Nous  y  trouvons  des 
indications  autres  que  celles  qui  nous  ont  été  fournies  auparavant  par 
xAlM.Stephen  et  Fewkes  (il  serait  téméraire  déparier,  pour  de  tels  sujets, 
de  corrections,  car  les  renseignements  varient  d'un  clan  à  l'autre,  et 
les  auteurs  ne  sont  tenus  à  rien  autre  qu'à  une  extrême  prudence  dans 
leurs  opinions).  De  plus,  nous  pouvons  en  conclure  quelques  points  d'un 
intérêt  plus  général.  Les  Hopis  se  sont  tenus,  systématiquement,  à 
l'écart  des  Européens,  aussi  leurs  légendes  sont-elles  d'un  archaïsme 
extrême.  Les  Indiens  des  Prairies,  leurs  cousins,  qui,  au  cours  de  leurs 
7'aids  de  pillards  ont  parcouru  tant  de  pays  et  qui  ont  eu  de  multiples 
contacts  avec  les  Blancs,  sont  beaucoup  plus  évolués  et  plus  compréhen- 
sibles pour  les  habitants  de  l'hémisphère  oriental.  Plusieurs  des  his- 
toires de  M.  Voth,  qui  ont  certainement  un  but  moral,  sont  incom- 
préhensibles pour  nous  (conte  n^  41,  par  exemple).  D'autres  nous 
démontrent  combien  l'esprit  de  ces  gens  manque  de  perspective  his- 
torique :  les  mythes  de  migration  font  une  place  aussi  large  aux  événe- 
ments qui  se  sont  passés  depuis  l'arrivée  des  Espagnols,  qu'à  ceux 
écoulés  depuis  la  création  du  monde.  La  géographie  des  Hopis  est  aussi 
rudimentaire  que  leur  chronologie  :  en  dehors  de  la  région  qu'ils 
occupent  aujourd'hui,  tout  le  reste  du  monde  n'est  connu  que  d'après 
le  quartier  qu'il  occupe.  On  voit  assez  nettement  que,  primitivement, 
quatre  seulement  de  ces  quartiers  existaient;  1  influence  des  autres 
Pueblos  —  et  surtout  des  Zufiis  —  en  a  fait  ajouter  deux  autres  :  le 
zénith  et  le  nadir;  aussi  trouve-t-on  mélangés  les  nombres  sacrés  4  et 


MOUVEMENT  SClEiNTIFIQUE.  475 

6.  Les  peuples  sont  classés  —  assez  naturellement  —  d'après  les  points 
de  l'horizon  d'où  ils  vinrent  :  les  Espagnols  sont  gens  du  sud  et  les 
Blancs  (Américains),  aborigènes  de  l'ouest. 

Un  fait  qui  mérite  aussi  de  retenir  notre  attention  est  que  les  Hopis 
croient  au  séjour  des  âmes  après  la  mort  dans  deux  mondes  :  l'un, 
souterrain,  divisé  en  deux  parties  dont  l'une  est  un  lieu  de  torture  et 
l'autre  un  lieu  de  jouissances  atténuées;  l'autre,  céleste,  où  vont  les 
chefs  de  guerre.  Peut-être  doit-on  voir  là  une  influence  des  anciens 
Pères  espagnols,  si  oublié  qu'ait  été  leur  séjour. 

Pour  nous  résumer,  nous  dirons  que  les  Hopis  sont  des  Indiens  des 
Prairies  qui  ont  subi,  à  l'origine,  une  influence  civilisatrice  puissante 
venant  des  autres  Pueblos,  mais  que  cette  circonstance,  en  fixant  leurs 
conceptions,  ne  leur  a  pas  permis  d'évoluer  autant  que  leurs  frères  qui 
ont  continué  à  vivre  dans  leur  ancien  milieu. 

H.  Beuchat. 

Geo.  a.  Dorsey.  —  Traditions  of  the  Skidi  Pawnee  (Traditions  des  Indiens  Skidi 
Pawnee).  Memoirs  of  tke  American  Folklore  Society,  Boston  et  New-York,  Hough- 
toD,  iMifflin  et  0^°,  1905,  359  p.  ia-8,  23  fig. 

Alice  C.  Fletchkk.  The  Hako.  A  Pawnee  ceremony  (La  cérémonie  pawnee  du  Hako). 
22th  Annual  Eeport  of  Ihe  Bureau  of  American  Ethnology,  part  II,  Washington, 
Government  priuting  Office,  1904,  372  p.  in-4,  8  pi.,  10  fig.   (parvenu  en  1905). 

Ces  deux  livres,  parus  presque  simultanément,  nous  apportent  un 
nombre  considérable  de  faits  intéressant  l'ethnographie  religieuse  des 
Pawnees. 

Les  Pawnees  se  divisent  en  quatre  «  bandes  )),les  Skidi,  les  Chaux,  les 
Kilkehahki  et  les  Pitahaurat;  ils  appartiennent  ainsi  que  les  Caddos  et 
les  Arikaras  à  la  famille  linguistique  caddo.  Les  Skidi  ont  plus  de  rap- 
ports avec  les  Arikaras  qu'avec  les  autres  Pawnees,  par  suite  d'un  séjour 
assez  long  qu'ils  ont  fait  en  compagnie  de  ce  peuple  sur  les  bords  de  la 
Loup  River.  La  cérémonie  du  Hako  a  été  étudiée  chez  les  Chaui;  cepen- 
dant l'impression  d'une  unité  de  croyances  chez  tous  les  Pawnees  res- 
sort bien  de  la  comparaison  des  deux  textes. 

M.  Dorsey  nous  donne  quelques  renseignements  sur  l'organisation 
sociale  des  Skidi  Pawnees.  Ces  Indiens  sont  nomades,  comme  tous  les 
peuples  des  Prairies;  ils  tendent  cependant  à  se  fixer  en  certains  endroits 
et  sont  devenus  d'habiles  agriculteurs.  Le  village  (clan  local?)  est  la  base 
de  leur  organisation;  chacun  des  villages  possède  un  «  ballot  »  sacré, 
et  tous  les  habitants  d'un  même  lieu  sont  réputés  descendre  du  premier 
possesseur  du  ballot.  On  peut  cependant  se  marier  à  l'intérieur  du  vil- 
lage, ce  qui  nous  fait  hésiter  sur  la  qualité  à  attribuer  à  l'établissement. 
La  réunion  d'un  certain  nombre  de  ces  groupements  (19  en  ce  qui  con- 
cerne les  Skidi)  constitue  ce  que  les  auteurs  américains  appellent  une 
«  bande  ».  La  bande  se  divise  en  un  grand  nombre  de  sociétés  militaires, 


476  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

dont  les  membres  sont  répartis  entre  les  établissements.  Chaque  village 
possède  un  chef,  dont  la  fonction  est  héréditaire;  viennent  ensuite  les 
Braves  {iia/rikuts)^  membres  éminents  des  société  militaires,  puis  les 
kurahus  ou  prêtres,  puis  les  kurau  ou  hommes-médecine,  enfin  les 
narawiraris  (guerriers)  qui  se  sont  distingués  dans  les  combats,  et  le 
menu  peuple.  Miss  Alice  Fletcher  nous  dit  que  les  kurahus  ne  sont  pas 
des  prêtres  à  proprement  parler  et  qu'eux-mêmes  se  distinguent  de  la 
prêtrise  régulière  ;  ce  sont  des  hommes  qui  apprennent  avec  le  plus  grand 
soin  certains  rituels,  afin  de  pouvoir  conduire  les  cérémonies  où  la  pré- 
sence des  prêtres  (A^umw?)  n'est  pas  indispensable;  ce  seraient  plutôt 
des  gardiens  des  traditions,  analogues  aux  «  historiens  »  des  peuples 
algonquins  [Hako,  p.  162). 

Lorsque  les  villages  qui  constituent  une  bande  s'assemblent,  ils  sont 
placés  suivant  les  relations  qu'ils  ont  avec  les  différentes  divinités. 
C'est  donc  la  hiérarchie  des  dieux  qui  règle  celle  des  villages. 

Les  cérémonies  religieuses  se  divisent  en  deux  grands  groupes  :  celles 
relatives  aux  ballots  sacrés  (qui  doivent  être,  suivant  nous,  conduites 
par  un  kurahus)  et  celles  dans  lesquelles  on  améliore  la  condition  des 
gens  d'un  village  (qui  sont  conduites  par  des  hommes-médecine). 

La  religion  possède  un  caractère  très  semblable  à  celles  des  autres 
peuples  des  Prairies  :  cérémonies  agraires,  ou  pour  la  reproduction  du 
gibier;  cérémonies  expiatoires  accomplies  par  un  individu  pour  tout  le 
groupe;  cérémonies  symboliques  des  sociétés  secrètes.  La  révélation  se 
fait  par  le  rêve,  pendant  la  nuit  [Hako,  p.  119.  cf.  p.  155)  et  unique- 
ment aux  hommes-médecine  et  aux  kurahus.  Ces  visions  sont  presque 
matérielles,  elles  habitent  en  un  lieu  déterminé  (Aa^as^a)  et  errent  parmi 
les  hommes  qui  peuvent  les  rencontrer  [Hako,  p.  122  et  155).  Mais  la 
religion  pawnee  montre  une  grande  supériorité  sur  toutes  celles  des 
autres  Indiens  de  l'Ouest  par  son  caractère  cohérent  et  centralisé,  ainsi 
que  par  la  transcendance  de  certaines  de  ses  conceptions. 

Le  système  mythologique  paraît  être  parfaitement  fixé  ,  tout  au 
moins  dans  chaque  bande  (les  renseignements  diffèrent  un  peu  chez  les 
deux  auteurs).  Le  dieu  suprême,  Tirawa  [Tirawa  atius,  chez  les  Chaui), 
joue  le  rôle  de  créateur  et  de  conservateur  du  monde;  il  ne  peut  être 
vu  et  on  ignore  ses  desseins;  il  n'a  pas  la  forme  d'un  homme  {Hako, 
p.  27).  M.  Dorsey  lui  attribue  une  épouse,  La  Voûte-des-Cieux  (Tm^i- 
tions,  p.  xvii),  dont  il  n'est  pas  question  dans  les  renseignements  de 
Miss  Fletcher.  Peut-être  est-ce  l'équivalent  skidi  d'Atira  «  la  Mère- 
Terre,  la  Mère-Maïs  »,  productrice  de  la  vie,  sur  les  ordres  de  Tirawa. 
C'est  le  dieu  suprême  qui  a  tout  suscité  dans  le  monde,  par  l'intermé- 
diaire d'autres  dieux;  la  hiérarchie  de  ceux-ci  paraît  être  diffférente 
suivant  les  bandes.  Ils  se  divisent  en  tout  cas  en  deux  grandes  catégo- 
ries :  les  dieux  célestes  et  les  dieux  terrestres.  Les  premiers  sont  les 
plus  puissants,  ce  sont  les  Hotone  (les  quatre  vents  suivant  Miss  Flet- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  477 

cher;  le  vent,  le  nuage,  l'éclair  et  le  tonnerre  suivant  M.  Dorsey); 
Karariluari,  l'Etoile  du  Nord,  Butukaivahas,  Hikus,  tous  trois  dieux  du 
Nord  ;  les  dieux  des  Quatre  quartiers  du  Monde  (nord-est,  sud-est,  nord- 
ouest  et  sud-ouest):  Shakuru,  le  Soleil;  Pah,  la  Lune;  Opirit,  l'Étoile 
du  matin  (Vénus);  la  Grande  Etoile  météorique  noire;  Opirikahuriri- 
wisisu,  l'Etoile  du  sud;  Skiritiuhuts  «  le  loup  fou  »,  qui  amena  la  mort 
parmi  les  hommes.  Toutes  les  constellations  forment  des  conseils  de 
divinités.  Chaka,  les  Pléiades  aident  les  hommes  en  servant  de  guide 
aux  égarés;  les  étoiles  de  RarislesharUy  la  Couronne  Boréale,  ont  appris 
aux  humains  les  peintures  symboliques,  etc.  Les  dieux  de  la  Terre  sont 
à  peine  moins  puissants  :  ils  gouvernent  les  quatre  grandes  loges  des 
animaux,  et  par  eux  les  hommes  ont  acquis  beaucoup  de  pouvoirs  sur- 
naturels [Traditions ,  p.  20).  Chez  les  Chaui,  nous  trouvons  d'autres 
divinités  terrestres  qui  ne  nous  sont  pas  signalées  chez  les  Skidi.  To- 
haru,  les  biens  de  la  Terre;  Chaharu,  l'Eau;  et  surtout  ^aw^a^,  l'Aigle 
brun  qui  représente  l'élément  femelle  (la  Mère-Terre)  et  aussi,  parfois 
la  Lune. 

M.  Dorsey  nous  dit  que  le  rituel  est  très  développé  et  qu'ils  corres- 
pond en  tous  points  au  caractère  supérieur  de  la  religion.  11  possède 
surtout,  dit-il,  ce  caractère  spécial  d'avoir  un  sens  profond  pour  ceux 
qui  en  accomplissent  les  actes.  Les  rituels  publiés  par  Miss  Fletcher 
montrent  combien  celte  appréciation  est  juste.  La  cérémonie  du  Hako 
paraît  avoir  été,  à  l'origine,  un  ensemble  de  rites  agraires,  destiné  à 
faire  pousser  le  maïs  ;  il  a  été,  comme  beaucoup  de  ces  cérémonies,  appli- 
qué à  la  croissance  de  l'homme  et  a  ensuite  dévié  de  son  sens  primitif. 
Le  but  actuel  de  la  cérémonie  serait,  suivant  les  Pawnees,  d'établir  un 
lien  entre  deux  groupes  de  gens,  et  d'obtenir  des  descendants.  Elle  est 
efTectuée  par  deux  partis,  appartenant  obligatoirement  à  des  clans 
(villages?)  ou  même  à  des  tribus  différents.  L'un  de  ces  groupes  est 
appelé  groupe  des  Pères,  c'est  celui  des  gens  appartenant  à  la  tribu  de 
celui  qui  a  organisé  la  cérémonie  et  qui  s'appelle,  par  excellence,  le 
Père.  L'autre  groupe  se  nomme  groupe  des  Enfants  et  comprend  les 
parents  et  amis  de  celui  (le  Fils)  qui  a  été  choisi  par  le  Père.  Ce  dernier 
doit  être  un  chef,  et  il  doit  avoir  pour  coadjuteur  un  autre  chef;  le  per- 
sonnel religieux  comprend  un  kurahus,  un  assistant  et  deux  hommes- 
médecine.  La  cérémonie  se  compose  de  vingt  rituels  et  se  divise  en  trois 
grandes  parties  :  les  rites  d'entrée  pendant  lesquels  le  kurahus  invoque 
les  puissances  célestes;  on  consacre  les  gens  du  parti  du  Père  et  l'on 
se  rend  au  lieu  où  se  trouve  le  parti  du  Fils.  Le  voyage  des  hommes 
symbolise  le  voyage  et  les  découvertes  de  la  Mère-Mais  ;  en  arrivant,  on 
a  acquis  l'aide  de  Kawas;  la  seconde  partie  qui  est  la  cérémonie  propre- 
ment dite  comprend  un  culte  public  adressé  au  Soleil  et  à  la  Mère-Terre 
(ou  Mère-Maïs),  et  un  culte  secret,  où  un  enfant  désigné  par  le  Fils  est 
consacré  à  Tirawa.  Le  symbolisme  est  emprunté  à  la  vie  des  oiseaux  en 


478  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

raison  de  la  puissance  de  Kawas,  l'Aii^le  brun.  La  troisième  partie  con- 
siste en  danses  d'actions  de  grâce. 

La  cérémonie  du  Hako  n'est  pas  un  culte  des  «  ballots  »  ;  on  y  fait 
emploi  d'un  certain  nombre  d'objets  fabriqués  pour  la  circonstance  et 
qui  sont  rendus  efficaces,  ou  pour  mieux  dire  «  sacrés  »,  par  des  onc- 
tions. Seule  une  pipe,  employée  à  certains  moments,  provient  d'un  ballot 
sacré;  le  prêtre  gardien  dudit  ballot  doit  mdiquer  comment  ou  s'en  sert, 
ce  que  le  kuraftus  ignore.  Le  symbolisme  de  toute  la  cérémonie  est  très 
élaboré,  très  cohérent  et  l'ensemble  des  rites  est  bien  lié.  Un  fait  des 
plus  remarquables  est  le  caractère  profondément  religieux  de  tout  cet 
ensemble  de  rites;  rien  n'agit  d'une  façon  mécanique;  les  gens  doivent 
se  mettre  en  rapport  avec  Tirawa  par  la  méditation;  les  esprits  des 
objets  employés  montent  aussi  vers  le  Créateur  et,  si  les  formules  doi- 
vent être  récitées  d'une  certaine  façon,  c'est  par  respect  pour  Tirawa  qui 
les  a  enseignées  aux  hommes  dans  les  rcves.  Nous  souhaiterions  de  pos- 
séder d'autres  rituels  pawnees  aussi  soigneusementrécoltés,  par  exemple 
celui  du  culte  orgiaque  du  peyotl,  introduit  du  Mexique,  pour  voir  s'il  y 
règne  un  pareil  esprit  de  piété. 

Le  livre  de  M.  Dorsey  nous  apporte  beaucoup  d'excellents  renseigne- 
ments sur  la  mythologie.  Il  met  en  garde  contre  la  déformation  des 
mythes  véritables  lorsqu'ils  sont  narrés  par  les  gens  du  commun;  il  faut 
les  recueillir  de  la  bouche  du  prêtre  {'/'raditions,  p.  xxii).  Beaucoup  de 
contes  proviennent  d'une  telle  déformation. 

On  nous  donne  deux  mythes  de  création.  Tirawa  crée  l'homme  à  son 
image  (contradiction  avec  les  renseignements  de  Miss  Fletcher);  il 
assigne  leurs  places  à  tous  les  dieux  et  répand  la  vie  sur  la  terre  par 
ses  messagers  :  le  Vent,  le  Tonnerre,  l'Éclair  et  le  Nuage.  L'autre  mythe 
est  très  différent  et  donne  l'impression  de  n'être  que  fragmentaire. 
Nous  voyons  aussi  une  version  du  déluge,  qui  paraît  être  teinté  d'idées 
chrétiennes.  Les  mythes  racontant  l'origine  des  sociétés  secrètes  méri- 
tent de  retenir  l'attention.  Les  contes,  nombreux,  sont  surtout  relatifs 
aux  hauts  faits  du  Coyote,  sujet  fréquent  des  légendes  des  Prairies. 
Quant  aux  autres  textes,  on  y  trouve  les  thèmes  bien  connus  de  la 
fuite  magique,  de  la  conception  miraculeuse  et  surtout  des  faits  mer- 
veilleux accomplis  par  des  enfants  pauvres  ou  abandonnés. 

Grâce  à  ces  deux  livres,  nous  possédons  aujourd'hui  un  ensemble  de 

renseignements  de  premier  ordre  sur  deux  des  bandes  de  la  nation 

Pawnee. 

H.  B. 

SiiMMs  (S.  C).  Traditions  of  the  Crows  (Traditions  des  Grows)  (Field  Columbian 
Muséum^  publication  85  ;  Anthropological  séries,  vol.  Il,  n»  6).  Chicago,  octobre 
1903,  in-8  de  48  p. 

Au  cours  de  l'été  de  1902,  tout  en  réunissant  chez  les  Indiens  Absah- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  479 

rokees  (Crows  ou  Corbeaux)  de  l'État  deMontana,  pour  le  Field  Columbian 
Muséum,  des  collections  ethnologiques,  M.  S.  C.  Simms,  le  conscien- 
cieux collaborateur  de  M.  Georges  Dorsey  au  département  d'Ethnologie, 
a  pu  recueillir  un  certain  nombre  de  traditions  de  cette  tribu.  Un  de  ses 
membres  les  plus  âgés,  le  second  des  vieillards  Absahrokees,  connu 
sous  le  nom  de  «  Bull-lhat-goes-hunting  »,  les  lui  a  fait  connaître  par 
l'intermédiaire  d'un  excellent  interprète,  dont  M.  Simms  a  soigneuse- 
ment transcrit  les  paroles.  Ce  sont  les  récits  mêmes  de  «  BuU-that-goes- 
hunting  »  qui  constituent  la  première  partie  des  Traditions  of  ihe 
Crows\  un  résumé,  rédigé  par  M.  Simms  lui-même,  de  ces  différents 
récits,  au  nombre  de  26,  constitue  la  seconde  et  dernière  partie  de 
cette  publication,  dont  les  folk-loristes  seront  très  reconnaissants  à 
l'auteur.  Mais  ils  lui  eussent  certainement  été  plus  reconnaissants  encore 
si  M.  Simms  ne  s'était  pas  contenté,  comme  trop  d'ethnologues  améri- 
cains,de  publier  de?  matériaux  d'études,  s'il  avait  institué  des  compa- 
raisons entre  les  traditions  recueillies  par  lui  chez  les  Absahrokees  et 
celles  d'autres  tribus  indiennes,  s'il  avait  montré  quel  rapports  existent 
entre  elles  et  la  vie  ancienne  ou  contemporaine  de  ces  Peaux-Rouges, 
etc.,  et  quelle  place  occupent,  dans  le  folk-lore  des  Indiens  de  TAméri- 
que  du  Nord,  les  traditions  des  Absahrokees. 

De  ces  traditions,  d'ailleurs,  peu  semblent  vraiment  intéressantes. 
L'histoire  desexploits  d'  «  Old-Man  Coyote  »  est  peunouvelle  et  parfois, 
comme  il  fallait  s'y  attendre,  très  grossière;  et  bien  des  fois  déjà  nous 
avons  lu  le  récit  de  métamorphoses  analogues  à  celles  que  rapporte 
«  Bull-that-goes-hunting  ».  Une  des  légendes  les  plus  dignes  d'atten- 
tion est  certainement  le  mythe  cosmogonique  qui  porte  le  n°  1,  où 
nous  voyons  les  Absahrokees  placer  dans  la  bouche  du  Créateur  Téloge 
de  leur  territoire  et  le  faire  qualifier  par  lui  de  «  le  plus  beau  des  pays 
qu'il  a  crées  ».  Notons  encore  le  n^  21,  dans  lequel  figurent  sept  frères 
dont  le  plus  jeune  est,  comme  notre  Petit  Poucet,  le  plus  avisé  et  le  plus 
débrouillard  de  tous,  —  les  n°s  24  et  25,  deux  traditions  relatives  à 
Torigine  de  noms  de  lieu,  —  et  le  n"  26,  qui  montre  les  femmes  stériles 
désireuses  d'avoir  des  enfants  faire  auprès  d'une  source  un  véritable 
pèlerinage  pour  obtenir  la  guérison  de  leur  stérilité.  Mais  aucune  des 
26  traditions  publiées  par  M.  Simms  n'est,  en  définitive,  vraiment  sail- 
lante, et  seuls,  croyons-nous,  les  folk-loristes  de  profession  et  les 
ethnographes  qui  entreprendront  sur  les  Indiens  Corbeaux  un  travail 
particulier  pourront  trouver  profit  à  les  lire  et  à  les  étudier  minutieuse- 
ment. 

Henri  Froidevaux. 


480  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

D""  P.  EiiRENRKicii.  Die  Mythen  iind  Legenden  der  Sûdamerikanischen  Urvolker  und 
ihre  Beziehungen  zu  deneu  Nordamerikas  und  der  alten  Welt  (Les  iiiytbes  et 
les  légendes  des  peuples  primitifs  de  l'Amérique  du  Sud  et  leurs  rapports  avec 
ceux  de  l'Amérique  du  Nord  et  de  l'ancien  continent).  Supplément  à  la  Zeilschrifl 
fiir  Ethnologie.  Berlin,  A.  Asher  und  C»,  1905,  106  p.  in-8. 

Uq  livre  sur  l'ethnographie  de  l'Amérique  du  Sud  est  toujours  le 
bienvenu.  Aussi  nous  réjouissions-nous  d'avance  de  l'aubaine  que 
devait  être  la  présente  brochure  ;  nous  avons  été  grandement  déçu. .. 

Le  livre  de  M.  Ehrenreich  comprend  une  partie  que  l'on  pourrait 
appeler  pratique,  incluse  entre  deux  tranches  de  théorie  sur  lesquelles 
nous  aurons  à  revenir  longuement.  La  comparaison  établie  entre  les 
traditions  sud-américaines  est  intéressante,  bien  qu'on  n'y  trouve  pas 
de  renseignements  nouveaux.  Les  mythes  et  légendes  de  l'Amérique  du 
Sud  sont  si  peu  connus  et  dispersés  dans  des  ouvrages  si  divers  que 
c'est  toujours  un  avantage  de  les  avoir  tous  réunis  dans  une  étude,  soit- 
elle  comparative  comme  celle-ci. 

L'ordre  suivi  pour  le  classement  des  traditions  est  assez  satisfaisant  : 
vient  d'abord  la  création  du  monde  (terre,  ciel)  et  des  êtres  vivants, 
puis  celle  du  Soleil  et  de  la  Lune,  des  étoiles  et  des  constellations, 
ensuite  viennent  les  ancêtres  et  les  héros,  suivis  des  héros  civilisateurs. 
Cette  classification,  qui  répond  à  certaines  vues  théoriques  de  l'auteur, 
est  simple  et  convient  bien  pour  exposer  un  matériel  aussi  considé- 
rable. 

Les  résultats  pratiques  sont  les  suivants  :  il  existe  trois  grands  cycles 
légendaires  sud-américains,  ce  sont  les  cycles  :4  Tupi-Guarani;  2 
Arovake  ;  3  Caraïbe;  on  peut  de  plus  admettre  4  un  cycle  Gès  et  5 
un  cycle  andin  ;  ce  dernier  se  diviserait  en  une  sous-classe  Chibcha 
(composée  elle-même  d'une  section  de  Tunja  et  d'une  section  de 
Bogota)  et  en  une  sous-classe  péruvienne  (comprenant  les  sections 
Yunca,  Kolya,  Chimu,  etc.).  L'hésitation  qu'à  éprouvée  M.  Ehrenreich 
à  établir  ces  dernières  sections  provient  de  l'état  de  confusion  dans 
lequel  se  trouvent  les  traditions  de  l'Amérique  du  Sud.  Ceci  l'amène  à 
parler  des  lieux  où  les  mélanges  se  sont  produits.  Les  points  où  les 
diverses  civilisations  ont  pu  se  rencontrer  sont  les  suivants  :  les  îles  et 
les  côtes  de  la  mer  des  Antilles,  les  Guyanes,  le  bassin  de  l'Orénoque 
ont  été  les  lieux  de  contact  entre  les  tribus  caraïbes,  arovakes  et  gua- 
raunos  ;  sur  le  cours  moyen  du  Rio  Negro  se  sont  rencontrés  les 
Caraïbes,  les  Arovakes  et  les  Betoyas;  les  Caraïbes,  les  Arovakes,  les 
Gès  et  les  Trumaï  se  heurtèrent  vers  les  sources  des  Rios  Tapajoz  et 
Xingu;  la  Bolivie  orientale  fut  le  territoire  où  eut  lieu  le  commerce 
entre  les  Yuracares,  les  Tupis  et  les  Guarayos. 

Les  passages  entre  la  plaine  forestière  orientale  et  la  région  monta- 
gneuse de  l'ouest  ne  sont  pas  bien  déterminés. 

M.  Ehrenreich  a  composé  sa  partie  théorique  d'après  les  derniers 


MOUVEMENT  SGIENTlFtQUE.  481 

travaux  de  ses  compatriotes,  MM.  Stucken,  Frobenius  et  Boas;  le  seul 
auteur  étranger  auquelil  fasse  allusion  est  M.  Tylor;  quant  aux  autres 
savants  anglais,  américains,  hollandais,  français  qui  ont  le  plus  contri- 
bué à  faire  avancer  la  théorie  des  mythes,  il  les  ignore  ou  feint  de  les 
ignorer. 

Voici  comment  on  peut  résumer  les  idées  qui  nous  sont  exposées  sur 
le  système  religieux  des  peuples  «  primitifs  »  :  le  mythe  est  la  forme 
primitive  de  la  pensée  humaine,  il  a  surtout  pour  but  d'expliquer  les 
mouvements  des  grands  corps  célestes,  le  Soleil  et  la  Lune.  A  son  ori- 
gine, il  n'a  aucune  signification  religieuse,  n'est  attaché  à  aucun  culte. 
L'élément  rituel  s'introduit  plus  tard  (il  provient  de  la  fusion  de  l'ani- 
misme avec  la  croyance  à  la  magie);  les  spéculations  ecclésiastiques  joi- 
gnent à  cet  élément  rituel  un  mythe,  et  voilà  un  culte  constitué. 

Le  mythe  primitif  se  développe  cependant  de  lui-même;  les  objets 
qu'il  explique  sont  tout  d'abord  des  réalités  pures,  de  véritables  objets, 
plus  tard  on  y  attache  des  personnes  (esprits des  ancêtres);  on  se  trouve 
alors  dans  le  faciès  mythique  que  M.  Frobenius  désigne  sous  le  nom 
de  manisme.  Ces  esprits  deviennent  bientôt  des  héros  civilisateurs  qui, 
lorsque  l'humanité  possédera  l'agriculture,  deviendront  de  véritables 
divinités. 

La  légende  est  postérieure  au  mythe;  pas  plus  que  lui  elle  n'a  d'im- 
portance religieuse;  elle  aussi  est  explicative  :  l'explication  des  parti- 
cularités des  animaux  retrace  les  étapes  de  l'histoire  et  de  la  préhis- 
toire du  monde. 

Muni  de  cette  théorie,  l'auteur  tente  de  retracer  les  migrations  des 
Américains-Sud.  Et  il  pose  un  principe  de  méthode  :  la  seule  partie  qui 
soit  intéressante  dans  le  mythe  est  ce  que  les  folkloristes  nomment  le 
thème;  le  complexe  mythique  est  fait  d'éléments  provenant  des  diffé- 
rents points  de  la  surface  du  globe;  les  personnages  (qui  sont  toujours, 
à  un  degré  quelconque,  des  astres)  n'importent  pas  non  plus.  On  doit 
écarter  certains  mythes  qui  représentent  des  traits  communs  à  toute 
l'espèce  humaine,  ainsi  que  ceux  qui  ont  pour  but  d'expliquer  des  insti- 
tutions. Une  dernière  recommandation  est  à  retenir  :  prendre  garde 
aux  ressemblances  produites  entre  deux  mythes  par  l'effet  de  la  con- 
vergence. 

Le  précieux  noyau  étant  extrait,  on  le  compare  avec  des  noyaux  ana- 
logues, cueillisd'abord  chez  les  peuples  voisins,  puis  chez  des  peuplestrès 
lointains.  M.  Ehrenreich  soumet  à  ce  traitement  plusieurs  légendes  et 
il  en  trace  la  migration.  S'aidant  des  travaux  de  MM.  Boas  et  Bogoras, 
il  les  suit  depuis  le  Japon,  où  ils  sont  exposés  sous  une  forme  littéraire 
dans  le  Nihongi,  jusqu'aux  selves  de  l'Amérique  du  Sud.  Le  chemin 
suivi  est  la  côte  du  Pacifique.  Peut-être  même  serait-il  disposé  à 
admettre,  avec  Stucken,  que  nous  devrions  chercher  l'origine  de  certains 
mythes  japonais  en  Babylonie.  La  chaîne  est  interrompue  en  certains 
l'anthropologie.  — •  T.  XVII.  —  1906.  31 


4S2  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

endroits  ;  par  exemple  le  Mexique  manque  de  certaines  traditions.  Pour- 
quoi? Parce  que  la  religion  mexicaine,  étant  le  produit  de  spéculations 
ecclésiastiques^  n'a  que  faire  de  semblables  éléments.  C'est  très  com- 
mode. 

Nous  ne  suivrons  pas  davantage  M.  Ehrenreich  dans  ses  spéculations 
astrales  et  migratoires.  Nous  nous  contenterons  de  faire  deux  observa- 
tions critiques  :  1"  On  ne  peut  séparer,  comme  l'a  fait  l'auteur,  le  thème 
du  reste  du  mythe,  pas  plus  qu'on  ne  peut  séparer  celui-ci  du  culte  auquel 
il  est  attaché;  rien  ne  peut  guider  notre  choix  dans  une  telle  dissection 
et  nous  ne  pouvons  que  rarement  savoir  quels  sont  les  éléments  primi- 
tifs d'une  tradition  (les  critères  proposés  par  M.  Ehrenreich  sont  sans 
valeur  pour  opérer  le  tri);  2^*  Tout  travail  qui  tend  à  prouver  des  migra- 
tions est  un  travail  historique;  il  est  indispensable  de  posséder  des 
données  qui  permettent  de  prouver  l'antériorité  d'une  chose  sur  une 
autre;  c'est  ce  que  nous  ne  possédons  pas  et  c'est  ce  qui  vouait  ce  tra- 
vail, comme  tous  ses  analogues,  à  l'échec,  il  est  des  questions  qui  ne 
peuvent  se  poser  à  l'heure  actuelle;  la  question  de  la  migration  des 
mythes  est  de  celles-là. 

H.  Beuchat. 

Theodor  Koch.  Die  Indianerstîimme,  etc.  (Les  tribus  indiennes  du  rio  Negro  supé- 
rieur et  du  rio  Yapura,  et  leurs  relations  linguistiques).  Zeilschrift  fiir  Ethnologie, 
t.  XXXVIII,  1896,  p.  166  (1  PI.,  1  carte  et  15  fîg.). 

Le  nord-ouest  du  Brésil,  vers  la  frontière  de  Colombie  et  de  Vene- 
zuela, a  une  population  indigène  assez  dense,  que  l'auteur  a  pu  étu- 
dier pendant  un  séjour  de  deux  ans.  Au  groupe  linguistique  Aruak 
appartiennent  toutes  les  tribus  situées  au  nord  de  l'Uaupé,  le  plus  fort 
affluent  de  droite  du  rio  Negro.  Tels  sont  les  Baré,  les  Baniwa,  les 
Uarekéna.  Toute  la  vallée  du  rio  Içana  et  de  ses  affluents  est  occupée 
par  des  tribus  Aruak  de  dénominations  très  variées.  Au  milieu  de  ces 
Aruak  habitent  quelques  tribus  qui  parlaient  autrefois  des  idiomes 
différents,  et  qui  vivaient  au  milieu  des  forets  dans  un  état  des  plus 
primitifs.  Ces  indigènes  ont  été  soumis  par  les  Aruak  et  ont  adopté 
leurs  mœurs  et  leur  langue.  Tels  sont  les  Katapolitani  du  moyen  Içana 
et  les  Huhuteni  du  bas  Aiary.  Les  traits  grossiers  de  ces  Indiens,  leurs 
pommettes  saillantes,  leur  bouche  large,  leur  fente  palpébrale  étroite 
et  un  peu  oblique  les  distinguent  à  première  vue  du  type  Aruak,  dont 
les  traits  sont  presque  européens. 

Sur  rUaupé  se  trouvent  des  tribus  qui  vivent  de  chasse  et  de  pêche 
et  qui  parlent  des  langues  différentes.  La  principale  est  celle  des 
Tukano  ou  Dakhcé.  Les  Tariana  parlent  un  dialecte  Aruak  et  ont  un 
type  physique  très  fin.  Les  Uanana  parlent  une  langue  voisine  du 
Tukano.  Il  en  est  de  même  de  l'idiome  de  la  grande  tribu  des  Uanana, 
qui  habite  les  villages  de  Garuru  et  Yutika.  En  remontant  le  Caiary, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  483 

oa  trouve  les  Kobéua,  intéressants  par  leurs  danses  de  masques,  et 
dont  la  langue  appartient  au  groupe  Betoya.  Sur  le  Cuduiary  se  ren- 
contrent des  hordes  qui  ont  été  soumises  par  les  Kobéua  et  qui  ont 
adopté  leurs  mœurs  et  leur  langue  ;  la  plus  importante  est  celle  des 
Bahuna.  Le  type  physique  de  ces  indigènes  est  bien  plus  grossier  que 
celui  des  Kobéua.  Enfin,  près  des  sources  du  Cuduiary  habitent  les 
Holôua,  ancien  peuple  aruak,  qui  ne  parle  plus  maintenant  que  le 
Kobéua.  Chez  toutes  ces  tribus  les  femmes  n'ont  pour  tout  vêtement 
qu'un  petit  tablier  de  la  grandeur  de  la  main,  fixé  à  une  ceinture  ornée 
de  perles.  Sur  tout  le  Cayari  les  hommes  portent  un  suspensoir  en 
fibres  végétales  ou  en  étoffe  fixé  en  avant  et  en  arrière  à  la  ceinture. 

Entre  le  Caiary  et  ses  affluents,  entre  le  rio  Negro  et  le  Yapura,  noma- 
disent  des  Indiens  chasseurs,  qui  ne  savent  pas  construire  de  canots.  Ils 
sont  poursuivis  par  les  indigènes  plus  civilisés  qui  les  entourent  et 
souvent  vendus  comme  esclaves.  Le  terme  aruak  de  Maku  s'applique 
indistinctement  à  toutes  ces  hordes.  On  rencontre  depuis  Manaos 
jusqu'aux  Andes  les  débris  de  ce  peuple  primitif. 

Les  Umaua  qui  habitent  sur  des  affluents  du  Yapura  et  surtout  sur 
l'Apaporis,  ne  sont  pas  des  Toupi  ou  des  Betoya,  comme  on  l'a  cru, 
mais  de  purs  Caraïbes,  dont  les  plus  proches  parents  résident  en 
Guyane.  Ils  sont  de  haute  taille,  ont  des  traits  réguliers  et  une  muscu- 
lature puissante.  Les  hommes  portent  autour  du  thorax  et  de  l'abdomen 
une  large  ceinture  couverte  de  dessins  caractéristiques  et  nouée  en 
avant.  Cette  sorte  de  cuirasse  en  fibres  végétales  n'est  jamais  ôtée, 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  usée  et  remplacée  par  une  autre  ;  il  y  a  en  outre 
un  suspensoir.  Les  femmes  vont  entièrement  nues  et  ont  les  cheveux 
coupés  ;  à  l'inverse  des  tribus  de  TUaupés,  le  pubis  n'est  pas  rasé.  Les 
deux  sexes  portent  dans  la  cloison  du  nez  un  bâtonnet  qui  est  remplacé, 
dans  les  solennités,  par  un  os  orné  de  plumes. 

Le  rio  Tiquié,  le  plus  important  aftluent  du  Caiary,  est  habité,  outre 
les  Tukano,  par  des  Desana,  des  Tuyuka  et  d'autres  tribus.  Les  Desana 
surtout  se  distinguent  par  leur  laideur,  leur  tête  étroite  et  allongée, 
leurs  pommettes  saillantes,  leurs  yeux  obliques.  C'est  la  seule  tribu 
qui  s'allie  aux  Maku,  tandis  que  les  Tariana  et  les  Tukano  évitent  tout 
mariage  avec  ceux-ci.  Leur  langue  appartient  au  groupe  Tukano.  Les 
Desana  du  Papury  sont  la  seule  tribu  de  la  région  du  Caiary  qui  ait  un 
tatouage  spécial.  11  consiste  dans  les  deux  sexes,  en  deux  lignes  paral- 
lèles qui  descendent  de  la  lèvre  inférieure  au  menton.  Ce  tatouage 
n'existe  pas  chez  les  Desana  du  Tiquié. 

Sur  le  Pira-parana  et  l'Apaporis  on  rencontre  de  nombreuses  tribus 
du  groupe  betoya.  Chez  les  Makuna  les  hommes  font  de  leurs  cheveux 
une  longue  natte  enveloppée  de  fibres  d'écorce  et  pendant  dans  le  dos. 
Cette  coutume  était  autrefois  répandue  dans  tout  le  territoire  du 
Caiary  et  de  TUaupés,  comme  on  le  reconnaît  aux  masques  de  danse, 


484  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

qui  portent  presque  tous  cette  natte.  La  perforation  du  lobule  de 
l'oreille,  de  la  lèvre  inférieure  et  de  la  cloison  du  nez  est  encore  géné- 
ralement pratiquée  par  les  tribus  de  l'Apaporis  et  de  ses  affluents, 
tandis  qu'elle  est  en  train  de  disparaître  chez  celles  de  l'Uaupé. 

Sous  le  terme  de  Miranya,  on  réunit  un  certain  nombre  de  tribus 
sauvages,  qui  occupent  le  rio  Caninary,  le  rio  Anioa  et  les  territoires 
situés  entre  le  Yapura  et  l'Iça.  Leur  langue  est  sans  affinités  connues. 
Ces  indigènes  ont  de  belles  proportions,  mais  des  traits  grossiers  ;  ils 
portent  des  petits  coquillages  dans  les  ailes  du  nez.  Cette  coutume  tend 
d'ailleurs  à  disparaître.  Entre  le  haut  Yapura  et  i'iça  vivent  les  Uitoto, 
divisés  en  hordes  nombreuses,  dont  les  dialectes  n'appartiennent  pas 
au  groupe  caraïbe,  comme  on  l'a  cru,  mais  forment  une  famille  indépen- 
dante. Ces  indigènes  sont  petits,  bien  proportionnés,  leurs  traits  rap- 
pellent ceux  des  nègres,  leur  état  social  est  très  primitif. 

D'"  L.  Laloy. 

Erland  Nordenskiôld.  Ethnographische  und  archaeologische  Forschungen,  etc. 
(Recherches  ethnographiques  et  archéologiques  à  la  frontière  du  Pérou  et  de  la 
Bolivie,  en  1904-1905).  Zeilschrift  fur  Ethnologie,  t.  XXXVIII,  1906,  p.  80  (6  flg.  et 
1  carte). 

Le  plateau  qui  entoure  le  lac  Titicaca  est  habité  par  des  Indiens 
Aymara  et  Quichua.  Les  premiers  se  trouvent  au  sud,  à  l'est  et  à  l'ouest, 
les  seconds  au  nord  du  lac.  A  l'est,  on  rencontre  la  limite  des  langues  à 
Cojata;  à  l'ouest,  près  de  la  ville  de  Puno.  Dans  les  vallées  du  versant 
oriental  des  Andes,  la  population  parle  quichua.  A  l'est,  dans  la  pro- 
vince bolivienne  de  Caupolican,  on  rencontre  des  Apolista,  des  Leco, 
des  Ydiama  et  des  Tumopasa  qui  sont  en  train  de  perdre  leurs  idiomes 
propres  pour  les  remplacer  par  le  quichua.  Quand  on  se  rapproche  de 
la  forêt  vierge  en  se  dirigeant  vers  l'est,  on  trouve  près  du  rio  Tambo- 
pata,  affluent  du  rio  Madré  de  Dios,  une  petit(3  tribu  parlant  Tacana, 
les  Tambopata-Guarayo.  Sur  l'inambari,  autre  affluent  du  rio  Madré, 
habitent  les  Yamiaca,  qui  parlent  pano,  les  Tuyoneiri  dont  la  langue  est 
de  relations  inconnues.  Entre  l'inambari  et  le  Tambopata,  il  y  a  une 
toute  petite  tribu  parlant  le  pano,  les  Atsahuaca,  qui  n'avaient  pas 
encore  été  visités  par  un  Blanc.  Sur  le  rio  Marcapata,  on  trouve  des 
Indiens  parlant  tacana,  les  Arasa,  et,  au  nord-est  de  ceux-ci,  les  Hua- 
chipairi. 

Les  Aymara  et  les  Quichua,  c'£st-à-dire  les  Indiens  des  hauts  pla- 
teaux, sont  tous  chrétiens  et  fortement  influencés  par  la  civilisation 
espagnole.  Ils  ont  cependant  conservé  des  coutumes  datant  de  l'époque 
précolombienne.  Les  Apolista,  les  Leco  et  beaucoup  d'Indiens  parlant 
tacana  ne  difl'èrent  guère  actuellement  des  Quichua.  Les  Yamiaca, 
Tambopata-Guarayo,  Astahuaca  et  les  autres  tribus  des  forêts  vierges 
vivaient,  jusqu'à  une  date  toute  récente,  en  plein  âge  de  la  pierre,  sans 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  485 

contact  avec  la  civilisation  des  Indiens  des  plateaux  ou  celle  des  Euro- 
péens. Cet  isolement  tient  à  la  difficulté  de  pénétrer  la  forêt  vierge  et 
à  ce  que  les  cours  d'eau   de  cette  région  ne  sont  pas  navigables. 

Les  Quichuas  du  versant  oriental  des  Andes  sont  agriculteurs;  leurs 
houes  en  fer  ont  la  forme  des  houes  anciennes  en  bronze.  Dans  les 
hautes  vallées  ils  se  livrent  à  l'élevage.  Leur  situation  serait  très  pros- 
père, n'était  leur  propension  à  l'alcoolisme  qui  est  exploitée  d'une 
façon  éhontée  par  les  traitants.  Ceux-ci  les  poussent  à  faire  des  dettes^ 
puis  les  enrôlent  comme  chercheurs  de  caoutchouc  et  s'arrangent  pour 
que  leur  dette  ne  s'éteigne  jamais. 

Certaines  coutumes  religieuses  ont  persisté  et  se  sont  adaptées  au 
christianisme.  C'est  ainsi  que,  à  certaine  fête,  on  apporte  à  la  croix  deux 
lanternes  représentant  l'une  le  soleil,  l'autre  la  lune,  anciennes  divi- 
nités des  Incas.  A  Pâques,  il  y  a  des  danses  auxquelles  les  hommes 
seuls  prennent  part.  Ils  portent  sur  la  tête  des  ornements  en  plumes, 
en  forme  de  soleil. 

Huit  jours  après  la  mort  d'un  Quichua,  on  apporte  en  un  endroit 
découvert  tous  les  objets  dont  le  mort  peut  avoir  besoin  dans  l'autre 
monde,  instruments,  aliments,  vêtements,  alcool,  et  Ton  brûle  le  tout. 
Lorsqu'on  souhaite  la  sécheresse,  on  retire  d'un  tombeau  un  crâne  et 
on  le  fiche  sur  une  perche.  Cette  curieuse  coutume  pourrait  expliquer 
pourquoi  Ten  Kate  a  trouvé  chez  les  Calchaquis  de  l'Argentine  tant  de 
tombeaux  où  le  crâne  faisait  défaut.  Si  on  veut  rendre  quelqu'un 
malade,  on  place  quelques-uns  de  ses  cheveux  ou  un  objet  lui  appar- 
tenant, dans  un  vieux  tombeau. 

L'auteur  a  fait  des  fouilles  dans  les  maisons  funéraires,  ou  chulpas, 
et  dans  les  grottes  sépulcrales  des  Quichuas.  Il  y  a  tous  les  intermé- 
diaires entre  les  chulpas  et  les  grottes  :  souvent  celles-ci  sont  prolon- 
gées par  un  toit,  ou  elles  ont  servi  de  paroi  à  une  maison  funéraire. 
Les  Indiens  qui  travaillaient  aux  fouilles  croyaient  que  les  explorateurs 
enlevaient  les  squelettes  soit  pour  les  ranimer  et  les  employer  comme 
travailleurs,  soit  pour  les  forcer  de  révéler  où  les  Incas  avaient  leurs 
mines  d'or.  La  plupart  des  sépultures  renferment  de  nombreux  sque- 
lettes; dans  une  grotte  il  y  en  avait  200  et  dans  une  chulpa  16.  Ces 
squelettes  étaient  toujours  accroupis.  On  rencontre  dans  les  sépultures 
des  épingles  de  bronze  ornées  de  doubles  têtes  de  lamas  ou  d'un  disque 
plat.  Des  épingles  semblables  sont  encore  employées  par  les  femmes 
quichua  pour  fixer  leur  châle  sur  l'épaule.  On  recueille  également  des 
objets  brisés  ou  incomplets  qui  semblent  avoir  été  placés  dans  les 
tombeaux  en  cet  état. 

Les  Indiens  trouvent,  en  travaillant  la  terre,  de  nombreux  objets  en 
pierre  et  en  bronze.  Ces  derniers  sont  identiques  à  ceux  du  nord  de 
l'Argentine  ;  ils  montrent  jusqu'où  se  sont  propagés  les  instruments 
caractéristiques  de  la  civilisation  andique.  Les  haches  en  bronze  et  en 


486  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

pierre  ont  la  même  forme  en  T  et  on  observe  sur  certaines  de  ces  der- 
nières rinlluence  de  la  technique  métallurgique.  Vers  l'est,  la  civilisation 
andique  caractérisée  surtout  par  les  chulpas,  œuvre  probable  des 
ancêtres  des  Aymaras,  ne  dépasse  pas  la  limite  des  forêts  vierges;  on 
ne  la  rencontre  que  dans  les  hautes  vallées  qui  offrent  à  l'homme  les 
mêmes  conditions  d'existence  que  le  plateau  du  lac  Titicaca. 

Près  de  Buturo,  M.  Nordenskiôld  a  rencontré  des  ruines  d'habitations 
qui  prouvent  que  les  forêts  actuellement  inhabitées  avaient  autrefois 
une  population  nombreuse.  Les  objets  qu'on  y  trouve  sont  absolument 
différents  de  ceux  des  vallées  de  la  montagne  et  indiquent  une  civili- 
sation plus  élevée  que  celle  des  Indiens  actuels  du  rio  Tambopata  et 
du  rio  Inambari.  Les  ornements  des  poteries  sont  surtout  caractéris- 
tiques; des  figures  humaines  en  terre  étaient  peut-être  des  masques  de 
danse.  Dans  le  Chaco  argentin,  l'auteur  a  aussi  rencontré  des  ruines 
d'habitation  dans  des  régions  actuellement  à  peu  près  désertes;  la 
céramique  avait  également  un  caractère  local  très  marqué.  Dans  un 
tombeau,  il  y  avait  des  coquilles  du  Pacifique,  ce  qui  prouve  que  ce  peuple 
inconnu  avait  des  relations  avec  les  habitants  de  la  côte. 

Les  Indiens  de  la  forêt  vierge  se  livrent  à  l'agriculture,  tout  en  étant 
nomades.  Leurs  champs  sont  éloignés  les  uns  des  autres  de  plusieurs 
jours  de  marche;  ils  les  visitent  à  époques  régulières  pour  les  ense- 
mencer ou  les  récolter.  Cette  disposition  tient  à  la  difficulté  de  pratiquer 
des  défrichements  dans  la  forêt  vierge.  Les  plantes  cultivées  les  plus 
importantes  sont  les  bananes,  le  manioc  et  le  maïs.  Ces  Indiens  vivent 
en  outre  de  chasse  et  de  pêche.  Ils  pèchent  avec  l'arc  et  des  flèches 
spéciales,  dont  il  existe  de  nombreuses  variétés.  Les  habitations  sont 
des  huttes  du  type  le  plus  simple,  où  vivent  souvent  plusieurs  familles 
réunies.  Les  Tambopata-Guarayo  n'ont  pas  d'autres  vases  que  des 
articles  de  bambou  dans  lesquels  ils  font  bouillir  leurs  aliments.  Les 
Yamiaca  et  les  Atsahuaca  ont  des  vases  de  terre  très  simples.  Ces 
Indiens  se  parent  de  couleurs  mais  ne  se  tatouent  pas.  Tous  ont  la 
cloison  du  nez  perforée  et  y  placent  un  disque  de  nacre.  Ils  sont  très 
propres  et  très  hospitaliers  Ils  sont  malheureusement  condamnés  à 
disparaître  ou  à  se  transformer,  comme  les  Quichuas,  en  chercheurs 
de  caoutchonc  voués  à  l'alcoolisme. 

D^  L.  L. 

Mead  (Charles  W.).  The  Musical  Instruments  of  the  Incas  (Les  instruments  de 
musique  des  Incas).  Supplément  au  the  American  Muséum  Journal  (vol.  III,  n»  du 
4  juillet  1903).  Guide  Leallet  n»  11,  [Nev  York,  the  Kunickerbocker  Press,  1905]. 
In-8  de  31  p.,  planches. 

Le  travail  de  M.  Charles  W.  Mead  sur  les  instruments  de  musique 
des  Incas  est  une  intéressante  contribution  à  cette  histoire  de  la  civili- 
sation des  Incas  sur  laquelle,  en  l'absence  de   tout  document  écrit 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  487 

provenant  des  Incas  eux-mêmes,  les  décors  des  poteries  fournissent 
tant  et  de  si  précieux  renseignements.  Comme,  sur  les  instruments  de 
musique  des  anciens  Péruviens,  les  conquérants  du  pays  et  leurs  suc- 
cesseurs n'ont  fourni  que  de  rares  informations,  l'examen  minutieux 
des  décors  de  poteries,  Tétude  attentive  des  différents  objets  trouvés 
dans  les  anciennes  tombes  et  dans  les  cimetières  péruviens  présente 
une  importance  toute  particulière.  M.  Charles  W.  iMead  s'en  est  parfai- 
tement rendu  compte  ;  aussi  a-t-il  étayé  son  travail  sur  l'examen  des 
collections  péruviennes  préhistoriques  de  l'American  Muséum  of  Natu- 
ral  History,  collections  dans  lesquelles,  à  côté  de  nombre  d'instruments 
de  musique,  figurent  de  nombreux  objets  fabriqués  par  la  main  de 
l'homme,  en  particulier  des  poteries  dont  le  décor  représente  des  Incas 
jouant  de  ces  mêmes  instruments. 

Ces  instruments  se  répartissent  en  deux  classes  :  les  instruments  de 
percussion  et  les  instruments  à  vent.  Dans  la  première  de  ces  deux 
classes,  le  tambour  occupe  une  place  particulière  ;  sans  doute,  on 
n'en  a  jusqu'à  présent  trouvé  aucun  spécimen  dans  les  anciens  tom- 
beaux péruviens,  mais  les  nombreuses  représentations  qu'on  en  relève 
sur  les  poteries  et  les  renseignements  fournis  par  d'anciens  auteurs 
ne  permettent  de  douter  ni  de  l'existence  ni  de  l'importance  du  tambour 
dans  l'ancien  Pérou  et  donnent  une  idée  suffisamment  précise  de  la 
forme  et  de  la  construction  de  cet  instrument.  — Des  cloches  de  cuivre 
et  parfois  aussi  de  bronze,  dont  la  forme  rappelle  celle  des  cloches  par- 
fois suspendues  au  cou  des  vaches  dans  les  régions  alpestres,  des  son- 
nettes et  des  cymbales  contituent,  avec  le  tambour,  la  classe  des 
instruments  de  percussion. 

La  syrinx  ou  flûte  de  Pan,  des  fl.ltes  faites  en  os  ou  en  roseaux,  des 
sifflets  de  terre  cuite,  des  trompettes  fabriquées  avec  des  strombes  ou 
de  la  terre  cuite,  des  bouteilles  accouplées  à  sifflet,  des  cornes, 
constituent  la  seconde  classe,  celle  des  instruments  à  vent.  —  Quant 
aux  instruments  à  cordes,  il  est  impossible,  aujourd'hui  encore,  d'en 
signaler  le  moindre  spécimen  au  Pérou  avant  l'arrivée  des  Espagnols, 
même  pas  de  la  tinga,  cette  guitare  à  cinq  cordes  dont  nombre  d'auteurs 
modernes  ont  voulu  que  fissent  usage  les  Péruviens  des  temps  préhis- 
paniques. 

A  la  connaissance  de  ces  instruments,  et  à  la  détermination  très 
précise  de  l'échelle  tonique  des  différents  instruments  à  vent  péruviens 
conservés  dans  les  séries  de  l'American  Muséum  of  Natural  History  (1) 
se  bornent  à  peu  près  jusqu'à  présent,  nos  renseignements  positifs  sur 
la  science  musicale  des  Incas.  De  leur  musique  elle-même,  en  effet,  de 

(1)  Le  travail  de  M.  Mead  contient  l'intervalle  musical  d'une  syrinx  (p.  12),  26  flûtes 
(p.  18-19),  deux  instruments  groupés  avec  eux  (p.  23),  deux  sifflets  (p.  23),  et  deux 
trompettes  (p.  25). 


488  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

leurs  chants,  nous  ne  connaissons  rien;  et  il  semble  bien  que  nous 
devions  nous  résigner  à  n'en  connaître,  —  lorsque  des  études  sur 
l'échelle  d'autres  instruments  à  vent  se  seront  ajoutées  à  celles  de 
M.  Charles  W.  Mead,  —  que  les  intervalles  de  l'échelle  musicale  péru- 
vienne. En  vérité,  la  musique  péruvienne  demeurera  toujours,  comme 
le  dit  M.  Mead  au  début  de  son  travail,  un  véritable  casse-tête  au 
milieu  de  tous  les  casse-tête  que  représente,  pour  les  Américanistes, 
l'étude  delà  civilisation  de  l'ancien  Pérou. 

Henri  Froidevaux. 

Paul  et  Fritz  Sarrasin.  —  Reisen  in  Celebes  (Voyages  dans  l'île  Célèbes).  Wiesba- 
den,  C.  \V.  Kreidel,  1905,  2  vol.  381  et  390  p.  in-8,  240  figures,  12  planches  et 
11  cartes. 

Ces  deux  volumes  contiennent  le  récit  des  deux  voyages  entrepris 
par  les  frères  Sarrasin  dans  la  grande  île  malaise.  Ils  renferment  un 
grand  nombre  d'indications  sommaires  sur  l'anthropologie  des  peuples 
de  cette  partie  des  îles  de  la  Sonde. 

Les  peuples  de  Célèbes  sont  assez  divers  :  au  sud,  habitent  des  Malais 
(Boughis,  Makassars)  ;  dans  la  partie  nord-est  (provinces  de  Minahassa 
et  de  Gorontalo),  des  Alfourous;  dans  le  centre,  des  Toradjas  (Indoné- 
siens), et  un  peu  partout  on  rencontre  les  restes  d'une  population  primi- 
tive, d'un  type  rappelant  les  Négritos  ou,  comme  disent  les  auteurs, 
les  Veddahs. 

Les  Boughis  et  les  Makassars  sont  les  peuples  les  plus  puissants  de 
l'île;  ce  sont  aussi  les  plus  avancés  en  civilisation.  Ils  sont  surtout 
marins  ou  commerçants,  et  ont  fondé  des  colonies  sur  les  côtes  de  Bornéo 
et  même  de  la  Péninsule  de  Malacca.  Ils  sont  aujourd'hui  musulmans, 
mais  on  peut  reconnaître  dans  leurs  rites  et  leurs  légendes  beaucoup 
d'influences  de  l'hindouisme,  venu  de  Java  ou  de  Bali.  On  trouve  aussi 
beaucoup  de  traces  de  l'animisme  primitif  de  la  Malaisie.  Comme  un 
grand  nombre  de  peuples  malais,  les  Makassars  et  les  Boughis  pos- 
sèdent une  écriture  spéciale.  MM.  Sarrasin  n'apportent  aucun  fait  nou- 
veau concernant  ces  populations,  bien  connues  aujourd'hui  parles  des- 
criptions des  missionnaires  et  savants  hollandais. 

Sur  les  Alfourous  de  Minahassa,  ils  ne  nous  apprennent  peu  de  plus  que 
ce  que  MM.  P.  N.  Wilken,  Schwartz  et  Graafland  nous  ont  déjà  appris^ 
On  considère  généralement  les  Alfourous  (aussi  bien  de  Célèbes  que  des 
Moluques)  comme  des  Indonésiens  mêlés  de  Papous;  pour  les  auteurs, 
ils  appartiennent  à  la  branche  nord  de  la  race  malayo-polynésienne 
(Micronésiens?)  et  sont  peut-être  croisés  avec  les  Japonais  (vol.  I,  p.  41). 
Cette  extraordinaire  assertion  n'est  appuyée  par  rien  ;  il  faudra  attendre 
la  publication  des  résultats  anthropologiques  de  l'expédition  pour 
savoir  sur  quoi  elle  est  basée.  Les  Alfourous  sont  au  nombre  de  150.000, 
répartis  en  quatre  tribus  parlant  des  dialectes  différents  :  les  To-umbulu, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  489 

les  To'unsea,  les  To-ulour  ou  To-undano  elles  To-umpakava.  Les  Bantiks 
de  l'extrême  nord  de  Minahassa  et  les  gens  du  sud-ouest  de  ce  district 
sont  allophyles.  Dans  les  districts  de  Boléang-Mongondouw  et  de  Goron- 
talo,  vivent  d'autres  Alfourous,  qui  ne  diffèrent  en  rien  de  ceux  de 
Minahassa.  L'épaisseur  des  forêts  qui  couvrent  ces  pays  empêche  les 
communications  entre  les  gens  de  la  côte  et  ceux  de  Tinlérieur.  Les 
Alfourous  sont  de  petite  taille,  de  complexion  plus  légère  que  les  Malais 
du  sud;  ils  ont  la  peau  foncée.  Les  enfants  ont  la  tête  déformée  artifi- 
ciellement. 

Dans  le  district  de  Minahassa,  la  population  augmente  rapidement. 
Le  plan  du  village  est  aujourd'hui  régulier,  tandis  qu'autrefois  il  ne 
l'était  pas.  Ils  vivent  dans  des  villages  entourés  d'une  palissade  de  bam- 
bous épineux.  On  ne  nous  parle  pas  de  l'existence  de  clans  analogues 
aux  suku  des  Malais  ou  aux  marga  des  Battaks.  Tous  les  renseignements 
que  nous  avons  sur  la  constitution  familiale  des  Alfourous  se  réduisent 
à  ceci  :  la  famille  était  monogame  (avec  l'adjonction  de  concubines  à 
l'épouse  régulière);  la  femme  était  achetée  à  ses  parents.  En  certains 
endroits  du  district  de  Gorontalo  le  nombre  des  femmes  excède  de  beau- 
coup celui  des  hommes  ;  par  suite,  la  prostitution  s'y  est  développée 
considérablement.  Quelques  renseignements  nous  sont  donnés  à  l'oc- 
casion sur  la  constitution  juridique  :  on  nous  parle  de  vengeance  entre 
familles,  pour  offenses  faites  à  un  membre  d'une  famille;  le  vol  est 
puni  par  la  restitution  au  double  de  l'objet  volé  ou  par  l'esclavage;  un 
homme  libre  peut  aussi  être  réduit  en  esclavage  lorsqu'il  a  perdu  au  jeu. 

Les  maisons  sont  toutes  du  type  indonésien  ;  elles  ne  diffèrent  que  par 
le  détail  :  à  Mongondouw,  les  pilotis  sont  bas  le  toit  très  haut;  devant 
se  trouve  une  vérandah  ;  de  la  vérandah  on  entre  dans  la  pièce  principale 
qui  sert  de  chambre  à  coucher,  derrière  vient  la  cuisine;  il  n'y  a  pas  de 
fenêtres. 

Les  armes  sont  d'un  type  très  particulier;  l'arc  paraît  inconnu;  les 
sabres  sont  de  forme  droite,  les  lances  portent  des  pointes  losangiques; 
pour  la  chasse  au  sanglier,  on  emploie  un  épieu  d'une  forme  particulière. 
Les  armes  défensives  consistent  surtout  en  cuirasses  tressées  de  cuir  de 
porc  sauvage. 

Les  renseignements  sur  les  croyances  religieuses  ou  magiques  sont 
abondants.  Les  auteurs  disent  que  la  vie  des  Alfourous  est  tout  entière 
dominée  par  des  scrupules  religieux  :  les  semailles,  les  moissons,  la 
fabrication  des  habits  et  du  sel  se  font  à  des  jours  soigneusement  fixés 
et  sont  interdits  le  reste  du  temps.  Bien  qu'en  certains  endroits  on 
trouve  des  traces  d'islamisme,  on  peut  dire  que  les  Alfourous  ont  gardé 
leurs  croyances  animistes  dans  toute  leur  intégrité.  Le  monde  est  peu- 
plé d'esprits  :  esprits  des  montagnes,  des  lacs  et  des  fleuves,  des  mines 
d'or,  sorte  de  gardien  jaloux  devant  lequel  on  ne  doit  pas  prononcer 
certaines  paroles  (ces  esprits  des  mines  jouent  un  rôle  important  dans 


490  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

tout  le  monde  malais  et  indonésien).  Les  esprits,  que  MM.  Sarrasin 
qualifient  de  «  dieux  »,  se  nomment  Empung;  leur  volonté  est  mani- 
festée par  les  prêtres-sorciers,  au  cours  de  crise  de  possession  où  l'esprit 
parle  par  leur  bouche. 

La  chasse  aux  têtes,  qui  est  pratiquée  chez  la  plupart  des  tribus,  a  aussi 
des  raisons  religieuses  :  on  a  trouvé,  auprès  des  tombeaux  sculptés  de 
Kema,  un  grand  nombre  de  crânes  qui  devaient  provenir  d'expéditions 
de  chasse  aux  têtes;  mais,  à  côté  de  ces  offrandes,  existait  aussi  la 
coutume  de  sacrifier  des  gens  autour  du  tombeau.  La  maison  des 
morts  n'est  plus  usitée  dans  cette  région. 

Les  populations  du  centre  de  l'île  consistent  surtout  en  Toradjas.  Ce 
terme  n'a  pas  de  valeur  ethnique,  il  signifie  «  homme  de  l'intérieur  » 
(le  préfixe  to^  qui  se  rencontre  dans  tous  les  noms  de  tribus  de  Célèbes, 
signifie  «  hommes,  gens  »).  Les  Toradjas  se  divisent  en  un  grand  nombre 
de  peuplades  :  Tolampu,  Torano,  Topebato,  Torôngkong,  Toûndae, 
Tolcige,  Tobéla,  Tomekonka,  etc.  Nous  ne  savons  pas  si  ces  appellations 
s'appliquent  à  des  tribus  ou  à  des  groupes  locaux.  Ce  qui  est  certain, 
c'est  que  tous  les  Toradjas  forment,  anthropologiquement  et  ethnogra- 
phiquement,  un  groupe  bien  défini.  Ils  sont  de  petite  taille  (l'",50  pour 
les  hommes,  1"\41  pour  les  femmes),  de  complexion  plutôt  grêle  et  ont 
la  peau  un  peu  plus  foncée  que  les  Boughis. 

La  forêt  vierge  sépare  les  tribus  Toradjas  de  la  civilisation  boughi  des 
côtes.  LesToradjas  ont  gardé  en  beaucoup  d'endroits  leurs  traits  primitifs, 
dont  certains  nous  avaient  été  déjà  indiqués  par  MM.  Kruijt  et  Adriani. 
Les  villages  sont  nombreux  et  peuvent  être  ramenés  à  deux  types  :  ceux 
de  la  partie  occidentale  et  méridionale  de  l'île  sont  établis  en  terrain  plat; 
ceux  de  la  partie  septentrionale,  au  nord  du  lac  Posso,  sont  juchés  sur 
une  éminence  et  entourés  d'une  palissade.  Les  champs  de  culture  sont 
toujours  situés  à  proximité  du  village.  Celui-ci  comprend,  outre  les 
maisons  d'habitation  et  les  greniers  à  riz,  le  lobo,  ou  maison  des 
hommes,  et  la  forge,  lieu  sacré  placé  un  peu  à  l'écart. 

Les  maisons  sont  du  type  indonésien  ordinaire,  elles  sont  toutes 
élevées  sur  pilotis  et  ont  le  plus  souvent  un  balcon  à  vérandah.  Quel- 
quefois le  plancher,  au  lieu  d'être  porté  par  quatre  pilotis  verticaux, 
repose  sur  un  croisillon  carré  de  fortes  poutres  (vol.  II,  p.  25).  Derrière 
la  terrasse  inférieure  couverte  par  la  vérandah,  on  pénètre  dans  un 
couloir  sur  lequel  donnent  deux  petites  chambres  et  deux  cuisines  (une 
de  chaque  côté),  ce  couloir  débouche  dans  la  grande  salle;  il  existe  sur 
trois  des  côtés  de  la  maison  des  chambres  supplémentaires  (voir  le  plan 
vol.  1,  p.  228).  On  nous  signale,  dans  la  partie  orientale  de  Tîle,  de 
longues  maisons  habitées  par  les  pêcheurs  riverains  du  lac  de  Towùti. 
Le  lobo,  ou  maison  des  hommes,  est  plus  grand  que  la  maison  d'habita- 
tion et  contient  une  chambre  qui  est  le  sanctuaire  de  la  divinité  tuté- 
lairedu  village.  Ce  bâtiment  sert  comme  lieu  d'assemblée  des  hommes, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  491 

comme  maison  du  conseil  et  aussi  comme  lieu  d'habitation  pour  les 
gens  que  Ton  hospitalise. 

Au  milieu  de  la  pièce  principale,  se  trouve  une  sculpture  en  corne  de 
buffle  qui  est  nommée  le  nombril  de  la  maison.  On  y  voit  aussi  un  poteau 
et  un  tambour.  Suivant  Kruijt,  cité  par  MM.  Sarrasin,  on  y  attachait 
les  victimes  à  sacrifier  à  la  mort  d'un  chef.  C'est  aussi  au  lobo  qu'on 
déposait  les  crânes  récoltés  dans  les  expéditions  guerrières. 

La  forge  était,  comme  nous  l'avons  dit,  considérée  comme  un  lieu 
sacré  et,  par  conséquent,  dangereux.  Le  fer  passe  pour  un  remède  sou- 
verain dans  toutes  les  maladies;  au-dessus  de  la  forge,  on  voit  de  petites 
figures  de  bois  :  c'est  là  que  les  âmes  des  gens  malades  se  rendent  pour 
aller  reprendre  des  forces  (vol.  1,  p.  230). 

Il  faut  encore  signaler  quelques  édifices  qui  ne  se  trouvent  pas  dans 
tous  les  villages,  mais  qui  jouent  un  rôle  assez  important  :  ce  sont  les 
maisons  des  squelettes  et  les  maisons  des  morts.  L'inhumation  des 
squelettes  n'a  lieu  dans  les  maisons  des  morts  qu'après  qu'une  grande 
fête,  accompagnée  de  sacrifices  humains,  a  eu  lieu. 

Le  vêtement  des  Toradjas  était  primitivement  de  l'espèce  la  plus 
simple  :  un  pagne.  Aujourd'hui,  ils  portent  le  sarong  et  le  pantalon  des 
Boughis  ;  leur  tête  est  ornée  de  mouchoirs  de  couleur,  comme  c'est  la 
coutume  dans  toute  la  Malaisie;  autrefois,  ils  se  contentaient  de  se 
ceindre  la  tête  avec  une  corde  (vol.  1,  p.  199).  Ils  ignorent  l'art  du  tis- 
sage, et  leurs  étoffes,  assez  semblables  au  tapa  des  Polynésiens, sont  faites 
avec  des  écorces  d'arbres  battues  au  moyen  d'instruments  à  rainures 
spéciaux. 

Les  Toradjas  sont  très  belliqueux;  les  principales  raisons  des  conflits 
sont  les  vengeances  entre  «  tribus  »,  la  chasse  aux  têtes  et  le  vol  des 
buffles  d'un  village  à  l'autre.  Les  armes  sont  la  lance  à  fer  plat,  plus 
ou  moins  découpé,  le  klewang  ou  couteau  de  chasse  à  dos  large  et  la 
sarbacane  avec  des  flèches  empoisonnées  (on  ne  nous  dit  pas  avec  quoi), 
le  sabre  courbe,  analogue  comme  forme  au  golok  des  Javanais,  à  poignée 
en  corne  de  buffle  sculptée  en  forme  de  tête  d'animal.  Dans  la  partie 
sud-ouest  de  l'île,  au  nord  de  Makassar,  MM.  Sarrasin  ont  trouvé  des 
boumerangs,  analogues  à  ceux  que  nous  avaient  fait  connaître  MM.  van 
Hoevell  et  Wagner  (vol.  II,  p.  231).  Les  Toradjas  ne  connaissent  pas 
l'arc,  du  moins  comme  arme  indigène.  Les  armes  défensives  consistent 
en  boucliers  dièdres,  étroits,  fabriqués  en  bois  ou  tressés  en  rotang;  ils 
sont  tout  à  fait  semblables  aux  boucliers  des  Alfourous  des  Moluques 
et,  comme  ceux-ci,  sont  décorés  de  coquilles  et  de  touffes  de  cheveux 
humains,  et  en  cuirasse  de  fibres  tressées,  sur  lesquelles  sont  semées  de 
petites  plaques  de  fer.  Les  guerriers  toradjas  portent  des  bandes  de 
tête  en  cuir  de  buffle  ou  ou  de  porc  sauvage,  agrémentées  de  fourrure  de 
singe  ou  de  grossières  sculptures  en  bois. 

Les  objets  de  portage  consistent  en  une  bande  d'étoffe  [sarong  [i  por- 


492  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

1er)  OU  en  un  havre-sac  tressé  en  rotang  et  garni  de  peau  de  buffle,  qui 
rappelle  tout  à  fait  le  sac  de  nos  soldats  (vol.  I,  p.  298).  Toutes  les 
pirogues  sont  monoxyles. 

Les  ornements  sont  surtout  des  anneaux  de  bras  et  de  jambe  en  métal, 
des  bagues  parfois  très  bien  travaillées,  en  or  ou  en  argent  fondus.  Les 
Topebato  ornent  leurs  dents  de  petites  plaques  d'or. 

Sur  la  constitution  des  groupes  sociaux,  sur  la  famille,  les  renseigne- 
ments sont  bien  maigres.  On  nous  dit  que,  chez  tous  les  Toradjas,  le 
chef  de  famille  prend  le  nom  de  son  fils  aîné  et  s'appelle  :  «  père 
de  X.  »,  X  représentant  le  nom  du  fils  aîné  (vol.  II,  p.  28).  Cette  cou- 
tume est  générale  dans  toute  la  Malaisie  non-musulmane.  Les  chefs 
prennent  de  même  le  titre  de  père  de  l'endroit  où  ils  exercent  leur  pou- 
voir. Leur  puissance  n'est  pas  bien  définie  par  les  auteurs,  mais  un 
passage  du  premier  volume  peut  nous  faire  supposer  qu'ils  étaient 
autrefois  du  type  que  M.  Frazer  appelle  des  «  rois-prêtres-dieux  ».  On 
nous  dit  que  les  Toradjas  éprouvent  à  l'égard  du  dato  (prince  boughi) 
de  Luwu  une  terreur  superstitieuse;  on  prétend  que  le  Toradja  qu'il 
regarde  est  frappé  de  mort.  Si  l'on  considère  que  les  tombeaux  des  chefs 
sont  des  lieux  sacrés,  que  l'on  sacrifie  à  ces  princes  des  victimes 
humaines,  on  peut  assurer  qu'ils  jouissaient  tous  autrefois  de  la  consi- 
dération dont  a  hérité  le  prince  malais  de  Luwu.  Les  prêtres  ou  sorciers 
sont  tous  des  chamanes,  c'est-à-dire  des  hommes  possédés  par  certains 
esprits  et  qui,  au  cours  de  crises  hystériques  naturelles  ou  provoquées, 
annoncent  aux  profanes  les  volontés  du  monde  invisible.  Ces  prêtres 
sont  nommés  balians,  terme  aussi  usité  chez  les  Olo-Ngadjusde  Bornéo; 
ils  sont  hommes  ou  femmes,  indifféremment,  semble-t-il.  On  trouve 
aussi  des  prêtres  masculins  du  nom  de  hissus,  qui  s'habillent  en  femmes 
et  se  livrent  aux  occupations  féminines;  ces  sacerdotes  ont  été  décrits 
il  y  a  longtemps  déjà  chez  les  Boughis  par  M.  Matthes. 

Le  système  des  tabous  est  extrêmement  développé  chez  tous  les 
peuples  de  Célèbes;  on  nous  rapporte  beaucoup  d'exemples  de  ces  in- 
terdictions chez  les  Toradjas  :  défense  de  s'approcher  de  la  forge,  de 
chasser  sur  certains  terrains,  d'approcher  des  sépultures^  de  parler  à 
certaines  personnes  (de  crainte  du  mauvais  œil),  etc.  Les  rites  ne  parais- 
sent pas  avoir  attiré  beaucoup  l'attention  des  auteurs  ;  il  est  d'ailleurs 
très  difficile  de  faire  dire  aux  indigènes  pourquoi  ils  font  certaines 
choses  :  ils  répondent  que  c'est  un  adat  (coutume)  et  ne  savent  à  quoi 
cela  correspond.  Cependant,  on  nous  mentionne  plusieurs  cérémonies 
importantes.  Au  lac  Lindu,  on  se  livre  sur  les  jeunes  gens  arrivés  à  l'âge 
de  puberté  à  une  curieuse  opération  :  on  fait  sauter  les  incisives  des  jeunes 
hommes  et  on  casse  celles  des  jeunes  filles  à  mi-hauteur  ;  de  plus,  les 
garçons  sont  soumis  à  la  subincision  du  prépuce  (vol.  II,  p.  52).  Ces 
cérémonies  rappellent  beaucoup  celles  qui  accompagnent  l'mitiation 
chez  les  Australiens.  On  nous  parle  aussi  de  sacrifices  expiatoires,  reli- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  493 

gieiix  ou  magiques  (v.  surtout  vol.  I,  p.  222,  234  et  235;  vol.  II,  p.  45  et 
57).  Le  monde  des  esprits  est  immense  ;  laplupart  de  ces  êtres  surnaturels 
paraissent  avoir  une  résidence  bien  localisée;  ils  sont  nommés  amtus. 
La  maladie  parait  être  causée  par  un  sort  jeté  par  des  sorciers  maléfî- 
ciants.  Pour  soulager  le  malade,  on  établit  des  idoles  de  forme  humaine 
dans  lesquelles  la  partie  malade  de  son  âme  va  s'incarner  (vol.  Il,  p.  20 
et  57),  ou  bien  on  la  fait  passer  dans  un  animal  qu'on  sacrifie  ensuite 
(vol.  II,  p.  70).  On  ne  nous  donne  pas  de  renseignements  sur  le  sort  de 
l'âme  après  la  mort. 

L'industrie  des  Toradjas  semble  avoir  été  primitivement  assez  pauvre 
et  il  y  a  de  bonnes  raisons  de  croire  que  la  plupart  de  leurs  arts  ont  une 
origine  étrangère  (boughi  ou  alfouroue).  Dans  certaines  régions  cepen- 
dant, nous  trouvons  des  centres  d'industrie  artistique;  on  fabrique  à 
Matannade  très  belle  poterie_,  sans  l'aide  du  tour;  dans  ce  village  ainsi 
qu'à  Bada,  on  exécute  de  remarquables  travaux  d'orfèvrerie;  mais  l'art 
décoratif  n'a  rien  qui  mérite  de  retenir  notre  attention.  D'autres  mani- 
festations esthétiques,  il  ne  nous  est  mentionné  que  la  danse.  Elle  est 
d'un  caractère  lent  et  solennel,  comme  presque  partout  en  Malaisie.  On 
nous  décrit  toutefois  (vol.  I,  p.  254)  une  danse  de  guerre  beaucoup 
plus  animée. 

Dans  leur  ensemble,  les  Toradjas  sont  des  Indonésiens  typiques,  dont 
la  civilisation  est  plus  ou  moins  élevée  suivant  qu'ils  ont  eu  plus  ou 
moins  de  contact  avec  les  Malais  du  sud  de  l'île. 

MM.  Sarrasin  ont  pu  voir  plusieurs  fois,  sur  la  côte,  des  praos  conte- 
nant des  Orang-Badjos  ou  Tziganes  de  mer,  mais  ils  ne  nous  apportent 
aucun  fait  nouveau  sur  ces  intéressants  nomades. 

Enfin,  il  existe  un  peu  partout  dans  Célèbes  des  populations  très  in- 
férieures, apparentées  aux  Veddahs,  et  qui  ont  été  réduites  en  esclavage 
par  les  peuples  plus  évolués,  Boughis  ou  Toradjas.  Ces  peuplades 
[Todla,  Tomima,  ro^ia)  vivent  encore  en  communautés  assez  nombreuses 
dans  certaines  parties  de  l'île  et  des  îlots  voisins.  C'est  par  l'étude  de 
ces  peuples  que  les  frères  Sarrasin  ont  commencé  la  publication 
des  résultats  anthropologiques  de  leur  voyage  et  on  trouvera  dans  le 
numéro  1-2  de  cette  Revue  un  excellent  compte  rendu  de  M.  le 
D""  Laloy  sur  leurs  fouilles  dans  le  pays  des  Toâla.  Nous  n'insisterons 
donc  pas,  le  mode  de  publication  de  ces  études  permettant  de  se 
rendre  bien  mieux  compte  des  particularités  que  ne  le  permet  un  simple 
récit  de  voyage.  On  peut  cependant  voir  par  ce  qui  précède  que  ce 
«  journal  de  bord  »  est  plein  d'intérêt.  H.  Beuchat. 

C.  ToLDT.  Deberdie  Kinnknochelchen,etc.  (Les  osselelets  mentonniers  etleur  signifi- 
catioQ  pour  la  formatioa  du  meatoa).  Correspondenz-Blatt  der  deulschen  Gesell- 
schaft  fur  Anthropologie^  t.  XXXVI,  1905,  p.  115. 

Les  osselets  de  la  symphyse  du  menton  ont  été  signalés  par  Mies 


494  MOUVEMENT  SCIEISTIFIQUE. 

{Ant/irop.,  IV,  1893,  p.  753).  Ce  sont  des  noyaux  osseux  qui  apparaissent 
chez  l'embryon  dans  le  tissu  conjouctif  qui  réunit  les  deux  moitiés  de 
la  mandibule.  Leur  nombre  et  leur  disposition,  ainsi  que  l'époque  de 
leur  formation,  sont  très  variables.  Dans  la  plupart  des  cas,  ils  appa- 
raissent peu  avant  la  naissance.  Quelques  semaines  après  cette  date,  on 
les  trouve  sans  exception  chez  tous  les  nouveau-nés.  ils  se  fusionnent 
entre  eux  et  avec  les  deux  moitiés  de  la  mandibule  et  contribuent  à  lui 
donner  sa  forme  caractéristique.  En  effet,  d'après  Toldt,  la  saillie  du 
menton  chez  l'homme  n'est  due  ni  à  la  réduction  du  système  dentaire 
et  de  l'apophyse  alvéolaire,  comme  le  veut  Weidenreich,  ni  à  l'action 
des  muscles  digastriques  et  génioglosses,  conformément  à  l'hypothèse 
de  Walkhoff  [Anthrop.,  XV,  1904,  p.  99  et  235).  En  ce  qui  concerne  ce 
dernier  point,  la  croissance  de  la  partie  basale  de  la  mandibule  est  tout 
à  fait  en  dehors  de  la  zone  d'action  de  ces  muscles  et  aucun  de  ceux-ci 
n'est  en  relation  avec  les  ossicules  mentonniers. 

La  formation  du  menton  a  lieu  parallèlement  à  celle  des  dents  anté- 
rieures, et  elle  est  terminée  à  l'époque  de  l'éruption  de  ces  dents,  c'est- 
à-dire  longtemps  avant  le  moment  où  l'enfant  possède  un  langage  arti- 
culé. Quant  à  l'influence  de  la  réduction  du  système  dentaire,  elle  est 
indéniable,  mais  trop  faible  pour  provoquer  un  changement  de  forme 
complet  de  la  partie  antérieure  de  la  mandibule.  D'autre  part  la  consti- 
tution d'un  menton  n'est  pas  à  proprement  parler  un  phénomène  de 
réduction,  mais  au  contraire  un  renforcement  de  la  partie  basale  de  la 
mâchoire. 

En  résumé,  il  y  a_,  à  une  certaine  période  de  la  vie  embryonnaire  chez 
Thomme,  des  phénomènes  qui  n'existent  pas  chez  les  autres  mammi- 
fères, y  compris  les  anthropoïdes.  Jusqu'au  3^  ou  4«  mois,  la  mandibule 
humaine  a  encore  la  forme  de  la  mandibule  des  autres  mammifères; 
par  la  suite  des  phénomènes  en  question,  elle  acquiert  la  forme  parti- 
culière à  l'espèce  humaine.  La  masse  osseuse  nécessaire  pour  la  ren- 
forcer ne  provient  qu'en  partie  des  moitiés  latérales  de  la  mandibule. 
En  effet,  les  parties  basâtes  de  celles-ci  croissent  en  avant,  à  une  cer- 
taine distance  du  plan  médian,  et  laissent  entre  elles  une  lacune  plus 
ou  moins  grande.  C'est  pourquoi  il  se  forme  dans  le  tissu  conjouctif  de 
la  symphyse  de  nouveaux  noyaux  osseux  indépendants,  spéciaux  à 
l'homme  :  les  ossicules  mentonniers,  dont  le  rôle  est  de  combler  cette 
lacune,  de  souder  les  deux  moitiés  de  la  mandibule  et  de  former  la  sail- 
lie du  menton.  La  forme  de  toute  la  partie  antérieure  de  la  mandibule  est 
modifiée,  parallèlement  au  changement  de  conformation  du  crâne  et  de 
la  face.  Le  développement  du  menton  exprime  l'adaptation  de  la  man- 
dibule à  la  forme  crânienne  spécifique  de  l'homme. 

D"^  L.  L. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  495 

0.  ScHLAGiNHAUFEN.  Beitrâge  zur  Kenntniss  des  Reliefs  der  Placenta,  etc.  (Étude 
du  relief  de  la  plante  des  pieds  chez  les  Primates  et  les  races  humaines).  Corres- 
pondenz-Blatl  der  deutschen  Gesel/schaft  fiir  Anthropologie,  t.  XXXVI,  1905, 
p.  123  (9  ûg.). 

Chez  les  Lémuriens,  on  observe  à  la  plante  des  pieds  de  petites  émi- 
nences  en  bouton,  les  îlots  primaires,  qui  s'unissent  plus  tard  pour 
former  des  amas  annulaires.  Ceux-ci  se  placent  en  rangées  qui  consti- 
tuent les  crêtes  cutanées;  sur  la  môme  face  plantaire  on  peut  trouver 
tous  les  termes  de  transition,  dépuis  les  îlots  et  les  amas  sans  ordre, 
jusqu'aux  crêtes  les  mieux  développées.  Celles-ci  occupent  toutes  les 
éminences,  c'est-à-dire  la  pulpe  des  doigts  et  les  pelotes,  en  somme 
toutes  les  surfaces  par  lesquelles  le  pied  entre  en  contact  avec  le  sol. 
Ce  développement  progressif  des  crêtes  plantaires  s'observe  dans  l'en- 
semble de  Tordre  des  prosimiens.  Chez  Lemur  bruneus,  il  y  a  encore  de 
vastes  espaces  couverts  d'îlots;  chez  Nycticebus  tardigradus,  ceux-ci 
n'occupent  plus  que  des  territoires  restreints.  Chez  la  plupart  des 
singes,  la  face  plantaire  est  en  entier  couverte  de  crêtes  bien  dévelop- 
pées. 

En  ce  qui  concerne  la  direction  des  crêtes,  il  faut  distinguer  les  pla- 
tyrhiniens  et  les  catarhiniens.  Chez  ceux-ci,  l'auteur  a  pu  établir  l'exis- 
tence de  deux  types^  celui  des  macaques  et  celui  des  papions.  11  a 
exprimé  par  un  tableau  généalogique  les  relations  réciproques  des  Pri- 
mates au  point  de  vue  de  leurs  crêtes  plantaires.  D'une  façon  générale 
on  peut  dire  que,  chez  les  singes  quadrupèdes,  Papio,  Cynopithecus, 
Macacus,  ces  crêtes  ont  plutôt  une  direction  transversale  et  forment  sur 
les  éminences  des  figures  tactiles  compliquées.  Chez  les  formes  plus 
arboricoles,  SemnopithecuSy  Colohus,  Hylobates^  les  crêtes  tendent  à 
devenir  longitudinales,  les  éminences  sont  plus  aplaties,  et  les  figures 
tactiles  se  résolvent  en  traînées  longitudinales.  Chez  les  platyrhiniens, 
il  y  a  des  phénomènes  de  convergence  :  Cebus,  Myceles  et  Ateles  se 
rapprochent  de  ce  qu'on  observe  chez  les  catarhiniens  les  plus  arbori- 
coles. Les  Anthropoïdes  présentent  de  grandes  variations;  ils  tendent 
également  au  type  longitudinal.  Cependant,  dans  la  région  métatarso- 
phalangienne,  il  y  a  tantôt  des  types  primitifs,  tantôt  une  simplification 
des  dessins. 

Dans  cette  région,  on  observe  souvent  des  types  encore  plus  primitifs 
chez  l'homme.  Ce  qui  est  caractéristique  pour  l'espèce  humaine,  ce  sont 
les  lignes  transversales,  qui  couvrent  la  région  proximale  et  postérieure 
de  la  plante.  L'auteur  montre  comment  cet  état  de  chose  est  né  de  ce 
qui  existe  chez  les  Primates.  Il  y  a  des  rudiments  du  type  primitif,  et 
leur  fréquence  est  variable  dans  les  différentes  races  humaines,  sans 
cependant  avoir  de  valeur  sériaire. 

D'  L.  L. 


4%  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

0.  ScHLAGiNHAUPEN.  Das  Hautleistensystem  der  Primatenplanta  unter  Mitberûck- 
sichtigung  der  Palma  (Les  ligacs  papillaires  de  la  plante  du  pied  et  de  la  paume 
de  la  niaiQ  chez  les  Primates.)  Tir.  à  part  de  Morpkol.  Jahrbuch^  Bd.  XXXIll  et 
XXXIV,  1905,  p.  577-671  et  1-125. 

Les  empreintes  de  la  plante  du  pied  ont  été  surtout  étudiées  au  point 
de  vue  de  la  physiologie  pathologique,  car  elles  fournissent  des  ren- 
seignements utiles  pour  la  symptomatologie  des  maladies  du  système 
nerveux.  D'autre  part,  les  travaux  de  Galton  ont  montré  que  les  em- 
preintes des  doigts  sont  souvent  un  excellent  procédé  d'identification; 
ce  fait,  d'ailleurs,  est  connu  depuis  fort  longtemps  en  Chine. 

M.  Schlaginhaufen,  dans  une  longue  étude  du  système  papillaire, 
cherche  à  établir  plusieurs  points  relatifs  à  la  morphologie,  à  la  biologie 
et  à  la  physiologie  des  sillons  et  des  crêtes  palmaires  et  plantaires;  les 
lignes  papillaires  sont  envisagées  au  point  de  vue  macro-  et  microsco- 
pique, ainsi  que  dans  leur  développement  ontogénétique.  La  plus  grande 
partie  du  travail  de  M.  Schlaginhaufen  est  consacrée  à  une  étude  com- 
parative du  système  papillaire;  l'auteur  passe  en  revue  un  grand 
nombre  d'espèces  de  Prosimiens  et  de  Simiens,  et  indique,  pour  cha- 
cune d'elles,  la  disposition  particulière  des  lignes  papillaires.  Ceci  le 
conduit  à  un  aperçu  général  sur  le  développement  phylogénétique  du 
système  papillaire  cutané  de  la  plante  du  pied  chez  les  Primates.  Il 
paraît  que,  par  la  disposition  de  ses  lignes  papillaires,  l'homme  se  rap- 
proche surtout  des  singes  anthropomorphes;  cependant,  certaines 
empreintes  du  gros  orteil  humain  seraient  des  «  figures  physiologi- 
ques »  de  nouvelle  formation.  Notons  encore  qu'il  existe  des  variations 
dans  la  disposition  des  lignes  papillaires  suivant  les  différentes  races 
humaines.  Ainsi,  les  Indiens  Mayas  du  Yukatan  présentent,  à  ce  point 
de  vue  spécial,  une  disposition  beaucoup  plus  primitive  que  les  Nègres 
de  l'Afrique  occidentale.  La  race  blanche  offre  un  écart  considérable 
du  type  originel;  les  Papouas  de  la  Nouvelle-Guinée  du  Nord  en  sont, 
paraît-il,  plus  éloignés  encore. 

A.  Drzewina. 

K.  YoLD.  Naturdyrkelse  (totemismus)  i  de  gammel-semitiske  religioner  (Le  culte 
de  la  nature  (totémisme)  dans  les  religions  des  anciens  Sémites).  Kristiania,  Steen, 
1904,  224  p.  in-8. 

M.  K.  Vold  a  entrepris  la  tâche  difficile  de  traiter  la  question  du 
totémisme  chez  les  Sémites.  Bien  qu'il  ne  fasse  pas  de  comparaisons 
avec  les  peuples  inférieurs,  le  compte-rendu  de  ce  livre  nous  semble 
avoir  sa  place  ici;  l'existence  du  totémisme  chez  des  peuples  «  civili- 
sés »  est  un  objet  de  haut  intérêt  pour  l'ethnographe. 

On  sait  que  la  question  avait  été  discutée  par  l'éminent  Robertson 
Smith  qui  l'avait  tranchée  dans  le  sens  de  l'affirmative;  plus  tard,  divers 
auteurs,  notamment  Zapletal,  révoquèrent  en  doute  l'existence  de  l'or- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  497 

ganisation  totémique  des  peuples  sémitiques.  Pendant  longtemps  on 
n'a  pas  voulu  reconnaître  l'existence  du  totémisme  en  dehors  des 
peuples  «  sauvages  »  ;  mais,  grâce  aux  efforts  de  M.  Frazer  et  de  M.  Salo- 
mon  Reinach,  l'idée  s'est  imposée  de  l'existence  de  cette  particularité 
chez  les  Européens  et  les  Asiatiques. 

La  démonstration  que  donne  M.  Vold  du  phénomène  qu'il  étudie  est 
des  plus  limpides;  de  plus,  elle  possède  la  qualité  d'être  complète.  Il  ne 
définit  pas  seulement  le  totémisme  par  ses  caractères  extérieurs  (bla- 
son, onomastique)  ainsi  que  le  font  trop  souvent  les  auteurs  anglais  ou 
américains;  il  lui  reconnaît,  avec  les  auteurs  australiens,  écossais  et 
français,  des  fonctions  juridiques  et  religieuses.  Avec  eux  aussi,  il  recon- 
naît que  le  totem  n'est  pas  un  animal  isolé,  mais  une  espèce  animale; 
qu'il  n'est  pas  en  relations  avec  un  individu,  mais  avec  un  groupe,  le 
clan  (p.  30),  qu'il  soutient  avec  lui  une  véritable  relation  de  parenté 
(p.  26).  Ce  n'est  pas  à  dire  qu'il  considère  le  totémisme  comme  la  forme 
religieuse  la  plus  primitive,  l'idée  de  divinité  étant,  pour  M.  Vold,  anté- 
rieure aux  totems;  on  représente  la  divinité  sous  des  formes  animales 
ou  végétales  par  ignorance  de  son  vrai  caractère  et  parce  que  c'est  néan- 
moins une  nécessité  de  la  représenter  d'une  façon  quelconque. 

Ces  généralités  posées,  l'auteur  passe  au  sujet  spécial  de  son  livre  et 
étudie  les  restes  qui  peuvent  démontrer  l'existence  du  totémisme  chez 
les  Sémites.  Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  le  détail  de  ses  explications; 
il  ne  nous  apporte  pas  de  faits  nouveaux  et  il  n'est  même  pas  tou- 
jours au  courant  des  résultats  actuels  de  la  science.  Nous  élèverons 
une  objection  contre  la  méthode  employée  par  l'auteur  dans  cette 
partie  de  son  ouvrage  :  on  ne  saurait  admettre  avec  lui  que  toutes  les 
traces  de  culte  des  animaux  ou  des  plantes,  et  encore  moins  les  cas  où 
on  s'est  servi  d'objets  naturels  pour  en  tirer  des  présages,  puissent  ser- 
vir à  affirmer  l'existence  d'un  culte  totémique.  On  remarquera  aussi 
une  inégalité  dans  l'emploi  des  critères  que  fournissent  les  caractères 
sociaux  du  totémisme  :  M.  K.  Vold  attache  une  trop  grande  importance 
au  matriarcat  et,  par  contre,  ne  tient  presque  aucun  compte  des  inter- 
dictions alimentaires,  dont  Robertson  Smith  faisait  le  caractère  princi- 
pal du  totémisme. 

Malgré  ces  défauts  de  détail,  le  livre  de  M.  Vold  est  instructif  et  bien 
fait.  Sa  conclusion  nous  semble  excellente  :  les  Sémites  connus  histo- 
riquement n'ont  pas  pratiqué  le  totémisme,  mais  leurs  ancêtres  ont 
connu  cette  phase  du  développement  de  l'humanité. 

H.  Beuchat. 


l'anthropologie.  —  T.  xvu.  —  1906.  32 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE 


Le  Congères  international  d'Anthropolog^ie  et  d'Archéolog^ie 
préhistoriques  de  Monaco. 

(Rectifications  au  compte-rendu  publié  dans  le  dernier   numéro  de 

U  Anthropologie). 

En  rédigeant  le  compte  rendu  sommaire  du  Conp^rès  de  Monaco  qui  a  paru 
dans  le  dernier  fascicule  de  notre  Revue,  je  craignais  fort  d'avoir  commis  bien 
des  inexactitudes  par  suite  de  l'insuffisance  des  notes  que  j'avais  entre  les 
mains  ;  aussi  ai-je  invité  les  auteurs  de  communications  à  me  signaler,  le  cas 
échéant,  les  erreurs  ou  les  oublis  qu'il  contenait. 

Un  tirage  à  part  de  ma  note  ayant  été  expédié  à  tous  les  congressistes,  il 
m'est  parvenu  de  nombreux  accusés  de  réception  ;  et,  si  je  ne  craignais  de 
pécher  par  défaut  de  modestie,  je  dirais  que  mon  compte  rendu  doit  être  assez 
fidèle,  car  les  félicitations  ne  m'ont  pas  fait  défaut. 

Toutefois,  quelques  erreurs  et  quelques  oublis  m'ayant  été  signalés,  je  m'em- 
presse de  rectifier  et  de  compléter  ma  première  notice. 

M.  le  professeur  Waldeyer,  de  Berlin,  me  fait  remarquer  que  j'ai  omis  de 
mentionner  une  proposition  de  modification  au  premier  article  additionnel  du 
Règlement,  proposition  qui  a  été  prise  en  considération  par  le  Conseil  du 
Congrès.  Voici  le  nouveau  texte  de  l'article  qui  sera  mis  aux  voix  dans  la 
première  séance  de  la  XIV«  session  : 

«  La  langue  officielle  du  Congrès  est  le  français  ;  elle  est  employée  pour  la 
rédaction  des  procès-verbaux  et  la  correspondance  de  la  Commission  d'organi- 
sation et  du  Comité.  Toutefois,  les  membres  du  Congrès  peuvent,  dans  leurs 
lettres,  leurs  communications  ou^leurs  lectures,  se  servir  de  l'allemand,  de 
l'anglais  ou  de  l'italien. 

«  Les  communications  en  ces  trois  langues  seront  accompagnées  d'un 
résumé  en  français,  et  les  discussions  devant  le  Congrès  continueront  à  se  faire 
en  langue  française.  » 

Conformément  à  l'article  16  du  Règlement  général,  le  texte  nouveau  sera 
»  mis  aux  voix  sans  discussion,  par  oui  ou  par  non,  dans  la  première  séance 
de  la  session  suivante.  »  C'est  alors  seulement  qu'il  deviendra  définitif. 

Dans  mon  compte  rendu  sommaire,  je  n'ai  pas  parlé  des  délibérations  du 
Conseil  ;  mais,  dans  le  compte  rendu  in-extenso  ,  les  congressistes  trouveront 
mentionnée  en  plusieurs  endroits  la  proposition  dont  M.  Waldeyer,  en  termes 
des  plus  courtois,  regrette  de  n'avoir  pas  lu  le  texte  dans  L'Anthropologie, 

M.  DE  GÉRiN  Ricard,  président  de  la  Société  archéologique  de  Provence,  me 
signale  un  autre  oubli.  A  l'occasion  du  Congrès,  la  dite  Société  avait  organisé 


NOUVELLES  ET  COUKESPONDANGE.  499 

à  Marseille  une  très  intéressante  exposition  préhistorique  et  protohistorique 
régionale.  Les  organisateurs  en  ont  fait  gracieusement  les  honneurs  aux 
congressistes,  le  jeudi  12  avril.  Retenu  à  Monaco  par  les  préparatifs  de  la 
XlIIe  session,  j'ai  eu  le  regret  de  ne  pouvoir  visiter  cette  exposition,  et,  jusqu'à 
ce  jour,  quoique  j'aie  fait  appel  à  plusieurs  collègues,  il  ne  m'a  pas  été  possible 
d'obtenir  une  notice  sur  les  collections  réunies  au  Musée  de  Longchamp.  Je 
dois  donc  me  contenter  de  mentionner  purement  et  simplement  l'heureuse 
initiative  qu'avait  prise  la  Société  archéologique  de  Provence,  avec  l'espoir  qu'il 
me  sera  permis  d'être  plus  explicite  dans  le  volume  qui  s'imprime  actuel- 
lement. 

Je  n'ai  pas  parlé  non  plus  de  la  présentation  faite  par  M.  le  Dr  Georges  Pa^ 
pillault  de  la  toise  horizontale  qu'il  a  fait  construire  avec  le  D^  Lapicque,  toise 
qui  permet  de  prendre  des  mesures  infiniment  plus  exactes  que  les  appareils 
verticaux.  —  le  D'"  Papillault  ne  m'a  adressé  aucune  réclamation  ;  mais  je  me 
suis  aperçu  de  l'oubli  et  je  tiens  à  le  réparer. 

MM.  Chauvet  et  Déchelette  ont  appelé  mon  attention  sur  quelques  fautes 
typographiques  : 

Page  130,  ligne  28,  au  lieu  de  «  Ingrar  Undset  »,  il  faut  lire  «  Ingvald 
Undset  ». 

Page  131,  ligne  18,  au  lieu  de  «  xiii^^  siècle  »,  il  faut  lire  viii^  siècle  ». 

Page  137,  ligne  28,  lisez  «  station  de  la  Quina  »,  au  lieu  de  «  station  de  la 
Quince  ». 

Page  138,  ligne  40,  c  Kamennaiababa  »  doit  être  écrit  «  Kamennaïa  baba  ». 

M.  le  professeur  Issel  me  fait  remarquer  avec  juste  raison  que  l'observation 
de  M.  Cartailhac  (p.  117),  à  propos  des  cabanes  en  pierres  sèches,  ne  saurait 
s'appliquer  aux  caselle  de  Porto  Maurizzio,  aux  cabanne  de  la  province  de 
Gènes  ou  au  trulli  des  Pouilles.  Lorsqu'un  secrétaire  a  fait  dire  à  M.  Cartailhac 
que  tous  les  faits  dont  il  venait  d'être  question  avaient  déjà  été  publiés  par 
M.  Gastanier,  il  faut  comprendre  que  les  cabanons  et  les  castelars  de  la  Pro- 
vence, ou  les  constructions  situées  plus  à  l'ouest  avaient  été  décrits  par  cet 
auteur.  Mais  il  ne  peut  s'agir  évidemment  des  constructions  des  provinces  de 
Port-Maurice  et  de  Gênes,  car  M.  Gastanier  ne  s'en  est  pas  occupé,  pas  plus 
qu'il  n'a  établi  de  comparaisons  entre  les  caselle  et  les  cabanons,  d'une  part,  et 
les  trulli,  d'autre  part.  Il  est  hors  de  doute  que  M.  Cartailhac  n'a  nullement 
visé  la  communication  de  M.  Issel,  dont  l'intérêt  est  incontestable  et  qui  ne  fait 
sûrement  pas  double  emploi  avec  quelque  travail  antérieurement  publié. 

M.  le  D*"  Gapitan  appelle  mon  attention  sur  une  phrase  qui  se  trouve  dans  le 
trop  court  compte  rendu  de  sa  conférence.  J'ai  écrit  :  «  Grâce  aux  documents 
que  lui  avaient  gracieusement  prêtés  plusieurs  explorateurs,  il  a  pu  mettre 
sous  les  yeux  des  auditeurs  une  centaine  de  projections.  »  Cette  phrase  pour- 
rait prêter  à  l'équivoque  si  les  nombreux  mémoires  de  M.  Gapitan  sur  l'art 
des  cavernes  n'étaient  connus  de  tous  les  archéologues.  J'ai  voulu  dire  que  les 
documents  qui  lui  avaient  été  prêtés  étaient  venus  compléter  ses  documents 
personnels  et  lui  avaient  permis  de  donner  une  excellente  idée  de  l'ensemble 
des  renseigements  que  nous  possédons  actuellement  sur  les  curieux  spécimens 


500  NOUVELLES  ET  COUHESPONUANCE. 

artistiques  qu'on  a  rencontrés  dans  une  foule  de  grottes.  Ce  qui  est  sous- 
entendu  a  certainement  été  rétabli  par  le  lecteur. 

Personne  n'a  pu  supposer  qu'en  parlant  des  documents  prêtés  à  M.  Gapitan, 
j'aie  eu  un  instant  l'intention  de  diminuer  la  valeur  de  ses  recherches  person- 
nelles. J'ai  tenu  à  reproduire  une  déclaration  qu'avec  une  parfaite  honnêteté 
scientifique,  il  a  faite  au  début  de  sa  conférence,  lorsqu'il  a  dit  que,  parmi  les 
clichés  qu'il  allait  faire  défiler  sous  nos  yeux,  il  s'en  trouvait  un  certain 
nombre  qui  n'étaient  pas  de  lui  et  qu'il  a  remercié  ses  confrères  de  l'avoir  mis 
en  mesure  de  traiter  la  question  dans  son  ensemble. 

Ce  sont  toutes  les  inexactitudes  et  les  omissions  qui  m'ont  été  signalées 
jusqu'à  l'heure  où  ce  fascicule  va  être  tiré...  Je  me  trompe  encore,  car  l'auteur 
d'un  projet  de  vœu  que  je  n'ai  pas  mentionné  m'a  écrit  à  ce  propos.  Je  dirai 
franchement  que  j'ai  omis  volontairement  d'en  parler,  parce  que  le  vœu  a  été 
repoussé.  J'ai  agi  de  même  pour  tous  les  vœux  qui  n'ont  pas  été  pris  en  consi- 
dération, jugeant  qu'il  eût  été  plutôt  malséant  d'imprimer  que  le  Conseil  avait 
cru  devoir  écarter  les  propositions  de  MM.  X.  ou  Y.  A  mon  sens>  il  valait  mieux 
n'en  pas  parler,  et  je  reste  convaincu  que  la  majorité  des  lecteurs  se  rangera  à 
mon  avis. 

R.  Verineau. 

La  Préhistoire  chez  Jes  Classiques. 

En  se  lançant  courageusement  dans  la  préhistoire,  M.  Salomon  Reinach  a  rendu 
à  nos  études  un  service  signalé,  par  sa  contribution  personnelle  d'abord,  par 
l'exemple  donné  ensuite.  Grâce  à  lui  nous  sommes  moins  ignorés  qu'autrefois 
du  monde  des  archéologues  classiques  et  des  historiens.  Mais  voici  que  l'exemple 
est  suivi.  Nous  voyions  naguère  l'éminent  directeur  de  l'Enseignement  supérieur, 
M.  Bayet,  enthousiasmé  à  la  vue  des  fac-similé  des  peintures  d'Altamira  et  nous 
l'avons  entendu,  à  la  séance  de  clôture  du  Congrès  de  Monaco,  rendre  un  hom- 
mage précieux  aux  résultats  acquis  par  les  Préhistoriens.  Une  autre  recrue, 
qui  nous  fait  le  plus  grand  honneur,  est  M.  le  Professeur  Jullian  du  Collège  de 
France,  dont  les  chroniques  gallo-romaines  de  la  Revue  des  études  anciennes^  com- 
prises dans  un  esprit  des  plus  larges,  embrassent  tous  les  temps  préhistoriques. 

Notre  Revue  y  est  toujours  dépouillée  avec  soin;  son  rôle  a  été  apprécié  par 
M.  Jullian  dans  des  termes  trop  élogieux  pour  que  je  puisse  les  reproduire  ici. 
Mais  que  notre  éminent  confrère  ne  croie  pas  que  c'est  pour  lui  rendre  sa  poli- 
tesse que  je  recommande  à  nos  amis  la  lecture  de  ses  Chroniques  gallo-romaines 
si  substantielles  et  si  nettes.  Je  veux  leur  indiquer  un  des  autres  coins  de  France 
«  où  l'on  travaille  le  mieux,  sans  bavardage  et  avec  profit  continu  ». 

M.  B. 

L'âge  de  la  pierre  dans  la  vallée  du  Zambèze. 

Nature  du  23  novembre  1905  a  publié  sur  l'âge  de  la  pierre  dans  la  vallée  du 
Zambèze  un  curieux  article  signé  H.  W.  Feilden. 

Des  instruments  en  pierre  se  trouvent  en  grand  nombre  au-dessus  et  au-des- 
sous des  chutes  Victoria,  soit  dans  les  graviers  des  hautes  terrasses  de  la  vallée, 
soit  sur  les  plateformes  basaltiques  qu'on  voit  au-dessous  des  chutes  et  qui 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  501 

marquent  un  ancien  thalweg.  Dans  ce  dernier  gisement  les  pierres  taillées  sont 
localisées  au  contact  des  basaltes  et  du  manteau  sableux,  produit  sous  des  condi- 
tions désertiques  par  des  actions  éoliennes,  qui  recouvre  ces  basaltes.  La  plupart 
des  instruments  sont  en  chalcédoine.  Le  fait  que  ces  alluvions  ont  été  déposées  par 
le  Zambèze  quand  le  fleuve  coulait  à  400  ou  500  pieds  au-dessus  de  son  lit  actuel 
ne  saurait  faire  l'ombre  d'un  doute.  Or  les  instruments  que  renferment  ces  allu- 
vions anciennes  seraient  considérés  en  Europe  comme  des  formes  paléolithiques. 
L'Afrique  du  Sud  présente  donc  des  monuments  d'un  âge  de  la  pierre  taillée 
remontant  à  une  époque  extrêmement  reculée,  cette  expression  étant  prise  dans 
un  sens  géologique. 


M,  B. 


Les  monuments  mégalithiques   de  la  Vendée. 


Nous  avons  reçu  de  leurs  auteurs  MM.  le  D"^  Baudouin  et  Lacouloumère,  toute 
une  série  de  brochures  décrivant  longuement,  avec  les  détails  les  plus  minutieux, 
divers  monuments  mégalithiques  de  la  Vendée.  Quelle  que  soit  leur  importance 
locale,  de  tels  travaux  se  prêtent  mal  à  l'analyse;  mais  je  crois  devoir  les  signa- 
ler aux  personnes  qui  s'intéressent  à  la  préhistoire  de  la  région.  Ils  ont  été 
publiés  dans  les  volumes  de  1905  du  Bulletin  de  la  Société  d' Anthropologie  de  Paris 
et  du  Bulletin  de  la  Société  préhistorique  de  France.  Une  brochure,  Le  Préhisto- 
rique à  Apremont  paraît  avoir  été  imprimée  spécialement  à  la  Roche-sur -Yon 
par  Sev^art-Mahaud;  du  moins  elle  ne  porte  pas  d'indication  de  périodique. 

M.  B. 

L'enseig^nement  de  l'anthropologie  dans  la  République  Argentine. 

A  tout  propos,  nous  aimons  à  rappeler  que  l'anthropologie  est  une  science 
française  et  que  nos  maîtres  ont  été  ceux  du  monde  entier.  Nous  nous  souve- 
nons, avec  un  certain  orgueil,  que  la  première  chaire  où  cette  science  ait  été 
officiellement  enseignée  a  été  créée  chez  nous  et  que  la  Société  d'Anthropo- 
logie de  Paris  a  été  la  mère  de  toutes  les  autres. 

Il  serait  certainement  exagéré  de  dire  que,  depuis  l'époque  à  laquelle  ont  été 
fondées  la  chaire  d'anthropologie  du  Muséum  et  la  Société  d'Anthropologie  de 
Paris,  rien  n'ait  été  fait  en  France  pour  la  diffusion  de  la  science  de  l'Homme  ; 
mais  le  mérite  en  revient  à  l'initiative  privée. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  spécialistes,  ce  sont  tous  les  esprits  éclairés  qui 
proclament  que  l'anthropologie  a  une  haute  portée  pratique,  philosophique  et 
sociale.  Les  partisans  de  l'expansion  coloniale  admettent  que  l'étude  de  l'ethno- 
logie exotique  est  une  des  nécessités  de  notre  époque.  Au  Congrès  internatio- 
nal d'Anthropologie  et  d'Archéologie  préhistoriques  qui  s'est  tenu  cette  année  à 
Monaco,  un  vœu  a  été  émis  âVunanimité  en  faveur  de  l'extension  de  l'enseigne- 
ment de  l'anthropologie.  Ce  vœu  trouvera  de  l'écho,  peut-être  même  en  France, 
où  jusqu'ici  notre  science  n'a  guère  été  en  faveur  dans  les  sphères  gouverne- 
mentales. Il  est  à  désirer  que  notre  pays  reprenne  le  rang  qu'il  a  été  fier  d'oc- 
cuper pendant  longtemps  et  qu'il  n'occupe  plus  aujourd'hui.  Nous  nous  sommes 
laissés  distancer  par  plusieurs  nations,  et  une  circulaire  qui  m'est  parvenue  au 
mois  de  juin  m'a  appris  que  le  Gouvernement  Argentin  a  décidé  la  création  de 
plusieurs  chaires  officielles  d'anthropologie. 


502  NOUVELLES  ET  CORUESPONDANCE. 

Par  cello  circulaire,  M.  Samuel  A.  Lalonc  Quevedo  informe  ses  correspoQ- 
dants  qu'il  a  été  nommé  directeur  du  Musée  national  de  La  Plata  en  remplace- 
ment de  M.  le  docteur  Francisco  P.  Morcno,  et  il  ajoute  :  «Je  profile  de  cette 
circonstance  pour  vous  annoncer  que  ce  Musée  a  été  transformé,  par  une  loi 
nalionale,  en  Faculté  de  Sciences  naturelles  comme  partie  intégrante  de  PUni- 
versité  Nalionale  de  La  Plata,  de  création  récente.  )>  Or,  la  nouvelle  Faculté 
comprend  une  section  des  «  Sciences  anthropologiques.  »  Le  directeur  de  la 
section  est  M.  Lafone  Quevedo  lui-même,  qui  professe  la  Linguistique.  M.  Roberto 
Lehmann-Njtsche  est  nommé  professeur  d'Anthropologie,  avec  M.  Desiderio 
S.  Aguiar  comme  adjoint.  Deux  autres  chaires  sont  créées,  une  d'Ethnographie 
confiée  à  M.  Félix  F.  Outes,  et  une  d'Archéologie,  qu'occupe  M.  Luis  Maria 
Torres. 

En  France,  il  n'existe  pas  encore  une  seule  chaire  d'anthropologie  dans 
nos  Facultés  des  Sciences. 

R.  V. 

La  spéléolog^ie  au  xx''  siècle. 

Spelunca,  l'organe  de  la  Société  de  Spéléologie,  vient  de  consacrer  deux  gros 
fascicules  à  une  revue  bibliographique  des  recherches  souterraines  effectuées 
de  1901  à  1905.  M.  Martel,  l'auteur  de  ce  travail,  a  voulu  montrer  l'étal  actuel 
et  faire  entrevoir  les  progrès  futurs  d'une  branche  de  la  science  qu'il  a  si  puis- 
samment contribué  à  fonder.  Le  premier  fascicule  est  consacré  à  la  France,  le 
second  à  l'étranger.  Tout  ce  qui  a  paru  sur  les  grottes,  à  quelque  point  de  vue 
que  ce  soit,  se  trouve  ici  signalé,  même  les  articles  ou  les  entrefilets,  parfois 
si  étranges  mais  pouvant  fournir  une  indication,  des  journaux  politiques. 

Les  préhistoriens  trouveront  quelques  faits  intéressants  à  glaner  dans  ce  réper- 
toire ,  en  attendant  l'apparition  des  d^ux  fascicules  complémentaires  où 
M.  Martel  traitera  des  applications  aux  sciences  et  par  conséquent  à  l'archéolo- 
gie préhistorique. . 

M.  B. 

Sorcières  italiennes. 

Extrait  du  Temps  (  29  juin  1906)  sous  la  signature  de  M.  Jules  Claretie  : 
«  On  a  découvert  en  Italie,  dans  les  Pouilles,  près  de  Bari  ou  de  Barletta,  une 
association,  un  trust,  puisqu'il  faut  dire  le  mot,  un  trust  de  sorcières. 

De  sorcières? Parfaitement.  Les  sorcières  italiennes  se  sont  entendues,  comme 
les  directeurs  de  théâtre  américains,  pour  opérer  en  commun  et  faire  des  mi- 
racles. Ces  sorcières  avaient  leurs  statuts  et  publiaient  leurs  programmes  :  elles 
promettaient  de  sauver  ou  de  ruiner,  à  leur  gré,  les  personnes,  de  réconcilier 
ou  de  brouiller  les  ménages,  de  faire  réussir  ou  échouer  à  volonté  les  mariages, 
de  guérir  les  malades  (rien  de  plus  simple),  de  découvrir  les  auteurs  des  vols 
ou  des  assassinats  et  de  faire,  au  besoin,  sortir  de  prison  les  assassins  et  les 
voleurs.  Ce  trust  de  sorcières  tenait  tout  ce  qui  concerne  l'état  de  sorcier  :  enchan- 
tements, maléfices,  prospérité  des  moissons  et  des  vignes,  remèdes  contre  la 
gale  et  la  grêle,  fin  des  querelles  et  des  coups  de  couteau,  ou  comme  on  voudra 
coups  de  couteau  et  coups  de  canif...  Et  le  trust  prospérait,  solidement  établi 
sur  l'éternelle  bêtise  humaine. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  503 

0  civilisation!  Les  sorcières  avaient  leur  bureau,  une  présidente  et  des  vice- 
présidentes.  Elles  n'allaient  pas  au  sabbat  sur  un  balai.  Elles  discutaient  les 
intérêts  du  trust.  Elles  rendaient  compte  des  opérations  faites  avec  les  clients.  Elles 
se  donnaient  l'une  à  l'autre  la  parole:  «  Vous  avez  la  parole,  Gianninal..,  »  Ces 
sorcières  devaient  même  avoir,  pour  couper  court  aux  discussions,  une  sonnette. 
Jacques  Callot  revenant  au  monde  eût  été  stupéfait  de  retrouver  un  parlement 
au  petit  pied  (un  pied  non  fourchu)  là  où  il  avait  laissé  une  cohue  pittoresque.  Le 
trust  des  sorcières!  Le  titre  dit  tout  et  caractérise  une  époque.  Le  romantisme 
tourne  à  l'opérette.  La  symphonie  fantastique  de  Berlioz  devient  un  galop 
d'Offenbach. 

Et  voilà,  pour  compléter  l'aventure  et  la  terminer,  que  les  carabiniers  s'en 
sont  mêlés.  C'est  dommage.  Il  ne  sont  pas  arrivés  trop  tard.  Ils  ont  arrêté  vingt 
et  une  sorcières,  dont  plus  d'une  ne  ressemble  pas  à  un  Goya,  au  contraire,  et 
ils  ont  saisi  tout  l'attirail,  les  accessoires  de  la  grande  comédie  du  trust,  des  herbes 
magiques,  des  ongles  d'hommes  et  d'animaux,  —  de  ces  ongles  dont  on  faisait 
avaler  la  poussière  àceuxou  à  celles  qui  voulaient  être  aimés, — des  boucles  de 
cheveux,  des  tarots,  des  rubans,  des  lambeaux  de  soie,  des  citrons  couronnés 
d'épingles  figurant  la  victime  qu'il  fallait  piquer  au  cœur,  toute  la  défroque  de 
la  superstition  et  du  «  grand  jeu  »  de  la  bêtise  universelle,  » 

Exhibitioa  à  Londres  déjeunes  filles  microcéphales  américaines. 

Le  journal  anglais  Nature  signale  l'exhibition,  à  l'hippodrome  de  Londres,  de 
trois  jeunes  filles  de  Mexico,  qui  rappellent  singulièrement  les  deux  microcé- 
phales, Maximo  et  Barthola,  qu'on  nous  a  montrés  à  Paris  en  1855  et  en  1874. 
Maximo  et  Barthola  ont  été  présentés  à  toute  l'Europe  comme  des  spécimens 
de  la  race  aztèque;  aujourd'hui,  les  jeunes  Mexicaines  exhibées  à  Londres  sont 
données  comme  les  dernières  représentantes  d'une  race  très  proche  parente 
des  singes.  Il  est  probable  qu'elles  vont  susciter  de  nombreuses  discussions  et 
que,  de  nouveau,  les  savants  vont  se  demander  si  la  microcéphalie  doit  être 
considérée  comme  un  caractère  ancestral.  Je  ne  crois  pas  d'ailleurs,  que  les 
trois  jeunes  filles  exhibées  à  la  curiosité  du  public  londonien,  puissent  mettre 

d'accord  les  partisans  et  les  adversaires  de  la  théorie  atavique. 

R.  V. 

Errata. 

Quelques  articles  des  iVowi^e/Zes  du  dernier  numéro,  imprimés  sans  que  j'aie 
donné  le  bon  à  tirer,  sont  émaillés  de  fautes  typographiques.  Je  prie  mes  lec- 
teurs de  vouloir  bien  rectifier  de  la  façon  suivante  : 

P.  218,  ligne  38,        au  lieu  de:  dedislinguer,  lire  :  à  distinguer 

—  219    —      24  —        :  vanitatem,  —    vanitatum 

—  227    —      29  —        :  Phoco  groenlandiuSj  —    Phoca   groenlandica 

—  228     —      23  —        :  nivellement,  —    ruissellement 

—  »       —      25,  33,  36  —        :  Cho.rvety  —     Chauvet 

—  »      —       47  —         :  graviers  —     grossiers 

—  229     —        5  —        :  Delpeyrot  —     Delpeyrat 

—  »      —        6  —        :  Manémet  —     Massénat 

M.  B. 


d06  BULLETIN  BIBLlOGRAPIl  QUE. 

se  rapportant  à  la  mort,  à  la  maladie,  au  mariage,  à  la  pluie.  Légende  sur  le  Lala 
«  cr>éaleur  du  monde  »,  etc.)  —  Latcilam,  Note  on  some  ancierit  Chilian  etc.  {{Notes  snr 
quel(/itt's  anciens  crânes  chitienset  sur  d' autres  restes  (ossements,  objets  en  pierre,  etc.). 
Mesures  de  six  crânes.  2  pi.  Note  sur  trois  crânes  de  l'île  Mocba.  Dolichocéphalie, 
etc.]  —  Taxe,  l^'urther  Notes  etc.  (Encore  quelques  notes  sur  la  tribu  des  Kikuyu  dans 
lAfriifue  orientale  anglaise.  Peinture  et  tatouage,  habitation,  vannerie,  aliments  et 
leur  préparation,  religion,  circoncision;  2pl.) —  Bedooe,  A  nielhod  of  estimatory,  etc, 
[Une  méthode  pour  calculer  la  capacité  du  crâne  d'après  les  mesures  périphériques). 
Complément  à  l'étude  parue  dans  U Anthropologie^  1903  ;  réponse  aux  critiques  de 
Pearson  dans  la  Biometrika  (1).  —  Matthews.  The  Niradyuri  etc.  (Le  Niradyurl  et 
autres  idiomes  de  la  Nouvelles-Galles  du  Sud).  —  Layard,  Further  Excavations,  etc. 
[Nouvelles  fouilles  da?is  la  station  paléolithique  à  Ipswich),  2  pi.).  —  Tout,  Elhuological 
report,  etc.  {Rapport  ethnologique  sur  les  Itseelis  et  les  Skaullls,  tribus  de  la  division 
d'Halokmelem  du  peuple  Salish  dans  la  Colombie  britannique.  Etude  monographique 
très  complète). 

Man,  a  monthly  record  of  anthr.  science  (publ.  par  V Anthropological  Inslilute  of 

G.  B.  etc.).  T.  IV,  London,  1904. 

Principaux  articles  :  1.  Dalton,  Easter  Island,  etc.  {Tablettes  portant  des  inscrip- 
tions idéographiques,  des  îles  de  Pâques^  conservées  aux  British  Muséum  ;  1  pi. 
Résumé  de  Tétat  de  la  question  ;  inventaire  des  13  tablettes  connues  ;  histoire  des  ten- 
tatives de  déchiffrement,  toutes  négatives  quant  au  résultat).  — 3.N.  Thomas,  Mariage 
Prohibitions,  etc.  {Origine des  interdictions  relatives  au  mariage  -.réponse  à  M.  Lang). 

—  10.  Tbeacher,  On  the  occurence,  etc.  {Présence  des  outils  oi  pierre  dans  la  vallée  de 
la  Tamise,  entre  Reading  et  Maidenliead.  1  pi.  etfig.  Outils  chelléens  et  d'autres  types). 

—  12.  G.  Clinch,  Goldrum,etc.  (Le  cromlech  de  Coldrum,  comté  de  Kent,  et  ses  rap- 
ports avec  le  Stonehenge,  av.  fig.  Monument  funéraire.  Cf.  réponse  de  Lewis  ibid.,  23). 

—  13)  Annandale,  The  Dynastie  genius  etc.  {Le  génie  dynastique  de  Siam,  qui  vit,  dit  la 
lègenle,  emprisonné  dans  le  palais  royal  de  Bangkok;  quand  il  s'échappera,  la 
dynastie  aura  vécu).  —  Hervey,  The  legends,  etc.  {Les  légendes  sur  la  colline  de  Boukit 
Dato  Batou  Gedong  et  sur  le  cap  Rachado  ou  Tanjung  Tuan  près  de  la  ville  de  Malacca). 

—  Haddon,  Drawings,  etc.  {Les  dessins  des  indigènes  de  la  Nouv.  Guinée;  1  pi.  et  fig. 
Scènes,  figures  humaines,  bateau  à  vapeur).  —  22.  A.  LANg,  The  problème,  etc.  ([Le 
problème  des  galets  peints  de  Mas  d'Azil.  Contre  l'opinion  de  Cook,  émise  dans 
«  L'Anthropologie  »  (1903,  n"  6)].  —  32.  Read,  On  two  pottery,  etc.  {Deux  vases  en 
poterie  du  haut  Amazone,  Pérou,  d'une  finesse  remarquable  ;  ipl.)  —  33.  Notes  on  the 
form,  etc.  {Notes  sur  la  forme  de  gouvernement  de  Béni,  à  Bénin;  d'après  un  rapport 
officiel).  —  34.  Swan.  Note  on  Stone  implements,  etc.  {Sur  les  outils  en  pierre 
trouvés  à  la  surface  du  sol  ou  à  une  faible  profondeur  dans  le  Pahang,  presqu'île 
Malaise  :  tranchets,  etc.;  fig.).  —  43.  H.  K.  Hall,  Discovery,  etc.  {Découverte  d'un 
temple  de  la  XI^  dynastie  à  Deir  el-Bahari,  Egypte,  par  Naville  et  Hall.  ;  1  pi.).  —  44. 
Andr.  Lang,  A.  Theory,  etc.  {Une  théorie  du  totémisme  des  Australiens  Arunta,  qui, 
comme  on  sait,  ne  sont  pas  exogames  et  ont  des  totems  provenant  des  esprits 
locaux).  —  43.  W.  Allardycf,  The  Fijians,  etc.  {Les  Fidgiens  en  guerre  et  en  paix; 
notes  ethnographiques;  3  fig-).  —  46.  Edge  Partington,  A  «  Domestic  Idol  »,  etc., 
{Une  idole  domestique  de  l'île  de  Pâques  ;  1  fig.)-  —  47.  Edge  Partington,  Tien-tsin, 
^ic.  [Une  figurine  très  artistique  représentant  un  vieillard,  faite  avec  de  la  boue,  à 
Tien-tsin;  fig.).  —  Giglioli,  Ilafted  copper  implements,  etc.  (Les  outils  emmanchés 
en   cuivre   provenant    du    Pérou,   haches  de   cérémonie,    etc.,  trouvés   avec   leurs 

(1)  Cf.  ma  Revue  d'Anthropologie  dans  1'  «  Année  psychologique  »  de  Binet   pour 
1903  et  1904. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  507 

manches  en  bois  dans  les  tombes,  présentant  différents  modes  d'emmanchures. 
1  pi.).  —  53.  N.  W.Thomas,  Further  remarli.3  etc.  {Encore  quelques  observations 
à  propos  des  idées  de  Hill-Toui  sur  le  Tolémisme.  Confusion  des  termes  dans  l'ouvrage 
de  Hill-Tout,  etc.).  —  34.  Latcham,  Notes  on  an  ancient,  etc.  [Sur  un  crâne  ancien, 
provenant  d'un  tumulus  des  Andes  du  Chili  (prov.  de  Coquimbo),  probablement  pré- 
iûcasique,  c'est-à-dire  antérie-ur  à  la   fin  du  xiv^  siècle.  Descripliou,  mesures  ;  fig.]. 

—  67.  Garstang,  Excavation,  etc.  [Fouilles  à  Beni-Hassan,  Haute  Egypte,  2^  cam- 
pagne. Sculptures  de  la  période  allant  de  la  Vie  à  la  XI^  dynasties  et  contenant  des 
statuettes,  des  modèles  de  bateaux,  des  flèches,  etc.  ;  réexcavation  de  Negada  ;  IpL). 

—  68.  N.  Thomas,  Arunta  Totemism,  etc.  (Le  totémisme  des  Australiens  Arunta  ;  note  à 
propos  de  la  théorie  de  M.Lang  sur  l'origine  du  totem  avec  descendance  paternelle). 

—  69.  Th.  AsHBYywn,  Excavations,  etc.  [Fouilles  à  Caerwent,  dans  le  Monmouthshire; 
ruines  de  la  cité  romaiue  de  Venta  Silurum;  fig.).  —  77.  Flinders  Pétrie,  Excavations, 
etc.  [Fouilles  à  Ehnasya;  site  de  ruines  de  la  Xll^  à  la  XVIII^  dynasties  ;  1  pi.).  — 
78.  Dalton,  Easter  Island,  etc.  [L'Ue  de  Pâques:  écriture.  Liste  bibliographique  avec 
notes  des  ouvrages  omis  dans  l'article  publié  dans  le  «  Man  »  (Voy.  plus  hautn»  1)]. 

—  80.  E.  Torday,  Songs  of  the  Baluba,  etc.  [Chansons  des  Balouba  du  lac  Moero,  av. 
musique  notée).  —  87.  Thomas,  Animal  Folklore,  etc.  [Le  folklore  grec  se  rapportant 
aux  animaux.  Résumé  des  réponses  à  un  questionnaire  envoyé  par  l'auteur).  —  86. 
Edge  Pautingtoki,  Note  on  Funerary  Ornaments,  etc.  [Ornementation  des  objets  funé- 
raires de  l'île  Rubiana  et  le  cercueil  de  fîle  Santa  Anna  (crâne  dans  un  poisson  en 
bois),  Archipel  Salomon  ;  1  pi.].  —  Andeuso.n,  A  Melhud,  elc.  [Méthode  singulière  de 
provoquer  le  sommeil  artificiel  chez  les  enfants  dans  le  district  de  Simla,  bides;  on 
fnil  couler  l'eau  contre  la  tête  de  l'enfant,  couché  face  à  terre  ;  fig.).  —  88.  Bjelsko- 
siTCiiE,  Animal  Folklore,  etc.  Le  folklore  se  rapportant  aux  animaux  dans  l'Herzé- 
govine: réponse  au  questionnaire  de  N.  W.  Thomas).  —  93.  L.  Abbot,  Stone  imple- 
nioots.  etc.  [Outils  en  pierre  retirés  du  gravier  gelé  à  l'estuaire  du  Yenisseï,  par 
70'  lat.  N.  Types  très  variés  des  haches,  pointes  et  tranchets  polis  ou  taillés  avec 
quelques  inclusions  d'or  natif;  1  pL).  —  96.  —  S.  G.  Gray,  Another  type,  etc.  [Un 
autre  type  rf'«  idole  domestique  »  de  l'Ile  de  Pâques.  Fgurine  humaine  à  côtes  sail- 
lantes; fig.).  —  97.  N.  AnnandalEj  A  modem  instance,  etc.  Un  exemple  de  Vexistence 
actuelle  des  ordalies  en  Ecosse.  Membrane  animale  découpée  en  forme  de  poisson, 
qui  se  gondole  sous  l'influence  de  la  chaleur  et  de  l'humidité.  Il  y  a  80  ans,  on  la 
plaçait  dans  la  main  de  la  personne  pour  déterminer  si  elle  était  coupable).  —  104. 
GiGLioLi,  Portrait,  etc.  [Portrait  d'un  Indien  Guayaqui,  déjà,  publié  par  Lahitte  et  Ten 
Kate  dans  les  «  Anales  del  Museo  de  la  Plata  »,  1897  ;  1  pi.).  —  S.  Gkorge  Gray,  A  remar- 
kably,  etc.  [Une  pointe  de  flèche  en  silex  trouvée  à  Masden  Caslle,  Dorchester,  remar- 
quablement mince,  longue  de  38  mm.;  sa  plus  grande  épaisseur  n'est  que  de 
2,5  mm.  ;  fig.)  —  106.  Whitehouse,  Note  on  the  «  Mbari  »,  etc.  [La  fête  de  «  Mbari  » 
chez  les  indigènes  du  pays  d'ibo,  Nigérie  méridionale.  3  photogr.  représentant  les 
figurines  que  Ton  fabrique  à  propos  de  cette  fête  de  filles).  —  107.  N.  W.  Thomas, 
Studies,  etc.  [Etudes  terminologiques  :  I.  Magie.  Proposition  de  classer  les  fait  dits 
de  maiîie  sous  cinq  chefs  :  magie  naturelle,  chamanisme  et  sorcellerie,  magie 
théurgique  (esprit  divin  dans  l'homme  qui  en  est  le  porteur  inconscient  et  passif), 
incantation  et  récitation,  divination].  —  111.  A  von  Huegel,  Maori  feather-box  [Boîte 
à  plume  des  Maoris  du  Musée  de  Cambridge  ;  1  pL).  —  102.  Kabbadias,  Prehistoric 
arcUeology,  etc.  [Archéologie  préhistorique  de  la  Grèce  ;  résumé  de  l'état  actuel  des 
études  préhistoriques).  —  113.  Wright,  A  skuU,  elc.  [Un  craniopho?'e  pour  la  photo- 
graphie: fig.).  —  114.  C.  Seligmann,  Note  concerning,  etc.  [Nouvelles  de  l'Expédition 
de  Cook-Daniels  dans  la  Nouvelle-Guinée  et  les  îles  Salomon.  Types  variés.  Toté- 
misme). —  115.  Blackrurn,  Animal,  etc.  [Superstitions  se  rapportant  aux  animaux 
chez  les  Zoulou,  Bassouto,  Griqua,  Magalzis  et  les  Cafres  du  Natal.  Réponse  au 
questionnaire  Thomas). 


508  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

Izviestia,  etc.  {Bulletin  de  la  Soc.  des  Amis  des  se.  nat.,  d'anthropoL  et  d'ethnogr. 
de  Moscou),  t.  CVI  (formant  le  t.  XXIII,  des  «  Troudy  »  ou  travaux  de  la  section 
anthropologique),  Moscou,  1905,  in-4o  (en  russe). 

Ce  volume  de  140  colonnes,  av.  48  tableaux  et  quelques  ;figures  est  entièrement 
consacré  au  iVlémoire  de  A.  A.  Aroutinof  :  Oudiny,  etc.  (Les  Oudes  ou  Oudines,  ma- 
tériaux pour  V anthropologie  du  Caucase.  —  1.  Esquisse  historique  et  ethnographique. 
La  tribu  des  Oudes,  forte  de  7.300  individus,  habite  deux  villages,  dans  les  distr. 
de  Noukha,  prov.  d'Élisavetpol.  Ce  sont  les  restes  des  anciens  Albanais  que  les 
uns  rapprochent  des  Votiaks  et  les  autres  des  Lesghi  et  des  Ourartou.  Quelques  traits 
ethnographiques  :  habitations,  mariage,  agriculture,  etc.  —  2.  Esquisse  anthropolo- 
gique :  caractères  descriptifs  (couleur  et  nature  des  cheveux,  dents,  couleur  de  la 
peau  et  des  yeux,  pilosité,  etc.)  et  anthropométrie  (plus  de  70  mesures  sur  la  plu- 
part des  175  sujets  mesurés.  Taille  moy.  :  1644  mm.  ;  les  indiv,  aux  yeux  foncés  sont 
de  taille  plus  petite  que  ceux  aux  yeux  clairs,  etc.;  rapports  des  mesures;  compa- 
raisons avec  d'autres  peuples,  etc.).  Conclusion  :  les  Oudes,  petits,  bruns,  très  bra- 
chycéphales,  mésoprosopes  et  leptorhiniens  ne  ressemblent  pas  du  tout  aux  Votiaks 
ou  Permiens  et  se  trouvent  isolés  parmi  les  tribus  caucasiennes  anthropologiquement 
connues  aujourd'hui. —  Bibliographie]. 

Travaux  antkropologiques  publiés  dans  difféi^ents  recueils. 

Bulletin  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  Paris,  1905. 

P.  7.  E.  T.  Hamy,  Los  Tchouang  (de  la  Chine  méridionale),  esquisse  anthropolo- 
gique (de  trois  crânes  de  rebelles  exécutés,  recueillis  par  M.  François,  près  de 
Lieou-tcheou-fou,  prov.  de  Kouang-toung.  Type  indonésien.  Ind.  céph.  :  73,9,  73,3, 
82).  —  P.  70.  F.  Delisle,  L'âge  de  pierre  au  Congo  (collection  de  coup  de  poing,  etc., 
recueillie  par  M.  Brumpt  près  Tumba,  station  de  ch.  de  fer  du  Congo  Belge,  à 
187  kil.  de  Matadi.  tête  de  la  ligne  sur  le  Congo  inférieur).  —  P.  285.  L.  Lapicque, 
Note  sommaire  sur  une  mission  ethnologique  dans  le  sud  de  Plnde  :  la  race  noire 
prédravidienne  (dont  le  prototype  était  petit,  crépu,  platyrhinen,  noir  et  dolichocé- 
phale et  dont  il  ne  reste  que  des  métis,  tandis  que  le  type  «  protodravidien  »  paraît 
s'être  conservé  chez  les  Toddas).  —  P.  368.  E.  T.  Hamy,  crâne  de  Métreville  (Eure) 
(d'une  sépulture  néolithique;  i.  c.  76,6). 

Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travaux  hist.  et  scientifiques,  Paris,  1905. 

3'  faciscule. 

P.  315.  G.  MiNGAUD,  Epingles  de  l'époque  du  bronze  découvertes  à  Vers  (Gard). 
(Grandes,  très  ornementées,  elles  contiennent  10  p.  c.  d'étain). 

Annales  de  l'Institut  colonial  de  Marseille,  13'  année  (2e  sér.  t.  III),  1905. 

P.  1-29.  Madagascar  en  1756  par  Bernard,  chirurgien  au  service  de  la  Compagnie  des 
Indes  (préface  de  Gaffarel).  (Quelques  renseignements  sur  les  habitations,  les  armes, 
le  vêtement,  la  superstition  des  «  Madegasses  »  de  Foulepointe,  tels  qu'ils  étaient  au 
xviH'  siècle  ;  d'après  un  manuscrit  communiqué  par  le  D'  Ph.  Rey). 

Bulletin  de  la  Société  philomatique  de  Paris.  9^  série,  t.  VII,  1905. 

P.  86.  V.  CaoLLET  et  H.  Neuville,  Note  préliminaire  sur  les  mégalithes  observés 
dans  le  Soddo  (Abyssinie  méridionale)  ;  [groupes  de  pierres  levées,  portant  des  sculp- 
tures de  figures  humaines  et  d'objets  usuels,  surtout  des  armes  (poignards)  ainsi  que 
des  signes  idéographiques  fort  simples  :  0,  X,  >,  S  ;  probablement  monuments 
funéraires  et,  acessoirement,   objets  de  culte.   Cependant  les  fouilles  n'ont  rien 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  509 

donné  :  ni  objets,  ni  squelettes  ;  l'absence   de   ces   derniers  peut  s'expliquer  par  la 
nature  acide  des  roches  dont  sont  faits  ces  monuments  (rhiolithes).  12  fig.] 

Zeitschrift  der  Gesellschaft  fur  Erdkunde,  1906,  n»  6  (juin). 

P.  426.  —  Léo  Frobenius'  Forschungsreie,  etc.  {Explorations  de  L.  Frobenius  dans 
la  région  de  Kassaï  :  3^  Rapport  adressé  d'Ikoka  à  l'Institut  K.  Ritter  le  25  mars  1906. 
Voyage  dans  la  région  bordière  entre  le  bassin  du  Congo  et  le  plateau  sud-africain , 
le  long  de  Sankourou.  Le  peuple  Mundekete,  dont  parlent  les  annales  portugaises 
du  xvie  siècle,  constitue  le  groupe  ethnique  «  Ba-louba  récent  »,  branche  du  peuple 
Be-Tchouana.  Parti  du  plateau  de  l'Afrique  australe  vers  le  nord  avant  le  xvi"  siècle, 
il  a  trouvé  dans  le  bassin  du  Congo  les  Bena-Lula  et  les  Bassongué  (qui  ne  sont 
autres  que  les  «  Balouba  anciens  »)  en  train  de  supplanter  les  aborigènes  du  pays  : 
les  Batoua  pygmées  et  les  Ba-kete,  constructeurs  des  palafûtes,  dont  une  partie  vit 
encore  à  la  manière  ancienne  dans  le  pays  parcouru  par  le  voyageur). 

Abhandlungen  d.  k.  Gesellsch.  d.  Wissenschaften  zu  Gôttingen.  Math.  Phys. 
klasse.  Nouv.  sér.,  t.  IV,  1905,  4». 

iV»  4.  —  Max  Verworn,  Die  Archaeolitische  Cultur  in  den  Hipparionschichten,  etc. 
[La  culture  archaeolithique  dans  les  couches  à  Hipparion  de  VAurillac  (Cantal).  Histo- 
riques sur  les  éolithes  et  lesarcbaeolithes.  Critérium  du  travail  intentionnel.  Culture 
de  l'époque  miocène.  Subdivisions  culturelles  de  l'âge  de  la  pierre  :  Éolithique 
(pierres  sans  travail  intentionnel),  Archéolithique  (travail  rien  que  dans  la  partie  à 
utiliser),  Paléolithique  (formes  conventionnelles  de  taille).  Néolithique  (pierre  polie). 
Travail  fait  surtout  d'après  la  collection  rapportée  par  Klaatsch  ;  fig.  et  5  pi.]. 

Globus,  lUustrirte  Zeitschrift,  etc.,  t.  LXXXIX,  Braunschweig,  1906,  in-4o. 

JV»  1.  —  Klose,  Musik,  Tanz  etc.  {Musique^  danses  et  jeux  dans  le  Togo;  fig.).  — 
D'  Stephan,  Anthropologische  Angaben  etc.  {Données  anthropologiques  sur  les  Barriai, 
Nouvelle  Poméranie.  Mesures  de  trois  individus;  fig.,  types). 

.N°  2.  —  Karutz,  Von  Buddhas  heiliger  etc.  [Etudes  sur  l'empreinte  sacrée  du  pied 
de  Bouddha.  Revue  des  différentes  empreintes,  description  de  celle  qui  se  trouve  au 
Musée  de  Lnheck  {fig.)].  —  S.  Weisseisberg,  Speiseuud  gebâck  etc.  [Mets  et  aliments 
cuits  au  four  chez  les  Juifs  de  la  Russie  méindionale,  au  point  de  vue  ethnologique. 
Façon  de  manipuler  la  viande;  défense  de  certains  laitages  ;  gâteaux  sculptés  {fig.), 
etc.].  —  G.  Friederici,  Der  Trânengruss  der  Indianer  {Le  salut  pleureur  chez  les 
Indiens  de  l'Amérique  du  sud  et  du  nord  et  chez  les  Andamans.  Commisération  pour 
les  peines  subies  par  le  voyageur  qui  arrive?). 

N"  3.  —  GoLDSTEiN,  Die  Menschenopfer  im  Lichte  etc.  {Les  sacrifices  humains  au 
point  de  vue  de  la  politique  et  des  sciences  sociales.  Motifs  toujours  réels  :  faire  peur 
aux  dirigés  par  les  dirigeants  ;  diminution  des  bouches  inutiles,  etc.).  —  Karutz  (D^"  R.), 
Von  Buddhas  heiliger  etc.  {Etude  sur  Vempreinte  sacrée  du  pied  de  Bouddha;  fin). 

iVo  4.  —  G.  Mehlis,  Die  neolithische  Ansiedelung  etc.  [La  station  néolithique 
près  du  moulin  d' Eyersheim  {Palatinat);  fig.;  des  fragments  de  poterie,  avec  dessins 
géométrique»].  —  Friederici,  Ueber  aines  als  couvade,  etc.  {Etude  sur  une  cérémonie 
de  réincarnation  ou  d'appellation  chez  les  Tupi,  interprétée  jusqu'ici  comme  couvade. 

N°  5.  —  Klosb,  Musik,  Tanz  etc.  [Musique,  danses  et  jeux  dans  le  Togo  (fin).  Chant, 
jeu  d'  «  Adi  >>  analogue  à  1'  «  Uri  »  des  Arabes  ;  fig.]. 

N"  6.  — C.  R.  Prâshistoricher  Bergbau,  etc.  {Exploitation  préhistorique  d'une  mine 
de  cuivre  à  Mitterberg^  près  de  Bischofshoven,  Alpes  de  Salzburg).  —  Biehringer,  Die 


rJlO  BULLETIN  BllJl.lOCiHAIMIIQUE. 

Sage  voii  Ilero  etc.  [La  léfjeiide  d'Iléro  et  de  Léandre,  daus  l'Iude,  eu  Perse,  en  Alle- 
magne, etc.). 

N*  1.  —  R.  Lascu,  Einige  besondere  Arten  etc.  {Quelques  modes  particuliers  de 
Vemploi  de  Vœufdans  les  croyances  et  les  coutumes  populaires;  nourriture  des  morts; 
prédictions  avec  l'œuf;  l'œuf  symbole  de  ûançailles  et  des  cérémonies  du  mariage). 

—  Passarge,  Der  paliiolitische  Mench  etc.  {Vhomme  paléolithique  aux  cataractes  du 
Zambèze  dits  Victoriafalls.  A  propos  des  objets  trouvés  par  Feildén  («  Nature  », 
t.  LXXIII,  n°  1882).  Leur  âge  est  incertain.  Peut-être  quaternaires  ou  récents). 

A'»  8.  —  BiEBEF^,  Reiseeindrucke  und  wirtschaftliche,  etc.  {Impressions  de  voyage  et 
observations  d'ordre  éco?iomique  sur  le  pays  des  Gallaet  sur  Kaffa  ;  fifj.  Monolithes  avec 
inscriptions  de  Soddo,  les  mômes  qu'avait  décrits  Neuville.  (Voy.  plus  haut,  Bullet. 
Soc.  philom.)  ;  types,  armements,  etc.).  —  Zur  Baskeukunde  {Contribution  à  létude 
des  Basques  ;  à  propos  de  l'ouvrage  de  Aranzadi). 

N'  9.  —  BîEBEu,  Reiseeindrucke,  etc.  [Impressions  de  voyage  etc.  sur  le  pays  des 
Galla  et  sur  Kaffa  {fin);  fig.  et  carte].  —  Schultz,  Noch  ein,  Steinuagel  aus  Samoa 
[Encore  un  clou  en  pierre  des  îles  Samoa;  fig.].  D'après  les  remarques  de  Schemely 
{Globus,  1889,  p.  211)  ce  serait  un  pilon. 

N°  10.  —  K.  Sappeh,  Der  Eiutluss  des  Menschen,  etc.  {L'influence  de  l'homme  sur  l'as- 
pect du  paysage  au  Mexique  et  dans  V Amérique  centrale] . 

N"  il.  —  Gh.  KocH-GRiiNBERG,  Kreuz  und  quer,  etc.  [Excursions  à  travers  le 
Brésil  nord-occidental.  Indiens  Ipurina  {fig.);  notes  ethnographiques  :  poterie  {fig.)., 
etc.].  —  C.  Mehlis,  Die  Bemalten  Kiesei,  etc.  {Les  galets  peints  de  «  Bhol  »  près  de 
Neustadt  dans  le  Harz,  Palatinat.  Ils  sont  analogues  à  ceux  de  Mas  d'Azil,  seule- 
ment les  dessins  sont  plus  petits  ;  signes  alphabétiformes  ?  1  planche,  1  plan  et  fig.). 

—  Haherlin,  Brennmaterial  und  Feuerherd  {Combustible,  bouse  du  bétail,  et  les  foyers 
dans  les  îles  Halligen  dans  la  mer  du  Nord). 

No  12.  —  A.  Andrae,  Hausinschriften  aus  deutschen,  etc.  {Inscriptions  sur  les 
maisons  dans  les  villes  et  les  villages  allemands  ;  fig.).  —  J.  Rkindl,  Die  letzten  spuren, 
etc.  [Les  dernières  traces  de  V agincullure  préhistorique  dans  la  Bavière  méridionale. 
Culture  des  plantes  que  l'on  rencontre  dans  les  palafittes  :  Triticum  vulgare  L.  var. 
compactum.  Hordeum  hexastichus  L  ,  etc.) 

N°  13.  —  GuTMANN,  Trauer  und  Begrâbnissitten,  etc.  {Deuil  et  funérailles  des 
Bantou  Wadsjagga,  étude  descriptive).  —  Rôwer,  Bilder  von  der  Gazelle-Halbinsel 
{Pages  sur  la  presqu'île  de  la  Gazelle,  Nouvelle  Poméranie,  ancienne  Nouvelle-Bre- 
tagne ;  quelques  notes  ethnographiques  et  fig.  des  types,  des  sépultures,  etc.) 

N^  14.  —  B.  A.,  Eine  religiôse  Bewegung,  etc.  {Le  mouvement  religieux  dans 
CAltaï,  provoqué  parmi  les  Kalmouks  par  Tcheta  Tchlepanov  en  1904.  La  nouvelle 
religion  cherchait  à  accommoder  les  croyances  animistes  des  Kalmouks  d'Altaï  avec 
un  lamaïsme  simplifié  ;  répression  sanglante  du  mouvement  par  le  gouvernement 
russe).  —  Lehmann-Nitsche,  Palâoanthropologie  {Paléoanlhropologie,  leçon  d'ouver- 
vcrture.  Division  de  cette  science). 

N^  15.  —  Fric,  Eine  Pilcomayo-Reise  etc.  [Un  voyage  vers  Pilcomayo  dans  le  Chaco 
central;  fig.  Contient  les  notes  ethnographiques  qui  font  défaut  dans  le  commence- 
ment de  l'article  paru  dans  le  n"  14).  —  Goldstein,  Der  Moaotheismus,  etc.  {Le  mo- 
nothéisme dii  Canada), 

No  16.  —  HÉLÈNE  Nieiîus,  Zenana-Leben,  etc.  [La  vie  du  Zénana  {gynécée)  dans  V Inde  ; 
Description  de  l'habitation,  du  costume  des  femmes  hindoues  et  musulmanes  ;  bonnes 
photogravures], 

Memoirs   and    Proceedings  of  the  Manchester   Lit.  and  Philos.  Soc,  t.  L,   1906. 

Mémoire  IV.  —  J.  Allan,  Battack  Printing,  etc.  [{Uimpression  sur  tissus  dite  des 
Battac  à  Java  (description  du  procédé,  suivie  de  notes  :  sur  le  Kris  malais  (distinct 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  511 

du  «  Kouleveng  »  à  un  seul  tranchant;  fabrication);  sur  le  Soumpitan  de  Bornéo;  et 
sur  le  poison  Upas  (préparation,  etc.)]. 

Biologische  Untersuchungen  von  Prof.  D'  Gustaf  Retzius.  Nouv.  sér.,  t.  XIII, 

Stockholm,  1906,  in-fol. 

No  15  [p.  117).  —  G.  Retzius,  Die  Gaumenleisten  des  Mensechen  und  der  Tier  {Les 
bourrelets  palataux  chez  l'homme  et  chez  les  animaux^  depuis  le»  Monotrèmes  jus- 
qu'aux Primates.  Cette  formation,  qui  atteint  son  maximum  chez  certains  Cétacés 
(fanons  des  baleines)  et  chez  les  Ongulés,  tend  à  disparaître  chez  les  Pinnipèdes  et 
chez  les  Primates.  Chez  l'homme,  les  bourrelets  existent  à  l'état  fœtal,  mais  dispa- 
raissent en  grande  partie  chez  l'adulte;  la  réduction  se  fait  d'arrière  en  avant; 
chez  les  Anthropoïdes,  la  réduction  est  moins  complète  que  chez  l'homme;  sous  le 
rapport  de  la  ressemblance  avec  ce  qui  se  passe  chez  l'homme,  ils  se  rangent  ainsi  : 
Chimpanzé,  Gorille,  Orang. 

Verhandlungen  d.  Naturforschenden  Gesellschaft  in  Basel,  t.  XVill,  n»  2,  1906. 

P.  428.  —  Fr.  Sarasin,  Bericht  uber  die  Sammlung,  etc.  {Rapport  sur  la  collection 
ethnographique  du  Musée  de  Belle,  pour  l'année  1905.  Entre  autres  :  spécimen  de 
canot  en  tronc  d'arbre  creux  d'Aegin-See  en  Suissse  ;  fig.  Masques  en  bois  et  autres 
objets  de  la  vallée  de  Lôtsch,  Suisse.  Armement  complet  d'un  guerrier  Bornu  avec 
la  cuirasse  et  le  harnachement  du  cheval  en  étotie  ouatée,  etc.;  fig-). 

Bulletin  de  la  Soc.  Neuchâteloise  de  géographie,  t.  XVI,  Neuchâtel,  190S. 

P.  18.  P.  GiRARDiN,  Les  glaciers  de  Savoie.  Étude  physique,  limite  des  neiges, 
retrait.  (Morphologie  de  la  «  Savoie  massive  ».  Climat  et  glaciers.  Oscillations  pério- 
diques :  grande  extension  vers  1818,  puis  un  second  maximum  en  18o5-S6,  et  une 
nouvelle  crue  vers  1890).  —  P.  49.  P.  H.  Trilles,  Proverbes,  légendes  et  contes 
Fang  (La  race  des  Fang  ou  Pahouins.  Ce  dernier  nom  n'est  que  la  corruption  par 
les  M'PoDgoué  du  mot  Faog.  Ils  se  divisent  en  B'Osyebas,  auxquels  se  rattachent 
aussi  les  Mekrouk,  et  eu  Fang  prop.  dits  qui  comprennent  les  tribus  de  Meke,  Bétsi, 
Mvengé  et  Boules.  Ils  sont  plusieurs  millious  d'anthropophages,  entre  6®  lat.  N.- 
2°  lat.  S.  et  70-13°  long.  E.  La  langue,  de  la  famille  bantou,  possède  des  clics. 
Religion  :  '<  Nzam  »  ou  être  suprême.  Adègne  ou  maison  commune.  Texte  et  tra- 
duction de  plusieurs  proverbes,  légendes  et  chants).  —  P.  296.  A.  Schenk,  Notes  sur 
dix  crânes  du  (uord  du)  Congo  français.  Tribu  des  Yeveug;  race  des  Fang  (10  ca- 
lottes crâniennes  peintes  en  rouge,  appartenant  à  huit  générations  de  la  famille 
Mvongé;  i.  c.  moy.  :  74  pour  les  hommes  et  75,4  pour  les  femmes. 

Ânnals  of  thô  New-York  Academy  of  sciences,  t.  XVI,  part  2,  [1905]. 

P.  97.  Waldemar  Jochelson,  Essay  on  the  Grammar,  etc.  [Essais  d'une  grammaire  de 
la  langue  des  Youkaghirs,  avec  la  carte  de  la  distribution  des  deux  dialectes  de  cette 
langue,  aujourd'hui  et  jadis.  La  langue  possède  surtout  des  suffixes,  mais  aussi  des 
préfixes  ;  autres  différences  d'avec  les  langues  ouralo-altaïques  et  rapprochements 
avec  les  langues  américaines).  —  P.  155.  M.  Fisuberg,  Materials  for  the  physical,  etc. 
[Matériaux  pour  l'Anthropologie  physique  des  Juifs  de  l'Europe  orientale)  (1). 

Field  Columbian  Muséum.  Anthropological  Séries,  Chicago,  1905. 
T.  17,  71°  2  {public,  ??»  97).  —  M.  R.  Voth,  Oraibi  natal  customs,  etc.  (Les  coutumes 

(1)  Voy.  l'analyse  dans  «  L'Anthropologie  »,  1906,  p.  178. 


^12  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

qui  accompagnent  la  naissance  chez  les  Oraibi,  Indiens  Hopi.  Soins  donnés  au  nouveau 
né;  le  nom;  cérémouies  et  croyances,  etc.;/î^).  —  No  3  {publ,  100).  M.  R  Voth 
Hopi  proper  names  elc.  [Les  noms  propres  chez  les  Hopis,  groupés  par  clans  avec 
l'explication  de  leur  signification).  -  T.  IX,  u<-«  1  et  2  {publ.  99  et  103).  ^  G.  Dorsey, 
ïhe  Cheyenne  [Les  Cheyennes  :  1.  Organisation  des  cérémonies.  Tentative  de  la  recons- 
titution de  l'organisation  sociale  primitive  des  Cheyennes  d'après  les  cérémonies  et 
les  mythes;  nombr.  pi.  d'après  les  artistes  indigènes.  2.  La  danse  du  soleil  (Descrip- 
tion détaillée  jour  par  jour.  iNomb.  pi.].  j,  Deniker. 


Le  Gérant  :  P.  Bouchez. 


Angers.  —  Imp.  A.  Burdin  et  Ci«,  rue  Garnier,  4. 


MÉMOIRES   ORIGINAUX 


RËdHËRCHES  SUR  mmU  RLËS  ANCIIS 


PAR 

MM.  C  ETj.  COTTE 


Nous  avons  pu  mettre  à  jour,  à  l'abri  de  la  Font-des-Pigeons 
(Châteauneuf-les-Martigues),  un  certain  nombre  de  débris  végé- 
taux (1)  carbonisés,  parmi  lesquels  se  trouvaient  des  grains  de  blé 
qui  nous  ont  paru  mériter  un  examen  approfondi.  Nous  avons  éga- 
lement reçu  de  M.  Pistât,  de  Bézannes,  des  échantillons  de  blé 
gaulois  et  de  M.  Pages- Allary,  de  Murât,  des  grains  alimentaires 
provenant  de  la  station  du  Rocher-de-Laval  (2). 

A  la  Font-des -Pigeons  (3)  nos  fouilles,  minutieusement  con- 
duites, nous  ont  permis  de  recueillir  les  grains  de  blé  qui  étaient 
épars  dans  la  couche  archéologique  à  des  hauteurs  très  diverses. 
Nous  n'avons  pas  eu  la  bonne  fortune  de  rencontrer  les  amas  de 
végétaux  des  palafittes  ou  les  vases  contenant  encore  leurs  provi- 
sions qui  enrichissent  certaines  collections;  mais  nos  découvertes, 
pour  fragmentaires  qu'elles  aient  été,  ne  nous  ont  pas  moins 
montré  des  faits  intéressants. 

Comme  les  autres  débris  carbonisés,  les  grains  de  blé  étaient  en 
général  admirablement  conservés.  Aussi  sommes -nous  surpris  que 
les  céréales  n'aient  pas  été  encore  trouvées  dans  les  abris  du  sud- 
est  de  la  France;  il  est  probable  que  Tattention  des  archéologues 
n'avait  pas  été  suffisamment  attirée  par  ces  menus  fragments  de 
charbon,  disséminés  dans  la  terre,  et  que  l'on  ne  recherchait  d'ha- 


(1)  Voir  G.  et  J.  Cotte.   Note    sur   l'ancienaeté   du  pin  d'Alep  en  Provence  {BulL 
tiéun.  Biol.  Mars.,  in  :  C.  R.  Soc.  BioL,  t.  LV,  p.  5o9,  1903). 

(2)  M.  Pagès-AUary  a  fait  sur  cette  station  une  communication  au  Congrès  de  l'A. 
F.  A.  S.  à  Grenoble,  1904. 

(3)  M.  Baudouin  nous  a  accordé  le  droit  de  fouille  dans  ses  propriétés   avec  une 
amabilité  dont  nous  tenons  à  le  remercier. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  33 


514  C.  KT  J.  COTTE. 

bilude  que  dans  les  palafittes  et  les  terramares.  Nicolas  a  bien 
signalé  l'existence  de  graines  diverses  dans  un  dolium  trouvé  dans 
les  environs  d'Arles,  mais  il  s'agit  là  de  restes  de  Tépoque  histo- 
ri(jue,  dont  l'étude  n'a  d'ailleurs  pas  été  approfondie. 

Dans  l'abri  dont  nous  nous  occupons,  les  grains,  avons-nous  dit, 
sont  généralement  épars,  témoignage,  pourrait-il  sembler,  que 
c'était  là  une  denrée  abondante  et  de  peu  de  valeur.  Par  endroits, 
cependant,  la  récolte  est  plus  fructueuse  pour  l'archéologue,  et 
nous  avons  en  mains  deux  mottes  de  terre  assez  riches  en  débris 
de  blé.  Nous  avons  cru  reconnaître  que  ces  derniers  débris,  moins 
bien  conservés  qu'à  l'ordinaire,  avaient  été  autrefois  bouillis.  Nous 
nous  expliquons  ainsi  facilement  leur  accumulation  en  un  même 
point  :  nous  serions  en  présence  d'une  pâtée  renversée. 

Les  déformations  produites  par  l'ébullition  se  retrouvent  d'ail- 
leurs avec  la  plus  grande  netteté  sur  plusieurs  grains  de  notre  col- 
lection. Ce  mode  de  cuisson  paraît  avoir  été  assez  généralement 
employé  à  la  Font-des-Pigeons,  ainsi  que  l'un  de  nous  Ta  déjà 
fait  remarquer  (1). 

Comme  autre  déformation  on  peut  également  noter  un  grain  à 
demi  écrasé  dont  les  téguments,  en  partie  entraînés  et  légèrement 
soulevés,  laissent  apercevoir  les  tissus  profonds  qui  tranchent  par 
leur  aspect  brillant.  D'autres  exemplaires  possèdent  des  orifices  de 
sortie  faits  par  des  insectes  parasites.  Nous  citons  ces  faits  comme 
exemples  de  la  perfection  avec  laquelle  les  plus  petits  détails  peu- 
vent être  conservés.  Pour  les  apercevoir  il  est  souvent  nécessaire 
d'examiner  des  restes  végétaux  recueillis  depuis  plusieurs  mois  au 
moins,  car  la  gangue  de  terre  mêlée  de  cendre  qui  les  enveloppe  au 
moment  de  leur  exhumation  se  détache  peu  à  peu.  C'est  ainsi  qu'un 
noyau  du  môme  gisement,  lisse  en  apparence  quand  nous  l'avons 
découvert  et  que  nous  avions  cru  (2)  pouvoir  rapporter  à  un  cerisier 
[Cerasus  sp.),  laisse  apercevoir  maintenant  les  rugosités  de  sa  sur- 
face qui  permettent  de  l'attribuer  avec  certitude  au  Prunus  spi- 
nosa. 

La  carbonisation  semble  avoir  également  respecté  la  dimension 
primitive  des  grains  ;  on  observe  en  effet  des  échantillons  présen- 
tant  des  tailles  très  variables,  ainsi  que  le  fait  se  produit  dans  les 


(1)  Ch.  Cotte.  La  carie  dentaire  et  ralimentation  dans  la  Provence  préhistorique* 
L'Homme  préhistorique,  t.  111,  190j. 

(2)  C.  et  J.  CoTiE,  loc.  cit. 


RECHERCHES  SUR  QUELQUES  BLÉS  ANCIENS.  515 

récoltes  modernes  quand  elles  n'ont  pas  été  débarrassées  de  leurs 
grains  mal  venus  (fig.  1  (1)). 

Leur  parfaite  conservation  permet  d'étudier  la  forme  des 
semences  en  elle-même,  puisque  malheureusement  nous  ne  pou- 
vons pas  baser  nos  recherches  sur  des  fragments  d'épis,  ainsi  qu'il 
a  été  possible  de  le  faire  dans  les  palafittes. 

L'œil  est  tout  de  suite  frappé,  à  Texamen  de  nos  collections  pré- 
historiques, par  une  sailhe  exagérée  existant  sur  la  face  dorsale 
d'un  grand  nombre  de  grains  de  blé,  qui  sont  en  même  temps  courts 
et  trapus.  Leur  face  ventrale  est  élargie,  traversée  par  une  fente 
peu  profonde  et  assez  large  ;  aussi  sont-ils  souvent  échancrés  aux 
deux  extrémités.  Leur  longueur  moyenne  est  de  o  à  6  mm.,  leur 
largeur  de  3  à  4  mm.  (fig.  1,  2,  3). 

Nous  les  avons  comparés  à  un  certain  nombre  de  variétés  de 
froments  ;  la  collection  que  nous  en  avons  formée  a  été  composée 


FlG.    1. 


principalement  de  types  classés  scientifiquement  par  M.  Vilmorin- 
Andrieux,  et  d'échantillons  commerciaux  étrangers  fournis  par 
M.  Martel,  négociant  à  Marseille.  Nous  leur  en  exprimons  notre 
reconnaissance.  Sur  aucun  des  blés  actuels  en  notre  possession 
nous  n'avons  observé  une  exagération  de  la  saillie  dorsale  pareille 
à  celle  qui  existe  sur  certains  grains  de  la  Font-des-Pigeons. 
D'autre  part  la  fréquence  de  ce  caractère  sur  des  semences,  grandes, 
moyennes  ou  petites,  de  l'abri  dont  il  s'agit  permet  d'y  voir  autre 
chose  qu'une  simple  malformation.  La  coexistence  de  la  gibbosité 
dorsale,  de  la  forme  courte  et  trapue  du  grain,  de  la  largeur  de  la 
face  ventrale,  forme  l'ensemble  des  caractères  extérieurs  habituels 
aux  caryopses  du  Triticum  turgidum^  considéré  dans  ses  diverses 
variétés,  et  qui  se  retrouve  à  un  degré  bien  moins  élevé  dans  les 
races  de  T,  compactum   que  nous  avons  pu  étudier   (2).  Aussi 

(1)  Les  dessins  ont  été  faits  à  la  chambre  claire. 

(2)  En  employant  ce  nom  de  T.  turgidum  nous  n'entendons  pas  désigner  ainsi 
une  espèce  distincte,  ainsi  que  l'avait  fait  Linné;  on  admet  plutôt  maintenant  qu'il 
s'agit  d'une  sous-espèce  de  T.   sativum  Lam.    D'une  manière  générale,  nous  avons 


518  G.  ET  J.  COTTE. 

('teinte,  s'éloigne  du  l)lé  ordinaire  autant  que  le  font  le  ble  poulard 
et  le  ble  dur. 

Nous  nous  demandons  pourquoi  Hecr  n'a  pas  essayé  de  rappro- 
cher cette  variété,  du  blé  poulard  à  gros  grains  qu'il  signalait  dans 
les  mêmes  gisements.  Il  s'est  certainement  laissé  guider  par  un 
caractère  très  saillant,  qui  est  la  présence  de  la  barbe,  constante 
chez  les  blés  poulards  actuels  et  en  partie  conservée  dans  l'épi 
de  T.  turgidwn  de  Robenhausen  ;  l'absence  de  celle-ci  chez  les 
épis  du  petit  blé  des  palafittes  a  servi  de  base  à  sa  classification. 
Nous  ne  croyons  pas  que  Ton  puisse  accorder  une  telle  importance 
à  cet  appendice  qui,  nous  le  savons,  tombe  au  moment  de  la  matu- 
rité chez  un  certain  nombre  de  variétés  actuellement  cultivées  du 
T.  turgidum  [pétanielle  blanche,  pétanielle  noire  de  Nicey  etc.)  ;  n'ou- 
blions pas  aussi  que  chez  le  blé  de  miracle  proprement  dit  ce  carac- 
tère possède  une  signification  encore  moindre  puisque  les  barbes  y 
sont  courtes  et  peu  nombreuses.  Nous  ignorons  jusqu'à  quel  point 
la  présence  de  ce  moyen  de  protection  peut-être  une  caratéristique 
dans  le  temps  et  dans  l'espace  des  diverses  variétés  du  T,  turgidum^ 
et  l'on  sait  que  chez  une  sous-espèce  voisine  T.  vulgare  Vill. ,  la  barbe 
a  pu  être  perdue  ou  acquise  avec  une  certaine  facilité, 

Nous  estimons  qu'il  faut  tenir  compte  davantage  de  la  coexistence 
chez  le  petit  blé  des  palafittes  de  deux  caractères  généralement 
donnés  pour  baser  la  diagnose  des  blés  poulards  :  la  forme  du 
grain,  et  principalement  cette  carène  saillante  bien  marquée  sur 
toute  la  hauteur  de  la  balle.  Cette  arête  tranchante,  sur  laquelle 
Heer  insiste  dans  sa  description,  est  parfaitement  visible  sur  ses 
dessins  si  consciencieux  (fig.  14  à  16  de  sa  planche).  Les  dessins 
des  grains  isolés  sont  malheureusement  bien  moins  instructifs,  car 
ils  sont  à  trop  petite  échelle  et  ne  donnent  pas  de  vue  de  profil;  il 
est  donc  impossible  de  savoir  si  les  grains  étudiés  par  lui  présen- 
tent la  gibbosité  exagérée  que  nous  avons  fait  remarquer  plus  haut 
sur  le  froment  de  la  Font-des-Pigeons. 

En  résumé,  il  est  logique  d'admettre  avec  Heer  que  son  petit 
blé  des  palafittes  se  distingue  nettement  du  T.  vulgare  Vill.  type, 
mais  il  semble  aussi  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'en  faire  une  sous-espèce 
du  blé  tendre  et  de  conserver  le  nom  de  T.  vulgare  antiquorum.  Il 
est  impossible  de  le  classer  parmi  les  diverses  races  de  T,  sativum 
compactum,  car  la  carène  des  enveloppes  n'existe  chez  celui-ci  que 
dans  leur  partie  supérieure,  caractère  qui  lui  est  commun  avec 
T.  vulgare.  Ce  petit  blé  doit  donc  être  rapproché  des  autres  variétés 


RECHERCHES  SUR  QUELQUES  BLÉS  ANCIENS.  519 

de  blé  poulard  ;  il  prendrait  alors  le  nom  de  T.  turgidum  antiqiio- 
rum.  Par  la  dimension  de  ses  épis,  tout  d'abord,  par  la  forme  de 
ses  enveloppes  ainsi  que  par  la  taille  moyenne  de  ses  grains,  cette 
variété  se  distingue  nettement  de  celle  que  Heer  avait  déjà  attribuée 
au  T.  turgidum. 

Sur  le  blé  moyen  des  palafittes  nous  avons  bien  peu  de  renseigne- 
ments ;  Heer  a  signalé  seulement  quelques  épillets  de  Robenhau- 
sen,  composés  de  trois  fruits  mûrs  et  qui  semblent  rte  pas  avoir  été 
barbus.  Les  grains  sont  longs  de  6  à  7  mm.,  larges  de  3  à  4,4  mm., 
bien  voûtés  sur  le  dos.  Il  a  assimilé  ce  blé  au  Binkelweizen,  variété 
de  T.  compactiim  actuellement  cultivée,  et  lui  a  donné  le  nom  de 
T.  vulgaire  compactum  muticiim.  11  est  difficile  de  se  faire  une  opi- 
nion précise  sur  les  rapports  de  cette  variété,  d'après  les  dessins 
fournis.  Toutefois  les  enveloppes  semblent  posséder  une  carène 
dorsale,  bien  accentuée  dès  leur  base,  et  c'est  là,  nous  le  savons, 
un  caractère  anatomique  commun  aux  blés  poulards  et  aux  blés 
durs.  La  forme  des  grains  permet,  ici  encore,  d'exclure  immédiate- 
ment tout  rapprochement  avec  les  blés  durs,  sans  que  nous  puissions 
trouver  sur  les  dessins  des  renseignements  suffisants  pour  nous 
permettre  d'attribuer  définitivement  le  blé  moyen  des  palafittes  au 
T.  compactum  plutôt  qu'au  7.  turgidum. 

Heer  semble  encore  s'être  basé  surtout  sur  la  taille  des  grains,  in- 
termédiaire entre  celles  de  ses  deux  variétés  précédemment  étudiées. 
Ce  caractère  mis  à  part,  il  est  difficile  de  distinguer  certains  grains 
de  blé  moyen  représentés  dans  la  figure  19  (c,  /)  de  ceux  que  Ton  peut 
voir  classés  sous  le  nom  de  T.  vulgare  antiquorum  au  musée  d'An- 
necy et  provenant  de  Mosseedorf.  Cette  station  est  citée  par  Heer 
comme  ayant  fourni  du  petit  blé  des  palafittes,  ce  qui  nous  permet 
d'avoir  confiance  dans  la  détermination  des  échantillons  d'Annecy. 
Dans  les  deux  cas  la  gouttière  est  profonde,  le  grain  est  large, 
échancré  à  ses  extrémités  et  semble  en  quelque  sorte  bilobé. 

Bien  différent  est  un  T.  vulgare  antiquorum  que  l'un  de  nous  a 
pu  voir  au  musée  de  Lausanne  ;  la  taille  de  ce  blé  semble  devoir  le 
faire  ranger  plutôt  avec  le  blé  moyen  de  Heer.  Il  en  est  de  môme 
pour  du  blé  de  Wangen,  bien  voûté  et  fortement  échancré,  qui 
est  conservé  au  musée  de  Genève.  Dans  ce  dernier  musée  se  trouve 
aussi,  au  milieu  d'autres,  un«  gros  froment  »  provenant  d'échanges, 
qui  a  de  bien  grands  rapports  avec  le  gros  blé  des  palafittes  de 
Heer,  et  un  «  petit  froment  »,  provenant  aussi  d'échanges,  de 
dimensions  intermédiaires  entre  celles  du  petit  blé  et  du  blé  moyen 
des  palafittes. 


)20 


C.  ET  J.  COTTE. 


Bien  que  d'origines  diverses,  les  échantillons  dont  nous  venons  de 
parler  présentent  des  caractères  analogues,  permettant  d'établir 
entre  eux  des  liens  de  parenté,  et  leur  nombre  semble  bien  venir 
corroborer  les  déductions  que  nous  avons  cru  pouvoir  tirer  des 
descriptions  données  par  Heer. 

Les  blés  poulards  auraient  donc  été  fréquemment  cultivés  aux 
temps  préhistori(|ues.  On  sait  que  ce  sont  des  blés  d'automne,  qu'ils 
sont  assez  sensibles  au  froid,  ce  qui  limite  leur  culture  actuelle;  nous 
voyons  cependant  la  Nonnette  de  Lausanne  continuer  à  jouir  d'une 
certaine  faveur  dans  la  terre  classique  des  palafittes.  Ce  qui  les  fait 
estimer  par  les  agriculteurs  modernes,  c'est  leur  résistance  aux 
maladies  cryptogamiques,  leur  rusticité  habituelle  et  leur  produc- 
tivité, qualités  qui  devaient  être  précieuses  pour  des  populations 
primitives,  mais  qui  sont  contrebalancées  aux  yeux  de  nos  contem- 
porains par  la  qualité  inférieure  du  grain  qu'ils  fournissent. 


Le  r.  turgidmn  n'était  pas  le  seul  connu  des  anciens  agriculteurs. 
Nous  ne  savons  pas  s'il  faut  accepter  sans  réserves  l'attribution  à 
cette  sous-espèce  de  certains  échantillons  du  lac  du  Bourget,  con- 
servés au  musée  de  Chambéry,  car  la  voussure  des  grains  nous  a 
paru  bien  peu  marquée.  Elle  est  certainement  aussi  nette  chez  un 
certain  nombre  de  races  actuelles  de  blé  tendre.  C'est  d'ailleurs 
sous  le  nom  de  T.  vulgare  que  sont  exposés  dans  le  même  musée 
d'autres  grains,  de  la  même  provenance,  très  allongés  et  très  peu 
renflés  ;  certains  échantillons  ont  même  la  face  dorsale  légèrement 
excavée.  Le  musée  de  Genève  possède  également  du  blé,  en  fort 
beaux  grains,  qui  nous  paraît  devoir  être  rapporté  au  blé  tendre. 

Notre  collection  de  végétaux  de  l'abri  de  la  Font-des-Pigeons 
renferme,  à  côté  du  blé  poulard  sur  lequel  nous  avons  insisté,  des 
grains  de  forme  allongée  dont  nos  dessins  (fig.  4  et  5)  donnent 
une  idée  suffisante  (1).  Il  serait  imprudent  sans  doute  de  vouloir 

(1)  Au  muséum  d'Aix-en-Provence  sont  exposés  des  végétaux  carbonisés  qui, 
d'après  l'étiquette,  proviennent  de  Robenhausen.  Cette  indication  doit  être  exacte 
car  Mii«  Rostan,  qui  a  légué  ces  objets  à  la  ville  d'Aix,  faisait  ses  acquisitions  chez 


RECHERCHES  SUR  QUELQUES  BLÉS  ANCIENS.  52* 

les  rattacher  comme  types  aberrants  au  T,  turgidiim,  dont  les  dif- 
férencie le  seul  caractère  que  nous  puissions  utiliser  en  l'absence 
des  enveloppes,  la  voussure  dorsale,  et  ce  serait,  semble-t-il,  vou- 
loir admettre  pour  le  2\  iurgidum  de  Ghàteauneuf  une  amplitude 
de  variations  vraiment  exagérée  que  de  lui  attribuer  des  grains 
aussi  allongés.  La  forme  générale  est  celle  d^un  certain  nombre  de 
variétés  de  T.  sat,  viilgare.  Le  T.  sat.  diirum  qui  d'ailleurs,  d'après 
de  CandollC;,  n'est  connu  dans  nos  régions  que  depuis  l'ère  chré- 
tienne, est  à  la  fois  fortement  allongé  et  pointu  :  nous  n'aurons  pas 
à  nous  occuper  de  lui,  non  plus  que  des  épeautres  dont  les  balles 
seraient  certainement  restées  adhérentes  aux  grains,  au  moins  sur 
quelques  échantillons.  On  comprendra  facilement  qu'en  l'absence 
d'épis  et  même  d'enveloppes  nous  n'ayons  pas  essayé  de  comparer 
nos  exemplaires  isolés  aux  races  actuellement  cultivées.  Leur 
forme  est  d'ailleurs  très  variable  ;  la  cause  peut  en  être  dans  l'insuf- 


FiG.  5. 


fisance  de  fixité  de  la  race  de  T.  vulgare  dont  les  populations  de 
Ghàteauneuf  nous  ont  laissé  des  témoins,  ou  bien  dans  des  métis- 
sages, peut-être  suivis  de  variation  désordonnée,  avec  le  blé  pou- 
lard  qui  l'accompagne.  Mais  peut-on  parler  de  métissage  du  blé  en 
dehors  de  l'intervention  voulue  de  l'homme  et  peut-on  attribuer  à 
l'homme  de  cette  époque  la  connaissance  d'une  opération  aussi  déli- 
cate? 

Nous  n'osons  pas  nous  prononcer  non  plus  sur  les  affinités  du 
grain  allongé  qui  est  représenté  dans  la  figure  6,  et  qui  provient 
du  même  gisement  que  les  précédents,  où  il  n'existe  qu'à  Tétat  de 
rareté. 

Il  est  regrettable  que  nous  manquions  d'indications  sur  les  ins- 
truments de  culture  de  la  population  néolithique  de  Ghàteauneuf, 

Stiier.  Malheureusement  on  ne  peut  affirmer  que  ces  végétaux  ne  soient  pas  le 
mélange  de  produits  de  fouilles  faites  en  des  points  différents.  Il  est  cependant 
intéressant  de  constater  la  présence  simultanée  de  grains  nombreux  rappelant  celui 
de  la  Qgure  5  pour  Timportance  de  la  voussure,  alors  que  d'autres  se  rapprochent  de 
ceux  des  figures  2  et  6. 


522  C.  ET  J.  GOTÏE. 

(jiii  aj)partiont  à  une  époque  antérieure,  sans  doute,  à  celle  pendant 
la(]uellc  a  lleuri  la  civilisation  mégalithique  de  la  région.  L'un  de 
nous  a  décrit  (1)  un  fragment  de  tibia  de  bœuf,  taille  en  biseau  et 
paraissant  avoir  servi  à  creuser  la  terre;  les  cornes  de  cerf,  qui  ont 
fourni  beaucoup  d'instruments  agricoles  des  palafittes,  ne  sont 
encore  représentes  à  l'abri  de  la  Font-des-Pigeons  que  par  deux 
extrémités  d'andouillers  non  travaillés.  En  revanche  les  meules  et 
les  molettes  sont  très  nombreuses  dans  la  station. 

Dans  cette  dernière  nous  n'avons  pu  caractériser  avec  certitude, 
comme  animaux  domestiques,  que  le  bœuf,  le  porc  et  la  chèvre.  A 
cote  du  nom  du  mouton  il  faut  mettre  un  point  d'interrogation. 
Les  marques  laissées  par  les  dents  de  carnassiers  sur  quelques 
ossements  sont  de  tailles  très  variées  ;  en  outre  elles  sont  relative- 
ment rares  dans  notre  collection,  bien  que  nous  ayons  ramassé  avec 
soin  un  grand  nombre  de  débris  ostéologiques  pour  les  laver  et  les 


FiG.  6. 


examiner  à  loisir  ;  aussi  pensons-nous  qu'elles  ne  sont  pas  dues  au 
chien  domestique.  Parmi  les  végétaux  cultivés  nous  ne  pouvons 
signaler  que  le  blé.  Un  examen  approfondi  de  fragments  qui  res- 
semblaient à  de  Torge  nous  amène  à  croire  que  le  froment  était  la 
seule  céréale  cultivée  à  cette  époque  aux  bords  de  l'étang  de  Berre. 
Il  semble  donc,  en  l'état  actuel  de  la  question,  que  ces  antiques 
Provençaux  étaient  dans  un  état  de  civilisation  plus  incomplet  que 
les  habitants  de  Robenhausen. 

Il  est  difficile  de  se  faire  une  opinion  ferme  sur  les  variétés 
actuelles  auxquelles  il  conviendrait  de  rattacher  les  deux  autres 
blés  que  nous  avons  à  étudier. 

Les  grains  recueillis  par  M.  Pistât  dans  les  loyers  gaulois  de  la 
Marne  sont  généralement  allongés,  certains  même  sont  extrême- 
ment étroits. 

Vus  de  profil,  ils  ont  leurs  deux  extrémités  atténuées,  parfois 

(1)  Objets  en  pierre  et  en  os  de  l'abri   de  la  Font-des-Pigeons.  Congrès  de  VA.  F. 
A.  S.,  1904,  2e  vol.,  p.  968. 


RECHERCHES  SUR  QUELQUES  BLÉS  ANCIENS.  523 

même  pointues,  et  leurs  deux  faces  sont;  convexes.  Un  certain 
nombre  d'entre  eux  sont  fortement  comprimes  latéralement,  ce  qui 
a  déterminé  la  formation  d'une  voussure  dorsale  qui  prend  presque 
la  forme  d'une  carène.  La  section  du  grain  (A)  a  alors  la  forme  d'un 
triangle  à  angles  arrondis  dont  le  plus  petit  côté  est  parfois  consti- 
tué par  la  face  ventrale.  Mais  tandis  que  les  épeautres  et  la  majorité 
des  blés  durs  ont  une  sorte  d'arête  vive  qui  borde  cette  dernière 
face  de  chaque  côté,  sur  notre  blé  gaulois  les  lèvres  de  la  fente  du 
grain  sont  presque  toujours  à  section  arrondie.  Cette  fente  est  très 
étroite.  Les  dimensions  du  grain  sont  en  moyenne  de  5  à  6  mm. 
pour  la  longueur,  et  pour'la  largeur  de  2  à  2°'",5. 

Nous  n'avons  pu  identifier  ce  blé  avec  aucune  variété  moderne, 
cependant  certaines  races  de  T.  sat,  vulgare  et  de  T.  sat.  compac- 
tum  offrent  avec  lui  des  analogies  assez  marquées.  Le  blé  connu 
dans  le  commerce  sous  le  nom  de  Tendre  red  winter  est  celui  qui 


FiG.  7. 


s'en  rapprocherait  le  plus,  néanmoins  les  échantillons  que  nous  en 
avons  ne  présentent  pas  des  flancs  aussi  comprimés  et  une  région 
dorsale  aussi  proéminente  que  dans  le  froment  gaulois. 

Ce  dernier  paraît  donc  nettement  distinct  des  blés  préhistoriques 
que  nous  avons  passés  en  revue.  Il  renferme  quelques  grains  très 
allongés,  parfois  à  face  ventrale  aplatie,  qui  n'ont  pas  le  moindre 
point  de  ressemblance  avec  les  blés  de  notre  collection  ;  au  contraire 
ils  sont  absolument  identiques  aux  graines  d^yEgiiops  ovata  que 
nous  avions  récoltés  en  vue  de  cette  étude.  Nous  n'osons  tirer 
aucune  conclusion  de  ce  fait^  d'autant  plus  que  certains  exemplaires 
semblent  établir  une  transition  entre  les  formes  extrêmes  de  ce  lot 
de  grains.  Ceux  que  nous  avons  étudiés  en  premier  lieu  sont  en  réa- 
lité de  formes  et  de  tailles  assez  variables,  ce  qui  semble  indiquer 
(}ue  nous  avons  affaire  à  une  race  présentant  des  variations  éten- 
dues. 

La  dernière  récolte  qu'il  nous  reste  à  étudier  est  celle  que 
M.  Pagès-Allary  a  faite  à  la  station  du  Rocherde-Laval.  Elle  pré- 


524  C.  ET  J.  COTTE. 

sente  des  caractères  absolument  originaux.  On  ne  peut  espérer  la 
rencontrer  sur  nos  marchés,  d'où  l'exclueraient  ses  dimensions 
extrêmement  réduites.  Il  ne  s'agit  cependant  pas  de  grains  mal 
nourris  :  ils  sont  au  contraire  bien  pleins,  bien  formés,  sans  aucune 
ride.  La  région  dorsale  est  assez  régulièrement  convexe,  et  les 
extrémités  très  obtuses  ;  la  région  ventrale,  plane  dans  son 
ensemble,  est  échancrée  à  ses  extrémités  et  coupée  dans  son 
milieu  par  une  fente  étroite  et  peu  profonde  que  limitent  deux 
lèvres  à  faible  convexité.  Si  ce  n'était  cette  saillie  des  lèvres,  il  serait 
possible  de  comparer  ces  caryopses  à  des  grains  de  café.  Certains 
d'entre  eux  cependant,  tout  en  conservant  la  même  allure  géné- 


FiG.  8. 


raie,  prennent  une  forme  beaucoup  plus  allongée  et  s'écartent  nota- 
blement du  type. 

Ainsi    que   nous   l'avons  déjà  dit,  leurs  dimensions  sont  très 

réduites  :  la  longueur  moyenne  est  de  4  mm.  et  la  largeur  de  2°"°,5 
en  général. 

Ce  caractère  fait  songer  immédiatement  au  petit  blé  des  palafittes  ; 
on  pourrait  également  voir  une  analogie  entre  ces  deux  races  dans 
les  échancrures  des  extrémités  et  dans  l'aspect  comme  bilobé  de  la 
face  ventrale,  mais  la  voussure  de  la  région  dorsale  permet  de  dif- 
férencier complètement  les  deux  blés.  Il  nous  paraît  certain  qu'il 
s'agit  d'une  variété  non  encore  décrite  appartenant  au  T.  sat.  md- 
qare  et,  cette  fois  encore,  complètement  éteinte  en  Europe  alors 
qu'elle  y  était  cultivée  durant  notre  ère. 


NOTES 


SUR  LES 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENNES 


PAR 


M.  LE  Lieutenant  DESPLAGNES 
(avec  2  planches) 


La  connaissance  plus  approfondie  que  nous  avons  acquise,  pendant 
ces  dernières  années,  des  populations  soudanaises,  par  l'observa- 
tion de  leurs  mœurs  et  coutumes,  par  le  recueil  de  leurs  légendes 
et  traditions,  par  Fétude  de  leur  langage;  enfin  les  dernières  décou- 
vertes archéologiques  et  la  comparaison  des  monuments  préhisto- 
riques trouvés  tant  au  Soudan,  au  Sahara,  en  Guinée  qu'en  Ethiopie 
et  en  Nubie,  permettent  actuellement  de  discerner  vaguement  l'ori- 
gine de  quelques-unes  des  grandes  migrations  qui  ont  amené  sur  les 
bords  du  Niger  moyen  ces  divers  groupements  ethniques  de  types 
si  différents,  dont  les  éléments,  plus  ou  moins  métissés  et  mélangés 
parles  événements  politiques,  occupent  par  leurs  clans  ou  confédé- 
rations notre  Empire  soudanais. 

* 

Les  premières  traces  d'Humanité  retrouvées  jusqu'à  ce  jour  sur 
les  bords  du  Niger  appartiennent  toutes  à  la  période  néolithique 
africaine. 

L'observation  des  nombreux  ateliers  laissés  par  les  primitifs  sur 
les  berges  de  la  branche  orientale  du  Niger,  sur  les  émergences  de 
la  région  lacustre,  enfin  sur  les  bords  des  oueds  sahariens  et  des 
dépressions  de  l'Azaouad,  démontre  que  pendant  cette  période  le 
climat,  bien  plus  humide  que  de  nos  jours,  fournissait  à  ces  popu- 
lations des  ressources  suffisantes.  Toutefois  il  apparaît  que  déjà  à 
cette  époque  la  grande  région  lacustre  nigérienne  avait  trouvé  un 
déversoir  par  la  faille  de  Tosaye,  et  que  le  cours  oriental  du  Niger 
recevait  comme  tributaire  l'Oued  Telemsi,  collecteur  des  massifs  de 
FAdrar,  roulant  encore  des  eaux  abondantes  et  poissonneuses. 
Dans  les  débris  des  foyers  et  des  cuisines,  nombreux  parmi  les 

l'anthropologie.  —  T.  xvn.  —  1906. 


526  M.  DESPLAGNES. 

ateliers,  s'observent  beaucoup  d'ossements  de  poissons,  de  san- 
gliers, d'antilopes,  mêlés  à  des  fragments  de  vases  en  pierre,  en 
jaspe,  et  à  quelques  ornements  en  agathe,  en  silex  ou  môme  en 
terre  cuite.  Tout  autour  sont  éparpillés  une  grande  quantité  de 
ptîtits  instruments  :  couteaux,  burins,  retouchoirs,  racloirs,  grat- 
toirs, pointes,  perçoirs,  poinçons  et  lames  à  dos  rabattu,  avec 
les  rognons  de  silex  qui  ont  servi  à  les  produire.  Ces  silex  pro- 
viennent de  l'Adrar  oriental  et  des  massifs  sabariens.  Les  gros 
instruments  sont  plus  rares  dans  les  ateliers  eux-mêmes  car,  à  part 
quelques  bacbettes,  ciseaux,  gouges  de  petite  taille,  on  ne  trouve 
en  surface  que  des  broyeurs  concasseurs  de  formes  variées,  avec 
des  meules  dormantes.  En  revancbe,  les  grandes  bâches,  massues, 
marteaux,  ciseaux  sont  disséminés  abondamment  aux  environs 
et  dans  les  cimetières  des  nomades.  Ils  proviendraient  en  grande 
partie,  au  dire  des  indigènes,  de  sépultures  néolitbiques  situées 
dans  les  massifs  de  l'Adrar,  où  les  cadavres  des  primitifs  seraient 
accroupis  dans  les  cavernes,  entourés  de  tout  un  mobilier  de  l'âge 
de  la  pierre  polie  soudanaise. 

On  peut  remarquer  que  les  sépultures  retrouvées  au  milieu  des 
ateliers  contiennent  également  des  corps  accroupis  recouverts  par 
un  vase  renversé  entouré  d'un  petit  cercle  de  4  à  5  pierres,  couron- 
nant un  léger  tertre  funéraire  (1). 

La  poterie,  en  effet,  est  apparue  pendant  cette  période  néolitbique  ; 
car  on  en  trouve  de  nombreux  fragments  mêlés  aux  cendres  des 
foyers,  et  ornés  d'une  décoration  variable,  en  creux  ou  en  relief. 

Cet  âge  de  la  pierre  polie  africaine  nous  a  également  laissé  dans 
la  région  lacustre  nigérienne  quelques  curieux  monuments  méga- 
lithiques. Ce  sont  ces  groupes  si  caractéristiques  de  monolithes 
polis,  cylindro- coniques,  ornés  de  sculpture,  généralement  attribués 
par  les  traditions  aux  Bosos,  premiers  pécheurs  du  grand  fleuve. 

Si  nous  comparons  les  objets  recueillis  et  les  monuments 
observés  dans  notre  Soudan  nigérien,  avec  ceux  retrouvés  dans  les 
différentes  parties  de  l'Afrique  du  Nord,  en  ces  dernières  années, 
nous  sommes  obligés  de  constater  d'étonnantes  similitudes,  et  cer- 
tains rapprochements  paraissent  s'imposer  à  l'esprit.  M.  l'adminis- 

(1)  Des  sépultures  de  ce  genre  ont  été  trouvées  dans  la  province  de  Constantine. 

M.  Cristy  a  fouillé  en  1863  « 14  cromlechs  qui  étaient  des  tombeaux.  Le  cadavre 

y  avait  été  déposé  dans  une  position  assise,  accompagné  quelquefois  d  anneaux  de 
cuivre  ou  de  fer,  de  silex  travaillés  et  de  fragments  de  poteries w  {Recueil  de  no- 
lices  el  mémoires  de  la  Société  Archéologique  de  la  province  de  Constantine,  1863, 
page  214. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENNES.  527 

trateur  Arnaud  vient  de  signaler  au  Tag'out,  dans  le  Sud  de  la  Mau- 
ritanie, des  groupements  de  pierres  levées  et  des  figurines  ru- 
pestres  (1). 

Sur  les  plateaux  éthiopiens,  la  mission  du  Bourg  de  Bozas  a  ren- 
contré des  monuments  litliiques  semblables  à  ceux  qui  furent  élevés 
sur  les  bords  des  grands  lacs  nigériens.  Enfin  le  capitaine  Duche- 
min  a  découvert  en  Gambie,  soit  isolés,  soit  accompagnant  des 
tumuli,  des  monolithes  qui  paraissent  également  avoir  une  grande 
analogie  avec  les  précédents. 

Les  petits  instruments  de  l'âge  de  la  pierre  polie  récoltés  au 
Somal,  en  Abyssinie  et  sur  les  plateaux  éthiopiens  par  les  missions 
Revoil  et  du  Bourg  de  Bozas,  en  ce  moment  étudiés  par  le  D'"  Delisle 
au  laboratoire  d'Anthropologie  du  Muséum,  présentent  de  grandes 
similitudes  de  forme  et  de  travail  avec  les  pointes  de  lances,  les 
couteaux  et  les  lames  à  dos  rabattu  de  nos  ateliers  soudanais. 
Quant  à  l'outillage  néolithique  récolté  dans  les  ateliers  des  environs 
de  Timbo  (Haute  Guinée)  par  M.  l'administrateur  P.  Guebhard,  il 
est  exactement  semblable  à  celui  des  plaines  nigériennes.  Les  frag- 
ments de  poteries  trouvées  dans  le  désert  Somali,  dans  le  Sahara 
et  sur  les  bords  du  Niger  sont  également  de  composition  et  de  fac- 
tures identiques.  Elles  ont  été  obtenues,  comme  M.  le  D'"  Hamy 
et  M.  Hébert  l'ont  si  judicieusement  fait  observer  au  musée  du  Tro- 
cadéro,  en  poussant  de  la  terre  dans  des  nattes  faites  en  feuilles  de 
palmiers  Doums  (Cucifera  Thebcdca).  Cette  méthode  est  encore 
employée  par  les  Songhoï,  les  Sorkos  et  les  primitifs  soudanais  de 
l'Est.  De  même  les  pointes  de  flèches  soudanaises  se  rapprochent 
beaucoup  de  celles  que  l'on  trouve  bien  plus  au  Nord  dans  les  oasis 
sahariennes. 

Quelques-uns  des  instruments  les  plus  caractéristiques  du  Néoli- 
thique de  cette  région  restent  encore  en  usage  chez  certaines 
populations  noires  des  rives  Est  du  Niger,  à  l'exclusion  des  derniers 
conquérants  du  pays.  Ce  sont  les  broyeurs,  pilons,  cylindres  écra- 
seurs  et  les  formes  variées  des  meules  dormantes  que  E.  F.  Gau- 
tier a  trouvés  si  abondamment  sur  les  pentes  de  l'Adrar. 

Enfin,  dans  la  décoration  de  Tâge  néolithique,  un  motif  très  parti- 
culier, signalé  par  M.  le  D*^  Hamy  sur  les  fragments  de  poteries 
récoltés  au  milieu  de  Toutillage  préhistorique  delà  grotte  de  Kakimbo 
à  Rotoma,  près  de  Konakry  (Guinée  française),  dessin  représentant 

(1)  Bullei.  de  ta  Société  d'Anthropologie  de  Paris,  1906,  n°  2. 


528  M.  DESPLAGNES. 

une  espèce  de  digitation  inégale  (^t  imbriquée  en  désordre,  a  été 
retrouvé  dans  l'ornementation  d'une  poterie  funéraire  surmontant 
une  des  tombes  d'un  tumulus  du  Yagba  (Haut  Dahomey),  puis  sur 
une  des  grandes  pierres  cylindro-coni({ues  du  monument  lithique 
de  Tondidarou  (pi.  II,  fig.  1),  dans  la  région  lacustre  nigérienne. 
Enfin,  un  motif  ornemental  analogue  a  été  observé  dans  des  débris 
de  poteries  d'un  ancien  atelier  de  «  noumou  »  près  de  Bamako  ;  il 
figure  dans  les  dessins  rupestres  de  Sangoi  (pi.  III,  fig.  2)  et  reste 
encore  employé  de  nos  jours  dans  les  broderies  indigènes  du 
Haoussa  et  du  Mossi. 

Decet  ensemble  de  faits  et  de  constatations,  il  n'est  peut-être  pas 
trop  prématuré  de  supposer  que,  vers  la  fin  du  Quaternaire,  une 
civilisation  néolithique  assez  avancée  régnait  sur  toute  la  région 
saharienne  et  soudanaise  actuelle,  de  la  mer  Rouge  à  l'Océan 
Atlantique.  Cette  civilisation  était  probablement  très  voisine,  si 
elle  ne  s'assimilait  pas  complètement,  à  celle  des  races  éthiopiennes 
qui,  d'après  M.  Blanckenhorn(l),  auraient  peuplé  l'Egypte  à  l'époque 
quaternaire.  En  effet,  dans  cette  partie  du  globe  on  constate  que  la 
distinction  entre  le  Paléolithique  et  le  Néolithique  est  bien  moins 
marquée  qu'ailleurs,  et  on  a  été  conduit  à  l'hypothèse,  d'après  les 
observations  sur  les  ateliers,  les  outillages  et  les  divers  documents 
récoltés,  que  les  Paléolithiques  et  les  Néolithiques  d'Egypte  étaient 
apparentés  les  uns  aux  autres  et  appartenaient  peut-être  au  môme 
peuple.  Us  représentaient  la  partie  la  plus  progressive  du  tronc 
hamitico-libyen  qui,  venu  d'Arabie,  peuplait  le  nord  de  l'Afrique 
et  qui  a  occupé  temporairement  les  îles  grecques  et  les  côtes  sep- 
tentrionales de  la  Méditerranée  avant  la  période  mycénienne. 

Ces  Néolithiques  différaient,  par  leurs  caractères  physiques  et  par 
leurs  mœurs,  des  populations  qui  ont  dominé  l'Egypte  pendant  l'é- 
poque historique  :  les  envahisseurs  Sémites-sumériens,  qui,  venus 
des  vallées  de  l'Euphrate  aux  temps  préhistoriques,  se  mélangè- 
rent aux  autochtones  en  leur  apportant  la  connaissance  de  l'agri- 
culture, de  la  construction,  de  la  métallurgie  et  de  l'écriture. 

D'après  Schweinfurth,  ces  Néolithiques  éthiopiens  se  rattache- 
raient aux  populations  nubiennes,  en  particulier  auxBegaou  Bedjas. 
Ils  seraient  venus  du  Sud  et  du  Sud-Est  et  auraient  habité  avant 
d'arriver  en  Egypte  les  déserts  arabiques  et  libyques  dont  le  climat 
était  encore  humide. 

Ils  avaient  des  instruments  en  silex  et  en  jaspe,  des  vases  de 

(1)  Voir  V Anthropologie,  t.  XVI,  n»  6,  1905. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGERIENNES  529 

pierre,  ils  connaissaient  la  poterie,  mais  toujours  ignorèrent  l'art  de 
construire  des  maisons  et  la  confection  des  briques.  Nomades 
vivant  de  chasse,  ils  brûlaient  les  corps  de  leurs  chefs,  tandis  que 
ceux  des  autres  personnes  étaient  enterrés  en  position  fléchie. 

De  nombreux  rapprochements  semblent  donc  s'imposer  entre  les 
Néolithiques  égyptiens  et  nos  Néolithiques  soudanais  et  sahariens 
de  la  fin  du  Quaternaire;  mais  toutes  ces  présomptions  et  ces  proba- 
bilités ne  peuvent  devenir  des  certitudes  que  lorsque, dans  les  ateliers 
soudanais,  les  études  stratigraphiques  des  gisements  et  les  obser- 
vations craniométriques  des  documents  découverts  établiront  scien- 
tifiquement les  corrélations  existantes  entre  ces  types  humains  pri- 
mitifs et  les  périodes  géologiques  pendant  lesquelles  ils  vécurent. 


II 

Parmi  le  métissage  extraordinairement  varié  des  différents  grou- 
pements poKtiques  de  notre  Empire  soudanais,  onretrouve,  dans  cer- 
taines castes  d  individus  et  même  dans  quelques  tribus,  des  survi- 
vances de  traditions,  coutumes,  mœurs,  industrie,  qui  semblent 
devoir  nous  les  faire  rattacher  aux  Néolithiques  soudanais  et  nous 
autorisent  à  prendre  en  considération  les  légendes,  qui  attribuent  à 
leurs  ancêtres  directs  la  construction  des  grands  monuments  mégali- 
thiques nigériens. 

Les  tribus  et  les  familles  qui,  de  nos  jours,  ont  conservé  un  très 
grand  nombre  de  points  communs  avec  les  Néolithiques  sont  répar- 
ties sur  les  bords  du  Niger,  du  Sénégal  et  de  leurs  affluents;  on  les 
retrouve  dans  toutes  les  régions  montagneuses  et  boisées  du  pla- 
teau central  soudanais,  du  Mossi,  de  la  Guinée,  mais  elles  existent 
également  dans  tout  le  Soudan,  plus  ou  moins  métissées  et  réduites 
à  Tétat  de  castes  industrielles. 

Ce  sont  de  grands  beaux  hommes,  de  teint  très  noir,  au  progna- 
thisme peu  prononcé,  caractérisés  par  des  jambes  longues.  Us  habi- 
tent presque  tous  des  huttes  rondes,  paillottes  en  forme  de  ruches, 
dont  la  membrure  est  constituée  par  des  perches  flexibles  fixées 
dans  le  sol  et  réunies  au  sommet.  C'est  ce  genre  d'habitation  que 
nous  retrouvons  à  travers  toute  l'Afrique,  de  la  mer  RougeàlWtlan* 
tique  ;  il  est  employé  par  les  Somali,  Danakil,  les  peuples  de  l'Ethio- 
pie et  du  Chari  (D""  Decorse)^  parles  riaoussas,les  Songhoï,  les  Mossi, 
les  pêcheurs  des  grands  fleuves  soudanais,  enfin  par  certaines  castes 

l'anthropologie.  —  T.  xvir. —  1906.  34 


530  M.  DESPLAGNES. 

sénégalaises  comme  les  Laobé,  Diawando,  N'Dao  (pi.  III,  fig.  6). 

On  peut  toutefois  faire  remarquer  que  dans  la  boucle  nigérienne, 
au  contact  des  populations  qui  emploient  des  cases  cylindriques  en 
terre  surmontées  d'un  toit  conique,  des  groupements  de  ces  primi- 
tifs ont  souvent  adapté  sur  leurs  ruclies  ovoïdes,  des  toits  coniques 
et  un  léger  revêtement  intérieur  en  terre. 

Les  dialectes  de  ces  descendants  des  primitifs  appartiennent  à 
des  idiomes  isolants  avec  tendance  à  la  flexion  et  par  là  se  rappro- 
chent des  langages  éthiopiens. 

Ces  tribus  et  ces  familles  paraissent  en  général  n'avoir  pas  eu  de 
totem  particulier,  mais  presque  chez  toutes,  parmi  la  collection  des 
nombreux  animaux  éponymiques,  qu'elles  ont  été  obligées  d'accep- 
ter successivement  en  passant  sous  la  domination  de  nouveaux 
conquérants,  nous  retrouvons  un  poisson,  ce  qui  montre  qu'à  une 
époque  lointaine  elles  ont  été  englobées  dans  la  confédération  «  des 
poissons  »,  dont  le  clan  principal  des  Ma  (lamentin)  a  donné  un 
nom  à  toute  une  région  soudanaise  du  N.-O.  Mandingue  (1). 

Chasseurs  et  pêcheurs,  ces  indigènes  se  livrent  à  quelques  cul- 
tures mais  restent  actuellement  les  seuls  à  broyer  leurs  grains  avec 
des  pierres  sur  des  meules  dormantes  et  à  fabriquer  de  la  poterie 
ornementée.  Tous  les  hommes  portent  un  bracelet  généralement 
en  pierre,  passé  au  bras  au-dessus  du  coude.  Chez  ceux  qui  ne 
sont  pas  trop  englobés  par  des  populations  musulmanes,  on  trouve 
les  restes  d'une  religion  spiritiialiste  ?  culte  rendu  à  des  génies 
locaux  sous  la  protection  desquels  ils  se  placent  particulièrement 
et  avec  qui  ils  échangent  des  signes  d'aUiance.  Ils  ont  des  intermé- 
diaires officiels  avec  ces  génies  et  peuvent  devenir  propriétaires 
exclusifs  de  la  protection  d'une  de  ces  puissances  occultes. 

Les  cérémonies  religieuses  consistent  surtout  à  offrir  des  sacri- 
fices et  des  libations  à  ces  divinités  de  puissance  variable  avec 
accompagnement  de  danses  par  des  jeunes  gens  masqués.  Dans  les 
tribus  indépendantes,  toutes  ces  cérémonies  sont  publiques. 

Ils  se  livrent  à  des  pratiques  de  «  magie  y>  pour  se  préserver  de 
la  maladie,  des  sortilèges  et  connaître  l'avenir. 


(1)  Mandé  veut  dire  :  Père  des  Ma  ou  Nda  du  Ma.  Ce  culte  paraît  être  un  culte  plus  chal- 
déeo  qu'égyptien,  c'est  la  représentation  d'Anou  de  Bel  chez  les  Phéniciens.  Chez  les 
Garthagiuois,  la  famille  des  Barca  avait  des  poissons  sacrés  comme  totem  (Salambo). 
L'introduction  de  ce  totem  parait  revenir  aux  peuples  sémites-sumériens  que  nous 
verrons  apparaître  après  les  Ilamites  primitifs,  se  superposant  et  se  mélangeant  à 
eux. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENHES.]  531 

Enfin  si  les  hommes  sont  circoncis,  les  femmes  ne  sont  jamais 
excisées.  Les  relations  sexuelles  sont  très  libres,  le  mariag^e  existe 
par  consentement  réciproque  et  la  polygamie  reste  admise. 

Les  morts,  excepté  dans  les  groupements  islamisés,  sont  placés 
accroupis  ou  fléchis  dans  des  excavations  verticales  ou  même  dans 
de  grands  vases  enterrés  dans  le  sol,  l'ouverture  supérieure  de  la 
tombe  est  fermée  par  un  vase  renversé,  entouré  d'un  petit  cercle  de 
8  à  10  grosses  pierres. 

Lorsqu'à  une  époque  ancienne  les  chefs  étaient  placés  dans  une 
chambre  funéraire  sous  tumuli,  le  revêtement  extérieur  du  monu- 
ment servait  de  cimetière  au  peuple. 

Jusqu'à  nos  jours,  on  plaçait  auprès  de  chaque  mort  les  objets 
nécessaires  et  utiles  pour  une  nouvelle  existence  dans  un  monde 
lointain,  et  même  on  chargeait  le  mort  d'offrandes,  de  cadeaux  (1) 
et  de  commissions  pour  les  gens  qui  l'avaient  précédé  dans  l'autre 
vie. 

Mais  des  idées  religieuses  et  les  restes  d'une  conception  philoso- 
phique orientale,  dont  l'étude  plus  complète  présenterait  un  intérêt 
capital,  se  retrouvent  également  chez  les  tribus  des  primitifs  non 
islamisés;  toutefois,  dans  l'état  actuel  de  nos  observations,  il  ne 
semble  pas  que  ces  idées  soient  absolument  personnelles  à  ces  pri- 
mitifs, elles  ont  pu  être  empruntées  aux  envahisseurs  Rouges  venus 
du  Nord,  actuellement  musulmans  fervents  pour  la  plus  grande 
partie. 

Chez  ces  peuples  nous  retrouvons  les  éléments  d'un  Culte  Astral 
et  d'une  Triade  Divine.  Le  grand  chef  religieux  et  le  feu  portent  le 
même  nom  (2)  et  dans  plusieurs  cérémonies  on  transporte  le  feu,  on 
lui  offre  des  sacrifices  et  des  libations;  puis,  chez  ces  mêmes  indi- 
gènes, la  femme,  le  soleil,  et  la  divinité  sont  désignés  parle  même 
terme  (3)  :  enfin  des  cérémonies  cultuelles  sont  rendues  au  Soleil 

(1)  Usage  ayant  cours  au  Yagha  chez  les  Songhoï  non  islamisés,  vers  Tera,  la  Sirba, 
le  Mossi,  le  Gourma. 

Au  Mossi-Gourma-Tera-Doforohi,  le  grand  prêtre,  chef  théocratique,  se  désigne 
par  «  Hougon  »  et  «  Bougon  »,  le  feu  se  dit  Bougo. 

(2)  Chez  les  Songhoï,  la  femme  se  dit  «  Oueï  »,  féminin  «  Oueïnne  »  et  soleil 
«  Oueina?»  Chez  les  Mosschis,  la  femme  se  dit  «  Oneïna  »,  le  soleil  «  Oneïniga  », 
(Dieu  Onendé);  («  Onendiga  Gourma  ngo  tiengo  Tieno  »  Dieu  Tiengo).  C'est  le  Dieu 
féminin  que  l'on  invoque. 

(3)  Les  tribus  mâles  sont  précédées  du  terme  qui  signifie  mâle  «  Ahr,  Har,  Sar, 
Mar,  Ht^r,  Kar  »;  ainsi  on  a  «  Har-Onar  »  la  tribu  des  Ona-màles;  de  même  «  Ilarma 
Kar-amba  Markas,  Sar  Kollé  »,  et  la  divinité,  Dieu,  devient  pour  eux  comme  à 
Tombouctou  «  Har-Koï  »  ou  '<  Herkoi  »,  le  chef  des   mâles,  divinité  masculine  ;  le 


532  M.  DESPL AGNES. 

emblème  générateur  du  l'eu  fécondant  et  à  la  lune  honorée  comme 
principe  actif  (celte  dernière  coutume  a  laissé  des  traces  nond)reuses 
chez  les  musulmans  nig-ériens  et  principalement  chez  les  Markas, 
qui  saluent  la  lune).  Au-dessus  de  ces  deux  forces  divines  et  les 
englobant  existe  la  grande  divinité  toute  puissante  Amma,  Ammo, 
Amba  :  Éternelle  puismnce  créatrice. 

Mais  ce  qui  est  encore  plus  curieux  que  cette  reproduction  de  la 
triade  thébaine  des  forces  créatrices,  c'est  la  division  des  tribus  en 
mâles  ou  femelles,  selon  le  principe  divin  qu'elles  adorent;  cette 
coutume,  très  répandue  dans  la  Boucle  nigérienne,  est  caractérisée 
par  la  dénomination  des  familles,  la  décoration  donnée  à  leurs 
monuments  et  la  forme  des  autels  élevés  à  la  puissance  céleste  sui- 
vant le  principe  divin  adoré  par  le  groupement.  Chaque  tribu  est 
dirigée  par  un  chef  théocratique  dont  le  devoir  est  de  prier  lui- 
même  pour  une  triade  sur  un  autel  à  trois  pointes^(pl.  III,  fig.  1). 

Mais  les  observations  et  les  études  de  ces  conceptions  philoso- 
phiques n'ont  été  jusqu'à  ce  jour  que  très  imparfaitement  recueil- 
lies; il  serait  donc  prématuré  d'attribuer,  comme  on  l'a  dit  plus 
haut,  ces  idées  religieuses  ainsi  que  leur  diffusion  dans  les  régions 
nigériennes,  exclusivement  aux  descendants  des  primitifs  néoli- 
thiques. Car  si,  d'après  les  légendes  locales,  ces  Éthiopiens  noirs 
néolithiques,  en  colonisant  les  bords  du  Niger,  trouvèrent  dans  ces 
régions  des  Négrilles  et  des  peuplades  sauvages  avec  qui  elles  s'al- 
lièrent, tradition  qu'aucun  document  n'a  encore  permis  de  vérifier 
jusqu'à  ce  jour,  nous  voyons  également  les  traces  nombreuses 
d'une  migration  lente  et  continue  de  populations  à' Hommes  Ronges 
descendues  dès  la  plus  haute  antiquité  des  régions  méditerranéennes 
du  Nord  et  venant  se  mélanger  et  se  superposer  aux  primitifs  noirs 
en  leur  apportant  une  civilisation,  une  industrie,  des  arts,  un  lan- 
gage et  un  esprit  religieux  nouveaux,  se  rattachant  également  aux 
conceptions  orientales  et  asiatiques. 


111 

Tous  les  documents  écrits  (1)  que  nous  possédons  sur  la  période 
protohistorique    soudanaise   nous   parlent  de   peuplades  rouges, 

graod  prêtre  des  Mosscliis  adorant  le   soleil   principe  générateur  femelle;  «  Hougo 
Ouango  )',  le  prêtre  du  Feu  de  la  tribu  de  Oua  femelle,  et  toutes  ces  tribus  femelles 
se  terminent  par  «  ngo  ». 
(1)  El  BEKRr,  Yakhout,  Ibn-Khaldoun,  Ms.  de  Belle,  et  Tarick-es-Soudan. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENNES.  533 

cuivrées,  établies  sur  les  bords  du  Niger  Moyen,  confirmant  ainsi 
les  récits  que  nous  avait  légués  l'antiquité  grecque  et  latine  sur 
les  Éthiopiens  rouges  habitant  les  régions  sahariennes  de  l'Ouest 
Africain. 

Au  commencement  de  la  période  historique,  l'auteur  du  Tarick- 
es-Soudan  (page  8,  traduction  0.  Houdas)  nous  parle  de  Ganna,  la 
capitale  de  cet  empire  des  Ouakorc  qui  avaient  étendu  sa  domina- 
tion sur  toutes  les  populations  noires  du  Soudan  actuel.  Cette  ville 
voisine  du  Niger  (1)  était  le  grand  centre  de  la  confédération  des 
Oua  (2)  (Aigle)  dans  laquelle  toutes  les  tribus  confédérées  prirent 
comme  totem  un  oiseau,  coutume  qui  permet  de  retrouver  facile- 
ment de  nos  jours  d'anciens  membres  de  ces  groupements  chez  les 
Touareg,  les  Maures  Senahdjah,  les  Foulbé  et  les  Noirs  pêcheurs. 

D'ailleurs  les  historiens  nous  apprennent  que  cette  confédération 
formait  une  triade  de  tribus,  car  on  avait  les  Oua-Kore  (les  Oiseaux 
blancs),  les  Oua-Gara  (les  Oiseaux  rouges)  et  enfin  les  Oua-bibi 
(Oiseaux  noirs)  ou  Gabibi.  C'est  cette  confédération  des  oiseaux 
(Oua)  qui  supplanta  dans  le  Nord  l'ancienne  confédération  des  Pois- 
sons (Mandé).  Aussi,  dans  tout  le  Soudan  actuel  nigériennes  peuples 
soumis  ou  raJliés  prirent  le  titre  de  Rouge  (Ouïe  ou  Gara)  qui  est 
celui  de  la  famille  régnante  des  Anna,  dont  la  capitale  est  Ga-anna 
(campement  des  gens  Anna)  (3). 

Si  l'époque  de  l'immigration  de  ces  Rouges,  que  nous  voyons  ainsi 
établis  sur  les  bords  du  Niger  dès  la  période  protohistorique,  reste 
encore  inconnue,  les  légendes  des  tribus  du  plateau  central  soudanais 
et  celles  des  Maures  de  l'Ouest  Saharien  s'accordent  pour  donner  à 
leur  venue  dans  la  région  soudanaise  une  très  haute  antiquité.  Selon 
les  traditions  des  montagnards  soudanais, ceseraient  ces  envahisseurs 
qui  apportèrent  sur  les  bords  du  Niger  l'industrie  du  fer,  Fart  de 


(1)  Ganatha  était  situé  à  cheval  sur  un  petit  marigot  à  quelques  kilomètres  du 
Nif^er,  près  de  Banamba,  où,  d'après  les  indigènes,  ses  ruines  sont  très  visibles.  Je 
n'ai  malheureusement  pas  pu  vérifier  personnellement  les  dires  de  mes  indicateurs 
(25  kil.  au  N,  de  Nyamina). 

(2)  Dans  les  tribus  nouonkcs  de  la  montagne,  le  chef  religieux  est  salué  du  titre 
Hogon-Oua  (Aigle  des  Hogou)  ainsi  que  de  Har-Hogon-Hogon  des  mâles.  Les  chefs 
de  village  âgés  se  nomment auna-gara  (Hommes  rouges)  oaKas-anna (Hommes  des  Kas). 

(3)  Le  terme  Ga  signifie  :  campement  (des  gens  de);  il  est  très  employé  dans  le 
Nord  Soudanais,  partout  on  trouve  des  u  Ga-Korë  »  (campement  des  blancs), 
«  gabihi  n  (campement  des  noirs),  «  Gagara  »  (campement  des  rouges).  Les  capi- 
tales des  Oua  s'appelleront  souvent  «  Ouaga  ^>  (ex.  près  de  Nioro  et  dans  le 
Mossi).  C'est  quand  les  Sosos  et  Malinké  arrivèrent  qu'ils  ajoutèrent  par  superféta- 
tion  «  dou  >»  ou  «  dougou  »  qui  fait  «  Ouagadou  »  et  «  Ouagadougou  ». 


534  M.  DESPLAGNtS. 

construire  ilos  maisons  on  terre,  en  briques  ou  en  pierres,  connais- 
sances (ju'ils  transmirent  avec  le  titre  de  «  oulé  »  ou  de  «  gara  »  à 
toutes  les  tribus  de  la  Boucle  qui  leur  furent  soumises.  Partout  ils 
essaimèrent  des  colonies  de  pasteurs  et  de  commerçants  que  nous 
rencontrons  avec  leur  langage  si  spécial  dans  tout  le  Soudan,  sous 
les  noms  de  Sonninkés  (1),  Sarakollés,  Ouakorés,  Ouagara, 
Nononkés,  Ilaroua  Poulo  et  Markas.  Enfin  nous  pouvons  contrô- 
ler leur  aire  d'extension  jalonnée  parles  tombes  à  tuyaux  de  pote- 
ries et  par  ces  grands  tumuli  de  l'âge  du  fer  à  cheminée  centrale, 
monuments  funéraires  de  leurs  chefs,  qui  marque  l'extrême  limite 
de  leur  domination  dans  le  Haut-Dahomey,  la  Haute-Côte  d'Ivoire 
et  sur  les  bords  des  fleuves  de  la  Sénégambie. 

Mais  en  dehors  du  Soudan,  dans  tout  l'Ouest  Saharien,  le  Tagant, 
le  Hodh  et  l'Adrar,  ces  peuples  ont  laissé  d'autres  monuments 
témoins  de  leur  passage.  Sur  les  crêtes  des  plateaux  et  les  rebords 
des  falaises,  M.  l'administrateur  Arnaud,  delà  mission  Coppolani, 
vient  de  retrouver  des  quantités  de  ruines,  de  constructions  en  pierre 
(pi.  Il,  fig.  2)  que  les  Beïdhan  (Blancs),  Maures  Berbères,  disent  avoir 
été  élevées  par  les  Ga-gara  (gens  Rouges)  qui  occupaient  le  pays  avant 
eux.  Ces  constructeurs,  chassés  de  leur  territoire  par  les  invasions  des 
Maures,  seraient  venus  occuper  les  plateaux  du  Mandingue  qui 
portent  leur  nom,  le  Gangara,  vers  Kitha.  Ces  ruines  se  retrouvent 
sur  toutes  les  hauteurs  jusqu'aux  limites  de  la  zone  forestière  sou- 
danaise (2),  semblables  à  celles  des  Nononkés  des  plateaux  de  Ban- 
diagara. 

Dans  ces  constructions,  ils  avaient  mis  un  véritable  art  architec- 
tural des  plus  curieux  et  d'une  originalité  pleine  d'imprévu.  Les 
constructions  de  Djenné  et  de  Tombouctou,  l'ornementation  déco- 
rative des  maisons  dans  la  montagne  de  Bandiagara,  le  style  des 
mosquées  nigériennes,  celles  du  Touat  du  Tidikelt  (3)  et  Tornemen- 

(1)  Les  Sonninkés  qui  ont  fait  partie  de  Ja  confédération  des  Sanhadja  ou  Souna 
comme  beaucoup  de  pêcheurs  du  fleuve  (légende  de  Faram)  et  de  Berbères, 
Maures  et  Touareg  faisaient  dans  le  clan  des  «  Oua  »  partie  des  blancs,  taudis  que 
les  Maures  AUouchs,  les  Meschdoufs,  les  Foulbé  faisaient  partie  des  rouges.  Ces 
derniers  avaient  auparavant  fait  partie  du  clan  des  poissons  «  Ma  »  sous  le  nom  de 
«  Gara-mà  ». 

(2)  D"^  E.  Ruelle,  Populations  noires  du  deuxième  Territoire...  in  L'Anthropologie, 
t.  XV,  no  6. 

(3)  Voir  le  numéro  de  V Illustration  du  28  décembre  1901,  n»  3070,  page  419.  Les 
photographies  du  marabout  de  Zaouïet  Kountah,  du  marabout  de  Meragaen  (Touat) 
et  du  marabout  Sébaïn  Salah  (in  Salah)  sont  exactement  semblables  aux  mosquées  de 
Tombouctou,  de  Nyamina,  Sansanding  ou  de  Kong. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENNES.  535 

tation  des  maisons  de  Tazeur,  dans  le  S.  Tunisien,  montrent  une 
unité  de  conception  architecturale  surprenante  (pi.  II,  fig-.  3,  4,  5,  6). 

Ce  sont  les  restes  de  cette  civilisation  que  Duveyrier  a  découverts 
à  Garama,  au  Quecir-el-Watwat^  si  semblables  aux  curieuses  ruines 
du  Ksar-el-Barca  à  Tidjikdja  au  Tagant  (Mauritanie)  (1). 

Avec  ces  principes  architecturaux,  ils  apportèrent  Fart  du  tissage 
de  la  laine,  agrémentée  de  dessins  originaux  {kassa),  la  fabrication 
et  l'utilisation  des  métaux,  la  confection  des  bijoux  filigranes  et 
fondus  à  cire  perdue,  dont  les  modèles  de  nos  jours  se  retrouvent 
immuables  dans  les  grands  tumuli  côte  à  côte  avec  quelques  ins- 
truments de  l'âge  de  la  pierre  et  des  poteries  décorées  et  faites  au 
tour.  Ce  tour  de  modelage  très  primitif,  il  est  vrai^  n^est  en  usage  que 
chez  les  pêcheurs  qui  ont  été  les  alliés  des  Rouges,  les  Korongoï, 
chez  qui  on  retrouve  également  l'usage  des  grands  filets  [serines] 
qu'ignorent  encore  les  Sorkos  et  les  pêcheurs  primitifs  de  l'Est. 

Ces  peuples  ont  amené  du  Nord  le  bœuf  et  le  cheval  barbe  avec  des 
troupeaux  de  chèvres  et  de  moutons;  dans  tout  le  Sahara,  dans  le 
Hombori  et  les  grandes  plaines,  ils  ont  creusé  pour  abreuver  leurs 
troupeaux  ces  admirables  puits  de  plus  de  60  mètres  souvent,  qui 
servent  de  temps  immémorial  avec  leur  revêtement  de  pierres  (2). 

Ils  apportèrent  également  aux  populations  soudanaises  des  con- 
ceptions religieuses  nouvelles  et  des  principes  de  philosophie  ani- 
miste nouveaux,  introduisant  un  culte  des  morts  consistant  en 
offrandes  aux  mânes  des  défunts  sur  leuTs  tombeaux  et  sur  l'autel 
de  famille  où  les  âmes  des  ancêtres  viennent  se  reposer  avant  de  se 
réincarner  dans  la  famille  pour  perpétuer  la  race.  Leurs  morts 
sont  ensevelis  couchés  souvent  en  collectivité,  mais  non  par  famille, 
les  gens  de  même  âge  ensemble,  dans  des  chambres  funéraires 
placées  sous  les  rochers  ou  dans  des  caveaux  sous  tumuli;  ils 
orientent  les  corps  différemment  suivant  le  sexe  ou  la  fonction 
de  l'individu,  mais  ménagent  toujours  dans  le  tombeau  une  com- 
munication avec  l'extérieur.  Les  pêcheurs  «  korongoï  »  placent  à 
la  tête  du  mort  un  tuyau  de  poteries;  les  Peuhls  souvent  des  mor- 
ceaux de  bambous  creux  (3),  disposition  que  nous  trouvons  ména- 


(1)  Voir  Dépêche  coloniale  illustrée,  6^  année,  n»  3,  15  février    1906.  Œuvre  de  la 
France  en  Mauritanie. 

(2)  Lieutenant  Moreau,  Les  races  soudanaises  ou  Ethnographie  des  races  du  Soudan , 
page  20. 

(3)  M.  l'administrateur  Monteil  dans  sa  Monographie  de  Djenné,  ai  démontré  que 
Djenné  (comme  Tombouctou  d'ailleurs)  avait  été  fondée  par  des  Ouakoré,  des  gens 


538  M.  DESPLAGNES. 

l'île  de  Tekrour  sur  le  marig-ot  de  Diaka,  qui  h  la  chute  de  Ganna  de- 
vint le  centre  d'un  empire  musulman  noir.  Depuis,  le  nom  de  Tekror 
ou  Tekoror  ou  Tokolor  (l)  a  été  donné  à  tous  les  métis  musulmans 
de  Peulils  et  de  noirs,  tandis  que  les  tribus  foulbés  qui  nomadisaient 
autour  du  lac  Débo  conservaient  leur  nom  de  Oiuni-Garbès  (2). 
Mais  jusqu'à  maintenant  l'origine  de  ce  mouvement  de  migration 
et  la  composition  ethnographique  de  ces  peuples,  que  les  anciens  et 
les  Nigériens  nomment  Ethiopiens  rouges  (pi.  III,  fîg.  3  et  5)  res- 
tent encore  très  obscures,  car  on  trouve  des  traces  de  leur  passage 
dans  toute  l'Afrique  du  Nord. 

Nous  pouvons  constater  seulement  qu'ils  ont  apporte  avec  eux 
d'évidentes  coutumes  et  traditions  asiatiques,  sémites  ou  babylo- 
niennes, que  M.  G.  Ghatelier  avait  déjà  signalées  dans  son  livre 
ï Islam  en  Afrique  occidentale. 

Peut-être  rétro uvera-t-on  chez  les  sédentaires  Gara  la  suite  des 
invasions  sémites-sumériennes  qui  pénétrèrent  en  Egypte  pendant 
la  période  préhistorique,  apportant  les  éléments  de  la  civilisation 
de  l'Euphrate,  la  culture  du  blé,  la  domestication  du  bœut  et  du 
mouton,  l'art  de  préparer  les  métaux  et  de  faire  des  briques  (3),  et 
peut-être  devrait-on  rechercher  l'origine  d'une  partie  de  ces  enva- 
hisseurs nomades  vachers  (Ouïe)  dans  cette  suite  de  migration  de 
peuples  pasteurs  qui  envahirent  l'Egypte  2300  ans  avant  notre  ère 
et  n'en  furent  chassés  que  vers  1700,  d'ailleurs  pour  continuer  leur 
marche  vers  l'Ouest  sous  la  conduite  de  leur  roi  Arclès  (4).  C'est 
à  cette  époque  préhistorique  que  les  légendes,  grecques,  romaines 
et  arabes  (5)  font  arriver,  à  l'extrémité  orientale  du  Maroc,  un  Her- 
cule et  son  armée  composée  de  cent  peuples  divers. 

En  tout  cas,  on  peut  attribuer  facilement  à  l'un  de  ces  groupe- 
ments d'envahisseurs  rouges,  aux  sédentaires  industriels  venus  du 
Nord,  les  textes  anciens  sur  les  Farnsi  ou  Phaimsi  que  les  premiers 


(1)  La  ville  a  été  fondée  à  Tekrour  Rundee  (île  des  Nénuphars).  Tous  les  pêcheurs 
noirs  mangent  beaucoup  de  nénuphars  (lotus),  fruits  ou  racines  et  les  appellent 
Tekrou,  =  Tokoror^:  Pays  des  Nénuphars.  Hérodote  cite  déjà  des  populations  loto- 
phages. 

(2)  «  Ouagaro  »  fait  au  pluriel  «  Ouangarbé  ». 

(3)  Df  Blanckenhorn,  U Anthropologie,  t.  XVI,  page  672. 

(4)  Voir  Maspebo. 

(5)  Dans  les  traditions  arabes  rapportées  dans  le  manuscrit  de  Bello  ces  peuples 
sont  appelés  Berbères  et  pendant  qu'elles  signalent  une  invasion  qui  suit  les  côtes 
de  la  Méditerranée  jusqu'au  Maroc  s'arrètant  au  pays  de  Soussa,  elles  nous  eu  mon- 
trent une  autre  allant  en  Abyssinie  et  une  troisième  conquérant. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENNES.  539 

chroniqueurs  latin  nous  montrent  s'enfonçant  de  plus  en  plus  vers 
le  Sud. 

D'après  les  légendes,  Farès  serait  le  fondateur  de  Fèz.  Salluste 
nous  dit  d'abord  que  les  fils  Persée  ou  Perses  de  l'armée  d'Hercule 
(Pharusi),ense  mêlant  aux  Gélules,  ont  formé  la  nation  des  Numides. 


Salluste,  au  chapitre  XVIII  de  sa  Guerre  de  Jugurtha^  dit  que  les 
Perses  de  l'armée  d'Hercule,  après  la  mort  de  celui-ci,  s'étaient  éta- 
blis dans  la  région  des  Syrtes  en  s'abritant  sous  leur  vaisseau  ren- 
versé, et  leurs  descendants  auraient  adopté  cette  disposition  pour 
leurs  cases  [i]  (mapalia).  Strabon  (XVII,  ni,  7)  parlant,  lui,  des  popu- 
lations marocaines  au  commencement  de  notre  ère,  dit  :  «  Ces 
peuples  sont  appelés  Maurusii  par  les  Grecs,  et  Mauri  par  les 
Romains  et  les  indigènes  ».  Plus  loin,  il  signale  leurs  relations 
avec  les  Pharusii  et  les  Nigrètes  qui  habitent  au-dessus  d'eux 
dans  le  voisinage  des  Éthiopiens  occidentaux...  «  Les  Pharusii 
communiquent  à  de  rares  intervalles  avec  les  Marusii.  Ils  suspendent 
alors,  pour  la  traversée  du  désert,  des  outres  d'eau  sous  le  ventre  de 
leurs  chevaux...  Dans  le  pays  des  Pharusii  on  prétend  que  l'été  est 
la  saison  des  grandes  pluies  et  que  l'hiver  au  contraire  est  la  saison 
sèche  »  (XVIII,  lu,  7). 

Il  ressort  de  ces  écrits  de  l'antiquité,  que  les  anciens  distinguaient 
parfaitement  les  Maures  marocains  des  Pharusii,  des  Éthiopiens 
noirs,  et  des  Nigrètes  noirs  prognathes  (Pline  Y,  1, 17);  que,  d'après 
leurs  traditions,  des  peuplades  d'origine  asiatique  se  seraient  enfon- 
cées peu  à  peu  dans  le  Sahara  et  qu'au  commencement  de  Fère  chré- 
tienne elles  étaient  déjà  établies  dans  la  région  des  pluies  équato- 
riales,  sur  les  bords  des  grands  fleuves  du  Sénégal  et  du  Niger. 
Actuellement  les  provinces  qui  bordent  la  rive  nord  du  lac  Débo 
s'appellent  Farimaké  ou  Pharmagha  ou  Farmaga,  et  les  noms  et 
titres  de  Far,  Faram,  Fari  sont  très  employés  dans  toute  l'histoire 
soudanaise  [Tarich).  D'ailleurs  ces  légendes  latines  sont  en  concor- 
dance avec  la  tradition  arabe  de  «  Bello  »  dont  le  manuscrit  rap- 
porté par  Clapperton  nous  dit  en  parlant  des  peuples  du  Sénégal, 
«  les  Sarankali  du  Sénégal  (Sarakollés)  descendent  des  Perses  ». 


(1)  Oa  peut  retrouver  cette  forme  de  navire  renversé  dans  les   cases   des  tribus 
Ouamgara,  Ouagarbes  du  Farimanke  ou  Farmaga. 


540  M.  DESPLAGNES. 

Malgrt'  tout,  le  problème  dos  orip^incs  et  des  groupements  eth- 
ni(jues  (jui  composaient  ces  lloug-es  reste  jus(|u'à  maintenant 
très  obscur,  toujours  réduit  à  d(;s  liypothèses  fondées  sur  d'incer- 
taines probabilités  que  seules  des  rechercbes  dans  le  Sud  Maro- 
cain, l'Adrar  occidental  et  les  oasis  saliariennes  de  Mauritanie 
nous  permettront  peut-être  d'élucider.  Cependant  un  fait  nous  reste 
acquis,  c'est  l'arrivée  au  Soudan  d'une  population  nouvelle  qui,  en 
s'infiltrant  lentement  et  en  se  mélangeant  aux  noirs  Étbiopiens, 
leur  a  apporté  les  éléments  de  la  civilisation  soudanaise. 


IV 


Mais  cette  civilisation  soudanaise  créée  par  le  mélange  et  le 
contact,  dans  le  Sahara  et  sur  les  rives  du  Niger,  de  plusieurs  races 
humaines  bien  distinctes,  va  s'écrouler  et  disparaître  sous  les  coups 
répétés  d'une  série  d'invasions  de  peuples  barbares  et  destructeurs, 
apportant  de  l'Est  et  du  Sud  des  éléments  nouveaux  qui  vont  encore 
se  superposer  au  métissage  déjà  si  disparate  des  populations  nigé- 
riennes. 

(^e  sont  des  hordes  de  cavaliers  composées  d'individus  de  toutes 
races,  pasteurs  nomades  (1)  et  trappeurs  des  forêts,  venus  du  Sud-Est, 
formant  le  grand  clan  des  serpents  groupés  autour  d'une  tribu  qui 
les  dirige,  les  Keïtas,  sous  le  cornmandement  du  Silatigui.  La  pre- 
mière de  ces  invasions  est  celle  des  Sousous  (2),  arrivant  par  le 
Haoussa  et  le  Ouadaï,  leurs  dernières  conquêtes.  Ces  barbares  en 
envahissant  le  Soudan,  fondent  l'empire  féodal  des  Mossis,  renversent 
l'empire  Ouakoré  en  détruisant  sa  capitale  Ganna  (3)  vers  1230.  Ces 
pillards,  après  avoir  longtemps  séjourné  dans  la  Boucle  nigérienne, 
où  toutes  les  tribus  ont  dû  adopter  le  «  totem  »  du  serpent,  pous- 
sent jusqu'à  l'Atlantique  où  nous  les  retrouvons  sous  des  noms 
divers  : 

Sousous  de  Sierra-Leone,  Soces  de  Cazamance,  de  Gambie  et 
des  pays  sérères,  enfin  Soses  ou  Sissoko  de  la  Falémé,  du  Sénégal 
et  du  Kassonké.  Mais  leur  tribu  principale,  stationnée  sur  le  plateau 


(1)  Ces  pasteurs  étaient  probablement  d'origine  Foulbé  plus  ou  moins  métissés. 

(2)  Sousous,  Soces,  Sansan,  Sanké,  Sara,  les  peuples  et  tribus  qui  se  rallient  à  ce 
clan  des  serpents  deviennent  les  so,  si,  sa,  fankara,  etc. 

(3)  Tarick  es-Soudan,  0.  Houdas. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGÉRIENNES.  541 

Mandingue,  réorganise,  en  s'alliant  aux  «  Markas  »  (1),  l'ancien  em- 
pire de  Ganna  en  formant  le  grand  clan  des  Hippopotames  (Malinké) 
sur  les  anciennes  tribus  Oua  ou  Mandés  réduites  en  servage. 

Cependant  dès  1430  cette  féodalité  s'etTrite  pour  donner  nais- 
sance aux  différents  clans;  du  lion  dans  le  nord-ouest,  de  la  pan- 
thère au  centre,  sur  les  plateaux,  et  de  la  hyène  sur  le  fleuve 
(Korongoï-Markas).  C'est  à  cette  période  de  désorganisation  que 
correspond  la  formation,  sous  les  Malinkés  Couloubali,  du  nouveau 
clan  des  Bammanas  ou  Caïmans  composé  par  une  masse  hétéro- 
gène de  primitifs  prognathes  sortis  des  forêts  du  Sud.  Pendant 
tout  le  xvu®  et  le  xvui^  siècle,  les  bandes  de  ce  clan  progressent  vers 
le  Nord  réduisant  en  captivité  ou  en  servage  les  groupements  qui 
ne  se  raUient  pas  à  leurs  confédérations  poHtiques.  Il  vient 
échouer^  au  commencement  du  xix*"  siècle,  aux  limites  du  désert, 
sur  le  plateau  Mandingue,  où  la  conquête  européenne  les  trouve  et 
leur  donne  le  nom  de  Mandé,  quoique  la  plupart  de  ces  familles  de 
Bammanas,  n'aient  jamais  fait  partie  des  anciens  clans  du  «  Pois- 
son ».  Tous  ces  envahisseurs  parlaient  la  même  langue,  dont  les 
idiomes  des  Soces  et  des  Malinkés  méridionaux  sont  restés  purement 
agglutinants  détaillant  bien  les  assonances,  tandis  que  les  idiomes 
des  Malinkés  du  Nord  et  des  Bambaras,  acquéraient  aux  contacts 
des  langues  Peuhls  ou  Sonninké  une  physionomie  différente  par  de 
nombreuses  élisions  ou  additions  euphoniques. 

Les  individus  de  ces  groupements,  s'intitulant  des  Moro-Fing  (2) 
(hommes  noirs)  avaient  une  civihsation  bien  inférieure  à  celles  des 
populations  soudanaises  qu'ils  soumirent;  car  ils  ignoraient  l'art  de 
fabriquer  le  fer,  les  étoffes  et  même  la  poterie,  etc.  La  plupart  de 
ces  envahisseurs  n'utilisaient  que  des  ustensiles  faits  avec  des  fruits 
de  calebasses  (courges)  :  de  même  ils  ignoraient  l'art  de  construire 
en  briques  ou  en  pierres,  l'industrie  du  tissage,  et  l'usage  de 
pierres  meulières  pour  écraser  le  grain.  Ils  habitaient  des  cases 
cylindriques  en  terre  avec  toit  conique  en  paille.  La  polygamie  était 
la  règle  de  leurs  unions,  la  femme  s'obtenait  par  achat  et  occupait 
un  rang  inférieur  dans  la  famille.  Tous  tatoués  portaient  de  larges 
incisions  et  leurs  dents  étaient  souvent  limées  en  pointe. 

Partout  ils  ont  établi  une  forme  de  gouvernement  féodal,  au 


(1)  Markas-taraoré. 

(2)  Ce  terme  «  moro  >>  ou  a  boro  »  fait  au  pluriel,  sui^âût  les  idiomes,  Mori,  Moroï, 
Mosschis,  Moriba,  Moroïbaj  Morogoïba,  Mossibés. 


544  M.  DESPLAGNES. 

inconnu  qu'ils  appelaient  Sons  comme  Sousoti  et  Soiisi  des  Assy- 
riens (Piètrement).  Mais  au  Soudan  ces  envahisseurs  Sousous  appe- 
lèrent aussi  le  cheval  Soiio,  terme  encore  employé  par  tous  les 
Moro  et  Malinkés  et  dont  le  radical  est  le  même  chez  tous  les  peuples 
berbères  du  Nord,  comme  l'a  démontré  Faidherbe  (1). 

Si  donc  l'assertion  de  Bello  est  fondée,  c'est-à-dire  si  nous  pou- 
vons considérer  ces  Sousous  comme  une  partie  de  l'invasion  ber- 
bère confondue  avec  celle  des  peuples  pasteurs,  il  ne  serait  pas 
étrange  de  retrouver  des  survivances  du  type  mongol  parmi  leurs 
chefs,  cardans  une  communication  faite  le  21  janvier  d875  à  la 
Société  d'Anthropologie  de  Paris,  M.  le  D""  E.  T.  Hamy  a 
démontré  que  les  rois  Hyksos  dont  les  bustes  furent  trouvés  dans 
les  ruines  de  Tanis  étaient  Mongols. 

C'est  également  à  cette  invasion  que  l'on  peut  attribuer  une  des 
origines  des  si  nombreux  radicaux  phonétiques  chinois  ou  anna- 
mites observés  et  recueillis  par  M.  le  général  Frey  dans  les  dia- 
lectes soudanais  occidentaux.  D'ailleurs  Bello  nous  dit  très  explici- 
tement que  ces  envahisseurs  de  races  diverses  avaient,  d'après  les 
traditions,  des  alliances  Mongoles.  «  Les  Berbères  descendent 
«  d'Abraham,,  quelques-uns  prétendent  qu'ils  sont  issus  de  Japliet 
«  et  d'autres  de  Gog  et  Magog  dont  une  tribu  qui  se  trouvait  à 

«  Gaïroum  s'était  unie  avec  les  Turcs  et  les  Tartares Africus 

«  régnait  en  Yemen  et  les  Berbères  en  Syrie  ». 


Dans  le  chaos  de  tribus  superposées  et  métissées  que  nous  ren- 
controns dans  notre  empire  soudanais  nigérien,  paraît  donc  exis- 
ter d'après  les  légendes,  traditions,  et  documents  scientifiques. 

4^  Un  fonds  de  tribus  très  primitives  et  de  négrilles  dont,  sauf 
dans  quelques  légendes  locales,  on  ne  retrouve  plus  de  traces  en 
dehors  de  la  zone  forestière. 

2**  Une  couche  de  peuples  noirs  peu  prognathes,  que  les  anciens 
nommaient  Éthiopiens  noirs,  descendants  des  populations  néoli- 
thiques soudanaises  d'origine  hamitique,  qui  ont  laissé  de  nom- 


(1)  Grammaire  Poul  du  Général  FAinHERHE.  Oa  y  voit  que  cheval  se  dit  :  «  Si  »  ea 
sonninké,  «  is  »  et  «  itchoa  »  en  zénaga,  «  fas  »  en  oulof,  «  poutchiou  »  en  peulh, 
«  eis  >'  et  «  issan  »  en  touareg. 


ORIGINES  DES  POPULATIONS  NIGERIENNES.  545 

breuses  traces  dans  tout  le  nord  africain.  Ces  peuples  sont  carac- 
térisés actuellement  par  l'emploi  d'outils  en  pierre,  Tusage  de  la 
poterie.  Ils  se  livrent  à  rag"riculture,la  chasse  et  la  pêche^  habitant 
des  cases  de  paille  en  forme  de  ruche.  Les  femmes  ne  sont  pas 
excisées.  Tous  restent  fortement  attachés  à  leur  culte  spiritualiste 
et  ne  donnent  quede  tièdes  musulmans.  Morts  ;  ils  ont  enterrés  assis, 
accroupis  ou  repliés. 

3"  Toute  une  série  de  populations  dénommées  Rouges  par  les 
légendes  locales  et  les  écrivains  anciens^  parmi  lesquelles  nous 
entrevoyons  une  juxtaposition  de  plusieurs  éléments  ethniques 
dont  l'un^  probablement  sémite- sumérien,  est  représenté  par  les 
sédentaires  industriels  auteurs  de  la  civilisation  saharienne  et  sou- 
danaise, caractérisée  par  des  habitations  en  terre  ou  en  pierre  édi- 
fiées avec  un  sentiment  de  la  décoration  très  prononcé.  Ce  groupe 
reste  de  préférence  industriel  et  commerçant  quoique  bon  agricul- 
teur. 

L'autre  élément  se  compose  des  tribus  pastorales  nomades  de  civi- 
lisation primitive  et  stationnaire  provenant  selon  toute  probabilité 
des  peuples  Pasteurs  que  les  traditions  locales  de  Bello  assimilent 
aux  Berbères.  Les  individus  non  islamisés  de  ces  deux  groupes  ont 
introduit  au  Soudan  une  philosophie  animiste  avec  culte  des  an- 
cêtres, le  respect  des  morts  et  la  croyance  à  une  Triade  Divine  ;  mais 
dès  qu'ils  sont  convertis  à  la  religion  musulmane,  ils  deviennent  tous 
des  prosélytes  fervents  de  l'Islamisme. 

4°  Nous  voyons  se  superposer  enfin  toute  une  série  d'invasions 
provenant  du  Sud  et  de  l'Est,  dont  les  populations  hétérogènes  com- 
posées en  grande  partie  de  Nègres  prognathes  et  de  Peuples  Pas- 
teurs cavaliers  nomades,  viennent  occuper  l'Ouest  Soudanais  con- 
duits par  quelques  familles  d'origine  et  de  type  mongols,  que  les 
traditions  locales  et  la  linguistique  font  également  venir  des  inva- 
sions des  Pasteurs  en  Egypte^  que  Bello  décrit  dans  son  manuscrit 
comme  un  exode  vers  le  Sud  d'une  partie  des  Berbères. 

Ils  amènent  avec  eux  des  bœufs  et  des  chevaux  (type  Dongola) 
de  l'Afrique  orientale,  et  produisent  une  forte  régression  dans  la 
civilisation  soudanaise,  en  méprisant  toutes  les  industries  même 
celle  de  construction;  car  ils  habitent  des  cases  cylindriques  en 
terre  à  toit  conique  de  paille.  Ils  apportent  avec  eux  une  langue 
agglutinante  et  établissent  de  fortes  organisations  féodales.  Mais, 
ignorant  tout  travail  d'art,  ils  réduisent  les  vaincus  en  serfs  indus- 
triels. Polygames,  ils  introduisent  Texcision  chez  les  femmes  qu'ils 

l'anturopolooie.  —  T.  XVII.  —  1906.  35 


546  M.  DESPLAGNES. 

se  procurent  par  achat.  Enfin  n'ayant  que  des  idées  religieuses  sim- 
plistes,, tournant  au  fétichisme,  ils  restent  généralement  réfractaires 
à  rislamisme. 

Mais  toutes  ces  hypothèses  et  probabilités  doivent  encore  être 
sérieusement  confirmées  par  une  série  de  recherches  nombreuses, 
dans  la  préhistoire,  l'archéologie,  l'anthropologie  et  la  linguis- 
tique des  peuples  soudanais  et  sahariens  ;  vastes  champs  ouverts 
à  l'activité  des  explorateurs,  des  chercheurs  et  des  savants  dont  les 
découvertes  et  les  trouvailles  permettront  sans  doute  de  soulever 
peu  à  peu  le  voile  qui  recouvre  dans  ce  coin  de  l'Afrique  les  ori- 
gines de  l'Humanité. 


Explication  des  fig^ures  des  Planches  II  et  III. 


Planche  II. 


Fig.  1.  —  Monuments  lithiques  de  Tondidarou,  région  lacustre  du  Niger  moyen. 

Fig.  2.  —  Ruines  d'un  village  construit  en  pierres  et  en  briques  sur  une  arête 
rocheuse  (ces  constructions  sont  attribuées  aux  Ga-Gara  ou  «  Hommes 
rouges  »). 

Fig.  3.  —  Maison  de  Dourou  (la  porte  est  munie  d'une  serrure  sculptée  repré- 
sentant les  ancêtres  de  la  famille). 

Fig.  4.  —  Maison  de  Bandiagara,  dans  le  style  de  Djenné  (l'ornementation  est 
celle  des  tribus  adorant  le  principe  mâle  de  la  triade  divine). 

Fig.  5.  —  Maison  de  Kori-Kori,  Monts  de  Bandiagara. 

Fig.  6.  —  Maison  Hambé  de  Touré,  avec  autel  en  pierre  élevé  à  la  triade  divine. 

Planche  III. 

Fig.  1.  — -  Autel  du  chef  religieux  Hogon,  destiné  à  offrir  des  sacrifices  à  la 
triade  divine. 

Fig.  2.  —  Dessins  rupestres,  en  couleurs,  des  Hambés  non  islamisés  de  la  mon- 
tagne de  Bandiagara. 

Fig.  3.  — Pêcheur  de  la  confédération  des  Rouges  {Korongoï)^  métis  de  primitifs 
et  d'envahisseurs  du  Nord. 

Fig.  4.  —  Pasteur  Foulbé  et  forgeron  du  Killi. 

Fig.  5.  —  Un  Djennenké-Gara  (Bouge),  descendant  des  fondateurs  de  Djenné 
réfugiés  dans  la  montagne,  et  deux  types  de  tribus  primitives  des  plaines 
du  Sud. 

Fig.  6.  —  Type  de  pêcheurs  Bozos  (coiffure  de  Djenné,  semblable  à  celle  des 
Apolloniens). 


mWi  mmm  crais  humains  de  otës  mmm 

(AGE  DE  LA  PIERRE  POLIE  ET  AGE  DU  BROxNZE) 

EN  .SUISSE 


PAR 


M.  Eugène  PITTARD 


Le  musée  archéologique  de  Genève  possède,  dans  ses  collec- 
tions, deux  crânes  de  Lacustres  qui  n'ont  jamais  été  décrits.  Ces 
deux  crânes  proviennent  du  lac  de  Neuchâtel  qui  a  déjà  fourni 
tant  de  matériaux  à  Tanthropologie  des  populations  palafittiques. 
On  sait  combien,,  sur  ses  bords,  les  stations  lacustres  ont  été  nom- 
breuses et  ont  été  riches.  Elles  ne  sont  certainement  pas  épuisées. 

Ces  deux  crânes  proviennent,  Tun  de  la  station  de  la  Lance, 
l'autre  de  la  station  de  Concise.  Le  premier  est  de  l'époque  néoli- 
thique, le  second  est  de  l'âge  du  bronze.  Le  premier,  malheureu- 
sement est  très  incomplet.  Il  est  réduit  à  sa  voûte.  Le  second,  par 
contre,  est  en  parfait  état.  Nous  les  décrirons  par  ordre  chrono- 
logique. 

* 

L  —  Crâne  néolithique. 

Il  provient,  avons-nous  dit,  de  la  station  de  la  Lance,  sur  la  rive 
gauche  du  lac  de  Neuchâtel.  Il  a  été  récolté  à  environ  dix-huit  ou 
vingt  mètres  du  bord  actuel,  à  une  profondeur  de  1™,10  à  1"\20. 
Il  était  dans  la  vase,  dont  il  est  encore  imprégné  en  partie,  mêlé  à 
des  débris  d'os,  de  cornes  de  cerf,  de  poteries.  La  trouvaille  a  été 
faite  en  biver. 

Les  crânes  de  la  période  néolithique  provenant  des  stations 
lacustres  de  la  Suisse  sont  très  rares,  malheureusement.  Et 
comme  les  cités  lacustres  virent  se  succéder  des  types  humains  diffé- 
rents, il  est  nécessaire  d'examiner  avec  un  peu  de  détails  toutes 
les  portions  de  squelettes  qu'on  y  découvre.  C'est  pourquoi  nous 
l'anthropologie.  —  T.  xvir.  —  1906. 


548 


M.  Eugène  PITTARD. 


prendrons  la  peine  de  décrire  cette  pièce,  tout  incomplète  qu'elle 
soit. 


Ce  crâne  est  réduit  à  sa  calotte.  Et  même  celle-ci  n'est  pas  tout 
à  fait  complète.  La  partie  antérieure  du  frontal  est  rasée  au  dessus 
des  arcades  orbitaires  de  telle  façon  qu'une  portion  des  sinus  fron- 
taux sont  encore  bien  visibles.  L'écaillé  frontale  ne  subsiste  donc 
guère  qu'à  partir  du  point  métopique.  Les  pariétaux  sont  à  peu 
près  complets.  Sur  le  pariétal  droit,  l'empreinte  de  l'écaillé  tempo- 


Fig.  1.  —  Cràae  de  Lacustre  (âge  du  bronze).  Station  de  Concise  dans  le  lac  de 

Neuchàtel  (Suisse). 


raie  est  usée,  probablement  par  le  charriage  des  sables  sous  Fac- 
tion de  la  vague.  L'occipital  manque  complètement. 

Ce  crâne  a  la  coloration  brune  caractéristique  des  crânes 
lacustres.  Cette  coloration  est  moins  intense  que  celle  que  j'ai 
observée  sur  les  crânes  de  Corcelette  par  exemple,  mais  elle  est 
semblable  à  celle  que  j'ai  remarquée  sur  un  autre  crâne  provenant 
de  la  station  du  Point  décrit  dans  cette  môme  Revue. 

L'aspect  général  de  ce  crâne  indique  la  robustesse.  Toutes  les 
parties  qui  la  composent  sont  épaisses.  On  ne  voit  nulle  part  de  ces 
amincissements,  qu'on  distingue  si  facilement  dans  la  lumière, 
comme  en  présentent  tous  les  crânes  modernes.  Le  sexe  est  difficile 


DEUX  NOUVEAUX  CRANES  HUMAINS  DE  CITÉS  LACUSTRES.  549 

à  préciser;  mais  il  est  très  probable  qu'il  s'agit  d'un  crâne  mas- 
culin. Les  sutures  sont  encore  bien  visibles.  La  première  portion 
de  la  coronale  gauche  est  oblitérée.  La  suture  métopique  est  persis- 
tante et  sa  dernière  portion  en  allant  vers  le  bregma  est  également 
oblitérée  sur  une  longueur  de  deux  centimètres  environ.  Les 
bosses  frontales  et  les  bosses  pariétales  sont  bien  visibles  quoique 
sans  être  marquées  d'une  façon  particulière.  La  crête  frontale  est 
encore  indiquée  sur  la  partie  gauche  du  front.  Elle  est  accusée  au 
dessus  de  l'orbite  gauche  marquant  une  forte  empreinte  muscu- 
laire. 

Cette  calotte  crânienne  est  trop  incomplète  pour  que  toutes  les 
mesures  nécessaires  puissent  être  prises.  Telle  qu'elle  est,  cepen- 
dant, on  peut  encore  connaître  assez  exactement  son  indice  cépha- 
lique,  calculé  dès  le  point  métopique.  Le  point  postérieur  maximum 
est  pris  exactement  au  lambda.  Cette  région  ne  doit  pas  être  loin 
de  représenter  le  point  postérieur  maximum  si  l'on  considère  la 
construction  postérieure  des  crânes  lacustres  de  la  période  néoli- 
thique et  en  particulier  le  beau  crâne  néolithique  de  la  station  du 
Point  que  nous  avons  rappelé  ci-dessus.  Dans  tous  les  cas,  étant 
donné  l'absence  de  l'occipital,  les  chiffres  des  diamètres  A.  P.  et 
M.  sont  indiqués  sous  réserves;  surtout  celui  du  diamètre  A.  P., 
puisque  la  glabelle  manque.  Nous  avons  reconstitué  assez  exacte- 
ment la  place  de  celle-ci. 

D.  A.  p.  (approx.) 168  mm. 

D.  M.  (approx.) 164  — 

D.  T 148  — 

Frontal  minimum 104  —  (?) 

—        maximum 129  — 

Courbe  frontale  vraie 105  — 

Courbe  pariétale 116  — 

L'indice  céphalique  approximatif  calculé  avec  D.  A.  P.  =z  88,10. 
Le  même  indice  calculé  à  l'aide  de  D.  M.  ^  90,24.  Ce  crâne  est 
d'une  brachycéplialie  très  prononcée,  qui  rappelle  celle  du  crâne 
néolithique  provenant  de  la  station  du  Point  (1).  Il  rappelle  aussi 
beaucoup  le  crâne  décrit  par  M.  Verneau  (2)  dans  les  colonnes  de 
celte  revue.  Mais  ce  dernier  proviendrait  de  l'âge  du  bronze. 

Pour  indiquer  mieux  encore  le  degré  de  parenté  que  le  présent 

(1)  Eugène  Pittakd.  Sur  de  nouveaux  crânes  provenant  de  diverses  staliona  lacustres 
de  Vépoque  néolithique  et  de  l'âge  du  bronze  en  Suisse,  L'Anthropologie,  Paris,  1899. 

(2)  R.  Verneau.    Un  nouveau  crâne  humain  d'une  cité  lacustre,  L'Anthropologie  y 
1894. 


550  M.  Eugène  PITTARD. 

crâne  possède  avec  celui  que  nous  avons  décrit  en   1899,  voici 
quelques  chiffres  comparatifs  : 

(Point  1899).  (La  Lance  1906). 

D.  A.  P.  maximum 166  mm.               168  mm.  (?) 

Diamètre  métopique 165    —                 164    — 

D.  T 152    —                 148    — 

D.  frontal  minimum 104    —                 104    —  (?) 

Indice  céphalique  (avec  D.  A.  P.)    .  91,56  88,10 

—            —            (avec  D.  M.)  .     .  91,57  90,24 

Ce  crâne  possède  bien  les  caractères  de  sa  «  race  ».  On  se 
rappelle  en  effet  que  les  stations  lacustres  de  la  Suisse,  apparte- 
nant à  la  période  néolithique,  ont  été  habitées  —  et  construites  — 
par  des  brachycéphales.  L'individu  de  la  Lance  que  nous  venons 
d'étudier  accentue  celte  homogénéité  du  type  à  tête  arrondie  qui 
est  si  remarquable  à  cette  époque. 

II.  —  Crâne  de  l'âge  du  bronze. 

Il  provient  de  la  station  de  Concise,  également  sur  la  rive 
gauche  du  lac.  Dans  cette  localité  il  y  a  deux  stations  lacustres. 
L'une,  la  plus  rapprochée  de  la  voie  ferrée  Yverdon-Neuchâtel,  est 
de  la  période  néolithique  ;  l'autre,  plus  en  avant  dans  le  lac,  est  de 
l'âge  du  bronze. 

Ce  crâne  a  été  trouvé  pendant  l'hiver  1888-1889,  à  vingt  ou 
vingt-cinq  mètres  environ  de  la  ligne  du  chemin  de  fer.  Il  a  été 
ramassé  dans  la  couche  archéologique,  entre  les  pilotis  de  la  sta- 
tion, à  la  profondeur  d'environ  un  mètre.  La  couche  archéolo- 
gique, riche  en  cet  endroit,  le  recouvrait  et  le  crâne  en  question 
n'a  pu,  de  ce  fait,  subir  aucun  déplacement.  Ce  dernier  point  est 
important  à  signaler  à  cause  de  la  forme  particulière  de  ce  crâne 
qui  rappelle  parfaitement  la  forme  brachycéphale  ordinaire  des 
crânes  de  la  période  néolithique,  et  entre  autres  celle  du  crâne  pro- 
venant de  la  station  du  Point  que  nous  avons  rappelé  tout  à 
l'heure.  Il  se  rapprochera,  par  contre,  du  crâne  décrit  par 
M.  Verneau,  découvert  lui  aussi  dans  la  couche  archéologique 
datant  de  l'âge  du  bronze  et  dans  la  même  station  de  Concise.  On 
verra  que  le  crâne  que  nous  allons  décrire  prendra,  de  la  trou- 
vaille même  décrite  par  M.  Verneau,  une  importance  plus  grande. 

Ce  crâne  de  Concise  est  un  crâne  d'homme  (celui  de  M.  Verneau 
est  un  crâne  féminin).  Il  a  appartenu  à  un  adulte.  Il  est  complet, 
parfaitement  bien  conservé.  Il  ne  lui  manque  que  trois  incisives. 


DEUX  NOUVEAUX  CRANES  HUMAINS  DE  CITÉS  LACUSTRES.  Fîb 

Rien  que  sa  couleur  pourrait  servir  à  le  caractériser  comme  un 
Lacustre.  Il  a  cette  belle  coloration  brune  si  remarquable  chez  les 
crânes  qui  proviennent  des  palaiittes  suisses.  La  partie  antérieure 
et  supérieure  est  couverte  d'une  sorte  de  patine  g-risâtre,  reliquat 
du  séjour  de  ce  crâne  dans  la  vase.  Ces  régions  sont  aussi  un  peu 
usées  par  le  frottis  des  particules  vaseuses  et  quelques  petites 
excoriations,  notamment  dans  diverses  parties  des  sutures,  peuvent 
être  dues  à  des  algues  perforantes  comme  il  y  en  a  tant  dans  le  lac 
de  Neuchâtel. 

Toutes  les  sutures  sont  encore  bien  visibles,  bien  ouvertes.  La 
sagittale  et  la  lambdoïde  sont  bien  denticulées.  La  métopique  est 
persistante.  Il  n'y  a  presque  point  d'os  wormiens  :  deux  ou  trois  très 
petits  dans  la  branche  gauche  de  la  lambdoïde  et  quelques-uns,  plus 
gros  à  droite,  un  peu  en  avant  de  Tastérion  (0,015  X  0,008)  et  un 
peu  au  dessous  de  cette  région  (0,012  X  0,012). 

L'aspect  général  de  ce  crâne  indique  une  musculature  solide. 
Les  apophyses  orbitaires  sont  bien  accusées,  proéminentes  ;  la 
glabelle  est  saillante.  Les  bosses  frontales  sont  aussi  marquées.  Le 
front,  d'ailleurs,  s'élève  régulièrement.  Vues  de  face,  les  crêtes  fron- 
tales divergent  nettement. 

En  vue  latérale  la  remarque  que  nous  venons  de  faire  à  propos 
du  front  se  confirme.  Celui-ci  s'élève  régulièrement  jusqu'au 
bregma.  Les  apophyses  mastoïdes  sont  bien  développées.  Dans 
cette  vue,  ce  crâne  se  présente  comme  un  crâne  court.  Nous  indi- 
querons tout  à  l'heure  son  degré  de  brachycéphalie.  Il  présente 
aussi,  dans  une  certaine  mesure,  cette  chute  à  partir  de  l'obélion 
que  l'on  a  remarquée  fréquemment  chez  les  crânes  brachycéphales 
suisses,  mais  cette  «  chute  »  est  voilée  par  une  forte  plagiocé- 
phalie;  celle-ci  fait  que,  si  l'on  regarde  le  crâne  de  son  côté  gauche 
ou  de  son  côté  droit,  il  paraît  encore  plus  court  dans  cette  dernière 
vue. 

Postérieurement,  on  remarque  un  élargissement  marqué  de  la 
région  pariétale.  L'inion  est  bien  marqué  sans  être  très  proémi- 
nent. La  crête  occipitale  est  également  bien  marquée  mais  sans 
faire  une  saillie  très  nette.  Ce  faible  développement  de  la  région 
iniaque  est  intéressant  à  signaler  chez  ces  crânes  de  Lacustres. 
Nous  l'avons  relevé  déjà  à  propos  d'un  crâne  néolithique  de  la  sta- 
tion du  Point,  également  très  robuste,  dont  il  est  parlé  dans  le 
premier  paragraphe  de  cette  note. 

En  norma  verticalis,  ce  crâne  montre  une  plagiocéphalie  très 


556  M.  Eugène  PITTÂRD. 

Vers  le  milieu  de  la  période  néolithique  ces  brachycéphalcs  ont 
déjà  des  compagnons  dont  les  formes  crâniennes  sont  mésaticé- 
phales  et  dolichocéphales  (dolichocéphales  néolithiques  de  Hamy; 
type  de  Genay,  etc.). 

A  la  fin  de  la  période  néolithique,  au  début  de  la  période  du 
bronze,  ces  dolichocéphales  forment  la  majorité.  A  Tâge  du  bronze 
ils  paraissent  avoir  définitivement  submergé  tous  leurs  prédéces- 
seurs. 

Enfin,  quand  se  termine  Tâge  du  bronze  reparaissent  (?)  des  bra- 
chycéphalcs. Et  ces  derniers  semblent  être  d'une  brachycéphalie 
plus  accentuée  que  leurs  prédécesseurs  de  la  période  néolithique. 
Voici  rapidement  esquissé,  un  essai  de  synthèse  ethnique,  telle 
que  les  découvertes  d'il  y  a  quelques  années  pouvaient  nous  le  per- 
mettre (1).  Le  crâne  brachycéphale  de  l'âge  du  bronze  de  M.  Ver- 
neau  faisait  déjà  un  accroc  à  cette  reconstitution  ethnogénique.  El 
voici  que  le  crâne  que  nous  décrivons  en  fait  un  autre.  Que  faut- 
il  penser? 

La  station  de  l'âge  du  bronze  de  Concise  est  bien  délimitée.  Elle 
est  pure.  Elle  est  bien  connue  des  archéologues  pour  son  unité. 
Deux  solutions  paraissent  se  présenter.  Ou  bien  les  brachycéphalcs 
néolithiques  ont  continué  à  vivre  avec  les  dolichocéphales  de  l'âge 
du  bronze  et  mêlés  à  eux,  acquérant  toute  la  civilisation  nouvelle, 
tous  les  progrès  industriels  de  ces  derniers,  ou  bien  ils  ont  continué 
d'exister  en  dehors  des  dolichocéphales.  Dans  tous  les  cas,  ces 
brachycéphalcs  n'ont  pas  pu  disparaître  subitement,  s'évanouir,  se 
volatiliser.  S'ils  n^ont  plus  participé  à  la  vie  sociale  des  Lacustres 
du  bronze,  ils  sont  allés  quelque  part,  Oii?  Peut-être  s'étaient-ils 
retirés  sur  la  terre  ferme?  Peut-être  sont-ils  venus,  quelques-uns 
d^entre  eux,  s'établir  parmi  les  dolichocéphales  de  l'âge  du  bronze, 
soitpargoût  soit parbesoins?  Toutes  les  suppositions  sont  permises. 
D'ailleurs  nous  reviendrons  un  jour  sur  cette  question  de  la  suc- 
cession des  types  crâniens  en  Suisse. 


Il  est  encore  un  point  sur  lequel  nous  voulons  dire  un  mot.  Dans 
les  diverses  stations  lacustres  de  la  Suisse,  parmi  les  crânes  exhu- 
més de  la  vase  des  lacs,  il  s'en  trouve  un  assez  grand  nombre  qui 

(1)  C'est  à  M.  G.  Hervé  que  l'on  doit  ce  bel  essai  de  synthèse  ethnologique,  qui  s'est 
maintenue  jusqu'à  présent.  Voir  G.  Hervé,  Les  populations  lacustres  {Rev.  mens. 
École  d'Anthropologie  de  Paris,  1895). 


DEUX  NOUVEAUX  CRANES  HUMAINS  DE  CITES  LACUSTRES.  557 

portent  des  lésions,  des  empreintes  de  coups.  Bien  des  hypothèses 
ont  été  émises  à  propos  de  ces  empreintes.  Pour  aujourd'hui  nous 
en  retiendrons  une.  On  a  pensé  que  les  crânes  que  l'on  trouve  dans 
les  palafittes  sont,  non  pas  ceux  des  habitants  des  stations  lacustres, 
mais  des  trophées  g^uerriers.  Les  Lacustres  auraient  inhumé  leurs 
morts  sur  terre  ferme.  Les  crânes  que  Ton  retrouve  dans  la  vase 
seraient  ceux  d'ennemis  tués  dans  une  rencontre.  La  tête,  coupée, 
aurait  été  suspendue,  comme  trophée,  au  devant  de  la  hutte,  de  la 
maison. 

Il  me  paraît  difficile  de  prendre  parti  dans  la  question.  Les  docu- 
ments que  l'on  possède  sont  encore  trop  peu  nombreux.  Ils  seraient 
d'ailleurs,  tous  à  revoir.  Mais  si  nous  soulevons  cette  question, 
c'est  que  le  crâne  que  nous  éludions  ici  présente  aussi  une  lésion. 
Celle-ci  est  très  nette.  Elle  intéresse  le  bord  gauche  du  pariétal  droit, 
proche  de  la  suture  sagittale.  Cette  empreinte  a  une  longueur  do 
38  millimètres  et  une  largeur  de  18  millimètres.  Le  coup,  évidem- 
ment donné  par  derrière,  a  été  très  violent.  La  table  externe  est 
fracturée,  plus  fortement  à  droite  qu'à  gauche;  et  à  l'endroit  de  la 
plus  forte  fracture,  elle  est  même  enfoncée  de  2  millimètres.  La 
lésion  est  ovalaire  et  au  milieu  de  Tovale,  dans  le  sens  du  grand 
axe,  le  crâne  porte  une  coupure.  La  fracture  a  aussi  intéressé  la 
table  interne.  On  peut  s'en  rendre  compte  en  examinant  la  voûte 
du  crâne  par  le  trou  occipital.  Nous  signalons  cette  blessure  sans 
oser  lui  donner,  pour  le  moment,  l'interprétation  qu'on  a  donnée  aux 
blessures  de  »;e  genre  sur  les  autres  crânes  lacustres. 


ENTENTE  INTERNATIONALE 

Pour  r unification  des  mesures  craniométriques 
et  céphalométriques  (1). 


Sur  la  proposition  de  MM.  Hamy,  Papillault  et  Verneau,  le 
Comité  du  Congrès  international  d'Anthropologie  et  d'Archéologie 
préhistoriques  avait  inscrit  au  nombre  des  questions  qu'il  proposait 
tout  particulièrement  aux  recherches  de  ses  membres  l'unification 
des  mesures  anthropologiques. 

Dans  la  séance  d'ouverture,  qui  eut  lieu  à  Monaco  le  16  avril  1906, 
M.  Hamy,  président  du  Congrès,  attira  l'attention  sur  l'urgence 
d'une  entente  internationale  dans  la  technique  anthropométrique, 
sur  les  difficultés  presque  insurmontables  que  l'on  rencontrerait  à 
examiner  en  séance  les  mesures  si  nombreuses  qui  ont  été  utili- 
sées jusqu'à  présent,  et  sur  lanécessité,  pour  aboutir  à  une  solution, 
de  nommer  une  commission  qui  travaillerait  pendant  la  session  et 
présenterait,  dans  la  dernière  séance,  à  l'approbation  du  Congrès, 
un  projet  d^unifîcation. 

Cette  proposition  fut  adoptée,  et  la  Commission  nommée  immé- 
diatement, fut  composée  ainsi  qu'il  suit  : 

MM.  Giuiïrida-Ruggeri,  secrétaire  de  la  Société  romaine  d'Anthro- 
pologie, assistant  à  la  chaire  d'Anthropologie.  Rome. 
Hamy,  Professeur  d'Anthropologie  au  Muséum  d'histoire  natu- 
relle, membre  de  l'Institut.  Paris. 

r 

G.  Hervé,  Professeur  d'ethnologie  à  TEcole  d'Anthropologie, 
ancien  président  de  la  Société  d'Anthropologie.  Paris. 

Lissauer,  Professeur,  Président  de  la  Société  d'Anthropologie. 
Berlin. 

Von  Luschan,  Professeur  d'Anthropologie  de  l'Université* 
Berlin. 

Papillault,  Directeur  adjoint  du  Laboratoire  d'Anthropologie 


(1)  Rapport  présenté  par  le  D'  G.  Papillault  au  Congrès  d'anthropologie    et  d'ar- 
ehéologie  préhistoriques  tenu  à  Monaco,  en  1906. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906. 


560  UNIFICATION  DES  MESURES 

de  l'Ecole  des  JJautes-Études,  Professeur  à  l'École  d'An- 
thropologie. Paris. 

Pillard,  Privât  docent  à  l'Université.  Genève. 

Pozzi,  Professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  ancien  président 
de  la  Société  d'Anthropologie.  Paris. 

Sergi,  Professeur  d'Anthropologie,  Directeur  de  l'Institut  an- 
thropologique de  rUniversité.  Rome. 

Verneau,  Assistant  à  la  chaire  d'Anthropologie  au  Muséum 
d'histoire  naturelle.  Professeur  temporaire  à  l'Ecole  d'An- 
thropologie. Paris. 

Waldeyer,  Professeur,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des 
sciences  de  Berlin  (1). 

Aussitôt  après  sa  nomination,  la  Commission  pour  ïunificalion 
des  mesures  anthropologiques  se  réunit  afin  de  procéder  à  Téleclion 
de  son  bureau  et  d'arrêter  le  programme  de  ses  travaux. 

M.  Waldeyer  fut  élu  président,  M.  Sergi  vice-président,  et  M.  Pa- 
pillault  secrétaire-rapporteur. 

Ce  dernier  donna  connaissance  d'une  lettre  qu'il  avait  reçue  de 
M.  Chantre,  en  réponse  à  la  demande  qu'il  lui  avait  faite  de  son 
rapport  sur  les  essais  d'unification  des  mesures  anthropologiques 
entrepris  par  le  Congrès  international  d'Anthropologie  de  Moscou. 
En  voici  le  passage  essentiel  :  «  J'avais  été,  en  effet,  chargé  de  ce 
rapport  au  Congrès  de  Moscou  pour  le  Congrès  de  Paris.  La  ques- 
tion n'ayant  pas  été  mise  à  l'ordre  du  jour  dans  cette  session, 
M.  Virchow,  président  de  la  Commission  internationale  de  cranio- 
métrie,  de  concert  avec  quelques-uns  de  nos  collègues,  a  demandé 
que  le  dit  rapport  ne  soit  présenté  qu'à  la  prochaine  session  ;  c'est 
pour  cela  que  j'y  songeais  de  nouveau,  après  l'avoir  négligé  quelque 
temps.  Mais  comme  actuellement  je  suis  surchargé  de  travail...  je 
suis  enchanté  de  vous  voir  endosser  cette  besogne  intéressante, 
mais  lourde  si  l'on  veut  faire  quelque  chose  de  complet  et  d'utile.  » 

Dans  le  Compte  rendit^  fait  par  M.  Chantre,  c/es  travaux  anthropo- 
logiques de  la  XI"  session  des  Congrès  internationaux  d Archéologie 
préhistorique  et  d'Anthropologie,  réuni  à  Moscou^  nous  lisons  que 

(1)  MM.  Ghanthe,  sous-directeur  du  Muséum  d'histoire  naturelle,  Lyon  ;  —  Mino- 
vici,  directeur  adj.  de  l'Institut  médico-légal,  Bucarest;  —  G.  Retzius,  professeur  à 
l'Université,  Stockliolm;  —  Schenk,  privât  docent  d'anthropologie  à  l'Université,  Lau- 
sanne, avaient  été  également  désignés,  mais  ils  ne  sont  pas  venus  prendre  part  aux 
travaux  du  congrès. 


GRANIOMÉTRIQUES  ET  CÉPHALOMETRIQUES.  561 

deux    commissions    furent    nommées    pour   unifier   les   mesures 
anthropologiques. 

i°  Commission  anthropométrique.  Après  une  communication  de 
M.  Zograff  intitulée  :  Note  sur  les  méthodes  anthropométriques 
pratiquées  en  Russie  et  sur  la  nécessité  détablir  une  entente 
internationale  pour  les  recherches  anthropométriques^  une  com- 
mission «  qui  doit  s'efforcer  d'unifier  autant  que  possible  les 
méthodes  d'observation  anthropométrique, devra  présenter  un  rap- 
port dans  la  prochaine  session.  Elle  est  composée  de  MM.  Anout- 
chine,  Bogdanow,  Chantre,  KoUmann,  Malieff,  Sergi,  Tikhomiroff, 
Virchow,  Zograff.  M.  Bogdanow  a  été  élu  président,  et  M.  Zograff 
secrétaire -rapporteur.  Son  siège  est  à  la  Société  impériale  des 
Sciences  naturelles  et  d'Anthropologie  de  Moscou,  »  • 

2"  Commission  craniométrique.  «  Sur  la  proposition  de  M.  le  pro- 
fesseur Kolimann,  de  Baie,  le  Congrès  a  nommé  une  Commission 
pour  reviser  la  convention  de  Francfort  en  vue  de  doter  l'Anthro- 
pologie de  mesures  craniomélriques  internationales.  Ont  été  élus 
membres  de  cette  commission  :  MM.  Anoutchine,  Bogdanow, 
Chantre,  KoUmann,  Malieff,  Sergi,  Virchow,  Zograff.  —  M.  Vir- 
chow a  été  élu  président,  M.  Anoutchine  secrétaire-rapporteur.  » 

La  lettre  de  M.  Chantre  prouve  qu'aucune  de  ces  commissions  n'a 
abouti  à  des  résultats  appréciables.  La  commission  anthropomé- 
trique semble  ne  s'être  jamais  réunie  ;  et  la  Commission  craniomé- 
tique  n'a  eu  que  deux  séances  pendant  la  session  de  Moscou  :  une 
entente  n'était  pas  possible  dans  ces  conditions. 

M.  Papillault  insiste  sur  la  nécessité  de  se  réunir  au  moins  deux 
fois  par  jour  pendant  toute  la  session  afin  de  faire  un  examen 
approfondi  des  différentes  techniques  employées  actuellement  et 
d'arriver  à  une  entente.  Il  y  a  urgence.  La  convention  de  Francfort 
est  abandonnée  par  la  plupart  des  savants  allemands  eux-mêmes.  La 
méthode  française  n'est  pas  plus  unifiée.  A  Paris  même,  les  dis- 
ciples de  Broca  ont  peut-être  l'illusion  d'avoir  la  même  technique, 
mais  une  petite  enquête  a  permis  de  constater  des  divergences  qui 
rendent  incorrecte  toute  comparaison  entre  certaines  de  leurs  men- 
surations. Chaque  école  nationale  présente  donc  souvent  entre  ses 
membres  des  divergences  qui  égalent  et  dépassent  même  celles  qui 
la  séparent  des  autres  Écoles-  Cette  simple  constatation  fera  dispa- 
raître de  nos  débats  toute  préoccupation  étrangère  à  la  science. 
Aucun  de  nous  ne  songera  à  défendre  une  tradition  nationale  qui  a 
été  incapable  de  conserver  son  unité  de  doctrine^  et  qui,  en  fait, 

l'anthropolooie.  —  T.  XVII.  —  1906.  36 


^"^es  UNIFICATION  DES  MESURES 

n'existe  plus.  Ce  qui  doit  nous  guider  uniquement  dans  le  choix 
d'une  technique,  c'est  sa  commodité,  sa  simplicité,  sa  précision, 
et  la  valeur  biologique  de  la  mesure  ainsi  déterminée. 

Sur  la  proposition  de  son  président,  M.  Waldeyer,  la  Commission 
décide  de  se  limiter  à  l'étude  de  la  tète,  dont  les  mesures  sont 
assez  nombreuses  pour  que  leur  étude  prenne  tout  le  temps  dont 
elle  dispose.  Toute  mesure  consacrée  par  un  usage  même  limité 
sera  soumise  à  l'examen  de  la  Commission  par  le  secrétaire,  qui 
rappellera  les  principales  variantes  de  technique.  Quand  l'enlente 
se  sera  établie,  il  rédigera  entre  les  séances  la  définition  et  la  tech- 
nique de  la  mesure,  et  soumettra  son  texte  à  l'approbation  de  la 
Commission. 

Le  samedi  21  avril,  la  Commission  avait  terminé  ses  travaux. 
Le  secrétaire-rapporteur  prenait  la  parole  au  début  de  la  séance 
du  Congrès,  pour  annoncer  que  son  rapport  était  déposé  dans  une 
salle  voisine,  où  chacun  pouvait  aller  le  consulter.  Lui-même  se 
tenait  à  la  disposition  des  membres  du  Congrès  prêt  à  leur  donner 
les  explications  nécessaires.  A  la  fin  de  la  même  séance  le  Congrès 
approuvait  à  r unanimité  le  texte  suivant  que  M.  Hamy,  président, 
avait  soumis  à  son  approbation. 

Projet  d'entente  internationale  sur  les  mesures  craniométriques  et 

céphalométriques. 

Remarques  préliminaires  : 

La  Commission  a  classé  sous  le  titre  de  facultatives  certaines 
mesures  qui  lui  paraissent  intéressantes,  mais  sur  lesquelles  elle 
n'a  pas  de  documents  suffisants  pour  apprécier  leur  portée  et  con- 
seiller leur  usage  journalier.  Elle  s'est  donc  contentée  de  préciser 
leur  technique  sans  se  prononcer  sur  leur  emploi. 

Pour  chaque  mesure  on  a  donné  une  indication  en  abrégé  de 
l'instrument  qui  doit  être  employé. 

C.  G.  —  Compas  glissière. 

C.  E.  =z  Compas  d'épaisseur. 

R.  M.  ~  Ruban  métrique,  toujours  en  matière  très  souple,  le 
moins  extensible  possible.  La  toile  légèrement  empesée  est  une 
des  meilleures. 

Il  est  d'ailleurs  indispensable  de  comparer  souvent  le  ruban  avec 
un  étalon  en  métal. 


GRÂNIOMETRIQUES  ET  GEPIIALOMÉTRIQUES.  563 

I.   Craniométrie. 
A.  Crâne  proprement  dit. 

l**  Longueur  maxima  du  crâne  ou   diamètre  antéro- postérieur 
maximum.  CE. 

C'est  le  plus  grand  diamètre  dans  le  plan  sagittal  et  médian  du 
crâne. 

Points  anatomiques  : 

en  avant  :  le  point  le  plus  saillant  de  la  protubérance  inter- 

sourcilière  (glabelle  de  iJroca)  ; 
en  arrière  :  le  point  le  plus  saillant  du  sus-occipital  donné  par 
le  maximum  d'écartement  des  branches  du  compas. 
2^  Diamètre  antéro-postérieur  iniaque.  C.  E.  (facultatif). 
Dans  le  plan  sagittal  et  médian  du  crâne. 
Points  anatomiques  : 

en  avant  :  comme  le  précédent; 

en  arrière  :  sur  l'inion,  dont  les  variétés  individuelles  devront 
être  évitées. 
3**  Largeur  maxima  du  crâne  ou  diamètre  transverse  maximum, 
CE. 

Cest  le  plus  grand  diamètre  horizontal  et  transversal  qu'on 
puisse  trouver  avec  le  compas  d'épaisseur  sur  la  boite  crânienne. 
Point  anatomique,  déterminé  seulement  par  le  maximum;  mais 
si  ce  dernier  tombait  sur  les  crêies  sous-temporales,  il  faudrait  évi- 
ter leur  saillie,  en  plaçant  le  com- 
pas au-dessus.  ^ — -^^--- ^ 

4^^  Hauteurs  du  crâne,  y^  ^  n. 

a)  Hauteur  basilo-bregmatique»  /,  >\ 

C-  E-  Ml    •'-.     '-    n\ 

Points  anatomiques  :  V/"^  V>-j^"^"~-NÎC5 

en  bas  :  le  basion  ou  point         \     /)     ^y  \\\j^    \\  / 
médian  du  bord  antérieur  W  ^^/     fï    >--^  v/ 

du  trou  occipital  (éviter  les  p-C        l    /    ^eyf 

exostoses  qui  s'y  rencon-  \r\    j         \   (XJ 

trent  quelquefois);  tltûtJxiÛQIiw 

en  haut  :  le  bregma  ou  point  i^'ig- 1. 

médian  de  la  suture  coronale. 

h)  Hauteur  auriculo'ôregmatique  (U^  fig.  1). 
Cest  la  dilférence  de  niveau  entre  le  bregma  et  le  bord  supérieur 
du  trou  auditif. 


564 


UNIFICATION  DES  MESURES 


Points  anatomiques  : 
en  bas  :  point  oii  la  ligne  idéale  unissant  les  bords  supérieurs 

des  trous  auditifs  coupe  le  plan  médian  du  crâne; 
en  haut  :  bregma. 
5^  Largeur  frontale  minima  ou  diamètre  frontal  minimum.  G.  G. 
G'est  le  diamètre  horizontal  le  plus  court  entre  les  deux  crêtes 
temporales  du  frontal. 

6**  Largeur  frontale  maxima  ou  diamètre  frontal maxïm,um.  G.  G. 
G'est  le   diamètre  horizontal  le  plus  large  de  Fécaille  frontale. 
(Le  bistéphanique  de  Broca  est  abandonné). 

7°  Diamètre  bimastoïdien  maximum.  G.  E.  (m,  m.  fig.  2.) 
Point  anatomique   :  face   externe  de  l'apophyse   mastoïde  au 

niveau  du  centre  du  trou  auditif. 

A  ce  niveau  chercher  avec  le  com- 
pas d'épaisseur  la  ligne  transversale 
d'écartement  maximum. 

8°  Diamètre  Mzygomatique.  G.  G. 
Point  anatomique  ;  face   externe 
des  apophyses  zygomatiques. 

A  ce  niveau  chercher  avec  le  com- 
pas la  ligne  transversale  d'écarte- 
ment  maximum. 

9°  Diamètre  naso'basilaire.  G.   E. 
Points  anatomiques  : 

en  avant  :  le  nasion  ou  point 
médian  de  la  suture  naso-frontale  ;  en  arrière  :  le  basion. 
10°  Diamètre  alvéolo-basilaire .  G.  G. 
Points  anatomiques  : 

en  avant  :  point  alvéolaire  ou  point  médian  du  bord  antérieur 

de  l'arcade  alvéolaire  ; 
en  arrière  :  basion. 
ii^  Diamètre  naso'mentonnier.  G.  G. 
Points  anatomiques  : 
en  haut  :  nasion; 

en  bas  :  bord  inférieur  de  la  mandibule,  dans  le  plan  médian. 
Mettre  préalablement  la  mandibule  en  place,  les  mâchoires  rap- 
prochées, et  noter  Tétat  des  dents. 

i^''  Diamètre  naso-altséolaire.  G.  G.  (1). 


Fig.  2. 


(1)  L'iûdice  facial  est  exprimé  par  le  rapport 


diam.  naso-alvéolaire  X  ^^O 
diam.  bizygomatique 


CRANIOMÉTRIQUES  ET  CÉPHALOMÉTRIQUES. 


m 


Points  anatomiques  : 
en  haut  :  nasion; 

en  bas  :  le  point  le  plus  inférieur  du  bord  alvéolaire,  entre  lea 
deux  incisives  médianes  et  supérieures. 
13o  Hauteur  du  nez.  C.  G.  (N  E,  fig".  3). 
Points  anatomiques  : 
en  haut  :  nasion  ; 

en  bas  :  point  situé  dansleplan  médian  du  crâne,  sur  la  ligne 
tangente  aux  deux  échancrures  de  l'ouverture  piriforme. 
Si  le  bord  de  ces  échancrures  est  remplacé  par  une  gouttière, 
prendre  le  niveau  du  plancher  des  fosses  nasales. 
i^^ Largeur  duriez.  G.  G. 

Points  anatomiques  :  bords  latéraux  de  l'ouverture  piriforme. 
Chercher  avec  le  compas  la  ligne  horizontale  et  transversale  d'é- 
carlement  maximum. 

IS'*  Largeur  interorbitaire.  C.  G. 
Point  anatomique  bilatéral  : 
Le  point  oii  la  crête  lacrymale  posté- 
rieure rencontre  le  bord  inférieur  du  fron- 
tal. 

16®  Largeur  orbitaire. 
Points  anatomiques  : 

en  dedans  :  le  dacryon,  ou  point  de 
rencontre  des  sutures  formées  par 
le  frontal,  le  lacrymal  et  la  branche 
montante  du  maxillaire  supérieur. 
(Si  le  dacryon  est  soudé,  ou  s'il  est  dans  une  situation  anormale, 
on  choisira  le  point  où  la  crête  lacrymale  postérieure  rencontre  le 
bord  inférieur  du  frontal.) 

en  dehors  :  bord  externe  de  l'orbite,  au  point  où  aboutit  Taxe 
transversal  de  l'orbite  mené  par  le  point  interne  et  parallèle, 
autant  que  possible, aux  bords  supérieur  et  inférieur  de  For- 
bite. 
17°  Hauteur  orbitaire.  G.  G. 

Points  anatomiques  :  bords  supérieur  et  inférieur  de  l'orbite, 
en  évitant  les  échancrures  supérieure  et  inférieure,  quand 
elles  existent. 
Prendre  l'écart  maximum  entre  les  deux  bords,  suivant   un  axe 
perpendiculaire  au  précédent. 

18»  Largeur  du  bord  alvéolaire  supérieur.  G.  G. 


Fig.  3 


566 


UNIFICATION  DES  MESURES 


Points  anatomiques  :  Faces  externes  du  bord  avéolaire  ;  s'il  y  a 

des  exostoses  au  niveau  du  bord  libre,  on  les  évitera  en  se 

plaçant  au-dessus. 

Prendre  la  ligne  transversale  mesurant  le  maximum  d'écartement. 

18  bis.  Hauteur  ou  flèche  de  la  courbe  alvéolaire.  G.  G.  (F,  fig.  4). 

Points  anatomiques  : 

en  avant  :  face  antérieure  du  bord  alvéolaire,  entre  les  deux 

incisives  médianes; 
en  arrière  :  point  situé  dans  le  plan  médian,  sur  la  ligne  tan- 
gente aux  extrémités  postérieures  des  bords  alvéolaires. 

On  obtient  facilement  cette 
ligne  en  tendant  un  fil  placé  le 
plus  profondément  possible 
dans  l'échancrure  qui  sépare  le 
bord  alvéolaire  de  l'apopbyse 
ptérygoïde  (1). 

19  ^Palais  osseux.  G.  G.  (me- 
sures facultatives). 

a)  Longueur  de  la  voûte  pala- 
tine (L,  fig.  4). 

Points  anatomiques  : 

en  avant  :  point  médian, 
sur  la  ligne  tangente  au  bord 
alvéolaire  postérieur  des  incisives  médianes  ; 
en  arrière  :  point  médian,  sur  la  ligne  tangente  au  fond  des 
échancrures  du  bord  palatin  postérieur. 
b)  Largeur  de  la  voûte  palatine. 

Distance  des  bords  alvéolaires  au  niveau  des  deuxièmes  molaires. 
20  ^Hauteur  orbito-alvéolaire  (mesure  facultative).  G.  G. 
Prendre  la  distance  minima  entre  le  bord  inférieur  de  l'orbite  et 
le  bord  alvéolaire. 

21»  Trou  occipital.  G.  G. 

a)  Longueur. 
Points  anatomiques  : 

en  avant  :  basion. 

en  arrière  :  opisthion,  ou  point  médian   du  bord  postérieur. 

b)  Largeur. 


Fig.  4. 


(1)  L'indice  maxillo-alvéolaire  sera: 


Largeur  du  bord  alvéolaire  X  "100 
Hauteur  de  la  courbe  alvéolaire 


=  X. 


CRANIOMÉTRIQUES  ET  CEPHALOMETRIQUES.  567 

Points  anatomiques  :  bords  latéraux,  sur  la  li^ne  transversale 

d'écartement  maximum. 
22°  Courbe  sagittale  du  crâne.  R.  M. 
Points  extrêmes  : 
en  avant  :  nasion  ; 
en  arrière  :  opisthion. 
Points  intermédiaires.  Appliquer  le  ruban  sur  la  voûte,  dans  le 

plan  médian  et  sagittal  du  crâne. 
Cette  courbe  se  subdivise  en  trois  parties  principales  qu'on  relè- 
vera séparément  et  qui  répondent  aux  trois  os  de  la  voûte,  frontal, 
pariétal,  occipital. 

23°  Courbe  transversale.  R.  M. 

Points  extrêmes  bilatéraux  :  sur  la  crête  la  plus  saillante  de  la 
racine  zygomatique  postérieure,  exactement  au-dessus  du 
trou  auditif. 
Points  intermédiaires  :  sur  la  voûte,  dans  le  plan  transversal 
déterminé  par  les  deux  points  précédents  et  le  bregma. 
23  bis.   Courbe  dite  horizontale,  R.  M. 
Points  anatomiques  ; 

en  avant,  au-dessus  des  arcs  sourciliers  ; 
en  arrière,  sur  le  sus-occipital,  de  façon  à  obtenir  la  courbe 
maxima,  en  ayant  bien  soin  que  cette  courbe  soit  à  la  même 
hauteur  de  chaque  côté  et  soit  tout  entière  contenue  dans 
un  même  plan. 
24°  Capacité  crânienne. 

Sans  choisir  entre  les  méthodes  et  tout  en  reconnaissant  la 
valeur  du  cubage  de  Broca,  la  Commission  conseille  d'avoir 
toujours  quelques  crânes  de  contrôle^  de  capacités  très  diffé- 
rentes, auxquels  on  devra  se  reporter  pour  vérifier  l'exactitude 
des  cubages  exécutés  ;  mais  elle  conseille  aussi  d'utiliser, 
toutes  les  fois  qu'il  sera  possible,  le  cubage  direct  par  Teau 
au  moyen  d'une  vessie  en  caoutchouc. 


B.   Mandibule. 

25°  Largeur  bicondylienne.  C.  G. 

Points  anatomiques  :  extrémités  externes  de  chaque  condyle, 
dont  on  mesure  l'écartement. 
26°  Largeur  bigoniaque  C.  G. 


568 


UNIFICATION  DES  MESURES 


Poiats  anatomiques  :  g-onions  ou  sommet  des  angles  que  forment 
les  branches  montantes  avec  le  corps  de  la  mandibule. 
Mesurer  leur  écartement  en  appliquant  le  compas  sur  la  face 
externe. 
27''   LoncjiœuT  de  la  branche  montante  C.  G.  (L,  fig.  S). 
Points  anatomiques  : 

en  haut  :  bord  supérieur  du  condyle  ; 

en  bas  le  gonion;  mais  comme  ce  point  est  souvent  très  diffi- 
cile à  déterminer  sur  le  bord  mandibulaire,  prendre  l'inter- 
section des  deux  lignes 
prolongeant     les     deux 
bords  inférieur  et  posté- 
rieur. 
On  l'obtient  en  faisant  re- 
poser la   mandibule  sur 
son  bord  inférieur  et  en 
plaçant  latige  du  compas 
le  long  de  son  bord  pos- 
térieur. 
28°  Largeur  de  la  branche. 

G.  G. 
a)    Largeur    minima    (M, 
fig.  6). 
Chercher  l'écartement  minimum  entre  les  deux  bords  antérieur 

et  postérieur. 
b)  Largeur  maxima  (M,  fig.  6)  (facultatif). 
Points  anatomiques  : 

en  avant  :  point  le  plus  saillant  du  bord  antérieur  de  l'apophyse 

coronoïde; 
en  arrière  :   point  le    plus  reculé  du  bord    postérieur  de   la 

mandibule. 
Mesurer  cet  écartement  maximum  en  appuyant  une  branche  du 
compas  tangentiellement  au  bord  postérieur  delà  mandibule 
et  en  mettant  Tautre  branche  en  contact  avec  le  bord  anté- 
rieur de  l'apophyse  coronoïde. 
29°  Hauteur  symphy sienne.  G.  G. 
Points  anatomiques,  dans  le  plan  médian  : 

en  haut  :  point  le  plus  élevé  du  bord  alvéolaire  ; 
en  bas  :  bord  inférieur  de  la  symphyse. 
Mesurer  leur  écartement  réel,  et  non  leur  distance  en  projection. 


Fig.  5. 


CRANIOMÉTRIQUES  ET  CÉPHALOMÉTRIQUES. 


569 


SJ""  Hauteur  du  corps  mandibulaire.  G.  G. 

Même  technique,  mais  dans  un  plan  vertical  passant  entre  la 
première  et  la  deuxième  molaire. 

31°  Épaisseur  maxima  du  corps  mandibulaire  (facultatif). 

Dans  le  plan  passant  entre  première  et  deuxième  molaire,  cher- 
cher l'écartement  maximum  des  deux  faces. 

32°  Angle  mandibulaire , 

Mesurer  avec  le  goniomètre  de  Broca  et  avec  la  technique  que 


Fig.  6. 

conseille  cet  auteur,  l'inclinaison  du  bord  postérieur  de  la  branche 
sur  le  bord  inférieur. 

II.    Céphalométrie. 

1°    Longueur  maxima  de  la  tète  ou  diamètre  antéro-postérieur 
maximum.  G.  E.  (1). 

Même  technique  que  pour  le  crâne;  ne  pas  presser. 
2°  Largeur  maxima  de  la  tête  ou  diamètre  transverse  maxima.  G.  E. 
Même  technique  que  pour  le  crâne. 

3''  Hauteur  de  la  tête  (placée  bien  d'aplomb  sur  ses  condyles).  Ins- 
trument :  toise  anthropométrique. 


(1)  Dans  toutes  les  mesures  où  on  cherche  sur  le  vivant  avec  le  compas  d'épais- 
seur un  maximum  d'écartement,  il  est  indispensable  de  chercher  d'abord  .le  plus 
grand  écart  des  branches,  puis  de  fixer  ces  dernières  dans  cette  position  avec  la  vis 
et  de  repasser  pour  vérifier  si  l'écartement  obtenu  est  bien  le  maximum. 


570  UNIFICATION  DES  MESURES 

Points  anatomiques  : 
en  haut  :  vertex; 

en  bas  :  bord  supérieur  du  trou  auditif,  dont  le  point  de  repère 
(toujours  à  vérifier)  est  ordinairement  le  fond  de  l'échan- 
crure  comprise  entre  le  tragus  et  l'hélix. 
4^  Largeur  frontale  minima.  CE. 
Même  technique  que  pour  le  crâne. 
5^  Diamètre  birnastoidien  maximum.  C.  E. 

Même  technique  que  pour  le  crâne,  en  se  plaçant  derrière  le  sujet. 
6*^  Diamètre  bizygomatique.  CE. 

Même  technique  que  pour  le  crâne.  Chercher  avec  soin  le  maxi- 
mum qui  est  souvent  plus  en  arrière  qu'on  ne  le  suppose. 
7''  Diamètre  bigoniaque.  C.  E. 

Même  technique  que  pour  le  squelette.  Eviter  avec  soin  la  partie 
charnue  du  masséter. 

8^  Hauteur  totale  du  visage  (facultatif).  C  G. 
Points  anatomiques  dans  le  plan  médian  : 
en  haut  :  naissance  des  cheveux; 

en  bas  :  bord  inférieur  de  la  mandibule,  en  pressant  un  peu 
pour  ne  pas  tenir  compte  des  épaisseurs  adipeuses. 
9^  Diamètre  naso-mentonnier.  C  G. 
Mêm.e  technique  que  sur  le  squelette,  en  pressant  un  peu  comme 

pour  le  précédent. 

Chercher  le  nasion  en  remontant 

\  avec  l'ongle  le  dos  du  nez  jusqu'au 

^\.  léger  ressaut  que  fait  le  bord  infé- 

^m\  rieur  du  frontal. 

^^^^y  10^  Diamètre  7iasO'buccaL  C.  G. 

/^  ^\^^  Points  anatomiques  dans  le  plan 

y  ^      médian  : 

Fig.  7.  en  haut  :  nasion; 

en  bas  :  interligne  des  lèvres. 

11^  Diamètre  naso-alvéolaire.  C.  G. 

Même  technique  que  sur  le  squelette.  Il  est  toujours  facile  de 

faire  retrousser  les  lèvres  au  sujet  pour  qu'on  puisse  apercevoir  le 

bord  libre  des  gencives. 

12*^  Hauteur  du  nez.  C.  G. 

Points  anatomiques  : 

en  haut  :  nasion; 

en  bas  :  sous-cloison  du  nez,  au  niveau  de  son  union  avec  la 

lèvre  supérieure. 


CRANIOMÉTRIQUES  ET  CÉPHALOMETRIQUES. 


jH 


Fig.  8. 


E 


Ne  pas  presser. 
13**  Largeur  du  nez.  C.  G. 

Points  anatomiques  :  face  externe  des  ailes  du  nez. 
Chercher,  sans  exercer  aucune  pression,  la  ligne   transversale 
d'écartement  maximum. 

14^  Saillie  de  la  base  du  nez  (fig.  7). 
Points  anatomiques  : , 

en  avant  :  le  point  le  plus  saillant 

du  lobule  nasal; 
en  arrière  :  le  point  oii  le  plan  mé- 
dian est  coupé  par  la  ligne  trans- 
versale joignant  le  point  le  plus 
reculé  de  chacun  des  plis  naso- 
labiaux. 
Prendre  la  distance  en  projection  de 
ses  deux  points  avec  un  instrument  ap- 
proprié. 

15^  Largeur  bipalpébrale  externe.  C.  G.  (E,  fig.  8). 

Points  anatomiques  :  an- 
gle externe  de  chaque  œil, 
dans  sa  région  profonde,  en 
contact  immédiat  avec  le 
globe  de  l'œil. 

Les  yeux  du  sujet  étant 
bien  ouverts, le  regard  un  peu 
au-dessus  de  l'horizon,  viser 
ce  point  avec  les  branches  du 
compas  appuyé  sur  les  joues 
du  sujet. 

16^  Largeur  bipalpébrale 
interne.  C.  G.  (I,  fig.  8). 

Points  anatomiques  :  an- 
gle interne  de  chaque  œil, 
sans  s'occuper  de  la  caron- 
cule (fig.  8,  I). 

17°  Largeur  de  la  bouche. 
C.G. 

Points  anatomiques  :  commissures  des  lèvres,  au  point  où  la 
muqueuse  se  continue  avec  la  peau.  Prendre  leur  distance,  la  bou- 
che étant  dans  sa  position  moyenne. 


Fig.  9. 


572     UNIFICATION  DES  MESURES  CRANIOMETRIQUES  ET  CÉPIIALOMÉTRIQUES. 

18°  Hauteur  bilahiale.  C.  G. 
Points  analomiques  : 

en  haut  :  sommets  des  courbes  de  l'arc  labial  supérieur; 

en  bas  :  sommet  de  la  courbe  labiale  inférieure. 
Placer  la  tige  du  compas  bien  verticale  et  ses  branches  tangentes 
aux  sommets  des  deux  courbes. 
19°  Oreille,  C.  G. 

a)  Longueur  maxima  (fig.  9,  trait  plein). 
Points  anatomiques  : 

en  haut  :  le  point  le  plus  élevé  du  bord  de  l'hélix; 
en  bas  :  extrémité  inférieure  du  lobule. 
Placer  la  tige  du  compas  parallèle  au  grand  axe  de  Toreille  et  ses 
branches  tangentes  aux  points  indiqués,  sans  presser. 

b)  Longueur  de  l'oreille  cartilagineuse  (fig.  8,  trait  pointillé). 
Points  anatomiques  : 

en  haut,  comme  précédemment; 

en  bas  :  bord  inférieur  de  la  conque  cartilagineuse. 
Appliquer  le  compas  comme  précédemment,  mais  en  déprimant 
légèrement  le  lobule  avec  la  branche  inférieure  afin  de  ne  prendre 
que  la  portion  cartilagineuse  du  pavillon. 

c)  Largeur, 

Distance  entre  deux  lignes  parallèles  au  grand  axe  de  l'oreille, 
dont  l'une  est  tangente  au  bord  antérieur  de  l'hélix,  et  l'autre  tan- 
gente à  son  bord  postérieur. 

La  technique  de  chacune  de  ces  mesures  a  été,  après  discussion, 
adoptée  à  l'unanimité. 
Ont  signé  : 

Le  Président^  Le   Vice-Président^ 

Waldeyer.  g.  SERor. 

Les  membres  de  la  Commission^ 

Giuiïrida  Ruggeri;  E.  T.  Hamy;  G.  Hervé;  Lissauer;  Von  Lus- 
chan;  Pittard;  Pozzi;  Yerneau. 
G.  Papillault,  rapporteur. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE 

EN  FRANGE  ET  A  L'ÉTRANGER 


HowoRTH  (Sir  Henhy  H.).Ice  or  Water  (Glace  ou  Eau).  2  vol.  8°.  Londres,  Longmans, 

Green  et  G»,  1905. 

Sir  H.  Howorth,  membre  du  Parlement  britannique,  président  de 
l'Institut  royal  archéologique,  écrivain  abondant,  agréable  et  spirituel, 
a  consacré  une  partie  de  son  activité  intellectuelle  à  combattre  les 
idées  modernes  sur  les  grands  phénomènes  des  dernières  époques  géo- 
logiques. Dans  un  premier  ouvrage,  qui  date  d'une  vingtaine  d'années, 
Le  Mammouth  et  le  déluge^  l'auteur  avait  tiré  de  l'examen  de  faits 
innombrables,  puisés  dans  la  littérature  scientifique  de  tous  les  pays, 
des  conclusions  en  contradiction  avec  les  idées  contemporaines  ou  les 
idées  à  la  mode.  Pour  expliquer  les  dépôts  superficiels,  les  vastes  champs 
d'alluvions,  le  transport  d'énormes  blocs,  la  formation  des  limons, 
l'extinction  subite  du  Mammouth,  ce  n'est  pas  aux  causes  actuelles 
qu'il  faut  recourir,  ce  n'est  pas  non  plus  à  l'hypothèse  glaciaire.  Il 
faut  invoquer  des  actions  extraordinaires,  tout  au  moins  violentes, 
subites  et  rapides.  Il  faut  admettre  une  catastrophe  ou,  pour  l'appeler 
par  son  nom,  un  véritable  déluge  provoqué  probablement  par  de 
grands  mouvements  orogéniques  et  produit  par  des  vagues  gigantes- 
ques, parcourant  les  terres  basses,  anéantissant  le  Mammouth  et 
l'Homme  son  contemporain,  transportant  de  grands  blocs,  déposant  des 
cailloux  et  des  limons.  C'est,  on  le  voit,  une  vieille  conception,  celle  du 
diluvium,  reprise  et  rajeunie  par  l'examen  d'un  grand  nombre  de 
données  nouvelles  et  à  laquelle  Prestwich,  vers  la  fin  de  sa  vie,  apporta 
son  adhésion.  Ce  premier  ouvrage,  «grand  arsenal  de  faits  »,  fut  appré- 
cié comme  une  remarquable  compilation,  mais  la  doctrine  n'eut  pas 
grand  succès.  Avant  tout  on  veut  être  de  son  temps. 

Il  fut  suivi,  quelques  années  plus  tard  (1892),  de  deux  volumes  inti- 
tulés :  Le  Cauchemar  glaciaire,  second  appel  au  sens  commun  contre  les 
extravagances  d'une  géologie  récente.  L'auteur  attaquait  vigoureusement 
la  théorie  des  extensions  glaciaires  qui,  modérée  au  début  avec  son 
créateur  Charpentier,  a  pris,  avec  Agassiz,  Schimper  et  leurs  disciples, 
des  proportions  tout  à  fait  inacceptables.  Cette  théorie  ne  repose  sur 
aucune  observation  positive;  elle  s'appuie  sur  une  idée  uniformiste 
purement  théorique,  à  savoir  que  tout  peut  s'expliquer  par  un  travail 
lent,  continu,  accumulé  des  causes  actuelles.  On  a  cherché  à  l'étayer 


574  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

par  des  hypothèses  astronomiques,  dont  aucune  n'a  résisté  à  la  critique. 
Elle  fait  appel  à  des  phénomènes  d'une  amplitude  prodigieuse,  incom- 
préhensible, alors  que  la  théorie  d'une  catastrophe  diluvienne,  qui 
explique  tout  aussi  bien  les  phénomènes  observés,  a  le  mérite  d'être 
d'accord  avec  les  lois  de  la  nature. 

Comme  le  précédent,  ce  livre,  remarquable  par  le  côté  historique, 
très  soigné,  témoigne  d'une  grande  érudition.  Mais  il  ne  paraît  pas  avoir 
fait  plus  de  conversions  que  son  aîné.  M.  Howorth  a  cru  utile  de 
reprendre  et  de  compléter  l'exposé  de  sa  thèse  dans  un  nouvel  ouvrage  : 
Neige  ou  Eau,  en  3  volumes,  dont  deux  seulement  ont  paru  à  l'heure 
actuelle.  Les  phénomènes  qui  ont  marqué  les  temps  quaternaires,  ainsi 
que  les  théories  relatives  à  ces  phénomènes,  y  sont  traités  d'un  point  de 
vue  critique.  Je  vais  essayer  de  le  résumer  aussi  brièvement  que  pos- 
sible. 

Les  premiers  chapitres  sont  consacrés  à  l'examen  des  principales 
théories  imaginées  pour  expliquer  l'époque  glaciaire.  Les  unes  se  rat- 
tachent à  des  phénomènes  normaux,  périodiques,  les  autres  font  appel 
à  une  cause  accidentelle.  Les  premières  sont  des  théories  purement 
astronomiques.  L'auteur  avait  déjà  fait  le  procès  de  celles-ci  dans  ses 
précédents  ouvrages.  Il  y  revient  surtout  pour  combattre,  en  s'aidant 
des  répliques  de  Gulverwell,  les  assertions  récentes  et  si  pleines  d'as- 
surance de  l'astronome  Sir  R.  Bail.  La  théorie  de  Croll  est  également 
l'objet  d'un  nouvel  examen;  elle  a  d'ailleurs  complètement  cessé  de 
plaire.  Le  mot  banqueroute  peut  servir  d'épitaphe  finale  aux  diverses 
formes  de  l'hypothèse  astronomique. 

Les  corollaires  géologiques  de  celle-ci  sont  en  effet  insoutenables. 
Rien  ne  prouve  qu'à  une  époque  glaciaire  dans  un  hémisphère  ait  cor- 
respondu une  époque  chaude  dans  l'autre  hémisphère.  Les  géologues 
s'accordent,  au  contraire,  à  regarder  les  phénomènes  glaciaires  des 
deux  hémisphères  comme  contemporains.  Et  les  prétendues  traces 
glaciaires  de  l'Australie,  de  la  Nouvelle-Zélande,  du  Gap,  etc.,  n'ont 
rien  de  comparable  à  celles  de  l'Europe  ou  de  l'Amérique  du  Nord.  Le 
maximum  du  phénomène  glaciaire  ne  paraît  pas  devoir  s'être  produit 
au  pôle  comme  le  voudrait  la  théorie;  les  centres  de  dispersion  des 
glaces  en  sont  tout  à  fait  indépendants.  Croll  avait  dit  :  «  Ma  théorie 
exige  que  les  périodes  glaciaires  des  temps  géologiques  aient  été  mul- 
tipliées ».  Certains  géologues  se  sont  attachés  à  retrouver  les  traces  de 
ces  périodes.  D'autres  soutiennent  encore  l'unité  de  la  période  glaciaire. 
Les  diverses  phases  de  glaciation  auraient  dû  être  séparées  par  des 
phases  interglaciaires  au  climat  chaud.  M.  Howorth  consacre  une  grande 
partie  de  son  ouvrage  à  réfuter  ces  dernières  propositions.  Pour  lui,  la 
conception  des  périodes  interglaciaires  doit  aller  rejoindre  dans  les 
limbes  les  théories  astronomiques. 

L'auteur  examine  ensuite  les  théories  qui  font  appel  à  un  événement 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  575 

unique,  accidentel.  «  Celles-ci  sont  aussi  inépuisables  que  la  perversité 
de  l'imagination  humaine  ».   Il   s'agit  d'un  changement  accidentel  de 
l'inclinaison  de  l'axe  de  la  terre  sur  le   plan  de  l'écliptique;  du  dépla- 
cement des  pôles  sur  la  croûte  terrestre  ou  des  changements  relatifs 
survenus  entre  celle-ci  et  le  noyau  liquide  ;  de  variations  de  la  chaleur 
solaire  ;  de  changements  dans  la  constitution  de  l'atmosphère;  de  sou- 
lèvements ou  d'affaissements  en  masse  des   domaines  continentaux, 
etc.  Sa  conclusion,  partagée  par  beaucoup  de  savants,  c'est  que  toutes 
ces  théories  sont  absolument  insuftîsantes.  «  Postuler  une  période  gla- 
ciaire, afin  de  coordonner  et  d'expliquer   un  grand  nombre  de    faits 
physiques,  serait  parfaitement  légitime  si  l'on   montrait  que  la  cause 
invoquée  est  possible,  mais  cela  ne  saurait  être  permis  quand  cette 
cause  est  inexplicable  ».  Or,  jusqu'à  présent,  on  n'a  fait  appel  à  aucune 
cause  rationnelle,  ou  se  prêtant  à  une  vérification  scientifique.  De  plus 
on    ne  s'est  pas  suffisamment  demandé  si  la  glace,  véritable  Deus  ex 
machina,  est    capable  de  produire  tous  les  effets  qu'on  lui  attribue. 
L'auteur  n'a  jamais  cessé  de  se  plaindre  que  les  glacialistes  n'aient 
jamais  pris  la  peine  de  démontrer  cette  capacité.  Il  est  curieux  de  voir, 
par  exemple,  que  dans  le  Great  Ice  Age  de  J.  Geikie,  sur  600  pages,  deux 
et  demie  seulement  soient  consacrées  à  l'examen  de  ce  postulat  fon- 
damental :  le  pouvoir  dynamique  de  la  glace. 

La  plupart  des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  l'époque  glaciaire  n'ont 
jamais  vu  de  glaciers.  La  glace  qu'ils  invoquent  est  une  glace  hypothé- 
tique, transcendantale,  aux  qualités  purement  imaginaires.  M.  Howorth 
a  traité  longuement  des  propriétés  physiques  de  l'eau  congelée  et  de 
ses  effets  dynamiques  qui  sont  très  limités.  Non  seulement  la  glace 
n'est  pas  capable  de  creuser  mais  elle  ne  saurait,  comme  on  le  dit,  se 
déplacer  sur  de  vastes  plaines  horizontales.  Les  ultra-glacialistes  n'ont 
jamais  répondu  à  ces  objections  que  par  des  phrases  constituant  des 
aveux  d'impuissance. 

Les  caractères  physiques  des  formations  prétendues  glaciaires  n'im- 
pliquent pas  nécessairement  l'action  de  la  glace.  La  striation,  le  polis- 
sage des  cailloux  ou  des  blocs,  le  moutonnement  de  surfaces  rocheuses, 
l'aspect  anguleux  des  éléments  de  certains  drifts  doivent  être  attribués  à 
d'autres  agents  si  l'on  veut  rester  fidèle  à  la  méthode  inductive.  Il  en 
est  de  même  du  mode  de  distribution,  de  l'arrangement  interne,  des 
dispositions  topographiques  du  drift,  lequel  n'a  pas  les  caractères  des 
moraines  actuelles.  On  a  l'habitude  de  parler  des  moraines  de  fond, 
mais  celles-ci  sont  virtuellement  inconnues  dans  les  glaciers  actuels  et 
l'auteur  n'a  jamais  pu  se  rendre  compte  de  leur  modus  operandi.  Les 
diverses  manières  d'être  du  drift,  auxquelles  on  a  donné  les  noms  de 
dsar,  eskers,  kames,  drumlins,  fournissent  d'autres  exemples  de  l'in- 
croyable ingénuité  des  glaciairistes  qui  ont  cherché  à  les  expliquer.  En 
réalité,  la  glace  est  incapable  de  faire  tout  ce  qu'on  lui  attribue. 


576  MOUVEMENT  SGlExNTIElgUE. 

Il  faut  abandonner  l'hypothèse  glaciaire,  théorie  fantastique  d'une 
géologie  par  trop  uniformiste.  Il  vaut  mieux  revenir  aux  idées  des 
anciens  maîtres,  Murchison,  Sedgwick,  Philips,  de  Buch,  elc,  qui 
étaient  d'excellents  géologues  doublés  de  bons  physiciens.  Ils  attri- 
buaient d'une  part  à  des  mouvements  de  l'écorce  terrestre,  d'autre  part 
à  l'action  de  l'eau  ce  que  leurs  successeurs  attribuent  uniquement  à  la 
glace.  «  Ils  avaient  ce  grand  avantage,  m  limine,  que  les  forces  invoquées 
par  eux  sont  non  seulement  explicables  mais  efficaces.  Ils  pouvaient  en 
garantir  les  effets.  Nos  nouveaux  philosophes  ont  une  pierre  de  touche 
très  différente.  Ils  font  appel  à  ce  qui  est  à  la  fois  inexplicable  et  inef- 
ficace ». 

Ici  s'arrêtent  les  deux  premiers   volumes  de  Ice  or    Water.  Dans  le 
troisième  l'auteur  se  propose  de  passer  en  revue,  pour  les  soumettre  à 
sa  critique,  toutes  les  régions  où  l'on  a  décrit  des  formations  glaciaires. 
Il  a  déjà  entrepris,  dans  le   dernier  chapitre   du  deuxième  volume, 
l'examen  des  contrées  arctiques.  Celles-ci  (notamment  le  Groenland),  au 
lieu  d'être  des  contrées  plates  et  basses,  couvertes  d'une  énorme  cara- 
pace de  glace  comme  Croll  et  d'autres  l'ont  dit,  sont  des  plateaux 
élevés.  Le  dernier  mouvement  de  la  croûte  terrestre  a  été  un  soulèvement 
qui  est  encore  en  progrès,  de  sorte  que  le  climat  de  cette  région,  au  lieu 
d'être  moins  rude  actuellement  qu'autrefois,  ne  l'a  jamais  été  autant 
qu'aujourd'hui  et  le  devient  de  plus  en  plus.  En  fait,  on  n'observe,  ni 
en  Islande  ni  au    Groenland,   aucune  trace  d'une  ancienne  période 
glaciaire.  L'auteur  montrera,  dans  son  troisième  volume,  que  pareille 
conclusion  s'applique  à  toutes  les  autres  régions  prétendues  glaciaires 
et  que  les  divers  phénomènes  qu'on  y  observe  s'expliquent  facilement 
par  la  seule  action  de  l'eau,  thèse  déjà  développée  dans  ses  ouvrages 
précédents. 

J'ai  lu  le  nouveau  livre  de  M.  Howorth  avec  curiosité  et  j'ai  trouvé  à 
cette  lecture  un  grand  charme  qui  ne  tient  pas  seulement  au  style 
agréable,  primesautier,  plein  d'humour  de  l'écrivain.  Certes  l'auteur  ne 
m'a  nullement  converti  à  ses  idées.  Mes  convictions  sur  l'existence 
d'anciennes  périodes  de  vastes  extensions  des  glaces  ne  s'appuient  pas 
seulement  sur  ce  que  j'ai  appris  dans  les  livres  mais  aussi  sur  mes 
observations  personnelles  et  les  parties  les  plus  faibles  du  livre  de 
M.  Howorth  sont,  à  mon  sens,  celles  où  il  cherche  à  démontrer  que  la 
glace  est  incapable  de  produire  les  phénomènes  auxquels  nous  recon- 
naissons son  intervention,  tels  que  le  moutonnement  des  surfaces 
rocheuses,  la  striation  des  cailloux,  les  dispositions  topographiques  des 
drifts  à  éléments  anguleux,  etc.  Mais  si  l'auteur  ne  m'a  nullement  con- 
verti, si  je  ne  veux  pas  revenir,  avec  lui,  à  de  vieilles  conceptions  que 
je  trouve  beaucoup  plus  inexplicables  ou  beaucoup  moins  efficientes 
que  la  théorie  glaciaire,  il  m'a  obligé  à  réfléchir  sur  une  foule  de  points 
qu'on  adopte   parfois    un   peu   légèrement,   sans    critique  suffisante. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  577 

M'obligeant  à  rentrer  en  moi-même,  il  m'a  rendu  un  service  dont  je  lui 
suis  reconnaissant.  Plus  j'avance  dans  l'étude  des  dernières  époques 
géologiques,  qui  sont  celles  que  nous  devrions  le  mieux  connaître,  plus 
je  suis  effrayé  du  nombre  de  problèmes  qui  restent  sans  solution  sa- 
tisfaisante et  de  la  difficulté  de  ces  problèmes.  Plus  je  suis  étonné 
aussi  de  la  facilité  avec  laquelle  on  adopte  les  théories  nouvelles,  sans 
les  passer  au  crible  d'une  critique  serrée  et  parfois  simplement  pour 
obéir  à  la  mode,  pour  paraître  au  courant  du  mouvement  scientifique. 
Je  crois  qu'à  ce  point  de  vue,  les  écrits  de  M.  Howorth  peuvent  rendre 
de  grands  services.  Comme  l'a  dit  l'auteur  lui-même  dans  un  de  ses 
ouvrages  précédents,  il  n'est  pas  mauvais  qu'au  moment  où  de  tous 
côtés  on  paraît  s'endormir  dans  la  quiétude  d'une  théorie  scientifique 
généralement  adoptée,  il  se  trouve  un  esprit  indépendant  et  quelque 
peu  hérétique,  qui  vienne  secouer  les  fondations  de  l'édifice  pour  en 
éprouver  la  solidité. 

M.  B. 


Lamplugh  (G.  W.).  On  the  british  Drifts  and  the  interglaoial  Problem  (Sur  les 
dépôts  superficiels  des  lies  Britanniques  et  le  problème  interglaclaire).  Nature, 
n°  du  16  août  1906. 

Texte  d'un  discours  prononcé  devant  la  section  de  géologie  de  l'Asso- 
ciation britannique  par  son  président  M.  Lamplugh. 

Entre  les  rares  naturalistes  qui  ne  croient  pas  du  tout  à  une  époque 
glaciaire,  comme  M.  Howorth  dont  je  viens  de  parler,  et  les  glaciai- 
ristes  à  outrance  qui  multiplient  les  périodes  d'extension  des  glaces, 
comme  MM.  J.  Geikie  ou  Penck,  il  y  a  des  savants  aux  opinions  intermé- 
diaires :  ceux  qui  croient  à  l'unité  de  l'époque  glaciaire  et  ceux  qui 
admettent  une  périodicité  limitée.  On  peut  dire  qu'aujourd'hui  l'hy- 
pothèse de  la  périodicité  est  acceptée  par  la  majorité  des  géologues. 
Quelques-uns  pourtant  sont  restés  sur  les  anciennes  positions  et  se 
refusent  à  admettre  l'alternance,  pendant  les  temps  quaternaires,  de 
périodes  chaudes  et  de  périodes  froides.  M.  Lamplugh,  qui  étudie 
depuis  un  quart  de  siècle  les  terrains  superficiels  du  Yorkshire,  nous 
apporte  les  résultats  de  son  enquête  personnelle  sur  ce  pays. 

Il  commence  par  passer  en  revue  l'état  de  la  question  dans  les  prin- 
cipales régions  où  elle  a  été  étudiée.  Il  rappelle  la  classification  compli- 
quée de  iM.  James  Geikie,  qui  embrasse  toute  l'Europe  et  qui  est,  par 
cela  même,  difficile  à  critiquer.  En  Norwège,  Suède,  Danemark  on  croi^ 
généralement  à  une  époque  interglaciaire,  bien  que  cette  vue  soit  éner- 
giquement  combattue  par  Holst.  En  Allemagne,  la  discussion  est  loin 
d'être  close,  et  les  partisans  de  la  périodicité  ne  s'accordent  par  sur  le 
nombre  des  périodes.  Quelques  géologues,  comme  Geinitz,  sont  encore 
pour  l'unité.  En  Russie  les  opinions  sont  divisées.  MM.  Penck  et 
l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  37 


S78  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Bruckner,dans  les  Alpes, admettent  quatre  périodes  glaciaires  avec  trois 
ou  peut-être  quatre  périodes  interglaciaires.  En  Amérique,  où  elle  a  fait 
les  frais  d'une  littérature  énorme,  la  question  se  présente  sous  le  même 
aspect  qu'en  Europe.  Tout  le  monde  admet  de  grandes  oscillations  du 
bord  (les  champs  de  glace.  Pour  les  uns  les  oscillations  correspondent 
à  de  véritables  phases  glaciaires  et  inlerglaciaires;  pour  les  autres  elles 
ne  suffisent  pas  à  enlever  son  unité  à  l'époque  glaciaire.  La  plupart  des 
géologues  ont  adopté  l'opinion  moyenne  d'une  seule  grande  interruption 
du  régime  froid.  Cette  dernière  vue  trouve  un  grand  appui  dans  les 
études  de  Gilbert  et  Russel  sur  les  variations  des  anciens  lacs  Bonne- 
ville  et  Lahontan. 

L'auteur  revientau  problème  qu'il  est  particulièrement  préparé  à  trai- 
ter, celui  de  l'interglaciaire  des  lies  Britanniques,  en  examinant  une  à 
une  chacune  des  phases  glaciaires  et  interglaciaires  de  James  Geikie. 
Les  premières  {Scanien  et  Norfolkien)  ne  sont  nullement  démontrées. 
Les  Iles  Britanniques  sont  absolument  dépourvues  de  toutes  formations 
erratiques  pouvant  se  rapporter  au  Scanien.  L'existence  en  Scanie  de 
moraines  plus  anciennes  que  l'argile  à  blocs  inférieure  d'Angleterre  ou 
d'Allemagne  est  une  pure  supposition.  Quant  au  caractère  interglaciaire 
des  dépôts  du  forest-bed  il  n'est  pas  reconnu  par  des  savants  tels  que 
Clément  Reid  et  Harmer. 

Pour  l'apréciation  de  la  valeur  des  termes  Saxonien  (2^  période  gla- 
ciaire), Belvétien  (2^  période  interglaciaire),  et  Polandien  (3^  période 
glaciaire),  les  documents  anglais  sont  au  contraire  très  nombreux.  Un 
peu  partout;,  aussi  bien  dans  l'ile  de  Man  qu'en  Irlande,  que  dans  Test  et 
le  nord-est  de  l'Angleterre  on  connaît  depuis  longtemps  la  présence 
d'un  drift  stratifié,  à  éléments  roulés,  d'un  drift  fluviatile  ou  marin 
intercalé  entre  deux  ou  un  plus  grand  nombre  d'argiles  à  blocs  d'origine 
glaciaire;  ce  sont  les  middle  sands.  Parfois  ces  sables  renferment  des 
coquilles  marines,  de  sorte  qu'on  a  pu  attribuer  leur  formation  à  une 
époque  de  submergence  pendant  laquelle  la  glace  aurait  disparu,  c'est- 
à-dire  à  une  époque  interglaciaire.  M.  Lamplugh  combat  cette  proposi- 
tion. Voici  ses  principaux  arguments. 

Le  drift  stratifié  offre  avec  l'argile  glaciaire  des  rapports  si  étroits, 
les  deux  formations  se  présentent  si  souvent  en  lambeaux  mêlés  sans 
aucun  ordre,  on  voit  si  fréquemment  le  passage  de  l'une  à  l'autre,  qu'on 
ne  peut  s'empêcher  d'admettre  que  l'argile  à  blocs  et  les  sables  stratifiés 
ont  dû  souvent  se  former  simultanément,  sur  des  points  peu  éloignés 
les  uns  des  autres.  Les  sables  représentent  probablement  les  dépôts 
formés  sur  les  marges  des  nappes  de  glace,  soit  par  des  eaux  provenant 
du  glacier  lui-même,  soit  par  les  eaux  descendant  des  terres  voisines. 

On  sait  aujourd'hui  que  les  coquilles  marines^  qu'on  trouve  parfois, 
toujours  très  clairsemées,  dans  les  middle  sands,  ne  sauraient  prouver 
l'origine  marine  de  ces  sables.  Depuis  que  nous  savons  que  les  mers 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  579 

anglaises  ont  été  remplies  par  de  vastes  lobes  de  glace  balayant  le  fond 
de  la  mer  et  poussant,  sur  la  terre  ferme,  des  matériaux  empruntés  aux 
dépôts  sous-marins  préexistants,  nous  ne  saurions  être  étonnés  d'en 
observer  des  détritus  dans  les  moraines  formées  par  ces  lobes  de  glace 
ou  abandonnés  sur  place  après  leur  fusion.  Ceci  s'accorde,  il  faut 
bien  le  remarquer,  avec  ce  que  divers  savants  ont  observé  dans  les 
glaciers  des  contrées  circumpolaires  et  M.  Kendall  a  démontré  que  dans 
l'ouest  de  l'Angleterre  ce  n'est  que  lorsque  les  glaciers  ont  passé  sur 
d'anciennes  surfaces  marines  qu'on  observe  des  coquilles  dans  les  dépôts 
de  drift.  De  cette  façon,  la  présence  de. coquilles  marines  à  des  altitudes 
très  différentes,  parfois  très  élevées  comme  à  Moel  Teyfaen,  s'explique 
aisément  par  de  simples  considérations  topographiques. 

Les  fossiles  recueillis  dans  les  prétendues  formations  interglaciaires  dé- 
notent une  faune  ou  une  flore  parfaitement  compatibles  avec  une  basse 
température.  Dans  les  cas  exceptionnels  où  ils  accusent  une  température 
vraiment  élevée,  les  relations  stratigraphiques  des  gisements  par  rap- 
port au  boulder-clay  ne  sont  pas  clairement  établies. 

Les  derniers  termes  du  tableau  de  la  classification  de  M.  James  Geikie  : 
Neudeckien  (3^  interglaciaire),  Mecklemhourgien  (4^  glaciaire),  Forestien 
inférieur  (4«  interglaciaire),  Turbasien  inférieur  (5«  glaciaire),  forestien 
supérieur  (5^  interglaciaire)  et  Turbasien  supérieur  (6*^  glaciaire)  sont 
encore  bien  plus  difficiles  à  admettre.  Leur  ensemble  correspond  à  ce 
que  la  majorité  des  géologues  anglais  désignent  sous  le  nom  de  post-gla- 
ciaire. Les  données  tirées  de  l'Europe  septentrionale,  et  sur  lesquelles 
M.  Geikie  s'est  appuyé,  sont  attaquées  même  par  des  interglaciairistes. 
Quant  aux  phénomènes  observés  en  Ecosse  ils  sont  parfaitement  expli- 
cables par  l'hypothèse  d'un  retrait  progressif  avec,  de  temps  à  autre, 
quelques  oscillations  dues  à  des  variations  dans  la  chute  des  neiges. 

En  résumé,  d'après  M.  Lamplugh,  une  classification  détaillée  et  chro- 
nologique des  drifts  anglais  est  encore  prématurée.  Il  n'y  a  aucune 
preuve  décisive  qu'il  y  ait  eu  une  ou  plusieurs  périodes  interglaciaires 
avec  climat  chaud.  L'époque  glaciaire  parait  avoir  été  continue  depuis 
la  première  apparition  des  champs  de  glace  jusqu'à  leur  fusion  défini- 
tive. Les  terrains  pliocènes  et  pléistocènes  des  Iles  Britanniques 
indiquent  les  passages  progressifs  d'un  climat  tempéré  à  un  climat 
subarctique  et  de  celui-ci  au  climat  actuel. 

M.  B. 


Verworn    (Max).   Die    archaeolithische   Cultur  in   den   Hipparionschichten   von 
Aurillac  (Cantal)  (L'industrie  archéolithique  dans  les  couches  à  Ilipparion  d'Au- 

rillac,  Cantal).  Extrait  de  :  Abhandlungen  der  /cgi.  Gesellschafl  der  Wissenschaften 
zu  Goetlingen.  Malhematisch-physikalische  Klasse.  Neue  Folge,  vol.  IV,  Nr.  4. 
Berlin,  1905. 

Très  sceptique  pendant  longtemps  sur  la  question  de  l'origine  des 


580  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

éolithes,  M.  M.  Verworn  prit  la  résolution,  au  printemps  de  1905,  d'abor- 
der le  problème  dans  une  localité  classique  et  de  faire  des  fouilles  à 
Aurillac  (Cantal). 

L'auteur,  s'appuyant  sur  les  recherches  d'une  série  de  savants  fran- 
çais, MM.  Rames,  Boule,  etc.,  expose  d'abord  la  géologie  de  la  région. 
La  base  du  Cantal  est  formée  par  le  terrain  archéen,  sur  lequel  reposent 
des  couches  carbonifères.  Dans  les  strates  suivantes,  d'âge  oligocène 
(Sannoisien,  Tongrien  et  Aquitanien)  s'intercalent  des  bancs  de  silex. 
Ce  sont  ces  silex  oligocènes  d'eau  douce  qui  ont  fourni  la  matière  des 
éclats  qu'on  rencontre  dans  les  dépôts  susjacents  et  que  M.  Verworn 
considère  comme  intentionnellement  travaillés.  Immédiatement  au- 
dessus  des  couches  oligocènes  se  trouvent  les  sables  et  tufs  miocènes 
du  Pontien  (à  Dinotherium  giganteum,  Mastodon  longirostris,  Hipparion 
gracile  etc.).  C'est  de  cette  époque  que  datent  aussi  les  premières 
éruptions  des  volcans  du  Cantal,  dont  les  déjections  se  montrent  tantôt 
au-dessus,  tantôt  au-dessous  des  strates  miocènes,  lesquelles  sont  assez 
fréquemment  remaniées  et  englobées  par  elles.  Au  Puy  de  Boudieu, 
p.  e.,  on  voit  les  sables  miocènes  en  forme  de  lentilles  enclavés  dans  le 
tuf  andésitique. 

C'est  dans  ces  couches  miocènes,  spécialement  dans  les  graviers  et 
sables  flumaiiles  des  environs  d'Aurillac,  qu'on  a  signalé  les  fameux 
éolithes  du  Cantal.  Leur  abondance  varie  suivant  les  localités.  M.  Ver- 
worn écrit  qu'il  a  récolté  au  Puy  de  Boudieu  environ  30  0/0,  au  Puy 
Courny  env.  20  0/0,  près  de  Veyrac  15  0/0,  à  Belbès  8  0/0  d'éolithes  cer- 
tainement travaillées  par  l'homnîe  ou  un  de  ses  précurseurs;  il  s'em- 
presse d'ajouter  que  le  nombre  des  silex  certainement  non  travaillés  n'(3st 
que  de  15  à  20  0/0.  La  plupart  de  ces  derniers  sont  roulés,  tandis  que 
les  silex  travaillés  ne  montrent  ordinairement  que  peu  ou  point  de 
traces  de  transport.  Les  arêtes  des  éolithes  du  Puy  Courny  et  de  Belbès 
p.  e.  sont  ordinairement  bien  roulées,  celles  du  Puy  de  Boudieu  par 
contre  sont  restées  presque  toutes  tranchantes. 

Au-dessus  des  formations  d'eau  douce  et  volcaniques  miocènes  repo- 
sent les  couches  pliocènes  du  Plaisancien,  de  l'Astien  et  du  Sicilien 
(caractérisées  par  VElejphas  méridional? s,  le  Mastodon  arvernensis^  etc.). 
Des  éruptions  volcaniques  contemporaines  couvrent  les  tufs  miocènes 
et  forment  les  grandes  masses  d'andésite  et  de  basalte  des  plateaux. 
L'activité  volcanique  du  Cantal  s'est  éteinte  vers  la  fin  du  Pliocène,  et 
les  sommets  de  cette  région  sont  devenus  des  centres  de  glaciers  qua- 
ternaires. On  y  peut  facilement  distinguer  deux  époques  glaciaires,  un 
«  glaciaire  des  plateaux  »  et  un  «  du  fond  des  vallées  »,  séparés  par  une 
phase  interglaciaire.  11  semble  que  la  terrasse  supérieure  contienne  des 
instruments  primitifs  quaternaires  en  silex;  la  terrasse  inférieure  a 
donné  une  riche  récolle  de  silex  amygdaloïdes  et  de  pointes  moustié- 
riennes.  La  surface  actuelle  enfin  présente  une  industrie  néolithique. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  581 

M.  Verworn  est  d'avis  qu'on  ne  peut  soutenir  qu'il  y  ait  eu  encore 
des  éruptions  à  l'époque  quaternaire  et  que  les  éolithes  situés  au- 
dessous  du  basalte  puissent  dater  de  cette  période,  parce  que  les  deux 
terrasses  quaternaires  aux  environs  d'Aurillac  ne  sont  nulle  part  cou- 
vertes de  dépôts  volcaniques.  Le  fait,  qu'on  peut  distinguer  plusieurs 
formations  volcaniques  séparées  par  des  couches  d'eau  douce  bien 
caractérisées,  lui  fait  penser  que  les  strates  avec  éolithes,  reposant 
tantôt  au-dessous,  tantôt  immédiatement  au-dessus  du  basalte  le  plus 
profond,  ne  peuvent  appartenir  à  la  fin  du  Tertiaire.  Il  déduit  aussi 
leur  âge  plus  reculé  de  l'observation  que  les  couches  à  éolithes  n'af- 
fleurent librement  qu'aux  bords  de  la  couverture  volcanique^  là  où  des 
vallées  les  ont  entamées  à  une  certaine  profondeur.  Elles  en  sont,  par 
contre,  recouvertes  sur  les  plateaux,  où  ce  creusement  n'a  pas  eu 
lieu  et  où  les  éruptions  plus  récentes  ne  se  sont  pas  étendues.  Mais 
parce  qu'on  rencontre  encore  au-dessus  de  ces  matières  volcaniques  les 
plus  anciennes  des  couches  à  flore  et  à  faune  du  Miocène  supérieur 
(p.  e.  à  Joursac),  les  strates  à  éolithes  ne  peuvent  être  plus  récentes  que 
celui-ci,  ce  que  M.  Keilhac  a  cru,  en  émettant  l'opinion  que  les  osse- 
ments d'Hipparioriy  de  Dlnotherium  n'auraient  été  remaniés  avec  les 
graviers  à  éolithes  que  plus  tard. 

Il  ne  reste  donc  à  M.  Verworn  qu'à  prouver,  chose  fort  importante, 
que  les  silex  certainement  miocènes,  sont  travaillés.  11  consacre  tout 
un  chapitre  aux  signes  du  travail  intentionnel.  Après  avoir  parlé  une 
fois  de  plus  du  bulbe  de  percussion,  du  plan  de  frappe,  des  éclats,  des 
retouches,  etc.,  il  conclut  qu'aucun  de  ces  critériums,  pris  en  soi- 
même,  ne  suffit  à  établir  la  «  manufacture  ».  «  Nous  devons  plutôt  — 
d'après  ses  propres  expressions,  —  nous  efforcer,  de  développer  un 
diagnostic  critique,  formé  comme  celui  du  médecin.  Plus  nous  dé- 
velopperons ce  diagnostic  par  l'observation  et  l'expérience,  plus  le 
nombre  des  cas  douteux  diminuera.  C'est  seule  l'analyse  critique 
d'une  combinaison  donnée  de  caractères,  qui  nous  permet  d'arriver  à 
une  décision.  »  J'avoue  que  cette  explication  ne  se  présente  ni  avec 
clarté  ni  avec  simplicité  ;  bornons-nous  à  dire  que  M.  Verworn  a  trouvé 
toute  une  série  de  silex  au  Puy  de  Boudieu,  extraits  par  lui-même 
d'une  couche  non  remaniée,  qui  offrent  «  tout  le  complexe  des  symp- 
tômes »  nécessaires,  et  qui  prouvent  par  conséquent  «  d'une  façon 
inébranlable  l'existence  d'un  être  qui  a  taillé  le  silex  vers  la  fin  du 
Miocène  ». 

L'auteur  donne  ensuite  une  description  détaillée  de  l'importante  récolte 
de  silex  taillés,  qu'il  a  eu  le  bonheur  de  faire,  et  parmi  lesquels  se 
trouvent  des  pièces  intactes  avec  deux  patines  successives,  des  pièces 
ouvrées  par  conséquent  deux  fois  à  l'époque  miocène.  Leur  grandeur 
est  bien  différente,  car  à  côté  des  silex  de  quelques  centimètres,  il  en 
est  qui  ont  15  à  20  centimètres  de  diamètre.  La  matière  première  pos- 


582  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

sède  en  général  la  forme  de  dalles  avec  surfaces  parallèles,  qui  prédo- 
mine aussi  parmi  les  outils  mêmes.  M.  Verworn  décrit  alors  les  éclats, 
les  nucléus,  les  marteaux,  les  enclumes,  les  racloirs,  les  pointes,  les 
perçoirs,  etc.,  et  donne  sur  cinq  planches  de  belles  figures  des  pièces 
principales.  Après  avoir  exposé  le  milieu  dans  lequel  vivaient  les 
anciens  habitants  du  Cantal,  il  insiste  sur  l'existence  de  traces  mon- 
trant qu'il  y  avait  ici  au  Miocène  une  culture  qui  était  déjà  sortie  des 
premières  ébauches  et  qui  suppose  un  long  développement.  Le  grand 
nombre  des  outils  lui  indique  néanmoins  qu'on  ne  les  a  pas  gardés 
longtemps,  mais  abandonnés  de  suite,  sauf  à  les  reprendre  et  refaire 
par  hasard.  Le  silex  est  seul  utilisé. 

M.  Verworn  attribue  à  la  localité  qu'il  a  examinée  une  plus  grande 
importance  que  les  autres  visiteurs  qui  l'ont  étudiée  avant  lui  ne 
l'ont  fait.  Il  lui  semble  nécessaire  de  distinguer  et  diviser  encore  plus 
exactement  les  produits  industriels  qu'on  a  réunies  jusqu'ici  sous  le  nom 
d'éolithes.  Les  éolithes  du  Cantal  représentent  pour  lui  l'époque  où 
l'on  a  déjà  éclaté  les  pierres  et  travaillé  les  bords,  mais  oii  de  véritables 
types  sont  encore  inconnus.  11  propose  d'appeler  cette  industrie 
«  archéolithique  »  ;  elle  s'intercalerait  entre  les  industries  éolithiques  et 
paléolithiques;  elle  aurait  déjà  existé  au  Miocène  supérieur.  Les  indus- 
tries éolithiques  comprendraient  les  époques  où  Ton  .n'aurait  pas 
encore  ouvré  la  pierre,  mais  seulement  utilisée  telle  qu'elle  était.  Les 
véritables  et  pures  industries  éolithiques  ne  seraient  même  pas  encore 
trouvées;  on  devrait  remonter  à  des  périodes  géologiques  beaucoup 
plus  reculées.  Une  utilisation  purement  éolithique  n'est  connue  jus- 
qu'ici que  chez  les  singes  actuels,  qui  ne  réussissent  encore  ni  à  con- 
naître ni  à  distinguer  les  silex.  M.  Verworn  concède  qu'il  sera  difficile 
de  vérifier  ces  traces  certainement  très  faibles,  mais  il  espère  néanmoins 
que  notre  œil  s'aiguisera  pour  cette  tâche  délicate. 

Si  les  éolithes  présentaient  jusqu'ici  (pour  beaucoup  d'archéologues) 
le  travail  d'un  être  intellectuel,  il  n'y  aurait  pas  de  doute  que  les 
beaux  échantillons  dont  parle  M.  Verworn  ne  soient  a  fortiori  dans  le 
même  cas.  Toutefois,  il  est  désormais  acquis  que  ces  pièces  considérées 
comme  travaillées  intentionellement  peuvent  avoir  une  origine  pure- 
ment naturelle.  Les  séries  recueillies  à  Mantes  ont  fourni  non  seule- 
ment des  pièces  représentant  des  traces  apparentes  d'un  travail  rudi- 
mentaire,  mais  des  formes  d'aspect  beaucoup  plus  perfectionné  et 
particulièrement  des  éclats,  grattoirs  et  perçoirs,  que  M.  Verworn 
n'hésiterait  pas  à  classer  dans  l'  «  archéolithique  »  le  plus  soigné.  A 
Mantes  cependant  nous  avons  affaire  à  des  éclats  provenant  de  blocs 
de  faibles  dimensions  et  d'un  silex  dur  qui  ne  s'éclate  pas  très  facile- 
ment. On  peut  se  demander  ce  que  donnerait  dans  les  turbines  de 
Mantes  le  silex  en  grandes  plaquettes  du  Puy  Courny,  dont  l'extrême 
fragilité  ne  fait  aucun  doute  et  exagérerait  vraisemblablement  beau- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  583 

coup  tous  les  aspects  de  pseudo-taille,  constatée  sur  les  éclats  du  silex 
sénonien.  Cette  explication  est  d'autant  moins  invraisemblable,  que 
des  sommets  très  élevés  du  grand  cône  volcanique  miocène  devaient 
dévaler  de  très  puissants  cours  d'eau  torrentiels,  dont  nous  savons 
qu'ils  étaient  de  merveilleux  fabricants  d'éolithes.  Il  n'est  pas  jusqu'à 
la  différence  dans  l'usure  des  arêtes,  quelquefois  tout  à  fait  nulle,  et 
d'autres  fois  très  accentuée,  qui  ne  s'explique  par  l'analogie  avec  une 
différence  aussi  considérable,  que  j'ai  pu  constater,  après  quelques 
heures  de  transport,  dans  les  turbines  de  Mantes. 

D""  H.  Obermaier. 

J'aurais  bien  des  choses  à  dire  au  sujet  de  ce  travail  et  d'autres 
mémoires  du  même  genre,  parus  depuis  peu  sur  les  gisements  à  éolithes 
des  environs  d'Âurillac.  Leurs  auteurs  donnent  à  la  géologie  du  Cantal 
des  entorses  graves,  font  des  confusions  regrettables,  mettent  dans  le 
même  sac  des  choses  très  différentes,  ou  bien,  comme  M.  Verworn,  s'es- 
criment à  démontrer  des  cho«es  connues  depuis  les  travaux  des  premiers 
géologues  auvergnats.  Aussi  bien  n'est-ce  pas  l'âge  des  sables  à  silex  du 
Puy  Courny  qui  est  l'objet  du  litige.  Si  la  nature  exacte  de  ce  gisement 
est  à  mes  yeux  un  des  problèmes  les  plus  difficiles  de  la  géologie  canta- 
lienne,  ce  dont  personne  ne  parait  se  douter,  son  âge  miocène  supérieur 
n'a  jamais  été  sérieusement  mis  en  doute  par  personne.  Ce  qu'il  s'agirait 
de  prouver  autrement  que  par  des  affirmations  ou  des  dissertations  à 
côté,  c'est  que  les  silex  du  Puy  Courny  sont  vraiment  le  produit  d'une 
intervention  intelligente.  Et  cela  on  ne  le  fait  pas.  Tout  ce  qui  a  été 
écrit  dans  ces  dernières  années  sur  ce  sujet  n'est  que  la  répétition  de 
ce  qui  fut  dit,  écrit,  ou  imprimé  il  y  a  une  vingtaine  d'années. 

Ce  principal  côté  de  la  question  est  purement  subjectif,  comme  on  le 
verra  par  un  mémoire  de  M.  le  Dr  Mayet  que  je  publierai  dans  le  pro- 
chain numéro. 

M.  B. 

Boule  (M.).  Les  Grands  Chats  des  Cavernes  {Annales  de  Paléontologie,  t.  I  (1906), 

fasc.  I  et  II). 

Les  travaux  descriptifs  de  fossiles  quaternaires  ne  sauraient  trouver 
leur  place  normale  dans  L'An^/^ropo/opie  pour  diverses  raisons  et,  notam- 
ment, parce  que  les  descriptions  doivent  le  plus  souvent  être  accompa- 
gnées de  planches  d'un  format  supérieur  à  l'in-S".  Le  nouveau  recueil 
que  je  viens  de  créer,  avec  le  bienveillant  concours  de  MM.Masson  etC'^, 
sous  le  titre  d'Atinales  de  Paléontologie^  et  destiné  surtout  à  la  publica- 
tion des  travaux  qui  sortent  de  mon  laboratoire  du  Muséum,  renfermera, 
de  temps  à  autre,  des  mémoires  sur  les  animaux  quaternaires. 

J'espère  continuer  ainsi  la  série  si  appréciée  de  tous  les  travailleurs, 
des  Matériaux  pour   C histoire  des  temps  quaternaires  entreprise   par 


584  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

M.  Albert  Gaudry  et  pour  laquelle  mon  cher  et  illustre  maître  avait  bien 
voulu  me  prendre  comme  collaborateur. 

Les  premiers  fascicules  des  nouvelles  Annales  renferment  une  étude 
détaillée  des  matériaux  que  possède  le  Muséum  en  fait  de  grands 
Chats  quaternaires  ;  matériaux  exceptionnels  comme  je  l'ai  déjà  dit 
dans  un  article  de  cette  revue  [L'Anthrop. ,Wl,  p.  413). 

Mon  travail  débute  par  un  chapitre  préliminaire  qui  pourra  être  fort 
utile  aux  préhistoriens  désireux  de  déterminer  eux-mêmes  les  produits 
de  leurs  fouilles  dans  les  cavernes.  C'est  une  étude  sur  l'ostéologie  com- 
parée du  Lion  et  du  Tigre  où  les  caractères  différentiels  sont  soigneuse- 
ment établis  et  figurés.  La  description  de  nos  grands  squelettes  entiers 
de  L'Herm,  de  Cajarc  et  de  Vence  est  accompagnée  de  mensurations  et 
de  planches  en  photocollographie.  Le  mémoire  se  poursuit  par  un  cha- 
pitre intitulé  :  Des  Lions  des  cavernes  en  général  où,  après  avoir  montré 
que  dans  tous  les  gisements  européens  les  restes  des  grands  Chats  qua- 
ternaires sont  toujours  plus  voisins  du  Lion  que  du  Tigre,  je  donne  la 
répartition  géographique  et  leur  répartition  stratigraphique. 

Le  Lion  des  Cavernes  n'apparaît  qu'avec  le  Quaternaire;  même  il 
est  très  rare  dans  le  Quaternaire  inférieur.  A  cette  époque  son  rôle  paraît 
avoir  été  tenu  par  les  derniers  Machairodus.  C'est doncà  tortque  certains 
préhistoriens  regardent  le  Lion  des  cavernes  comme  une  forme  animale 
caractéristique  du  Chelléen.  C'est  auxépoquesultérieuresqu'elle  est  vrai- 
ment abondante  ;  elle  est  en  effet  un  des  éléments  essentiels  de  la  faune 
du  Mammouth  et  de  l'époque  moustiérienne  des  archéologues.  Encore 
fort  répandu  à  l'époque  du  Renne,  le  grand  Chat  des  cavernes  paraît 
avoir  disparu  de  nos  contrées  vers  la  fin  du  Quaternaire.  On  ne  l'a 
jamais  signalé  dans  le  Néolithique.  L'hypothèse  de  la  disparition  du 
Lion  du  Sud  etdePEst  de  l'Europe  à  une  époque  historique,  combattue 
par  M.  Salomon  Reinach,  a  été  récemment  soutenue  de  nouveau  par 
M.  Meyer,  qui  croit  à  Texistence  du  Lion  en  Grèce  pendant  l'antiquité 
classique. 

Enfin  en  terminant,  j'ai  cherché  à  retrouver  les  ancêtres  des  Lions 
quaternaires.  On  ne  peut  comparer  à  ces  derniers  que  certains  fossiles 
du  Pliocène  de  France  et  d'Italie  auxquels  on  a  donné  le  nom  de  Felis 
arvernensis.  Malgré  de  nombreuses  différences,  ces  Chats  pliocènes 
offrent  avec  les  Lions  quaternaires  ou  actuels  assez  de  points  de  con- 
tact pour  qu'il  ne  soit  pas  trop  téméraire  de  supposer  qu'ils  descendent 
les  uns  des  autres.  Le  l^elis  arvernensis  serait  donc  au  Felis  leo  ce  que  le 
Canis  etruscus  pliocène  est  au  Loup,  ce  que  VHijœna  Perierri  et  VB. 
arvernensis,  également  pliocènes,  sont  à  l'Hyène  tachetée  et  à  l'Hyène 
brune. 

M.  B. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  585 

EwART  (J.  C).  The  Tarpan  and  its  relationship  with  wild  and  domestic  Horses 
(Le  TarpaD  et  sa  parenté  avec  les  Chevaux  sauvages  et  domestiques).  Nature, 
31  mai  1906. 

Cet  article  est  le  résumé  d'un  travail  paru  dans  les  Proceedings  de  la 
Société  royale  d'Edimbourg  (vol.  XXVI).  L'auteur  se  propose  d'éclairer 
la  question  de  l'origine  des  Chevaux  en  recherchant  si  le  Tarpan  peut 
être  regardé  comme  une  forme  ancestrale  des  races  actuelles. 

Depuis  la  découverte  du  Tarpan  par  Gmelin  vers  1740,  les  opinions 
les  plus  diverses  ont  été  formulées  à  son  sujet.  Quelques  naturalistes 
l'ont  regardé  comme  représentant  une  véritable  espèce  sauvage  ; 
d'autres,  comme  Nehring,  l'ont  considéré  comme  le  dernier  survivant 
des  Chevaux  préhistoriques;  les  zoologistes  anglais  adoptent  plutôt 
la  vue  de  Pallas  qu'il  s'agit  de  descendants  de  Chevaux  domestiques 
revenus  à  Tétat  sauvage. 

Tandis  que  les  divers  individus  étudiés  depuis  Gmelin  et  Pallas  of- 
fraient quelques  différences  dans  la  crinière^,  la  queue  et  le  nombre 
des  châtaignes,  ils  ont  tous  présenté  un  caractère  ostéologique  impor- 
tant, celui  de  n'avoir  que  cinq  vertèbres  lombaires,  comme  dans  le 
Kyang,  le  Cheval  de  Prejvalsky,  certains  Chevaux  arabes,  au  lieu  de  six 
comme  chez  les  Chevaux  européens  {Equus  caballus  typicus).  Il  s'ensuit 
que  le  Tarpan  ne  saurait  être  considéré,  même  s'il  représente  une 
espèce  sauvage,  comme  le  seul  ancêtre  de  notre  Cheval  commun.  Après 
avoir  d'abord  regardé  comme  insoluble  le  problème  de  l'origine  du  Tarpan, 
l'auteur  a  pensé  qu'il  pourrait  peut-être  le  résoudre  par  des  expériences 
de  croisement  qui  conduisent  parfois  à  la  restauration  de  types  anciens 
dans  leur  pureté  primitive.  En  croisant  une  jument  à  robe  souris  des 
Shetland  avec  un  poney  noir  d'ancienne  race  britannique,  il  a  obtenu 
un  animal  aujourd'hui  âgé  de  trois  ans  et  qui  est  un  Tarpan  aussi 
typique  qu'aucun  individu  des  steppes  russes. 

Suit  une  longue  description  de  ses  caractères  morphologiques,  la- 
quelle conduit  à  cette  conclusion  que  le  Tarpan,  autrefois  commun  dans 
l'Est  de  l'Europe,  ne  peut  pas  être  considéré  comme  une  espèce  sau- 
vage particulière.  On  peut  affirmer  de  plus  que  les  Tarpans  ont  une 
triple  origine  :  1°  une  forme  identique  à  VE.  Prejvalskii  ou  très  voisine 
de  celui-ci  ;  2"  une  variété  ayant  les  caractères  du  Poney  celtique  ou 
E.  caballus  celticus  (1)  ;  3°  une  variété  ressemblant  à  VE.  caballus 
typicus. 

Par  de  nouvelles  expériences,  M.  Ewart  espère  pouvoir  déterminer 
la  part  qui  revient  au  Cheval  de  Prejvalski  dans  la  formation  du  Tarpan 
et  apporter  de  nouveaux  arguments  à  sa  théorie  sur  la  multiple  origine 
de  nos  Chevaux  domestiques,  qui  auraient  eu  pour  ancêtres  à  la  fois  des 
Chevaux  à  robe  uniforme  et  des  Chevaux  à  robe  rayée. 

M.  B. 

(1)  Voir  à  ce  sujet  V Anthropologie,  XVI,  p.  322  et  XVII,  p.  150. 


586  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Laville  (A.).   Amande   chelloise   accompagnée    de    VElephas    antiquus  à    Créteil 
(Seine).  Feuille  des  jeunes  naluralisles^  !<>'  juillet  1905. 

lit.  —  Le  Pliocène  à  E/ep/ias  meridionalh  dans  le  département  de  la  Seine,  ibici., 

lf«-  août  1906. 

Dans  la  première  de  ces  notes,  l'auteur  décrit  des  carrières  de  graviers 
situées  à  3  kilom.  500  au  sud-est  du  confluent  de  la  Seine  et  de  la 
Marne,  sur  les  territoires  de  Maisons-Alfort  et  de  Créteil,  à  l'altitude  de 
48  mètres,  soit  de  16  à  18  mètres  au-dessus  de  la  Seine  (30  m.)  et  de  la 
Marne  (32  m.).  Ces  graviers  ont  une  épaisseur  de  7  à  8  mètres.  A  leur 
base,  très  près  du  substratum  formé  par  le  calcaire  grossier,  à  l'altitude 
de  40  mètres,  on  a  recueilli,  sur  des  points  très  voisins,  un  beau  silex 
taillé  en  amande^  de  type  chelléen  (M.  L.  préfère  dire  chellois)  et  une 
molaire  d'Élépbant  antique.  Cette  observation  est  des  plus  précieuses 
pour  fixer  l'âge  des  diverses  terrasses  fluviatiles  des  environs  de  Paris. 

La  seconde  note  n'est  pas  moins  intéressante.  M.  Laville  décrit  et 
figure  une  molaire  d'Éléphant  méridional  qui  lui  a  été  remise  par  le 
propriétaire  de  la  carrière  de  Bicêtre,  bien  connue  de  tous  les  géologues 
parisiens.  Cette  molaire  aurait  été  trouvée  en  1876,  rue  du  Pont-Neuf, 
à  Gentilly,  dans  les  graviers  recouvrant  la  terrasse  de  Bicêtre  dont  l'al- 
titude est  de  60  mètres.  Cette  terrasse  serait  donc  pliocène. 

La  conclusion  est  peut-être  un  peu  prématurée,  car  cette  trouvaille  est 
bien  isolée  et  des  molaires  d'Éléphants  peuvent  provenir  d'alluvions  plus 
anciennes  par  voie  de  remaniements.  Il  faut  observer  en  outre  que  les 
alluvions  de  la  terrasse  correspondante  de  Vincennes,  de  l'autre  côté 
de  la  Seine,  ont  livré  au  Bas-Montreuil  une  faune  à  Elephas  antiquus 
qui  n'a  rien  de  pliocène.  Je  ne  vois  d'ailleurs  aucune  objection  de  principe 
à  ce  que  ces  terrasses  soient  à  peu  près  de  l'âge  de  Saint-Prest,  comme 
M.  Laville  l'indique  pour  celle  de  Bicêtre.  J'ai  toujours  été  frappé  de  la 
très  faible  altitude  des  graviers  de  Saint-Prest  et  mes  études  dans  le 
Massif  central  de  la  France  m'ont  appris  de  la  façon  la  plus  nette  que 
le  principal  creusement  des  vallées  actuelles  est  l'œuvre  du  Pliocène 
supérieur.  L'horizon  de  Saint-Prest  est  d'ailleurs  un  terme  de  passage 
du  Pliocène  au  Pléistocène.  Ce  n'est  plus  du  Tertiaire,  ce  n'est  pas  en- 
core du  Quaternaire. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  question  d'accolade  sans  grande  impor- 
tance au  fond,  c'est  en  accumulant  des  observations  consciencieuses 
comme  celles  que  M.  Laville  nous  fournit  de  temps  à  autre,  que  nous 
arriverons  peut-être  à  débrouiller  un  jour  l'histoire  si  compliquée  des 

dernières  époques  géologiques  dans  le  Bassin  de  Paris. 

M.  B. 

PiGORiNi.  Materiali  paletnologici  dell'  Isola   di  Capri  (Matériel  palethnologique  de 
nie  de  Capri).  Boll.  di  palelhnologia  italiana,  XXXIt  (1906). 

Il  s'agit  d'une  découverte  fort  importante  dont  M.  Pigorini  avait  déjà 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  587 

dit  quelques  mots  au  Congrès  de  Monaco  (UAnthr.,  XVII,  p.  121)  et 
sur  laquelle  cet  article  nous  apporte  quelques  données  complémen- 
taires, fournies  jiar  les  auteurs  de  la  découverte,  le  D""  Cerio  et  le  géo- 
logue qui  s'est  occupé  spécialement  de  Capri,  M.  Bellini. 

Déjà  en  1901,  M.  Bellini,  en  examinant  une  tranchée  de  la  route  en 
construction  de  Cerlosa  à  Marinella,  avait  observé  et  recueilli  quelques 
silex  taillés  dans  une  couche  d'argile  ferrugineuse  renfermant  aussi  des 
débris  d'ossements.  Cette  couche  d'argile  reposait  sur  le  calcaire  com- 
pact crétacé  qui  forme  l'ossature  de  l'île;  elle  était  surmontée  de 
produits  volcaniques  tufacés,  puis  d'une  nouvelle  couche  d'argile,  le 
tout  recouvert  de  blocs  éboulés  des  hauteurs  voisines.  L'Homme  avait 
donc  été  le  témoin  des  éruptions  des  Champs  phlégréens. 

L'année  dernière  le  D""  Cerio  eut  la  bonne  fortune  d'observer  un  gise- 
ment analogue,  mais  beaucoup  plus  riche,  à  l'ouest  de  Capri,  près  de 
l'hôtel  Quisisana.  Là,  de  profondes  tranchées  creusées  pour  des  cons- 
tructions montrèrent  la  coupe  suivante,  de  haut  en  bas  : 

1.  Terre  végétale,  1  m.  70  environ. 

2.  Matériaux  volcaniques,  de  nature  sanidinique,  alternant  avec  des 
détritus  calcaires,  2  m.  80  environ. 

3.  Argile  rouge,  homogène,  non  stratifiée,  avec  ossements  d'animaux 
et  pierres  travaillées,  de  2  à  5  mètres. 

4.  Calcaire  infra-crétacé. 

C'est  à  la  surface  de  l'argile  n»  3  qu'ont  été  recueillies  les  pierres  tra- 
vaillées, les  ossements  d'animaux  étant  répandus  dans  toute  la  masse. 
M.  Cerio  a  reconnu  :  Elephas  antiguus,  Hippopotamus,  Rhinocéros 
tichorhinus,  Ursus  spelœus,  Cervus  sp.  Sus  scrofa,  Canis,  Felis  tigris  (?). 
Plusieurs  de  ces  déterminations  me  paraissent  très  sujettes  à  caution, 
notamment  Rhinocéros  tichorhinus  et  Felis  tigris. 

Les  pierres  travaillées  sont  de  deux  sortes  :  des  instruments  en  quart- 
zite,  de  la  forme  de  Saint-Acheul  — qu'on  croirait  venir,  à  en  juger 
d'après  les  photographies,  des  gisements  de  la  Haute-Garonne  —et  des 
silex  pyromaques.  Nous  n'avons  pas  de  détails  sur  la  forme  de  ces  der- 
niers et  il  serait  à  désirer  qu'on  en  publiât  quelques-uns.  On  peut  noter 
dès  à  présent,  que  Capri  étant  complètement  dépourvue  de  gisements 
naturels  de  quartzite  et  de  silex,  ces  roches  ont  été  importées.  Cette 
découverte  agrandit  l'aire  de  distribution  des  formes  chelléennes  en 
Italie  qu'on  ne  connaissait  guère,  à  cette  latitude,  que  sur  le  versant 
adriatique. 

M.  Pigorini  pense  que  le  fameux  passage  de  Suétone  sur  le  musée 
d'Auguste  et  les  armes  des  héros  peut  aussi  bien  s'appliquer  aux  quart- 
zites  taillés  qu'aux  ossements  de  grands  animaux. 

M.  B. 


588  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

ScHARFF  (R.  F.),  UssHKR  (R.  J.),  GoLE  (Grenville  A.),  Newton  (E.  t.),  Dixon  (Francis) 
et  Westropp  (T.).  The  exploration  of  the  caves  of  county  Clare  (Exploratioa  des 
cavernes  du  couité  de  Clare).  Trans.  of  the  roijal  Irish  Academij,  vol.  XXXIU, 
section  B,  part.  I,  Dublin,  1906. 

C'est  le  deuxième  rapport  du  comité  d'exploration  des  cavernes 
irlandaises  sous  le  patronage  de  l'Académie  d'Irlande  et  de  l'Associa- 
tion britannique.  Les  auteurs  ci-dessus  se  sont  partagé  la  rédaction 
de  ce  mémoire. 

Après  une  introduction  de  M.  Scharff,  M.  Ussher  décrit  les  cavernes 
et  fait  le  compte  rendu  des  fouilles;  M.  Cole  donne  quelques  détails 
géologiques  ;  M.  Scharff  expose  les  résultats  de  ses  études  sur  les  restes 
d'animaux  recueillis  à  l'exception  des  Oiseaux  ;  ces  derniers  sont  déter- 
minés par  M.  Newton  ;  M.  Dixon  examine  les  quelques  ossements 
humains  trouvés  au  cours  des  fouilles  et  M.  Westropp  traite  de  l'occu- 
pation humaine  des  cavernes.  Enfin  M.  Scharff  résume  les  principaux 
résultats  scientifiques  obtenus. 

Les  cavernes  d'Ederwale  et  de  Newhall,  explorées  dans  cette 
deuxième  campagne,  sont  situées  à  30  milles  environ  du  rivage  ;  elles 
sont  creusées  dans  le  calcaire  carbonifère.  La  plupart  sont  petites;  celle 
dite  des  Catacombes  est  extraordinairement  ramifiée  suivant  les  joints 
et  les  plans  de  stratification  du  calcaire,  et  forme  ainsi  un  réseau  à 
mailles  quadrangulaires.  Elles  étaient  remplies  d'argiles  ferrugineuses 
et  manganésifères  avec  parfois  des  parties  graveleuses,  des  concrétions 
calcaires,  des  cailloux  détachés  des  parois,  etc.  Malgré  la  présence  de 
cailloux  striés  dans  les  Catacombes,  il  est  difficile  d'établir  un  rapport 
quelconque  entre  ces  cavernes  et  les  phénomène  glaciaires.  Il  est  pos- 
sible que  les  cailloux  situés  aient  été  introduits  après  coup  dans  la 
caverne  par  des  fissures. 

Les  fouilles,  conduites  par  M.  Ussher^  ont  duré  32  semaines  pendant 
les  étés  de  1902  à  1904.  Elles  ont  été  faites  avec  soin.  Pourtant  on  n'a 
pu  distinguer  que  deux  couches  ne  présentant  pas  grandes  différences 
au  point  de  vue  de  la  faune.  Mais  il  est  vrai  de  dire  que  les  blaireaux 
ont  causé  de  grandes  perturbations  dans  les  dépôts.  Les  Mammifères 
donnent  lieu  à  quelques  remarques  intéressantes.  Le  Sanglier  s'est  ren- 
contré partout.  De  même  le  Cerf  élaphe  et,  chose  plus  curieuse,  le 
Mégacéros  s'est  montré  plus  abondant  dans  les  couches  supérieures  que 
dans  les  couches  inférieures.  Le  Renne  est  également  réparti  aux  deux 
niveaux.  M.  Scharff  attribue  à  l'/Egagre  quelques  restes  de  Chèvre 
trouvées  surtout  dans  les  couches  supérieures  et  qui  ont  les  caractères 
de  l'animal  qui  vit  encore  dans  un  état  mi-sauvage  sur  les  montagnes 
d'Irlande.  Le  Mouton,  représenté  par  une  petite  race  qui  vit  encore 
dans  la  petite  île  de  Soa,  au  large  des  côtes  occidentales  irlandaises,  et 
aussi  par  une  plus  forte  race,  a  été  observé  aussi  bien  dans  les  couches 
inférieures  que  dans  les  couches  supérieures.  Les  débris  de  Chevaux 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  589 

dénotent  en  général  une  forme  petite,  de  la  taille  des  poneys  de  Conne- 
mara.  Les  restes  de  Bœufs  accusent  aussi  des  animaux  de  petite  taille. 
Une  trouvaille  curieuse  est  celle  du  Lemming  à  collier  déjà  signalé'dans 
les  cavernes  de  Kesh  (Voir  le  compte-rendu  du  1"  rapport  dans 
VAnthr.^  XV^  p.  202).  Les  ossements  de  Léporidés  étaient  très  nom- 
breux; les  uns  se  rapportent  au  Lièvre  variable,  l'autre  à  un  Lapin  de 
taille  plus  petite  que  la  forme  actuelle  surtout  par  le  membre  antérieur. 
L'Ours  brun  a  été  rencontré  à  tous  les  niveaux  ;  le  Chien  également.  Il 
est  difficile  parfois  de  distinguer  ces  ossements  de  ceux  du  Loup,  qui 
parait  avoir  été  beaucoup  plus  rare.  A  signaler  encore  pour  la  première 
fois  en  Irlande  le  Canis  lagopus,  ou  Renard  bleu,  qui  n'a  été  trouvé  que 
dans  un  gisement  tandis  que  le  Renard  ordinaire  était  commun  partout. 
Une  autre  espèce  intéressante  est  le  Felis  ocreala  (=  F.  maniculata 
•=.  F.  caligata)  actuellement  vivant  en  Afrique  et  dont  M.  Scharff 
signale  la  présence  dans  les  dépôts  supérieurs  de  plusieurs  cavernes. 

La  liste  des  Oiseaux  n'offre  rien  de  remarquable  et  l'ensemble  pré- 
sente, d'après  M.  Newton,  un  aspect  très  moderne.  Quelques  ossements 
humains  très  dispersés  ont  fait  penser  à  M.  Dixon  que  leurs  proprié- 
taires se  tenaient  habituellement  accroupis.  D'ailleurs  ils  ne  paraissent 
pas  avoir  différé  beaucoup  des  Irlandais  actuels. 

Les  traces  d'occupation  humaine  n'ont  offert  rien  de  bien  intéressant. 
Quelques  outils  en  os,  quelques  grattoirs  peuvent  être  assez  antiques, 
sans  qu'on  puisse  préciser  cette  antiquité,  mais  un  bracelet  en  or,  des 
épingles  en  bronze  ne  sauraient  remonter  au-delà  de  ce  qu'on  appelle 
la  période  danoise. 

M.  B. 


Lewis  (Francis  J.).  The  Plant  Remains  in  the  Scottish   Peat  Mosses  (La  flore   des 
tourbières  d'Ecosse).  Trans.  Royal  Soc.  Edinburgh,  XLI  (1905). 

jD.  The  history  of  the  Scottish  Peat  Mosses  and  their  relation  to  the  glacial  pericd 

(L'histoire    des   tourbières  d'Ecosse  et   leurs   relations  avec  la  période  glaciaire). 
The  Scottish  geographical  Magazine,  maii  1906. 

Geikik  (James).  Late  Quaternay  Formations   of  Scotland  (Les  dernières   formations 
quaternaires  d'Ecosse).  Extr.  de  Zeilsch.fûr  GZe^soAer/mwde,  Bd.  1,1906. 

Id.  From  the  IceAge  to  the  Présent  (De  l'époque  glaciaire  aux  temps  actuels].  The 
Scottish  Geogr.  Journal,  XXII  (1906),  p.  397. 

Depuis  longtemps  M.  James  Geikie  soutient  que  les  formations  dési- 
gnées par  la  plupart  des  géologues  anglaissous  le  terme  de  post-glaciaires 
fournissent  la  preuve  de  variations  climatériques  analogues  à  celles  des 
temps  glaciaires  proprement  dits.  En  somme  les  deux  systèmes  ne 
sauraient  être  séparées,  le  premier  n'est  que  la  continuation  du  second 
et  tous  deux  offrent  des  alternances  de  régime  froid  et  de  régime  chaud 
ou  tempéré.  Le  savant  professeur  d'Edimbourg  a  été  amené  à  établir, 


590  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

dans  les  dernières  formations  quaternaires  de  l'Ecosse,  plusieurs  étages 
correspondant  à  des  périodes  glaciaires  ou  interglaciaires  : 

1°  4«  période  glaciaire  (Mecklemôourgien).  Nappes  glaciaires  régio- 
nales et  grands  glaciers  de  vallées.  Plages  émergées  à  30-45  mètres; 
climat  arctique. 

2^  4°  période  interglaciaire  {Forestien  inférieur).  Correspond  à  un 
mouvement  négatif  qui  agrandit  le  domaine  continental.  Couches  à 
troncs  d*arbres  reposant  sur  les  moraines  de  la  période  précédente. 
Climat  doux  et  relativement  sec. 

3"  5«  période  glaciaire  [Tourbien  inférieur).  Correspond  à  un  mouve- 
ment positif  qui  permet  la  formation  des  plages  aujourd'hui  émergées 
à  15-17  mètres  d'altitude.  Couches  de  tourbe  reposant  sur  les  couches 
à  troncs  d'arbres.  Climat  froid  et  humide. 

4°  5«  période  interglaciaire  (/'^oréî^fien  supérieur).  Nouveau  mouvement 
négatif.  Nouvelles  couches  à  troncs  d'arbres  reposant  sur  la  tourbe  pré- 
cédente. Climat  doux  et  relativement  sec. 

5°  6«  période  glaciaire  (Tourbien  supérieur).  Mouvement  positif  cor- 
respondant aux  plages  de  8-10  mètres.  Retour  à  un  climat  un  peu  plus 
froid,  mais  il  n'y  a  de  glaciers  que  sur  les  hautes  montagnes.  Forma- 
tion d'une  tourbe  reposant  sur  le  Forest-bed  supérieur. 

6^  Temps  actuels.  Retrait  de  la  mer  jusqu'à  ses  limites  actuelles. 
Climat  plus  sec.  Dessiccation  graduelle  et  ravinement  des  tourbières 
écossaises. 

On  sait  que  cette  classification  a  été  combattue  ;  beaucoup  de  bons 
esprits  estiment  que  les  oscillations,  élevées  ici  à  la  dignité  d'étages, 
géologiques,  ne  méritent  pas  cet  honneur  et  que,  dans  leur  ensemble, 
elles  ne  représentent  que  les  diverses  étapes  du  retrait  final  des  grands 
glaciers  pléistocènes.  Il  s'agirait,  pour  s'entendre,  de  connaître  la 
valeur  de  ces  oscillations  ou,  ce  qui  revient  au  même,  la  valeur  des 
variations  climatériques  correspondantes.  Les  travaux  récents  d'un 
savant  de  l'Université  de  Liverpool,  M.  F.  J.  Lewis,  sur  les  tourbières 
d'Ecosse,  jettent  une  vive  lumière  sur  ce  sujet. 

La  distribution  des  tourbières  dans  les  Iles  Britanniques  est  en  rela- 
tion étroite  avec  la  distribution  des  pluies;  beaucoup  plus  abondantes 
à  l'Ouest  qu'àTEst,  c'est  dans  les  Hébrides,  l'Ecosse  et  l'Irlande  occiden- 
tales qu'elles  sont  le  plus  développées.  Non  seulement  ces  tourbières  ne 
s'accroissent  plus  mais  encore  elles  sont  soumises  aux  effets  de  l'érosion 
et  souvent  ravinées  sur  4  ou  5  mètres  de  profondeur,  ce  qui  permet  d'en 
étudier  la  composition.  Quand  le  sous-sol  est  visible,  on  voit  des  accu- 
mulations de  tiges  et  déracines  ayant  vécu  surplace  et  parfois  plusieurs 
de  ces  foresl-beds  se  superposent  en  alternant  avec  des  couches  de 
tourbe.  Les  traces  de  ces  antiques  forêts  s'observent  fréquemment  dans 
des  régions  actuellement  sans  arbres,  à  plus  de  1.000  mètres  d'altitude. 
La  grande  épaisseur  de  beaucoup  de  tourbières  (de  10  à  17  mètres),  la 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  591 

lenteur  de  formation  bien  connue  de  la  tourbe,  la  présence  de  deux  zones 
forestières  au  sein  du  dépôt  prouvent  des  changements  considérables 
dans  le  régime  climatérique  de  ces  régions  depuis  que  ces  gisements 
ont  commencé  à  se  former. 

On  peut  ranger  ces  derniers  en  3  catégories  :  1"  ceux  qui  se  tiennent 
sur  les  plages  émergées  de  8  à  40  mètres  ;  2°  ceux  des  terres  basses, 
entre  30  et  100  mètres;  3°  ceux  des  hautes  vallées  et  des  plateaux,  de 
300  à  700  mètres.     . 

Les  plus  anciennes  tourbières  sont  postérieures  aux  formations  mo- 
rainiques  de  la  4«  période  glaciaire  de  M.  James  Geikie.  Tandis  que  le 
climat  s'améliorait  vers  la  fin  de  cette  période,  une  végétation  arbores- 
cente s'installait  sur  les  terres  libres  de  glace  et  la  tourbe  la  plus  pro- 
fonde renferme  des  débris  de  Betula  alba,  Calluna  vulgaris,  Salix  re- 
pens. 

Cette  période  forestière  paraît  avoir  duré  longtemps.  Elle  fut  suivie 
d'une  autre  plus  humide,  à  laquelle  correspondent  des  lits  de  tourbes, 
d'abord  à  Sphagnum,  puis  à  Eriophorum  vaginatum  avec  quelques  iSdr- 
pus.  Au-dessus  viennent  des  couches  compactes  formées  de  tiges  à'Em- 
petrum  nigrum^  Salix  lierbacea^  S.  reticulata,  Betula  nana,  Loiseleuria 
pvGCumbens.  Ces  quatre  dernières  espèces  sont  actuellement  caractéris- 
tiques des  régions  arctiques  et  leur  présence,  à  un  certain  niveau  des 
tourbières,  indique,  pour  les  vallées  du  Sud,  un  climat  au  moins  aussi 
rigoureux  que  celui  qui  règne  actuellement  sur  les  plus  hauts  sommets 
de  l'Ecosse. 

A  ces  couches  succèdent  des  lits  de  tourbe  kScirpus,  Sphagnum,  Erio- 
phorum, surmontés  d'une  nouvelle  végétation  forestière  à  Pinus  sglves- 
tris  et  Betula  alba,  avec  Calluna  ;  toutes  ces  plantes  indiquent  un 
nouveau  retour  à  de  plus  douces  conditions  climatériques. 

Une  tourbe  supérieure,  à  Scirpus  et  Sphagnum  corresi^ond  à  une  der- 
nière période  froide,  moins  rigoureuse  pourtant  que  les  précédentes. 

Comme  cette  succession  s'observe  sur  de  grandes  étendues,  aussi 
bien  dans  le  Nord  que  dans  le  Sud  du  pays,  les  phénomènes  qui  l'ont 
produite  doivent  avoir  présenté  un  caractère  général.  Et  toutes  ces 
observations  concordent  parfaitement  avec  les  vues  de  M.  Geikie.  La 
présence  au  milieu  des  tourbes  d'un  lit  de  plantes  arctiques  ne  saurait 
s'expliquer  dans  l'hypothèse  d'un  retrait  progressif  et  continu  des  der- 
niers grands  glaciers.  Elle  implique  un  retour  momentané  à  un  climat 
très  froid. 

La  succession  indiquée  pour  les  tourbières: 
1^  Forêts  de  Bouleaux  ; 

1*  Régime  de  tourbières  ; 
S^' Plantes  arctiques; 

2*  R-égime  de  tourbières; 
3"  Forêts  de  Pins  ; 

3*  Régime  de  tourbières 


592  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

est  exactement  semblable  à  celle  indiquée  par  l'étude  des  formations 
glaciaires  : 

1«  Période  douce,  inter^^laciaire,  succédant  aux  grands  glaciers  des 
districts  montagneux; 

2»  Période  des  glaciers  des  vallées.  Climat  rigoureux  dans  les 
régions  basses  ; 

30  Période  douce  ou  interglaciaire  se  reliant  aux  temps  actuels,  la 
dernière  période  glaciaire  ayant  été  si  peu  importance  que  la  flore  en  a 
été  à  peine  affectée. 

Il  est  à  souhaiter  que  M.  Lewis  publie  bientôt  la  suite  de  ces  éludes 
dont  la  première  partie  a  seule  paru. 

M.  B. 

Sinclair  (William  J.).  New  Mammalia  from  the  Quaternary  caves  of  California 
(Nouveaux  Mammifères  quaternaires  des  cavernes  de  Californie).  Extr.  des  Uni- 
versity  of  California  publications.  Geology,  vol.  IV,  n»  7,  pp.  145-161,  avec  5  pi.  1905. 

Les  explorations  spéléologiques  entreprises  par  le  département 
anthropologique  de  l'Université  de  Californie  ont  procuré  aux  paléonto- 
logistes une  nouvelle  source  d'informations  sur  sur  la  faune  des  Verté- 
brés quaternaires.  Les  débris  de  cette  faune  sont  clairsemés  et  très 
incomplets  dans  les  formations  géologiques  superficielles;  les  grandes 
espèces  y  sont  seules  représentées.  Dans  les  cavernes,  au  contraire,  les 
documents  sont  plus  abondants  et  la  petite  faune  est  conservée.  Beau- 
coup d'espèces  des  cavernes  de  Californie  sont  nouvelles.  M.  Sinclair  en 
décrit  un  certain  nombre  provenant  pour  la  plupart  de  Potter  Creek 
(NOiv  VAnthr.,  XV,  p.  712). 

Il  y  a  d'abord  des  Rongeurs,  un  Platygonus,  un  Camélidé,  le  curieux 
Euceratherium  déjà  décrit  (L'Anf/i?\,  XV,  p.  liA),VBaplocerus  montamis 
actuel,  plusieurs  espèces  de  Megalonyx  dont  une  serait  nouvelle 
[M.  Sierrensis)  quoique  ressemblant  beaucoup  au  M.  Jeffersonni. 

M.  B. 

FuRLONG  (EusTACE  L),  Preptoccras,  a  new  ungulate  from  the  Samwel  cave,  Cali- 
fornia {Preploceras,  nouvel  Ongulé  de  la  caverne  Samwel  en  Californie).  Université 
or  California  Publications.  Geology,  vol.  IV,  n°  8,  pp.  163-169,  avec  2  pi.  1905. 

La  caverne  Samwel,  dans  le  comté  de  Shasta,  a  livré  plusieurs  crânes 
et  le  squelette  presque  complet  d'un  grand  herbivore  qui  paraît  devoir 
constituer  un  type  nouveau  pour  la  science.  Avec  ces  ossements  et  dans 
les  mêmes  couches  de  la  caverne  on  a  recueilli  des  restes  d'Fucerathe- 
rium  cotlinum  (voy.  LAnlhr.,  XV,  p.  714). 

M.  Furlong  adonné  à  cet  animal  le  nom  de  Preploceras  Sinclairi.  Son 
étude  ostéologique  montre  quelques  affinités  avec  le  Bœuf  musqué  et 
avec  Budorcas.  C'est  à  son  contemporain  V Euceratherium  qyx'W  ressemble 
le  plus.  Mais  il  en  diffère  par  plusieurs  caractères,  la  forme  des  cornes 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  59^ 

(qui  rappellent  celles  des  Bœufs),  leur  écartement,  la  disposition  des 
os  du  crâne,  la  dentition,  très  voisine  de  celle  du  Bœuf  musqué;  mal- 
gré cela,  Preptoceras  Qi  Euceralherium  devront  être  raprochés  pour  for- 
mer un  groupe  à  part. 

M.  B. 

Béxard.  Découverte  et  fouilles  d'un  dolmen  à  Champigaolles.  Extr.  des  Mém.  de 
la  ^'îc.  académique  de  l'Oise,  t.  XIX,  l''^  partie,  1905. 

Ce  dolmen  est  situé  dans  la  forêt  de  Thelle,  triage  de  Champignolles, 
sur  la  commune  de  Flavacourt.  C'est  une  allée  couverte  dont  les  tables 
ont  disparu  et  dont  il  ne  reste  que  les  supports  formés  de  14  dalles  ; 
elle  a  la  forme  d'un  rectangle  de  8™, 50  de  longueur  sur  l'",50  de  lar- 
geur moyenne  ;  orientation  du  N.  N.  E.  au  S.  S.  0.  11  y  a  un  vestibule 
et  une  chambre.  Un  des  supports  du  vestibule  a  servi  de  polissoir,  de 
même  qu'une  des  dalles  séparant  le  vestibule  de  la  chambre. 

Le  dolmen  renfermait  trois  couches  bien  distinctes  : 

La  première,  de  0'",80  à  0"^,90  d'épaisseur,  accuse  des  remaniements. 

La  deuxième  (G™, 50)  formée  d'argile,  de  marne,  contenait  de  nom- 
breux ossements  humains,  un  mobilier  funéraire  composé  d'instru- 
ments en  silex,  d'os  travaillés,  de  poteries,  de  grains  de  colliers  et 
d'amulettes. 

La  troisième,  localisée  au  fond  du  monument,  à  la  base  des  supports, 
était  composée  de  marne  remaniée  (0"^,20). 

M.  Bénard  évalue  à  55  le  nombre  des  squelettes  qu'a  dû  renfermer  la 
chambre  sépulcrale.  Malheureusement  les  os  étaient  enchevêtrés  et  mal 
conservés.  Un  individu  un  peu  isolé,  dont  les  os  étaient  restés  en  place, 
avait  les  jambes  ramenées  sous  le  menton  et  le  dos  collé  contre  la  paroi 
de  la  chambre.  Il  portait  au  cou  un  morceau  d'os  poli  en  guise  d'amu- 
lette. Une  douzaine  de  crânes  ont  pu  être  recueillis  en  plus  ou  moins 
bon  état  de  conservation.  M.  Manouvrier  doit  les  étudier. 

Le  mobilier  archéologique  est  assez  varié.  L'auteur  donne  des  pho- 
togravures d'un  certain  nombre  d'objets.  Ce  sont  d'abord  des  haches 
polies,  parfois  avec  leur  gaîne  en  bois  de  cerf;  puis  des  lames  et  des 
pointes  de  flèche  en  silex.  On  a  trouvé  quatre  aiguilles  en  os,  des 
fragments  de  poterie  et  un  petit  vase  grossièrement  façonné,  en 
forme  de  coquetier.  Les  grains  de  collier  ou  les  amulettes  com- 
prennent :  82  fragment  d'encrines  ou  rondelles  de  nacre  recueillis  sous 
les  crânes  d'enfants  ;  un  fragment  d'ambre  ;  douze  grains  en  os  poli  ; 
trois  morceaux  de  quartz  et  quelques  galets  de  silex  percés  d'un  trou  ; 
une  petite  boule  de  terre  cuite;  trois  dents  également  perforées,  etc. 

Au  total,  l'allée  couverte  de  ChampignoUes,  dont  l'exploration  paraît 
avoir  été  parfaitement  conduite  par  M.  Bénard,  semble  appartenir  à  la 
fin  du  Néolithique,  aucune  trace  de  métal  n'y  ayant  été  constatée.  C'est 
une  sépulture  de  famille  ou  de  tribu.  La  présence  de  poiissoirs  semble 

l'anthropologie.  —  T.  xvir.  —  1906.  38 


594  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

indiquer  qu'un  atelier  a  existé  aux  environs;  les  vestiges  de  l'industrie 
néolithique  sont  rares  dans  la  contrée  ;  mais  la  forêt,  encore  inexplo- 
rée, réserve  peut-être  (juclque  surprise. 

M.  B. 

DuBus  (A.).  Fonds  de  cabanes  néolithiques  à  Lucy,  prés  de   Neufchâtel-en-Bray. 
Extr.  du  Bull,  de  la  Soc.  géolog.  de  Normandie,  t.  XXIV,  juillet  190o, 

A  Lucy,  au  lieu  dit  Les  Briqueteries,  les  ouvriers  travaillant  à 
l'exploitation  de  la  terre  à  briques  rencontrent,  de  temps  à  autre,  cer- 
tains trous  remplis  de  terre  végétale  et  de  morceaux  de  poteries. 
M.  Dubus  a  reconnu  qu'il  s'agit  d'une  véritable  agglomération  de  fonds 
de  cabanes  séparés  les  uns  des  autres  par  des  intervalles  de  4  à  6  mètres. 
La  plupart,  de  forme  circulaire,  ont  de  1"',15  à  l'",25  de  largeur  sur  l'^jlo 
à  l°i,40  de  profondeur;  les  fonds  sont  arrondis  en  forme  de  marmites. 
L'un  d'eux  cependant  mesurait  4  m.  de  longueur  sur  1^',10  de  largeur 
et  1™,20  de  profondeur;  les  extrémités  étaient  arrondies.  Toutes  ces 
cuvettes  sont  remplies  de  terre  végétale  et  dans  le  fond  on  trouve,  en 
quantités  plus  ou  moins  considérables,  de  toutes  petites  lames  de  silex 
et  des  fragments  de  poteries  de  composition  et  de  couleurs  diverses  et 
plus  ou  moins  brûlées.  Il  y  a  aussi  des  morceaux  de  charbon  et  des 
cailloux  craquelés  sous  l'influence  du  feu.  L'auteur  décrit  et  figure 
quelques  fragments  de  vases.  L'un  d'eux  représente  la  moitié  d'une 
coupe  faite  au  tour  avec  une  pâte  gris  bleuté,  tendre,  ornée  de  festons 
et  de  chevrons  et  d'un  galbe  si  élégant  qu'on  est  étonnné  de  le  trouver 
en  pareil  milieu. 

M.  B. 

KooLAKOvsKi  (Julien).  Sur  la  question  des  squelettes  colorés,  br.  8"  de  14  p.  avec 

1   pi.  Kiev,   1905. 

Texte  publié  à  Kiev,  en  1905,  d'une  communication  lue  au  Congrès 
international  des  Sciences  historiques  à  Rome  le  8  avril  1903,  par 
M.  Koulakovsky,  professeur  à  l'Université  de  Kiev. 

Les  squelettes  peints  en  rouge,  aux  jambes  repliées,  sont  très  com- 
muns en  Russie,  depuis  les  gouvernements  de  Kiev  et  de  Poltava  j  usqu'à 
la  mer  d'Azof.  L'auteur  a  eu  l'occasion  d'en  faire  l'étude  au  cours  de  ses 
fouilles  dans  les  sépultures  de  la  Crimée.  Il  décrit  ces  sépultures. 
La  coloration  rouge  des  squelettes  s'observe  tantôt  uniformément  sur 
tous  les  os,  tantôt  avec  une  intensité  plus  grande  sur  les  os  de  la  partie 
supérieure  du  corps,  la  tête,  le  cou,  les  mains  (quand  celles-ci  sont 
voisines  du  visage).  La  matière  colorante  se  retrouve  au  niveau  du 
squelette  en  une  couche  assez  épaisse  et  assez  compacte  pour  fournir 
parfois  des  morceaux  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  pigeon.  Cette  matière 
est  de  l'ocre.  Bobrinskoy  a  décrit  de  semblables  sépultures  dans  les 


MOUVEMEiNT  SCIENTIFIQUE.  595 

Kourgaaes  de  Sméla.  On  s'accorde  ea  Russie  à  les  considérer  comme  de 
la  fin  de  l'âge  de  la  pierre. 

Il  s'agit  de  se  rendre  compte  du  procédé  employé  pour  la  coloration 
des  squelettes,  question  discutée  plusieurs  fois  dans  les  réunions 
archéologiques  russes.  La  plupart  des  arcriéologues  de  l'Europe  occi- 
dentale croient  que  les  os  ont  été  peints  après  avoir  été  décharnés. 
M.  Koulakovsky  combat  cette  théorie  «  de  la  décarnisation  ».  Il  croit 
pouvoir  affirmer  que  la  coloration  des  squelettes  aux  jambes  repliées, 
tels  qu'on  les  observe  dans  les  sépultures  de  la  Russie  méridionale,  au 
lieu  de  confirmer  l'existence  de  la  «  décarnisation  »,  prouve  au  contraire 
qu'un  tel  usage  n'a  pas  existé.  Il  fait  valoir  l'argument  tiré  de  l'inté- 
gralité des  squelettes  où  tout  est  en  place  jusqu'aux  petits  os.  Actuelle- 
ment un  anatomiste  consommé  n'arriverait  pas  à  réunir  tous  les  os 
séparés  d'un  squelette  sans  le  secours  d'un  fil  d'archal.  D'autre  part,  si 
la  teinture  des  os  se  faisait  avant  les  funérailles,  comment  expliquer  que 
la  matière  colorante  forme,  dans  la  fosse,  une  couche  plus  ou  moins 
épaisse  autour  du  squelette?  Enfin  les  os  à  l'état  frais  ne  peuvent  pas 
prendre  la  teinture  parce  qu'ils  renferment  de  la  graisse. 

M.  Jakimovitch,  professeur  d'histologie,  a  examiné  au  microscope  les 
os  teints  du  musée  d'archéologie  de  Kiev  (figures  coloriées  de  ses 
préparations).  L'action  de  la  matière  colorante  n'a  pu  commencer 
qu'après  la  disparition  des  matières  organiques,  linceuls,  vêtements, 
parties  molles  du  cadavre.  Cette  action  a  été  lente  et  graduelle  :  elle  a 
duré  pendant  des  centaines  ou  des  milliers  d'années.  La  matière  colo- 
rante est  de  l'ocre  naturelle  enrichie  en  oxyde  de  fer  par  l'action 
des  eaux  superficielles;  «  la  terre  rouge  que  l'Homme  de  la  pierre 
répandait  sur  ses  morts  n'avait  pas  la  couleur  intense  du  rouge  que 
nous  voyons  maintenant  sur  les  squelettes  ». 

On  est  ainsi  en  droit  d'affirmer  l'existence,  à  une  époque  extrême- 
ment reculée,  sans  doute  antérieure  à  l'époque  scythique,  d'une  popu- 
lation qui  occupait  un  vaste  territoire  dans  le  sud  de  la  Russie  actuelle 
et  qui  avait  la  coutume  de  recouvrir  les  cadavres  d'ocre  rouge. 
L'auteur  se  demande  quel  pouvait  être  le  sens  d'un  pareil  usage.  11 
pense  qu'en  dirigeant  les  recherches  du  côté  de  l'antiquité  romaine  on 
peut  obtenir  une  réponse  satisfaisante.  Il  cite  beaucoup  d'usages  de  la 
religion  romaine  où  l'on  peut  reconnaître  les  survivances  d'un  passé 
préhistorique.  Certains  faits  ont  trait  à  l'emploi  d'une  couleur  rouge. 
On  sait  que  le  simulacre  de  Priape  était  toujours  teint  en  cette  couleur. 
Pline  l'Ancien  nous  apprend  qu'à  une  époque  très  ancienne,  aux  jours 
de  fête,  on  peignait  en  rouge  la  face  du  dieu  suprême  de  Rome, 
Jupiter  Capitolin.  Plus  tard  cet  usage  en  amena  un  second.  Comme  les 
triomphateurs,  lorsqu'ils  montaient  au  Capitole,  étaient  censés  repré- 
senter le  dieu,  ils  avaient  aussi,  dans  cette  occasion  solennelle,  le  corps 
et  le  visage  peints  en  rouge.  C'est  ainsi  fardé  que  Camille  monta  au 


596  MDIjVEMENT   scientifique. 

Capilole  vers  l'an  400  av.  J.-C.  Plus  tard  encore,  il  ne  restait  plus  de 
cet  usage  que  le  souvenir;  on  mêlait  de  la  couleur  rouge  aux  essences 
parfumées  qu'on  offrait  aux  convives  lors  du  festin  donné  par  le  triom- 
phateur le  jour  de  son  triomphe. 

«  Nous  trouvons  ainsi,  dit  l'auteur  en  terminant,  chez  le  plus  conser- 
vateur de  tous  les  peuples,  la  couleur  rouge  en  usage  dans  la  sphère 
la  plus  immuable  de  la  vie  nationale,  dans  la  religion  et  le  culte;  il  me 
semble  que  cela  vient  à  l'appui  de  l'hypothèse  que  l'usage  de  couvrir 
de  couleur  les  cadavres,  usage  qui  se  rencontre  chez  la  plus  ancienne 
population  de  la  Russie  méridionale,  avait  un  sens  religieux.  11  faut 
convenir  cependant  que  la  nature  même  des  conceptions  religieuses 
qui  s'y  rattachaient  reste  et  restera  toujours  pour  nous  un  mystère  ». 

M.  B. 

Reid  (Clément).  The  Island  of  Ictis  (L'île  d'Ictls).  Extr.  de  Ârchaeologia,  t.  LIX(1905). 

On  a  beaucoup  commenté  les  textes  de  Diodore  de  Sicile  et  de  César 
sur  Tancien  commerce  de  l'étain,  sans  arriver  à  un  accord  définitif. 
Mictis,  Ictis  et  Vectis  paraissent  désigner  la  même  île  située  près  des  côtes 
de  la  Grande-Bretagne.  Or  Vectis  est  le  nom  de  l'île  de  Wightà  l'époque 
romaine.  Le  texte  de  Diodore  de  Sicile  parle  d'Ictis  comme  étant  une 
île  qu'une  étroite  bande  de  terre  unissait  aux  îles  voisines  à  marée 
basse  et  permettait  le  passage  des  véhicules  chargés  d'étain.  On  n'y 
trouve  d'ailleurs  aucun  renseignement  ni  sur  le  lieu  d'origine  du  métal 
ni  sur  le  chemin  parcouru  pour  arriver  à  Ictis.  M.  Reid,  qui  est  un 
naturaliste,  a  repris  la  question  au  point  de  vue  de  la  géologie  et  de  la 
géographie  physique  et  il  a  cherché  à  montrer  que  seule  l'île  de  Wight 
répondait  pleinement  à  la  description  de  Diodore  de  Sicile. 

De  ses  recherches  sur  le  terrain  et  de  leur  exposé  qu'il  serait  trop 
long  de  reproduire  ici,  il  résulte  que  l'île  de  Wight,  qui  faisait  partie 
de  la  terre  voisine  vers  la  fin  des  temps  pliocènes,  s'en  est  séparée 
peu  à  peu.  A  l'époque  néolithique  elle  y  était  encore  rattachée  par  un 
isthme  d'une  certaine  largeur,  dont  l'axe  était  formé  par  une  roche  cal- 
caire, le  Bembridge  limestone.  Cet  isthme  se  rétrécit  peu  à  peu,  de 
sorte  que,  vers  100  av.  J.-C,  c'est-à-dire  il  y  a  2000  ans,  le  rocher  cal- 
caire n'émergeait  plus  qu'à  marée  basse.  Alors  il  pouvait  servir  aux 
communications  temporaires  entre  l'île  de  Wight  et  la  Grande-Bre- 
tagne. 

On  peut  se  demander  pourquoi  les  marchands  d'étain  se  don- 
naient la  peine  d'amener  leur  métal  jusqu'à  l'île  de  Wight  puisqu'il  ne 
manquait  pas  de  ports  sur  la  côte  voisine.  D'après  M.  Reid,  ces  ports, 
tous  plus  ou  moins  exposés  aux  vents  du  sud-ouest,  n'étaient  pas 
abrités;  leur  accès  était  rendu  difficile  et  dangereux  par  des  bancs  de 
sable.  Au  contraire,  sur  la  côte  de  l'île,  il  y  avait  une  série  de  ports 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  597 

fermés,  bien  abrités,  avec  des  saillies  rocheuses  formant  des  quais  natu- 
rels d'embarquement. 

M.  B. 

CoFFEY  (George).  Two  finds  oflate  bronze  âge  objects  (Deux  trouvailles  d'objets  de 
l'âge  du  bronze  récent).   Proc.  of  the   royal   Irish  Acad.,   vol.  XXVI,  section  G, 

no  7  (1906). 

La  première  trouvaille,  faite  dans  une  tourbière  de  la  paroisse 
d'Armoy  (comté  d'Antrim)  comprend  une  petite  hache  à  douille  et  à 
bords  élargis,  une  gouge,  un  rasoir  encore  en  place  dans  son  étui  en 
cuir,  un  morceau  d'étoffe  de  laine,  une  sorte  d'écharpe  en  crin  de 
cheval  et  quelques  morceaux  de  bois.  Les  caractères  des  objets  métal- 
liques permettent  de  les  attribuer  à  la  fin  de  l'âge  du  bronze,  400  à 
800  ans  av.  J.-G.  et  de  dater  ainsi  les  autres  objets  beaucoup  plus  rares 
et  plus  curieux. 

Le  rasoir,  à  double  tranchant,  était  enfermé  dans  un  étui  formé  d'un 
simple  morceau  de  cuir  replié  sur  lui-même  et  sans  trace  de  couture. 

Le  morceau  d'étoffe  de  laine  a  été  fort  endommagé  lors  de  sa  décou- 
verte; actuellement  très  fragmenté,  il  est  formé  de  deux  pièces  réunies 
par  une  couture.  Il  est  difficile  de  se  faire  une"  idée  de  la  forme  du 
vêtement  auquel  il  a  appartenu  ;  il  ne  paraît  pas  y  avoir  eu  de  manches. 
L'auteur  de  la  trouvaille  dit  avoir  remarqué  des  morceaux  de  courroie 
en  cuir  et  des  sortes  de  boutons  qu'on  n'a  pas  recueillis.  Ce  qui  est  cer- 
tain c'est  que  l'étoffe  ne  présente  pas  de  boutonnières.  Cette  intéres- 
sante relique,  unique  jusqu'à  présent  en  Irlande,  rappelle  certaines 
trouvailles  danoises. 

La  crinière  tressée  en  écharpe  [tassel-like)  est  un  objet  encore  plus 
remarquable.  Les  extrémités  sont  frangées.  Sa  fabrication  témoigne 
d'une  grande  habileté;  le  tissage  présente  un  dessin  en  chevrons.  Les 
franges  sont  formées  de  touffes  de  crins  d'abord  resserrées  par  un  lien, 
puis  se  divisant  et  se  subdivisant  en  un  certain  nombre  de  branches 
liées  comme  la  branche  mère  et  terminées  par  de  petites  pelotes  glo- 
buleuses. Les  franges  sont  réunies  à  la  pièce  d'étoffe  par  l'intermé- 
diaire d'une  bande  formée  de  cordons  de  crins  disposés  horizontalement. 

La  seconde  trouvaille,  beaucoup  moins  importante  et  plus  ancienne, 
car  elle  remonte  à  1861,  a  été  faite  dans  une  tourbière  du  comté  de 
Clare;  elle  comprend  des  objets  en  bronze  sensiblement  de  même  âge 
que  les  premiers. 

M.  B. 

CoFFEY  (George).  Graigywarren  Crannog  (Le  «  crannog  »  de  Craigy warren) .  Proc, 
of  the  royal  Irish  Acad.,  vol.  XXVI,  section  C,  n»  6,  1906. 

Le  crannog  de  Craigywarren  est  situé  au  bord  sud  du  marais  du 
même  nom,  près  de  Ballymena,  dans  le  comté  d'Antrim  (Irlande).  Il  a 


598  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

été  soigneusement  exploré  par  MM.  Knowles  et  Cofley;  la  description 
qu'en  donne  ce  dernier,  très  claire  et  très  précise,  intéressera  tous  les 
lecteurs  du  continent  en  leur  permettant  de  se  rendre  un  compte  très 
exact  de  ce  genre  de  monuments. 

Le  crannog  de  Craigywarren,  de  forme  à  peu  près  circulaire,  avait 
environ  20  mètres  sur  18.  Sur  un  tapis  de  bruyère  et  de  petites  bran- 
ches on  avait  disposé  des  troncs  d'arbres  et  de  grosses  branches  avec 
des  pieux  de  chêne  et  de  frêne;  ces  derniers  ont  été  appointés  avec  un 
instrument  en  fer.  Par  dessus  s'étendait  une  nouvelle  couche  de 
bruyère.  Vers  le  nord,  cette  sorte  d'édifice  était  consolidé  par  des 
amas  de  pierres  et  aussi  par  des  planches  aujourd'hui  éparses.  Cer- 
taines de  ces  planches  offrent  des  trous  et  des  mortaises.  Les  ruines 
d'une  hutte  ont  été  exhumées,  tout  près  d'anciens  amas  de  cuisine.  Le 
plan  est  un  carré  de  8  pieds  de  côté;  les  planches  sont  encore  munies 
de  chevilles;  il  y  a  des  morceaux  de  charpente  assez  compliqués.  Le 
foyer  consiste  en  une  pierre  plate  de  30  centim.  de  diamètre  entourée 
de  pierres  plus  petites,  le  tout  noyé  dans  un  amas  de  cendres. 

Les  fouilles  ont  livré  une  foule  d'objets.  50  silex  taillés,  notamment 
des  grattoirs,  des  pointes  et  des  lames;  pas  un  seul  nucléus;  certaines 
pièces  à  bords  rabattus  ont  pu  servir  à  obtenir  du  feu.  D'autres  objets 
en  pierre  :  marteau,  lissoirs,  fragment  d'une  hache  ayant  servi  d'en- 
clume, disques  percés.  Autour  de  la  hutte  et  de  son  foyer  étaient 
dispersés  quelques  ornements  en  bronze,  fragments  de  fibules,  anneau, 
bracelet,  parfois  argentés.  Divers  objets  en  fer  :  une  épée  bien  con- 
servée, un  bout  de  lance,  une  tarière,  deux  serpes,  une  poêle,  etc.  La 
poterie  était  rare;  à  signaler  deux  creusets  avec  de  la  matière  vitreuse 
encore  adhérente.  Quelques  morceaux  de  chaussures  en  cuir  sont 
décorés  avec  goût  (motifs  en  trompette). 

Ce  mobilier  témoigne  d'une  civilisation  avancée.  La  forme  de  la 
fibule,  l'argenture  du  bronze  portent  l'auteur  à  assigner  au  crannog  la 
date  du  x^  siècle,  bien  que  plusieurs  objets  paraissent  être  un  peu  plus 
anciens. 

Beaucoup   d'ossements  d'animaux  ont  été    recueillis.  Ce    sont   les 

espèces  actuelles  qu'on  trouve  toujours  dans  les  gisements  de  ce  genre. 

Il  faut  pourtant  signaler  trois  crânes  de  Chevaux,  dans  un  parfait  état 

de  conservation  et  présentant,  d'après  M.  Ridgeway,  les  caractères  des 

crânes  de  Chevaux  arabes. 

M.  B. 

Debruge  (Arthur).  Bougie  :  Compte  rendu  des  fouilles  faites  en  1904.  {Rec.  Notes  et 
Mém.  de  la  Soc.  archéol.  de  Constanline,  vol.  XXXIX,  1905.  57  pages  et  figures). 

En  1904,  M.  Debruge  a  exploré  aux  environs  de  Bougie  un  abri  sous 
roche  qui  n'a  fourni  aucun  vestige  préhistorique,  une  station  de 
pêche  où  il  a  trouvé  de   nombreux  Mollusques  marins,  des  débris  de 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  599 

Poissons  et  de  Tortue,  quelques  ossements  de  Cheval,  de  Grand  Bœuf, 
de  Cerf,  Chèvre  ou  Mouton,  de  Sanglier,  d'Éléphant,  de  Lion,  de  Chacal 
et  de  Porc-épic.  L'industrie  comprend  des  vases  non  ornementés  et  des 
cylindres  en  argile  «  qui  pourraient  bien  être  des  poids  de  filets  »,  des 
incisives  de  Sanglier  usées  en  bec  de  flûte  et  que  M.  D.  pense  être  de 
très  primitifs  hameçons,  d'autres  dents  de  petits  Ruminants  portant 
au-dessous  de  la  couronne  une  encoche  bien  nette,  quelques  morceaux 
de  bracelets  en  ivoire  d'éléphant,  une  plaquette  elliptique  bombée, 
polie  et  portant  deux  encoches  aux  deux  extrémités,  des  lissoirs  et 
poinçons  en  os  poli  et  enfin  des  perles  en  os.  L'industrie  du  silex  n'est 
représentée  que  par  des  petits  silex  de  forme  géométrique  si  communs 
dans  le  Néolithique  algérien. 

La  trouvaille  la  plus  curieuse  est  celle  de  perles  en  terre  blanche 
émaillée  qui  ont  été  fabriquées  sur  place. 

Le  cuivre  fait  son  apparition  et  paraît  avoir  été  employé  sous  forme 
d'hameçons. 

Une  petite  grotte  voisine  de  cette  intéressante  station  n'a  rien 
fourni. 

Un  peu  plus  loin  M.  D.  a  fouillé  un  ensemble  de  foyers  qu'il  qualifie 
de  u  tumulus  berbère  ».  Dans  ces  foyers  il  a  trouvé  des  vases  de 
«  facture  néolithique  »,  des  meules  concaves  avec  des  broyeurs  à  main, 
un  débris  d'entonnoir  (?),  une  lame  de  fer,  des  scories  cuivreuses, 
quelques  coquilles  marines,  un  fragment  de  meule  (?)  avec  rayons 
gravés  associés  à  des  restes  de  Sanglier  et  de  Bœuf. 

De  ces  trouvailles,  l'auteur  conclut  que  la  station  de  pêche  paraît 
devoir  se  rattacher  à  la  période  transitoire  entre  la  pierre  et  les  métaux 
et  il  admet  comme  probable  la  contemporanéité  des  foyers  avec  cette 
station  de  pêche. 

P.  Pallary. 

H.  RouzAUD.  Notes  et  observations   sur  le  pays  narbonnais,  40  p.  8°.  Narbonne 
1905  (Ext.  du  Bull.  Com.  archéol.  Narbonne,  Vlll). 

A  quatre  kilomètres  au  couchant  de  Narbonne,  à  la  limite  de  la 
plaine,  isolée,  dominant  un  très  lointain  horizon  s'élève  la  petite  col- 
line de  Montlaurès,  rocher  calcaire,  ici  jurassique  dur  et  compact  là 
miocène  et  plus  tendre.  Jadis  c'était  une  île.  Naguère  des  étang  avoisi- 
naient  encore.  En  1864,  on  trouva  par  hasard  un  beau  vase  grec  orné 
de  peintures  à  personnages  que  Tournai  signala.  Quarante  ans  plus 
tard,  M.  H.  Rouzaud  put  le  faire  donner  au  Musée.  C'est  tout  ce  qu'on 
savait  sur  Montlaurès.  La  tradition  était  muette. 

Docteur  ès-sciences,  ancien  député  et  percepteur  à  Narbonne  M.  H. 
Rouzaud  prit  la  colline  pour  but  de  promenade  dès  1899  et  ayant 
remarqué  que  le  sol  était  couvert  de  débris  de  céramique  il  se  mit  à  les 
faire  recueillir  par  ses  enfants.  J'ai  eu  l'avantage  de  voir  chez  lui  la 


600  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

collection  très  nombreuse,  remplissant  une  quantité  de  tiroirs,  fort 
bien  classée  et  finalement  cet  amateur  distingué  est  arrivé  à  en  tirer 
des  conclusions  de  première  importance,  d'autant  plus  qu'il  a  pu  étu- 
dier dans  le  terrain  des  vestiges  inattendus  de  la  très  ancienne  occu- 
pation. Il  a  constaté  que  le  rocher  de  Montlaurès  fut  couvert  de 
tombes.  J'ai  vu  les  cases  aussi  nombreuses  que  nettement  accusées, 
mais  ouvertes  et  ruinées,  rappelant  celles  de  Tharros  et  de  Cagliari.  Ce 
sont  les  épaves  des  mobiliers  funéraires  qui  jonchent  le  sol  surtout  au 
pied  du  monticule. 

M.  Rouzaud  classe  ainsi  la  céramique  recueillie  : 

1"  Poterie  dite  mycénienne  dont  l'importation  a  pu  commencer  (?)  du 
xii^  au  XIV®  s.  av.  notre  ère; 

2°  Poterie  grecque  à  figures  noires  du  vi®  s.  ; 

3°  Poterie  grecque  à  figures  rouges,  v^et  iv^  s.  ; 

4°  Poteries  feintes  gréco-italiotes  de  la  décadence,  fin  du  iv^  s.  ; 

5°  Poteries  noires,  dites  de  Cumes  du  ni®  s. 

Il  résulte  d'une  lettre  de  M.  E.  Pottier,  de  l'Institut  et  du  Louvre, 
que  le  vase  de  1864  à  figures  noires  «  est  le  plus  important  vase  grec 
ancien  qui  ait  été  recueilli  sur  le  sol  de  France  ».  Pour  diverses  rai- 
sons réminent  archéologue  fixe  sa  date  vers  550  av. 

Les  poteries  de  style  mycénien  —  les  premières  signalées  en  France  — 
prennent  encore  plus  de  valeur  en  face  des  constatations  de  M.  P. 
Paris  en  Espagne.  Il  y  a  entre  les  spécimens  de  Montlaurès  et  ceux 
d'Amerejo  d'incontestables  ressemblances,  à  tous  les  points  de  vue. 
M.  Houzaud,  très  sagement,  expose  ses  découvertes  laissant  la  porte 
ouverte  à  toutes  les  explications.  Il  donne  ses  poteries  pour  du  vrai 
Mycénien,  c'est-à-dire  comme  directement  importée  de  centres  ioniens 
à  déterminer  où  aurait  très  longtemps  persisté  une  fabrication  archaïque. 
Le  problème  des  imitations  mycéniennes  n'a  pas  reçu  encore  de  solu- 
tion. 

Espérons  que  Montlaurès  nous  réserve  de  nouvelles  surprises  et  tous 
nos  compliments  à  notre  confrère. 

E.  Cartailhac. 


Reinach    (Salomon).    Cultes,  mythes  et  religions.  T.   I,  viri-468  p.  1903.  T.  II,  xvni- 

467  p.  1906.  Paris,  Leroux. 

Le  premier  tome  renfermait  35  mémoires  pour  la  plupart  imprimés 
déjà  ailleurs,  mais  revus  et  mis  au  point.  Le  second  (qui  ne  sera  sûre- 
ment pas  le  dernier)  en  ajoute  un  pareil  nombre.  Ces  70  travaux  ont 
paru  dans  L'Anthropologie,  la  Revue  Celtique,  la  Revue  Archéologique, 
la  Revue  de  V Histoire  des  Religions,  la  Revue  des  études  grecques,  la 
Revue  Scientifique,  la  Revue  des  études  juives,  la  Revue  de  l'Université 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  601 

de  Bruxelles,  le  Dictionnaire  des  Antiquités,  les  Mélanges  Boissier.  11  y 
a  aussi  des  conférences,  des  leçons  à  l'Ecole  du  Louvre...  Nous  ne  pou- 
vons songer  à  analyser  ceux  de  ces  travaux  qui  intéressent  spéciale- 
ment les  lecteurs  de  notre  périodique,  ni  même  à  reproduire  la  table 
des  matières,  il  suffit  de  signaler  à  l'attention  ces  documents  réunis 
qu'on  sera  bien  aise  souvent  d'avoir  sous  la  main.  C'est  une  mine  de 
renseignements. 

Je  crois  qu'un  des  articles  les  plus  curieux  est  celui  qui  expose  les 
idées  de  l'auteur  sur  la  domestication  des  animaux  et  des  plantes  par 
le  Totémisme. 

M.  Reinach  qualifie  de  roman  l'origine  ordinairement  supposée  des 
animaux  domestiques  et  des  plantes  cultivées.  La  nouvelle  théorie 
découle  d'un  ensemble  d'idées  tout  particulier,  du  scrupule  de  tuer  ou 
de  manger  tel  animal,  une  des  formes  les  plus  anciennes  et  les  plus 
répandues  de  la  religion.  Cet  animal  qu'on  ne  tue  pas  est  généralement 
considéré  comme  l'ancêtre  de  la  tribu,  on  a  alliance  avec  lui.  M.  Reinach 
admet  qu'on  a  tenu  à  l'avoir  près  de  soi.  On  a  pris  dans  ce  but  des 
petits,  on  les  a  gardés  et  quelques-uns  se  sont  apprivoisés,  sont  devenus 
domestiques.  Cela  s'est  passé  on  ne  sait  où?  et  peut-être  dans  plusieurs 
régions  à  la  fois. 

M.  Reinach  est-il  bien  sûr  de  ne  pas  opposer  un  roman  à  un  autre  ? 
Nous  voyons,  dans  son  introduction  du  tome  IL,  que  les  objections  ne 
lui  ont  pas  manqué.  Mais  il  persiste  de  plus  fort  dans  sa  manière  de 
voir  et  il  va  tout  à  fait  au  bout  des  conséquences  par  exemple  pour  le 
blé.  «  L'expérience  seule  ne  peut  avoir  enseigné  aux  hommes  à  bêcher 
et  à  labourer  la  terre  pour  en  accroître  la  fécondité  ;  ce  furent  des  rites 
superstitieux  avant  d'être  des  procédés  utilitaires...  Il  me  semble  que  la 
grelTe,  principe  de  l'arboriculture  scientifique,  est  elle-même,  à  l'origine 
un  rite  religieux,  une  sorte  de  mariage  sacré,  d'hiéi^o  g  amie  comme 
disaient  les  Grecs,  accompli  entre  deux  végétaux  de  même  famille...  ». 

De  pareilles  assertions  nous  étonnent  profondément,  mais  M.  Reinach 
nous  ferme  la  bouche  par  une^déclaration  très  acceptable  :  «  Mille  néga- 
tions ne  valent  pas  une  affirmation  ». 

Cette  attribution  au  totémisme  de  l'origine  des  animaux  domestiques 
et  des  plantes  cultivées  qui  furent  les  facteurs  de  la  civilisation  n'est 
pas  un  chapitre  tout  à  fait  isolé  de  ces  livres.'  Un  lien  unit,  dans  la 
pensée  de  M.  Reinach,  tous  ses  mémoires  sur  les  cultes,  les  mythes  et 
religions.  Il  considère  comme  un  devoir  de  soulever  le  voile  qui  cache 
encore  à  la  plupart  des  hommes  l'origine  et  la  signification  intime  de 
leurs  croyances.  «  L'évolution  est  la  loi  suprême  des  choses  du  règne 
de  la  matière  comme  de  celui  de  l'esprit.  Aucune  idée  n'est  plus  propre 
que  celle-là  à  inspirer  aux  hommes  des  habitudes  de  tolérance,  à  les 
rendre  indulgents  pour  les  erreurs  et  même  pour  les  crimes  du  passé, 
comme  pour  les  crimes  ou  les  erreurs  du  présent,  aucune  idée  n'est 


602  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

d'ailleurs  plus  consolante...  Tévolation  est  la  loi  des  études  sur  Thu- 
manité  parce  qu'elle  est  la  loi  de  l'humanité  elle-même  ». 

E.  Cartailhag. 

J.  Leite  de  Vasconcellos  :  Religiôes  de   Lusitania  (Les   religions  de  la  Lusitanie), 
vol.  II.  Lisboa,  1905,  xviii-376  p.  in-S». 

J'ai  annoncé  le  premier  tome  de  cet  excellent  ouvrage  il  y  a  plu- 
sieurs années  [U Anthropologie,  t.  IX,  p.  87).  Il  fut  accueilli  partout 
avec  honneur:  Hubner,  Reinach,  Gaidoz,  D'Arbois  de  Jubainville  et 
Uéville,  et  bien  d'autres  parmi  les  maîtres  ont  adressé  de  justes 
louanges  à  l'auteur.  On  lui  sut  gré  d'avoir  mis  en  lumière  une  quantité 
de  faits  minutieusement,  scientifiquement  relevés  et  son  livre  est 
comme  un  arsenal  où  l'on  peut  puiser  à  Tenvi  des  armes  et  des  mu- 
nitions. 

Ce  premier  tome  fut  publié  sous  les  auspices  delà  Société  de  Géogra- 
phie de  Lisbonne.  Le  second  également  illustré  a  paru  comme  publi- 
cation officielle  du  Musée  ethnologique  portugais  grâce  à  la  bonne 
volonté  intelligente  du  Ministre  des  travaux  publics  et  des  autorités 
portugaises  ^1). 

Le  volume  consacré  aux  temps  protohistoriques  c'est-à-dire  aux  pé- 
riodes écoulées  entre  le  Préhistorique  et  l'arrivée  des  Romains  dans  la 
péninsule,  c'est-à-dire  jusqu'au  iii^  siècle. 

M.  L.  de  V.  après  avoir  exposé  sa  méthode,  énumère  ses  éléments 
d'investigation  (les  auteurs  antiques,  monuments,  traditions,  la  biblio- 
graphie). Il  donne  la  géographie  de  la  Lusitanie  avec  les  appellations 
les  plus  lointaines  ;  l'Ethnologie  lusitane  voit  intervenir  tour  à  tour 
Ibères,  Phœniciens,  Ligures,  Grecs,  Celtes,  Africains  ;  l'Ethnographie 
arrive  avec  les  groupes  ethniques,  les  lieux  dits,  les  langues,  les  cos- 
tumes, les  caractères  des  Lusitaniens. 

Tout  cela  n'est  en  quelque  sorte  qu'un  avant-propos. 

La  majeure  partie  du  volume  (p.  99  à  344)  est  consacrée  aux  reli- 
gions protohistoriques.  Tout  un  monde,  qu'on  reconnaît  souvent,  passe, 
pour  ainsi  dire,  en  procession  sous  vos  yeux.  M.  L.  de  V.  profondément 
érudit,  a  su  trouver  dans  son  petit  pays  un  tel  nombre  de  documents 
que  le  Portugal  peut  en  être  orgueilleux.  Les  phénomènes  célestes,  la 
terre,  montagnes  et  pierres,  les  bois  sacrés  et  les  plantes,  le  dieu 
Endovellico  et  son  sanctuaire,  la  déesse  Ategina  adorée  entre  le  Tage  et 
le  Guadalquivir.  Puis  les  déesses  mères,  les  lares,  les  nymphes  avec 
leurs  dénominations  locales  inscrites  sur  les  autels  votifs,  Tarmucen- 
baci  Ceceaeci,  Cusicelenses,  Findenetici,  Erredici,  Cerenaeci,  Capeti- 
corum  gentilitatis,Coniumbrigensium,  etc.  et  sur  ces  inscriptions  appa- 

(1)  N'y  a-t-il  pas  uq  inconvéoient  à  ne  lire  sur  le  titre  aucun  nom  de  libraire  ? 
Imprensa  national,  c'est  trop  peu  pour  ceux  qui  voudront  se  procurer  l'ouvrage. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  603 

raissent  les  noms  d'indigènes  absolument  comme  nous  sommes  habi- 
tués à  le  voir  dans  Tépigraphie  pyrénéenne;  comme  dans  notre  sud-ouest 
gaulois  nous  reconnaissons  les  Génies  et  Tutèle.  H  y  a  aussi  des  lies, 
des  promontoires,  des  lieux  sacrés  ou  maudits. 

Les  cours  d'eau  avec  quantité  de  superstitions  et  de  croyances  et  les 
fontaines,  les  sources  parmi  lesquelles  se  distingue  Tongoenabiagus  et 
son  singulier  monument  figuré.  Puis  Bormanicus,  l'émule  peut-être  de 
notre  classique  Taranus,  le  tonnant,  le  fulminant,  et  autres. 

Enfin  nous  voyons  énumérés  les  animaux  étudiés  comme  tout  le 
reste  avec  une  connaissance  approfondie  de  la  littérature,  ces  chèvres 
que  je  remarquais  déjà  il  y  a  25  ans  et  que  l'habile  crayon  de  M.  Boule 
me  permettait  alors  de  publier  très  fidèlement  dans  mes  Ages  préhisto- 
riques  de  l'Espagne^  et  ces  barbares  et  étranges  Taureaux  qu'Estacio 
da  Veiga  figurait  le  premier  dans  ses  Antiguédades  do  Algarve 
vol.  IV,  et  ceux  du  xMinho  et  ceux  de  Guisando. 

Nous  interrompons  forcément  cette  énumération  qui  prouve  la  va- 
riété des  matières.  Les  érudits  qu'elles  intéressent  voudront  avoir  cet 
ouvrage  fondamental  sur  l'ouest  de  la  péninsule. 

E.  Cartailhac. 


Hamy  (Dr  E.-T.).  La  vie  rurale  au  xvine  siècle  dans  le  Pays  reconquis,  étude  de 
sociologie  et  d'ethuographie.  Imprimerie  G.  Hamain,  Boulogne-sur-Mer,  1906. 

On  sait  que  le  nom  de  J^ays  reconquis  fut  donné  au  Calaisis  après  la 
prise  de  Calais  en  1558.  Dans  son  très  savant  et  très  intéressant  travail, 
M.  E.-T.  Hamy  s'est  proposé  de  reconstituer  la  vie  ménagère  et  écono- 
mique d'une  ferme  de  ce  pays  au  cours  de  l'avant-dernier  siècle, 
d'après  le  livre  rfe  comptes  de  Jean-Jacques  Desaint,  fermier  à  Leulingue, 
paroisse  de  Saint-Tricat.  Ouvert  en  1711.  ce  registre  se  continue  sans 
lacunes  apparentes  jusque  vers  1730,  les  années  subséquentes  n'étant 
représentées  que  par  des  comptes  partiels. 

Nous  ne  saurions  mieux  faire,  pour  donner  une  idée  de  Tenquéle  à 
laquelle  s'est  livrée  M.  E.  T.  Hamy  avec  sa  maîtrise  et  sa  conscience  cou- 
lumières,  que  d'en  résumer,  d'après  l'auteur  lui-même,  les  principaux 
résultats. 

«  Au  début  de  la  période  dans  laquelle  se  circonscrit  notre  compta- 
bilité, le  numéraire  est  rare  :  cependant  le  paiement  des  fermages  se 
fait  en  espèces,  mais  les  gages  des  serviteurs  sont  en  grande  partie 
réglés  par  des  avances  en  nature.  Le  bail  est  de  9  ans,  comme  presque 
partout  alors,  mais  il  se  prolongera  de  neuf  en  neuf  années  jusqu'à  la 
Révolution. 

«  Le  revenu  qu'il  assure  au  propriétaire  suit  une  marche  ascendante, 
en  même  temps  qu'augmentent  la  valeur  du  sol  et  celle  de  ses  produits. 

c  Toutes  choses  enchérissent  d'ailleurs  graduellement;  l'argent  se 


604  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

répand  dans  les  campagnes;  les  transactions  en  nature  diminuent  et 
finissent  par  cesser  presque  complètement.  Le  travailleur  des  champs 
qui  subissait,  sous  le  régime  des  avances,  la  tutelle  incessante  du  fer- 
mier, s'afTranchit  parle  payement  de  plus  en  plus  régulier  de  ses  gages 
en  numéraire.  Mais  en  même  temps  qu'il  devient  le  maître  de  ses 
salaires,  il  augmente  ses  dépenses  en  se  créant  des  besoins  qu'il  n'avait 
pas.  L'usage  du  tabac,  presque  inconnu  dans  nos  campagnes,  gagne 
les  villages,  et  les  liqueurs  fortes  font  leur  apparition. 

«  Le  costume  se  transforme  ;  la  casaque,  le  justaucorps,  etc.,  qui  se 
transmettaient  de  génération  en  génération,  sontabandonnés  pourThabit 
et  le  gilet,  moins  solide  et  moins  durable,  que  fournit  une  industrie  qui 
va  prendre  en  Picardie  une  grande  importance,  tandis  que  la  toilette 
féminine  se  compliquera  et  enchérira. 

«  L'alimentation  se  modifie  en  même  temps  d'une  manière  profonde 
par  la  conquête  de  la  pomme  de  terre  et  le  développement  de  l'élevage 
des  porcs.  Les  troupeaux  de  vaches  et  de  moutons  augmentent  par  la 
création  de  prairies  artificielles;  les  cultures  industrielles  (colza,  œil- 
lette, betterave)  apparaissent  et  se  généralisent.  Mais  de  ces  dernières 
choses,  le  registre  des  Desaint  ne  nous  a  rien  appris  ;  les  fermiers  de 
Saint-Tricat  ignoraient  encore  ces  progrès  en  1785  ». 

Telle  est  dans  ses  grandes  lignes  la  physionomie  de  la  classe  sociale, 
de  la  province  et  de  l'époque  que  M.  E.-T.  Hamy  s'est  plu  à  reconsti- 
tuer avec  une  belle  précision  de  méthode,  une  grande  minutie  de 
détails.  c<  Je  donne  ici  deux  monographies  (psychologiques),  disait  à 
peu  près  Taine  dans  son  Intelligence,  mais  il  en  faudrait  cinquante  ». 
En  une  matière  aussi  complexe  que  la  sociologie  dans  ses  rapports  avec 
l'ethnographie  et  l'histoire,  ce  n'est  plus  cinquante  de  ces  monogra- 
phies qu'il  faudrait,  mais  cinquante  mille,  —  à  condition  qu'elles 
fussent  toutes  de  la  valeur  de  celle-ci. 

Maurice  Reclus. 


Franc  (Louts).  De  l'Origine  des  Pahouins,  essai  de  résolution  de  ce  problème 
ethnologique.  1  pi.  —  Maloine,  éd.,  Paris,  1906. 

Le  but  de  ce  travail  est  de  montrer  qu'il  est  possible  d'assigner  une 
origine  européenne  à  la  nation  si  mystérieuse  des  Fans  [Ba-Fân)  ou 
Pahouins. 

L'historien  grec  Zozime  rapporte  qu'en  l'année  254  une  bande  de 
Francs  traversa  toute  la  Gaule,  franchit  les  Pyrénées,  pilla  l'Espagne 
pendant  douze  ans,  détruisit  presque  Tarragone,  puis  alla  se  perdre  en 
Afrique. 

L'auteur  voit  dans  cette  horde  l'élément  originel  des  Pahouins,  et  se 
fonde  sur  de  a.  nombreuses  »  et  «  frappantes  »  ressemblances  qui  exis- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  605 

teraieat  entre  ce  peuple  encore  sauvage  de  l'Afrique  et  la  race  germa- 
nique à  l'époque  des  grandes  invasions. 

D'abord,  le  nom  de  Fans  :  l'allongement  de  la  voyelle  initiale  â  indi- 
querait la  disparition  d'une  consonne  voisine,  sans  doute  1'?%  si  difficile 
à  prononcer  pour  la  plupart  des  Nègres.  Ensuite^,  et  surtout,  les  carac- 
tères physiques  de  ces  indigènes,  qui  n'ont  des  Nègres  ni  la  couleur,  ni 
les  traits,  ni  les  cheveux.  Beaucoup  sont  dolichocéphales.  C'est  une 
race  guerrière,  chaste  et  polygame,  qui  ignore  l'esclavage.  Une  de  leurs 
divinités  se  rapproche  de  la  Holda  des  Germains,  et  le  type  de  leurs 
javelines  rappelle  la  framée... 

Si  non  e  vero...  M.  R. 


D""  J.  Degorse.  Da  Congo  au  lac  Tchad  (mission  Ghari-Lac  Tchad  1902-1906). 

Paris,  1906. 

Le  carnet  de  route  du  D""  J.  Decorse  n'est  pas  entièrement  nou- 
veau pour  les  lecteurs  de  L Anthropologie,  Ils  reconnaîtront,  au  hasard 
de  la  lecture  et  des  itinéraires,  beaucoup  d'observations  éparpillées,  qui 
ont  été  réunies  pour  eux  dans  les  trois  études  publiées  l'année  dernière 
par  cet  auteur  sur  :  Le  tatouage^  les  mutilations  ethniques  et  la  parure 
chez  les  populations  du  Soudan  (VAnthrop.,  1905,  p.  129);  La  chasse  et 
l'agriculture  chez  les  populations  du  Soudan  {Idem.,  p.  457);  Lhabiiation 
et  le  village  au  Congo  et  au  Chari  {idem,  p.  639).  Nous  laisserons  de  côté 
tout  ce  qui  a  été  ainsi  utilisé.  Il  restera  cependant  encore  à  glaner 
une  copieuse  moisson  de  faits  ethographiques. 

Nous  allons  avec  le  D"*  Decorse  des  chutes  du  Congo  au  Tchad  par  le 
chemin  que  voici:  Congo,  Oubanghi,  la  Kemo,  fort  de  Powei,  la  Tomi, 
fort  Sibut,  le  Gribinghi,  fort  Campel,  fort  l'Archambault,  puis  le  Chari, 
jusqu'à  fort  Lamy  et  au  Tchad.  Membre  correspondant  du  Muséum,  le 
Dr  Decorse  était  désigné,  dans  la  mission,  pour  étudier  les  bêles  et  les 
gens,  mais  en  vrai  naturaliste,  il  ne  s'est  pas  fait  faute  de  voir  et  de 
noter  tout  ce  qui  valait  une  mention.  A  côté  des  mésaventures  de 
voyage,  les  détails  de  toute  espèce  abondent  sur  son  carnet,  zoolo- 
giques, topographiques,  géographiques,  etc.  Il  est  impossible  de  le 
suivre  pas  à  pas  dans  son  récit  et,  après  avoir  signalé  la  variété  de  son 
livre  et  son  constant  intérêt,  nous  ne  nous  arrêterons  qu'à  ce  qui  regarde 
les  peuplades  rencontrées. 

D'abord,  les  habitants  du  bas  Oubanghi  :  Bondjo,  M'bwaka,  Ngérés 
des  environs  de  Banghi,  qui  présentent  d'assez  curieuses  aptitudes 
picturales.  M.  Decorse  donne  peu  de  détail  à  leur  sujet;  il  n'a  fait  que 
traverser  rapidement  la  région  en  descendant  très  peu  sur  les  rives. 
Aux  environs  de  Ouadda  et  de  Fort  Powel,  commencent  les  Banda.  On 
les  trouve  mêlés  quelquefois  avec  les  Banziri,  pêcheurs,  piroguiers  et 
très  nomades,  originaires  de  la  rive  française  du  Koango. 


606  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Les  Banda  sont  très  répandus  et  prédominent  àKrébedgé.  Le  D^  De- 
corse  considère  leur  ensemble  comme  très  composite  et  déclare  qu'on  ne 
saurait  actuellement  définii'  un  type  Banda.  C'est  une  race  très  métissée, 
à  peau  foncée,  à  système  pileux  peu  fourni,  à  cheveux  crépus  et 
rudes  ;  tète  étroite,  nez  large,  lèvres  fortes,  prognathisme  modéré  ; 
taille  moyenne,  reins  cambrés,  fesses  proéminentes.  Ils  présentent 
beaucoup  de  points  communs  avec  les  populations  du  sud  de  l'Oubanghi. 
Habitant,  il  y  a  environ  cinquante  ans,  beaucoup  plus  à  l'Est,  une 
région  limitrophe  de  l'Ouadaï,  ils  en  ont  été  chassés  par  les  incursions 
des  Arabes  et  des  Anglo-Egyptiens  et  se  sont  répartis  en  îlots  peu  fixes, 
que  l'on  rencontre  jusque  sur  la  Sanga,  tandis  qu'à  Test  d'autres 
Banda  avoisinent  le  Bahr-el-Gazal.  Les  tribus  réparties  dans  cette 
vaste,  étendue  portent  des  noms  très  nombreux  et,  bien  qu'il  faille  sans 
doute  y  distinguer  plusieurs  groupes,  il  est  jusqu'ici  impossible  de  les 
reconnaître  sûrement.  A  ces  aperçus,  se  joignent  d'intéressantes  obser- 
vations sur  le  mariage,  le  divorce,  les  rapports  des  époux  et  de  leur 
descendance,  la  description  d'nn  marché,  de  danses,  de  la  fête  des 
circoncis,  etc. 

Les  Lulos  qui  se  trouvent  sur  le  Gribinghi  et  qui  s'appellent  en 
réalité  Léto,  sont  quelquefois  rattachés  aux  Banda.  Ils  ne  parlent  cepen- 
dant pas  leur  langue  et  se  réclament  du  groupe  Ndohoa  ;  cette  parenté 
semble  fort  probable  au  D""  Decorse,  mais  elle  ne  lui  paraît  pas  empê- 
cher la  possibilité  d'une  parenté  avec  les  Banda,  la  distinction  actuelle 
semblant  surtout  d'ordre  politique. 

Un  séjour  prolongé  à  Fort  l'ArchambauU  a  permis  au  B^  Decorce 
d'étudier  d'assez  près  les  pays  Sara  qui  environnent  ce  poste.  On 
désigne  sous  le  nom  de  Sara  tous  les  gens  sans  exception,  qui  habitent 
ces  régions  depuis  le  Logone  jusqu'aux  frontières  ouaddiennes.  Comme 
les  Banda,  dont  ils  sont  bien  différents,  ils  forment  un  ensemble  très 
complexe  presque  impossible  à  débrouiller.  Parmi  eux,  Le  D""  Decorse 
étudie  surtout  avec  beaucoup  de  détails  les  Tounia,  les  Niellim,  les 
Kaba,  les  Iloro,  et  décrit  leurs  armes  et  instruments  de  pêche  ou  de 
chasse,  leurs  petites  industpies,  mégisserie,  forge,  fabrication  de  pipe, 
leur  mœurs,  enterrement,  initiation  avant  le  mariage,  etc.  On  doit  tenir 
pour  non  fondée  la  croyance  à  la  taille  géante  de  ces  peuplades,  qu'on 
leur  avait  attribuée  à  la  suite  de  Maistre.  Ils  sont  néanmoins  de  taille 
élevée,  1^,75  environ.  Leur  caractère  d'ensemble  le  plus  net,  détermi- 
nant un  véritable  type  Sara  sur  la  rive  gauche  du  Chari,  est  la  largeur 
de  la  tête,  poussée  souvent  jusqu'à  l'hyperbrachycéphalie  ;  c'est  un  trait 
constant.  En  dehors  de  là,  tout  n'est  qu'obscurité  et  il  est  même  impos- 
sible de  savoir  sous  quel  nom  désigner  toutes  ces  populations  :  le  mot 
Sara  est  erroné  ;  tous  les  autres  désignent  de  petits  groupes,  d'origine 
plus  orientale,  et  dont  certains,  tels  que  les  Ngama,  les  Dagba,  et  les 
Mbaï,  contiennent  à  coup  sûr  des  éléments  d'origine  différente.   Enfin 


MOUVEMENT  SClEiNTlFIQUE.  607 

il  se  pourrait  que  dans  les  pays  Sara,  quelques  types,  tels  que  les 
Boiingoul,  les  Nâr  et  les  Bouna  fussent  les  derniers  survivants  les  plus 
purs  d'un  noyau  ethnique  primitif.  Pour  le  D'  Decorse,  c'est  l'étude  des 
régions  plus  orientales  qui  seule  permettra,  —  peut  être,  —  de 
débrouiller  les  problèmes  Sara  et  Banda. 

En  descendant  de  Fort  l'Archambault  vers  le  Tchad,  et  surtout  à 
partir  de  Bousso,  on  commence  à  rencontrer  des  types  plus  affinés, 
marquant  l'approche  de  l'Islam.  D'abord  les  Sarroua  et  les  Ndam,  débris 
du  grand  groupe  des  Somré,  qui  occupaient  autrefois  les  deux  rives  du 
Chari  et  que  leurs  luttes  avec  les  Boulala,  quand  ceux-ci  fondèrent  le 
Baghirmi,  ont  démembré,  une  partie  restant  sur  place  pour  s'accom- 
moder à  la  domination  Barma,  les  autres  se  répandant  dans  l'Est  jus- 
qu'au Logone.  Ensuite,  après  Bousso,  les  M'bio,  ou  Kanouri  du  Bornou, 
émigrés  en  colonies  et  soumis  par  les  Barma  qui  ont  changé  leur  nom. 
A  Mafaling,  on  sort  des  pays  fétichistes,  les  nègres  sont  musulmans. 
Dans  les  études  signalées  plus  haut  et  publiées  dans  L'Anthropologie, 
on  a  vu  de  quels  changements  dans  la  vie  sociale  s'accompagne  cette 
différence  de  religions. 

Le  village  infect  de  Fort  Lamy  est  un  véritable  carrefour,  où  se 
coudoient  les  races  les  plus  diverses.  Le  premier  rang  est  aux  Arabes, 
qui  représentent  la  partie  noble,  les  conquérants;  tout  le  monde  se 
réclame  de  leur  sang;  ces  Arabes  ne  sont  pas  venus  vers  le  Tchad  par 
le  nord,  mais  au  contraire  par  Fouest  et  probablement  vers  le  xv^  siècle. 
Avec  eux  voisinent  beaucoup  de  rabistes,  c'est-à-dire  d'anciens  captifs 
de  Raba,  très  hétéroclites,  et  des  Barma,  Banda,  Kotoko,  desKanouris, 
commerçants  et  voleurs.  A  propos  des  Fellata  qui  se  retrouvent  sous 
le  nom  de  Peuls  au  Sénégal,  beaux  types  élégants,  assez  grands,  à  nez 
droit,  intelligents  et  dont  Forigine  est  demeurée  jusqu'ici  mystérieuse, 
le  D^"  Decorse  fait  observer  que  les  auteurs  arabes  les  signalent  dès  le 
xiu^  siècle  au  Kanem  et  que,  peut-être,  on  pourrait  voir  en  eux  les 
débris  de  la  race  autochtone  qui  peupla  le  nord  de  l'Afrique,  entre  le 
Tchad  et  la  Méditerranée,  et  qu'on  retrouve  parmi  les  Fellahs,  peut-être 
même  les  Nubiens  de  Fhistoire  antique. 

Jean  Lafitte. 

HuGUET  (Dr  J.).  Superstition,  Magie  et  Sorcellerie  en  Afrique.  Extrait  de  la  Revue  de 

VEcole  d'Anthropologie,  Paris,  1905. 

<L  II  ne  saurait  y  avoir  religion,  à  mon  sens  du  moins  —  a  écrit  M.  Vin- 
son  —  sans  une  certaine  conception  métaphysique,  sans  une  croyance 
à  un  être,  à  une  puissance  extérieure  à  la  nature  ambiante,  à  une  per- 
sonnalité extrahumaine  qui  se  manifeste  par  des  phénomènes  maté- 
riels, en  un  mot  sans  la  croyance  à  une  cause  invisible  d'effets  visibles. 
Or,  les  peuples  qui  en  sont  encore  au  fétichisme  ne  sortent  point  des 


GOS  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

limites  de  la  nature  ».  Déférant  à  cette  idée,  en  soi  très  défendable,  le 
D""  J.  Iluguet,  considère  un  grand  nombre  de  faits  se  rattachant  au  féti- 
chisme comme  étant,  non  pas  d'ordre  religieux  au  sens  scientiri([ue  du 
mot,  mais  bien  plutôt  d'ordre  parareligieux.  L'expression  est  heui'euse. 

Un  des  premiers  points  dégagés  parle  travail  de  l'auteur  est  la  toute 
puissance  des  magiciens  ou  devins,  sorciers  ou  médecins,  dans  la 
société  noire.  En  certaines  régions  de  l'Afrique  occidentale,  on  voit 
souvent  deux  rois  régner  côte  à  côte  :  un  roi  fétiche  ou  religieux,  et  un 
roi  politique;  mais  le  roi  fétiche  est,  réellement  et  protocolairement,  le 
plus  important. 

L'influence  des  sorciers  est-elle  de  nos  jours  ce  qu'elle  était  lors  des 
relations  des  premiers  voyageurs?  L'auteur  s'attache  a  démontrer  l'affir- 
mative à  l'aide  de  documents  récents;  il  doute  que  la  pénétration  de  la 
civilisation  européenne  puisse  ruiner,  d'ici  longtemps,  le  prestige  de  ces 
Maîtres-Jacques  du  surnaturel,  faiseurs  de  pluie  à  la  fois  et  rebouteurs, 
exorciseurs  non  moins  qu'empoisonneurs,  voire  officiers  de  police  judi- 
ciaire au  moyen  de  toutes  épreuves,  tous  jugements  de  Dieu  que  l'on 
voudra.  Leur  prestige  résiste  également  à  leur  manque  total  de  tenue  : 
ils  s'enivrent,  en  effet,  bien  volontiers. 

La  bonne  foi  des  bons  sorciers  n'est  d'ailleurs  pas  douteuse,  dans  un 
grand  nombre  de  cas.  Ils  croient  les  premiers  à  leur  pouvoir  magi- 
que et  bravent  toutes  les  tortures  pour  en  faire  usage  au  profit  de  leurs 
vengeances.  Cela  ne  les  empêche  nullement,  remarquons-le,  de  tirer 
matériellement  un  très  bon  parti  de  la  crédulité  des  Noirs. 

Les  sorciers  et  devins  se  mêlent  en  Afrique  à  la  plupart  des  actes 
importants  de  la  vie  sociale.  Leur  rôle  principal  consiste  à  écarter  un 
danger  imminent  ou  à  solliciter  du  fétiche  la  faveur  d'une  bienfaisante 
averse.  Les  indigènes  ne  sauraient  partir  en  voyage  sans  s'être  au  préa- 
lable fait  féticher  au  moyen  de  décoctions  et  de  passes  magiques.  Les 
sorciers  ont  encore  d'autres  sources  de  profits,  par  exemple  la  vente 
d'amulettes.  Maurice  Reglus. 

H.  R.  Vorii.  a)  Oraibi  Natal  customs  and  cérémonies  (Les  cérémonies  et  les  cou- 
tumes relatives  à  la  naissance  à  Oraibi).  Fze/c?  Columbian  Muséum.  Anthropological 
séries,  vol.  VI,  n"  2.  Chicago,  février  1905,  12  p. 

Id.   h)   Hopi  proper  names  (Les  noms  propres  des  Hopis).   Id.,  vol.   VII,  n"   3. 

Chicago,  mars  1905,  56  p.  in-8. 

Les  deux  opuscules  vont  ensemble,  car  la  cérémonie  la  plus  importante 
que  nous  décrit  le  premier  est  celle  de  la  dation  du  nom.  La  première 
brochure  nous  donne  des  indications  très  précises  sur  les  cérémonies 
qui  accompagnent  le  travail  et  la  délivrance  des  femmes  d'Oraibi.  Ces 
cérémonies  sont  d'ailleurs  peu  nombreuses.  La  femme  est  laissée  seule, 
car  elle  possède  à  ce  moment  un  caractère  sacré,  le  mari  est  réguliè- 
rement absent,  surtout  s'il  s'agit  d'une  femme  qui  va  avoir  son  premier 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  609 

enfant.  Quelquefois  cependant,  si  Taccouchement  est  laborieux,  il  est 
présent  ;  on  laisse  généralement  les  enfants,  qui  n'ayant  pas  été  initiés 
ne  courent  aucun  danger  à  avoir  contact  avec  les  choses  sacrées,  assis- 
ter à  toutes  les  phases  de  la  parturition.  L'accouchée  a  une  assistante, 
généralement  une  parente.  L'enfant  étant  né,  le  cordon  ombilical  et  le 
délivre  sont  portés  en  un  lieu  spécial  où  ils  sont  enterrés.  Puis  le  nou- 
veau-né est  enduit  de  cendre  ou  d'une  terre  spéciale.  L'assistante 
fait  avec  de  la  farine  quatre  traits  sur  le  mur,  pour  représenter  la  mai- 
son où  l'enfant  doit  vivre  son  existence.  Vient  alors  une  période  de 
vingt  jours  pendant  laquelle  l'enfant  ne  doit  pas  voir  la  lumière  et  la 
mère  doit  observer  certains  tabous. 

Tout  le  groupe  auquel  ils  appartiennent  doit  aussi  s'abstenir  de  cer- 
tains actes  (par  exemple  de  marcher  nu-pied).  Tous  les  cinq  jours,  l'as- 
sistante efface  une  des  lignes  tracées  sur  les  murs  avec  la  farine  sacrée. 
Le  vingtième  jour,  en  présence  de  femmes  appartenant  au  clan  de  la 
mère,  elle  efface  la  dernière  de  ces  marques;  on  peut  supposer  que  la 
vie  de  l'enfant  est  alors  assurée. 

Toutes  les  femmes  présentes  peuvent  alors  lui  donner  un  nom,  mais 
un  seul  est  conservé.  Ici  existe  une  grave  contradiction  dans  les  dires 
de  l'auteur  :  en  un  endroit  (p.  7),  il  dit  que  les  femmes  appartiennent 
toutes  au  clan  de  la  mère  et  de  l'enfant;  ailleurs  (p.  12),  décrivant  une 
cérémonie  à  laquelle  il  a  assisté  à  Oraibi,  il  nous  assure  que  toutes  les 
femmes  qui  vinrent  le  vingtième  jour  appartenaient  au  clan  du  père  et 
que  l'assistante  était  la  mère  du  père  de  l'enfant!  Que  croire,  surtout 
lorsqu'on  nous  dit  {Hopi  names,  p.  1)  que  le  nom  d'enfance  appartient  au 
clan  de  la  mère?  Le  nom  gardé  est  un  «  nom  d'enfance  »,  qui  ne  sera 
conservé  que  jusqu'aux  cérémonies  d'initiation  de  la  puberté.  Cependant, 
il  existe  des  gens  qui  conservent  leurs  appellations  infantiles  jusqu'à 
un  âge  très  avancé.  Le  nom  qui  est  donné  lors  de  l'initiation  dans  l'un 
des  ordres  secrets  des  Hopis  n'a  aucun  rapport  avec  le  clan  auquel 
appartient  le  récipiendaire.  L'interprétation  du  vocable  ainsi  donné  est 
parfois  très  difficile  :  la  personnalité  du  parrain,  le  rang  qu'il  occupe 
dans  la  société  où  son  filleul  a  été  admis  sont  parfois  nécessaires  à 
connaître  pour  en  donner  une  traduction  exacte. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  des  interprétations  que  les  Hopis 

ont  données  de  leurs  noms  à  M.  Voth.  Contentons-nous  de  dire  qu'ils 

représentent  un  classement  de  noms  analogue  à  celui  des  Zufiis.  Mais 

l'intérêt  des  textes  reproduits  par  M.  Voth  est  ailleurs.  Ils  nous  montrent 

que  le  nom  de  clan  n'est  pas  toujours  définitif,  même  chez  un  peuple 

comme  les  Hopis  où  le  régime  de  clan  a  encore  toute  sa  puissance  :  le 

nom  conféré  par  les  société  secrètes  a  plus  de  valeur;  comme  le  nom 

de  potlatch  des  Indiens  du  Nord-Ouest  américain,  c'est  lui  qui  donne  à 

un  homme  sa  place  dans  la  société,  sa  véritable  valeur. 

H.  Beuchat. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  39 


610  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Leuma.nn-Nit3che  (R.).  Marchen  der  argentinischen  Indianer  (Contes  des  Indiens  de 
l'Argeutine).  Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  d'Ethnologie  de  Berlin^  2,  1906. 

Il  s'agit  des  fables  des  Araucans  de  la  Pampa  dont  M.  R.  Lehmann- 
Nitsche  donne  une  demi-douzaine  à  la  fin  de  son  intéressante  commu- 
nication. 

Ces  historiettes  sont,  pour  une  part,  de  fond  purement  araucan,  mais 
pour  une  part  aussi  très  influencées  par  des  éléments  indiens  non-arau- 
cans^  voire  par  des  éléments  européens.  11  est  vrai  que,  d'après  l'auteur 
lui-même,  il  est  parfois  scabreux  de  décider  si  telle  idée,  telle  tournure 
sont  d'origine  européenne  ou,  au  contraire,  de  provenance  nettement 
locale.  Mais  on  peut  se  convaincre  à  la  lecture  que  beaucoup  de  ces 
fables  sont  plus  ou  moins  européennes. 

Nous  donnons  pour  mémoire  les  titres  des  contes  traduits  dans  le 
travail  de  M.  R.  Lehmann-Nitsche  :  1°  Histoire  d'un  tigre  et  d'un  homme  ; 
2°  Histoire  d'une  vieille  sorcière;  3»  Le  Renard  et  la  Grenouille  ;  4«  Le 
Chien  et  le  Rat;  5°  La  Vieille  et  son  Mari  ;  6°  L'âne,  le  Cochon,  le  Chat 
et  le  vieux  Coq. 

Influence  adventice  et  fortuite  des  littératures  spontanées  de  l'Europe, 
soit,  mais  si  la  diversité  physique  des  éléments  humains  répandus  à  la 
surface  du  globe  est  l'une  des  vérités  fondamentales  mises  en  lumière 
par  l'anthropologie,  la  psychologie  ethnique  ne  nous  enseigne-t-elle 
pas  l'identité  profonde,  intime,  essentielle  des  manières  de  penser?  Il 
n'y  a  pas  deux  façons  d'amuser  les  enfants  ni  d'édifier  les  grandes 
personnes,  et  j'estime  que,  sur  ce  point,  la  moindre  vieille  Araucane  eût 
concouru  sans  désavantage  avec  Alcman,  Ésope  ou  La  Fontaine. 

Maurice  Reclus. 

Rudolf  Por;cH.  Beobachtungen  ùber  Sprache,  Gesange  und  Tiinze  etc.  (Observa- 
tions sur  la  langue,  les  chants  et  les  danses  des  Monumbo  de  la  Nouvelle-Guinée 
allemande,  exécutées  au  moyen  du  phonographe).  Mitleilungen  der  anlhropologi- 
schen  Gesellschaft  in  Wie7i,  t.  XXXV,  p.  231  (1  pi.  et  2  fîg.). 

Les  Monumbo  habitent  les  environs  de  Potsdamhafen.  Dans  certaines 
solennités  ils  exécutent  des  danses  compliquées  qui  sont  accompagnées 
d'un  chant  dont  ils  ne  comprennent  pas  eux-mêmes  les  paroles.  Il 
semble  qu'il  s'agit  d'une  langue  morte  et  non  de  syllabes  forgées  de 
toutes  pièces  pour  accompagner  la  musique.  Les  danseurs  portent  des 
masques.  Ils  figurent  par  leurs  mouvements  des  occupations  journa- 
lières, par  exemple  le  tressage  des  fibres  de  rotang,  le  vol  et  la  pour- 
suite du  voleur,  des  ruses  de  guerre.  Lorsqu'on  donne  aux  adolescents 
leur  ceinture,  on  représente  par  des  danses  les  travaux  auxquels  ils 
auront  à  se  livrer,  maintenant  qu'ils  ont  pris  rang  parmi  les  hommes 
faits.  D'autres  danses  imitent  les  jeux  et  la  démarche  du  kangourou,  de 
la  frégate  et  d'autres  animaux.  Cependant  les  Monumbo  ne  paraissent 
pas  avoir  de  culte  totémique.  Us  auraient  emprunté  ces  danses  à  des 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  611 

peuples  avec  lesquels  ils  ont  été  en  contact,  sans  en  comprendre  le  sens 
caché.  L'auteur  a  trouvé  des  traces  de  totémisme  à  l'archipel  Bismarck; 
un  homme  de  Morlon  refusait  de  manger  d'un  certain  oiseau,  parce  que 
«  c'était  son  oiseau;  s'il  en  avait  mangé  il  serait  mort  ». 

Ces  indigènes  se  prêtent  très  bien  aux  expériences  faites  avec  le 
phonographe.  C'est  le  seul  produit  de  la  civilisation  européenne  qui  ait 
le  don  de  les  étonner.  L'auteur  a  pu  recueillir  ainsi  des  chants  et  des 
échantillons  de  langage  parlé.  Le  chant  est  toujours  accompagné  de 
tambour.  Le  rhytme  de  cet  instrument  est  très  compliqué,  il  ne  corres- 
pond pas  apparemment  à  celui  du  chant.  Cependant  il  y  a  un  rapport 
intime  entre  les  deux  ;  car  les  indigènes  ne  peuvent  chanter  qu'avec  cet 
accompagnement. 

Le  tambour  sert  également  de  signal  d'un  village  à  l'autre,  non  seu- 
lement en  cas  de  guerre  ou  de  danger,  mais  pour  annoncer  les  faits  de 
la  vie  courante,  par  exemple  la  capture  d'un  sanglier.  Chaque  phrase  du 
signal  a  un  sens  particulier  et  indique  comment  l'animal  a  été  pris, 
tué^  dépecé  et  préparé  pour  le  festin.  Chaque  homme  adulte  a  son  signal 
particulier,  au  moyen  duquel  on  Tappelle;  pour  les  femmes  il  y  a  un 
signal  commun.  Ces  signaux  personnels  s'accompagnent  souvent  de 
paroles  qu'on  dit  ou  qu'on  chante.  Ces  textes  sont  les  uns  en  langue 
ordinaire,  les  autres  tout  à  fait  incompréhensibles.  La  langue  des 
Monumbo  est  très  compliquée  et  montre  par  sa  structure  que  ces  indi- 
gènes n'ont  que  de  faibles  facultés  d'abstraction. 

D""  L.  Laloy. 


Baf.ssler.  Tahitische  Legenden  (Légendes  tahitiennes).  Zeitschrift  fur  Ethnologie^ 

t.  XXXVII,  1905,  p.  920. 
Id.  Fischen  auf  Tahiti  (La  pêche  à  Tahiti).  Ibid,  p.  924. 

L'un  des  premiers  habitants  de  Tahiti,  trouvant  qu'il  ne  faisait  pas 
assez  chaud,  avait  attaché  le  soleil  avec  une  corde  et  s'efforçait  de  le 
rapprocher  de  la  terre.  Dans  ce  but,  il  avait  fixé  l'autre  extrémité  de  la 
corde  à  Tahiti  en  la  faisant  passer  sous  l'île,  à  l'endroit  où  se  trouve 
actuellement  Taravao.  Distrait  de  cette  occupation  par  la  vue  d'une 
femme,  il  lâcha  brusquement  la  corde,  le  soleil  remonta  en  Tair  et  le 
câble  étrangla  l'île  et  provoqua  la  formation  de  l'isthme  de  Taravao. 
Depuis  cette  époque  le  soleil  est  resté  plus  près  de  la  terre,  ce  qui 
explique  pourquoi  il  fait  si  chaud  à  Tahiti.  Une  autre  légende  explique 
l'origine  du  cocotier  :  il  est  né  de  la  tête  d'une  anguille  miraculeuse  qui 
avait  été  enterrée.  Aussi  le  fruit  a  une  bouche  et  des  yeux.  D'après  une 
troisième  légende  il  semble  que  l'anthropophagie  ait  régné  autrefois  à 
Tahiti.  Un  quatrième  récit  explique  pourquoi  l'île  de  Huahine  porte  ce 
nom.  Les  gens  de  cette  île,  autrefois  nommée  Mateira,  amenaient  des 
jeunes  filles  aux  fêtes  de  Moorea,  oia  Ton  manquait  souvent  de  femmes. 


612  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Aussi  en  les  voyant  venir,  les  habitants  de  Moorea  s'écriaient  avec  joie  : 
«  Voici  les  bateaux  de  Iluavahine  »  {Hua  zz  membre  viril,  Vahiné 
=  femme).  Ce  nom,  donné  d'abord  par  plaisanterie,  a  fini  par  rester  à 
l'île.  Les  missionnaires  l'ont  trouvé  choquant  et  en  ont  fait  Huahine  qui 
n'a  aucun  sens. 

11  est  assez  remarquable  que  les  Tahitiens,  qui  vivent  en  grande  par- 
lie  de  poisson,  n'aient  pas  de  mot  pour  désigner  la  pêche  en  général, 
mais  seulement  des  termes  concrets  pour  les  différentes  manières  de 
pêcher,  ou  pour  la  pêche  des  diverses  sortes  de  poissons.  On  pêche  à  la 
main  ou  avec  des  paniers  près  du  rivage.  D'autres  foison  attire  le  pois- 
son la  nuit,  près  du  canot,  au  moyen  d'une  lanterne  et  on  l'abat  d'un 
coup  de  balon.  Celui-ci  était  parfois  armé  d'une  pierre  fixée  avec  des 
fibres  de  coco.  Actuellement  cet  ustensile  est  remplacé  par  un  morceau 
de  cercle  de  tonneau  en  fer. 

Un  autre  mode  de  pêche  consiste  à  étourdir  le  poisson  en  plaçant 
dans  l'eau  des  fruits  d'un  certain  arbre.  Les  hameçons  étaient  autrefois 
en  bois  ou  en  nacre  ;  ils  étaient  parfois  attachés  en  grand  nombre  à  un 
flotteur.  On  péchait  le  requin  et  certains  crustacés  ail  moyen  de  nœuds 
coulants.  Avant  l'arrivée  des  Européens  les  Tahitiens  ne  connaissaient 
pas  les  filets.  Ils  avaient  un  faubert  composé  d'une  longue  corde  à 
laquelle  étaient  suspendus  des  faisceaux  de  feuilles.  Tandis  que  l'une 
des  extrémités  restait  à  terre,  l'autre  était  emportée  par  un  canot  et 
ramenée  au  point  de  départ  en  décrivant  un  vaste  arc  de  cercle.  On 
balayait  ainsi  la  mer.  Actuellement  les  Tahitiens  fabriquent  des  filets  ou 
en  achètent  de  fabrication  européenne  ou  américaine.  Le  propriétaire  du 
filet  reçoit  la  moitié  du  produit  de  la  pêche,  l'autre  moitié  est  partagée 
entre  les  25 ou  30  hommes  nécessaires  pour  manier  l'appareil.  Ces  asso- 
ciations sont  dirigées  par  un  chef  de  pêche  qui  fait  également  la  répar- 
tition des  produits.  Elles  persistent  pendant  des  générations  et  n'ad- 
mettent pas  les  Européens. 

D^  L.  L. 


E.  Demonet.  Recherches  sur  la  capacité  vitale  absolue  et  relative  suivant  le  sexe 
et  suivant  certaines  dimensions  du  corps.  Bidlet.  Soc.  d'Anthropol.  de  Paris, 
no  1,  1905. 

Cet  important  travail  est  la  thèse  de  doctorat  en  médecine  d'un  jeune 
élève  de  l'école  du  Service  de  Santé  militaire  de  Lyon. 

Il  a  été  inspiré  par  M.  L.  Manouvrier,  qui,  en  écrivant  un  récent 
mémoire  sur  les«  Rapports  anthropométriques  et  les  principales  dimen- 
sions du  corps  »,  s'était  aperçu  que  l'on  ne  connaissait  que  bien  peu  de 
chose  encore  sur  le  développement  pulmonaire  chez  l'homme.  C'est 
alors  qu'il  engagea  M.  Demonet  à  étudier  cette  question.  Pour  résoudre 
le  problème,  le  plus  simple  eût  été  pour  ce  dernier  de  prendre  directe- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  613 

ment  le  poids  et  le  volume  des  poumons  à  Tautopsie.  Mais  cette  opéra- 
tion, simple  en  apparence,  était  en  réalité,  et  pour  de  nombreuses  raisons, 
difficile  à  réaliser;  aussi,  M.  Demonet  préféra- t-il  aborder  la  question 
par  son  côté  physiologique.  A  cet  effet,  il  a  adopté  la  méthode  spiromé- 
trique,  à  l'aide  de  laquelle  il  a  pu  déterminer  la  capacité  vitale.  La  capa- 
cité vitale  est  définie,  on  le  sait,  par  la  quantité  d'air  mise  en  mouve- 
ment par  une  inspiration  maxima  suivie  d'une  expiration  maxima.  Elle 
peut  être  considérée  comme  [proportionnelle  au  volume  intrapulmo- 
naire.  Après  avoir  manifesté  ses  regrets,  bien  légitimes  d'ailleurs,  que 
la  spirométrie  ne  soit  pas  plus  souvent  pratiquée  parles  médecins  aux- 
quels elle  pourrait  cependant  rendre  de  grands  services,  l'auteur  donne 
une  bibliographie  soignée  de  la  question  qu'il  se  propose  d'étudier. 

L'appareil  spirométrique  dont  s'est  servi  le  D'*  Demonet  est  un  comp- 
teur à  gaz  de  précision,  à  l'aide  duquel  il  a  mesuré  la  capacité  vitale  sur 
100  individus  de  sexe  masculin  de  20  à  25  ans  (élèves  de  l'école  du  Ser- 
vice de  Santé  militaire)  et  sur  100  individus  de  sexe  féminin  de  20  à 
25  ans  (malades  de  la  clinique  des  maladies  cutanées  et  syphilitiques). 
L'auteur  a  rapporté  la  capacité  vitale  ainsi  obtenue  à  un  certain  nombre 
de  dimensions  somatiques  et  il  a  pu  arriver  de  cette  façon  aux  résultats 
que  nous  allons  maintenant  énoncer. 

La  capacité  vitale  absolue  d'un  Français  (sexe  masculin  de  20  à 
25  ans,  d'une  taille  de  1"',70,  macroskèle  et  macroplaste  par  éducation), 
est  de  3.912  centimètres  cubes.  Cette  capacité  vitale  croît  d'une  façon 
absolue  et  relative  proportionnellement  à  la  taille;  mais,  comme  cette 
dernière  ne  représente  que  d'une  façon  très  imparfaite  le  développe- 
ment total  de  l'organisme,  il  est  plus  exact  de  dire  que  la  capacité 
vitale  croît  proportionnellement  à  la  mégasomie  ;  les  hommes  les  plus 
petits,  sont  tout  compte  fait,  plus  favorisés  que  les  grands  au  point  de 
vue  respiratoire. 

La  capacité  vitale  croît  proportionnellement  et  relativement  à  la  lon- 
gueur du  buste.  Elle  affecte  avec  cette  dernière  des  rapports  beaucoup 
plus  réguliers  et  beaucoup  plus  significatifs  qu'avec  la  taille. 

Un  sujet  bien  constitué  a,  en  général,  une  circonférence  thoracique  au 
moins  égale  à  la  longueur  des  membres  inférieurs.  Si  l'exactitude  de  ce 
rapport  était  confirmée,  il  y  aurait  là,  pour  les  médecins  militaires,  un 
indice  derobusticité  qui  pourrait  leur  rendre  de  grands  services. 

Les  brachyskèles  sont  considérablement  plus  favorisés  que  les  mesa- 
tiskèles  et  surtout  que  les  macroskèles  au  point  de  vue  de  la  capacité 
vitale.  La  largeur  biacromicale  ne  présente  pas  par  elle-même  une 
grande  importance  dans  ses  rapports  avec  la  capacité  vitale.  A  mesure 
que  la  longueur  du  sternum  s'accroît,  la  capacité  vitale  s'accroît  égale- 
ment, mais  M.  Demonet  ne  considère  pas  avec  Maëstrelli  que  cette  lon- 
gueur soit  de  toutes  les  dimensions  du  thorax  celle  qui  traduise  le  plus 
exactement  le  développement  pulmonaire. 


614  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Chez  les  sujets  bien  portants,  la  capacité  vitale  croît  absolument  et 
relativement  avec  le  poids,  mais  l'augmentation  parallèle  de  ces  deux 
quantités  ne  se  fait  pas  suivant  une  progression  régulière. 

La  capacité  vitale  est  d'autant  plus  grande  que  la  circonférence  tho- 
racique  est  plus  élevée. 

La  capacité  vitale  croît  en  raison  inverse  de  la  mégasomie.  A  mesure 
que  Teuryplastie  s'accentue,  la  capacité  vitale  diminue  assez  régulière- 
ment. 

Cette  première  partie  du  travail  de  M.  le  D'  Demonet  est  uniquement 
consacrée  à  Tétude  de  la  capacité  vitale  chez  l'homme;  la  seconde  par- 
tie traite  de  la  capacité  vitale  chez  la  femme. 

Celte  partie  du  mémoire  de  M.  Demonet  est,  avec  le  travail  de  Pagliani, 
(1857)  le  seul  document  existant  sur  la  capacité  vitale  de  la  femme. 

Les  conclusions  auxquelles  il  est  arrivé  sont  les  suivantes  : 

La  capacité  vitale  absolue  d'une  femme  française  quelconque  de  20 
à  25  ans  est  en  moyenne  de  2. 747  centimètres  cubes. 

Le  corset  diminue  la  capacité  vitale  d'un  sixième  de  sa  valeur  envi- 
ron. La  plupart  des  rapports  concernant  le  sexe  masculin  s'appliquent 
aussi  au  sexe  féminin.  Toutefois  les  dimensions  influencées  par  le 
tissu  adipeux  (poids,  circonférence  thoracique)  ne  contractent  plus  avec 
la  capacité  vitale  que  des  relations  extrêmement  irrégulières.  La  capa- 
cité vitale  absolue  de  la  femme  est  à  celle  de  l'homme  comme  70  est  à 
100. 

D'une  façon  générale,  la  capacité  ne  croît  d'une  manière  régulière- 
ment mathémathique  avec  aucun  facteur.  C'est  en  premier  lieu  la  taille, 
en  second  lieu  la  longueur  du  buste  qui  semblent  être  en  connexion  la 
plus  régulière  et  la  plus  intime  avec  la  capacité  vitale.  Le  poids  et  la 
circonférence  thoracique,  soumis  aux  variations  de  développement  du 
tissu  adipeux,  affectent  avec  la  capacité  vitale  des  rapports  moins 
importants. 

Nous  nous  sommes  bornés,  dans  cette  analyse,  à  rappeler  les  princi- 
paux résultats  de  M.  Demonet.  Comme  on  a  pu  s'en  rendre  compte,  ils 
sont  extrêmement  importants.  Mais  si  l'on  doit,  au  point  de  vue  du  fond, 
faire  à  l'auteur  les  plus  grands  éloges,  on  doit  lui  reprocher  de  ne  pas 
avoir  suffisamment  soigné  la  forme.  Le  travail  de  M.  Demonet  est  écrit 
dans  un  style  obscur,  les  résultats  les  plus  importants  sont  pour  ainsi 
dire  perdus  au  milieu  d'un  fouillis  de  détails  inutiles,  de  hors-d'œuvre, 
de  trop  longues  citations.  Le  mémoire  eût  gagné  a  être  diminué  de  lon- 
gueur de  moitié.  Malgré  ces  quelques  critiques,  le  travail  de  M.  Demonet 
restera  le  document  le  plus  précieux  que  nous  ayons  actuellement  sur 
la  valeur  absolue  et  relative  de  la  capacité  vitale  chez  l'homme. 

R.  Anthony. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  615 

UgoVram,  Metodaper  determinare  l'inclinazione  dell'  orbita.  Méthode  pour  déter- 
miner l'inclinaison  de  l'orbite).  AUi  del  Socielà  Romana  di  Anthropologia.  Roma, 
1906. 

Le  professeur  Ugo  Vram  donne  dans  cette  courte  note  un  moyen 
pouvant  paraître  ingénieux  et  pratique  pour  calculer  Tinclinaison  de 
l'orifice  orbitaire  suivant  l'horizontale.  Généralement  cette  inclinaison  se 
calcule,  comme  on  sait,  soit  à  l'aide  du  goniomètre,  soit  par  la  méthode 
des  projections;  dans  l'un  et  l'autre  cas,  c'est  une  opération  longue, 
délicate  et  pour  laquelle  il  faut  être  muni  d'instruments  spéciaux. 

La  méthode  nouvelle  proposée  par  le  professeur  Ugo  Vram  consiste 
essentiellement  en  ceci  :  on  trace  du  bord  externe  de  l'orbite  droit  au 
bord  externe  de  l'orbite  gauche,  une  ligne  droite  dite  ligne  biorbitaire; 
une  autre  ligne  va  du  bord  externe  au  dacrion  de  l'orbite  qu'on  examine  ; 
l'angle  que  forme  ces  deux  lignes  au  bord  orbitaire  externe  donne  la 
mesure  de  l'inclinaison  de  l'orbite  sur  l'horizontale.  L'opération  se 
fait,  nous  dit  l'auteur,  à  l'aide  du  compas  à  trois  pointes,  en  fixant  deux 
des  pointes  aux  extrémités  de  la  ligne  biorbitaire  et  l'autre  au  dacrion. 
En  reportant  ensuite  l'instrument  sur  le  papier  et  en  traçant  les  lignes, 
il  est  facile  de  mesurer  l'angle  au  rapporteur. 

L'idée  du  professeur  Ugo  Vram  est  intéressante,  et  à  retenir.  On 
peut  toutefois  faire  à  sa  note  de  très  sérieux  reproches  :  elle  est  trop 
courte  et  pas  assez  explicative;  les  points  de  repères  ne  sont  pas  suf- 
fisamment précisés,  et  l'on  serait  en  somme  assez  embarrassé  pour 
savoir  comment  tracer  exactement  la  ligne  biorbitaire.  Une  figure  très 
simple  eut,  en  précisant  les  points  de  repère,  rendu  l'explication  claire 
et  nette  et  dissipé  tous  les  doutes.  Il  est  très  regrettable  que  M.   Ugo 

Vram  n'ait  pas  songé  à  la  donner. 

R.  A. 

EuG.  PiTTARD   :    Influence   de  la   taille   sur  l'indice  céphalique  dans  un   groupe 
ethnique    relativement  pur.  Bull.  Soc.  Anlhrop.,  n°  3,  1905. 

L'influence  de  la  taille  sur  la  valeur  de  l'indice  céphalique  n'est  pas 
encore  bien  élucidée.  M.  Eug.  Pittard  s'inspirant  des  travaux  connus  de 
M.  L.  Manouvrier  sur  ce  sujet  s'est  attaché  à  la  solution  de  ce  pro- 
blème. Au  lieu  de  s'adresser  pour  cela  à  des  populations  mélangées 
comme  le  sont  toujours  les  populations  européennes,  il  a  eu  la  chance 
de  pouvoir  s'adresser  à  un  groupe  ethnique  relativement  très  homo- 
gène, celui  des  Tsiganes  de  la  Péninsule  des  Balkans.  Cette  population 
est,  en  effet,  restée  relativement  pure  grâce  à  ses  habitudes  nomades, 
grâce  aussi  au  mépris  dont  les  autres  hommes  entourent  les  Tsiganes, 
et  à  la  répulsion  qu'ils  éprouvent  à  s'allier  avec  eux.  Grâce  à  ce  choix 
judicieux,  M.  Eug.  Pittard  a  pu  éviter  la  plupart  des  causes  d'erreurs 
inhérentes,  comme  on  sait,  aux  séries  hétérogènes. 


616  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Le  matériel  anthropométrique  de  l'auteur  est  représenté  par  1205 
Tsiij;anes  adultes  (775  hommes  et  430  femmes)  dont  il  a  mesuré  la  taille 
et  dont  il  a  calculé  l'indice  céphalique. 

Nous  nous  bornerons  à  rappeler  les  principales  conclusions  de  cet 
intéressant  travail  :  La  taille  semble  avoir  une  influence  manifeste  sur 
la  valeur  de  l'indice  céphalique.  —  La  dolichocéphalie  s'accentue  au 
fur  et  à  mesure  que  la  taille  s'élève.  —  Au  fur  et  à  mesure  que  croît  la 
taille,  les  diamètres  antéro-postérieurs  et  transverses  croissent  d'une 
façon  absolue.  —  La  dolichocéphalie,  plus  accentuée  chez  les  individus 
de  haute  taille,  provient  d'une  augmentation  relativement  plus  grande 
du  diamètre  antéro-postérieur  et  non  d'un  raccourcissement  relatif  du 
diamètre  transverse.  —  Les  faits  ci-dessus  se  vérifient  aussi  bien  dans 
les  séries  féminines  que  dans  les  séries  masculines.  Comme  le  fait 
remarquer  M.  Eug.  Pittard,  les  constatations  exposées  au  cours  de 
son  travail,  contribuent  avec  les  recherches  deiM.  L.  Manouvrier  (L'indice 
céphalique  et  la  pseudo-sociologie,  Rev.  de  l'École  d'Anthropologie, 
Paris,  1899)  à  détruire  cette  théorie  bien  connue  de  l'attirance  des  villes 
pour  les  individus  dolichocéphales  et  de  haute  taille  :  le  développe- 
ment plus  grand  de  la  taille  est  dû  aux  conditions  de  la  vie  urbaine  et 
l'abaissement  de  l'indice  céphalique  est  lié  à  cette  augmentation  de 
taille.  Celte  prétendue  sélection  sociale  s'explique  tout  simplement  par 
Texistence  simultanée  de  deux  caractères  anatomiques. 

R.  A. 

H.  Hubert.  —  Étude  sommaire  de  la  représentation  du  temps  dans  la  religion  et 
la  magie.  Paris,  1905  {École  pratique  des  Hautes-Études.  Section  des  sciences  reli- 
gieuses). 

Comme  la  plupart  des  idées  qui  servent  d'ossature  à  notre  vie  men- 
tale, et  que  nous  employons  inconsciemment,  sans  en  chercher  la 
cause  formatrice,  principes  d'identité  ou  de  causalité,  notion  d'espace, 
etc.,  la  notion  du  temps,  d'après  un  examen  superficiel,  semble  d'une 
telle  clarté  et  d'une  telle  commodité  qu'on  serait  difficilement  amené  à 
croire  —  à  moins  d'être  psychologue  —  qu'elle  puisse  servir  de  thème 
à  des  discussions.  Il  ne  faut  cependant  pas  être  allé  loin  en  philosophie 
pour  s'apercevoir,  même  sans  approcher  de  la  métaphysique,  combien 
cette  apparente  simplicité  est  trompeuse  et  combien  la  question  du 
temps  soulève  de  difficultés,  aussi  bien  au  sujet  du  contenu  et  de  l'es- 
sence de  cette  notion  qu'au  point  de  vue  de  son  origine. 

Dans  un  subtil  et  captivant  mémoire,  M.  Hubert  s'est  trouvé  ramené 
à  ces  hauts  problèmes,  à  la  suite  d'un  parcours  où  il  a  récolté  des  obser- 
vations pleines  de  portée  sur  l'historique  de  la  pensée  humaine.  On  sait 
que  les  rites  des  diverses  religions  et  les  événements  mythiques  se 
passent  dans  l'espace  et  dans  le  temps;  or,  tandis  que  la  notion  nor- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  617 

maie  du  temps  et  de  l'espace  est  celle  d'un  émiettement,  d'une  succes- 
sion de  finis  au  long  d'une  ligne  indéfinie,  le  caractère  du  sacré  est  au 
contraire  l'infinité,  l'immutabilité,  l'indivisibilité  absolues.  Puisque 
nous  voyons  cependant  que  les  choses  sacrées  se  réalisent  couramment 
dans  le  temps,  par  quels  moyens  est-on  arrivé  à  résoudre  cette  anti- 
nomie? La  notion  normale  du  temps  et  la  notion  du  sacré  ne  se  prê- 
taient pas  à  un  tel  résultat  :  il  a  fallu  sans  nul  doute  imaginer  une 
notion  du  temps  à  l'usage  des  choses  sacrées,  une  notion  religieuse  du 
temps? 

Les  moyens  employés  pour  résoudre  l'antinomie  du  sacré  indivis  et 
du  temps  divisible  se  répartissent  en  deux  groupes  :  1°  On  fait  entrer 
de  force  les  mythes  dans  la  chronologie.  Pour  cela  le  procédé  le  plus 
simple  est  de  les  situer  dans  le  lointain  du  temps,  soit  au  début,  soit 
à  la  fin  des  mondes;  d'où  la  fréquence  des  mythes  qui  rendent  compte 
de  la  fin  ou  de  l'origine  des  choses  :  ce  n'est  pas  en  effet  que  leur  fonc- 
tion essentielle  soit  de  fournir  de  telles  explications,  mais  ils  revêtent 
cette  forme  à  cause  de  la  position  qu'ils  prennent  dans  le  temps.  Le 
même  but  peut  être  atteint  d'une  façon  diff'érente,  par  ce  que  M.  Hubert 
appelle  le  rajeunissement  :  on  mêle  pour  ainsi  dire  le  fait  mythique  au 
courant  des  faits  ordinaires,  de  telle  sorte  qu'il  apparaisse  sous  la  figure, 
sous  le  masque  parfois,  d'un  fait  historique  plus  ou  moins  récent,  et, 
précisé  ainsi,  entre  naturellement  dans  la  série  des  choses  datées. 

2^  Les  faits  sacrés  ne  sont  pas  rangés  arbitrairement  dans  la  série 
chronologique,  placés  avant,  après  ou  à  côté  d'autres  faits  :  on  imagine 
à  leur  usage  un  temps  milieu  idéal  où  on  les  situe,  temps  à  peu  près 
abstrait,  presque  entièrement  dégagé  des  choses  qui  durent.  Ce  temps 
sacré  n'est  pas,  comme  le  temps  normal,  mesurable  sur  le  calendrier  : 
il  n'emploie  cet  appareil  de  notation  que  comme  un  moyen  de  repérer 
et  de  marquer  son  rhythme.  L'existence  d'un  rhythme  spécifique,  impli- 
quant des  périodes  semblables,  à  renouvellement  indéfini,  est  en  effet 
la  caractéristique  de  cette  conception.  C'est  par  la  périodicité  que  les 
éternités  mythiques  peuvent  concilier  leur  caractère  transcendental 
avec  la  notion  du  temps. 

S'expliquent  dès  lors  les  particularités  de  la  notion  sacrée  du  temps, 
religieuse  ou  magique  et  en  quoi  elle  diffère  de  la  notion  commune. 
Ainsi,  dans  le  domaine  sacré,  les  parties  successives  du  temps  ne 
sont  pas  homogènes;  on  tient  seulement  pour  telles  et  pour  équiva- 
lentes certaines  parties  considérées  comme  semblables,  non  à  cause 
de  leur  grandeur,  mais  de  leur  place  et  de  leurs  propriétés  :  la  notion 
du  temps  n'est  pas  ici  celle  d'une  quantité  pure.  Voici,  trop  sommaire- 
ment, quelques-uns  des  faits  d'observation  qui  soutiennent  cette  thèse  : 
les  dates  critiques  interrompent  la  continuité  du  temps,  dans  l'ordre 
naturel  elles  introduisent  arbitrairement  des  coupures  rhythmiques,  une 
périodicité,  qui  ne  lui  appartiennent  pas  (à  Sparte,  de  9  en  9  ans,  sou- 


618  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

mission  des  rois  à  une  ordalie)  ;  —  les  intervalles  compris  entre  deux 
dates  critiques  associées,  sont,  chacun  pour  soi,  continus  et  insécables 
(rites  d'entrée  et  de  sortie  dont  ces  périodes  sont  Tobjet,  interdiction 
d'entamer  la  guerre  ou  de  j^raves  entreprises  au  cours  de  l'une  d'elles, 
constante  indication  du  caractère  spasmodique  du  temps  rituel);  —  les 
dates  critiques  sont  équivalentes  aux  intervalles  qu'elles  limitent  (un 
rite  accompli  au  début  d'une  période  vaut  pour  toute  sa  longueur,  un 
phénomène  observé  à  cette  heure  décisive  est  significatif  pour  la  durée 
qu'elle  inaugure);  —  les  parties  semblables  (même  position  sur  le 
calendrier)  et  les  durées  de  grandeurs  différentes  prises  tour  à  tour, 
comme  unités  de  temps  (année,  cycle,  mois,  semaine)  sont  équivalentes 
(retour  périodique  de  mêmes  événements,  malédictions,  charmes,  déli- 
vrances, mêmes  fêtes  aux  mêmes  dates)  ;  —  des  durées,  quantitative- 
ment inégales,  sont  égalisées  et  inversement  (années  de  vie  magique 
valant  une  heure  de  vie  humaine). 

Le  temps  sacré  n'est  donc  pas  un  pur  concept,  un  lieu  géométrique; 
c'est  une  chose  en  soi,  avec  des  qualités  actives,  une  forme  efficace 
comme  celle  d'un  acte  magique,  objectivement  distincte  des  phéno- 
mènes successifs  et  durables,  et,  dans  ses  parties,  capable  d'une  action 
sur  eux.  L'aptitude  à  recevoir  des  qualités  est  la  marque  essentielle  du 
temps  sacré.  Cette  nature  fait  que  ses  parties  ne  sont  pas  indifférentes 
aux  choses  qui  peuvent  se  passer  en  elles  :  elles  les  attirent  ou  les 
excluent  et  de  ces  rapports  naissent  une  infinité  de  pratiques  (tabous 
du  temps,  etc.). 

Depuis  quelques  années,  surtout  à  la  suite  des  analyses  de  M.  Bergson, 
la  philosophie  contemporaine  tend  h  admettre  que  la  notion  ordinaire 
que  nous  avons  du  temps  n'est  pas,  elle  non  plus,  exempte  de  qualités; 
son  principe  générateur  dans  la  conscience  est  la  constatation  de  ten- 
sions actives  différentes  de  grandeur;  le  temps  devient  ainsi  une  sorte 
d'échelle  de  ces  images.  De  même,  les  éléments  qualitatifs  de  la  repré- 
sentation du  temps  sacré  sont  des  images  associées,  images  de  faits 
concomitants,  dont  l'association  est  retenue  en  vue  d'actes  possibles. 
Il  y  a  là  une  sorte  de  concordance  qui  peut  mener  à  chercher  les  rap- 
ports d'origine  des  deux  notions  du  temps. 

iM.  Hubert  recherche  d'abord  si  Tinstitution  des  calendriers  est  d'ori- 
gine expérimentale  ou  conventionnelle.  La  concordance  des  phénomènes 
calendaires  avec  des  phénomènes  naturels,  saisonniers  ou  astronomiques, 
a  été  invoquée  en  faveur  de  l'origine  expérimentale;  on  a  même  voulu 
que  la  division  du  temps  en  semaines  ait  cette  même  origine,  les  nombres 
qui  servent  de  base  à  ces  périodes  courtes  étant  contenus  un  certain 
nombre  de  fois  dans  des  périodes  plus  grandes  à  durée  définie  naturel- 
lement. En  fait,  le  plus  souvent,  le  chiffre  de  base  de  l'élément  primor- 
dial du  calendrier  correspond  à  la  base  d'un  système  de  numération 
préétabli,  et  c'est  secondairement  que  le  cycle  annuel,  par  à  peu  près, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  619 

a  été  accordé  avec  les  phénomènes  astronomiques.  Cette  base  numé- 
rique même  a  une  origine  mystique,  ces  nombres  ne  semblant  pas  chez 
les  primitifs  des  comptes  fortuits  d'objets  totalisés,  mais  des  synthèses 
subjectives.  Ainsi  le  rythme  du  temps  sacré  n'a  pas  nécessairement 
pour  modèles  les  périodicités  naturelles  constatées  par  l'expérience; 
les  sociétés  avaient  en  elles-mêmes  le  besoin  et  le  moyen  de  l'instituer. 

On  observe  que  la  qualification  des  jours  sacrés  et  leur  choix  sont 
également  arbitraires.  De  plus,  si  Ton  fait  abstraction  des  mille  asso- 
ciations spéciales  attachées  aux  dates  et  aux  périodes  de  façon  à  réduire 
les  différentes  parties  du  temps  aux  qualités  qu'elles  peuvent  possé- 
der en  commun,  — on  s'aperçoit  que,  derrière  la  diversité  des  qualités 
distinctives,  c'est  l'idée  de  pouvoir  sacré,  magique  ou  religieux,  qui 
demeure  en  dernière  analyse.  Cette  présence  du  sacré  à  la  racine  de 
la  notion  du  temps  religieux  montre  que  cette  notion  a  dû,  en  magie 
ou  en  religion,  se  développer  à  la  faveur  de  conditions  émotionnelles 
et  logiques,  bien  différentes  de  celles  où  elle  semble  devoir  apparaître 
normalement  chez  les  individus.  Ces  conditions  ne  peuvent  guère  se 
trouver  réalisées  qu'en  des  états  d'agitation  collective,  d'émotions  mul- 
tipliées de  toute  une  société,  états  qui  semblent  nécessaires  à  la  forma- 
tion du  sacré,  émotions  primitives,  exceptionnelles,  momentanées,  qui 
laissant  derrière  elles  un  résidu  de  croyance,  continuent,  alors  même 
qu'elles  ne  sont  plus,  à  conditionner  la  pensée  par  la  force  logique  des 
catégories  et  des  concepts. 

Le  travail  de  M.  Hubert,  plein  de  raisonnements  d'une  extrême 
finesse,  constitue,  à  notre  sens  et,  selon  la  volonté  de  l'auteur,  une 
excellente  introduction  à  l'étude  des  anomalies  que  présente  le  décompte 
du  temps  dans  la  religion.  En  même  temps,  par  la  hauteur  des  ques- 
tions où  il  s'élève,  il  apporte  une  contribution  indirecte,  mais  pré- 
cieuse, à  la  philosophie  générale. 

Jean  Lafitte. 


A.  Meillet.  Quelques  hypothèses  sur  des   interdictions  de  vocabulaire   dans  les 
langues  indo-européennes.  Paris  [1906],  s.  1.  n.  d.  In-8,  19  p. 

L'observation  montre  que  certains  mots,  régulièrement  formés  et 
appartenant  au  vieux  fonds  de  la  langue,  sont  évités  aujourd'hui  par 
suite  de  quelque  scrupule  :  ainsi  le  féminin  de  gars  en  français,  qui  est 
devenu  grossier,  le  nom  de  TKtre  suprême  dans  les  jurons  parbleu^ 
morbleu,  etc.  Ce  sont  là  des  phénomènes  de  tabou.  Chez  les  primitifs, 
ces  phénomènes  sont  bien  plus  fréquents  encore;  on  évite  les  mots 
où  entre  le  nom  d'un  grand  chef  mort,  ceux  qui  désignent  certains 
animaux  ou  même  certaines  parties  du  corps  de  ces  animaux  pendant 
la  saison  de  la  chasse.  L'existence  de  ces  tabous  du  langage  peut  expli- 
quer pourquoi  les  noms  de  plusieurs  animaux,  certainement  connus  des 


G20  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Indo-Kuropéens  à  l'état  indivis,  ne  se  rencontrent  plus  dans  quelques 
langues  de  la  famille  et  y  sont  remplacés  par  des  épithètes  ou  des  péri- 
phrases. M.  Meillet  a  cité  des  exemples  qui  sont  très  instructifs  à  cet 
éi^ard.  Le  nom  de  l'ours  se  trouve  en  sanscrit  {riksah),  en  grec  {arktos)^ 
en  latin  [ur&us),  en  celtique  [art)y  en  arménien  [arj)\  mais  en  vieux- 
slave  l'ours  s'appelle  «  mangeur  de  miel  »  ou  «  grognon»,  en  lithuanien 
«  le  lécheur  »  {lokis),  en  vieil-haut-allemand  «  le  brun  ».  Ces  dénomi- 
nations rappellent  celles  qu'on  rencontre  chez  les  Esthoniens,  les  Fin- 
landais, les  Lapons,  qui  désignent  l'ours  par  des  périphrases  :  «  la  gloire 
de  la  forêt  »,  «  le  vieux  »,  «  la  superbe  patte  de  miel  »,  «  le  poilu  », 
«  le  pied  large  »,  etc.  Même  dans  les  langues  celtiques,  où  le  nom  de 
l'ours  n'a  pas  disparu,  on  trouve  le  gallois  Melfockyn  signifiant  «  porc 
à  miel  ».  Les  Macédoniens  appelaient  l'ours  kynoûpes,  ce  qui  paraît 
signifier  «  animal  sauvage  ».  Dans  le  groupe  des  langues  finno-ou- 
griennes,  alors  que  l'ours  est  connu  sur  tout  le  domaine  de  ces  langues, 
il  n'y  a  pas  un  mot  commun  pour  le  désigner,  mais  seulement  des  péri- 
phrases. Ce  qui  est  vrai  de  l'ours.  Test  du  serpent,  dont  le  nom  (san- 
scrit ahi),  se  retrouve  en  zend,  en  arménien,  en  grec  {ekhis),  en  slave  et 
en  latin,  mais  est  souvent  remplacé,  dans  ces  langues  mêmes,  par  des 
périphrases  répondant  à  la  signification  de  «  rampant  »  (seryens,  grec 
herpeton),  de  «  marchant  sur  le  ventre  »  (sanscrit  et  vieux-slave;  cf. 
Genèse^  i,  3,  14),  de  «  vert  »  (lithuanien).  La  souris  s'appelle  mus  en  grec, 
en  latin,  en  sanscrit,  en  persan,  en  vieux-slave,  en  vieil-haut-allemand  ; 
en  baltique,  la  souris  s'appelle  «  la  grise  »  et,  aujourd'hui  encore, 
les  Suédois  la  qualifient  de  «  petite  grise  ». 

Dans  une  île  malaise,  il  est  interdit  de  parler  des  yeux  pendant  la 
saison  de  la  chasse.  M.  Meillet  suppose  qu'un  tabou  de  ce  genre  explique 
pourquoi  l'irlandais,  au  lieu  d'employer  le  nom  indo-européen  de  l'œil, 
se  sert  à  cet  effet  du  mot  qui  désigne  le  soleil,  «  l'œil  qui  voit  tout  ». 
La  forme  germanique  augo  est  trop  voisine  de  la  forme  indo-européenne 
pour  en  être  séparée,  mais  elle  ne  peut  y  être  ramenée  phonétique- 
ment; peut-être  a-t-on  recouru  à  une  forme  voisine  de  l'ancien  nom 
parce  que  le  nom  même  aurait  été  taboue.  Nous  avions  déjà  l'analogie 
comme  élément  perturbateur  de  la  phonétique:  voici  venir  le  tabou. 
Peut-être  faudrait-il  ajouter  le  totem.  Car  il  me  semble  bien  probable, 
en  ce  qui  concerne  les  noms  d'animaux  paraphrasés,  que  le  totémisme 
y  est  pour  quelque  chose.  Le  précepte  du  Décalogue  {Exode,  xx,  7)  : 
«  Tu  ne  prendras  point  le  nom  de  TÉternel  ton  Dieu  en  vain  »,  n'est 
pas  de  l'invention  d'un  législateur,  mais  la  simple  formule  d'un  tabou 

imposé  par  les  croyances  totémistes. 

Salomon  Reinach. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE 


Une   nouvelle    chaire    d'Anthropolog^ie  préhistorique. 

Ce  n'est  malheureusement  pas  en  France  que  cette  chaire  vient  d'être  créée. 
C'est  en  Suisse.  M.  l'abbé  Breuil,  dont  l'éloge  n'est  plus  à  faire,  surtout  dans 
cette  Revue,  a  été  nommé  professeur  agrégé  de  préhistoire  et  d'ethnographie  à 
la  Faculté  des  Sciences  de  l'Université  de  Fribourg,  faculté  qui  a  pour  doyen  un 
autre  de  nos  jeunes  et  très  distingués  compatriotes,  M.  Jean  Brunhes,  géographe. 

M.  Breuil  avait  pris  pour  sujet  de  thèse  :  Stylisation  et  dégénérescence  dans 
Vart  quaternaire.  J'avais  été  prié  de  faire  sur  ce  travail  un  rapport  dont  les 
conclusions,  tout  à  fait  honorables  pour  l'auteur  ont  été  ratifiées  parle  Conseil 
de  la  Faculté. 

M.  Breuil  entrera  en  fonctions  au  début  du  semestre  d'hiver  prochain.  Il  fera 
son  cours  sur  l'âge  de  la  pierre  taillée  et  sur  les  origines  de  l'art  d'après  les 
études  ethnographiques.  M.  B. 

Cours  de  palethnolog:ie  à  Bruxelles. 

L'exemple  du  Louvre  a  été  suivi  en  Belgique  dans  les  Musées  royaux  du  Cin- 
quantenaire. Depuis  plusieurs  années  des  cours  faits  par  les  conservateurs  ont 
beaucoup  de  succès.  Ils  se  composent  de  vingt  leçons  chacun  et  ont  lieu  le 
jeudi  et  le  dimanche.  Cette  année  M.  le  baron  Alfred  de  Loë  continuera  l'étude 
des  âges  de  la  pierre  et  du  métal  et  des  antiquités  belgo-romaines  et  franques. 
Les  auditeurs  seront  conviés  à  des  excursions  et  à  des  fouilles.  Le  prix  des  ins- 
criptions est  de  20  fr.  Les  professeurs  peuvent  en  limiter  le  nombre  à  raison  de 
la  nature  spéciale  des  leçons  qui  seront  données  directement  sur  les  objets 
faisant  partie  des  collections  des  Musées. 

E.  C. 

L'Archéolog:ie  à    l'Université    de    Pensylvanie. 

Le  dernier  fascicule  de  la  publication  que  l'Université  de  Pensylvanie  consa- 
cre à  l'archéologie  {Transact.  of  the  départ,  of  Archœology  Free  Muséum  of 
Science  and  Art)  témoigne  d'une  grande  activité,  aussi  bien  sur  le  terrain  que 
dans  les  laboratoires.  Il  faut  signaler,  comme  particulièrement  intéressants  ou 
rentrant  plus  spécialement  dans  le  domaine  de  nos  études  :  un  mémoire,  riche- 
ment illustré  de  M.  G.  Byron  Gordon  sur  Le  motif  du  serpent  dans  l'art  ancien 
de  r Amérique  centrale  et  du  Mexique  ;  un  rapport  des  plus  substantiels  sur  les 
fouilles  pratiquées  à  Gournia  (Crète),  en  1904  et  un  arlicle  sur  les  plus 
anciennes  poteries  peintes  de  cette  localité;  ces  derniers  travaux  sont  signés  de 
deux  noms  féminins  :  Harriet  A.  Boyd  et  Edit  H.  Hall.  Un  autre  rapport  sur 
les  fouilles  à  Vasiliki  par  M.  Scager.  M.  B. 


622  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Cours  de  TEcole  (l'Anthropolo[fie. 

Les  cours  de  l'Ecole  d'Anthropologie,  qui  entre  dans  sa  31^  année  d'existence, 
ouvriront  le  lundi  5  novembre,  15,  rue  de  l'École-de-Médccine;  en  voici  la 
liste  : 

Anthropologie  préhistorique  (L.  C-vpitan).  —  Les  bases  de  la  Préhistoire  (suite). 
In(lu<;trie,  Arts.  Le  samedi,  à  4  heures. 

Ethnologie  (Georges  Hehvé).  —  !«>  Le  problème  nègre  aux  États-Unis  (fin).  Histoire 
(le  r Etlinolofji'j  {état  et  progrès  de  la  science  au  xviii«  siècle).  Le  mardi,  à  5  heures. 

Anthropologie  zoologique  (G.  P.  Mauoudeau).  —  Origine  de  l'Homme.  Nos  voisins  zoo- 
lo(//'/ues  :  les  Svnieus  et  les  Anthropoïdes.  Le  mercredi,  à  5  heures. 

Anthropologie  physiologique  (L.  MANouvBitR). —  Physiologie  psychologique  (suite). 
Le  veudredi,  à  5  heures. 

Technologie  ethnographique  (Adrien  de  Mortillîst).  —  Étude  comparée  des  indus- 
tries primitives  anciennes  et  modernes.  —  Les  Armes,  leur  classification  et  leur 
évolution.  Le  mercredi,  à  4  heures. 

Sociologie  (G.  Papillault).  —  Les  Associations  chez  les  peuples  primitifs  [Associa' 
lions  spontanées,  volontaires,  secrètes,  religieuses,  etc.)  (suite).  Le  mardi,  à  4  h. 

Géographie  anthropologique  (K.  Schrader).  —  L'impulsion  du  milieu  cosmique  et  L'évo- 
lution de  la  pensée  cosmologique.  Le  vendredi,  à  4  heures. 

Ethnographie  (S.  Zaborowski).  —  L'Europe  :  origines  des  nations,  langues,  mœurs. 
Le  pourtour  de  la  Méditerranée  :  Préaryens,  Eurafricains  (suite).  Le  samedi, 
à  5  heures. 

Ethnographie  générale  (J.  Huguet.  professeur-adjoint).  —Religions  et  superstitions 
dans  l'Ethiopie,  la  côte  orientale  d'Afrique  et  la  région  des  Lacs.  Le  lundi,  à 
5  heures  (de  mars  à  jauvier). 

Anthropologie  anatomique  (E.  Rabaud),  professeur-adjoint).  —  Bases  analomiques 
des  théories  relatives  à  la  criminalité  (suite).  Le  lundi,  à  5  heures  (de  novembre  à 
janvier). 

Paléontologie  humaine  (Cours  complémentaire)  (R.  Verneau).  —  Les  races  quater- 
naires de  l'Europe  (suite).  —  La  race  négroïde  de  Grimaldi  et  la  race  de  Cro- 
Magnon.  Le  lundi,  à  o  heures  (de  novembre  à  janvier). 

En  dehors  des  cours,  des  conférences  seront  faites  par  MM.  Anthony,  Dussaud 
et  Marie.  M.  Amhony  parlera  de  La  morphologie  du  cerveau  chez  l'homme  et  chez 
Zes  singes  (les  lundis  25  février,  4,  11,  18  et  25  mars  1907,  à  4  heures).  —  M.  Dus- 
saud traitera  de  La  civilisation  mycénienne  à  Rhodes  et  à  Chypre  (les  lundis  21, 
28  janvier,  4,  11,  et  18  février  1907,  à  4  heures).  M.  A.  Marie  s'occupera  de 
Psychopathologie  comparée,  en  particulier  des  psychoses  anciennes  et  modernes  dans 
leurs  rapports  avec  l'évolution  mentale  normale  (les  mardis  16,  23,  30  et  les 

samedis  19  et  26  mars  1907,  à  3  heures). 

R.  V. 

Le  salon  noir  préhistorique  de  l'Arièg^e. 

L'année  est  féconde  pour  l'archéologie  préhistorique!  Le  24  septembre 
M.  Cartailhac  était  averti  par  une  dépêche  de  M.  le  D''  Garrigou,  alors  à  Taras- 
con,  Ariège,  que  son  voisin  de  campagne.  M.  le  commandant  Molard,  visitant 
avec  ses  fils  les  grottes  de  la  région  et  levant  le  plan  des  plus  vastes,  avait 
aperçu  quelques  dessins  au  fond  d'une  galerie.  Le  27,  il  arrivait  et  visitait  sous 
leur   conduite   la   grande   grotte    de   Niaux   qui  s'ouvre   près  des  forges  de 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  623 

M.  Blazy,  à  100  mètres  au-dessus  de  la  rivière  de  Vie  de  Sos.  Elle  est  bien 
connue  dans  le  pays,  souvent  visitée.  Elle  a  au  moins  1.400  mètres  d'étendue. 
Sa  galerie,  en  zig-za^s,  a  des  montées  et  des  descentes  qui  se  compensent, 
tantôt  étroite,  tantôt  large  et  haute.  Partout  elle  a  des  gours,  partout  des  traces 
d'inondation.  Cette  année  elle  est  très  sèche,  sauf  dans  les  régions  lointaines 
où  sont  des  cascades  et  des  lacs.  Arrivé  à  611  mètres  on  trouve  à  droite  une 
galerie  très  ample  qui  va  montant  et  dans  laquelle  ont  coulé  des  masses  énormes 
de  sable.  On  la  suit  161  mètres,  on  arrive  dans  une  superbe  rotonde. 

C'est  là,  par  conséquent  à  112  mètres  de  l'entrée,  fort  étroite  d'ailleurs,  et 
du  jour,  que  d'un  côté,  sur  plus  de  20  mètres  de  longueur,  la  muraille  est  cou- 
verte de  dessins  d'animaux,  au  trait  noir.  M.  Cartaiihac  put  rassurer 
MM.  Molard  sur  l'ancienneté  de  ces  images  dont  il  découvrit  de  nouvelles  séries. 
Si  quelques-unes  sont  aussi  fraîches  que  les  signatures  des  touristes  malheu- 
reusement voisines,  elles  ont  aussi,  par  place,  des  voiles  de  stalagmite,  des  con- 
crétions calcaires  assez  épaisses  pour  nous  garantir  contre  toute  supercherie. 
De  plus  ce  sont  nos  animaux  ordinaires,  plus  de  30  Bisons,  8  ou  9  Chevaux, 
3  Bouquetins,  2  Cervidés;  enfin  on  reconnaît  le  style  inimitable  de  notre 
art  quaternaire,  et  plusieurs  de  ces  œuvres  sont  certainement  les  meilleures  que 
M.  Cartaiihac  ait  encore  vues. 

Il  y  en  a  de  petites,  un  Bouquetin  au  galop,  les  jambes  fléchies  et  les  sabots 
en  arrière,  admirable  d'allure,  qui  a  0™,25  de  long.  Beaucoup  ont  environ 
1  mètre  et  quelques-unes  atteignent  1°^,50. 

Les  figures  couvrent  plusieurs  conques  larges  qui  se  suivent.  Elles  s'étalent 
aussi  haut  que  la  main  peut  atteindre  et,  dans  le  désordre  habituel,  descendent 
jusqu'au  sol,  qui  n'a  donc  pas  changé,  et  sur  lequel  M.  Molard  a  ramassé  quel- 
ques silex,  un  petit  grattoir,  un  morceau  d'ocre  jaune  et  un  charbon  d'os.  A 
certains  endroits  le  rocher  se  creuse  et  forme  voûte  très  basse,  les  dessins  n'y 
manquent  pas  ;  l'artiste  a  dû,  comme  à  Altamira,  s'allonger  sur  le  dos  pour 
exécuter  son  croquis.  Sur  un  point  il  faut  ramper  absolument,  on  entre  dans 
une  anfractuosité  qui  se  termine  en  cul  de  sac  ;  des  Bisons  sont  encore  là!  Et 
çà  et  là,  dans  ces  régions  et  ailleurs,  des  traces  de  dessins  semblables  et  très 
effacés  se  retrouvent. 

Nous  avons  dit  que  tous  ces  dessins  sont  en  noir,  comme  au  fusain,  mais 
peut-être  au  pinceau,  c'est  à  étudier,  et  il  y  a  par  places  des  hachures  habiles. 
Les  détails  importants  sont  toujours  très  soignés. 

M.  Cartaiihac  observa  que  sept  Bisons  avaient  des  flèches  inscrites  sur  le 
ventre,  la  pointe  barbelée  en  haut,  1,  2,  3  ou  4.  Une  d'elle  est  barbelée  en  haut 
et  en  bas;  deux  fois  il  y  a  mélange  de  flèches  rouges  et  de  flèches  noires,  au 
milieu  les  noires  ayant  env.  0"',20,  et  de  chaque  côté  les  rouges  bien  plus 
courtes.  M.  Cartaiihac  pense  que  la  présence  de  ces  flèches,  sept  fois,  est  une 
démonstration  ferme  de  la  réalité  de  l'envoûtement  ou  de  quelque  autre 
opération  magique  analogue  comme  il  fut  d'abord  dit  par  MM.  Reinach  et  Hamy 
à  propos  de  toutes  ces  peintures  et  gravures. 

M.  Cartaiihac  ayant  vu  ces  signes  se  mit,  avec  MM.  Molard,  à  les  rechercher 
ailleurs  et  ils  ne  tardèrent  pas  à  les  rencontrer  au  bas  de  la  galerie,  à  droite  et 
à  gauche.  C'étaient  surtout  des  pointillés  comme  à  Marsoulas.  Sur  le  rocher 
d'angle  de  la  grande  galerie  et  de  la  galerie  de  la  rotonde,  il  y  a  deux  pan- 
neaux d'inscriptions.  La  disposition  des  signes  rouges  et  noirs,  points  et  traits, 


624  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

alignements  de  points  et  de  traits,  cercles,  signes  divers  parmi  lesquels  peut- 
être,  en  très  petit,  le  naviforme  d'Altamira,  paraît  justifier  l'emploi  du  mot  ins- 
cription. 

L'exploration  continuera  avec  la  collaboration  de  M.  Breuil.  Des  fouilles 
seront  entreprises.  En  attendant  M.  Cartailhac  a  prié  M.  le  commandant 
Molard  et  M,  le  D'  Garrigou  de  l'aider  à  afTermcr  la  caverne,  propriété  doma- 
niale dont  Niaux  a  l'usufruit.  Il  faudra  surtout  que  les  visiteurs  soient  sur- 
veillés; les  dessins  sont  en  partie  très  fragiles  et  déjà  l'un  d'eux  vient  d'être 
très  abîmé  par  un  curieux  ignorant. 

E.  G. 


Les  mains  inscrites  de  roujre  ou  de  noir  de  Garg^as. 

La  grotte  de  Gargas,  commune  d'Aventignan  (Hautes-Pyrénées),  est  bien 
connue  par  les  découvertes  d'animaux  quaternaires  dues  à  M.  Félix  Regnault, 
de  Toulouse,  et  qui  ont  enrichi  la  galerie  de  paléontologie  du  Muséum  (1). 

M.  F.  Regnault  y  revenait  plus  tard  et  mettait  à  découvert  un  foyer  situé  près 
de  l'entrée  qu'il  signalait  à  une  réunion  de  l'A.  F.  A.  S.  et  que  MM.  Cartailhac 
et  Breuil  considèrent  comme  l'un  des  plus  anciens  des  Pyrénées.  Ils  sont  dis- 
posés à  le  ranger  dans  ce  qu'ils  appellent  le  Présolutréen. 

M.  F.  Kegnault  tout  récemment  a  fait  dans  la  même  caverne  une  curieuse 
constatation  :  sur  une  stalagmite  de  couleur  claire,  un  groupe  de  mains  rouges. 
Il  a  communiqué  le  fait  au  mois  de  juillet  à  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris. 

MM  Cartailhac  et  Breuil  l'ont  étudié  aussitôt.  Il  a  été  reconnu  au  premier 
coup  d'œil  que  ce  groupe  de  mains  n'était  pas  isolé.  Il  y  en  a  un  peu  partout 
sur  les  plis  et  les  replis  des  stalagmites  et  sur  les  murailles  de  la  grande  salle. 
Elles  commencent  à  gauche  de  l'entrée.  On  en  compte  plus  de  80  distribuées  au 
hasard  par  petits  groupes.  Mais  elles  ne  sont  pas  uniquement  rouges,  il  y  en  a 
de  noires  et  le  rapprochement  des  unes  et  des  autres  semble  intentionnel. 

D'autre  part  ce  sont  en  réalité  des  mains  sur  fond  rouge  et  sur  fond  noir. 

La  technique  est  singulière.  On  a  posé  la  main  sur  le  rocher,  les  doigts 
écartés,  et  on  a  passé  tout  autour  de  la  couleur  ;  la  main  enlevée,  sa  silhouette 
se  détache  en  clair.  C'est  le  procédé  dit  «  au  patron  »  ou  «  en  épargne  ». 

Or  il  y  a  identité  à  cet  égard  et  au  point  de  vue  de  l'aspect,  entre  les  mains 
de  Gargas  et  celles  que  les  voyageurs  retrouvent  en  Australie,  dans  les  mêmes 
conditions,  c'est-à-dire  sur  les  rochers  et  les  cavernes. 

MM.  Cartailhac,  et  Breuil  ont  pu  dire  que  les  planches  éditées  pour  l'Australie 
donnent  une  idée  parfaite  de  ce  qu'on  voit  à  Gargas,  sauf  qu'ici  les  mains  ne 
sont  jamais  alignées  et  que  la  couleur  blanche  n'a  pas  été  employée.  De  plus 
ici  il  n'y  a  que  des  mains,  tandis  qu'en  Australie  interviennent  les  boomerangs 
et  autres  objets. 

L'étude  qu'ils  ont  pu  faire  des  mains  de  Gargas  a  donné  lieu  à  d'intéressantes 
observations.  Ils  avaient  déjà  trouvé  la  main  rouge  à  Altamira  et  ils  proposent 

(1)  Voir  A.  Gaudry  et  M.  Boule,  Matériaux  pour  Vliistoii^e  des  temps  rjuaternaires, 
fascicule  IV. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  625 

de  considérer  comme  des  mains  très  stylisées  quelques-uns  des  signes  linéaires 
qui  jouent  évidemment  un  grand  rôle  dans  les  décors  de  toutes  les  cavernes 
peintes. 

Un  mois  plus  tard,  sur  les  indications  de  M.  Alcalde  de  Rio,  qui  a  découvert  en 
Espagne  comme  V Anthropologie  Ta  fait  connaître,  quatre  nouvelles  cavernes 
ornées  de  gravures  et  de  peintures,  M.  l'abbé  Breuil  sur  ses  indications,  notait 
dans  l'une  d'elles  quantité  de  mains  faites  à  la  manière  de  celles  de  Gargas. 

Voilà  donc  un  fait  nouveau  qui  vient  enrichir  l'ethnographie  préhistorique. 
Il  est  bien  difficile  de  ne  pas  admettre  que  le  fait  pyrénéen  dérive  de  la  même 
mentalité  que  celui  de  l'Australie  ou  d'autres  que  l'on  connaît  aussi  en  Amé- 
rique, Californie,  etc.  On  peut  raisonnablement  importer  dans  notre  Europe 
les  explications  exotiques. 

MM.  Cartailhac  et  Breuil  sont  disposés  à  attribuer  ces  peintures  aux  gens  qui 
stationnèrent  dans  la  grotte  et  dont  M.  Regnault  a  retrouvé  le  foyer.  Elles 
seraient  ainsi  très  anciennes,  comme  d'ailleurs  la  plupart  des  peintures  et  gra- 
vures pariétales. 

La  grotte  de  Gargas  est  domaniale,  en  usufruit  à  la  commune  d'Aventignan 
Elle  est  publique  moyennant  une  faible  redevance  au  gai  de-fermier,  Mansas  à 
Jonac. 

E.  C. 


Cavernes  espagnoles  peintes  et  gfravées. 

Nous  extrayons  d'une  lettre  de  notre  savant  collaborateur,  M.  l'abbé  Breuil, 
les  passages  suivants  : 

Je  ne  veux  pas  laisser  attendre  trop  longtemps  aux  lecteurs  de  V Anthropolo- 
gie des  nouvelles  de  mon  voyage  de  cet  été  aux  cavernes  nouvelles  de  la  pro- 
vince de  Santander.  Grâce  à  l'aimable  accueil  et  à  la  conduite  de  MM.  Alcade 
del  Rio  et  du  Père  Sierra,  leurs  inventeurs,  j'ai  pu,  dans  les  meilleures  condi- 
tions possibles,  réaliser  une  exploration  des  plus  fructueuses. 

Je  me  suis  occupé  d'abord  d'Altamira,  où  j'ai  passé  deux  journées,  par- 
tiellement à  revoir  ce  que  je  connaissais  bien  déjà  —  puisque  c'est  le  troisième 
séjour  que  j'y  faisais  —,  partiellement  à  étudier  quelques  gravures  nouvelles 
découvertes  par  M.  Alcade.  J'avoue  qu'il  n'a  pu  me  convertir  à  considérer 
comme  des  dessins  d'oiseaux  certains  assemblages  de  traits  ;  l'un  de  ceux  qui, 
a  première  vue,  lui  aurait  donné  raison,  s'est  trouvé,  après  un  examen  appro- 
fondi, devenir  les  pieds  d'une  de  ces  étranges  figures  anthropomorphes  que 
nous  avions,  M.  Cartailhac  et  moi,  précédemment  signalées  ;  M.  Alcalde  l'a  d'ail- 
leurs reconnu  avec  moi.  Pour  plusieurs  autres  dessins  nouveaux,  j'ai  reconnu 
le  bien  fondé  de  ses  observations. 

J'ai  examiné  sous  sa  conduite  le  gisement,  et  ai  pu  aussi  dessiner  les  princi- 
pales pièces  de  la  remarquable  collection  recueillie  au  cours  de  ses  fouille?  - 
nous  reparlerons  ici-mème  du  mobilier  archéologique  qu'elle  renferme. 

Le  principal  but  de  mon  voyage  était  d'explorer  avec  M.  A.  del  Rio,  en  faisant 
de  nouveaux  relevés  aussi  exacts  que  possible,  les  cavernes  qu'il  avait  récem- 
ment signalées  dans  un  livre  dont  j'ai  ici-même  donné  l'analyse.  Avec  beaucoup 
de  courtoisie  et  de  désintéressement,  M.  A,  del  R.  m'a  secondé  dans  ce  travail, 

l'anthropologie.  —  T.  xvir.  —  1906.  40 


62G  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

me  livrant  ses  propres  relevés,  et  accueillant  volontiers  les  corrections  que  je 
jui;eais  nécessaires  d'y  apporter,  après  étude  des  originaux  sur  rochers.  De  la 
sorte,  j'ai  repris  l'examen  des  cavernes  de  Hornos  de  la  Pena  et  de  Castillo, 
découvertes  par  M.  A.  del  R.,  et  de  celles  de  la  Haza  et  de  Covalanas,  qu'il  avait 
découverte  avec  le  P.  Sierra,  et  y  ai  ajouté  l'exploration  de  la  caverne  de  San 
Isabel,  où,  avec  M.  A.  del  R.  j'ai  constaté  l'existence  de  dessins  grossiers  d'un 
art  tout  différent,  et  de  la  grotte  de  la  Venta  de  la  Perra,  où  le  P.  Sierra  venait 
de  reconnaître  des  dessins  gravés. 

Voici  très  laconiquement,  ce  que  j'ai  relevé  de  plus  important  dans  ces  ca- 
vernes. 

Hornos  de  la  Pefia  (San  Felice  de  Ruelna).  —  Quelques  gravures  très  profondes 
à  l'entrée  de  la  grotte,  dont  le  fond  est  obstrué  de  débris  de  cuisine  à  peine 
entamés  par  un  sondage  très  fructueux  en  silex  bien  retouchés  rappelant  un 
peu  l'Aurignacien.  Dans  les  salles  humides  qui  continuent  cette  grotte,  dessins 
gravés  de  plusieurs  techniques  :  trait  large  et  assez  profond  ;  trait  fin,  mais  se 
multipliant  en  stries  multiples  ;  trait  fin,  et  simple  ;  trait  large,  fait  avec  le  doigt 
sur  argile,  le  plus  souvent  comme  si  on  avait  voulu  prendre  de  l'argile,  parfois 
au  contraire,  figurant  des  animaux  très  grossiers.  Animaux  figurés  :  Chevaux  et 
Bisons  nombreux,  quelques  Capridés,  un  Cerf,  quelques  Bœufs  ;  le  plus  remar- 
quable de  ces  dessins  semblerait  figurer  un  Singe  à  queue,  dressé  et  le  bras 
levé  ;  le  dessin  est  d'une  authenticité  certaine,  et  parfaitement  clair  ddns  ses 
contours  ;  j'ai  l'intention  d'examiner  plus  tard  à  quelles  interprétations  il  peut 
donner  lieu. 

San  Isabel.  —  C'est  au  fond  d'un  corridor  généralement  inondé  que  la  séche- 
resse avait  rendu  abordable,  que  M.  A.  et  moi  avons  remarqué,  sur  le  toit  tapissé 
d'argile,  une  série  de  dessins  faits  anciennement  avec  le  doigt,  et  figurant  des 
Bœufs  et  un  Sanglier  d'un  dessin  vraiment  sauvage.  Je  ne  me  prononce  pas 
sur  la  date  qu'il  convient  d'assigner  à  ces  dessins  ;  je  les  ai  crus  d'abord  rela- 
tivement modernes;  toutefois,  rapprochés  de  plusieurs  de  Hornos,  ils  semblent 
moins  étranges. 

Castillo,  à  Puente  Viesgo.  —  Immense  grotte,  présentant  d'énormes  dépôts 
archéologiques  où  M.  A.  del  Rio  n'a  fait  qu'un  sondage.  J'ai  prié  M.  A.  del  Rio 
de  me  préciser  sur  place  le  point  exact  de  la  découverte  de  la  flèche  de  silex  à 
forme  néolithique  et  des  tessons  de  poterie  qu'il  avait  signalés  comme  recueillis 
avec  des  harpons  à  aspect  magdalénien  ;  sa  réponse  et  ses  indications,  sans 
solutionner  la  question,  me  permettent  de  renforcer  mes  réserves  expresses  : 
les  deux  n[vtidi\ix  néolithique  et  paléolithique  (?)  à  harpons,  sont  à  peine  séparés 
par  une  veinule  argileuse  de  la  même  couleur  que  les  foyers  ;  aussi  y  a-t-il 
possibilité  d'erreur,  ou  même  de  pénétration  d'objet  ;  la  suite  des  fouilles 
éclaircira  probablement  ce  problème.  Quant  aux  œuvres  d'art,  elles  sont  innom- 
brables. En  voici  la  mention  rapide  :  gravures  profondes,  àtrait  simple,  d'Équi- 
dés,  de  Cervidés,  de  Capridés  et  de  Bœufs;  gravures  sériées  passant  aux  graffitis 
de  très  nombreux  Cervidés,  d'Izards,  de  Bouquetins,  de  Bisons.  Peintures  : 
a)  mains  cernées  de  rouge  ;  b]  signes  rouges  figurant  de  nombreuses  variantes 
des  tectiformes,  des  figures  scutiformes,  rhomboédriques,  des  points  groupés 
diversement,  des  disques  alignés  jalonnant  une  grande  galerie,  etc.  ;  c)  dessins, 
linéaires  ou  plus  ou  moins  modelés  en  couleur  noire  ou  rouge,  de  Bisons,  Che- 
vaux, Cervidés,  Capridés  ;cZ)  fresques  polychromes  assez  peu  nombreuses,  plus 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  621 

récentes  que  les  précédentes  qui  sont  elles-mêmes  antérieures  aux  mains.  Le 
plus  important  des  dessins  est  une  image,  dessinée  en  rouge  d'un  Éléphant  que 
la  brièveté  de  ses  défenses,  son  manque  de  toison  et  ses  formes  générales  écar- 
tent des  images  du  Mammouth  livrées  par  les  cavernes  françaises. 

Covalanas.  —  Dans  un  site  sauvage  au-dessus  de  Ramales,  et  tout  au  voisinage 
delà  Biscaïe  ;  fresques  rouges,  peu  modelées,  figurant  des  Biches,  un  Cheval,  un 
Bovidé  ;  le  trait  est  exécuté  par  des  points  juxtaposés  plus  ou  moins  concrescents; 
j'ai  remarqué  à  Castillo,  parmi  les  dessins  linéaires  rouges,  et  en  particulier 
pour  l'Éléphant,  la  même  particularité  du  trait,  formé  de  points   juxtaposés. 

La  Haza.  — Toute  petite  grotte,  qui  n'est  distante  que  de  plusieurs  centaines 
de  mètres  de  la  précédente,  et  contient  des  dessins  du  même  style  mais  fort 
décomposés,  représentant  des  Chevaux  et  probablement  deux  Carnassiers. 

La  Venta  de  La  Ferra.  — En  Biscaye,  et  sur  le  territoire  des  Thermes  de  Moli- 
nar.  Simple  grotte  dont  les  parois  ont  gardé  les  traces  de  nombreux  traits 
profonds  désormais  indéchiffrables,  sauf  plusieurs  Bisons,  et  un  bel  Ours  ù 
front  très  convexe,  qui  semblerait  \espelxus. 

J'ai  l'intention  de  donner  à  V Anthropologie  nne  étude  plus  approfondie  sur  les 
œuvres  d'art  de  ces  six  nouvelles  cavernes,  illustrées  d'un  choix  des  décalques 
et  pastels  que  j'y  ai  pris,  et  de  photographies  exécutées  par  M.  A.  delR, 

S.  A.  S.  le  Prince  de  Monaco  veut  bien  comprendre  les  monographies  des 
nouvelles  grottes  ornées  dans  la  série  de  celles  dont  il  dirige  la  publication,  elles 
seront  publiées  avec  la  collaboration  de  M.  Alcaide  del  Rio  et  du  Père  Sierra. 

H.  Breuil. 

Les  rochers  sculptés  au  dessus  du  col  de  Tende. 

Une  carte  postale  de  M.  G.  Brecknell,  partie  du  Val  Casterino  de  Tende,  nous 
informe  que  notre  confrère  a  fait  cette  année  une  très  heureuse  campagne  dans 
les  hautes  régions  alpines  dont  les  rochers  sont  couverts  d'images  gravées.  Il  a 
pu  trouver  de  telles  inscriptions  en  grand  nombre  et  toujours  de  nouvelles 
figures,  sur  les  rochers  auprès  des  Haghi  hunghi,  avant  d'arriver  à  la  région 
maintenant  célèbre  du  lac  des  Merveilles. 

E.   G. 

l^n  «-isement  solutréen  province  de  IVamur; 

M.  le  baron  Alfred  de  Loë  nous  apprend  qu'au  devant  d'une  caverne  vidée, 
dite  le  trou  de  l'ahime  à  Couvin,  sur  une  terrasse  bien  exposée  il  a  recueilli  plus 
de  200  silex  parmi  lesquels  un  certain  nombre  de  fort  belles  pièces  très  délica- 
tement façonnées  et  rappelant  beaucoup  la  belle  taille  solutréenne. 

E.  C. 

Silex  taillés  d'Eg:ypte,  une  opinion  inexacte. 

Dans  le  Bulletin  de  V institut  Égyptien  du.  6  mars  1905  que  nous  recevons 
tardivement,  il  y  a  quatre  pages  du  D""  Lortet  sur  Momie!^  de  singes  et  nécropole 
du  dieu  Thot,  p.  43-46.  Thot  est  représenté  le  plus  souvent  sous  la  forme  d'un 
singe  cynocéphale,  mais  quelquefois  aussi  sous  celle  d'un  singe  cercopithèque 
à  longue  queue.  Les  momies  de  singes  sont  très  rares  dans  les  musées.  M.  le 


iVM)  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

pelils  galets  de  schiste  vert  auxquels  M.  Carlailhac  suppose  qu'on  avait  attribué 
une  vertu  prophylactique.  M.  Cartailhac,  qui  assistait  à  l'exhumation  des 
Négroïdes  et  M.  le  D^  Verneau  qui  les  dégagea  et  consolida  leurs  ossements, 
savent  que  rien  n'a  été  introduit  dans  cette  sépulture  depuis  que  les  corps  y 
furent  déposés. 

Il  faut  donc  conclure  que  ces  galets  fixés  à  la  voûte  palatine  chez  un  des 
sujets,  et  chez  l'autre,  sur  un  des  côtés  de  la  mâchoire  inférieure,  se  trouvaient 
dans  la  bouche  de  chacun  des  individus  quand  on  les  enterra. 

11  ne  semble  pas  douteux  qu'on  ne  les  y  ait  placés  intentionnellement.  Un  cas 
isolé  pourrait  être  attribué  à  une  cause  fortuite,  mais  sa  répétition  ne  permet 
guère  d'y  voir  un  efîet  du  hasard. 

D'ailleurs  cet  usage  ne  serait  insolite  que  pour  la  période  préhistorique.  Il 
paraît  intéressant  de  pouvoir  faire  remonter  jusqu'à  cette  haute  antiquité  une 
coutume  dont  l'existence  est  bien  constatée,  mais  dont  les  origines  sont  restées 
usqu'ici  ignorées. 

En  1898,  je  fus  chargé  d'opérer  le  triage  par  séries  d'une  grande  quantité 
d'ossements  découverts  dans  un  ossuaire  néolithique  à  Monte-Carlo.  En  faisant 
le  nettoyage  de  ces  débris  osseux,  je  remarquai  que  la  terre  noirâtre  dont 
étaient  bourrées  les  boîtes  crâniennes  renfermait  quelques  petits  galets  plats, 
régulièrement  arrondis,  noirs  ou  blancs  et  ne  dépassant  guère  le  diamètre 
d'une  pièce  de  cinquante  centimes.  Ils  ne  se  trouvaient  que  dans  le  remplissage 
terreux  des  tètes.  Le  sol  de  la  grotte  n'en  contenait  aucun. 

J'ai  noté  cette  observation  dans  la  partie  descriptive  d'une  étude  faite  en  col- 
laboration avec  M.  le  D^  Verneau  et  publiée,  en  1899,  dans  L'Anthropologie.  Le 
passage  cité  de  l'article  de  M.  Debruge  me  la  remet  en  mémoire. 

En  rattachant  le  fait  que  je  viens  d'exposer  à  celui  bien  constaté  de  la  pré  • 
sence  d'un  petit  galet  dans  la  bouche  de  chacun  des  Négroïdes  de  la  grotte  des 
Enfants,  je  me  demande  donc  si  ces  données,  malheureusement  restreintes  à  un 
territoire  de  trop  peu  d'étendue,  ne  fourniraient  pas  matière  à  un  doute  sur 
l'existence  aux  âges  préhistoriques  d'une  pratique  dont  l'usage  a  été  constant 
aux  époques  grecque  et  romaine. 

La  coutume  de  placer  une  obole  dans  la  bouche  ou  dans  la  main  d'un  mort 
(dont  la  mythologie  grecque  a  fait  le  droit  de  péage  prélevé  sur  chaque  défunt 
par  le  nocher  Charon),  procède  vraisemblablement  d'une  croyance  plus  antique 
que  l'explication  qu'on  en  a  donnée  et  que  Charon  lui-même.  Perdue  par 
quelques  peuples,  conservée  chez  quelques  autres  avant  d'être  introduite  dans 
le  rituel  funéraire  officiel,  elle  trahit,  dès  l'origine  de  la  période  historique,  une 
habitude  traditionnelle  depuis  longtemps  acquise. 

Des  morts,  dont  les  tombeaux  découverts  dans  les  montagnes  voisines  de 
Rome  sont  attribués  au  vi«  siècle  avant  notre  ère,  avaient  leur  obole  entre 
les  dents,  et  il  est  probable  que  leurs  ancêtres,  si  on  les  retrouvait,  auraient, 
eux  aussi,  une  pièce  de  monnaie,  ou  ce  qui  en  tenait  lieu. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  fait  observé  sur  les  Négroïdes  de  la  grotte  des  Enfants 
est  certain;  celui  de  l'obole  de  Charon  dans  les  sépultures  grecques  et  romaines 
est  incontestable.  Entre  les  deux  l'intervalle  est  considérable,  mais  déjà  la  sub- 
stitution d'une  monnaie  de  métal  au  galet  coloré  des  âges  reculés  de  l'huma- 
nité inclinerait  à  penser  que  la  croyance  restant  la  même,  la  matière  de  l'obole 
seule  a  changé  et  que  l'usage  des  petits  galets  des  temps  préhistoriques  aurait 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  631 

préludé  de  très  loin  à  l'emploi  des  pièces  d'or,  d'argent  et  de  bronze  de  nos 
temps  modernes.  De  Villeneuve. 

Le  château  de  Kernuz,  collection  du  Ghatellier. 

M.  Paul  du  Ghatellier  a  réuni  dans  son  château  de  Kernuz,  près  Pont-l'Abbé, 
d'admirables  collections  ,  célèbres  dans  l'Europe  entière.  Tous  les  savants»  tous 
les  amateurs  accueillis  avec  la  plus  aimable  courtoisie  ont  trouvé  là  un  musée 
préhistorique  vraiment  incomparable.  Pour  le  former  il  fallait  une  terre  mer- 
veilleusement riche  et  un  archéologue  passionné,  fortuné  aussi,  animé  d'un 
esprit  très  scientifique.  Paul  du  Ghatellier  est  à  l'œuvre  depuis  bientôt  qua- 
rante ans,  et  son  œuvre  a  honoré  notre  pays. 

Les  collections  n'ont  été  publiées  qu'en  très  petite  partie.  Elles  sont  métho- 
diquement installées  dans  des  galeries  spécialement  construites.  Un  ami  de  la 
maison,  M.  l'abbé  A.  Millon,  a  eu  l'excellente  idée  de  nous  en  donner  un  cata- 
logue sommaire  sous  ce  titre  :  Le  ckâteau  de  Kernuz,  son  histoire,  ses  collée- 
lions,  Saint-Brieuc,  1905,  40  p.  8".  E.  G. 

La  collection  Benjamin  Tournier. 

Le  pasteur  Benjamin  Tournier,  décédé  l'an  dernier,  avait  formé  une  admi- 
rable collection  contenant  surtout  des  objets  de  trois  régions  principales.  Il 
était  originaire  de  l'Aveyron,  il  s'était  allié  à  une  famille  des  Hautes-Alpes,  il 
exerçait  son  ministère  en  Suisse.  Le,?,  Matériaux  pour  V  histoire  de  l'Homme  ont  plu- 
sieurs lois  publié  de  lui  d'excellentes  notices  et  Ghantre,  dans  ses  beaux  ouvrages 
sur  le  bronze  et  le  premier  âge  du  fer,  a  publié  bon  nombre  de  ses  objets 
remarquables.  M™^  veuve  Tournier  vient  de  donner  généreusement  la  moitié  des 
collections  à  la  Suisse,  à  Genève  et  l'autre  moitié  au  musée  de  Gap,  qui  va  être 
installé  dans  un  édifice  en  construction  et  qui  est  sous  la  direction  de  M.  Mar- 
tin. Notre  confrère  a  bien  voulu  me  faire  voir  tous  ses  tiroirs.  Le  musée  de  Gap 
devient  un  des  plus  importants  de  l'Est  de  la  France  au  point  de  vue  de  l'ar- 
chéologie préhistorique.  Pourquoi  les  cahiers  de  notes  si  précieux  n'ont-ils  pas 
suivi  les  collections?  E.  G, 

Les  cartes  postales  et    rArchéolog^ie. 

Dans  un  des  derniers  numéros  de  V Anthropologie  (t.  XVI,  p.  120)  notre  colla- 
borateur, M.  Gartailhac,  invitait  nos  lecteurs  à  dresser  avec  lui  l'inventaire  des 
cartes  postales  illustrées  ayant  trait  aux  monuments  préhistoriques  de  toutes 
sortes.  C'était  un  bon  mouvement  qui  n'a  pas  été  suivi  d'effet.  M,  Déchelette  a 
fait  des  collections  pour  son  propre  compte.  11  vient  de  publier  dans  la  Revue 
archéologique  (1906,  p.  329)  un  catalogue  des  cartes  postales  d'après  les  monu- 
ments romains  de  la  France.  La  liste  est  établie  suivant  l'ordre  géographique. 
L'auteur  a  transcrit  littéralement  les  titres  imprimés  en  les  complétant  et  les 
rectifiant,  quand  il  y  avait  lieu,  par  des  indications  placées  entre  crochets.  Il  a 
aussi  donné  le  nom  de  l'éditeur. 

Ce  premier  essai  est  nécessairement  incomplet.  M.  Déchelette  fait  appel  à  tous 
ses  confrères  pour  la  rédaction  d'un  supplément. 

M.  B. 


632  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Le  Celtique  flamI)oyant. 

Noire  collaborateur  M.  Déchelette  vient  de  publier  un  très  curieux  article 
{Bull,  de  la  Diana,  i.  XIV),  sur  une  plaque  d'ornement  en  bronze  trouvée  dans  le 
cimetière  de  Saint-Clément,  commune  de  Montverdun  (Loire)  et  qu'il  attribue  à 
l'époque  gallo-romaine,  bien  que  par  le  style  de  son  ornementation  flamboyante 
elle  paraisse  au  premier  abord  devoir  être  attribuée  à  l'art  gothique  de  la  fin  du 
xive  siècle.  Il  base  son  argumentation  sur  divers  objets  de  la  période  Late  Celtic 
des  Iles  Britanniques,  d'abord  classés  comme  du  moyen  âge  et  sur  certains 
ornements  et  fibules  similaires  trouvés  en  Allemagne. 

Le  style  flamboyant  se  serait  donc  épanoui  à  deux  reprises  dans  l'Europe 
occidentale,  une  première  fois  à  une  époque  proto-historique  et  plus  tard  à 
l'époque  gothique.  Dans  un  article  tout  récent  du  Bulletin  monumental, 
M.  Enlart  cherche  à  établir  que  les  Iles  Britanniques  ont  été  le  berceau  de  ce 
style. 

M.  B. 

Préhistoire  tunisienne. 

DansTun  des  derniers  numéros  du  Bullelindela  Société  archéologique  de  Sousse, 
M.  Pallary  donne  la  liste  bibliographique  des  travaux  publiés  jusqu'à  ce  jour 
sur  l'âge  de  la  pierre  en  Tunisie.  Cette  liste  ne  comprend  que  quatorze  numé- 
ros. M.  Pallary  pense  que  celte  pénurie  de  travaux  tient  à  la  pénurie  des  docu- 
ments et  que  si  ces  derniers  sont  rares  c'est  parce  qi:e  la  Tunisie  n  est  pas 
favorisée  au  point  de  vue  de  l'eau  potable.  La  zone  côtière  en  est  à  peu  près 
dépourvue  ;  c'est  dans  la  région  montagneuse,  plus  riche  en  sources,  que  se 
rencontrent  les  âges  de  la  pierre,  comme  le  montre  la  carte  publiée  par 
M.  le  D-^  Collignon. 

M.  B. 


Distinctions  honorifiques. 

A  l'occasion  de  son  quatrième  centenaire,  l'Université  d'Aberdeen  a  célébré 
récemment  de  grandes  fêtes  auxquelles  avaient  été  conviés  de  nombreux  savants 
étrangers.  Le  roi  Edouard  VII  présida  lui-même  la  cérémonie  d'inauguration 
dos  nouveaux  bâtiments  de  la  vieille  Université  écossaise,  et,  à  la  suite  de  cette 
cérémonie,  le  titre  de  docteur  honoraire  fut  conféré  à  un  certain  nombre  d'invités 
qui  avaient  répondu  à  l'appel  des  organisateurs. 

Parmi  les  noms  des  nouveaux  docteurs,  nous  trouvons  ceux  de  quelques 
savants  qui  s'intéressent  particulièrement  à  nos  études;  je  me  bornerai  à  citer 
celui  du  Prince  Albert  I"  de  Monaco  et  ceux  de  deux  de  nos  plus  fidèles  colla- 
borateurs :  M.  Salomon  Reinach  et  J.  Deniker. 

R.  V. 

Mimétisme? 

J'extrais  ce  qui  suit  d'un  rapport  adressé  à  l'Alliance  Israélite  : 

«  La  ville  de  Diarbékir  (Kurdistan)  se  trouve  au  milieu  d'une  belle  plaine 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  633 

d'origine  volcanique  excessivement  fertile.  La  terre  est  de  couleur  rouge  foncé, 
mélangée  de  pierres  ignées  noires  (pyroxène  et  péridot).  Toute  la  contrée,  ville 
et  villages,  a  un  aspect  sombre  ;  toutes  les  pierres  à  bâtir  sont  noires.  Les 
habitants  ont  le  teint  foncé;  les  animaux  ont  de  préférence  la  robe  noire;  tous 
les  chiens  de  Diarbékir  sont,  sans  exception,  de  couleur  noire.  Est-ce  un  effet  de 
mimétisme?  » 

S.  R. 

Charme  pour  obtenir  la  pluie. 

Je  trouve  dans  ce  même  rapport  le  très  intéressant  passage  que  voici  : 
«  Il  existe  une  habitude  détestable  dans  le  Kurdistan  :  quand  la  pluie  tarde  à 
venir  au  printemps  ou  au  commencement  de  l'hiver,  on  va  au  cimetière  juif,  on 
déterre  les  cadavres  récemment  inhumés,  on  coupe  les  têtes  et  on  les  jette  à  la 
rivière.  Les  Kurdes  prétendent  que  de  cette  façon  on  apaise  la  colère  du  ciel  et 
on  fait  venir  la  pluie.  Les  israélites  sont  avertis  que  ce  sacrilège  se  commettra. 
Ils  n'osent  pas  sortir  de  leurs  maisons  pendant  la  nuit  et  les  malfaiteurs  sont 
tous  armés.  On  se  plaint  au  gouverneur;  mais  comment  saisir  les  coupables? 
Qui  les  désignera?  » 

S.  R. 

Erratum. 

M.  l'abbé  Breuil  me  signale,  tardivement,  une  grosse  faute  typographique 
qui  a  passé  inaperçue  dans  mon  compte-rendu  sommaire  du  Congrès  de  Monaco. 
A  propos  de  l'évolution  de  la  peinture  et  de  la  gravure  murales  dans  les  caver- 
nes, on  lit  {V Anthropologie,  t.  XVII,  p.  125)  :  «  Cette  évolution,  à  de  faibles 
détails  près,  se  retrouve  dans  les  grottes  du  Périgord,  des  Pyrénées  françaises 
et  de  Cannstadt  »,  au  lieu  des  Pyrénées  françaises  et  des  Cantabres,  » 

L* Anthropologie  a  assez  souvent  parlé  des  recherches  de  MM.  Breuil  et  Car- 
tailhac  dans  les  cavernes  ornées  de  l'Espagne  pour  que  nos  lecteurs  aient  pu 
faire  eux-mêmes  la  correction.  Il  n'en  est  pas  moins  de  mon  devoir  de  rectifier 
l'erreur  qui  a  été  commise. 

R.  V. 


636  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

h  Sirp/fW,  dans  le  pays  des  Kouyaves,  Posnanie.  A  l'origine  elles  servaient  au  culte 
païen,  comme  aujourd'hui  au  culte  catholique.  2  fig.  :  église  et  pierre).  —  E.  Schnu'pfx, 
reste  einer  steiuzeitlichen  Ansiedelung,  etc.  {Vestiges  d'une  station  de  l'âge  de  la 
pierre  daris  le  haut  pays  du  nord-ouest  de  la  Prusse  Orientale;  très  petits  silex  tail- 
lés et  tessons  de  poterie  ornementée;  //17.). —  G.  Fkitscii,  Verzierte,  etc.  [Un  bois  de 
renne  ornementé,  trouvé  à  Stargard,  Lusacie.  J^'empreiiite  d'un  mokassin  indien  due 
problablement  aux  dépôts  d'une  source  riche  en  calcaire,  vendue  au  Canada  comme 
pied  de  l'homme  préhistorique).  —  Baessleh.  Présentation  des  photographies  des 
cercueils  en  bois,  sculptés  par  les  Maoris  et  conservés  au  Musée  d'Auckland,  3  pi.  et 
1  fig.  Les  sculptures  représentent  des  hommes,  des  lézards  et  des  phoques  {?).  — 
Séance  du  16  décembre  1903.  —  G.  Oesten,  Bericht,  etc.  {Rapport  sur  les  fouilles  à 
Rethra,  près  Prillwitz.  Palafittes,  etc.;  carte  et  fig.).  —  H.  Ten  Kate  {Ob s erv a tioîis  sur 
la  communication  citée  plus  haut  de  Kollmann).  —  IL  Virchow,  Bericht  ueber  die 
Oertlichkeit,  etc.  {Rapport  sur  le  lieu  dit  «  Flintholm  >»,  sur  les  bords  d'Alsensund. 
Fouilles  exécutées  pour  le  compte  de  la  «  fondation  Virchow  >-).  —  E.  Seler,  Azte- 
kische,  etc.  {Les  noms  des  lieux  aztèques  en  Amérique  centrale  sont  en  grande  partie 
récents  et  ont  été  donnés  par  les  auxiliaires  aztèques  des  troupes  espagnoles).  — 
—  LissAUER,  Eine  Doppelaxt,  etc.  {Une  hache  double  en  cuivre  trouvée  à  Ellierode, 
cercle  Northeim,  Hanovre  ;  fig.  Comme  les  18  haches  trouvées  précédemment,  elles 
représentent  soit  un  lingot  de  cuivre  pur,  soit  une  monnaie,  soit  un  ex-voto)  (1).  — 
Max  Kikssling,  Das  ethnische  Problem  [Le  problème  ethnique  de  la  Grèce  antique. 
1er  article.  Étude  linguistique  et  toponymique.  Les  peuples  parlant  les  dialectes 
helléniques  sont  venus  du  nord,  dans  la  presqu'île  Balkanique.  Ils  ont  été  repoussés 
vers  la  Grèce  par  les  peuples  parlant  diiierents  dialectes  illyriens.  Exposé  des  con- 
ditions linguistiques  dans  le  nord  et  le  sud  de  l'Asie  Mineure  principalement  d'après 
Kretschmer,  qui  a  découvert  la  parenté  de  toutes  les  langues  du  sud  (Karie,  Lycie, 
Cilicie,  etc.),  caractérisées  par  l'adoucissement  de  la  ténue  en  médiane  devant  une 
nasale.  La  langue  souche,  ni  sémite,  ni  aryenne,  a  dû  y  être  parlée  encore  au  v^  ou 
ive  siècle  av.  J.-C.  Cette  même  langue  a  été  remplacée  beaucoup  plus  tôt  par  l'idiome 
des  Thraces  dans  le  nord  de  l'Asie-Mineure.  Elle  a  été  parlée  aussi  par  les  insulaires 
de  l'Archipel,  et  dans  l'Argolide  (Kariens  d'après  Aristote)  et  dans  le  reste  de  la  Grèce 
avant  l'arrivée  des  Hellènes].  —  Hahne,  Ueber  die  Beziehungen,  etc.  {Rapport  entre 
les  délayeurs  de  la  craie  et  les  éoliihes.  L  auteur  arrive,  à  la  suite  des  expériences 
faites  dans  un  délayeur  de  Sassnitz,  Rugen,  et  les  comparaisons  avec  les  colithes 
de  la  collection  Rutot,  à  des  résultats  opposés  à  ceux  de  Boule  et  d'Obermaier). 

Rousskiy   antropologhitcheskiy    Journal   {Revue  russe   d'Anthropologie)^  Moscou, 
5e  année,  livr.  17  et  18,  1904.  nos  1  et  2. 

N.  A.  Aristov_,  Etnitcheskiia  otnochéniia,  etc.  [Tableau  ethnique  du  Pamir  et  des 
pays  adjacents  d'après  les  données  historiques  anciennes^  principalement  chinoises 
(suite)  :  5.  Yue-ji  Tokhara,  Kouchan,  Kidarites,  Ephtalites  ;  discussion  des  textes 
chinois  et  des  commentaires  (à  suivre).]  —  C.  Waïssenberg,  Karaïmy  {Les  Kara'imes 
ou  Criméens  israélites  anti-talmoudistes  de  race  assyroïde.  Hyperbrachycéphales  de 
taille  moyenne,  très  poilus.  Mensurations  de  20  hommes  et  de  10  femmes.  Données 
historiques;  fig.).  —  I.  Maïnov,  Litsevoï  ougol,  etc.  [L'angle  facial  des  Yakoutes 
(77,3"),  des  Toungouz  (76,7°  dans  le  sud,  78,1°  dans  le  nord)  et  des  Russes  natifs  de 
la  province  de  Yakoutsk  (78°),  d'après  les  mensurations  de  Gekker  et  les  siennes 
propres].  —  P.  Weinberg,  Glavnieïchié  priémy,  etc.  {Les  principales  méthodes  de  la 
technique  anthropologique  contemporaine,  en  grande  partie  d'après  R.  Martin  ; 
Bibliographie  ;  fig.).  —  Th.  Biélodiéd,  K'  antropologhii  malorousskago  nassélénia,  etc. 

(l)  Voy.  L'Anthropologie,  1906,  p.  437. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  637 

{Contributions  à  l'anthropologie  de  la  population  petit-russienne  de  la  prov.  de  Tcher- 
nigov.  Mensuration  de  186  individus  du  distr.  Krolevets.  Taille  moy.  1665  mm. 
pour  les  hommes  ;  i.  c.  moy.  85,6).  —  A.  Kojoukhov,  Malorossy,  etc.  Les  Pelit-Rus- 
siens  'de  la  Volhinie  ;  mensurations  de  48  hommes  du  distr.  Vladimir-Voynskiy. 
Taille  moy.  :  1657  mm.;  i.  c.  moy.  :  79,8).  —  Talko-Hryncewicz,  Zamietki,  etc. 
{Notes  sur  l'anthropologie  des  allophiles  de  la  région  du  Volga  :  1.  Tatars  de  Kazan. 
Anthropométrie  de  70  hommes.  Petite  taille,  hruns,  sous-brachycéphales  à  82,1).  — 
N.  VoLOGiim,  0  vsaïmo-otnochenii  tcherepnykh  doug,  etc.  {Corrélation  des  arcs  et 
des  çhordes  du  crâne.  Étude  de  679  crânes,  normaux  et  déformés.  Pas  de  conclu- 
sions). —  Analyses. 

b)  Articles  anthropologiques  publiés  dans  les  différents  recueils. 

Annales  de  l'Institut  National  Agronomique,  2^   série,  t.   V,   fasc.   1,  Paris,  1906. 

P.  85.  —  M.  RiNGELMANN,  Essais  sur  l'histoire  du  génie  rural.  La  Chaldée  et 
l'Assyrie  (suite).  Chap.  2.  Travaux  et  machines  agricoles,  charrues,  sacs  à  semailles, 
moyens  de  transport  ;  harnais,  outres  et  kouffa,  etc.,  fig.). 

Zeitschrift  fiir  Morphologie  und  Anthropologie.  Dir.  Df  Schwalbe.  Stuttgart. 

T.  VU  (1904).  —  Fasc.  1.  —  P.  1.  R.  Kolster,  Ueber  Lângenvariationen,  etc.  {Varia- 
tions de  la  longueur  de  V œsophage  en  rapport  avec  Vdge.  Chez  le  nouveau-né  l'œso- 
phage est  relativement  plus  long  que  chez  l'adulte;  il  se  raccourcit  ensuite  par 
rapport  à  la  taille  jusqu'à  20  ans;  puis  il  s'allonge  de  nouveau  mais  faiblement  et 
n'atteint,  même  à  85  ans,  les  dimensions  relatives  qu'il  a  eues  chez  l'enfant  de  1  an). 

—  P.  22.  E.  HoERSCHELMANN,  Ucbcr  die  Form,  etc.  {La  forme  de  mamelles  chez  les 
Esthoniennes.  1  fig.  La  descente  commence  à  20  ans  ;  avant  cet  âge  les  seins  raides 
se  trouvent  dans  2/3  de  cas,  après  dans  1/5  seulement  ;  85  p.  c.  ont  la  forme  hémisphé- 
rique, 8  p.  c.  en  segment,  10  p.  c.  coniques.  Par  rapport  au  développement  des 
seins,  l'Esthonienne  est  au-dessous  de  la  femme  russe  et  au-dessus  de  la  Livonienne. 

—  P.  63.  MiEs  et  Bartels,  Ueber  die  grôsste,  etc.  {La  largeur  maxima  de  la  partie 
cérébrale  du  crâne  d'après  les  mesures  sur  15.350  crânes  de  toutes  les  races.  La 
largeur  varie  de  101  à  173  mm.  Moyenne  140  mm.  Les  plus  faibles  largeurs  sont 
chez  les  Australiens,  les  Nègres;  les  plus  fortes  chez  les  Européens).  —  P.  81. 
P.  Bartels,  Untersuchungen,  etc.  {Recherches  et  expériences  sur  15.000  crânes  humains; 
1  pi.  Application  à  différentes  séries  de  la  méthode  de  l'auteur  pour  établir  1'  «  utili- 
sabihté  »  de  ces  séries  (1).  —  P.  133.  B.  Adaciii.  Ilâuûgeres  Vorkommen,  etc.  {Fré- 
quence trois  fois  plus  grande  du  muscle  sternal  chez  les  Japonais  que  chez  les 
Européens;  on  le  rencontre  chez  10  sujets  sur  100.  De  même  l'absence  du  long  pal- 
maire et  du  pyramidal  sont  plus  rares  chez  les  Japonais  que  chez  les  Européens  ; 
1  fig.).  —  P.  142.  A.  VON  TôRûK,  Ueber  einen  neuen  Fund,  etc.  {Nouvelle  découverte 
de  deux  crânes  macrocéphaks  en  Hongrie,  1  fig.  Description  et  mesures.  Fig.). 
Fasc.  2.  —  P.  230,  G.  Scuwalbe,  Ueber  das  Gehirnrelief,  etc.  {Le  relief  du  cerveau  à 
l'extérieur  du  crâne  chez  les  Mammifères;  2  pi.  et  fig.  Bosses  correspondantes  aux  cir- 
convolutions, principalement  dans  la  région  temporale  ;  elles  sont  surtout  bien  accusées 
chez  les  Carnivores,  les  Lémuriens  et  chez  certains  singes,  mais  pas  chez  les  Anthro- 
poïdes) (2).  —  P.  261.  Inbz  L.  WmppLE,  The  ventral  surface,  etc.  {La  face  ventrale  du 
chiridium,  ou  face  plantaire  et  palmaire,  chez  les  Mammifères  et  plus  spécialement 
chez  l'homme.  Description  des  plis   et  des   crêtes  papillaires;  2  pi.  et  nombr.  fig.). 

(1)  Voy.  mon  analyse  de  ce  travail  dans  V Année  Psychologique^  t.  H,  1905. 

(2)  Voy.  U Anthropologie,  1906,  p.  496. 


638  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

—  P.  369.  B.  Adachi,  Ueber  die  Kuôchelchen,  etc.  {Sur  les  osseleta  intercalaires 
à  la  symphijse  mandihulaire  de  l'homme;  14  fig.).  —  /'.  373.  B.  Adaciii,  Die  Porositiit, 
etc.  {La  porosité  de  la  voûte  crânienne^  dans  uu  cràue  de  Duyak  et  d;ms  uu  crâne 
égyptien.  Anomalie  très  rare,  consistant  en  une  accumulation  de  cupules  dans  la 
région  postérieure  du  pariétal;  2pL).  —  Fasc.  3.  —  P.  379.  B.  Adachi,  Die  Orbita,  etc. 
[Les  orbites  et  les  dimensions  principales  du  crdne  chez  les  Japonais;  les  méthodes  de 
mensuration  des  orbites  (4e  chapitre  des  Recherches  anatomiques  sur  les  Japonais)  ; 
k  pi.  et  fig.  Etude  sur  90  crânes  de  la  prov.  Okoyama.  Ilypsi-mésocéphalie;  cap. 
crânienne  148G  c.  c.  chez  les  hommes;  1319  chez  les  femmes.  Méthodes  de  mesures 
des  orbites.  L'orbite  du  Japonais  est  presque  toujours  hypsyconque;  les  dolicho- 
céphales ont  l'indice  orbitaire  plus  faible  que  les  brachycéphales.  En  général  le  volume 
de  l'orbite  varie  peu  et  c'est  pour  cela  qu'il  paraît  être  plus  grand  par  rapport  au 
volume  du  crâne  chez  les  femmes].  —  P.  48j.  B.  Adachi.  Topographische  Lage,  etc. 
[Position  topographique  du  globe  oculaire  chez  les  Japonais  (5^  mémoire  des  Recherches 
anatomiques  sur  les  Japonais)  ;  fig.  Confirmation  par  les  mesures  de  la  saillie  du 
globe  ocul.  en  avant  beaucoup  plus  forte  chez  les  Japonais  que  chez  les  Européens 
(la  différence  est  de  4  mm.  en  moyenne)  et  qui  est  rendue  encore  plus  évidente 
par  l'enfoncement  fréquent  de  la  racine  du  nez.  Ce  caractère  est  plus  accusé  chez 
les  dolichocéphales  que  chez  les  brachycépales,  chez  les  chamoeprosopes  que  chez 
les  leptoprosopes].  —  P.  505.  G.  Schwalbe,  Ueber  die  Stirnnaht,  etc.  {La  suture 
mé topique  chez  les  Pinmaies.  Très  fréquente  chez  les  Catharrinien?,  elle  est  très  rare 
chez  les  Anthropoïdes).  —  K.  Peabson,  On  a  criterion,  etc.  {Le  critérium  pour  Vexa- 
men  des  différentes  théories  de  Vhêrédité.  La  plupart  des  expériences  pèchent  par  ce 
fait  qu'elles  prennent  pour  pointdedépart  unindividu, qui  lui-même  est  le  produit  des 
diverses  hérédités  précédentes.  La  variabilité  établie  d'après  les  caractères  des  parents 
est  représentée  par  la  ligne  droite  dans  la  théorie  de  l'hérédité  ancestrale  ;  par  une 
parabole  à  axe  parallèle  à  celui  des  caractères  des  parents  dans  la  théorie  mendé- 
lienne;  enfin  par  une  hyperbole  à  axe  perpendiculaire  à  l'axe  parental,  dans  la  théo- 
rie de  l'hérédité  alternante).  —  H.  Kantob,  Geteilte  Scheitelbein,  etc.  (Os  pariétal 
divisé  en  deux  parties  chez  un  Macacus  rhésus;  fig.). 

Globus,  Illustrirte  Zeitschrift,  t.  LXXXIX,  Braunschweig,  1906,  in-4o. 

A»  17.  —  Schilling  (Dr  C),  Tamberma  {Les  Tambermn,  peuplade  inconnue  de  la 
partie  est  de  Togo,  limitrophe  du  Dahomey  ; /î^y.  Habitations;  fourreau  pénial  ;  type  : 
taille  élevée,  jambes  très  longues).  —  N°  18.  — Vortisch,  Die  Neger,  etc.  {Les  nègres 
delà  Côte  d'Or.  Type;  vêtement;  vie  publique;  marchés,  voyages;  mœurs  fami- 
liales). —  B.  F.,  Randall  Mac  Iver  etc.  {Les  idées  de  M.  Raddall,  Maciver  sur  les  ruines 
du  pays  des  Maschona.  Ce  sont  les  restes  des  constructions  des  indigènes,  antérieures 
au  xvie  siècle)  (1).  —  jS°  19.  —  Vortisch,  Die  Neger,  etc.  {Les  nègres  de  la  Côte  d'Or 
(fin).  Etat  politique  et  social.  Mu?ique  notée  ;  fig.  :  instruments  de  musique).  —  A'»  20. 
—  Th.  Koch  Grunberg,  Kreuzund  quer  etc.  {Excursions  à  travers  le  nord- ouest  du  Bré- 
sil; fig.  Manaos,  Santa-Izabel.  Indiens  Ipourina,  Yanapery,  etc.).  —  iVo21.  —  Weiss, 
Laud  und  Leute,  etc.  {Pays  et  habitants  de  Ypororo,  angle  nord-ouest  de  V  Afrique  orien- 
tale allemande.  Le  pays  est  habité  par  les  Wahima  envahisseurs  et  les  Wapororo 
ou  Wanjambo  aborigènes:  fig.  :  types).  —  iV»  22.  —  Der  Doppeladler  Ornament,  etc. 
{L'aigle  double,  ornement  des  tissus  chez  les  Aymara;  fig.).  —  Haeberlin  (D'),  Gui- 
delsteine,  etc.  {Galets  à  repasser  de  forme  ovoïde,  en  usage  dans  le  nord  de  l'Alle- 
magne et  en  Scandinavie;  fig.).  —  Weissenberg  (D'S.).  Anthropometrische  Prinzi- 
pien,  etc.  {Principes  et  méthodes  de  V anthropométrie.  A  propos  de  leur  multiplicité. 
Vaut  mieux  peu  de  mesures  sur  un  grand  nombre  d'individus  que  le  contraire.  Sug- 

(1)  Cf.  V Anthropologie,  1906,  p.  430. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  639 

gestions  pour  l'enteiite).  —  .V®  23.  —  Hedinger,  Das  virkliche  Ende,  etc.  {La  fin  de 
la  question  du  néphrite,  par  suite  de  sa  découverte  en  Silésie  et  dans  les  Alpes).  — 
Das  volk  der Tanala  {Le  peuple  de  Tanaia,  Madagascar;  fig.  :  enterrement,  chants  en 
chœur,  etc.).  —  Mehlis  (D' C).  Archâologische  Forschungen  {Fouilles  archéologiques 
dans  le  Palatinat  ;  fig.  Disques  en  bronze  comme  ornement,  etc.).  —  Th.  Koch- 
Grunberg,  Kreuz  und  quer,  etc.  {Excursions  à  travers  le  Nord-Ouest  du  Brésil  ;  fig.  : 
dessins  des  Indiens  Baré.  Les  Indiens  Maku,  etc.).  —  \V.  Planert,  Eine  vergleichende 
Grammatik  {Une  grammaire  comparée  des  idiomes  Bantou  de  Meinhof  ;  analyse  détail- 
lée). 

Verhandelingen  der  K.  Akademie  van  Wettenschappen  te  Amsterdam,  2'^  section, 

t.  Xll,  n°  4  (juillet  1906). 

Ce  fascicule  de  193  -f-  2  pages,  avec  9  pi  ,  est  entièrement  consacré  au  mémoire 
de  J.  H.  KoHLBKUGGE,  Die  Gehirnfurchen  der  Javanen,  etc.  {Les  circonvolutions  céré- 
brales des  Javanais.  Étude  d'anatomie  comparative.  Discussion  de  la  valeur  du  poids 
du  cerveau  au  point  de  vue  de  la  race.  Il  existe  des  races  à  cerveau  lourd  et  des 
races  à  cerveau  léger  sans  que  cela  paraisse  influer  sur  l'intelligence.  Le  poids 
augmente  avec  l'augmentation  du  travail  de  la  tête,  que  ce  soit  celui  d'un  savant  ou 
d'un  commerçant.  Les  personnes  distinguées  n'ont  pas  le  poids  cérébral  beaucoup 
plus  gros  que  celui  des  classes  supérieures  dont  elles  sortent.  Poids  et  description 
détaillés  de  19  cerveaux  de  Javanais.  Les  variations  dans  les  circonvolutions  ne 
peuvent  pas  caractériser  les  races). 

Zapiski,  etc.  [Bulletin  de  la  Soc.  Ouralienne  des  amateurs  des  se.  nat.),  t.  XXV, 

Ekaterinbourg,  1905,  in-S». 

P.  35.  D.  G.  ZÉLÉNiNE,  Svadébniy  Obriad,  etc.  {Les  cérémonies  nuptiales,  les  chan- 
sons et  les  charmes  chez  les  paysans  russes  du  cercle  de  Tomsk,  d'après  le  manuscrit 
deKAFFKA,  rédigé  en  1890-91.  Textes  des  chansons,  etc.). 

International  Congress  of  Americanists,   13e  session,  tenue  à  New-York  en  1902. 
Easton,  1905,  1  vol.  in-S»  de  345  p.  av.  nombr.  pi.  et  fig. 

P.  1.  W.  J.  HoLLAND,  The  Petroglyphs,  etc.  {Les  pélroglyphes  du  Smitlis  Ferry, 
Pennsylvanie,  courte  note).  —  P.  5.  A.  F.  Chamberlain,  The  Algonkian  linguistic 
stock  {La  famille  linguistique  algonquine.  Mois  algonquins  passés  dans  les  langues 
européennes  :  canot,  totem,  pemmikan,  caucus,  tamanni,  tobogan,  etc.).  —P.  9. 
J.  Ambrosetti,  Ressemblance  entre  les  civilisations  pueblo  et  colchaqui.  (Confirmation 
des  vues  de  Moreno,  de  L.  Quevedo  et  de  Ten  Kate.  Analogies  anthropologiques  et 
folkloristiques).  —  P.  17.  J.  Me  Guire,  Anthropological  information,  etc.  {Données 
anthropologiques  contenues  dans  les  écrits  américains  anciens.  Résumé  de  ces  infor- 
mations). —  P.  21.  Cl.  R.  Moore,  Archaeological  research  {Recherches  archéolo- 
giques dans  le  sud  des  États-Unis.  Résumé  de  ses  recherches,  publiées  en  détail  dans 
les  Mém.  Acad.  Se.  Nat.  Philadelphie).  —  P.  41.  Alph.  Cbavero,  Palenke,  etc. 
{Calendrier  palenké  est  d'accord  avec  celui  de  Mexico.  11  est  différent  du  calendrier 
maya.  Explication).  —  P.  67.  G.  Dorsey,  One  of  the  sacred  altars,  etc.  {Un  des 
autels  sacrés  des  Pawnee.  Description  de  la  cérémonie).  —  P.  75.  L.  Lejal,  La 
collection  de  M.  de  Sartiges  et  les  «  aryballes  »  péruviens  du  Musée  ethnographique 
du  Trocadéro  ;  2  p/.  Étude  descriptive.  Point  de  contact  de  la  civilisation  des 
«  Chiuni  »  et  de  celle  des  «  Kitchua-Aymara  »).  —  P,  85.  S.  W.  Williston,  On  the 
Lansing  Man  {Sur  Vhomyne  de  Lansing.  A  propos  du  crâne  préhistorique  trouvé 
dans  cette  localité,  considéré  comme  quaternaire).    —  P.  91.  Fr.  Boas,    The  Jesup, 


640  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

etc.  {Expédilion  organisée  par  Jesup  dans  le  nord  du  Pacifique.  Historique.  Som- 
maire des  principaux  résultats).  —  P.  101.  C.  S.  Dubois,  The  mythology,  etc.  [La 
mi/thologie  des  Dieguefios,  Indiens  des  Missions  du  comté  de  San  Diego,  Californie^ 
comme  preuve  que  leur  état  de  civilisation  est  supérieur  à  ce  que  l'on  pense  gcoérale- 
ment).  —  P.  107.  G.  N.  Pepper,  Thethrowing-stick,  etc.  Le  propulseur  d'un  peuple  préhis- 
torique du  sud-ouest  des  États-Unis  :  les  Gliiï  Dwellers  de  l'état  de  Colorado.  4  p/.  et 
fig.  Etuie  monographique  complète).  —  P.  L.  C.  van  Panhuys,  Are  there  pygmies,  etc. 
Les  pigmées  Maskalilis,  mentionnés  par  G.  Rousseau  dans  ses»  Richesses  de  la  Guyane, 
etc.,  »  existent-ils  réellement  dans  la  Guyane  française'!  Pas  de  réponse). —  G.  B* 
Grinn'ell,  Social,  organisation,  etc.  {Organisation  sociale  des  Cheyenyies).  —  P.  147. 
A.  TozzER,  A  Navajo,  etc.  Un  dessin  des  dieux  de  la  pluie  fait  avec  du  sable  par  les 
Indiens  Navajo  et  les  cérémonies  qui  s'y  rattachent).  —  P.  157.  Ed.  Seler,  On  the 
présent,  etc.  [Etat  actuel  de  nos  connaissances  sur  V écriture  hiéroglyphique  du  Mexique 
et  de  V Amérique  centrale).  —  P.  171.  Ed.  Selbr,  On  ancient,  etc.  {Sur  l'ancienne 
poésie  religieuse  des  Mexicains).  —  P.  189.  Ed.  Thompson^  The  mural  paintings,  etc. 
[Les  peintures  murales  de  Yucatan). —  P.  193.  Fr.  Belmar.  Indian  tribes,  etc.  {Les  tribus 
indiennes  de  l'Etat  d'Oaxaco  et  leurs  langues.  Familles  Zapotèque  et  Zoque).  — 
P.  203.  W.  Blake.  The  racial  unity,  etc.  {Unité  de  race  des  aborigènes  historiques  et 
préhistoriques  de  V Arizona  et  du  Nouveau  Mexique).  —  P.  205.  L.  C.  van  Panhuys 
About  the  oraementation,  etc.  {L'ornementation  chez  les  tribus  sauvages  de  la  Guyane 
hollandaise  et  sa  signification',  2  pi.).  —  P.  245.  L.  Donay,  de  la  non-parenté  de  cer- 
taines langues  de  l'Ancien  Monde  (en  particulier  du  japonais)  avec  celles  du  Nou- 
veau, et  spécialement,  du  groupe  Maya.  —  P.  265.  Adela  Breton,  Some  obsidian, 
etc.  {Les  objets  en  obsidienne  de  Mexico).  —  P.  278.  Signe  Rink,  A  comparative  Study, 
etc.  [Étude  comparée  de  deux  légendes,  indienne  et  esquimo).  —  P.  327.  J.  Swanton, 
Social  organisation,  etc.  {L'organisation  sociale  des  Haïda).  —  P.  339.  Cl.  Wisslbr, 
Symbolisme,  etc.  {Symbolisme  de  Vart  décoratif  des  Sioux,  2  pi.) 

University  of  California  publications.  American  archaeology  and  ethnology, 

t.  II,  Berkeley,  1904-5. 

No  1  (1904).  —  W.  SiNCLAiRE,  The  exploration,  etc.  \^L' exploration  de  la  caverne  de 
Potier  Creek,  Californie,  Outils  en  os,  uomb.  pi.  et  fig.). 

N°  2  (1904).  —  A.  L.  Kroeber,  The  languages,  etc.  {Les  langues  de  la  côte  Califor- 
nienne au  sud  de  San  Francisco,  à  l'exception  du  Chochone  et  du  Yuma.  Les  deux 
langues  méridionales  :  Chumasin  et  Salinan  sont  apparentées  entre  elles,  de  même 
que  les  deux  septentrionales  :  le  Costanoan  et  l'Esselen,  1  carte;  vocabulaire,  gram- 
maire, etc.). 

N*  3  (1904).  —  A.  L.  Kroeber,  Types,  etc.  {Les  types  de  la  culture  indienne  en  Cali- 
fornie. Religion,  mythologie,  chamauisme,  etc.). 

iV»  4  (1905).  —  A.  L.  Khoeber,  Basket,  designs,  etc.  {Dessins  sur  les  paniers  et 
autres  objets  trouvés  chez  les  Indieris  du  nord-ouest  de  la  Californie  ;  fig.  et  pi.) 

J.  Deniker. 


Le  Gérant  :  P.  Bouchez. 


Angers.  —  Imp.  A.  Burdin  et  C'^,  rue  Garnier,  4. 


MÉMOIRES  ORIGINAUX 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE 

NOTE   SUR   LES  ALLUViONS   A   «  HiPPARlON    GRACILE 
DE  LA  RÉGION  D'AURILLAC 
ET  LES  GISEMENTS  D  ÉOLITHES  DU  CANTAL 
(PUY  DE  ROUDIEU,   PUY  COURNY') 

PAR     LE 

D'  Lucien  MAYET 


» 


Le  problème  de  l'homme  tertiaire  est  entré  dans  une  nouvelle 
phase  depuis  quelques  années.  La  notion  des  silex  utilises  ou 
éolithes  (2)  Fa  remis  à  Tordre  du  jour.  Mais  cette  doctrine  des  in- 

(1)  Communication  faite  à  la  section  d'Anthropologie  du  XXXV^  congrès  de  l'Asso- 
ciation Française  pour  l'Avancement  des  sciences,  Lyon,  3  août  1906. 

(2)  On  donne  le  nom  d^o^j/Zies  aux  premiers  outils  (ou  silex  regardés  comme  tels) 
dont  l'homme  se  soit  servi  au  début  des  temps  préhistoriques  et  dont  il  a  continué 
à  faire  usage  pendant  une  grande  partie  de  ceux-ci^  concurremment  avec  les  outils  de 
pierre  taillée. 

L'ensemble  de  ces  outils  constitue  les  industries  éolithiques  (eo;  aurore,  X:'ôo; 
pierre)  par  opposition  aux  industries  paléolithiques  (uaXaîo;,  ancien)  et  néolithiques 
(r,£o;,  nouveau).  Si  les  industries  néolithiques  comme  lesindustries  paléolithiques  sont 
assez  bien  différenciées,  les  industries  éolithiques  forment  —  d'après  M.  Rutot  — 
un  seul  groupe  très  homogène  et  restant  tel,  sans  grandes  modifications  durant  la 
longue  série  des  âges  qu'il  a  traversés  pendant  le  Tertiaire  et  le  Quaternaire  infé- 
rieur. Il  est  donc  permis  d'employer  la  désignation  industrie  éolilhique  préférable- 
ment  à  industries  éolithiques. 

Le  caractère  essentiel,  qui  domine  tous  les  autres  caractères  de  cette  industrie,  est 
la  simple  utilisation  par  l'homme  primitif  des  matériaux  durs  et  résistants  (silex 
dans  l'immense  majorité  des  cas)  dont  il  pouvait  disposer,  ayant  comme  corollaire 
Vabsence  de  toute  idée  de  taille  intentionnelle.  On  reconnaîtra  donc  les  éolithes  aux 
marques  de  cette  utilisation. 

Les  silex  utilisés  se  présentent  sous  forme  de  fragments  irréguliers  dus  à  l'éclate- 
ment naturel  et  dont  l'arête  ou  les  arêtes  tranchantes  ont  été  employées  aux  usages 
qu'on  peut  imaginer  (grattage,  raclage,  section,  etc.). 

Cette  utilisation  a  laissé  comme  traces  :  a)  Vémoussage  pur  et  simple  de  l'arête 
tranchante  utilisée;  6)   une  série  de  retouches  —    petits  éclata  contigus  dont  l'en- 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  41 


642  Dr  Lucien  MAYET. 

(luslries  éolithiques  —  par  elle-même  et  par  ce  qu'on  s'en  est  im- 
médiatement servi  d'argument  pour  reporter  très  au-delà  des  temps 
quaternaires,  la  première  apparition  de  l'homme  sur  le  sol  de  l'Eu- 
rope occidentale  —  a  soulevé  des  discussions  fort  vives. 

Il  est  également  exagéré  d'accepter  ou  de  rejeter  en  bloc  la  tota- 
lité de  la  doctrine  des  éolithes  telle  que  l'a  édifiée  M.  Rutot.  J'ai  la 
conviction,  après  avoir  visité  gisements  et  collections,  surtout  les 
très  nombreuses  séries  de  silex  que  M.  Rutot  a  rassemblées  et  remar- 
quablement disposées  au  Musée  d'Histoire  naturelle  de  Bruxelles, 
qu'il  s'impose,  en  préhistoire,  de  faire  une  place  importante  à  la 
pierre  utilisée',  j'ai  aussi  cette  conviction  qu'il  y  a  beaucoup  d'exa- 
gération dans  les  affirmations  de  la  plupart  des  éolithophiles.  Leurs 
généralisations  ont  été  trop  hâtives  et  prêtent  facilement  le  flanc  à 
la  critique.  Aussi  le  nombre  est-il  grand  de  leurs  adversaires  et 
les  éolithes  paraissent-ils  actuellement  quelque  peu  en  défaveur 
dans  les  milieux  scientifiques. 

Cela  me  semble  tenir  en  grande  partie  à  ce  que  la  question  est 
engagée  dans  une  voie  difficile,  sinon  dangereuse,  du  fait  qu'elle 
s'appuie  à  peu  près  exclusivement  sur  la  forme  et  l'aspect  des  silex_, 
alors  que  nous  manquons  de  critérium  pour  affirmer  qu'un  silex  a 
été  utilisé,  retouché,  taillé.  La  technique  paléolithique  du  silex, 
telle  que  nous  l'imaginons  aujourd'hui,  est  toute  conventionnelle. 
A  plus  forte  raison  la  technique  éolithique  et  rien  ne  permet  pré- 
sentement d'infirmer  l'hypothèse  de  causes  naturelles  —  encore 
imprécisées  pour  la  plupart  parce  que  le  calme  géologique  ne  per- 
met guère  de  nos  jours  de  les  saisir  sur  le  fait  —  ayant  pu,  dans 
certains  cas,  et  en  certains  lieux,  produire  les  mêmes  effets  que 
l'utilisation. 

On  remarquera  les  réserves  que  je  crois  devoir  faire.  Car  si, 

semble  constitue  un  nouveau  tranchant  —  qui  peuvent  avoir  été  obtenues  au  moyen 
d'un  autre  silex  —  le  retouchoir;  la  retouche  répétée  plusieurs  fois  sur  la  même 
arête  transforme  peu  à  peu  celle-ci,  l'angle  aigu  du  tranchant  en  un  angle  de  plus 
en  plus  ouvert;  c)  V accommodation  pour  la  facile  préhension.  Cette  accommodation 
consiste  principalement  en  un  écrasement  par  martelage,  d'arêtes  tranchantes  situées 
à  l'opposé  de  celle  qui  est  utilisée  et  sur  lesquelles  la  main  doit  s'appuyer. 

Emoussage,  accommodatioo,  retouches  surtout,  sont  les  trois  caractères  de  l'indus- 
trie éolithique,  qui  a  fait  très  justement  introduire  en  préhistoire  cette  notion  nou- 
velle de  rutillsation,  remplaçant  ou  venant  se  surajouter  à  celle  de  la  taille  inten- 
tionnelle. Malheureusement  ces  trois  caractères  ne  sont  pas  un  critérium  suffisant 
de  l'intervention  humaine  et  bien  souvent  les  actions  naturelles  suffiseutà  lessirauler. 

Pour  l'exposé  de  l'industrie  éolithique,  cf.  A.  Rutot,  Le  préhistorique  dans  l'Europe 
Centrale.  Congrès  archéologique  de  Binant,  août  1903,  270  p. 


Il 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTL\IRE.  643 

comme  il  sera  indiqué  au  cours  de  cet  exposé,  il  me  semble  possible 
d'affirmer  l'orig-ine  naturelle  des  éolithes  du  Miocène  supérieur  du 
Cantal,  cette  même  origine  naturelle  serait  insoutenable  pour 
nombre  de  silex  belges,  documents  indiscutables  d'après  lesquels  a 
été  établie  la  description  des  industries  éolithiques.  Je  me  hâte  de 
dire  que  ces  silex  belges,  auxquels  je  fais  allusion,  ont  infiniment 
plus  d'affinités  avec  les  pièces  paléolithiques  qu'avec  les  éclats 
découverts  dans  les  alluvions  des  environs  d'Aurillac. 

11  importe,  si  on  ne  veut  pas  aboutir  à  de  regrettables  erreurs, 
d'étudier  sans  parti-pris  les  éolithes    et  surtout  leurs  gisements, 
comme  de  passer  au  crible  dune  critique  serrée  toutes  les  idées  théo- 
riques s'y  rapportant.  M.  Rutot  se  trouve  mal  placé  pour  résister  à 
Fentraînement  de  ses  propres  conceptions  et  aux  exagérations  de 
partisans  téméraires  parce  qu'appréciant  mal  la  plupart  des  diffi- 
cultés du  sujet.  Il  lui  est  à  peu  près  impossible  de  ne  pas  glisser 
insensiblement  sur  une  pente  qui  conduit  à  des  conclusions  parfois 
invraisemblables  (1).  D'autres,  plus  indépendants,  peuvent  mieux 
juger  et  exposer  ce  qu'il  y  a  d'artificiel  et  d'erroné  dans  la  question 
des  éolithes. 

Celle-ci,  quoi  qu'on  en  puisse  dire,  est  plus  que  jamais  en  dis- 
cussion. Les  polémiques  qu'elle  a  soulevées  n'ont  pas  encore  eu  de 
résultat  définitivement  acquis.  Elles  ont  toutefois  mis  en  lumière  : 
d'une  part  le  peu  de  valeur  des  divisions  classiques  du  Préhisto- 
rique d  après  G.  de  Mortillet,  divisions  toutes  conventionnelles, 
n'ayant  qu'un  intérêt  didactique,  et  la  nécessité  d'attribuer  une 
large  place  à  certains  instruments  très  différents  des  formes  admises 
comme  caractéristiques  de  l'intervention  humaine  dans  le  Paléoli- 
thique ;  d'autre  part,  la  nécessité  aussi  de  rendre  à  leurs  gisements 
d'innombrables  cailloux  soigneusement  recueillis  et  décrits  par  les 
éolithophiles  ou  soi-disant  tels. 

Voici,  me  semble-t-il,  où  en  est  aujourd'hui  la  question  des 
éolithes  :  généralisations  imprudentes  de  ses  partisans,  d'oii  exagé- 
rations dans  les  idées  de  ses  adversaires. 

Je  n'ai  nullement  l'intention  de  discuter  ici  cette  question  des 

(1)  Dans  une  de  ses  plus  récentes  publications  {Eolithes  et  pseudo-éolithes;  Soc. 
d'Anthropologie  de  Bruxelles,  1906).  M.  Rutot  semble  comprendre  ce  danger  :  «  La 
connaissance  et  l'appréciation  des  éolithes  ne  sont  pas  choses  simples,  élémentaires, 
comme  tant  de  personnes  le  croient  à  tort...  Il  peut  être  dans  certains  cas  aussi  dif- 
ficile de  distinguer  un  pseudo-éolithe  d'un  vrai  que  de  déterminer  deux  formes  voi- 
sines de  Gérithes  ou  de  Pleurotomes,  ce  dont  n'est  pas  capable  le  premier  venu...  w 


(144  D"-  Lucien  MAYET. 

eolithes  par  le  détail.  Un  volume  entier  serait  nécessaire  et  cette 
note  est  consacrée  aux  seuls  silex  des  sables  pontiens  des  environs 
d'Aurillac. 

Il  m'a  semblé  qu'il  pouvait  y  avoir  un  réel  intérêt  à  étudier  de 
près  ces  gisements  d'éolithes  pour  de  nombreuses  raisons.  Parmi 
les  principales  : 

Le  fait  qu'on  s'est  appuyé  à  peu  près  exclusivement  sur  ces 
silex  (1)  pour  reporter  en  pleine  période  tertiaire  l'apparition  de 
l'homme  dans  notre  pays,  ce  qui,  en  l'absence  de  tout  document 
paléontologique,  est  singulièrement  discutable; 

Les  pièces  recueillies  par  mes  prédécesseurs  au  Puy-Courny  et, 
plus  récemment  au  puy  de  Boudieu  étaient  données  comme  d'excel- 
lents types  d'éolithes  et  M.  Rutot,  à  Bruxelles,  me  les  présentait 
comme  tels  ; 

Il  y  avait  beaucoup  de  chances  de  trouver  dans  ces  gisements  ter- 
tiaires, formés  à  une  époque  oii  Texistence  sur  notre  sol  de  VHomo 
sapiens  est  très  incertaine,  la  confirmation  de  cette  thèse  que 
nombre  d'éolithes  pourraient  bien  être  simplement  de  silex  taillés 
par  eux-mêmes  et  par  d'autres  silex. 

En  octobre  1905,  j'ai  visité  une  première  fois  les  deux  gisements 
du  puy  Courny  et  du  puy  de  Boudieu  (2)  et  en  juillet  1906,  j'y  ai 
entrepris  des  recherches  plus  importantes  qui  m'ont  permis  des 
constatations  que  je  vais  brièvement  résumer. 


PUY   DE   BOUDIEU 

Le  puy  de  Boudieu  (altitude  :  839  m.,  commune  d'Yolet)  domine 
la  vallée  de  la  Gère  (618  m.  d'alt.)  d'un  peu  plus  de  200  m.  et  fait 
partie  de  la  série  de  crêtes  qui  sépare  cette  dernière  vallée  de  celle 
de  la  .lordanne  (fig.  1  et  2), 

La  coupe  géologique,  telle  que  j'ai  pu  la  relever  avec  M.  Pierre 
Marty  (3)  est  la  suivante  : 

(1)  Les  silex  de  Thenay  n'ont  jamais  été  sérieusement  admis  et  personnellement, 
après  les  avoir  étudiés  avec  mon  ami  le  D""  Houssay  (de  Pontlevoy),  je  les  récuse 
absolument;  les  quelques  pièces  d'Otta  sont  extrêmement  suspectes  comme  origine, 
plus  encore  comme  utilisation. 

(2)  Le  gisement  de  Belbès  à  quelques  kilomètres  d'Aurillac  (V.  carte,  p.  655),  bien 
qu'ayant  fourni  des  silex  assez  nombreux  n'a  qu'un  intérêt  bien  moindre;  les  autres 
gisements  de  Braqueville,  de  Vayrac,  du  Doux  (P.  Marty)   n'ont  aucune  importance. 

(3)  L'amicale  collaboration  de  M.  Pierre  Marty,  dont  on  connaît  les  belles  recher- 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


645 


Tout  d'abord,  l'Oligocène  : 

1"  A  la  base,  au-dessus  de  la  Gère  et  apparaissant  immédiatement 
après  les  alluvions  modernes,  une  argile  sableuse,  rougeàtre 
(Sannoisien)  ; 

2°  Une  couche  de  marne,  de  couleur  claire,  répondant  au  Ton- 
grien  ; 

3°  Calcaire  aquitanien  (supportant  la  route  nationale  N«  126)  ; 
calcaire  blanc,  dans  lequel  abondent  les  fossiles.  Dans  les  échan- 
tillons que  j'ai  rapportés,  j'ai  déterminé  :  Lymnaea  pachygaster, 
Planorbis  cornu ^  etc. 


Fro.  1.  —  Carte  de  la  région  du  puy  de  Boudieu  (carte  au  oO.OOQe,  feuille  d'Aurillac). 
Les   traits  situés  au  dessus   du  mot  «  Boudieu  »  indiquent  la  direction  des   trois 
coupes  que  nous  donnons  plus  loin  (fig.  3,  4,  5). 


Dans  rOligocène,  des  lits  de  silex  assez  abondants  et  formés  de 
blocs  parfois  très  volumineux. 

Au-dessus  de  l'Oligocène  d'origine  sédimentaire,  lacustre,  on 
trouve  le  Miocène  et  le  Pliocène  volcaniques. 

40  Agglomérats  andésitiques  : 

a)  Conglomérat  andésitique  (Boule)  ou  trass. 

b)  Par  places,  reposant  immédiatement  sur  le  calcaire  oligocène, 
des  lambeaux  ou  blocs  de  brèche  andésitique  enclavés  dans  le  trass. 


ches  sur  la  flore  des  cinérites  du  Cantal,  ma  été  parliculièremeut  précieuse.  11  m'a 
laissé  sans  compter  mettre  son  dévouement  à  contribution  et  faire  appel  à  son  iné- 
puisable bonne  volonté.  Qu'il  veuille  bien  me  permettre  de  l'en  remercier  ici. 


646 


D«"  Lucien  MAYET. 


La  distinction  de  l'un  et  de  l'autre  a  ici  peu  d'importance  car  ce 
sont  simplement  deux  faciès  d'une  même  formation  (Boule)  (1). 

0°  Coulée  de  basalte,  intercalée  dans  le  conglomérat  andésitique, 
à  l'extrémité  sud-ouest  du  puy  de  Boudieu.  Ce  lambeau  basaltique 


FiG.  2.  —  Le  puy  de  Boudieu,  vue  de  Caillac  (photographie  de  M.  P.  Marty).  Au 
niveau  du  cadre  du  dessin,  la  Gère;  à  mi-côte,  la  route  nationale n"  126. 

Légende  de  la  coupe  géologique  :  1.  Argiles  rouges  (Sannoisien)  ;  2.  Marnes  (Ton- 
grien)  ;  3  calcaires  et  marnes  (Aquitanien]  avec  bancs  de  silex;  4.  Conglomérat 
andésitique  (Trass)  allant  du  P»)ntien  au  Plaisancien;  5.  Brèche  andésitique  du 
même  âge,  par  lambeaux  dans  le  trass;  a,  sables  pontiens  à  éolithes,  englobés 
dans  le  trass;  b,  coulée  du  basalte  miocène. 


se  rapporte  aux  vestiges  des  éruptions  miocènes  du  Cantal,  vestiges 
que  l'on  retrouve  à  la  périphérie  du  massif  résultant  des  éruptions 
pliocènes  dont  les  déjections  ont  recouvert  la  plus  grande  partie  des 

(1)  On  sait  avec  quelle  autorité  M.  Marcellin  Boule  a  étudié  la  géologie  du  Cantal. 
Ses  deux  ouvrages:  Le  Cantal  miocène  et  la  Géologie  des  environs  d'Aurillac,  doivent 
être  les  livres  de  chevet  de  quiconque  s'occupe  de  cette  régiou. 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


647 


formations  volcaniques  miocènes.  Ce  basalte  miocène  est,  en  cet 
endroit,  très  altéré. 

Ce  qui  est  intéressant  ici,  c'est  de  trouver  en  avant  de  cette  cou- 
lée basaltique,  des  sables  quartzeux  pontiens,  isolés  sur  une  sur- 
face très  réduite,  accumulés  en  hauteur  par  un  redressement  à  peu 
près  vertical,  représentant  des  lambeaux  d'alluvions  miocènes,  ar- 


Coupe  ouost. 


Coupe  médiane. 


Coupe  est. 

FiG.  3,  4  et  5.  —  Trois  conpes  du  puy  de  Boudieu,  ialéressant  les  sables  pontiens  à 
éolithes,  relevées  par  MM.  Pierre  Marty  et  Lucien  Mayet,  1905. 

i.  Oligocène,  calcaire  blanc  caractérisé  par  Lymnœa  Pachygaster,  Planorbis  cornu 
Potamides  Lamarkii  etc.,  avec  lits  de  silex. 

2  et  3.  Allavions  quarizeuses.  Dans  les  deux  coupes  est  et  ouest,  les  lambeaux  d'al- 
luvions englobées  daûs  le  trass  paraissent  sensiblement  horizontaux  ;  la  coupe 
médiane,  répondant  à  la  fouille,  indique  un  amas  sans  stratification  nette.  Dans 
les  uns  et  les  autres  les  silex  prédominent  à  la  partie  inférieure  (2).  La  partie 
supérieure  (3)  comprend  des  graviers  plus  fins. 

4.  Conglomérat  andésiuque  pontien  et  4'  cinérite  rubéfiée  par  le  basalte  (coupe 
médiane^. 

5.  Basalte  plaisancien. 

6.  Brèche  andésitique  par  lambeaux  englobés  dans  le  trass. 

rachés,  emportés,  englobés  dans  le  trass  et  ayant  une  grande  ana- 
logie avec  les  alluvions  du  puy  Courny,  dont  je  parlerai  dans  un 
instant. 

Ces  g:raviers  sont  de  couleur  jaunâtre,  plutôt  foncée  et  rouillée 


648  D--  Lucien  MAYET. 

par  places.  Ils  forment  aux  silex  une  sorte  de  gangue  assez  dure 
lors(ju'on  Faltaquo  par  le  pic,  mais  s'eiïritant  facilement  une  fois 
isolée  et  desséchée.  Les  éléments  de  ces  alluvions  sont  les  suivants: 

a)  Du  sable  quœHzeux  plus  ou  moins  fin,  renfermant  d'innom- 
brables petits  débris  de  cristaux  noirs  d'ampliibole  (dont,  entre 
parenthèses,  on  ne  trouve  pas  trace  au  puy  Courny); 

b)  Du  quartz  roulé,  se  présentant  sous  forme  de  cailloux  arrondis, 
très  blancs,  de  grosseur  variable,  les  pluspetiis  se  confondant  avec 
les  éléments  fins  du  sable,  les  plus  gros  atteignant  le  volume  d'une 
orange  et  plus; 

c)  Silex  :  blocs  d'un  volume  considérable^  entassés  sans  ordre 
et  superposés  pele-mele  dans  la  couche  de  sable;  un  de  ces  blocs, 
péniblement  dégage  par  mes  terrassiers  pesait  approximativement 
plus  de  150  kgr.  Entre  ces  blocs,  des  éléments  plus  petits  :  des 
plaques  de  silex,  des  rognons,  des  morceaux  brisés,  des  éclats,  des 
fragments  divers,  de  formes  extrêmement  variées  —  les  éolithes. 

Je  n'ai  trouvé  aucun  débris  fossile  dans  ces  alluvions  déblayées 
par  nombreux  mètres  cubes,  mais  M.  MaxVerworn  (de  Gôttingen), 
quelques  jours  avant  mes  premières  recherches  de  1903,  y  avait 
découvert  une  dent  (débris  d'une  canine  de?)  et  cette  année, 
M.  Westlake,  un  Anglais  qui  a  passé  de  longs  mois  à  Aurillac  pour 
collectionner  des  éolithes  tertiaires,  m'a  dit  avoir  trouvé  une  dent 
d'Hipparion. 

Les  premiers  éolithes  trouvés  au  puy  de  .Boudieu  auraient  été 
découverts  par  M.  A.  de  Mortillet;  depuis  sont  venus  de  nombreux 
chercheurs  :  M.  Capitan;  mon  savant  collègue  de  la  Société  d'an- 
thropologie de  Berlin,  M.  Klaatsch;  MM.  Verworn  et  Kallius 
(de  Gôttingen);  M.  Westlake  ...  en  dernier  lieu,  M.  Rutot,  qui  a 
passé  quelques  jours  dans  le  Cantal  après  le  Congrès  de  Monaco. 
La  fouille  qu'il  m'a  été  possible  de  pratiquer  grâce  à  l'autorisation 
de  M.  le  maire  d'Yolet,  qui  a  mis  une  grande  bienveillance  à  faci- 
liter mes  recherches,  a  été  l'agrandissement,  poussé  aussi  loin  que. 
possible,  de  la  tranchée  commencée  par  mes  prédécesseurs. 

Ce  qui  m'a  frappé,  au  fur  et  à  mesure  que  s'accomplissait  le  tra- 
vail des  ouvriers,  c'était  l'évidence  de  la  puissance  des  actions  na- 
turelles qui  avaient  ainsi  accumulé  sur  une  hauteur  de  plusieurs 
mètres,  les  blocs  de  silex  dont  je  parlais  il  y  a  un  instant,  et  qui 
avaient  si  complètement  bouleversé,  redressé  les  alluvions  primi- 
tives en  brisant  et  fragmentant  les  silex  plus  petits  ou  plus  minces. 
Aussi,  entre  ces  blocs,  des  éclats  de  toutes  grandeurs,  ayant  presque 


LA  QUESTION  DE  L  HOMME  TERTIAIRE.  649 

tous  quelque  caractère  d'éolithe.  L'an  dernier  j'en  avais  facilement 
rassemblé  un  nombre  considérable;  M.  Verworn  en  avait  em- 
porté plus  d'un  millier;  cette  année,  c'est  par  centaines  que  je  dé- 
gageai ces  débris  de  silex. 

Le  gisement  du  puy  de  Boudieu,  tel  qu'il  est  actuellement 
déblayé,  est  extrêmement  intéressant  parce  qu'il  apparaît  comme 
une  véritable  fabrique  naturelle  d'éolithes. 

Les  pièces  qu'on  pourrait  dire  utilisées,  retouchées,  débitées 
intentionnellement  même,  y  sont  dans  une  très  forte  proportion. 
Beaucoup  ont  des  arêtes  vives  au  point  qu'on  les  croirait  fraîche- 
ment préparées  et  qu'il  m'a  fallu  attendre  pour  certaines  d'entre 
elles,  que  le  séchage  fasse  apparaître  la  patine  caractéristique  afin 
déjuger  si  les  outils  n'avaient  pas  produit  le  débitage  du  silex  en 
l'extrayant  ou  si  celui-ci  avait  bien  été  retiré  intact. 

Toutes  les  objections  possibles,  je  me  les  suis  faites  et,  au  gise- 
ment môme,  il  me  paraît  bien  difficile  d'attribuer  logiquement  ces 
éclats  de  silex  à  une  action  humaine.  Leur  amoncellement  ;  la 
fraîcheur  de  leurs  arêtes  ;  leur  accumulation  avec  des  blocs  de 
toutes  dimensions  ;  la  présence  de  rognons  fragmentés,  mais  non 
encore  disséminés,  les  éclats  étant  maintenus  au  contact  par  la 
gangue  sableuse...  rendent  cette  intervention  humaine  par  trop 
invraisemblable. 

M.  Rutot  a  pu  constater  tout  cela  et  juger  tout  au  moins  qu'il  ne 
fallait  pas  dédaigner  trop  des  actions  naturelles  capables  de  mettre 
en  mouvement  de  tels  blocs  de  silex,  de  brasser  de  telles  alluvions 
en  les  redressant  sur  plusieurs  mètres  de  hauteur. 

Juger  des  pièces  soigneusement  triées  dans  les  casiers  d'une 
collection  et  les  examiner  sur  le  terrain,  mélangées  à  tous  les  autres 
matériaux  du  même  genre,  après  les  avoir  vues  en  place  sur  la 
paroi  de  la  tranchée,  conduit  à  des  interprétations  très  dilTérentes 
des  mêmes  pièces. 

Au  puy  de  Boudieu,  tous  les  blocs,  tous  les  fragments  de  silex, 
tous  les  éclats,  présentent  en  quelque  point,  des  traces  de  choc,  de 
percussion  ou  de  débitage.  Suivant  les  idées  préconçues,  on  trie  et 
on  met  de  côté  certains  d'entre  eux.  Une  série  d'éolithes  est  vite 
constituée  dont  les  éléments  seront  dénommés,  selon  le  genre  de 
vie  qu'on  prête  à  l'Homme  tertiaire  et  l'utilisation  qu'il  est  supposé 
avoir  faite  des  dits  silex  :  niiclei  (fig.  6);  enclumes  pour  les  mor- 
ceaux volumineux  dont  les  bords  ont  eu  particulièrement  à  souffrir 
des  chocs  reçus  (fig.  7)  ;  percuteurs  simples,  pointus,  tranchants 


650  D'  Lucien  MAYET. 

(fig-.  11)  ;  râcloirs  (fig.  8,  9.  iO,  12,  13,  14);  perç.oirs,  s'il  s'agit  de 
pointes  assez  fréquentes  et  qui  me  semblent  tenir  à  un  mode  de 
cassure  facilement  réalisable  de  certains  morceaux  de  silex  à 
vacuoles  (fig.  15,  16);  couteaux,  retouchoirs,  etc..  enfin  pien^es 
de  jet  ipouv  les  morceaux  plus  ou  moins  polyédriques  parce  que 
brisés  assez  régulièrement,  ne  pouvant  rentrer  dans  aucune  autre 
catégorie. 


Fio.  6.  —  Puy  de  Boudieu.  Plaque  Je  silex  avec  éclats  détachés  sur  toutes  ses  faces 
latérales.  L'étude  de  cette  pièce  résume  toute  la  question  des  éolithes  miocènes  du 
Canlal.  Silex  jaune  foncé.  Dimensions  réelles  :  10  cm.  X  13  cm.  (1). 

Certaines  pièces  considérées  isolément  sont  troublantes,  par 
exemple  la  plaque  de  silex  représentée  par  la  figure  6  et  qui  peut 
passer  pour  un  remarquable  nucleus,  de  toute  la  périphérie  duquel 
des  éclats  auraient  été  détachés.  Mais  quand  on  saisit  sur   place 

(1)  Je  n'ai  pas  à  insister  sur  l'extrême  difficulté  d'obtenir  des  photographies  pas- 
sables de  silex  tels  que  ceux  des  alluvions  miocènes  de  la  région  d'Aurillac.  Leur 
patine  très  spéciale,  leur  couleur  foncée  sont  de  sérieux  obstacles.  Le  quadrillage 
de  la  photogravure  détruit  ce  qui  pouvait  rester  de  détails  et  de  demi-teintes..., 
aussi  les  figures  qui  accompagnent  cette  note  ne  donnent-elles  qu'une  idée  très 
incomplète  des  silex  qu'elles  représentent. 

C'est  d'ailleurs  pièces  en  mains  que  doivent  se  discuter  les  questions  relatives  aux 
éolithes  et  les  reproductions  données  ici  l'ont  été  simplement  pour  signaler  l'exis- 
tence de  ces  pièces. 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


651 


toutes  les  transitions  entre  de  telles  pièces  et  le  caillou  indéniable- 
ment le  plus  banal,  on  arrive  à  exprimer  cette  conclusion  que  les 

éolilhes   du  Miocène  des    en- 
«         virons  d'Aurillac  sont  des  mor- 


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FiG.  8.  —  Puy  de  Boudieu.  Silex  noir.  314 
de  grandeur  réelle.  Vu  sur  les  deux 
faces.  CoUectioQ  Ch.  Puech.  Dessin 
de  M.  Rutot  et  désigné  par  lui  «  beau 
grattoir  avec  encoche  et  retouche  la- 
térale pour  la  préhension  ». 


Fio.  9.  —  Puy  de  Boudieu.  Silex  noir. 


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ceaux  de   cailloux    choisis   et 
triés  parmi  d'autres  morceaux 
de  cailloux,  sans  que  l'intervention  du  travail  intentionnel  et  hu- 
main soit  absolument  nécessaire  pour  expliquer  leur  aspect. 


652 


Dr  Lucien  MAYET. 


Mais  puisque  nombre  de  ces  silex  pourraient  facilement  être 
placés  dans  des  séries  de  la  fin  du  Paléolitliique,  c'est  toute  l'in- 
dustrie de  la  pierre  taillée,  que  vous  niez?  m'a-t-il  été  objecté. 

Nullement.  Mais  je  saisis  cette  occasion  pour  affirmer  que  dans 
la  plupart  des  collections,  nombre  de  pièces  devraient  être  enlevées 
qui  n'ont  du  silex  travaillé  par  l'Homme  que  l'apparence  et  qu'elles 
n'y  sont  entrées  que  parce  que  nous  manquons  de  critérium  permet- 
tant de  dire  exactement  :  telle  pièce  a  passé  par  les  mains  de  Thomme, 
telle  autre,  non. 

C'est  pourquoi  je  reproduis  ici  quelques-uns  des  silex  qui  ont  été 


FiG.  10.  —  Puy  de  Boudieu.  Silex 
brun  clair. 


FiG.  11.  —  Puy  de  Boudieu.  Silex  jaune  fon- 
cé, pouvant  être  qualifié  de  «  percuteur». 


recueillis  au  puy  de  Boudieu  —  soit  par  M.  Verworn  qui  a  bien 
voulu  mettre  très  aimablement  à  ma  disposition  quelques-unes  de 
ses  photographies  originales,  soit  par  moi  personnellement  —  lais- 
sant à  chacun  la  liberté  de  les  étiqueter  comme  il  lui  plaira. 

Toute  description  préjugerait  d'une  destination  qu'ils  semblent 
n'avoir  jamais  eue. 

On  m'a  objecté  —  et  c'est  aussi  une  des  premières  objections  que 
je  m'étais  faite  —  la  difficulté  de  débiter  expérimentalement  le 
silex,  à  plus  forte  raison  la  difficulté  de  trouver  réahsées  les  actions 
naturelles  capables  de  le  débiter.  Par  grandes  quantités,  j'ai  brisé 
des  morceaux  de  silex  au  puy  de  Boudieu  et  j'ai  vite  été  à  même  de 
constater  quelle  peine  on  avait  pour  arriver  à  un  débitage  relative- 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


653 


FiG.  12.  — 


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Puy  de  Boudieu.  Éclat  avec  marques  d'utilisatioa  (?)  très  accentuées  sur  l'arête 
tranchante.  (Photographie  communiquée  par  M.  Max  Verworn.) 


Fio.  13.  —  Puy  de  Boudieu.  Éclat  de  moyenne 
grandeur.  (Photographie  de  M.  Verworn.) 


Fia.  15.  —  Puy  de  Boudieu.  Pointe  en 
silex  jaune  brun,  clair. 


FiG,  14.  —  Puy  de  Boudieu. 
Silex  jaune  brun. 


FiG.  16.  —  Puy  de  Boudieu. 
Pointe  silex  noir. 


FiG.  17.  —  Puy  de  Boudieu. 
Silex  noir. 


G54 


D»  Lucien  MAYET. 


ment  satisfaisant.  Mais  encore  une  fois,  je  ne  saisis  pas  bien  l'im- 
possibilité d'admettre  que  les  chocs  des  blocs  du  puy  de  Boudieu 
soient  capables  de  réaliser  ce  que  j'obtenais  avec  mon  percuteur.  On 
dit   bien   aujourd'hui    que  le  conchoïde  de   percussion,   que  les 


FiG.  18.  —  Pièce  présentée  par  M.  Verworn  comme  un  outil  pointu  pour  fendre  ou 
creuser,  obtenu  avec  une  rognure  de  silex  dont  la  pointe  aurait  été  dégagée  de  la 
croûte  au  moyen  de  coups  donnés  dans  une  même  directioD.  Les  silex  ayant  cet 
aspect  ne  sont  pas  très  rares  au  puy  de  Boudieu. 

retouches,  n'ont  pas  de  valeur  absolue  mais  éveillent  simplement 
une  présomption  en  faveur  de  la  taille  intentionnelle  ! 

Je  ferai  remarquer  en  terminant   cette  première  partie,  que  les 
éolithes  sont  simplement  des  éclats  naturels  ou   volontairement 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


655 


détachés,  utilisés  par  l'Homme.  Aucun  critérium  sérieux  ne  permet 
d'affirmer  l'utilisation  de  telle  ou  telle  pièce.  On  conçoit  facilement 
la  complexité  et  les  difficultés  du  problème. 


PUY  COURiVY 


Le  puy  Courny  est  situé  au  sud-est  de  la  ville  d'Aurillac.  C'est 
un  éperon  volcanique  terminant  ici  les  pentes  du  volcan  du  Cantal 
et  dominant  la  très  large  vallée  qui  continue  celles  de  la  Jordanne 
et  de  la  Gère  réunies,  autrement  dit  la  plaine  d'Arpajon. 


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FiG.  19.  —  Carte  dé  la  région  dû  puy  Courny  et  de  Beibès. 
(Carte  au  50.000^  :  feuille  d'Aurillac.) 

La  colline  du  puy  Courny  repose  sur  le  calcaire  oligocène  et 
s'élève  brusquement  par  une  pente  assez  raide  de  la  route  natio- 
nale n°  126  à  un  premier  ressaut  —  le  puy  de  Couëssy,  705  m. 
d'altitude  —  et  de  là,  au  point  culminant,  le  puy  Courny,  763  m. 
d'altitude. 

L'étude  géologique  en  a  été  faite  de  façon  très  détaillée  par 
J.  B.  Rames  (1)  et  par  M.  Boule  (2).  L'un  et  l'autre  en  ont  publié 

(1)  J.-B.  Rames.  La  géologie  du  puy  Courny.  Matériaux  pour  VHisl.  de  l'Homme, 
août  1884. 

(2)  M.  Boule,  Le  Cantal  miocène  {Bull,  du  Service  de  la  Carte  géolog.  de  France)^ 
no  54,  1896. 

Voir  aussi  Ch.  Puech.  Les  silex  tortoniens  du  bassin  d'Aurillac,  in-S»,  32  p.,  1902; 
Ch.  Pubch.  L'état  actuel  de  la  question  de  l'antiquité  de  l'homme.  Aurillac,  1905; 
M.  Charles  Puech,  iDgéuieur  des  Ponts-et-Chaussées  de  l'arrondissement  d'Aurillac, 


656 


Dr  Lucien  MAYET. 


une  coupe.  Celle-ci,  très  simple,  peut  être  facilement  relevée  et 
vérifiée,  les  affleurements  étant  nombreux  (fig.  20). 

A  la  base,  le  Tongrien,  puis  Y Aqintamen  représentés  par  du  cal- 
caire tantôt  compact,  tantôt  feuilleté  (suivant  le  niveau  de  l'assise) 
avec  bancs  de  silex  intercalés  à  différentes  hauteurs.  Les  fossiles 
d'eau  saumâtre,  puis  d'eau  douce  sont  d'une  extrême  abondance 
dans  ces  couches  du  calcaire  aquitanien.  On  n'y  a  encore  rencon- 
tré aucun  débris  de  vertébré. 


Pu  y  Courny.  Puy  de  Couëssy.    Fouille. 


Route  nat.  n"  126. 


Fio.  20.  —  Coupe  du  puy  Courny,  d'après  Rames  et  Ch.  Puech. 
1  et  2.  Marnes  et  calcaire  oligocènes;  3.  Basalte  miocène  ;  4.  Alluvions  quartzeusesà 
éolithes   et  basalte  supérieur;   5.    Conglomérat   andésilique;   cinérite   à  la  partie 
supérieure. 


Au-dessus  du  calcaire,  une  épaisse  coulée  de  basalle  à  cristaux 
d'olivine  très  apparents,  que  sa  dureté  permet  d'exploiter  pour 
l'entretien  des  routes  et  dans  laquelle  est  ouverte  l'importante 
carrière  de  Couëssy.  Ce  basalte  provient  des  premières  manifesta- 
tions volcaniques  qui  se  sont  produites  dans  le  Plateau  central  à 
l'époque  miocène. 

La  partie  supérieure  du  basalte  est  altérée,  transformée  en  une 
sorte  d'argile  rouge  (au  niveau  de  la  fouille,  que  j'ai  pratiquée  tout 
au  moins)  sur  laquelle  repose  la  formation  alluviale  de  sables  dans 
lesquels  on  trouve  les  éolithes. 

Ces  alluvions  sont  recouvertes  par  une  coulée  de  basalte  égale- 
ment miocène,  mais  très  altérée. 

a  pour  le  gisement  du  puy  Couruy  une  tendresse  toute  paternelle  et  l'entoure  de 
soins  vigilants. 

Comme  mes  prédécesseurs  j'ai  usé  et  abusé  de  Texlrême  amabilité  de  M.  Puech  : 
il  peut  être  assuré  de  toute  ma  gratitude  pour  son  amical  concours. 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE.  657 

Il  y  a  eu  là  une  véritable  dislocation  du  Miocène,  probablement 
par  des  phénomènes  éruptifs  locaux. 

Enfin,  sur  une  hauteur  de  55  à  60  m.,  se  sont  accumulés  des 
produits  volcaniques  andésitiques  et  des  cinérites,  provenant  des 
éruptions  pliocènes  du  Cantal. 

Une  grande  partie  de  Tintérêt  présenté  par  les  sables  du  puy 
Courny  tient  à  ce  fait  que  je  viens  de  signaler;  leur  inclusion  dans 
une  formation  basaltique,  et  à  la  présence  de  débris  de  Mammifères 
fossiles.  Ils  sont  parfaitement  datés  et  il  ne  saurait  y  avoir  de  dis- 
cussion sur  l'âg-e  des  silex  qu'ils  renferment. 

Aussi  le  puy  Courny  est-il  un  nom  classique,  constamment  cité 
en  préhistoire,  depuis  le  moment  où  J.-B.  Rames,  le  savant  phar- 
macien-géologue d'Aurillac,  qui  a  tant  fait  pour  la  connaissance 
du  grand  volcan  français,  présenta  les  silex  taillés  qu'il  avait  décou- 
verts dans  les  graviers  pontiens  d'abord  en  1869,  puis  à  diverses 
reprises,  notamment  en  1878. 

Souvent  le  gisement  fut  fouillé,  mais,  en  réalité  aucune  recherche 
bien  importante  n'y  a  été  faite.  Cela  tient  aux  difficultés  considé- 
rables qu'on  ne  tarde  pas  à  éprouver  dès  qu'on  essaye  de  prati- 
quer une  fouille  un  peu  étendue,  du  fait  de  la  profondeur  à  laquelle 
se  trouve  la  couche  d'alluvions,  de  la  faible  épaisseur  des  sables 
quartzeux  à  éolithes,  épaisseur  qui  ne  dépasse  guère  0,10  centi- 
mètres, du  peu  de  solidité  de  la  coulée  basaltique  formant  le  toit 
de  la  fouille,  etc. 

La  plupart  de  mes  prédécesseurs  se  sont  bornés  à  retirer  une 
petite  quantité  de  cette  couche  de  sables  quartzeux,  ils  ont  mis  au 
jour  quelques  silex  et...  sont  partis.  Le  D''  Klaatsch  (1)  et 
M.  Puech,  le  D""  Capitan  ont  fait  des  recherches  plus  sérieuses. 
Personnellement,  j'ai  fait  déblayer  aussi  largement  qu'il  m'a  été 
possible  le  basalte  et  les  alluvions  recouvrant  les  sables  à  éolithes. 
Il  m'a  été  possible  d'extraire  une  assez  grande  quantité  de  sables 
et  de  graviers  desquels  j'ai  retiré  près  de  150  morceaux  de  silex. 

Un  petit  nombre  seulement  peut  être  présenté  comme  éolithes. 
La  grande  majorité  consiste  en  éclats,  débris,  rognons  intacts,  deux 
ou  trois  ((  enclumes  »  c'est-à-dire  fragments  aplatis,  plus  volu- 
mineux, avec  cassures  sur  la  tranche  comme  si  des  lames  de  débi- 
tage  avaient  été  enlevées  ou  comme  s'ils  avaient  subi  un  véritable 
martelage  de  leur  arête. 

(1)  Cf.  H.  Klaatsch.  Résultats  d'un  voyage  d'études  anthropologiques  et  paléonto- 
logiques  en  Allemagne,  en  France,  en  Belgique.  Zeitschrift  f.  Ethnologie,  i9Q2,  n°  1. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  42 


658 


Dr  Lucien  MAYET. 


Tous  ces  silex  sont  notablement  roules  et,  en  général,  sensible- 
ment plus  petits  que  ceux  du  puy  de  Boudieu.  Ils  viennent  donc 
d'assez  loin. 

Les  recherches,  qu'avec  l'appui  de  l'Association  Française  pour 
TAvancement  des  sciences  j'ai  pu  mener  à  bien,  m  ont  permis  d'étu- 
dier :  la  coupe  des  alluvions  miocènes  du  puy  Courny  et  les  silex 
présentés  comme  utilisés  par  l'Homme. 

J'ai  relevé  aussi  exactement  que  possible  la  coupe  mise  à  décou- 
vert et  la  figure  21  la  résume. 


Terre  végétale. 


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Basalte. 


Sables  argileux,  0^,30  à  8'",40, 


Sable  très  fin,  sans  fossiles  ni  silex,  de  couleur  gris  clair 
presque  blanc,  0™,50  à  û^jôG. 

Sables  quartzeux  fossilifère  à  éolithes,  à  éléments  plus 
ou  moins  volumineux  :  graviers  de  quartz  roulés,  blanc 
ou  rose,  du  volume  d'une  tète  d'épingle  à  celui  du 
poing,  Oni,10  d'épaisseur  moyenne. 

Argile  rouge  foncé  séparant  les  alluvions  du  basalte  in- 
férieur. 


FiG.  21.  —  Coupe  de  la  fouille  faite  par  le  D^  L.  Mayet,  juillet  1906. 


La  base  des  alluvions  est  formée  par  une  argile  de  couleur  rou- 
geâtre  sur  laquelle  reposent  les  sables  quartzeux. 

Ceux-ci  proviennent  d'un  des  nombreux  cours  d'eau  qui  exis- 
taient dans  cette  région  sud  du  Massif  central  de  la  France  à  l'époque 
miocène  supérieure. 

La  portion  inférieure,  épaisse  de  quelques  centimètres  —  dix  en 
moyenne  —  est  constituée  par  des  graviers  dont  les  éléments  sont 
du  quartz  blanc,  ou  rose,  ou  translucide,  se  présentant  sous  forme 
de  petits  cailloux,  dont  les  plus  gros  atteignent  le  volume  d'une 
mandarine  (ces  cailloux  de  quartz  sont  très  roulés,  arrondis)  ;  du 
mica  blanc,  du  feldspath  ;  une  sorte  de  ciment  argileux  de  couleur 
jaune  rouille;  enfin  des  silex  sur  lesquels  je  vais  avoir  à  revenir. 

La  portion  la  plus  épaisse  de  la  couche  —  un  mètre  environ  — 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE.  6d9 

est  formée  de  sable  très  fin,  blanc  sans  stratification  bien  nette,  mais 
coupé  par  d'étroites  bandes  légèrement  colorées  de  jaune  rouille. 
La  partie  supérieure  de  cette  zone  sableuse  est  très  argileuse. 

Je  n'insiste  pas  sur  le  basalte  et  sur  la  terre  végétale  qui  recou- 
vrent les  sables. 

Les  débris  d'ossements  fossiles  ont  toujours  été  trouvés  dans  la 
couche  des  graviers  quartzeux  de  la  base. 

Ces  quelques  débris  fossiles  ont  été  décbuverts  par  Mailhe,  Rames, 
Ghibret  (d'Aurillac)  et  L.  Mayet  (de  Lyon).  Ils  datent  les  sables 
quartzeux  du  puy  Gourny  de  façon  précise. 

M.  Boule  a  donné  la  description  et  la  photographie  de  ceux  exis- 
tant  au  Muséum  de  Paris  et  au  musée  Rames,  à  Aurillac  (1).  J'y 
ajouterai  ceux  qui  sont  dans  les  vitrines  du  Muséum  d'Histoire  natu- 
relle de  Lyon  et  une  volumineuse  molaire 
à' Hipparion  gracile  que  j'ai  eu  la  bonne 
fortune  de  découvrir  au  cours  de  ma  ré- 
cente fouille  du  puy  Gourny  \2)  : 

Dinotherium  giganteiim,  Kaup.  M.  Boule 
figure  une  deuxième  molaire  supérieure 
gauche,  une  deuxième  et  troisième  mo-    Fig.  22.  —  Puy  Courny.  Mo- 

I    .  •    nr   •  1      -,  .  I  >    1  XdÀve  à' Ripparion  gracile. 

laires  mferieures  droites  appartenant  a  la      ^^^  ,^^  ^.^^^^  ^^^^^  ^^ 
ville  d'Aurillac.  Lyon. 

Le  Muséum  de  Lyon  possède  un  frag- 
ment de  quatrième  molaire  inférieure  droite  de  taille  moyenne. 

Mastodon  longirostris,  Kaup.  Plusieurs  fragments,  malheureuse- 
ment très  mutilés,  sont  au  musée  Rames.  M.  Boule  figure  un  de  ces 
fragments.  C'est  la  partie  antéro-externe  d'une  arrière-molaire. 

Rhinocéros  Schieiermacheriy  Kaup.  M.  Boule  donne  la  photogra- 
phie d'un  fragment  d'incisive  droite  et  d'une  molaire  inférieure.  A 
Lyon,  un  fragment  d'incisive  que  je  n'ai  pas  cru  devoir  photogra- 
phier. 

Hipparion  gracile,  Kaup.  X  la  ville  d'Aurillac,  une  dernière  mo- 
laire supérieure  gauche.  A  Lyon,  un  fragment  de  molaire  supé- 
rieure (fig.  22);  une  deuxième  molaire  supérieure  gauche  (fig.  23); 
une  molaire  supérieure  gauche,  que  j'ai  découverte  en  juillet  1906 
(fig.  24)  et  qui  est  remarquable  par  son  volume. 


(1)  M.  Boule.  Le  Cantal  iriocène. 

(2)  Les  pièces  du  Muséum  de  Lyou  sout  étiquetées  :  Hoc  de  Coudssy,  près  Le  Barra, 
Aurillac. 


660 


Dr  Lucien  MAYET 


Dicroceriisl  Une  molaire  inférieure  droite  de  Cervide  placée  sous 
cette  étiquette  est  au  Muséum  de  Lyon.  Mais  cette  détermination 
me  paraît  très  douteuse  et  le  fragment  en  question  (fig.  25)  serait 
plus  exactement  rapporté  à  Tragocerus  amaltheus,  Wagner,  sp, 
dont  M.  Boule  figure  une  astragale  du  musée  d'Aurillac. 

Cerviis,  sp.  Une  prémolaire  photographiée  par  M-  Boule  fait  par- 


F;^>^A 


Fig.  23.  —  Puy  Courny. 
Molaire  (VHipparion  gra- 
cile. Muséum  d'Hist.  n. 
de  Lyon. 


Fig.  24.  —  Puy  Courny. 
Molaire  d  '  Hipparion 
gracile.H^  Lucien  Mayet. 


Fig.  25.  —  Puy  Courny. 
Molaire  de  Tragocerus 
amaltheus .  Muséum 
d'Hist.  n.  de  Lyon. 


tie  de  la  collection  d'Aurillac.  A  Lyon,  un  fragment  de  bois  d'un 
petit  Cervidé,  sans  intérêt. 

Gazella  deperdita^  Gervais.  Astragale  au  musée  d'Aurillac,  figu- 
rée par  M.  Boule. 

Il  y  a  trois  ans,  M.  Klaatsch  (d'Heidelberg),  dans  la  fouille  relati- 
vement importante  qu'il  a  faite,  aurait  trouvé  un  fragment  de  dent 
(probablement  d'une  molaire  de  Rhinocéros)  et  un  petit  fragment 
de  côte  d'un  animal  de  taille  moyenne  (Hipparion?).  M.  Puech  a 
également  trouvé  un  petit  fragment  de  côte,  qu'il  possède  encore 
actuellement. 

Les  fragments  de  silex  existant  dans  les  sables  quartzeux  du 
puy  Courny  ont  tous  une  couleur  foncée,  une  patine  profonde  et 
brillante  de  couleur  noire,  chocolat^  bistre  foncé,  rouge  vif,  acajou, 
jaune  sombre...  Quelques  plaques  volumineuses  offrent  la  même 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


661 


patine  que  les  petits  fragments  et  portent  sur  leurs  bords,  la  trace 
de  chocs  qui  ont  enlevé  des  éclats  de  toutes  dimensions  (Puech). 
Certains  fragments  sont  profondément  altérés  et  sont  devenus  blancs 
en  même  temps  que  leur  densité  est  très  diminuée. 

J'ai  dit  que  ces  silex  étaient  tous  plus  ou  moins  roulés,  et  que  cela 
indiquait  très  vraisemblablement  une  origine  assez  lointaine.  Ils  dif- 
fèrent profondément  par  ce  caractère  des  siJex  du  puy  de  Boudieu, 
pour  la  plupart  nés  sur  place.  Ils  en 
diffèrent  encore  par  leur  taille  qui  est 
plus  petite.  Je  n'insiste  pas  sur  la  des- 
cription détaillée  des  éolithes  du  puy 
Courny,  renvoyant  aux  publications 
des  auteurs  qui  en  ont  parlé  avant 
moi  et  surtout  au  travail  récent  de 
M.  Max  Verworn  (1)  qui  leur  a  con- 
sacré de  longues  pages  et  en  a  donné 
de  très  belles  figures. 

Les  photographies  que  je  repro- 
duis ici  —  malgré  l'extrême  difficulté 
de  photographier  bien  de  tels  silex  et 
parce  que  le  dessin  même  le  plus 
remarquablement  fait  interprète  trop 
le  silex  —  permettront,  je  l'espère, 
de  se  rendre  compte  des  éolithes  du 
puy  Courny,  comme  de  ceux  du  puy 
de  Boudieu. 

J'insisterai  seulement  sur  ce  point  que  Rames  avait  cru  remar- 
quer et  qui  a  été  répété  de  confiance  après  lui,  d'une  sorte  de  triage 
intelligent  des  silex  de  la  couche  de  sable  quartzeux,  provenant, 
toujours  suivant  l'idée  de  Rames,  du  calcaire  aquitanien  immédia- 
tement sous-jacent.  Tout  récemment,  je  relisais  sa  très  belle  étude 
de  la  Géologie  du  Piiy -Courny  et  voici  ce  qu'il  a  écrit  :  «  Tous  ces 
fragments  de  silex  ont  une  patine  brillante  noire,  bistre  foncée,  plus 
rarement  jaune  sombre.  Ils  appartiennent  absolument  tous  aux 
deux  plus  belles  variétés  de  silex  corné  et  pyromaque  ;  ceci  est  un 
fait  très  extraordinaire  vu  le  grand  nombre  de  variétés  offertes  par 


FiG.  26.  —  Puy  Courny.  Silex  noir. 

Grandeur  réelle.  (Collection  de 

M.  Gh.  Puech.) 


(1)  Max  Verworn.  Die  archaeolithische  Kultur  in  den  Ilipparionsschichten  von 
Aurillac  (Cantal),  Abliandl.  d.  K  on.  Gesellschaft  der  Wissenschaflen  Gôtlingen,  60  p. 
in-40,  nombreuses  figures. 


662 


D"-  Ll'cif.n  MAYET. 


les  bancs  de  silex  (corné,  pyromaquc,  résinite,  jaspoïde,  ménilite) 
que  nous  avons  sip^naii'  dans  TAquitanien...  Si  ces  deux  variétés  se 
trouvent  seules  dans  leTortonien,  c'est  qu'elles  étaient  plus  dures, 
plus  faciles  à  tailler  et  les  seules  jugées  propres  à  être  mises  en 
œuvre  ». 

Cela  n'est  malheureusement  qu'une  simple  hypothèse.  D'où 
viennent  ces  silex  ?  quelles  variétés  existent  à  leur  lieu  d'origine?.. 
nous  l'ignorons  absolument  et  nous  ne  le  saurons  probablement 


FiG.  27.  —  Puy  Gourny.  Silex  de  la  figure  26,  vu  de  face,  de  profil,  de  dos.  Dessin 
de  M.Rutot,  aux  3/4.  Pour  lui,  «  racloir-pointe  très  bien  travaillé  et  retouché  ». 


jamais  puisqu'il  ne  s'agit  ici  que  de  lambeaux  respectés  par  les 
phénomènes  volcaniques  et  par  les  puissantes  érosions  qui  ont 
découpé  la  masse  du  Cantal. 

On  s'explique  mal  aussi  la  présence  naturelle  de  ces  morceaux  de 
silex  dans  les  alluvions  miocènes.  Je  remarquerai  que  sans  doute 
leur  présence  est  assez  anormale  mais  qu'elle  n'implique  nullement 
l'intervention  de  l'homme.  Comment  se  sont  formées  ces  alluvions  ? 
pourquoi  après  les  graviers  relativement  grossiers,  formés  de 
quartz  roules,  se  sont  déposés  des  sables  d'une  très  grande  finesse 
et  formant  une  couche  épaisse?  Pourquoi  ces  sables  fins  ne  se 
retrouvent-ils  pas  avec  les  mêmes  caractères  de  stratification  et  de 
composition  minéralogiques  au  puy  de  Boudieu  appartenant  à  la 
même  formation?  Pourquoi  rencontre-t-on  toujours  des  silex  abon- 
dants dans  les  lambeaux  relativement  éloignés  les  uns  des  autres 
de  Belbès,  puy  de  Boudieu,  puy  Courny  et  pourquoi  pas  de  silex 
dans  d'autres  alluvions  identiques  et  de  même  âge  affleurant  en 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


663 


d'autres  points?...  autant  de  questions  auxquelles  on  peut  répondre 
dans  tel  ou  tel  sens  sans  apporter  d'éclaircissements  notables  à  ce 
P  roblème  obscur  de  l'utilisation  humaine  des  silex  miocènes  de  la 
région  d'Aurillac. 

Je  termine  ce  rapide  exposé  par  quelques  réflexions  qui  viennent 
naturellement  à  l'esprit  en  étudiant  ces  silex. 

Une  des  marques   les    plus   sûres    de    Tutilisation    —  d'après 


FiG.  28.  —  Puy  Courny.    Fig.  29.  —  Pay  Courny.  Silex    Fig.  30.  —  Puy  Courny. 


Silex  brun.  «  Petit  per- 
çoir  bien  travaillé  »  vu 
sur  les  deux  faces. 
Dessin  de  M.Rutot  3/4. 
(Coll.  de  M.  Puech.) 


brun.  Dessin  de  M.  Rutot, 
3/4, avec  cette  légende: beau 
grattoir,  bien  retouché,  avec 
deux  encoches  latérales  pour 
la  préhension.  (CoUect.  de 
M.  Puech.) 


Silex  en  pointe. 


M.  Rutot  —  est  l'accumulation  des  retouches  d'avivage  :  le  tran- 
chant d'un  grattoir  ou  d'un  instrument  quelconque,  ébréché  par 
Tusage  était  avivé  par  une  série  de  retouches,  c'est-à-dire  de  petites 
esquilles  détachées  par  le  choc  d'un  autre  silex,  le  retouchoir.  Par 
accumulation  des  retouches  l'angle  aigu  de  Tarète  devenait  de  plus 
en  plus  droit,  puis  obtus  même.  Gela  est  parfaitement  imaginé  et 
c'est  aujourd'hui  un  bon  procédé  de  fabrication  artificielle  des 
éolithes  que  de  procéder  ainsi.  Mais  alors  nous  ne  sommes  plus  en 
présence  d'éclats  simplement  utilisés,  mais  bien  de  silex  taillés 


6H4  D'  LuciBN  MAYET. 

très  bien  taillés  parfois,  encore  que  certains  esprits  chagrins  com- 
prennent mal  pour(juoi  il  était  juge  préférable  d'arrondir  un  tran- 
chant pour  l'améliorer  et  lui  permettre  de  mieux  couper.  Cette 
technique  d'utilisation  du  silex  et  bien  d'autres  intentions  prêtées 
aux  hommes  éolithiques  apparaît  comme  un  pur  roman.  La  dé- 
monstration qu'en  donne  très  aimablement  M.  Rutot  aux  visiteurs 
auxquels  il  présente  ses  «  plateaux  de  Saint-Thomas  »  m'a  paru 
absolument  factice.  Je  le  dis  ici  en  toute  sincérité,  sans  aucune  idée 
d'hostilité  vis-à-vis  de  M.  Rutot,  pour  qui  j'ai  la  plus  vive  sympathie 
et  dont  j'admire  profondément  les  conceptions  véritablement  origi- 
nales. On  peut  ne  pas  partager  toutes  ses  idées,  on  ne  peut  nier 
le  profond  sillon  qu'il  a  tracé,  les  discussions  utiles  qu'il  a  pro- 


FiG.  31.  —  Puy  Gourny.  Fig.  32.  —  Puy  Courny.  Silex  brun  clair. 

voquées.  M.  Rutot  a  jusqu'ici  joué  en  préhistoire  le  rôle  de  Lom- 
broso  en  anthropologie  criminelle  :  les  conceptions  du  maître  de 
Turin  sont  combattues  de  tous  côtés,  la  plus  grande  partie  de  sa 
doctrine  s'est  effondrée  à  peine  élevée,  on  ne  saurait  nier  la  gran- 
deur du  mouvement  d'idées  qu'il  a  provoqué  et  les  effets  heureux 
qui  en  ont  été  la  conséquence. 

On  ne  saurait  nier  l'emploi  par  l'homme  de  certains  éolithes.  Ils 
étaient  connus  bien  avant  les  travaux  de  l'École  belge,  mais  nul  ne 
s'en  préoccupait.  C'est  en  exagérant  leur  importance,  que  M.  Rutot 
les  a  fait  discuter  et  étudier  scientifiquement. 

A  ce  propos  je  crois  utile  de  signaler  l'opposition  qu'il  y  a  entre 
les  silex  miocènes  du  Cantal  et  la  base  même  de  la  doctrine  des 
éolithes  : 

«  L''industrie  éolithique  —  primitive,  rudimentaire  —  est  basée 
sur  l'utilisation  directe,  pure  et  simple,  du  silex  sous  les  formes 
naturelles  dans  lesquelles  il  se  rencontre.  »  (Rutot.) 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE. 


665 


Tout  le  monde  est  bien  d'accord,  je  crois,  pour  dire  avec  M.  Ver- 
worn,  que  la  pierre  est  employée  telle  que  l'offre  la  nature,  sans  la 
moindre  culture  artificielle  et  les  instruments  sont  seulement 
reconnaissables  aux  traces  laissées  par  leur  emploi  (émoussage  de 
l'arête,  retouche,  accommodation,  dit  M.  Rutot). 

Et  comme  type  de  cette  industrie  tout  à  fait  rudimentaire  prove- 
nant du  plus  ancien  gisement,  celui  du  puy  Courny  dont  la  faune  s'est 
trouvée  profondément  renouvelée  jusqu'aux  temps  pléistocènes, 
M.  Rutot  lui-même  présente  «  des  pointes  très  bien  travaillées.,,  des 
polyèdres  obtenus  par  enlèvement  intentionnel  d éclats  (c'est-à-dire 


FiG.  33.  —  Puy  Courny.  Grand 
Grattoir  bien  accommodé. Silex 
brun  foncé.  (CoL  de  M.  Puech. 
Dessin  de  A.  Rutot,  3/4). 


Fio.  34.  Puy  Courny. 


taillés)...  ces  polyèdres  ressemblent  absolument  à  d'autres,  moins 
anciens,  considérés  généralement  comme  des  projectiles  à  main 
ou  pierres  de  jet  ». 

Ainsi,  non  seulement  l'industrie  éolithique  dès  son  extrême  début 
présente  des  pièces  taillées  remarquablement  (cf.  fig.  27),  mais  cer- 
tains silex  étaient  même  taillés  pour  être  lancés  comme  projectiles  ! 

L'examen  de  ces  pièces  au  gisement  même  et  leur  comparaison 
avec  les  divers  débris  découverts  font  justice  de  ces  hypothèses  fan- 
taisistes. Les  pierres  de  jet  du  Cantal  sont  simplement  des  débris 
de  petits  nodules  de  silex  et  les  pointes  finement  taillées  et  retou- 
chées (fig.  27  et  28)  sont  un  mode  particulier  assez  fréquent  de  frag- 
mentation de  morceaux  de  silex  à  vacuoles. 


666 


Dr  Lucien  MAYET. 


Rien  n'est  plus  artificiel  que  l'attribution  dune  localisation  des 
traces  (rutilisation  sur  telle  ou  telle  arête  du  silex.  Je  parle  bien 
entendu  exclusivement  des  éolithes  du  Miocène  cantalien.  Toutes 
les  arêtes  présentent  ces  esquillements  plus  ou  moins  marqués. 
Les  unes,  un  ou  deux  à  peine  et  le  silex  apparaît  comme  s'il  venait 
d'être  brisé;  d'autres,  en  ont  au  contraire  une  succession  ininter- 
rompue sur  toutes  leurs  arêtes. 

M.  Rutot  admet  de  façon  toute  théorique  que  Tensemble  du  tra- 
vail manuel  humain  peut  se  résumer  en  cinq  opérations  qui  sont  : 
frapper,  couper,  racler,  gratter  et  percer.  D'après  cette  idée  pré- 
conçue, les  éolithes  sont  triés  parmi  les  éclats  qui  paraissent,  à 
l'heure  actuelle,  réaliser  le  mieux  les  actes  précédents.   Les  blocs 


FiG.  35.  —  Puy  Courny. 


FiG.  36.  —  Puy  Courny. 
Silex  noir. 


trop  volumineux  pour  prendre  place  parmi  les  nuclei,  lames  tran- 
chantes, racloirs,  grattoirs,  perçoirs,  pierres  de  jet,  deviennent 
enclumes  et...,  à  peu  près  tous  les  silex  éraillés,  brisés  peuvent  être 
considérés  comme  éolithes  miocènes. 

Comme  le  plan  de  frappe  et  le  conchoïde  de  percussion,  si  chers 
à  G.  de  Mortillet,  sont  chose  banale  et  se  rencontrent  sur  un  grand 
nombre  de  silex  brisés  par  des  actions  mécaniques  quelconques, 
toute  l'argumentation  en  faveur  de  l'utilisation  des  silex  miocènes 
du  Cantal  se  réduit  à  la  présence  d'encoches,  de  retouches,  à  des 
traces  de  martelage.  Or  cette  base  est  bien  fragile  pour  affirmer 
l'existence  de  l'homme  tertiaire,  alors  surtout  que  presque  tous  les 
silex  du  gisement  du  puy  de  Boudieu,  présentent  plus  ou  moins 


LA  QUESTION  DE  L'HOMME  TERTIAIRE.  667 

ces  marques  el  qu'il  serait  plus  difficile  d'y  récolter  des  silex  intacts 
que  des  éolithes. 


CONCLUSIONS 

Je  terminerai  cette  courte  note,  résumant  mon  étude  de  la  ques- 
tion des  éolithes  du  Miocène  supérieur  du  Cantal,  par  les  conclu- 
sions suivantes  : 

I.  —  Les  sables  pontiens  à  Hipparioit  gracile  de  la  région  d'Au- 
rillac  sont  bien  datés  par  leurs  débris  fossiles.  Ils  renferment  en 
assez  grande  abondance  des  silex  dont  un  certain  nombre  ont  tous 
les  caractères  des  éolithes  et  sont  présentés  comme  tels  par  M.  Rutot 
lui-même. 

II.  —  L'étude  du  gisement  du  puy  de  Boudieu  montre  que  les 
actions  naturelles  très  intenses  qui  ont  remué  les  sables  et  les  silex 
en  ce  point,  ont  parfaitement  pu  suffire  à  produire  les  éolithes,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  de  faire  intervenir  l'industrie  humaine. 

III.  —  Les  éolithes  du  puy  Courny  ont  été  roulés  par  les  eaux 
probablement  sur  une  assez  grande  distance  et  diffèrent  sensible- 
ment de  ceux  du  puy  de  Boudieu.  Ils  ont  été  vraisemblablement 
produits  par  les  mêmes  actions  naturelles. 

IV.  —  On  ne  peut  préciser  celles  des  actions  naturelles  —  agents 
atmosphériques,  variations  de  température,  eaux  torrentielles, 
tassement  des  couches  géologiques  et  certainement  bien  d'autres 
que  nous  ignorons  —  qui  ont  joué  un  rôle  prépondérant  dans  la 
production  des  éolithes  du  Cantal. 

V.  —  Sans  préjuger  de  l'origine  et  de  la  valeur  en  tant  que  docu- 
ments humains  des  éohthes  belges,  anglais,  etc.,  que  M.  Rutot  a 
réunis  et  dont  il  a  su  tirer  un  si  remarquable  parti  pour  ses  démons- 
trations, on  ne  peut  arguer  de  leur  analogie  avec  ceux  du  Cantal 
pour  attribuer  ceux-ci  à  l'intervention  intelligente  de  l'homme. 

Les  éolithes  des  alluvions  miocènes  des  environs  d'Aurillac  ne 
peuvent  être  invoqués  jusqu'à  plus  ample  informé  comme  une 
preuve  décisive  de  l'existence  de  l'homme  sur  le  sol  de  l'Europe 
occidentale  en  pleine  période  tertiaire. 

Ces  conclusions  sont  le  résultat  de  recherches  faites  sans  aucune 
idée  préconçue  et  je  serai  le  premier  à  ne  plus  les  défendre  lors- 


668  t)r  Lucien  MAYET. 

qu'une  démonstration  meilleure  ou  la  découverte  de  pièces  plus 
probantes,  aura  indiqué  Terreur  de  l'interprétation  que  je  viens 
de  donner  des  gisements  du  puy  de  Boudieu,  du  puy  Gourny, 
ainsi  que  des  silex  qu'on  peut  y  recueillir. 

JSote  de  la  Direction.  —  Je  rappellerai  que  V Anthropologie  est  une  tribune 
libre,  où  toutes  les  opinions  scientifiques  peuvent  être  exposées,  sans  qu'elles 
soient  le  moins  du  monde  partagées  par  la  Direction  de  la  Revue.  Cette  décla- 
ration me  paraît  utile  à  propos  d'un  travail  qui  porte  sur  des  gisements  que  je 
connais  et  que  j'étudie  depuis  mon  enfance,  car  je  ne  saurais  souscrire  à  toutes 
les  considérations  de  l'auteur,  surtout  au  point  de  vue  géologique.  Ceci  dit,  et 
cela  n'enlève  rien  aux  mérites  d'un  travail  sur  des  éolithes,]e  ne  puis  que  re- 
mercier M.  le  Dr  Mayet  d'avoir  tenu  à  donner  aux  lecteurs  de  U Anthropologie  la 
primeur  de  son  intéressant  mémoire. 

M.  Boule. 


RECHERCHES  ARCHÉOLOGIQUES 

DANS   LE   SOUDAN 


PAR    LE 


D-^  DECORSE  (1 


J'ai  mis  à  profit  mon  passage  à  travers  le  Sahel  pour  recher- 
cher, autant  que  je  l'ai  pu,  des  matériaux  préhistoriques.  Je  n'ai 
sans  doute  pas  fait  d'observations  bien  remarquables;  mais  telles 
qu'elles  sont,  je  vous  les  envoie,  espérant  qu'elles  contribueront  à 
élucider  cette  question  si  captivante. 

Mes  échantillons  comprennent  toute  une  série  de  pièces  ayant 
entre  elles  la  plus  grande  analogie.  Ce  qui  peut  être  intéressant, 
c'est  la  variété  des  localités  d'oii  elles  proviennent.  En  m'aidant 
des  renseignements  extirpés  à  grand'peine  aux  indigènes,  il  me 
paraît  possible  de  dire  que  ces  matériaux  deviennent  de  plus  en 
plus  rares  à  mesure  qu'on  s'avance  vers  le  Sud.  Dans  le  Nord,  au 
contraire^  les  indigènes  —  et  surtout  les  Maures  nomades  —  signalent 
des  gisements  plus  abondants  qui  doivent  être  en  rapport  avec  les 
gisements  sahariens  et  ceux  de  l'Erg. 

Leur  dispersion  semble  limitée  par  une  courbe  qui,  partant  du 
Sénégal,  s'infléchit  vers  le  Nord  et  l'Est  pour  gagner  la  vaste 
cuvette  d'épandage  du  Niger. 

Cette  courbe  suit  d'une  façon  remarquablement  exacte  la  ligne 
d'eau  qui,  du  marigot  de  Khoullou,  remonte  vers  le  Nord  en  lon- 
geant la  région  des  mares  :  Ngaké,  Toïa  oii  existent  des  grottes, 
Oummou  etc.  Les  récentes  découvertes  dont  mon  ami  de  Zeltner 
m'a  fait  part  contirment  cette  opinion.  De  là,  cette  limite  s'étend 
vers  l'Est  par  Nioro,  par  les  régions  accidentées  du  Haut-Kolim- 
biné;  —  contourne  au  nord  Goumbou  et  Sokolo,  englobe  Nampala; 
—  puis  gagne  la  ligne  des  lacs  à  Léré;  —  et  s'étale  largement  sur 
les  plateaux  rocheux  où  sont  creusées  les  cuvettes  de  Tenda,  Haro, 
Takadji,  Gawàti,  Fati  et  du  Faguibine. 

Le  petit  croquis  ci-joint  vous  permettra  de  reconnaître  approxi- 

(1)  Extrait  d'une  lettre  à  M.  le  Professeur  Hamy. 

l'anthropologie.   —   T.  XVII.  —  1906. 


670     l)r  DEGORSE. 

mativement  cette 
zone  de  répartition. 
Vous  pourrez  égale- 
ment constater  pres- 
que partout  la  co- 
existence de  l'eau  et 
des  hauteurs  rocail- 
leuses d'où  les  maté- 
riaux bruts  étaient 
tirés. 

Au  point  de  vue 
géologique,  j'ai  cru 
remarquer  qu'aux 
environs  de  Nioro 
les  roches  sont 
principalement  des 
schistes  ardoisiers 
dont  la  consistance 
deviendrait  plus  den- 
se, moins  fîssible, 
à  mesure  qu'on  s'ap- 
proche de  Goum- 
bou.  Les  grès,  au 
contraire  ,  moins 
abondants  aux  en- 
virons deNioro^pré- 
dominent  dans  la 
région  du  Tenda . 
Aux  deux  extrémi- 
tés de  cette  ligne 
(Yélimané  et  vallée 
du  KhouUou  d'une 
part,  plateaux  du 
Horo  d'autre  part), 
la  roche  a  plus  net- 
tement Taspect  pé- 
tro-siliceux. 

En  dehors  des 
mouvements  ro- 
cheux, le  terrain  est 


RECHERCHES  ARCHÉOLOGIQUES  DANS  LE  SOUDAN.        671 

partout  composé  de  sable,  plus  ou  moins  pur,  plus  ou  moins  argi- 
leux, mais  surtout  de  latérites  qui  forment  le  substratum  de  beau- 
coup de  mamelons.  Vers  le  nord,  les  dunes  mouvantes  masquent 
la  texture  géologique  et  ont  défiguré  vraisemblablement  l'aspect 
de  ces  régions,  par  endroits,  tourmentées.  La  cuvette  du  lac  Horo, 
par  exemple,  semble  le  résultat  d'un  immense  effondrement. 

Mon  ami  de  Zeltner  m'a  signalé,  dans  une  lettre,  l'existence  en 
sa  région  de  certaines  superstitions  au  sujet  des  pierres  polies.  Je 
ne  puis  les  confirmer  qu'en  partie  :  toujours  les  indigènes  affirment 
que  ces  pierres  sont  tombées  du  ciel.  La  petite  hache  que  j'ai 
ramassée  à  Doungel  s'est  même  trouvée  à  point  pour  justifier  une 
rupture  déjà  ancienne  du  fil  télégraphique  :  son  tranchant  a  été  de 
ce  fait  ébréché  ! 

Seuls  les  Touareg  et  leurs  affranchis,  les  Bellati,  les  dédaignent 
et  ne  leur  attribuent  pas  de  vertus  providentielles. 

Le  peu  de  temps  et  de  moyens  dont  je  disposais  en  cours  de 
route,  m'a  empêché  de  faire  des  fouilles.  De  Zeltner  est  plus 
heureux,  mais  il  aura  à  vaincre  de  très  grosses  difficultés  matérielles, 
qu'augmenteront  encore  les  dépenses  inévitables  et  la  rareté  de  la 
main  d'œuvre. 

Pour  ma  part,  j'ai  dû  me  borner  à  recueillir  des  pièces  trouvées 
en  place  aux  hasards  de  la  bonne  veine.  Elles  m'ont  permis,  en  les 
montrant  aux  Noirs,  d'acquérir  quelques  autres  spécimens.  Par 
conséquent  je  ne  vous  envoie  que  des  échantillons  trouvés  soit  sur 
le  sol,  soit  à  la  faible  profondeur  qu'exige  le  labourage  deslougans. 

Quelques  formes  de  celts  un  peu  trapus  me  paraissent  être  des 
instruments  retaillés  après  une  ou  plusieurs  fractures.  Ces  formes 
sont,  en  effet,  moins  fréquentes  et  moins  familières  aux  yeux  des 
indigènes,  qui  les  reconnaissent  plus  difficilement. 

Le  gros  spécimen,  provenant  de  Tondidaro,  me  paraît  être  une 
pièce  en  préparation,  à  moins  qu'on  en  fasse  un  marteau.  On  en 
trouve,  paraît-il,  de  plus  gros  encore. 

L'éloignement,  les  difficultés  de  transport,  m'ont  fait  négliger 
une  quantité  considérable  de  fragments  et  de  rognons  trouvés  aux 
stations  de  Tondidaro  et  du  lac  Horo.  Il  faudrait  d'ailleurs  les  étu- 
dier avec  beaucoup  de  soin  pour  ne  pas  les  confondre  avec  des 
galets;  un  grand  nombre  sont  défigurés  par  Tusure.  Je  vous  en 
envoie  seulement  quelques-uns  dont  les  apparences  vous  serviront 
peut-être  d'indices. 

Vous  trouverez  enfin  quelques  pierres  (pierres  à  moudre?)  qui 


612  D"-  DEGORSE. 

sont  probablement  moins  anciennes,  et  un  fragment  de  poterie  que 
je  crois  récent,  mais  de  destination  douteuse  :  est-ce  un  bouchon 
de  gargoulette?  je  le  pense,  car  l'usage  se  retrouve  ici  d'en  faire 
encore  d'une  autre  forme. 

Ces  fragments  ont  d'ailleurs  été  trouvés  dans  d'autres  conditions. 
Une  multitude  de  débris  couvre,  en  effet,  le  pays.  Ils  pourraient 
presque  nous  redire  l'histoire  de  ces  civilisations  disparues  si 
l'Histoire  ne  s'en  était  fiée  à  la  perpétuité  des  seules  traditions. 
Aujourd'hui  le  voyageur  erre  au  milieu  d'eux,  sans  guide.  A  peine 
peut-il  rencontrer  quelque  vieillard  ayant  entendu  dire,  dans  sa 
jeunesse,  que  des  villages  existaient  là,  qui  furent  détruits  par 
Cheikou  Ahmadou  ou  quelque  autre  conquérant. 

Mais  au  milieu  de  ces  ruines  récentes,  on  trouve  parfois  des 
traces  ayant  l'air  plus  anciennes.  Je  ne  sais  quelle  intuition  vague 
et  irraisonnée  me  fait  leur  trouver  une  si  grande  ressemblance  avec 
ce  que  je  vis  dans  le  delta  du  Ghari. 

A  côté  de  ce  sentiment,  négligeable  lorsqu'il  s'agit  de  détermi- 
ner des  données  précises,  j'ai  été  frappé  de  la  coexistence  très  fré- 
quente de  ces  débris  avec  des  accumulations  considérables  de  lai- 
tiers et  de  scories.  Partout  ils  gisent  sur  de  petites  éminences, 
dont  le  nombre  est  tel  que  l'hypothèse  «  tumulus  mortuaires  »  me 
paraît  s'exclure  sans  examen. 

D'ailleurs,  les  tumulus  types,  à  qui  s'applique  la  dénomination  in- 
digène de  koï  bouroiiy  paraissent  assez  nettement  localisés  (sans  pré- 
juger de  ce  que  j'ignore),  à  l'Ataram,  au  Tioki,  au  Kili  et  au  Kisou. 
Beaucoup  de  ces  élévations  ne  doivent  être  autre  chose,  à  mon 
sens ,  que  le  résultat  de  l'extraction  du  fer  pendant  une  longue  période. 
J'ai  vu  évoluer  des  tumulus  semblables  au  Ghari,  sans  qu'il  y  ait 
rien  dedans.  Le  traitement  rudimentaire  d'un  minerai  pauvre  laisse 
d'énormes  quantités  de  résidus,  auxquels  viennent  s'ajouter, 
en  quantités  non  moins  considérables,  les  débris  des  creu- 
sets et  ceux  des  canaris  servant  de  fours  et  de  cheminées.  Les 
cendres  et  l'argile  forment  le  reste.  Les  amas  s'exhaussent 
surtout  parla  périphérie,  gardant  au  centre  une  dépression.  Ils  ont 
pu  servir  aux  Noirs  pour  y  enterrer  leurs  morts,  mais  ils  ne  me 
paraissent  pas  avoir  eu  une  sépulture  comme  but  initial. 

D'ailleurs,  je  crois  qu'une  grande  circonspection  s'impose,  et  qu'il 
ne  faudrait  pas  trop  généraliser.  Le  terrain  est  couvert  d'embûches, 
aux  apparences  desquelles  on  pourrait  se  laisser  prendre,  pour  leur 
attribuer  une  origine  préhistorique. 


RECHERCHES  ARCHÉOLOGIQUES  DANS  LE  SOUDAN. 


673 


On  trouve,  par  exemple,  en  maints  endroits  des  amas  réguliers  de 
pierres,  alignés  en  longues  files  :  ce  ne  sont  que  des  traces  de  cul- 
tures anciennes  en  terrain  rocailleux. 

Ailleurs,  on  remarque  des  cercles  ou  des  rectangles  dessines  avec 
de  gros  cailloux,  et  présentant  généralement  une  ouverture  tour- 
née vers  rOuest  :  ce  sont  simplement  de  petites  enceintes  à  prières 
érigées  par  les  Musulmans^  pasteurs  ou  nomades,  et  non  point  des 
tombeaux;  on  pourrait  s'y  tromper. 

A  côté  de  ces  pseudo-monuments,  on  en  rencontre  d'autres, 
beaucoup  plus  rares,  qui  ne  laissent  aucun  doute. 


FiG.  2.  —  Aspect  d'uQ  coia  d'un  monument  de  Tondidaro, 
d'après  un  dessin  de  l'auteur. 

Je  ne  vous  parlerai  pas  de  celui  de  Sahaba,  entre  Lire  et  N'tringa; 
j'y  passai  de  nuit  et  me  tais  par  crainte  d'inexactitude.  Il  est  du 
même  genre  que  ceux  de  Tondidaro.  Plus  heureux  que  Desplagnes, 
qui  dut  se  contenter  des  morceaux  apportés  à  Sumpiparles  Noirs  (l), 
je  pus  aller  voir  ces  monuments  en  compagnie  de  mon  ami, 
M.  Tadministrateur  Descemet.  Vous  trouverez  ci-joint  quelques 
croquis  d'après  nature,  qui  s'y  rapportent.  J'envoie  des  clichés  à 


(1)  Le  Df  Decorse  a  dû  être  induit  eu  erreur,  car  le  lieutenant  Desplagues  a  pbo- 
lographié  les  monuments  de  Toiididaro;  nous  avons  reproduit  un  de  ses  clichés  dans 
le  dernier  numéro  de  L'Anthropologie.  Cette  photograptiic  étant  à  très  petite  échelle, 
il  est  impossible  de  se  rendre  compte  du  travail  des  pierres  ;  aussi  sommes-nous 
heureux  de  donner  ici  les  croquis  qu'en  a  faits  le  D'  Decorse. 


l'anthropologie.  —  T.   XVH.    —   1906. 


43 


014 


Dr  DECOUSE. 


développer  au  vérascope  Richard,,  qui  sur  mon  invitation  vous 
communiquera  les  sléréoscopies. 

J'y  ai  fouillé  le  groupe  le  plus  important  toute  une  journée,  sans 
rien  trouver  d'autre  que  le  fragment  que  je  vous  envoie  et  des 
débris  de  poteries  paraissant  dater  de  deux  époques  ;  beaucoup 
d'entre  eux  étaient  de  même  facture  que  d'autres  débris  couvrant 
un  monticule  voisin,  rocheux,  mais  recouvert  de  sable.  Ces  frag- 
ments étaient  tous  dans  les  couches  les  plus  superficielles,  formées 
par  du  sable  amoncelé  par  le  vent. 

Je  n'ai  pas  trouvé  de  pierres,   portant  sculptées  les  acanthes 


FiG.  3.  —  Pierres  taillées  d'un  monument  de  Tondidaro, 
d'après  un  dessin  de  l'auteur. 


reproduites  par  Desplagnes.  Par  contre,  la  tradition  locale  attri- 
buant à  ces  pierres  levées  une  ressemblance  humaine  existe  tou- 
jours, mais  me  semble  un  peu  présomptueuse.  Certaines  pierres 
m'ont  paru  figurer  plutôt  un  phallus.  D'autres  présentent  une  sorte 
d'ombilic  qu'on  pourrait  prendre  aussi  pour  une  bosse  de  zébu.  Le 
plus  grand  nombre  ne  portent  aucune  incision. 

Faut-il  adopter  la  thèse  de  la  figuration  humaine  et  rapprocher 
ces  pierres  levées  des  pieux  symboliques  érigés  sur  les  tombeaux 
dans  le  moyen  Chari?  Les  fétichistes  symbolisent  ainsi  d'une  façon 
grossière  le  mort,  ses  femmes,  ses  enfants,  ses  serviteurs  et  même 
ses  biens. 


RECHERCHES  ARCHÉOLOGIQUE  DANS  LE  SOUDAN.         675 

Faut-il,  au  contraire,  admettre  la  ressemblance  avec  des  phallus, 
et  penser  à  une  influence  punique? 

Je  vous  avoue  que,  pour  ma  part^  je  crois  plus  prudent  de  ne 
rien  supposer. 

Mon  ig-norance  me  conseille  cette  sage  réserve.  C'est  pourquoi, 
de  crainte  de  détruire  irrémédiablement  un  document  précieux  pour 
l'archéologie,  je  n'ai  pas  voulu  faire  de  fouilles  plus  étendues. 
J'espère  qu'un  plus  compétent  que  moi  y  mettra  un  jour  la  pioche 
et  nous  dira  ce  que  sont  les  trois  monuments  érigés  côte  à  côte  sur 
les  bords  du  lac  de  Takadji. 


MOUVEMENT   SCIENTIFIQUE 

EN  FRANCE  ET  A  L'ÉTRANGER 


Fk.  Wie(;ehs.  Die  naturliche  Entstehung  der  nord-deutschen  Eolithe  (L'origine 
uatiireile  des  éolitiios  de  rAliemagae  du  Nord).  Zeitschrifl  filr  Ethnologie, 
t.  XXXVIll,  1906,  p.  395. 

M.  Wiegers  n'admet  pour  TAllemagne  du  Nord  que  deux  extensions 
glaciaires  séparées  par  un  interglaciaire.  Il  montre  que  dans  les  dépôts 
correspondant  à  la  première  extension,  on  ne  trouve  pas  d'éolithes. 
S'il  en  était  autrement,  ce  serait  une  preuve  directe  de  l'origine  natu- 
relle de  ces  pierres,  qui  auraient  acquis  leur  aspect  éolithique  par 
l'action  mécanique  de  la  glace  et  de  ses  eaux  de  fusion.  Dans  les  dépôts 
interglaciaires  on  n'a  trouvé  que  des  instruments  nettement  paléoli- 
thiques (Taubach,  Hundisburg,  grottes  de  Rubeland  dans  le  Harz, 
sablière  de  Schilling  près  de  Posen).  Les  terrains  situés  en  dehors  de 
la  dernière  extension,  mais  contemporains  de  cette  extension,  ont  donné 
quelques  instruments  paléolithiques  (Thiede,  Westeregeln,  grotte  de 
Lindenthal  près  de  Géra,  Buchenloch  près  de  Gerolstein). 

Les  dépôts  fluvio-glaciaires  de  la  dernière  extension  ont  donné  du 
paléolithique  (Neuhaldensleben,  Salzwedel)  et  un  grand  nombre  d'éo- 
lithes  (Dessau,  Bière  près  Magdebourg,  Neuhaldensleben,  Salzwedel, 
Britz,  Rixdorf,  Rudersdorf,  Eberswalde,  Freyenstein).  Il  est  à  remar- 
quer que  dans  toutes  ces  localités,  les  éolithes  n'apparaissent  pas  dans 
le  sable,  mais  dans  le  cailloutis  plus  ou  moins  grossier.  Cette  revue 
des  gisements  quaternaires  de  l'Allemagne  du  Nord  a  ce  résultat 
curieux  de  montrer  que  les  instruments  supposés  les  plus  anciens  appa- 
raissent dans  les  couches  les  plus  récentes.  D'ailleurs  il  n'y  a  dans 
cette  région  aucune  trace  de  l'homme  antérieure  à  la  première  glacia- 
tion et  il  est  douteux  qu'on  en  trouve  jamais.  Car  à  cette  époque  les 
silex  de  la  craie  étaient  encore  presque  partout  recouverts  par  les 
dépôts  tertiaires  et  n'ont  été  mis  à  jour  que  par  l'érosion  glaciaire. 

C'est  pendant  Tinterglaciaire  que  l'homme  apparaît  dans  l'Alle- 
magne du  Nord  ;  il  est  dès  lors  pourvu  de  grattoirs  en  forme  de  feuilles, 
et  de  couteaux  prismatiques,  sans  retouches.  C'est  l'étage  de  Taubach. 
Pendant  la  seconde  extension,  l'homme  vivait  dans  les  \  arties  épargnées 
par  la  glace,  et  perfectionnait  son  outillage.  Ses  couteaux  prismatiques 
et  ses  grattoirs  présentent  des  retouches  :  étage  de   Thiede.  Enfin  la 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  677 

glace  se  retire,  l'homme  la  suit.  Cette  période  n'a  donné  que  des  os 
travaillés  :  stations  de  Liibeck  et  Endingen  en  Poméranie. 

Pour  expliquer  la  présence  des  éolithes  trouvés  en  si  grande  abon- 
dance, il  faudrait  admettre  un  recul  tout  à  fait  invraisemblable  de  la 
civilisation  entre  l'étage  de  Taubach  et  celui  de  Thiede.  11  est  plus 
rationnel  de  penser  que  ces  pierres  ont  une  origine  naturelle.  Les  con- 
ditions de  leur  gisement  et  leur  abondance  même  prouvent  qu'elles  ont 
pris  naissance  dans  les  couches  où  on  les  rencontre  et  que  les  déforma- 
tions qui  les  font  ressembler  à  des  instruments  proviennent  des  chocs 
subis  par  les  silex  dans  les  eaux  courantes.  Outre  ces  actions  méca- 
niques datant  de  l'origine  même  du  dépôt,  il  y  a,  ce  me  semble,  lieu  de 
tenir  compte  de  la  dénudation  souterraine,  c'est-à-dire  des  pressions  et 
des  frottements  réciproques  subis  par  les  cailloux  lorsque  les  couches  qui 
les  englobent  sont  enlevées  par  l'érosion. 

Dans  la  discussion  qui  a  suivi  cette  intéressante  communication, 
M.  WahnschafTe  reproche  à  M.  Wiegers  de  n'admettre  que  deux  exten- 
sions au  lieu  de  trois  dans  l'Allemagne  du  nord.  M.  Wiegers  répond  que 
le  sondage  de  Rixdorf  est  insuffisant  pour  trancher  la  question.  Le  banc 
à  Paludines  est  effectivement  situé  entre  deux  moraines,  mais  celle 
qui  devrait  se  trouver  au-dessus  n'existe  pas  en  réalité  dans  la  coupe. 
Ce  sondage  ne  prouve  donc  pas  l'existence  de  trois  extensions  glaciaires. 

Les  objections  de  M.  Hahne  portent  surtout  sur  les  éolithes  eux- 
mêmes.  11  renonce  aux  soi-disant  éolithes  trouvés  en  masse.  Mais  alors 
il  ne  reste  d'une  part  que  les  éolithes  rencontrés  avec  des  instruments 
paléolithiques  et  il  ne  peut  s'agir  que  de  déchets  de  fabrication;  en 
tout  cas  ces  éolithes  ne  nous  apprennent  rien  de  nouveau  sur  l'exis- 
tence de  l'homme;  et  d'autre  part  les  éolithes  trouvés  isolément  qui 
nécessitent  une  discussion  pour  chaque  cas  particulier,  discussion  qui, 
à  mon  sens,  peut  se  prolonger  indéfiniment,  puisque  dès  que  les 
caractères  d'utilisation  du  caillou  sont  nets,  par  définition  il  ne  s'agit 
plus  d'un  éolithe,  mais  d'un  instrument  paléolithique. 

h^  L.  Laloy. 

Max  Verworn.  Archaolithische  und  palâolithische  Reisestudien  in  Frankreich 
und  Portugal  (Études  archéolithiques  et  paléolithiques  en  France  et  en  Portugal). 
Zeitschrift  filr  Ethnologie,  t.  XXXVIII,  1906,  p.  611  (35  flg.}. 

M.  Verworn  a  fait  en  1905  un  voyage  à  Thenay,  à  Aurillac,  aux  Eyzies 
et  à  Otta  en  Portugal,  dans  le  but  de  voir  par  lui-même  ce  qu'il  y  a  de 
fondé  dans  l'hypothèse  des  silex  tertiaires.  Les  impressions  qu'il  a 
rapportées  de  son  voyage  ne  nous  apprennent  rien  de  bien  nouveau, 
mais  elles  sont  intéressantes  justement  parce  que  ce  sont  celles  d'un 
savant  non  spécialisé  en  préhistoire.  Les  fouilles  qu'il  a  faites  à  Thenay 
l'ont  convaincu  que  rien  dans  la  forme  générale  ou  les  détails  des  silex 


678  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

de  ce  gisement  ne  peut  donner  à  penser  qu'ils  ont  été  taillés  de  main 
d'homme.  Les  craquelures  que  présentent  un  grand  noml)re  d'entre  eux 
proviennent  d'agents  physiques  ou  chimiques. 

En  revanche  les  silex  du  Puy  Boudieu,  près  Aurillac,  paraissent  à 
M.  Verworn  incontestablement  taillés  de  main  d'homme.  11  s'appuie 
d'une  part  sur  leurs  caractères,  d'autre  part  sur  le  fait  qu'ils  gisent 
dans  une  formation  de  rivage  où  ils  n'ont  pas  été  soumis  à  des  actions 
torrentielles  capables  de  les  faire  éclater.  Tout  au  plus  pourrait-on 
penser  que  c'est  la  pression  réciproque  des  silex  dans  l'intérieur  de  la 
couche,  qui  en  a  fait  partir  des  éclats.  Mais  M.  Verworn  répond  à  cette 
objection  en  montrant  qu'il  y  a  des  silex  qui  ont  été  roulés  postérieure- 
ment à  la  formation  des  éclats.  Ils  ont  donc  reçu  leur  forme  avant 
d'être  enfouis  dans  le  terrain  en  question.  Du  reste  les  silex  ne  s'y 
compriment  pas  réciproquement.  Car  ils  sont  séparés  l'un  de  l'autre 
par  de  la  terre  et  du  sable. 

Une  visite  à  Ota  près  de  Lisbonne  a  montré  que  les  couches  tertiaires 
situées  à  la  base  du  mont  Redondo,  et  où  se  trouvent  les  silex  sont  inces- 
samment remaniées  par  les  eaux.  Il  y  a  du  paléolithique  et  même  du 
néolithique  dans  la  région  et  il  est  très  vraisemblable  que  les  silex  dits 
tertiaires  proviennent  d'une  station  de  l'une  ou  l'autre  de  ces  époques. 
Ceux  en  place  dans  le  terrain  tertiaire  ne  présentent  aucun  caractère  de 
taille  intentionnelle. 

M.  Verworn  est  revenu,  comme  tout  le  monde,  émerveillé  de  sa  visite 
aux  Eyzies,  cet  ensemble  unique  au  monde  pour  lequel  il  conviendrait 
de  prendre  des  mesures  de  préservation.  Je  ne  retiendrai  que  la 
réflexion  que  lui  a  suggérée  la  vue  des  peintures  et  gravures  dans  les 
grottes.  Le  naturalisme  de  ces  représentations  prouve  que  les  paléoli- 
thiques n'avaient  qu'un  sentiment  religieux  faible  ou  nul.  Il  en  est  ainsi 
des  Bochimans,  des  Eskimos,  des  Grecs  et  des  Romains  de  l'antiquité, 
des  peuples  civilisés  modernes.  Dans  tous  ces  cas  l'idée  religieuse  ne 
joue  qu'un  rôle  très  subordonné  et  l'art  est  naturaliste.  Au  contraire, 
dès  que  l'idée  religieuse  pénètre  et  domine  toute  la  vie,  l'art  devient 
conventionnel.  C'est  ce  qui  est  arrivé  chez  les  néolithiques,  c'est  ce 
qu'on  observe  chez  les  Indiens  des  Pueblos,  les  Mexicains,  les  Egyptiens 
anciens,  les  Européens  du  moyen  âge,  les  Polynésiens  et  les  Nègres 
d'Afrique. 

A  part  quelques  signes  indéchiffrables  sur  les  parois  de  certaines 
grottes,  le  paléolithique  n'adonné  aucun  dessin  symbolique;  pas  d'amu- 
lettes non  plus.  A  l'époque  néolithique  apparaît  l'ensevelissement  des 
morts  avec  toutes  les  complications  que  nous  observons  chez  les  primitifs 
actuels.  Il  y  a  des  amulettes  sous  formes  de  dents,  de  fragments  d'os, 
de  pierres,  de  figurines;  enfin  la  trépanation  est  une  coutume  religieuse. 
Si  l'art  devient  conventionnel,  ce  n'est  pas  tant  parce  que  la  religion 
ordonne  directement  de  ne  reproduire  que  des  formes  stylisées,  mais 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  679 

parce  que  l'esprit,  devenu  conservateur,  ne  sait  plus  qu'exprimer 
indéfiniment  la  même  idée.  On  ne  cherche  plus  à  figurer  les  objets  tels 
qu'on  les  voit,  mais  à  donner  leur  représentation  traditionnelle  et  sym- 
bolique. 

D'  L.  L. 


Fr.  FRECH.'Studien  ùber  das  Klima  der  geologischen  Vergangenheit  (Études  sur 
le  climat  des  époques  géologiques).  Zeitschrift  der  Gesellschaft  fur  Erdkunde  zu 
Berlin,  1906,  p.  533  (3  PL). 

C'est  Tyndall  qui  a  le  premier  montré  l'importance  de  l'absorption  des 
rayons  calorifiques  par  l'acide  carbonique  et  la  vapeur  d'eau.  Cette  idée 
a  été  précisée  plus  tard  par  Arrhenius.  D'après  ces  recherches  la  dispa- 
rition totale  de  l'acide  carbonique  existant  dans  l'atmosphère  provoque- 
rait un  abaissement  de  température  trois  fois  plus  fort  que  celui  qui  a 
régné  pendant  Tépoque  glaciaire.  La  vapeur  d'eau  agit  de  même  en 
empêchant  le  rayonnement  de  la  chaleur  obscure  émise  par  la  terre. 
M.  Frech  applique  ces  données  à  l'étude  du  climat  pendant  les  diverses 
époques  géologiques.  D'après  lui  les  périodes  chaudes  sont  caractéri- 
sées par  des  éruptions  volcaniques  projetant  dans  l'atmosphère  de 
grandes  quantités  d'acide  carbonique.  Puis,  après  une  longue  période 
de  repos  volcanique  pendant  laquelle  l'acide  carbonique  a  partiellement 
disparu  de  l'atmosphère,  on  voit  se  former  des  zones  climatiques, 
comme  au  Crétacé,  ou  une  période  glaciaire,  comme  au  Permien  ou  au 
Quaternaire. 

La  température  de  l'époque  carbonifère  était  modérée,  car  une  tem- 
pérature trop  élevée  aurait  eu  pour  effet  de  faire  disparaître  les  débris 
végétaux  par  oxydation,  comme  dans  les  régions  tropicales  actuelles. 
Après  la  période  glaciaire  permienne,  le  Trias  a  présenté  des  phéno- 
mènes éruptifs  intenses  :  des  dépôts  volcaniques  ont  été  rencontrés  en 
Nouvelle-Calédonie,  en  Nouvelle-Zélande,  dans  l'Amérique  du  Sud,  au 
Mexique  et  surtout  dans  la  Colombie  britannique.  Cette  activité  volca- 
nique explique  le  relèvement  de  la  température  pendant  le  Jurassique. 
Elle  s'abaisse  de  nouveau  à  l'époque  crétacée,  pour  se  relever  au  Ter- 
tiaire. 

On  sait  que  M.  Frech  n'admet  qu'une  seule  invasion  glaciaire  à 
l'époque  quaternaire,  et  qu'il  base  cette  hypothèse  sur  la  distribution 
des  Mammifères  au  cours  de  cette  époque.  Seules  les  zones  de  bordure 
situées  en  avant  des  Alpes,  le  long  de  la  Baltique,  dans  l'Allemagne  du 
nord,  auraient  été  le  siège  d'oscillations  étendues,  les  centres  de  gla- 
ciations n'auraient  subi  aucune  interruption  du  phénomène.  Il  me 
semble  que  cette  théorie  ne  diffère  pas  autant  qu'elle  en  a  l'air  de  celle 
des  invasions  multiples.  Celle-ci  n'a  jamais  prétendu  que  le  centre  des 
massifs  ait  été  dégarni  de  glace  pendant  les  périodes  interglaciaires.  Le 


680  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

tout  est  de  savoir  où  s'arrête  la  partie  centrale  et  où  commence  la  zone 
de  bordure,  avec  ses  oscillations. 

M.  Frecli  fait  ressortir  qu'il  n'y  a  pas  eu  d'invasion  glaciaire  en  Sibé- 
rie. 11  n'y  a  dans  les  montagnes  de  Verkiioiansk,  dont  l'altitude  atteint 
2.000  mètres,  ni  glaciers  actuels,  ni  traces  de  glaciers  anciens.  La 
sécheresse  du  climat  est  entretenue  par  un  phénomène  assez  particu- 
lier, observé  par  A.  V.  Bunge.  Le  sol  gelé  se  fend  au  printemps  et,  dans 
ces  crevasses  s'engloutissent  les  eaux  de  surface,  qui  se  congèlent  dans 
la  profondeur  et  disparaissent  pour  toujours.  C'est  ce  qui  explique 
l'accumulation  dans  le  sol  d'immenses  quantités  de  glace  non  stratifiée 
qui  englobent  et  tendent  à  refouler  les  dépôts  stratifiés.  En  somme  ce 
phénomène  a  pour  effet  d'enlever  aux  couches  superficielles  du  sol  et 
à  l'atmosphère  de  la  Sibérie  l'humidité,  qui,  dans  d'autres  conditions, 
aurait  pu  donner  naissance  à  des  glaciers.  Le  climat,  sec  et  continental 
dès  l'origine,  continue  à  se  dessécher.  C'est  -dans  ce  territoire  froid 
mais  non  soumis  à  la  glaciation  que  s'est  constituée  la  faune  du 
Mammouth. 

D""  L.  Laloy. 


Fr.  Frech.  Ueber  die  Grûnde  des  Aussterbens  der  vorzeitlichen  Tierwelt  (Causes 
de  rextiaction  des  faunes  préhistoriques).  Archiv  fur  Rassen  und  Gesellschafts- 
Biologie,  t.  III,  1906,  p.  496. 

Ce  volumineux  mémoire  ne  nous  apporte  pas  de  données  bien  nou- 
velles. 11  peut  se  résumer  de  la  façon  suivante.  L'extinction  des  ^espèces 
animales  est  due  d'une  part  à  des  causes  internes,  telles  que  le  gigan- 
tisme ou  l'adaptation  à  des  conditions  étroitement  limitées;  et  d'autre 
part  à  des  causes  externes  qui  ont  une  influence  bien  plus  marquée. 
Telles  sont  les  modifications  climatiques  et  géographiques,  qui  amènent 
la  destruction  des  espèces  organiques  et  l'apparition  brusque  de  formes 
mieux  adaptées  aux  conditions  nouvelles.  11  y  a  trois  de  ces  périodes 
de  transformations  (Permien,  Crétacé  supérieur  et  Quaternaire);  elles 
sont  caractérisées  par  un  refroidissement  marqué  et  par  des  invasions 
glaciaires.  Au  fond  l'auteur  se  rattache  à  la  doctrine  cataclysmique 
de  Cuvier. 

En  ce  qui  concerne  la  faune  du  Mammouth,  qui  nous  intéresse  plus 
directement,  Frech  fait  ressortir  que  cet  animal,  avec  ses  compagnons 
habituels,  Bison  priscus  et  Rhinocéros  tichorhinus,  n'a  pas  dépassé  les 
Alpes  et  les  Pyrénées  et  n'a  pas  pénétré  en  Scandinavie,  parce  que  ce 
pays  était  couvert  d'un  manteau  de  glace,  de  même  que  les  montagnes 
du  sud  de  l'Europe.  Cette  absence  du  Mammouth  dans  les  péninsules 
du  nord  et  du  sud  de  notre  continent  serait  une  preuve  de  la  non-exis- 
tence de  périodes  interglaciaires  :  il  n'y  aurait  eu,  d'après  M.  Frech, 
qu'une  seule  grande  extension  des  glaces.  Dès  avant  celle-ci,  le  Mam- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  681 

moath  existait  en  Sibérie,  et  ce  pays  jouissait  d'un  climat  semblable  à 
son  état  actuel,  comme  le  prouvent  les  restes  de  végétaux  trouvés  dans 
l'estomac  ou  entre  les  dents  des  Mammouths  gelés  de  Sibérie.  Au  mo- 
ment du  refroidissement  du  climat,  les  grands  herbivores  ne  purent  émi- 
grer  vers  le  sud;  car  les  montagnes  et  les  steppes  de  l'Asie  centrale  ne 
leur  fournissaient  pas  de  ressources.  Une  partie  d'entre  eux  passa  en 
Amérique  part  la  langue  de  terre  qui  occupait  l'emplacement  du  détroit 
de  Behring.  D'autres  émigrèrent  vers  l'Europe.  Les  causes  de  l'extinc- 
tion du  Mammouth  résident  d'une  part  dans  sa  spécialisation  (énorme 
développement  des  défenses)  qui  en  faisait  un  type  inadaptatif,  d'autre 
part  dans  l'élévation  de  la  température  après  la  période  glaciaire. 

L'ouverture  du  détroit  de  Behring  empêcha  les  Mammouths  d'Amé- 
rique de  regagner  leur  domaine  primitif.  La  transgression  de  l'océan 
arctique  dans  l'est  de  la  Russie,  et  le  développement  pris  par  le  bassin 
caspien  ferma  la  route  de  Sibérie  au  Mammouth  d'Europe.  Cependant 
le  Mammouth  et  le  Rhinocéros  persistèrent  encore  longtemps  en  Europe. 
Mais  ils  ne  s'adaptèrent  pas.  Le  Renne  était  au  contraire  une  forme  plus 
adaptative.  Si  le  Renne  des  toundras  de  l'Extréme-Nord  conserve  encore 
les  caractères  du  Renne  quaternaire,  le  Renne  des  forêts  de  Scan- 
dinavie et  le  Caribou  du  Canada  sont  des  formes  nouvelles  de  taille  plus 
grande  et  à  cornes  plus  petites.  Le  Bison  arrivé  en  Amérique  avec  le 
Mammouth,  y  avait  trouvé  des  conditions  à  peu  près  semblables  à  celles 
des  steppes  asiatiques.  Au  contraire  le  Bison  d'Europe  avait  dû  se  mo- 
difier fortement  après  l'époque  glaciaire  pour  s'adapter  à  la  vie  dans 
les  forêts.  Les  relations  des  deux  continents  à  l'époque  quaternaire  sont 
illustrées  de  la  façon  la  plus  remarquable  par  l'identité  de  la  faune  cir- 
cumpolaire. Ce  n'est  que  dans  l'idaho  que  l'élément  américain  prend 
décidément  le  dessus. 

En  somme  ce  sont  surtout  les  variations  de  température  qui  ont 
provoqué  l'extinction  des  faunes  quaternaires.  Au  début  de  la  période, 
le  refroidissement  fait  disparaître  les  formes  adaptées  à  la  chaleur. 
Après  la  fusion  des  glaces,  le  relèvement  de  la  température  cause 
l'extinction  des  formes  froides.  Quelques-unes  d'entre  elles  (Renne^  Bœuf 
musqué)  ont  persisté  parce  qu'elles  ont  pu  émigrer  dans  les  régions 
arctiques.  Le  Mammouth  et  le  Rhinocéros  n'ont  pu  regagner  la  Sibérie, 
à  cause  de  conditions  géographiques  nouvelles  et  se  sont  éteints  sur 
place,  en  Europe  et  en  Amérique.  Quelques  espèces  enfin  ont  pu  ga- 
gner les  montagnes  et  y  persister;  d'autres  se  sont  adaptées  aux  con- 
ditions nouvelles  (Renne  des  forêts). 

M.  Frech  fait  remarquer  combien  les  faunes  terrestres  des  divers 
âges  sont  restées  indépendantes  dans  l'Amérique  du  Nord  et  combien 
sont  rares  les  espèces  nouvelles  nées  après  le  changement  de  climat. 
Ces  deux  circonstances  prouvent  d'après  lui  l'unité  de  la  période  gla- 
ciaire. Car  des  invasions  répétées  auraient  provoqué  un  mélange  plus 


GS2  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

complet  des  formes  autochtones  et  immij^rées,  et  des  espèces  nouvelles 
se  seraient  constituées  pendant  les  périodes  interglaciaires. 

Dans  les  périodes  géologiques  anciennes  c'est  aussi  les  formes  les 
plus  difl'érenciées  que  nous  voyons  disparaître  les  premières  :  Reptiles 
jurassiques,  Rudistes  de  la  craie,  i/ac/iairorfu^  de  l'époque  tertiaire,  etc. 
Dans  tous  ces  cas  les  causes  externes,  c'est-à-dire  les  transformations 
physiqueset géographiques,  jouent  le  rôle  principal.  Les  causes  internes 
ne  sont  qu'accessoires,  car  on  ne  saurait  admettre  qu'une  espèce  déve- 
loppe d'elle-même  des  propriétés  nuisibles  qui  provoquent  directement 
son  extinction.  D""  L.  L. 

Paul  Sarasin.  Zur  Einfùhrung  in  das  prahistorische  Kabinett  der  Sammiung  fur 
Vôlkerkunde  im  Basier  Muséum  (Introduction  à  l'étude  du  cabinet  préhistorique 
du  Musée  de  Bàle).  Bàle,  1906,  8°,  52  p. 

Ce  petit  guide  s'adresse  au  public  instruit  et  donne  un  exposé  clair  et 
précis  des  principaux  problèmes  préhistoriques.  11  permet  ainsi  de 
comprendre  l'intérêt  des  collections  qui  cessent  d'être  un  assemblage 
confus  de  matériaux,  pour  prendre  vie  et  éclairer  les  questions  qui  se 
rattachent  à  l'origine  de  l'homme.  Nous  trouvons  dans  cette  brochure 
une  courte  discussion  de  la  question  des  pygmées  et  des  théories  oppo- 
sées de  KoUmann  et  de  Schwalbe;  plusieurs  pages  sont  consacrées  à 
l'homme  tertiaire  et  à  la  question  toujours  brûlante  des  éolithes.  Se 
rangeant  à  l'opinion  soutenue  par  M.  Boule,  l'auteur  déclare  que  les 
haches  chelléennes  ont  eu  certainement  des  précurseurs,  qu'on  finira 
par  trouver,  mais  que  ni  les  éolithes  de  Rutot,  ni  ceux  du  Puy-Courny 
ou  de  Thenay  ne  peuvent  être  considérés  comme  ces  précurseurs. 

Les  époques  paléolithique,  néolithique  et  du  bronze  donnent  égale- 
ment lieu  à  des  remarques  fort  suggestives.  L'illustration  de  la  brochure 
est  très  bonne  :  ce  sont  des  figures  en  photogravure  tirées  en  général 
des  collections  de  Bâle.  L'une  des  plus  intéressantes  est  celle  qui  montre 
l'analogie  du  temple  grec  avec  une  palaffitte,  dont  le  premier  serait  une 
forme  idéalisée  et  stylisée.  Les  figures  qui  ont  servi  à  illustrer  cette  idée 
ne  sont  pas  des  schémas  :  ce  sont  des  photographies  d'une  palaffitte  de 
Célèbes  et  du  temple  de  Poestum.  Il  faut  se  rappeler  que  dans  les 
temples  primitifs  les  colonnes  étaient  en  bois  et  qu'à  l'époque  grecque 
il  y  avait  des  constructions  sur  pilotis,  non  seulement  au  bord  des  eaux, 
mais  en  pleine  terre.  Les  grandes  palaffittes  du  centre  de  Célèbes  qui 
servent  à  la  fois  de  maison  commune,  de  temple  et  d'auberge  jouent 
un  rôle  analogue  à  celui  du  temple  grec.  D^"  L.  L. 

F.  Wahnschaffe.  Zur  Kritik  der  Interglazialbildungen,  etc.  (Les  formations  inter- 
glaciaires des  environs  de  Berlin).  Monatsberichte  der  deutschen  geologischen  Ge- 
sellschaft,  1906,  n»  5. 

Dans  des  publications  récentes,  Wiegers  et  Menzel  avaient  soutenu 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  683 

qu'il  n'y  a  dans  les  plaines  de  l'Allemagne  du  Nord  qu'un  seul  intergla- 
ciaire et  par  suite  deux  extensions  glaciaires.  C'est  contre  celte  opinion 
que  s'élève  M.  Wahnschafîe.  Il  démontre  qu'on  rencontre,  dans  les 
régions  considérées,  les  traces  de  deux  interglaciaires  séparant  trois 
phases  de  glaciation.  Voici  quelle  est  la  succession  des  couches  dans  la 
province  de  Brandebourg  : 

0   à       0  mètres.     Sables  et  alluvioos. 

5  —    22  n  Moraine  supérieure. 

22  —    27  .>  Sable. 

27  —    35  »  Moraine  moyenne. 

35  —    65  ).  Sable. 

65  —    75  »  Marne. 

75  —    81  »  Banc  à  paludines. 

81  —    99  ))  Sable  inférieur. 

99  —  136  »  Argile  rubanée. 

136  —  178  »  Moraine  inférieure. 

C'est  entre  les  deux  moraines  supérieure  et  moyenne  que  se  présente 
la  faune  de  Mammifères  de  Rixdorf. 

B'  L.  L. 

G.  ScHWALBE.  Studien  zur  Vorgeschichte  des  Menachen  (Contributions  à  la  préhis- 
toire de  l'Homme),  Zeilschrift  fur  Morphologie  und  Anlhropo/ogie.  Volume  spécial; 
1906,  228  p.,  4  pi.  et  62  fig. 

J'ai  rendu  compte  d'une  façon  régulière  des  travaux  de  M.  Schwalbe 
dans  les  dix  derniers  volumes  de  L'Anthropologie.  Aussi  pourrai-je 
être  assez  bref  sur  l'ouvrage  que  j'ai  sous  les  yeux  et  qui  est,  pour  sa 
plus  grande  partie,  le  développement  des  idées  soutenues  depuis  long- 
temps par  le  professeur  de  Strasbourg.  Mais  ce  livre  rendra  des  services, 
car  il  met  en  évidence  les  conceptions  générales  de  l'auteur  qu'il  n'est 
pas  toujours  facile  de  retrouver  dans  chacun  des  mémoires  qu'il  a  con- 
sacrés aux  divers  crânes  paléolithiques  et  au  Pithecanthropus  erectufi. 

D'après  M.  Schwalbe  la  série  évolutive  qui  conduit  à  l'homme  doit  être 
séparée  des  anthropoides  dont  elle  se  distingue  par  la  station  verti- 
cale, le  développement  du  cerveau  et  la  disparition  du  rôle  locomoteur 
de  la  main.  A  ces  Ilominides  appartiennent  :  Pithecanthropus,  Homo 
primigenius  et  Homo  sapiens.  Schwalbe  considère  aussi  bien  Pithecan- 
thropus que  H.  primigenius  comme  les  ancêtres  directs  de  H.  sapiens 
11  a  été  amené  à  cette  manière  de  voir  par  une  série  d'études  anato- 
miques  qui  ont  été  analysées  ici  même.  Une  monographie  du  fragment 
de  crâne  de  Brux,  contenue  dans  le  présent  ouvrage,  vient  corroborer 
cette  théorie. 

La  première  partie  de  cet  ouvrage  traite  de  la  descendance  de 
l'homme  d'une  façon  générale  et  a  surtout  pour  but  de  réfuter  l'hypo- 
thèse de  Kollmann,  d'après  laquelle  l'ancêtre  de  l'homme  actuel  ne 
serait  pas  H.  primigenius^  mais  des  pygmées  provenant  de  petits  anthro- 


684  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

poïdes  {Anthrop.,  t.  XV,  1904,  p.  385  et  t.  XVI,  1905,  p.  683).  Schwalbe 
s'élève  éijjalement  contre  la  théorie  de  Klaatsch,  qui  fait  descendre 
l'homme  directement  de  Mammifères  éocènes,  sans  passer  par  les  Sinj^es. 
Avant  Klaatsch,  Cope  avait  déjà  donné  pour  ancêtres  directs  à  l'Homme 
des  Lémuriens  fossiles,  Schwalbe  insiste  sur  les  caractères  communs  à 
l'Homme  et  aux  Singes  et  qui  font  défaut  chez  les  Lémuriens.  Ils 
montrent  la  parenté  étroite  qui  existe  entre  l'Homme  et  les  Singes  et 
spécialement  les  Anthropoïdes.  Keith,  dont  les  chiffres  ont  été  publiés 
par  iMacnamara,  a  montré  que  l'Homme  a  396  particularités  anatomiques 
en  commun  avec  le  Chimpazé,  385  avec  le  Gorille,  272  avec  l'Orang-ou- 
tang et  188  seulement  avec  le  Gibbon.  Celui-ci  se  serait  donc  détaché  le 
premier  du  tronc  conduisant  à  l'Homme,  l'Orang  un  peu  plus  tard,  les 
deux  autres  anthropoïdes  en  dernier  lieu.  Notons  que  d'après  Keith, 
312  particularités  anatomiques  seulement  sont  spéciales  à  l'Homme. 
Cette  méthode  de  statistique  pour  déterminer  la  parenté  des  êtres  paraît 
assez  ingénieuse.  Elle  donne  cependant  des  résultats  moins  concluants 
que  la  réaction  biologique  du  sang  (Anthrop.,  t.  Xlll,  1902,  p.  553)  que 
je  m'étonne  de  ne  pas  voir  citée  par  M.  Schwalbe  puisqu'elle  confirme 
sa  théorie  de  l'affinité  zoologique  de  l'Homme  et  des  Anthropoïdes. 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  est  consacrée  avons-nous  dit,  au  crâne 
de  Brux  ;  elle  constitue  une  monographie  très  complète  de  cette  pièce,  à 
laquelle  M.  Schwalbe  a  appliqué  les  méthodes  qui  lui  ont  permis  d'étu- 
dier certains  fragments  crâniens  très  incomplets.  Il  a  pu  ainsi  rectifier 
les  idées  qu'on  s'en  faisait  et  établir  leur  véritable  place  dans  la  série. 
C'est  ainsi  qu'il  a  montré  que  le  crâne  d'Egisheim  n'appartient  pas  au 
groupe  Neanderlhal,  mais  bien  à  l'Homme  actuel.  Celui  de  Brux  forme 
avec  celui  de  Galley  Hill^  la  transition  entre  H.  primigenius  et  H,  sapiens. 
On  peut  donner  à  ce  groupe  le  nom  de  H.  sapiens,  var.  fossilis.  C'est 
surtout  par  l'indice  de  hauteur  de  la  calotte  (47,5)  que  le  crâne  de  Brux 
est  intermédiaire  entre  le  groupe  Spy-Neanderthal  (40  à  44)  et  l'Homme 
actuel  (52  à  68).  L'angle  bregmatique  est  de  44"  à  47''  chez  H.  primige- 
nius, de  48°  sur  le  crâne  de  Brux,  de  53°  à  64^  chez  H.  sapiens. 

Dans  un  troisième  chapitre,  Schwalbe  étudie  le  crâne  de  Cannstatt  et 
montre  qu'il  doit  être  définitivement  rayé  du  grou'pe primigenius.  Il  n'a 
pas  les  bourrelets  sus-orbitaires  du  Neanderthal.  Tandis  que  chez  celui- 
ci  la  partie  glabellaire  du  frontal, est  égale  aux  44  centièmes  de  sa  partie 
cérébrale,  sur  le  crâne  de  Cannstatt  cet  indice  n'est  que  de  18.  L'angle 
bregmatique  de  ce  crâne  est  de  60°.  Son  indice  de  hauteur  de  la  calotte 
est  de  59  à  60.  Tels  sont  les  principaux  caractères  qui  montrent  que  le 
crâne  de  Cannstatt  appartient  au  groupe  moderne.  On  pourra  s'en 
occuper  encore  au  point  de  vue  de  l'histoire  de  l'Anthropologie  ;  il  ne 
sera  plus  possible  d'en  faire  le  type  d'une  race  préhistorique. 

D*"  L.  L. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  685 

J.  NuEscH.  Das  Kesslerloch  bei  Thayngen,  neue  Grabungen  und  Funde  (Le  Kess- 
lerloch,  près  de  Thayugeu,  canton  de  Schaffhouse,  uouvelles  fouilles  et  décou- 
vertes). Anzeiger  filr  schweizerische  Altertumskunde,  1905,  fasc.  4  (13  fig.)  (1). 

Le  Kesslerloch  est  exploité  depuis  1898  avec  le  soin  minutieux  que 
M.  Nuesch  et  ses  collaborateurs  apportent  dans  ce  genre  de  travaux  et 
qui  n'est  possible  que  lorsqu'on  dispose  de  moyens  pécuniaires  suffi- 
sants. Les  gisements  étrangers  sont  pauvres  comparativement  à  nos 
dépôts  des  Eyzies;  on  peut  juger  des  résultats  que  donneraient  ceux-ci 
si  on  disposait  de  ressources  suffisantes  pour  les  étudier  à  fond,  au  lieu 
de  les  laisser  gâcher  par  les  touristes  et  les  marchands  de   curiosités. 

Parmi  les  650  objets  qu'ont  mis  au  jour  les  fouilles  récentes  du  Kess- 
lerloch, il  faut  citer  particulièrement  deux  statuettes  représentant 
l'une  un  homme,  l'autre  un  poisson;  toutes  deux  assez  rudimentaires. 
Ces  figurines  sont  en  bois  de  Renne.  Il  y  a  des  harpons,  des  «  bâtons  de 
commandement»  et  d'autres  instruments  en  bois  de  Renne  ou  en  ivoire 
couverts  d'ornements  géométriques  très  réguliers,  parmi  lesquels  les 
rangées  de  losanges  prédominent;  des  gravures  représentent  l'une  un 
Cervidé,  l'autre  un  animal  indéterminé;  d'autres  peuvent  être  inter- 
prétées comme  des  plantes.  Aucun  de  ces  dessins  ne  saurait  être  com- 
paré comme  facture  à  ceux  du  renne  broutant  et  du  cheval  trouvés  pré- 
cédemment. 

Si  l'on  se  rappelle  que  la  même  station  avait  déjà  donné  une  tête  de 
bœuf  musqué  et  un  lièvre  sculptés  en  ronde-bosse,  on  voit  que  les  arts 
plastiques  y  sont  fort  bien  représentés.  On  peut  y  étudier  leurs  divers 
stades,  depuis  la  ronde-bosse  jusqu'à  la  gravure  au  trait  et  aux  orne- 
ments géométriques.  Mais  on  ne  saurait  sans  injustice  placer,  comme 
le  fait  Wôrmann,  dans  son  Histoire  de  lart,  les  productions  artistiques 
de  la  Suisse  au  dessus  de  celles  des  Pyrénées  et  de  la  Dordogne. 

Les  instruments  de  silex  ont  été  recueillis  au  nombre  de  plus  de 
10.000.  11  est  certain  que  dans  ce  chiffre  sont  compris  des  éclats  insi- 
gnifiants, puisque  certains  n'ont  que  15  millimètres.  Ces  instruments, 
comme  ceux  du  Schweizersbild,  répondent  le  plus  souvent  aux  types 
de  la  Madeleine.  La  faune  correspond  à  Père  de  la  toundra  et  à  celle  des 
steppes^  comme  dans  les  deux  couches  inférieures  du  Schweizersbild. 
Les  restes  de -mammouth  et  de  rhinocéros  sont  assez  nombreux,  alors 
qu'au  Schweizersbild  il  n'y  en  a  que  des  traces.  Au  Kesslerloch  il  y  a 
des  défenses  de  mammouth  brutes  ou  travaillées.  Un  foyer  contenait 
des  os  brisés  et  calcinés  de  mammouth,  de  rhinocéros,  de  renne,  de 
cheval  et  de  lièvre  polaire.  On  trouve  en  outre  des  espèces  forestières 
et  d'autres   qui    vivent    dans  l'eau  ou  daus   son  voisinage.    Nehring 

(1)  La  publication  détaillée,  avec  la  coopératiou  de  MM.  Studer  et  Schôtensack  a 
paru  daus  les  Neue  Denkschriflen  der  aUf/emeinen  Schweizerischen  nalurforschenden 
GeselLschaft,  t.  XXXIX,  fasc.  2,  Zurich  1904  (34  pi.). 


686  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

fait  remarquer  que  les  parties  subarctiques  de  la  Sibérie  présentent 
encore  aujourd'hui  un  pareil  mélange  de  faunes,  à  la  limite  de  la  steppe 
et  de  la  toundra,  dans  les  endroits  coupés  de  vallées  fluviales  bordées 
de  forêts. 

Le  Kesslerloch  a  donné  dès  1874  les  débris  d'un  squelette  humain 
actuellement  conservés  au  musée  de  SchafThouse.  C'est  un  individu 
•adulte  de  très  petite  taille,  à  ossature  gracile.  Son  fémur  mesure 
32  centimètres,  ce  qui  correspond  à  une  taille  de  1"',20;  celui  des  pyg- 
mées  du  Schweizersbild  varie  de  35  à  39  centimètres  (taille  moyenne 
l'",42).  Ce  squelette  était  acccompagné  d'os  de  cerf  et  de  cochon  et  de 
tessons  de  poterie.  Il  appartient  donc  à  l'époque  néolithique. 

Le  Kesslerloch  et  le  Schweizersbild  sont  postérieurs  au  maximum  de 
la  dernière  grande  glaciation  alpine.  Le  Kesslerloch  est  plus  ancien  que 
le  Schweizersbild  :  il  a  été  habité  à  la  fin  de  l'âge  du  Mammouth  et  au 
début  de  celui  du  Renne.  Le  Schweizersbild  n'a  été  colonisé  qu'a  la  fin 
de  Tâge  du  Renne.  Ses  couches  paléolithiques  correspondent  au  stade 
glaciaire  de  Buhl,  tandis  que  le  Kesslerloch  est  synchrone  à  l'oscillation 
d'Achen,  où  la  température  était  un  peu  plus  clémente.  Il  y  a  eu,  du 
Kesslerloch  au  Schweizersbild,  une  régression  marquée  de  la  production 
artistique,  sur  laquelle  Penck  a  insisté.  Le  développement  artistique  du 
Kesslerloch  est  dû  sans  doute  aux  conditions  plus  favorables  où  vivait 
l'homme  à  cette  époque,  et  à  l'abondance  de  la  faune  qui  lui  laissait 
des  loisirs.  Le  Kesslerloch  apporte  la  preuve  indiscutable  de  la  contem- 
poranéité  de  l'homme,  en  Suisse,  avec  le  Mammouth,  le  Rhinocéros  et 
le  Lion  des  cavernes.  Avec  le  Schweizersbild,  cette  station  forme  un 
ensemble  qui  jette  une  vive  lumière  sur  les  variations  de  la  faune  et 
de  la  flore,  sur  les  changement  du  climat,  et  le  développement  de  la 
civilisation,  depuis  la  dernière  glaciation  alpine  jusqu'à  l'époque 
actuelle. 

D'  L.  L. 

E.  T.  Hamy.  Matériaux  ponr  l'histoire  de  l'archéologie  préhistorique,  22  p.  S». 

Ext.  de  la  Revue  archéol.^  Paris,  1906. 

J'ai  publié  jadis  un  volume  sur  L'Age  de  la  Pierre  dans  les  Souvenirs 
et  Superstitions  populaires  et  aussi,  dans  les  Matériaux,  diverses  suites 
à  cet  ouvrage,  par  exemple  des  textes  de  nos  précurseurs,  Mercati, 
Mahudel,  Hehving,  de  Jussieu  et  autres  auteurs  qui  les  premiers  firent 
de  l'archéologie  préhistorique  et  de  l'ethnographie  comparée.  Je  me 
réjouis  de  voir  que  notre  ami,  le  D""  Ernest  Hamy  qui  avait,  avant  moi, 
traité  ce  sujet  y  revient  aujourd'hui  avec  sa  profonde  érudition,  sa  pré- 
cision bibliographique.  II  a  publié  pour  certains  textes  des  traductions 
et  à  la  place  de  mes  résumés  des  documents  originaux  qu'il  a  su  retrou- 
ver dans  des  dépôts  peu  accessibles  au  public.  Il  a  donné  à  des  faits  en 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  687 

partie  connus  une  saveur  nouvelle  et  des  compléments  essentiels.  Ce 
sont  mes  matériaux  revus,  corrigés,  augmentés,  présentés  comme  sait 
si  bien  le  faire  le  D'"  Hamy,  en  une  gerbe  fort  séduisante,  il  nous  donne 
la  biographie  de  Mahudel  à  peu  près  ignorée  de  nous  et  le  texte  com- 
plet de  son  mémoire  intitulé  :  Les  monuments  les  plus  anciens  de  Vin- 
dustrie  des  hommes  et  des  arts  reconnus  dans  les  Pierres  de  Foudre,  con- 
servé dans  les  Archives  de  l'Académie  des  Inscriptions. 

E,  Cartaildac. 

G.  Hervé.  Contribution  à  l'histoire  des  mégalithes,  p.  70-72.  Bull,  de  la  Soc. 

d'Anthrop.  Paris,   1906. 

M.  Hervé  nous  signale  un  document  en  rapport  avec  la  survivance 
des  cultes  mégalithiques.  Au  procès  fait  à  Nantes  en  1440  contre  Gilles 
de  Laval,  maréchal  de  France  et  sire  de  llays  convaincu  de  sorcellerie, 
de  magie,  de  démonolâtrie,  et  condamné  au  supplice,  un  témoin  et  com- 
plice vint  raconter  leurs  invocations  diaboliques.  «  Une  nuit,  par  un 
grand  vent.  Monseigneur  et  maître  François  eurent  fantaisie  d'invoquer 
certain  démon  qui  tient  sous  sa  puissance  les  trésors  cachés  :  nous  par- 
tîmes de  Machecoul  vers  la  mi-nuit,  couverts  de  capes  de  pluie,  car  il 
ventait  et  pleuvait  à  merveille;  nous  allâmes  ainsi  en  un  pré  où.  sont 
de  grandes  pierres  levées.  Maître  François  traça  un  cercle  magique  avec 
un  coutelas  trempé  dans  le  sang,  et  planta  ledit  coutelas  au  milieu,  la 
pointe  en  haut;  après  quoi  il  nous  dit  de  venir  dans  le  cercle,  pour 
éviter  l'atteinte  des  démons,  etc.  (voir  P.  L.  Jacob,  Curiosités  de  l'Hist. 
de  Fr.,  procès  célèbres,  1858,  p.  84). 

A  la  suite  de  cette  communication  on  a  souhaité  la  recherche  des 
dites  pierres  aux  environs  de  Machecoul.  Peut-être  le  temps  les  a-t-il 
épargnées. 

E.  C. 

Paul  Goby.  Description  et  fouille  d'un  nouveau  dolmen  près  Cabris,  prés  Grasse. 

20  p.  8°,  fig. 

M.  Goby  est  un  des  plus  zélés  préhistoriens  du  midi  et  l'un  des  plus 
heureux.  Il  est  aussi  des  mieux  inspirés.  Il  travaille  avec  méthode  et 
patience.  Son  mémoire  sur  ce  nouveau  dolmen  pourrait  servir  de 
modèle.  Sans  exagérer  les  informations  il  donne  toutes  celles  qu'il  faut  : 
situation,  nature  du  terrain,  moyens  d'accès,  altitude,  aspect  du  dol- 
men avant  les  fouilles.  Description  et  relevés  de  coupes  et  de  plans 
après  les  recherches,  objets  recueillis,  conclusions  forment  autant  de 
parties  étudiées  avec  soin.  Ce  dolmen,  au  centre  d'un  tumulus  surbaissé, 
avec  antichambre  et  chambre  sépulcrale,  déjà  ruiné,  et  violé  a  livré 
quantité  de  fragments  d'os  de  35  à  40  individus  ;  94  perles  ou  pende- 
loques en  os,   en  coquilles,   pierres  diverses,   deux  silex    taillés^  deux 


688  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

anneaux,  une  sorte  de  boucle,  etc.,  en  bronze,  des  tessons  de  poteries 

variées,  de  la  forme  dite  tulipe  et  autres.  Les  ossements  calcinés  étaient 

assez  nombreux  et  à  divers  niveaux. 

E.  G. 

D'Arbois  de  Jubainville.  Le  culte  des  menhirs  dans  le  monde  celtique,  p.  146,  152, 
Comptes  rendus  de  VAcad.  des  Inscr.,  1906. 

Jules  César  (Vi,  17  du  De  bello  gallico)  signale  en  Gaule  les  Simulacra 
de  Mercure.  Ces  Simulacra  étaient  des  pierres  brutes  dressées  debout, 
des  menhirs  comme  le  faisait  observer  en  1890  M.  S.  Reinach. 

L'expression  Simulacrum,  donl  Jules  César  fit  usagepour  désigner  ces 
menhirs  divinisés,  se  trouve  aussi  dans  une  vie  de  saint  Samson, 
évêque-abbé  de  Dol  au  vi^  siècle,  écrite  probablement  au  commence- 
ment du  siècle  suivant. 

Saint  Samson  allait  en  Bretagne,  il  entendit  en  route  des  hommes 
adorant  une  idole  à  la  manière  des  bacchantes.  Il  vit  devant  eux,  sur 
le  sommet  d'une  montagne,  une  image  abominable,  Simulacrum  abomi- 
nale.  «  J'ai  été  sur  cette  montagne,  dit  Thagiographe,  et  j'ai  adoré  la 
croix  que  de  sa  propre  main,  avec  un  instrument  de  fer,  saint  Samson 
avait  gravée  sur  la  pierre  levée,  in  lapide  stante,  j'ai  touché  de  la  main 
cette  croix  ». 

Saint  Samson  se  conformait  à  une  constitution  de  l'çmpereur  Théo- 
dose II,  promulguée  en  435  et  qui  a  été  insérée  au  Code  Théodosien 
promulgué  en  438. 

M.  D'A.  de  J.  cite  plusieurs  exemples  du  culte  des  pierres  levées  dans 
le  monde  celtique,  deux  en  Irlande  couvertes  d'or  et  d'argent.  Une  de 
celles-ci,  dépouillée  de  cette  parure,  fut  plus  tard  conservée  dans 
l'église  de  Clogher,  comté  de  Tyrone.  Un  auteur  de  notes  ajoutées  au 
martyrologe  d'Oengus  a  vu  cette  pierre  et  remarqué  les  traces  des 
attaches  par  lesquelles  aux  temps  païens  les  ornements  d'or  et  d'argent 
étaient  fixés. 

M.  D'A.  de  J.  ajoute  que  nous  ne  voyons  nulle  part  que  les  menhirs  ado- 
rés par  les  Gaulois  continentaux  portassent  des  ornements'd'or  et  d'ar- 
gent. Mais  il  cite  des  textes  prouvant  la  permanence  du  culte.  Un  traité 
de  droit  irlandais  cite  quelque  fois  parmi  les  bornes  de  délimitation  une 
pierre  d'adoration. 

Le  savant  auteur  termine  sa  note  en  disant  que  «  le  culte  des  pierres 
levées  peut  remonter  à  la  population  primitive  qui  a  précédé  les  Indo- 
Européens  et  à  laquelle  on  doit  les  monuments  mégalithiques.  Les 
Indo-Européens,  se  superposant  à  cette  population  sans  la  supprimer, 
ont  pu  adopter  en  partie  son  cuite  sans  abandonner  complètement  pour 
cela  l'usage  de  leurs  pratiques  religieuses  traditionnelles,  ainsi  qu'ont 
fait  les  Germains,  vainqueurs  des  Romains  et  devenus  chrétiens  à  l'imi- 
tation des  vaincus  ».  E.  C. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  68^ 

Th.  Thomsen  et  A.  Jassen.  Une  trouvaille  de  Tancien  âge  de  la  pierre,  la  trouvaille 
de  Braband.  {Mém:  Soc.  R.  Antiq.  du  Nord,  1904),  p.  162-232.  Copenhague. 

C'est  dans  le  Jutlaad  oriental,  à  environ  4"^™, 7  à  l'O.  S.  0.  de  la  ville 
d'Aarhus,  à  l'extrémité  est  du  lac  allongé  et  étroit  de  Braband.  lequel 
se  déverse  dans  le  Cattegat  par  la  rivière  d'Aarhus.  Un  îlot  de  l'ancien 
âge  de  la  pierre  se  composait  de  couches  irrégulières  de  gravier,  de 
sable,  de  vase  marine,  sur  un  fond  de  gravier  et  de  sable.  Toutes 
avaient  des  objets.  Le  grand  tranchet  à  tranchant  large  est  ici  très 
abondant,  ordinairement  très  fatigué  par  l'usage,  brisé,  hors  de  service. 
11  y  a  des  exemplaires  neufs  et  des  ébauches.  Les  plus  grands  ont 
11<="\5,  les  plus  petits  4  de  long  sur  une  largeur  de  2<^™,6,  ceux-ci,  fort 
grêles  par  conséquent,  on  les  employait  comme  pointes  de  flèches  à  la 
façon  des  petits  tranchets.  Leur  nombre  diminue  de  haut  en  bas.  En 
haut  ils  étaient  associés  à  quelques  haches  et  herminettes  de  silex.  En 
haut  et  en  bas  étaient  de  rares  haches  en  diorite  à  sommet  arrondi, 
parmi  lesquelles  trois  gouges.  Nombreuses  étaient  les  lames  de  silex; 
les  grattoirs  étaient  variés  ;  les  pointes  de  flèches  à  tranchant  transver- 
sal peu  fréquentes. 

En  fait  d'objets  en  corne  de  cerl  on  cite  un  petit  nombre  de  haches, 
des  formes  ordinaires,  en  général  usées,  avec  douille  pour  le  manche 
en  bois  qu'on  a  recueilli  entier  une  fois  (en  bois  de  coudrier)  ;  un  spéci- 
men porte  des  motifs  ornementaux.  Eu  bas  sont  les  haches  dont  le 
sommet  est  formé  par  le  gros  bout  de  la  corne.  Il  y  a  aussi  des  percu- 
teurs, «  ces  outils  si  nécessaires  pour  façonner  délicatement  le  silex  ». 

En  os  étaient  des  pointes,  deux  outils  désignés  sous  le  nom  de  poi- 
gnards, analogues  à  ceux  qui  chez  les  Esquimaux  du  détroit  de  Behring 
servent  à  percer  les  peaux  épaisses.  Un  peigne  à  queue  semblable  à 
celui  de  Meilgaard,  bien  connu.  On  a  découpé  des  rondelles  d'os  dans 
des  omoplates,  et  Ton  fabriquait  avec  elles  de  petits  anneaux. 

Poteries.  —  On  a  pu  reconstituer  trois  vases  dont  un  en  terre  mal 
cuite,  élargi  aux  bords  et  à  la  panse,  le  fond  pointu.  On  a  des  fragments 
en  nombre. 

Les  objets  en  bois  se  sont  conservés  par  exception  grâce  aux  pro- 
priétés de  la  couche  vaseuse.  Le  plus  remarquable  est  un  «  boomerang  » 
en  érable  de  0^"%41,  larg.  max.  5  cm.  s'amincissant  régulièrement 
vers  les  deux  extrémités  et  l'une  de  celles-ci  est  plus  épaisse,  forme  poi- 
gnée. Les  auteurs  rappellent  que  cette  arme  n'est  pas  spéciale  à 
l'Australie,  qu'elle  existait  de  nos  jours  chez  les  Kolariens  du  sud  de 
l'Inde,  chez  des  nègres  de  l'Afrique  orientale,  et  dans  l'antiquité  en 
Egypte.  On  l'avait  déjà  rencontrée  dans  une  tourbière  danoise. 

Braband  a  fourni  en  outre  un  arc  en  bois  de  frêne,  une  petite  mas- 
sue en  coudrier,  d'autres  plus  trapues,  des  baguettes  aux  bouts  pointus, 
ayant  pu  servir  à  faire  des  «  fouines  »  pour  harponner  le  poisson,  des 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  1906.  44 


C90  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

piquets  légers  en  coudrier  disposés  sans  ordre  apparent  devaient  avoir 
joué  un  rôle  dans  l'eau,  peut-être  pour  la  poche. 

Les  os  de  cerf  dominaient,  puis  le  sanglier,  puis  l'aurochs  [Bos  tau- 
rus  Urus)  — c'est  ainsi  que  les  auteurs  s'expriment;  d'oii  nous  pouvons 
conclure  qu'il  n'est  en  rien  question  du  bison,  c'est  l'Urus  qu'ils  appellent 
Aurochs  —  le  chevreuil,  la  marte  des  bois,  puis  le  chien  et  le  phoque 
gris  [Halichœurus  gripus).  On  a  trouvé  Félan  dans  le  haut  du  dépôt.  Il 
faut  citer  aussi  le  dauphin,  le  renard,  le  chat  sauvage,  l'ours.  Encore 
plus  rares  quelques  oiseaux,  un  seul  poisson. 

Les  conditions  géologiques  de  ce  gisement  sont  étudiées  avec  soin  par 
le  second  des  auteurs  dans  un  chapitre  spécial  et  elles  fournissent  de 
précieux  renseignements  pour  l'étude  des  oscillations  du  sol  du  Dane- 
mark La  conclusion  est  que  la  partie  inférieure  de  la  couche  vaseuse 
et  les  couches  marines  de  sable  et  de  gravier  côtiers  placés  en  dessous 
et  qui  contiennent  aussi  des  objets  préhistoriques,  doivent  être  plus 
anciennes  que  les  amas  de  coquilles,  et  se  relient  aux  trouvailles  de 
Maglemose,  près  de  Mullerup. 

En  terminant  M.  Thomas  Thomsen  recherche  l'origine  de  tant 
d'objets.  Il  écarte  nettement  l'hypothèse  d'une  cité  lacustre.  Il  ne  croit 
pas  non  plus  à  des  habitations  flottantes.  Peut-être  les  hommes  ont-ils 
stationné  sur  l'eau  glacée.  En  somme  on  ne  peut  pas  expliquer  un  cer- 
tain nombre  de  faits  pourtant  bien  observés. 

E.  C. 

E.-T.  Hamy.    Pierres   levées  et  figures   rupestres  du  Tagant,  p.   100-103,   1  fig. 

Bull.  Soc.  (VAnthr.  Paris  1906. 

M.  Robert  Arnaud,  attaché  à  la  mission  qui  a  exploré  la  Mauritanie,  a 
découvert  des  dalles  de  grès,  stèles  grossières  arrondies  au  sommet  qui 
mesurent  en  moyenne  l°i,20  de  hauteur,  1  mètre  de  largeur  et  0™,40 
d'épaisseur,  à  face  lisse,  regardant  le  Sud,  formant  une  sorte  de  quil- 
lier  aux  pièces  équidistantes.  Cet  ensemble  rappelle  au  D'"  Hamy  les 
S'nbs  des  Denhadja  que  ces  montagnards  dressaient  encore  sur  les 
hauteurs  et  que  leurs  voisins  et  ennemis  les  Ouled-Meçaoud  et  les 
Hazelsa  s'acharnaient  à  renverser. 

M.  R.  Arnaud  a  découvert  et  photographié  des  roches  peintes  et  gra- 
vées au  voisinage  des  sources  de  l'Oued  Garaouat,  un  bouclier,  des 
guerriers  armés  de  ce  bouclier  et  brandissant  un  javelot  au  bout  d'un 
bras  démesurément  allongé,  des  cavaliers  montés  sur  des  équidés. 
Aucun  signe  ne  rappelle  les  alphabets  berbères,  anciens  ou  actuels.  On 
ne  connaissait  encore  aucun  vestige  de  ce  genre  au-dessous  des  itiné- 
raires du  rabbin  Mardochée  dans  le  Sous-Marocain. 

E.  G. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  691 

Lieut.  Desplagnes.  Le  plateau  central  nigérien,  p.  73-86  et  VIII  pi.  Bull.  Soc.  dCAn- 
throp.  Paris,  1906.  —  Une  mission  archéologique  dans  la  vallée  du  Niger,  p.  81- 
99,  Xm,  2,  1906  {La  Géographie).  Paris. 

L'auteur  est  l'un  des  plus  sympathiques  parmi  les  nombreux  officiers 
qui  sont  attachés  à  notre  œuvre  de  pénétration  dans  l'Afrique  occiden- 
tale. Il  a  les  qualités  d'observateur  méthodique  et  très  avisé.  J'ai 
admiré  à  l'exposition  coloniale  de  Marseille  non  seulement  ses  éton- 
nantes collections  d'objets  de  l'âge  de  la  pierre,  mais  surtout  ses  pho- 
tographies, ses  dessins,  ses  cartes,  documents  inédits  et  précieux  dont 
je  souhaite,  sans  trop  l'espérer,  la  publication  intégrale.  Il  est  si  ordi- 
naire en  France  de  voir  tomber  dans  l'oubli  les  travaux  des  explora- 
teurs lorsqu'un  éditeur  en  a  tiré  un  livre  expurgé  de  salon  ou  de  jour 
de  l'an,  et  quelques  revues  de  courts  articles. 

Le  lieutenant  Desplagnes  avait  obtenu  une  mission  de  l'Académie  des 
Inscriptions  qui  doit  bien  se  réjouir  aujourd'hui  d'avoir  favorisé  ces 
recherches.  Il  a  donné  à  la  Société  d'Anthropologie  un  résumé  de  ses 
observations  diverses  sur  le  plateau  central  nigérien,  et  à  la  Société  de 
Géographie  un  exposé  archéologique  très  sommaire. 

Dans  la  partie  moyenne  de  son  cours  le  Niger  décrit  un  grand  arc  de 
cercle  vers  le  Nord,  autour  d'un  haut  massif  rocheux,  véritable  plateau 
central  soudanais.  Il  y  a  là  quantité  de  régions  élevées,  de  plateaux, 
de  tables,  de  pilons,  séparés  les  uns  des  autres  par  de  profondes  cassures 
(5  à  600  m.),  on  dirait  parfois  les  causses  du  Quercy.  Ce  massif  déli- 
mite le  rebord  sud  de  la  grande  cuvette  lacustre  nigérienne  où,  dans  la 
saison  des  hautes  eaux,  émergent  sur  leurs  îlots  de  sable  les  paillotes 
des  villages  dans  la  verdure.  C'est  une  merveilleuse  zone  de  pâturages, 
riche  terre  à  céréales,  déjà  très  peuplée  à  l'âge  de  la  pierre  polie  afri- 
caine ;  les  instruments  et  les  monuments  mégalithiques  y  abondent. 

Les  ateliers,  ainsi  que  des  stations  de  pécheur,  également  néolithiques, 
sont  remarquables  par  la  grande  quantité  d'éclats  de  grès,  de  quartz 
et  de  silex  dont  ils  sont  parsemés,  avec  hachettes,  couteaux,  grattoirs, 
pointes  de  flèches  en  silex,  objets  de  parure,  ossements,  poteries.  De 
plus  gros  objets,  des  haches  de  0"^,60  de  long,  se  rencontrent  principa- 
lement dans  les  cimetières  actuels  des  nomades,  qui  les  placent  auprès 
de  leurs  morts,  en  raison  de  leur  origine  soi-disant  surnaturelle  et 
céleste. 

Les  monuments  sont  des  pierres  levées,  tantôt  des  trilithes,  la  pierre 
médiane  s'élevant  à  S'^^TO  et  les  autres  à  1"^, 50,  dans  un  spécimen  —  se 
rattachant  peut-être  à  celles  que  l'on  trouve  encore  aujourd'hui  dans 
tous  les  villages  Habbés  et  sur  lesquelles  les  indigènes  font  des  liba- 
tions et  des  sacrifices  —  tantôt  des  groupes  de  nombreux  monolithes, 
15,  20,  colonnes  ouvragées,  ornés  de  dessins  linéaires  ou  sculptés  en 
forme  de  tête  humaine,  ayant  évidemment  de  l'analogie  avec  les 
menhirs  anthropoïdes  de  France. 


692  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Il  y  a  encore  de  grands  murs  de  défense  en  gros  blocs  barrant  les 
vallées  et  les  cols. 

Des  dessins  rupestres  grossiers  exécutés  en  rouge  (oxyde  de  fer)  sur 
les  rochers  quartzeux,  cavaliers,  chameliers,  différents  animaux, 
quelques  signes. 

Les  sépultures  variées,  de  diverses  races,  couvrent  le  pays.  Les 
tombes  berbères  formées  de  grands  cercles  de  pierres  levées  ;  la  cou- 
tume en  existe  encore  chez  les  Kel  Antassars  et  les  Iguellads.  Puis  les 
tombes  Mosschis  et  Gourmankès  dans  lesquelles  le  cadavre  est  placé 
avec  ses  vêtements  et  ses  armes  au  fond  d'un  puits,  qui  est  fermé  d'une 
dalle  surmontée  d'un  vase  renversé  et  entouré  d'un  cercle  de  grosses 
pierres.  Les  tombes  sont  marquées  par  une  pierre  verticale  et  des  ran- 
gées de  poteries  funéraires  percées  de  trous. 

Bien  avant  notre  ère  les  populations  connurent  l'art  de  travailler  les 
métaux,  de  tisser  les  étoffes,  de  fabriquer  des  poteries  et  Ton  en  trouve 
de  multiples  témoignages  dans  de  gigantesques  tumuli  qui  ont  une  aire 
de  dispersion  fort  étendue  et  grâce  auxquels  on  pourra  déterminer  la 
civilisation  et  la  répartition  des  peuples  qui  appartenaient  au  célèbre 
empire  de  Ganatha  au  x^  siècle. 

Dans  les  massifs  montagneux  les  cadavres  sont  placés  sous  des  abris 
de  rochers  ou  entassés  dans  des  grottes,  tantôt  enfermés  sous  des 
espèces  de  dolmens  formés  par  une  fissure  naturelle  et  verticale  des 
rochers  que  l'on  recouvre  de  larges  dalles;  enfin,  d'autres  sont  abrités 
par  dizaines  dans  de  petites  cases  minuscules,  accrochées  sous  des 
abris  de  rochers  les  plus  difficilement  accessibles,  et  dont  l'usage  con- 
tinue. 

M.  Desplagnes  a  noté  soigneusement  tous  les  rites  des  populations 
actuelles,  en  particulier  tout  ce  qui  concerne  les  morts.  Nous  signalons 
un  détail  plein  d'intérêt  pour  nos  études  comparatives.  Nous  voyons  le 
corps  lavé  et  colorié  en  rouge,  etc.,  avant  d'être  grimpé  dans  sa  demeure 
dernière,  la  petite  case  de  la  montagne,  sous  une  fente  de  rocher. 

Que  de  faits  intéressants  un  peu  partout  signalés I  lorsqu'il  est  ques- 
tion soit  du  chef  sorcier,  le  Laggam  redouté,  intermédiaire  entre  les 
divinités  malfaisantes  et  les  hommes,  qui  habite  seul  au  sommet  de  la 
montagne  dans  une  case  très  ornementée  de  sculptures  et  de  bas 
reliefs,  soit  des  fêtes  et  des  danses  auxquelles  prennent  part  nombre 
déjeunes  gens,  masqués  et  travestis,  représentant  l'esprit  des  ancêtres. 
Chaque  famille  doit  entretenir  et  orner  plusieurs  de  ces  travestisse- 
ments. Tous  ces  renseignements  sont  illustrés  par  des  centaines  de 
photographies  dont  25  ont  été  publiées. 

Le  lieutenant  Desplagnes^  au  moment  où  j'écris,  repart  pour  l'Afrique, 
nos  vœux  le  suivent. 

E.  G. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  693 

A.  DOS  Sântos  Rocua.  Le  musée  municipal  de  Figueira  da  Fos  ;  Catalogue  général 

Figueira,  1905,  208  p.  8°. 

Voilà  an  bon  exemple  que  donne  le  Portugal,  décidément  toujours 
plus  éveillé  que  sa  voisine  l'Espagne.  En  1892  on  fonde  un  musée  dans 
une  ville  de  province,  c'est  l'œuvre  de  quelques  notables  du  pays.  En 
avril  189411  est  inauguré,  et  grâce  à  l'activité  de  la  Société  archéologique 
locale  dont  j'ai  signalé  les  travaux,  il  compte  déjà  8400  numéros^  et  il 
a  la  bonne  fortune  d'avoir  un  catalogue  imprimé  1  Nous  y  voyons 
61  pages  consacrées  à  l'âge  de  la  pierre.  Le  reste  à  l'avenant.  Il  y  a  une 
section  de  protohistorique,  une  section  luso-romane,  des  sous-sections 
pour  la  suite  des  antiquités.  Nous  notons  aussi  une  salle  des  comparai- 
sons qui  ferait  envie  à  de  très  grands  musées.  Le  nombre  considérable 
des  donateurs  est  la  preuve  du  zèle  du  conservateur  du  musée  et  de 

l'estime  qu'il  inspire-. 

E.  C. 

F.  Tavares  de  pkoença.  Notice  sur  deux  monuments  épigraphiques.  Goimbra, 

1905,  14  p.  8°,  2  phot. 

L'auteur  s'intéresse  aux  recherches  d'archéologie  préhistorique.  Il  a 
fouillé  aux  environs  de  Castello  Branco  plusieurs  nécropoles  dolméniques, 
et  sa  collection  ne  compfe  pas  moins  de  450  haches  de  pierre  polie. 

A  3  kilomètres  de  cette  ville,  et  au  sud-est,  au  lieu  dit  Mercoles, 
sont  les  vestiges  d'une  ville  romaine  du  nom  de  Castra  Leuca,  et  la  tra- 
dition parle  d'une  autre  ville  nommée  Belcagia.  A  côté  est  la  colline  de 
S.  Marlinho  au  sommet  de  laquelle  on  a  trouvé  les  deux  monolithes 
qu'il  signale.  L'un  mesure  l'^jôS  de  haut  sur  O'^fi^  de  face  et  0°',32 
d'épaisseur.  L'autre  2°^,22  sur  0°^,40  de  face  et  0°^,40  de  côté.  Ce  sont 
des  blocs  destinés  à  être  plantés  dans  la  terre;  dans  ce  but  leur  base 
n'a  pas  été  façonnée.  Tous  deux  ont  des  figures  sommaires,  gravées  au 
trait  sur  une  face  :  sur  l'un  on  dirait  deux  silhouettes  humaines,  deux 
bonhommes,  et,  au  bas,  une  rangée  de  lignes  ornementales;  sur  l'autre, 
un  bonhomme  tirant  de  l'arc,  vers  le  ciel,  d'autres  signes  inexplicables, 
et  peut-être  des  barques  dans  le  genre  de  celles  qui  sont  gravées  sur 
les  dolmens  bretons.  Le  mystère,  malgré  notre  bonne  volonté,  reste 
entier,  et  je  ne  vois  pas  la  possibilité  d'une  comparaison  à  faire;  mais 
je  ne  serais  pas  surpris  que  ces  menhirs  fussent  pré-romains. 

E.  C. 

Dr  A.  GuEBHARD.  Essai  d'inventaire  des  enceintes  préhistoriques  (Castélars)  du 
département  du  Var,  p.  64,  8°,  32  flg. 

P.  GoBY  et  A.  GuEBHARD  uous  out  déjà  donné  (Afas,  t.  XXXIÎI,  1904, 
p.  1068-1109;  fîg.  carte)  sur  les  enceintes  préhistoriques  des  Préalpes 
maritimes  les   meilleurs  renseignements.   Nous  avons  pu  les   appré- 


(;<)i  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

cicr  au  cours  de  riuuabiiable  excursioa  qu'ils  guidèrent  avec  tant  de 
bonne  grâce  après  le  Congrès  de  Monaco,  cette  année  môme.  11  s'agis- 
sait dans  ce  consciencieux  travail  de  87  enceintes  du  seul  arrondisse- 
ment de  Grasse.  M.  Guebhard,  avec  son  zèle  admirable  et  qui  touche  à 
tant  de  domaines,  a  dressé  le  même  inventaire  pour  le  département 
voisin. 

Son  essai  d'inventaire,  repéré  sur  la  carte  au  1/320000%  marque  après 
les  coordonnées  géographiques,  l'allitude,  les  désignations  locales,  les 
références  bibliographiques,  pour  plus  de  160  enceintes.  Puis,  emprun- 
tant des  notes  à  de  nombreux  collaborateurs  dévoués  à  ces  recherches, 
il  fournit  une  fiche  illustrée,  détaillée,  sans  phrases  inutiles  sur  quantité 
de  ces  monuments.  Il  y  a  bien  longtemps  que  j'ai  engagé  M.  Guebhard 
à  étudier  ces  camps  prétendus  ligures.  Je  me  réjouis  de  constater  que 
grâce  à  son  impulsion,  un  peu  partout  en  France,  les  enceintes  fortifiées 

préhistoriques  sont  à  Tordre  du  jour. 

E.  G. 

Harriet  a.  Boyd.  Gournia,  Report  of  the  american  exploration  Society's  excavation 
at  Gournia,  Crète,  1904.  University  of  Pennsylvania.  Transactions  of  Lhe  depart- 
ment  of  archaeolorjy.  Free  Muséum  of  science  and  art.  Vol.  1,  fasc.  li,  1905.  p.  177 
(2  pi.). 

EDITH  H.  Hall.  Early  painted  pottery  from  Gjurnia,  Crète,  ibid.,  p.  191   (8  pL). 

Richard  B.  Seager.  Excavations  at  Vasiliki,  1904,  ibid.,  p.  207  (2  pi.). 

Gournia  est  situé  dans  l'isthme  de  llierapetra.  Les  fouilles  poursui- 
vies depuis  1901  ont  mis  à  jour  une  petite  ville  mycénienne  avec  son 
palais  et  ses  maisons.  II  y  a  de  plus,  à  Gournia  même  et  dans  le  voisi- 
nage, des  sépultures  et  des  ruines  remontant  à  une  époque  plus 
ancienne.  Les  trouvailles  faites  dans  l'isthme  rentrent  dans  trois  groupes 
principaux  :  1°  une  époque  très  ancienne  caractérisée  par  une  poterie 
grossière;  2°  la  période  de  «  Kamares  »;  3°  la  fin  du  Mycénien.  En  réu- 
nissant toutes  les  données  fournies  par  la  céramique  on  a  une  série  qui 
va  du  troisième  millénaire  avant  notre  ère  jusqu'à  l'âge  du  fer. 

1°  Poteries  sub-néolithiques  à  décor  géométrique,  noir  sur  fond  blanc 
clair.  Elles  ressemblent  à  celles  des  Cyclades  et  proviennent  de  tombes 
pratiquées  dans  des  dépressions  de  la  roche  à  Gournia  et  à  Aghia 
Photia,  et  de  la  couche  la  plus  profonde  de  Vasiliki. 

2°  Poteries  de  formes  troyennes,  à  becs  démesurément  longs,  à  décor 
noir  et  rouge,  bigarré  et  à  surface  polie. 

3°  Poteries  blanches  sur  fond  noir,  à  ornements  géométriques,  pro- 
venant d'un  dépôt  situé  au  nord  de  Gournia. 

4"  Type  de  «  Kamares»  et  prototypes  des  formes  locales  de  Gournia, 
trouvés  en  dessous  du  sol  des  maisons. 

5"  Poterie  de  Gournia,  avec  diverses  subdivisions  allant  du  stade  de 
Théra,  du  style  des  Cyclades,  au  style  du  palais  de  Knossos. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  695 

6*  Style  mycénien  réceiil. 

7°  Sous-mycénien,  de  Vronta  et  du  kastro  de  Kavousi.  Apparition  du 
fer. 

8°  Style  géométrique  du  premier  âge  du  fer. 

M.  Boyd  décrit  les  classes  1  et  4;  le  travail  de  M.  Seager  a  pour  objet 
la  classe  2;  M'if  Hall  enfin  s'occupe  des  poteries  du  groupe  3.  Comme 
il  est  presque  impossible,  en  Tabsence  de  figures,  de  décrire  conve- 
nablement des  poteries,  nous  nous  attacherons  surtout  au  travail  de 
M.  Seager,  qui  donne  un  exposé  complet  des  fouilles  effectuées  à  Vasi- 
liki. 

La  Kephala  de  Vasiliki  est  une  crête  calcaire  basse  située  dans  une 
vallée  étroite,  entre  les  montagnes  abruptes  qui  traversent  Tisthme  de 
Hierapetra.  Sur  le  sommet  de  cette  crête  se  trouvent  des  murs  attei- 
gnant 3  mètres  de  hauteur.  11  est  probable  qu'il  s'agit  d'une  seule 
construction  complexe  et  non  d'un  assemblage  de  maisons  distinctes. 
On  trouve  d'ailleurs  les  restes  de  plusieurs  édifices  superposés  et  se 
rapportant  à  trois  périodes.  La  céramique  permet  d'en  distinguer 
quatre.  En  effet  la  poterie  la  plus  ancienne  date  d'une  époque  anté- 
rieure à  la  construction  du  bâtiment  le  plus  ancien.  Ce  sont  des  vases 
sub-néolithiques,  à  décors  géométriques,  du  même  type  que  ceux  des 
tombes  de  Gournia.  La  deuxième  période  a  donné  des  vases  du  style 
des  Cyclades,  à  dessins  géométriques  peints  en  noir  sur  fond  clair. 
Ces  dessins  dérivent  directement  de  ceux  qui  sont  marqués  en  creux 
sur  les  poteries  néolithiques,  et  qui  étaient  remplis  d'une  pâte  blanche. 
Mais  cette  évolution  n'est  pas  marquée  à  Vasiliki,  où  dès  le  début  on 
trouve  la  poterie  peinte  entièrement  développée  et  où  la  poterie  néoli- 
thique ne  présente  pas  de  remplissage  blanc.  Les  vases  de  cette  période 
sont  d'ordinaire  faits  à  la  main,  et  de  forme  assez  lourde. 

A  la  troisième  période,  les  murs  de  l'ancien  édifice  ont  été  jetés  à 
bas  pour  faire  place  à  une  construction  nouvelle.  C'est  la  phase  de  plus 
grande  prospérité  de  la  station.  Le  style  des  Cyclades  a  entièrement 
disparu,  et  est  remplacé  par  une  poterie  qui  n'était  représentée  jusqu'à 
ce  jour  que  par  un  fragment  provenant  de  Zakro.  En  réalité  cette  céra- 
mique forme  une  catégorie  spéciale  dans  l'évolution  de  la  Crète  et  a 
régné  sans  conteste  à  une  certaine  période,  du  moins  dans  l'est  de  l'Ile. 
Ce  type  se  retrouve  à  Gournia  et  à  Aghia-Photia.  Il  est  caractérisé  par 
Texagération  des  cols,  des  becs  et  des  anses.  La  pâte  est  marbrée  par 
l'action  du  feu;  elle  présente  en  général  un  fond  rouge-orangé  et  des 
taches  noires.  Ces  vases  rappellent  les  poteries  libyennes  de  l'époque 
pré-dynastique  de  Pétrie. 

Dans  la  quatrième  période,  des  constructions  peu  solides  ont  succédé 
aux  fortes  murailles  de  la  période  précédente.  La  poterie  présente  des 
dessins  géométriques  blancs  sur  fond  noir;  les  formes  sont  moins 
variées  qu'avec  les  vases  marbrés.  A  Vasiliki  les  tessons  de  ces  poteries 


G96  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

sont  épars  au  niveau  supérieur  et  rien  n'a  succédé  à  cet  établissement. 
A  Cournia  au  contraire  ils  ont  été  rassemblés  en  tas  par  les  envahis- 
seurs, qui  se  sont  établis  sur  les  ruines  des  constructions  des  époques 
précédentes.  Ce  type  conduit  directement  au  Minoen  moyen  ou  type  de 
Kamares. 

D"^  L.  Laloy. 


René  Dussaud.  Questions  mycéniennes.  Rcv.  hist.  des  Religions.  Paris,  1905,  40  p., 
10  fig.  —  La  Troie  homérique  et  les  récentes  découvertes  en  Crète,  p.  37-56, 
25  fig.  Rev.  Bull,  de  l'École  Anlhr.  Paris,  1905.  —  La  civilisation  préhellénique 
dans  les  Cyclades,  p.  105-132,  Ibidem  19ÛG,  54  fig.  —  Fouilles  récentes  dans  les 
Cyclades  et  en  Crète,  p.  109-132,  12  fig.  Bull.  Soc.  Anthr.  Paris,  1906. 

L'Anthropologie  a  eu  la  bonne  fortune  de  publier  en  1902  p.  1-39, 1904, 
p.  257-296  des  articles  fort  remarqués  de  M.  Salomon  Reinach  sur  la 
Crète  avant  V histoire.  Notre  confrère  nous  a  également  parlé  des  coupes 
de  Vaphio  et  des  autres  découvertes  d'intérêt  capital  qui  se  sont  succédé 
dans  l'orient  de  la  Méditerranée.  Nos  lecteurs  sont  donc  au  courant. 
Mais  ceux  qui  ne  connaissent  pas  les  articles  de  M.  R.  Dussaud  qui 
supplée  avec  autorité  M.  Philippe  Berger  au  Collège  de  France  nous 
sauront  gré  de  les  leur  signaler.  Ici  d'ailleurs  nous  devons  consigner 
la  bibliographie  aussi  complète  que  possible  du  pré  et  du  protohisto- 
rique. 

M.  R.  Dussaud  ne  se  contente  pas  de  résumer  les  travaux  publiés  par 
A.  Evans  et  ses  émules,  par  tant  d'érudits  qui  se  passionnent  un  peu 
partout  pour  ces  études  préhelléniques.  Il  ajoute  sa  note  très  person- 
nelle ;  ses  critiques  ont  une  réelle  portée  car  il  a  étudié  lui-même  les 
localités  et  les  monuments.  Et  je  ne  crois  pas  commettre  une  indiscré- 
tion en  ajoutant  qu'après  un  nouveau  voyage  en  Orient  il  a  le  projet  de 
visiter  avec  le  même  soin  le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée.  II 
sera  évidemment  très  en  mesure  de  répandre  beaucoup  de  lumière  sur 
une  foule  de  questions  posées  et  d'en  faire  surgir  de  nouvelles. 

E.  Cartailhac. 


René  Dussaud.  La  matérialisation  de  la  prière  en   Orient,  p.  213-220.  Bull,  de  la 

Soc.  d'Anlhr.  Paris,  1906. 

On  a  signalé  chez  les  Indiens  d'Amérique  des  exemples  de  la  maté- 
rialisation de  la  prière.  M.  Dussaud  montre  qu'elle  n'est  nullement 
inconnue  chez  les  peuples  deTOrient.  Il  s'agit  pour  l'individu  de  trans- 
mettre par  ses  propres  moyen  une  prière  (naturellement  une  prière- 
demande)  à  une  puissance  invisible.  La  parole  est  un  moyen  très  efficace. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  697 

Mais  il  est  un  procédé  non  moins  en  faveur.  La  puissance  invisible  se 
matérialisant  ou,  si  l'on  veut,  s'incorporant  dans  certains  objets,  il  suf- 
fira de  matérialiser  la  prière  et  de  mettre  en  contact  les  deux  objets 
pour  que  la  prière  atteigne,  touche  la  puissance  invisible.  Ainsi  les 
Juifs  de  la  Palestine  rédigent  leur  supplique  et  la  glissent  par  un  trou 
ad  hoc  jusqu'aux  tombeaux  d'Abraham,  d'isaac,  de  Jacob...  En  Syrie 
M.  Dussaud  a  vu  un  Druze,  la  prière  finie,  déposer  une  pierre  sur  le 
tombeau  vénéré  d'un  dieu  local,  Genius  loci.  Dans  l'Orient  et  l'Afrique 
du  Nord,  après  la  prière  l'indigène  dépose  une  pierre  sur  le  mur  du 
sanctuaire  ou  déchire  un  bout  de  son  vêtement  qu'il  glisse  par  lafenêtre 
ou  attache  à  une  des  branches  de  l'arbre  qui  abrite  le  sanctuaire. 
M.  D.  distingue  ce  fait  du  jet  de  pierre  destiné  à  chasser  le  mauvais 
esprit.  Dans  les  deux  cas  on  se  sert  d'une  pierre,  mais  peu  importe; 
dans  le  premier  on  peut  déposer  au  lieu  d'une  pierre  de  la  terre,  du  grain 
ou  de  la  farine,  il  y  a  toujours  une  prière  et  l'offrande  a  pour  but  d'ob- 
tenir qu'elle  soit  exaucée.  C'est  au  Maroc  un  gage  du  vœu.  C'est  une 
matérialisation  de  la  prière.  Il  en  est  de  même  lorsqu'on  met  un  cierge 
à  Notre-Dame-des-Victoires.  Il  remplace  la  pierre  ou  le  chiff"on  des 
Orientaux  et  Africains.  Toutefois  on  doit  éviter  de  confondre  avec  la 
prière-demande  matérialisée  la  plupart  des  ex-voto  qui  sont  des  actions 
de  grâce. 

E.   G. 

V.  GiuFFRiDA-RuGGERî.  Elenco  del  materiale   scheletico  preistorico  e  protostorico 

del  Lazio. 

C'est  un  simple  catalogue  descriptif  des  ossements  préhistoriques  et 
protohistoriques  découverts  dans  cette  région  de  l'Italie.  La  plupart 
d'entre  eux  ayant  déjà  été  décrits  en  temps  opportun  par  différents 
auteurs  dans  des  mémoires  spéciaux,  M.  Giuffrida-Ruggeri  se  borne  à 
rappeler  les  principales  caractéristiques  morphologiques  de  chacun 
d'eux,  sans  émettre  à  leur  sujet  aucune  conclusion  générale,  se  bornant 
simplement  à  compléter  le  catalogue  en  décrivant  ceux  qui  ne  l'ont  pas 
encore  été.  Ces  ossements  sont  les  suivants  : 

1<»  Un  squelette  masculin  trouvé  dans  une  tombe  enéolithique  auprès 
de  Sgurgola  (étudié  par  Incoronato). 

2<>  Deux  crânes,  les  deux  seuls  existant  encore  de  tous  ceux  trouvés 
à  Cantalupo  Mandela  dans  une  grotte  artificielle  enéolithique.  L'un  est 
masculin  et  adulte;  l'autre  en  mauvais  état /)a?^az7  masculin  (étudiés 
par  Ponzi). 

3«  Un  crâne  de  la  tombe  de  l'Esquilin  appartenant  au  Musée  préhis- 
torique. Ce  crâne,  qui  est  masculin,  n'aurait  jamais  été  étudié  et 
M.  Giuffrida-Ruggeri  en  donne  très  brièvement  les  principales  caracté- 
ristiques morphologiques. 


698  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

4**  La  série  de  28  crânes  qui  lut  étudiée  en  1895  par  le  professeur 
Sergi  et  dont  la  plupart  provenaient  des  lombes  de  l'Esquilin. 

5"  Enfin  un  dernier  squelette  masculin  incomplet  appartenant  au 
Musée  étrusque  de  Villa  Giulia.  Ce  squelette  était  encore  inédit  et 
M.  GuifTrida-Ruggeri  le  décrit  brièvement. 

R.  Anthony. 


G.  Papillault.  —  Crânes  d'Abydos.  Bull.  Soc.  Anthrop.,  n°  3   1905. 

M.  G.  Papillault  étudie  au  cours  de  celte  note  une  série  de  11  crânes 
provenant  des  fouilles  exécutées  par  M.  Amélineau  à  Abydos.  Ces 
crânes  semblent  remonter  aux  temps  préhistoriques  ;  il  y  en  a  7  mas- 
culins et  -1  féminins. 

Comme  ils  sont  trop  peu  nombreux  pour  pouvoir  caractériser  le  type 
moyen  de  la  population  de  Tancienne  Egypte,  M.  Papillault  a  eu  l'excel- 
lente idée  de  rapprocher  les  mensurations  qu'il  a  effectuées  sur  ces 
crânes  de  celles  qu'avait  effectuées  jadis  Broca  sur  51  crânes  de  Sakka- 
rah,  et  des  chiffres  qu'a  plus  récemment  obtenus  M.  Chantre  de  Lyon 
en  étudiant  une  série  de  35  crânes  d'El-Khozan.  En  comparant  ces 
différents  chiffres,  on  voit  que  les  caractères  anatomiques  crâniens  des 
habitants  de  l'ancienne  Egypte  varient  énormément.  L'indice  cépha- 
lique,  par  exemple,  va  de  la  dolichocéphalie  extrême  jusqu'à  la  sous- 
brachycéphalie  ;  l'indice  nasal  varie  dans  les  mêmes  proportions,  et  il 
en  est  à  peu  près  de  même  des  autres  caractères. 

Il  semble  donc  qu'il  y  ait  plusieurs  éléments  ethniques  en  présence 
dans  la  composition  de  l'Egypte  ancienne.  Mais  quels  ont  pu  être  ces 
éléments?  M.  Papillault  ne  se  croit  pas  autorisé  à  trancher  cette  ques- 
tion d'une  façon  catégorique.  Le  seul  résultat  auquel  il  soit  arrivé  à  ce 
point  de  vue  est  de  former  trois  groupes  assez  nettement  différenciés 
et  répondant  respectivement  à  trois  types  déjà  décrits  par  le  D""  Ver- 
neau.  L'un  de  ces  groupes  comprend  des  crânes  d'une  forme  pentago- 
nale  très  nette  et  très  particulière.  Mais  l'auteur  ne  saurait  dire  s'il 
s'agit  là  de  véritables  groupes  ethniques  ou  de  variations  individuelles. 

L'intéressant  travail  du  D"^  G.  Papillault  se  termine  par  l'étude  du 
crâne  dit  «  d'Osiris  »  que  M.  Amélineau  lui  avait  demandé  d'étudier 
tout  particulièrement  et  dont  il  l'avait  prié  de  déterminer  le  sexe.  Une 
étude  minutieuse  de  ce  crâne  a  conduit  M.  Papillault  a  admettre  qu'il 
avait  très  probablement  appartenu  à  une  femme. 

R.  A. 

D""  E.  HouzÉ.  L'Aryen    et  l'Anthroposociologie,    Étude   critique.   Instituts   Solvay 
{Travaux  de  llnslilul  de  Sociologie.  Notes  et  Mémoires,  fascicule  5,  1906). 

Cette  étude  comprend  trois  parties  :  1°  l'Aryen  ;  2°  l'Anthropologie  ; 
3°  l'Anthroposociologie, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  699 

M.  Vacher  de  Lapou^e  a  émis,  sur  ces  trois  ordres  de  questions,  des 
idées  qui,  sous  une  apparence  scientifique,  ne  reposent  pas  sur  un 
ensemble  de  documents  suffisamment  sérieux  et  qui,  par  le  fait  d'un 
langage  trop  affirmatif,  ont  pu  fausser  l'esprit  de  lecteurs  incapables 
de  faire  le  départ  entre  la  vérité  et  la  simple  hypothèse  plus  ou  moins 
fantaisiste. 

M.  Houzé  s'est  efforcé  de  montrer  combien  est  vicieuse  la  méthode 
de  M.  de  Lapouge  et,  par  les  textes  qu'il  discute  largement,  il  montre 
l'insuffisance  de  l'argumentation  de  cet  écrivain. 

Au  fond,  c'est  la  linguistique,  si  fortement  envahissante,  qui,  au  lieu 
de  rester  tranquillement  chez  elle,  est  venue  trébucher  dans  les  buis- 
sons de  l'anthropologie.  «  La  vérité  c'est  que  langue  et  race  sont  deux 
notions  entièrement  distinctes,  entre  lesquelles  on  ne  doit  pas  admettre 
l'ombre  même  d'un  rapprochement  ;  c'est  qu'aucune  discussion  anthro- 
pologique ne  doit  jamais,  sous  le  moindre  prétexte,  contenir  un  seul 
mot  de  linguistique,  ni  une  discussion  de  linguistique  un  seul  mot 
d'anthropologie  »  (1).  C'est  que  l'Aryen  est,  en  effet,  purement  d'origine 
linguistique;  ce  sont  les  fouilleurs  de  langues  qui  l'ont  enfanté  dans 
leur  cabinet  de  travail  pour  embrouiller  les  pauvres  ethnographes  du 
temps  actuel.  Et,  par  malheur,  il  y  a  eu  des  gens  pour  le  prendre  au 
sérieux,  pour  lui  supposer  un  type  quelconque,  imprécis,  fatalement, 
mais  pour  lesquels  il  est  d'existence  certaine. 

Les  fouilles  exécutées  en  Europe  depuis  un  demi-siècle,  auxquelles 
s'ajoutent  quelques  trouvailles  plus  anciennes,  ont  permis  de  constater 
que  depuis  l'époque  quaternaire  il  y  a  eu  des  populations  de  types  dif- 
férents, qu'on  dénomma  Spy  ou  Canstadt,  Cro-Magnon,  Furfooz,  du  lieu 
des  trouvailles,  puisqu'il  n'était  pas  possible  de  les  rattacher  à  une  race 
précise  d'une  époque  quelconque,  antérieure  à  l'histoire,  et  ces  désigna- 
tions ont  servi  à  caractériser  anatomiquement  des  types  ethniques  non 
encore  disparus. 

Tel  n'est  pas  le  cas  pour  l'Aryen.  C'est  contre  les  faiseurs  de  systèmes 
de  ce  genre  que  M.  Houzé  s'élève  avec  une  juste  virulence,  et  en  parti- 
culier contre  ces  termes  insidieux,  l'Aryen,  l'Indo-Germain,  l'indo- 
Européen  qui  sont  uniquement  d'essence  linguistique. 

Au  point  de  vue  anatomique,  l'Aryen  n'a  pas  été  découvert  encore  ; 
cela  pourra  tarder  longtemps.  Les  transformations  linguistiques,  les 
analogies  de  prononciation,  ne  suffisent  pas  pour  établir  des  affinités 
ethniques  dans  le  temps  et  dans  l'espace,  pour  imaginer  un  type 
humain,  et  c'est  sur  de  pareilles  considérations  que  se  basait  entre 
autres  Antoine  d'Abbadie  pour  rapprocher  les  Basques  des  populations 
de  l'Ethiopie  qu'il  visitait  alors. 

Tant  que  la  question  anatomique  ne  sera  pas  fîxée^  l'Aryen  sera  un 

(1)  Lettre   de   M.  J.  Havet  à    M.  Salomon  Reinach,  in  L Anthropologie^  t.  XI,  1900, 
p.  483. 


700  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

simple  sujet  de  déclamation  à  Fusage  des  faiseurs  de  systèmes.  Aussi 
M.  Ilouzé  a-t-il  raison  de  dire  «  qu'en  dehors  du  point  de  vue  linguis- 
tique, la  question  aryenne  est  la  plus  audacieuse  et  persistante  mysti- 
fication de  Térudition  moderne  qu'elle  discrédite  ». 

Ce  sont  les  écrits  de  M.  Vacher  de  Lapouge  et  de  ses  coreligionnaires 
aryanisants  que  vise  M.  Houzé  et  dont  il  cite  de  nombreux  passages, 
fortement  contradictoires  les  uns  des  autres. 

Le  dolichocéphale  blond,  c'est  l'Aryen,  supérieur  au  brachycéphale 
qui  est  fait  pour  être  Tesclave  du  premier,  parce  que  moins  intelligent. 
Et  M.  de  Lapouge  et  amis  éprouvent  une  véritable  peine  à  constater 
la  probable  et  prochaine  disparition  du  type  dolichocéphale  blond,  de 
la  race  supérieure.  M.  Houzé  démontre  (oh,  cela  sans  pitié)  que  ses 
adversaires  ne  sont  pas  si  férus  qu'ils  le  prétendent  des  doctrines  de 
Darwin  et  de  la  sélection  naturelle,  voire  qu'ils  s'en  servent  pour  les 
fausser. 

Il  nous  semble  inutile  d'insister  davantage  sur  ces  théoriciens  qui 
ont  été  l'objet  de  multiples  critiques  de  la  part  de  nombre  d'anthropo- 
logistes  et  de  philosophes. 

Scientifiquement  l'Aryen  est  mort,  M.  de  Lapouge  ne  pourra  le  faire 
revivre. 

M.  Houzé  a  fait  bonne  besogne  en  donnant  son  avertissement. 

D"-  F.  Delisle. 

ÀDACHr  (Bqntabo).  Das  Knorpelstûck  in  der  Plica  semilunaris  etc.  (Le  cartilage 
du  repli  semilunaire  de  la  conjonctive  des  Japonais).  Zeitschrif't  fur  Morphologie 
und  Anthropologie,  t.  IX,  1906,  p.  325  (1  pL). 

C'est  Giacomini  qui  a  le  premier  signalé  dans  le  repli  semilunaire 
de  la  conjonctive  de  l'homme  une  lamelle  cartilagineuse,  qui  est  bien 
développée  dans  la  troisième  paupière  des  singes  et  d'autres  mammi- 
fères. Il  l'a  trouvée  presque  constamment  chez  les  Nègres  (12  fois  sur 
16  individus),  mais  très  rarement  chez  les  Européens  (3  fois  sur  548 
individus  observés).  M.  Adachi  a  étudié  au  microscope  les  conjonctives 
de  25  Japonais  (13  o^,  12  ^  ).  Il  a  trouvé  le  cartilage  chez  5  individus, 
et  chaque  fois  aux  deux  yeux.  Cette  proportion  de  20  0/0  est  intermé- 
diaire entre  celle  des  Européens  et  des  Nègres.  Il  est  à  noter  encore 
que  sur  les  5  individus,  un  seul  appartenait  au  sexe  masculin.  Le  car- 
tilage est  toujours  plus  ou  moins  aplati  ;  sa  longueur  peut  atteindre 
7  millimètres;  d'autres  fois  il  est  épais  et  court. 

Df  L.  Laloy. 


MKr  Lavest.    Race  indigène  ou  toù-jen  du    Kouang-Si   {Revue  Indo-Chinoise  1905, 

p.  1570). 

Le  nom  de  tou-jen  (indigènes)  est  celui  qui  est  donné  par  les  Chinois 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  701 

à  la  race  qui  forme  les  deux  tiers  de  la  population  de  la  province 
céleste  de  Kouang-Si.  Eux-mêmes  n'appellent  les  Chinois  que  Ké  (hôtes 
ou  étrangers).  Leur  langue,  très  différente  du  chinois  par  les  mots  et 
par  la  syntaxe,  est  proche  parente  de  celle  des  Siamois  ;  il  semble 
qu'ils  aient  eu  aussi  autrefois  une  écriture  particulière,  mais  actuel- 
lement ils  se  servent  des  caractères  chinois,  ils  se  marient  entre  eux  et 
réprouvent  Tunion  avec  les  Chinois.  Leur  mariage,  très  instable,  se 
rompt  souvent  par  volonté  d'un  seul.  Le  costume  des  hommes  est  celui 
des  Chinois.  Celui  des  femmes,  spécial  à  la  race,  se  compose  d'un  panta- 
lon large,  d'un  caraco  riche  et  d'une  ceinture  serrée  à  la  taille,  pen- 
dant sur  le  côté  gauche.  Leur  principal  culte  est  celui  des  ancêtres. 
En  plus,  les  sorciers,  qui  sont  très  nombreux  et  qui  passent  pour  pos- 
sédés, ont  à  charge  de  les  préserver  ou  de  les  guérir  des  maladies  et  de 
prédire  l'avenir. 

J.  Lafitte. 

M^r  Jos.  CcAZ.  Le  jugement  de  Dieu  {Revue  Indo-Chinoise,  1903,  p.  8). 

Cette  petite  note  donne  la  traduction  d'un  curieux  texte  siamois  de 
l'an  899  de  l'ère  civile  (an  1537  de  l'ère  chrétienne,  portant  réglemen- 
tation des  épreuves  qu'il  y  avait  alors  et  qu'il  y  a  eu  assez  longtemps 
lieu  d'encourir  au  Siam  pour  terminer  un  litige.  11  y  avait  sept  moyens 
de  vérifier  l'innocence  ou  la  culpabilité  :  plonger  la  main  dans  du  plomb 
fondu;  —  prêter  serment;  —  marcher  sur  des  charbons  ardents;  — 
être  submergé  ;  —  remonter  un  fleuve  à  la  nage  ;  —  traverser  un  fleuve  ; 
—  s'en  remettre  à  la  flamme  d'un  cierge.  Des  offrandes  précédaient 
chaque  épreuve.  Chacune  de  celles-ci  était  applicable  de  préférence 
suivant  les  cas.  Enfin,  pendant  qu'elles  s'accomplissaient,  par  une  sorte 
de  contre-épreuve,  on  faisait  se  battre  entre  eux  deux  coqs.  Ces  cou- 
tumes barbares  ont  disparu  ;  toutefois  le  serment  est  encore  fréquem- 
ment employé  pour  trancher  les  cas  où  l'accusateur  n'a  ni  preuves  ni 

témoins.^ 

J.  L. 


AdhémardLeclère,  Cambodge  :  Thvoeu-bon  sdâChMedikh  {Revue  Indo-Chinoise,  1905, 

p.  1378). 

Jusqu'à  ces  vingt-cinq  dernières  années  au  Cambodge,  et  il  y  a  encore 
cinquante  ans  au  Siam,  le  roi  abdiquait  chaque  année  pendant  le  mois 
de  Méakh  le  pouvoir,  et  le  remettait  au  chef  des  bakous,  tandis  que 
lui-même  s'enfermait  dans  la  retraite  (on  sait  que  les  bakous,  brahmanes 
venus  autrefois  de  Basse-Birmanie,  constituent  au  Cambodge  une  caste 
privilégiée,  parmi  la({uelle,  en  cas  d'extinction  de  la  race  royale,  il  y 
aurait  à  choisir  le  nouveau  roi,  ce  qui  d'ailleurs  n'a  jamais  eu  lieu).  Le 
bakou,  investi  pour  trois  jours  de  la  puissance  royale,  portait  le  nom  de 


702  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

roi  de  Méakh.  On  lui  remettait  une  couronne  et  des  armes  de  bois,  et, 
sans  faste  ni  de  chevaux  ni  de  costume,  il  parcourait  la  ville  en  proces- 
sion, à  la  tête  de  ses  dignitaires  et  de  200  hommes,  armés  de  matraques 
et  de  massues.  En  dépit  de  la  pauvreté  de  ce  cortège,  qui  avait  fait 
donner  au  roi  temporaire  le  surnom  populaire  de  roi  cloche-pied,  il  est 
plus  que  probable  qu'il  faut  voir  dans  ce  fait  non  pas  une  parodie  ou  un 
dénigrement  du  pouvoir  royal,  comme  on  Ta  cru,  mais  plutôt  un  rappel 
liturgique  des  mœurs  antiques.  M.  Leclère  montre,  en  efï'et,  qu'à  côté  de 
cette  cérémonie  volontairement  très  pauvre,  le  règne  du  roi  méakh 
était  au  contraire  marqué,  pour  son  couronnement  et  pour  son  abdi- 
cation, par  des  fêtes  d'un  luxe  et  d'une  solennité  exceptionnelles. 
D'ailleurs,  l'origine  de  cette  curieuse  coutume  est  tout  à  fait  inconnue. 

J.  L. 

Adhkmard  Leclère.  Cambodge  :  Le  Thvoeu-bon  chaul  prah  vossa  {Revue  Indo- 
Chinoise,  1905,  p.  717). 

L'année  cambodgienne  comprend  trois  saisons  ;  celle  de  la  chaleur 
{Kimhanta),  celle  des  pluies  {Vossanta),  celle  du  froid  [fJémanta).  La 
retraite  des  religieux  du  Buddha  a  lieu  pendant  la  saison  des  pluies,  ou 
du  moins  pendant  ses  trois  premiers  mois.  C'est  une  période  de  jeûne, 
de  recueillement  et  de  prière,  pendant  laquelle  les  fidèles  pourvoient 
par  l'aumône  aux  besoins  des  retraités.  L'entrée  en  retraite  donne  lieu 
à  des  fêtes  spéciales.  Quinze  jours  à  l'avance,  Vachar,  ou  lettré  du  village, 
recueille  parmi  les  habitants  les  olFrandes  d'argent,  destinées  notamment 
à  l'achat  de  cire  d'abeille  dont  on  fait  deux  cierges,  un  gros  sans  mèche, 
et  un  petit  avec  mèche.  Celui-ci  est  allumé  le  jour  de  l'entrée  en  retraite 
et,  en  compagnie  de  l'autre,  promené  solennellement  en  procession  sur 
une  civière  à  travers  le  village,  avec  accompagnement  de  chansons 
sacrées.  Une  cérémonie  parallèle  a  lieu  à  la  cour^  par  les  soins  des 
bakous,  pour  l'entrée  en  retraite  des  cinq  Maha  Khsatriyas.  Enfin,  la 
période  de  retraite  est  terminée  par  une  fête  de  sortie,  où  prennent  part 
à  la  fois  les  religieux  et  les  fidèles.  Elle  comprend  les  offrandes  ordi- 
naires d'aliments  végétaux,  et  une  confession  publique  des  religieux,  qui 
doivent  s'examiner  sur  les  227  fautes  du  Patimouk,  code  des  fautes 
qu'un  religieux  ne  doit  pas  commettre.  Celui  qui  avoue  avoir  péché  est 
exclu  à  jamais  ou  suspendu  pour  un  temps  variable,  quelquefois  cité 
devant  les  tribunaux.  Ensuite,  sur  des  petits  radeaux  en  écorce  de 
bananier,  on  dispose  des  cierges  allumés  et  des  offrandes.  Les  lumières 
qui  descendent  ainsi  la  rivière,  emportées  par  le  courant,  sont  les  âmes 
des  ancêtres,  qui  retournent  au  pays  mystérieux  oii  elles  attendent  la 
réincarnation. 

J.  L. 


MOUVEMENT  SClEiNTlFIQUE.  703 

Adhémard    Leclère.    Cambodge   :  Le   Thvoeu-bon    ak    ambok    sampah   prah  kbê 

[Revue  Indo-Chinoise,  1905,  p.  658). 

La  fête  de  Tavalage  du  paddy  grillé  et  du  salut  à  la  Lune  a  lieu  dans 
la  nuit  qui  suit  la  fête  des  eaux  de  la  pleine  lune  de  Kadoek,  le  huitième 
mois  des  années  ordinaires  et  le  neuvième  des  intercalaires  (courant 
d'octobre)    Rappelant  beaucoup  la  fête  hindoue  de  l'automne  (Saratpar- 
van)  où  Laksmi,  déesse  de  l'abondance,  descend  sur  la  terre  et  apporte  la 
fortune  à  tous  ceux  qu'elle  trouve  éveillés,  la  fête  cambodgienne  passe 
pour  avoir  été  introduite  au  xvii«  siècle  par  le  roi  apostat  Prah-Rama 
(1038-1656).  Tombée  en  désuétude,  elle  a  été  rétablie  en  1850  et  elle  fut 
célébrée  tous  les  ans  à  la  cour  jusqu'à  l'avènement  du  roi  Noroudam, 
qui  la  supprima.  Cependant  elle  persiste   dans  beaucoup  d'endroits, 
bien  que  les  lettrés  la  traitent  de  plaisanterie.  Les  femmes  préparent 
le  matin  un   gâteau  de  paddy  grillé  et  pilé  que  l'on  dépose  à  la  nuit 
tombante  sur  le  sol,   en  compagnie  de  diverses  autres  offrandes,  riz, 
bananes,  noix  de  coco,  eau  parfumée,  bétel,  feuilles  d'aréquier,  fleurs, 
etc.  Au-dessus  de  ces  objets,  se  trouve  une  traverse  de  bambous  sup- 
portée par  deux  pieux.  Quand  la  lune  est  au  plus  haut  de  sa  course 
nocturne,  on  dispose  sur  cette  traverse  des  bougies  en  cire  d'abeille  et 
des  bâtonnets  odoriférants  que  l'on  allume,  puis  Ton  adresse  des  invo- 
cations au  Prah-Chant,  ou  éminent  régent  de  la  lune  :  «  Prah-Chant! 
Grand,  magnifique,  superbe  et  splendide,  plus  beau  que  le  diamant,  que 
les  pierres  précieuses,  que  l'or,  salut!  »  et  on  l'invite  à  se  régaler  des 
offrandes.  Souvent  la  cérémonie,  qui  se  prolonge  tard  et  se  termine  par 
des  jeux,  est  accompagnée  de  consultations  pour  connaître  la  richesse 
des  récoltes  futures. 

J.  L. 

Adhémard  Leclère.  Le  Thvoeu-bon  hé  Kathoen  {Revue  Indo-Chinoise,  1905,  p.   326). 

La  fête  du  don  des  robes  a  lieu  tous  les  ans,  en  octobre  ou  novembre. 
Elle  consiste  essentiellement  en  l'aumône  solennelle  aux  religieux 
de  robes  faites  en  une  seule  journée  et  en  une  seule  nuit.  Des  offrandes 
—  bananes,  oranges,  ananas,  pastèques,  concombres,  etc.  —  sont  dis- 
tribuées sur  une  civière,  et  sur  une  autre  des  cierges,  des  bâtonnets 
odoriférants,  du  bétel,  etc.  La  cérémonie  commence  par  une  procession 
à  l'intérieur  du  temple,  puis  le  lettré  du  village  fait  aux  religieux 
l'offrande  des  robes  bordées.  Le  chef  des  religieux  répond  en  récitant 
au  peuple  assemblé  les  cinq  préceptes  de  Tabstinence  elles  trois  pro- 
tections ;  ensuite  a  lieu  l'acceptation  des  robes  —  ou  plutôt  de  la  robe, 
bien  que  la  formule  soit  toujours  employée  au  pluriel.  Le  chef  des  reli- 
gieux enlève  pièce  à  pièce  l'ancienne  robe  qu'il  portait  et,  pièce  à  pièce, 
se  revêt  de  la  nouvelle.  11  doit  dès  lors  entrer  en  retraite  pour  trois 
mois. 

J.   L. 


704  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

H.  BoiiATTA.  Das  javanische  Drama.  (Le  drame  javanais).  Mitieilungen  der  Anlhrop, 
Gesellsch.  in  Wien,  t.  XXXV,  1905,  p.  278. 

L'auteur  fait  ressortir  que  le  drame  javanais  est  une  production 
absolument  originale,  tant  par  le  contenu  des  légendes  que  par  leur 
réalisation.  Il  a  émigré  à  Bali,  Sumatra  et  Bornéo.  Mais  les  jeux  d'ombres 
des  Chinois  et  des  Turcs  n'ont  rien  de  commun  avec  lui.  Il  est  possible, 
en  revanche,  que  le  drame  siamois  dérive  du  javanais.  Il  ne  semble  pas 
que  celui-ci  ait  été  influencé  par  l'Inde.  Le  drame  javanais  ou  wajang 
est  d'origine  religieuse,  et  aujourd'hui  encore  ce  caractère  fonda- 
mental est  distinct.  Dans  sa  forme  la  plus  typique,  le  wajang  consiste  à 
projeter  l'ombre  de  poupées  articulées  sur  une  toile  blanche.  Dans 
d'autres  formes,  les  poupées  apparaissent  en  personne  à  travers  une 
ouverture  de  la  toile.  Ces  représentations  n'ont  pas  lieu  seulement  chez 
les  grands  ouïes  riches,  mais  même  dans  les  villages,  à  l'occasion  d'une 
réjouissance.  Le  rôle  du  montreur  de  silhouettes  ou  dalang  est  diffi- 
cile. Il  organise  la  représentation,  il  fait  manœuvrer  les  poupées,  récite 
les  dialogues  et  les  chants,  imite  le  bruit  des  combats  en  frappant  des 
cymbales  avec  son  pied,  enfin  il  dirige  l'orchestre.  Il  lui  faut  d'excellents 
poumons,  car  la  représentation  dure  de  8  heures  du  soir  à  6  heures 
du  matin.  On  exige  de  lui  une  connaissance  exacte  des  vieilles  légendes, 
et  une  certaine  verve  pour  faire  rire  le  public  en  intercalant  dans  le  drame 
des  dialogues  entre  des  poupées  comiques  qui  jouent  le  rôle  de  clowns. 
Les  poupées  sont  découpées  dans  du  cuir  de  buffle,  les  bras  et  les  Jambes 
sont  articulés  et  dirigés  par  des  baguettes  attachées  aux  mains  et  (aux 
pieds.  Du  milieu  du  corps  de  la  poupée  part  une  baguette  qui  sert  à  la 
tenir  ou  à  la  ficher  sur  un  support  lorsqu'elle  ne  joue  pas.  Ces  poupées 
ont  une  tête  pointue,  un  long  cou,  de  grandes  mains;  elles  n'ont  pas 
la  prétention  de  représenter  la  nature,  mais  des  esprits. 

La  représentation  se  compose  des  parties  suivantes  :  Bjanturran,  le 
dalang,  accompagné  doucement  par  la  musique,  présente  les  person- 
nages qui  vont  paraître.  Renggan,  louange  d'une  personne  ou  d'une 
localité,  improvisée  par  le  dalang.  Suluk,  récitatifs  tirés  d'anciennes 
poésies  javanaises,  le  dalang  les  chante,  en  général  sans  les  comprendre. 
Potjapan,  dialogue  des  personnages  du  drame,  Banjolan,  scènes 
comiques,  Prang,  combats  singuliers.  Dans  ces  deux  dernières  scènes 
le  dalang  peut  se  livrer  à  son  improvisation,  tandis  que  pour  le  reste 
du  drame,  il  est  lié  à  la  tradition,  M.  Bohatta  termine  son  travail  en 
donnant  des  extraits  copieux  du  drame  Lakon  Abijasa. 

B^L.  Laloy. 

H.  Bab.  Geschlechtsleben,  Geburt  und  Missgeburt  in  der  asiatischen  Mythologie 
(Vie  sexuelle,  naissance  et  monstruosité  dans  la  mythologie  asiatique).  Zeitschrifl 
fur  Ethnologie,  t.  XXXVIIl,  1906,  p.  269  (26  fig.). 

Une  partie  des  figures  monstrueuses  que  nous  offrent  les  mythologies 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  ir05 

sont  obtenues  par  la  combinaisons  arbitraire  d'organes  normaux.  Mais 
il  en  est  d'autres  qui  sont  la  copie  directe  d'anomalies  et  semblent 
empruntées  à  un  musée  d'anatomie  pathologique.  On  a  souvent  com- 
paré les  dessins  des  enfants  avec  ceux  des  peuples  primitifs.  Mais  les 
enfants  ne  représentent  jamais  des  individus  à  deux  têtes  ou  à  bras 
multiples,  parce  qu'ils  n'en  ont  jamais  observé.  Ces  monstruosités 
sont,  au  contraire,  communes  dans  la  mythologie  indoue.  Schatz  (1)  a 
étudié  les  dieux  antiques  au  point  de  vue  de  l'anatomie  pathologique. 
Quelques-uns  de  ses  rapprochements  paraissent  d'ailleurs  assez  dou- 
teux, et  je  me  demande  s'il  était  nécessaire  de  voir  une  hernie  cérébrale 
occipitale  pour  imaginer  le  mythe  d'Atlas  supportant  la  sphère  du 
monde  sur  sa  nuque,  ou  si  les  Centaures  représentent  des  monstres 
doubles  postérieurement.  D'autres  (Cyclopes,  Janus,  hydre  à  plusieurs 
têtes,  etc.)  sont  plus  admissibles. 

M.  Bab  ajoute  à  cette  liste  un  certain  nombre  d'autres  cas  empruntés 
soit  à  la  mythologie  grecque  soit  aux  religions  orientales.  La  délicatesse 
de  goût  des  Grecs  les  a  empêchés  d'utiliser  dans  leurs  mythes  des  mons- 
truosités trop  inesthétiques.  Les  Asiatiques  n'ont  pas  eu  de  ces  scrupules 
et  c'est  pourquoi  nous  trouvons  dans  leur  mythologie  de  nombreuses 
légendes  ayant  trait  à  la  vie  sexuelle  et  à  ses  déviations,  et  parmi  leurs 
monuments  figurés  des  représentations  des  monstruosités  les  plus 
accentuées.  C'est  surtout  l'Inde  que  l'auteur  a  étudiée,  mais  les  religions 
de  l'Extrême-Orient  ne  sont  guère  moins  riches  à  ce  point  de  vue. 

11  est  impossible  d'entrer  dans  le  détail  de  tous  les  rapprochements 
établis  par  l'auteur.  Les  figures  —  un  peu  trop  rares  —  où  il  repré- 
sente, en  face  du  monument  figuré,  la  monstruosité  dont  il  dérive,  sont 
particulièrement  instructives.  Nous  citerons  seulement  le  cas  suivant, 
qui  n'avait  pas  encore  été  signalé.  Chez  les  syncéphales  il  y  a  deux  têtes 
fusionnées  par  l'un  des  côtés;  cela  donne  l'apparence  d'une  tête 
unique,  à  contour  anguleux,  pourvue  de  quatre  yeux,  superposés 
deux  à  deux,  d'un  nez  et  d'une  bouche  très  larges.  Or  le  dieu  indou 
Yama  a  des  chiens  à  quatre  yeux,  et  à  large  nez.  Le  Musée  d'ethnologie 
de  Berlin  possède  des  masques  de  Pang-syang-si  provenant  de  Corée 
où  l'identité  avec  la  monstruosité  pathologique  est  complète.  Les  yeux 
occupent  la  même  situation  des  deux  côtés  du  nez,  ceux  d'en  haut  sont 
plus  rapprochés  que  ceux  d'en  bas,  la  bouche  est  large,  et  sur  la  ligne 
médiane  on  voit  des  accidents  dus  à  la  soudure  des  deux  têtes. 

Cet  exemple  suffit  à  montrer  l'intérêt  de  ces  recherches  :  elles 
prouvent  que  les  conceptions  des  Orientaux  ne  sont  pas  toujours  le  pro- 
duit d'une  imagination  déréglée,  mais  qu'elles  témoignent  au  contraire 
de  l'esprit  observateur  de  ces  peuples,  qui  n'ont  fait  que  transposer  des 

(1)  F.  Schatz.  Die  gi^iechischen  Gotier  und  die  mensclilichen  Missgeburlen  WiesbadeDj 
Bergmann,  1901, 

l'anthropologie.  -—  T.  xvH.  —  1906.  45 


"0<>  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

faits  réels  dans  le  monde  supraterrestre,  qui,  par  définition  doit  con- 
tenir tout  ce  que  peut  offrir  la  nature. 

D»-  L.  L. 


G.  Fhitsch 
ethnogra 
p.  347. 


.  Die  ethnographischen   Problème   im  tropischen  Osten  (Les  problèmes 
aphiques  de  l'Orient  tropical).  Zeitschrifl  fur  ethnologie,  t.  XXXVIII,   1906, 


L'auteur  montre  qu'il  y  a  des  modes  en  anthropologie.  A  une  certaine 
époque  on  cherchait  partout  les  tribus  perdues  d'Israël,  puis  ce  fut 
le  tour  des  éléments  mongoloïdes  qu'on  trouvait  dans  toutes  les  races  ; 
actuellement  on  veut  voir  de  tous  côtés  des  pygmées.  Or  les  peuples 
primitifs  actuels  ne  sont  pas  des  pygmées  au  sens  propre  du  terme.  Si 
la  taille  de  certaines  de  ces  races  est  au  dessous  de  la  moyenne,  il  ne 
faut  pas  oublier  que  la  limite  de  taille  de  l'armée  romaine  était  fixée  à 
1",48  et  que  la  taille  des  Japonais  ne  dépasse  guère  ce  chiffre. 

Les  Weddas  de  Geylan  sont  loin  d'être  des  nains.  11  faut  rapprocher 
de  ce  peuple  primitif  les  Chuang  et  les  Yeruba  de  l'Inde,  les  Senoï  de  la 
presqu'île  de  Malacca,  les  Hieng  du  Cambodge  et  les  Miao-tse  du  sud 
de  la  Chine.  Les  différences  somatiques  légères  que  présentent  entre 
elles  ces  populations  s'expliquent  facilement  par  la  grandeur  de  leur 
aire  de  dispersion  et  le  mélange  avec  des  peuples  voisins.  Même  dans 
les  villes  de  la  côte,  par  exemple  à  Shanghai,  on  rencontre  dans  les 
basses  classes  des  éléments  qui  n'ont  presque  aucun  caractère  mongo- 
lique,  et  qui  rappellent  les  Hieng,  par  leur  peau  foncée,  leurs  cheveux 
ondulés  et  leur  face  osseuse  et  sauvage.  Ils  portent  le  nom  de  Mand- 
choures,  qui  signifie  simplement  qu'ils  proviennent  de  l'intérieur.  Enfin 
le  dernier  rameau  de  cette  race  primitive  asiatique  est  constitué  par 
les  Aïnos. 

Dans  les  îles  de  l'Indonésie  la  complication  est  plus  grande,  à  cause 
des  mélanges  avec  la  race  malaise.  A  Sumatra,  il  y  a  des  primitifs 
vivant  comme  les  Weddas  dans  des  forêts,  sans  habitations  ni  vête- 
ments ;  leurs  cheveux  sont  ondes.  On  leur  donne  le  nom  de  Kubu-kubu. 
Plus  à  l'est,  on  rencontre  les  Alfourous,dont  l'aspect  rappelle  celui  des 
Européens,  et  qui  se  rattachement  également  aux  Weddas.  Mais  à 
mesure  qu'on  gagne  l'est  de  l'archipel  on  rencontre  de  plus  en  plus 
d'éléments  australiens. 

Le  type  australien  est  caractérisé  par  un  nez  large,  à  racine  dépri- 
mée, un  front  fuyant,  de  fortes  arcades  sourcilières,  une  taille  plutôt 
élevée,  des  jambes  longues,  des  cheveux  crépus  ou  ondulés.  11  est  pur 
surtout  dans  le  nord-est  et  le  centre  de  l'Australie.  Dans  le  sud,  il  est 
plus  trapu  et  plus  velu,  dans  l'ouest  plus  élancé,  avec  des  traits  plutôt 
nigritiques.  Ces  différences  ne  prouvent  rien  contre  l'unité  du  type, 
elles  peuvent  être  attribuées  à  des  immigrants  venus  par  mer.  Le  type 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  707 

australien  se  retrouve  très  nettement  aux  Nouvelles-Hébrides,  moins 
distinctement  aux  Salomon,  il  n'est  pas  rare  en  Nouvelle-Poméranie,  et 
paraît  même  exister  aux  Philippines,  notamment  à  Mindoro.  Dans  le 
mélange  connu  sous  le  nom  de  Negritos,  il  y  a  en  effet  des  individus  à 
cheveux  ondés^  dont  l'apect  n'est  pas  du  tout  nigritique. 

Il  paraît  hors  de  doute  qu'à  une  époque  reculée  où  les  connexions 
continentales  étaient  tout  autres  qu'aujoud'hui,  des  éléments  ethniques 
venus  d'Afrique  se  sont  répandus  jusqu'aux  Philippines  au  nord,  aux 
Fidji  au  sud.  Les  Bravidiens  du  sud  de  l'Inde  laissent  soupçonner  un 
mélange  de  sang  nigritique.  Quant  aux  Andamans,  ils  sont  incontesta- 
blement nigritiques,  leurs  cheveux  sont  roulés  en  spirale,  leur  face  est 
négroïde,  seul  le  crâne  difïère  de  celui  de  la  majorité  des  Nègres  par  sa 
forme  mésocéphale  ou  faiblement  brachycéphale  ;  mais  ces  formes 
existent  ausi  en  Afrique.  C'est  précisément  l'isolement  actuel  de  ce 
groupe  ethnique  qui  porte  à  admettre  l'existence  d'une  connexion  an- 
cienne avec  les  territoires  où  vivent  encore  aujourd'hui  des  gens  du 
même  type.  Il  est  remarquable  que  ni  aux  Nicobares,  ni  à  Nias  ou  à 
Mentawei  on  ne  retrouve  de  nigritiques  :  tous  ces  indigènes  sont  malais. 
En  revanche,  les  Semang  de  Malacca  ont  tout  à  fait  l'aspect  africain. 
Ces  Nègres  pélagiques  ou  Negritos  au  sens  propre  ont  un  centre  de 
dispersion  dans  les  archipels  réunis  sous  le  nom  de  Mélanésie.  Ils  ont 
envoyé  des  rameaux  dans  diverses  directions.  Les  Tasmaniens  paraissent 
devoir  être  rattachés  aux  Mélanésiens.  Il  en  est  en  tout  cas  ainsi  des  Fid- 
jiens.  Beaucoup  d'indigènes  de  la  Nouvelle-Guinée  ressemblent  à  des 
Souahéli  ou  à  des  Zoulous.  Les  Papous  ont  cependant  subi  plus  d'in- 
fluences étrangères  que  les  indigènes  situés  plus  à  l'est;,  ceux  des  îles 
Salomon  par  exemple.  Sur  la  côte  sud  de  la  Nouvelle-Poméranie  il  y  a 
des  Négroïdes  qui  se  déforment  le  crâne  et  lui  donnent  un  acpect  turri- 
céphale.  Dans  une  autre  partie  de  cette  île,  les  hommes  ont  de  longues 
barbes  divisées  en  boucles  ;  il  est  dificile  de  dire  d'où  provient  ce  groupe 
ethnique.  C'est  aux  Philippines  que  se  trouve  le  foyer  où  viennent  se 
mêler  toutes  les  races  de  cette  partie  du  globe.  Le  groupe  dit  Negrito 
renferme  une  forte  proportion  de  Nègres  pélagiques. 

La  race  qu'on  peut  qualifier  d'arienne  a.dans  l'Inde, une  couleur  foncée 
qui  ne  peut  s'expliquer  que  par  des  mélanges  avec  des  races  primitives. 
Il  s'est  formé  ainsi  une  quantité  de  types  mixtes.  Chez  les  Kols  des 
Nilgherries,  il  y  a  toutes  les  transitions  du  type  hindoustani  le  plus  pur 
au  type  le  plus  sauvage.  Les  Todas  également  ne  sont  plus  à  l'état  de 
nature^,  comme  les  Weddas.  Dans  l'est,  en  haute  Birmanie,  les  Ariens 
se  sont  mêlés  à  des  Mongols.  Ils  n'ont  pu  se  maintenir  à  Java  ;  à  Suma- 
tra, leurs  descendants,  les  Battaks,  sont  entièrement  dégénérés. 

La  race  jaune,  partie  des  territoires  situés  au  nord  de  l'Himalaya,  se 
répandit  d'abord  à  l'est  puis  au  sud-est.  Pour  M.  Fritsch,  les  différents 
groupes  réunis  sous  la  dénomination  de  Malais  représentent  des  mé- 


708  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

langes,  à  des  titres  divers,  d'Hindous  et  de  Chinois.  Par  suite^  les  popula- 
tions de  rindo-Chine  seraient  le  véritable  noyau  d'origine  des  Malais.  Les 
Malais  des  côtes  portent  encore  ce  type  mixte  d'une  façon  très  distincte, 
tandis  que  ceux  de  l'intérieur,  devenus  sédentaires,  ont  absorbé  d'autres 
éléments,  notamment  des  restes  des  populations  autochtones.  Les  Java- 
nais, les  Sumatrais,  les  Madourais  et  les  Dayaks  se  distinguent  par  une 
plus  forte  proportion  de  sang  hindou,  les  Hovas,  par  un  mélange  d'élé- 
ments nigritiques.  C'est  en  Océanie  que  le  problème  est  le  plus  complexe. 
Les  caractères  mongoliques  ont  à  peu  près  disparu,  s'ils  ont  jamais 
existé  ;  l'habitus  général  et  la  facilité  des  croisements  avec  la  race 
blanche  portent  à  penser  que  les  Polynésiens  sont  apparentés  à  cette 
race  par  une  voie  totalement  perdue  aujourd'hui.  Les  Maoris  se  rap- 
prochent parleurs  caractères  physiques  et  par  leurs  mœurs  des  Indiens 
du  Nord-Ouest  américain,  sans  que  rien  permette  d'expliquer  ces 
analogies  qui  sont  peut-être  de  simple  phénomènes  de  convergence. 
Quant  k  la  Micronésie,  sa  population  peu  nombreuse  a  des  caractères  si 
variables  et  le  hasard  a  joué  un  tel  rôle  dans  la  colonisation  de  ces  îles 
situées  entre  la  Mélanésie  et  la  Polynésie,  qu'on  ne  peut  en  tirer  aucune 
considération  générale. 

D'  L.  L. 


A.  Kaisisr.  Rassenbiologische  Betrachtungen  ûber  das  Masai-Volk  (Biologie  eth- 
nique des  Masaï).  Archiv  fur  Rassen-  und  Gesellschaft-Biologie,  t.  III,  1906, 
p.  201  (14  fig.). 

On  sait  que  d'après  Merker  {Anthrop.,  t.  XV,  1904,  p.  439)  les  Masaï 
de  l'Afrique  orientale  seraient  un  débris  du  peuple  sémite  qui  occupait 
le  nord  de  l'Egypte  à  une  époque  reculée.  M.  Kaiser,  qui  a  résidé  long- 
temps parmi  eux,  fait  ressortir  qu'on  ne  trouve  une  confirmation  de 
l'origine  asiatique  des  Masaï  ni  dans  leurs  caractères  somatiques  ou 
psychiques,  ni  dans  leurs  traditions  ou  leur  degré  de  civilisation.  Les 
quelques  similitudes  de  VhabiLus  extérieur,  de  la  langue  et  des  mœurs 
des  Masaï  et  des  Israélites  sont  tout  à  fait  insuffisantes  pour  établir 
une  parenté  des  deux  peuples.  Il  n'y  a  pas  non  plus  de  raisons  pour 
chercher  l'origine  des  Masaï  sur  les  côtes  de  la  Méditerranée  ou  de  la 
mer  Rouge,  quoiqu'ils  aient  de  nombreux  traits  communs  avec  les 
peuples  de  ces  régions. 

Les  Masaï  semblent  habiter  de  temps  immémorial  les  steppes  de 
lAfrique  orientale,  dans  lesquelles  ils  mènent  une  vie  semi-nomade. 
On  ne  saurait  admettre  qu'un  peuple  barbare  ait  pu  traverser  les 
États  fortement  organisés  de  la  vallée  du  Nil  pour  aller  s'établir  au 
cœur  de  l'Afrique.  Le  Masaï  en  est  à  peu  près  resté  au  stade  de  l'âge 
de  la  pierre.  Il  se  nourrit  de  viande  à  peine  grillée,  il  boit  le  sang  des 
animaux;  dans  sa  peur  des  morts,  il  jette  les  cadavres  des  siens  en  pâ- 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  lOQ 

tureaux  bêtes  féroces,  comme  l'homme  primitif  les  brûlait  ou  les  en- 
fermait dans  des  tombes  après  les  avoir  garottés.  Ses  principaux  usten- 
siles sont  des  écorces  de  citrouilles  creusées,  et  une  épée  qui  sert  moins 
comme  arme  que  pour  déterrer  des  racines.  Ses  vêtements  sont  des 
peaux  cousues  avec  des  tendons.  Les  lances,  les  parures  en  fils  métal- 
liques et  en  perles  de  verre  sont  des  produits  modernes  empruntés 
aux  peuples  voisins  ou  aux  Européens.  La  langue  est  très  riche  en  ho- 
monymes et  ne  se  comprend  qu'au  moyen  des  gestes,  l'écriture  est 
limitée  aux  marques  de  propriété  et  à  celles  des  tribus.  Si  on  voulait 
rattacher  les  Masaï  aux  Hébreux,  il  faudrait  admettre  que  ceux-ci  ont 
dégénéré  d'une  façon  extraordinaire. 

Au  point  de  vue  physique  les  Masaï  rappellent,  il  est  vrai,  les  Sémites 
actuels.  Mais  ils  ont  encore  plus  de  ressemblance  avec  les  Africains  du 
Nord  non-sémitiques,  avec  les  anciens  Égyptiens  et  même  avec  certains 
Nègres  du  nord-est  de  l'Afrique.  A  ce  point  de  vue  les  photographies 
de  M.  Kaiser  sont  très  instructives  :  les  types  nègres  etsomalis  y  pré- 
dominent. Les  Masaï  ont  le  crâne  allongé  :  12  hommes  mesurés  par 
Mecker  ont  tous  un  indice  inférieur  à  77  ;  sur  39  femmes,  20  0/0  ont  un 
indice  supérieur  à  ce  chiffre.  Mais  ce  caractère  ne  nous  dit  rien  sur 
leur  parenté. 

M.  Kaiser  rattache  les  Masaï  aux  Hamites,  en  faisant  de  ceux-ci  la 
population  autochtone  de  l'Afrique  du  Nord  et  peut-être  du  sud  de  l'Eu- 
rope. Ce  seraient  eux  qui  auraient  employé  les  éolithes  et  façonné  les 
paléolithes  trouvés  par  Schweinfurth.  Ces  Hamites,  dont  le  type  phy- 
sique rappelle  celui  de  Cro-Magnon,  sont  apparentés  aux  Sémites, 
mais  ne  sont  pas  un  mélange  de  Sémites  et  de  Nègres,  comme  on  l'a 
cru.  Hs  constituent  une  race  adaptée  à  la  vie  dans  les  déserts  et  les 
steppes  et  sur  les  montagnes  stériles  de  l'Afrique.  Ce  n'est  qu'au  con- 
tact des  races  supérieures  des  rives  delà  Méditerranée  que  les  Hamites 
ont  adopté  une  civilisation  supérieure.  Les  Masaï  vivent  surtout  de 
chasse,  d'élevage  et  de  brigandage;  à  l'occasion  ils  font  de  l'agriculture, 
mais  ils  abandonnent  celle-ci  aux  femmes  et  redeviennent  nomades 
dès  que  les  circonstances  sont  favorables.  On  ne  saurait  distinguer, 
comme  on  l'a  fait,  des  Masaï  chasseurs,  pasteurs  et  agriculteurs,  car 
les  changements  entre  ces  trois  genres  de  vie  sont  incessants.  Le  chas- 
seur se  transforme  en  agriculteur  lorsque  le  gibier  se  raréfie;  il  de- 
vient pasteur  lorsqu'une  expédition  heureuse  Ta  mis  en  possession  de 
bestiaux.  L'agriculteur  se  fait  chasseur  quand  la  sécheresse  a  détruit 
ses  récoltes;  le  berger  se  métamorphose  en  chasseur  ou  en  agriculteur 
quand  les  épidémies  ravagent  ses  troupeaux.  Même  les  tribus  très 
différenciées  dans  l'un  des  trois  sens  sont  toujours  capables  de  chan- 
ger de  vie  quand  les  circonstances  l'exigent,  et  c'est  précisément  cette 
adaptivité  qui  leur  permet  de  subsister  dans  ces  régions  plus  ou  moins 
désertiques.  ' 


710  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Les  mœurs  sexuelles  des  Masaï  sont  de  nature  à  favoriser  la  mater- 
nité et  par  suite  à  compenser  la  forte  mortalité  produite  par  des  condi- 
tions d'existence  particulièrement  difficiles.  Merker  a  observé  que 
83  femmes  avaient  donné  548  enfants  (6,3  par  femme).  Avant  son 
mariage  la  jeune  fille  vit  dans  le  kraal  des  jeunes  guerriers  tantôt  avec 
l'un,  tantôt  avec  l'autre.  Le  mariage  est  polygame  et  la  femme  ne  doit 
pas  avoir  de  relations  avec  les  hommes  non  mariés;  mais  son  mari  la 
prête  à  ses  amis  et  à  ses  hôtes  mariés.  Si  la  femme  abandonne  le  kraal 
de  son  mari,  celui-ci  est  toujours  prêt  à  adopter  les  enfants  qu'elle  a  en 
dehors  du  mariage,  surtout  s'il  s'agit  de  garçons.  Le  prix  payé  pour  la 
fiancée  est  très  faible,  ce  qui  permet  à  la  sélection  sexuelle  de  s'exer- 
cer; on  ne  paie  rien  pour  une  veuve  qui  n'a  donnné  naissance  qu'à  des 
filles;  une  veuve  sans  enfants  ne  donne  lieu  à  un  prix  d'achat  que 
lorsque  dans  son  second  mariage  elle  a  donné  jour  à  un  enfant.  En 
résumé,  malgré  les  mélanges  qu'ils  ont  subis  avec  des  éléments  nègres, 
les  Masaï  constituent,  par  l'ensemble  de  leurs  mœurs,  une  race  biolo- 
gique, un  produit  direct  du  milieu  où  ils  vivent. 

D^  L.  L. 

H.  Werner.  Anthropologische,  ethnologische  und  ethnographische  Beobachtungen, 

etc.  (Observations  anthropologiques,  ethnologiques  et  ethnographiques  sur  les  Bo- 
chimans  Heikum  et  Kung).  Zeitschrift  flir  Ethnologie,  XXXVIII,  1906,  p.  241  (6  fig.). 

Un  séjour  de  plusieurs  mois  à  50  km.  au  sud  de  Grootfontein  et  à 
120  km.  au  nord-est  de  Waterberg  a  permis  à  l'auteur  d'étudier  les 
Bochimans  delà  horde  Heikum.  Il  a  mesuré  44  adultes  masculins,  17 
femmes  et  8  enfants  ;  mais,  comme  ses  instruments  ont  été  construits  par 
lui-même  sur  place,  on  ne  peut  accepter  que  ses  mesures  de  la  taille  : 
celle  des  hommes  est  de  1°',553,  celle  des  femmes  de  i'^/idl.  La  couleur 
de  la  peau  est  un  brun  tirant  sur  le  jaune.  Les  cheveux,  longs  de  0"',06 
chez  les  femmes,  de  0"\04  chez  les  hommes,  sont  disposés  en  grains  de 
poivre.  Les  poils  font  presque  entièrement  défaut  sur  le  corps  et  la 
face. 

11  y  a  trois  sortes  de  tatouages.  Des  incisions  peu  profondes,  colorées 
en  bleu  par  du  charbon,  disposées  en  lignes  sur  les  joues,  le  front,  les 
tempes,  la  poitrine,  le  ventre,  le  bras  ou  la  cuisse.  Ce  tatouage,  très 
commun  surtout  chez  les  femmes,  est  purement  ornemental.  D'autre 
part,  tous  les  Heikum,  quel  que  soit  leur  âge  ou  leur  sexe,  portent  entre  les 
sourcils  des  cicatrices  plus  marquées,  formées  de  traits  parallèles  longs 
de  O'^jO'i.  Chez  les  individus  âgés  ces  cicatrices  deviennent  saillantes  en 
forme  de  crêtes  de  coq.  11  s'agit  peut-être  là  d'une  marque  de  tribu.  Le 
troisième  genre  de  cicatrices  provient  d'une  pratique  extrêmement 
curieuse  :  on  introduit  sous  la  peau  des  enfants  mâles  de  petits  morceaux 
de  chair  d'antilope  dans  le  but  de  leur  conférer  la  rapidité  de  cet  animal. 
Ces  inoculations  ont  lieu  sur  les  fesses,  le  dos  ou  la  poitrine. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  711 

Une  particularité  à  noter,  c'est  la  saillie  des  glandes  parotides;  il  a 
été  impossible  de  déterminer  s'il  s'agit  d'une  hypertrophie  de  la  glande 
ou  si  celle-ci  est  refoulée  par  un  masséter  particulièrement  développé 
par  le  régime  végétarien.  Ce  caractère  se  retrouve  aussi  chez  les  Here- 
ros.  Les  dents  ne  sont  jamais  cariées,  mais  chez  les  vieillards  elles  sont 
usées  jusqu'à  la  racine.  Les  Heikum  ne  mutilent  pas  leurs  dents.  Ceux 
qui  ont  été  esclaves  chez  les  Hereros  présentent  la  mutilation  caracté- 
ristique de  ce  peuple  :  incisives  médianes  limées  du  côté  interne,  les 
quatre  incisives  inférieures  arrachées. 

M.  Werner  n'a  observé  de  stéatopygie  ni  chez  les  Heikums  ni  chez  les 
Kung  du  pays  de  Kaukau,  Le  gros  orteil  est  dirigé  directement  en 
avant;  dans  la  plupart  des  cas  c'est  le  deuxième  orteil  qui  est  le  plus 
saillant  (27  cas  sur  39);  quelquefois  c'est  le  premier  (2  cas)  ou  le  pre- 
mier et  le  deuxième  (7  cas)  ou  le  deuxième  et  le  troisième  (3  cas).  La 
démarche  des  Bochimans  est  caractéristique  :  ils  lèvent  beaucoup  la 
jambe,  pour  éviter  les  plantes  épineuses  et  conservent  cette  démarche 
même  sur  le  sol  uni.  Ils  font  des  courses  très  longues  sans  apparence 
de  fatigue,  par  exemple  130  kilomètres  en  48  heures. 

Parmi  les  danses  observées  par  l'auteur,  la  plus  intéressante  est  une 
sorte  de  duel  où  les  deux  adversaires  sont  accroupis  l'un  en  face  de 
l'autre,  se  surveillent  du  regard,  battent  le  sol  des  mains,  parant  les 
coups,  jusqu'à  ce  que  l'un  des  combattants  tombe  en  arrière,  vaincu,  et 
que  l'autre  fasse  un  geste  de  triomphe.  Ce  jeu  est  très  animé,  le  duel 
semble  avoir  pour  objet  des  aliments  dont  l'un  des  adversaires  s'est 
emparé  et  que  l'autre  cherche  à  lui  reprendre.  Dans  une  autre  danse, 
des  femmes  se  jettent  de  l'une  à  l'autre,  tout  en  marchant  en  cercle, 
une  courge  que  les  hommes  essaient  d'attraper  au  vol.  Il  y  a  égale- 
ment une  danse  où  le  principal  participant  porte  un  masque  d'aigle  et 
imite  avec  les  bras  le  vol  plané  de  cet  oiseau.  Un  autre  danseur  porte 
un  nid  dans  sa  main.  A  un  certain  moment,  tous  les  danseurs  font  le 
geste  des  oiseaux  qui  ramassent  de  la  nourriture  sur  le  sol.  Ces  danses 
sont  accompagnées  de  battements  de  mains  et  de  cris.  Le  mémoire  se 
termine  par  un  vocabulaire  heikum,  kung  et  nama.  Les  deux  langues 
bochimanes,  très  semblables  entre  elles,  n'ont  aucun  rapport  avec  le 
nama.  Les  Heikum  parlent  aussi  le  nama,  tandis  que  les  Kung,  isolés  au 

milieu  du  Kalahari  ne  parlent  que  le  Bochiman. 

D'-  L.  L. 

M.  Mauss  (en  collaboration  avec  H.  Beuchat).  Essai  sur  les  variations  saisonnières 
des  sociétés  eskimos.  Étude  de  morphologie  sociale  {L'Année  .sociologique,  IX, 
1904-1905,  pp.  39-132). 

Comme  l'indique  son  titre,  l'ouvrage  de  MM.  Mauss  et  Beuchat.  dont 
les  notes  nombreuses  témoignent  d'un  travail  d'érudition  considérable 
et  contiennent  les  éléments  d'une  bibliographie  complète  pour  un  tra- 


712  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

vail  sur  les  Eskimos,  n'est  pas  un  mémoire  d'ethnographie,  mais  de  socio- 
logie. Les  auteurs  ont  voulu  établir  comment  la  morphologie  sociale 
(le  substrat  matériel  des  sociétés,  la  forme  qu'elles  affectent  en  s'éta- 
blissant  sur  le  sol,  le  volume  et  la  densité  de  la  population,  la  manière 
dont  elle  est  distribuée,  ainsi  que  l'ensemble  des  choses  qui  servent  de 
signe  à  la  vie  collective),  est  liée  aux  différents  modes  de  l'activité 
sociale.  La  recherche  de  ce  rapport  est  relativement  facile  chez  les 
Eskimos,  parce  que  leur  morphologie  varie  aux  différents  moments  de 
Tannée  et  que  l'amplitude  de  ces  variations  précise  le  rapport  de  la 
morphologie  avec  les  modes  d'activité  sociale,  et  écarte  la  possibilité 
d'autres  facteurs  non  vus. 

Les  Eskimos  ont  pour  véritable  unité  territoriale,  non  pas  la  tribu, 
qui  reste  chez  eux  très  rudimentaire,  mais  l'établissement  (seulement), 
c'est-à-dire  un  groupe  de  familles  agglomérées,  unies  par  des  liens 
spéciaux  et  occupant  un  habitat  qui  est  leur  domaine  propre,  où  se 
trouve  le  massif  de  leurs  maisons,  l'ensemble  des  places  de  tentes  et  de 
chasse.  Cette  unité  sociale  et  territoriale  est  marquée  par  Tunité  du 
nom,  désignant  à  la  fois  l'habitat  et  les  habitants,  par  une  délimitation 
nette  dans  l'espace,  et  par  des  traits  distinctifs  de  langue,,  de  religion 
et  de  morale.  A  cause  du  mode  de  vie  des  Eskimos,  que  leur  technique 
immuable  restreint  à  vivre  seulement  de  chasse  et  de  pêche,  et  dans  des 
conditions  de  gibier  très  spéciales,  ces  établissements  sont  peu  nom- 
breux, espacés  et  limités  comme  nombre,  une  sélection  artificielle 
(émigration,  infanticide,  élimination  des  inutiles)  s'ajoutant,  pour  main- 
tenir cette  limitation,  à  la  sélection  naturelle  (morts  accidentelles  fré- 
quentes, par  suite  de  mode  de  vie). 

La  morphologie  de  cette  unité  fondamentale  est  double,  suivant  les 
saisons.  En  été,  habitation  dans  des  tentes  dispersées  (cône  de  perches 
recouvert  de  peaux  de  renne,  avec  des  variations  secondaires)  ;  en  hiver, 
habitation  dans  des  maisons  reserrées  (grandes  maisons,  de  type 
variable,  suivant  les  matériaux  et  la  situation  géographique).  Tandis 
que  la  lente  est  habitée  seulement  par  une  famille  au  sens  étroit  (père, 
mère,  descendants  directs  non  mariés)  et  par  ses  hôtes  accidentels  et 
peu  nombreux,  la  grande  maison  contient  toujours  plusieurs  familles 
(au  moins  2,  et  jusqu'à  6,  7,  9,  10),  l'individualité  familiale  restant  tou- 
tefois marquée  par  le  fait  que  chaque  famille  possède  son  emplacement 
déterminé  et  sa  lampe.  La  concentration  hivernale  est  encore  soulignée 
par  l'existence  (qui  tend  à  disparaître  mais  qui  fut  générale)  du  kaskim, 
maison  d'hiver  agrandie,  non  divisée  en  compartiments,  et  commune 
à  la  station  tout  entière,  où  se  tiennent  des  cérémonies  qui  réunissent 
toute  la  communauté,  ou  des  groupes  de  la  communauté. 

De  plus,  la  distribution  des  habitations  sur  le  sol  varie  aussi  avec  les 
saisons.  Les  maisons  d'hiver  forment  une  station,  dont  la  densité  est 
maximum,  et  le  volume  social  (aire  effectivement  occupée  et  exploitée) 


iMOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  713 

minimum,  cette  concentration  matérielle  pouvant  aboutir,  comme  à 
Aggmagsalik,  à  donner  une  seule  maison  par  établissement  (jusqu'à 
58  habitants,  8  familles).  Si  cet  état  extrême  est  rare,  il  semble,  du 
moins,  qu'autrefois  le  groupe  d'hiver  ait  été  constitué  par  une  maison 
unique  et  multiple  à  la  fois,  formée  par  la  réunion  des  unités  secon- 
daires, autour  d'un  kashim  central,  et  communiquant  directement  avec 
lui. 

Au  contraire,  les  tentes  d'été  sont  très  éloignées  les  unes  des  autres; 
et  cette  dispersion  esi  souvent  accentuée  par  des  voyages  et  par  des 
migrations  lointaines. 

On  ne  saurait  admettre  que  cette  morphologie  ait  pour  seule  explica- 
tion la  situation  géographique.  Ainsi  l'organisation  de  la  longue  maison 
d'hiver  n'est  pas  seulement  un  moyen  de  lutte  contre  le  froid  {\^  :  les 
Eskimos  n'habitent  pas  les  régions  les  plus  froides  du  globe,  et  ce  type 
d'habitation  leur  est  cependant  propre;  2^*  :  des  peuples,  leurs  voisins, 
vivant  dans  des  climats  continentaux  plus  rudes,  ne  l'ont  pas  adopté; 
3<*  :  il  se  conserve  là,  où,  du  fait  climatérique,  il  n'aurait  plus  de  rai- 
sons d'être);  une  telle  morphologie  tient  bien  plutôt  à  ce  que,  attachés 
à  leur  régime  de  vie  par  un  esprit  très  traditionnel,  et  liés,  par  leur 
technique,  à  leur  gibier,  les  Eskimos  vivent  avec  lui  une  véritable  sym- 
biose, se  concentrant  et  se  dispersant  comme  lui,  la  société  humaine 
s'animant  d*un  mouvement  synchronique  à  celui  de  la  vie  ambiante. 
Pour  ne  pas  s'égarer,  il  faut  observer  d'ailleurs  avec  MM.  Mauss  et 
Beuchat,  que  si,  par  là,  l'influence  des  facteurs  biologiques  est  certaine, 
elle  explique  seulement  le  moment  où  se  manifestent  les  deux  mouve- 
ments du  rythme  social  eskimo,  rythme  qui  a  peut-être  des  raisons 
plus  profondes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  rythme  de  la  morphologie  se  retrouve  :  1^  dans 
la  vie  religieuse,  qui,  nulle  en  été,  s'exagère  l'hiver  en  une  exaltation 
contmue  et  à  caractère  profondément  collectif  (fêtes  communes  dans  le 
kashim,  fêtes  et  rites  à  portée  collective,  accompagnés  de  communisme 
sexuel),  et,  par  la  vie  religieuse,  dans  les  idées,  les  représentations  collec- 
tives, la  mentalité  du  groupe  (classement  des  gens,  des  choses,  en 
groupe  d'été  et  groupe  d'hiver,  avec  des  interdictions  d'un  groupe  sur 
l'autre)  ;  2^  dans  la  vie  juridique  et  le  régime  des  biens  :  un  droit  d'été, 
individuel  ou  familial  sensu  stricto,  sous  l'autorité  du  père,  un  droit 
d'hiver,  communiste  (les  objets,  les  produits  de  chasse,  etc.,  sont  biens 
communs  à  tous  les  gens  de  la  maison,  qui  forment  une  autre  famille 
plus  grande,  et  souvent  au  groupe  entier),  et  accompagné  de  la  dispa- 
rition du  caractère  patriarcal,  le  chef  de  maison  étant  désigné,  quand  il 
existe,  par  des  caractères  personnels  (vieillard,  riche,  magicien)  et  non 
par  la  naissance.  Bien  entendu,  ces  deux  régimes  ne  sont  pas  sans 
réaction  l'un  sur  l'autre  (la  petite  famille,  intégrée  à  la  famille  de  mai- 
son, conserve  des  caractères  propres,  sa  place,  sa  lampe,  etc.).  Mais 


714  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

ces    réactions    apparaissent  toujours    comme   des  survivances    d'une 
saison  dans  l'autre  et  n'infirment  pas  les  oppositions. 

Le  mémoire  se  clôt  en  observant  que  cette  allure  rythmique  de  la  vie 
sociale,  exagérée  chez  les  Eskimos,  ne  leur  est  pas  particulière;  on 
la  retrouve  chez  beaucoup  de  tribus  de  l'Amérique  Indienne,  chez  les 
populations  pastorales  des  montagnes  d'Europe  et  jusque  dans  nos 
sociétés  occidentales  civilisées.  Aussi,  l'on  doit  considérer  que  cette 
nécessité  d'une  oscillation  de  la  vie  sociale  entre  deux  pôles,  Tun  de 
concentration,  l'autre  de  dispersion,  est  une  loi  très  générale,  à  ce 
point  même  qu'on  puisse  inférer  que  les  influences  saisonnières  sont 
bien  plutôt  des  causes  occasionnelles  marquant  son  rythme  à  ce  mou- 
vement que  des  causes  déterminantes  du  mécanisme  en  soi.  On  se  trouve 
ainsi  ramené  vers  cette  idée  de  rythme  social  que  Godfernaux  avait 
déjà  indiquée  en  1894  [Le  sentiment  et  la  pensée^   le   rythme  affectif 

social,  p.  125  de  la  2«  édition). 

J.  P.  Lafitte. 


R.  Krone.  Die  Guarany-Indianer  etc.  (Les  Indiens  Guaranis  du  rio  Itariri  dans 
l'Etat  brésilien  de  Sao  ?a.u[o).  Milteilungeîi  der  anthropologischen  Gesellschaflin 
Wien,  t.  XXXVl,  1906,  p.  130  (6  pi.  et  4  fig.). 

L'auteur  a  pu  mesurer  9  indigènes  (6  o^,  3  $  )  de  ce  groupe  ethnique  : 
c'étaient  les  seuls  sujets  de  sang  pur  que  présentait  cette  tribu,  qui  ne 
compte  plus  que  79  âmes.  La  couleur  de  la  peau  est  brun  jaunâtre  ou 
rougeâtre^  bien  plus  claire  chez  les  enfants.  La  face  est  large,  le  nez 
court,  avec  des  ailes  larges  et  des  narines  dirigées  en  avant.  La  bouche 
est  grande,  les  arcades  sourcilières  très  développées  chez  les  hommes. 
Le  corps  est  trapu,  les  mains  sont  larges,  le  pouce  est  très  court  dans 
les  deux  sexes. 

La  taille  varie  de  1™,49  à  l'",59,  moyenne  lf",53,  chez  les  hommes; 
les  femmes  ont  une  taille  moyenne  de  1°^,43.  Ces  chiffres  peuvent  être 
comparés  à  ceux  obtenus  par  Ehrenreich  sur  deux  autres  tribus  du 
groupe  Toupi  :  14  Anetos  (f  ont  une  taille  moyenne  de  1°',67 ;  14  Kama- 
yuras  a^,  1°*,64;  2  Anetos  $,  ln\48;  4  Kamayuras  9,  1°',54.  La  grande 
envergure  est  chez  les  Guaranis  masculins,  égale  à  105,  la  taille  étant 
prise  pour  100;  elle  est  de  105,8  chez  les  femmes. 

La  longueur  de  la  tête  est  de  121  mm.  chez  les  Guaranis  cf ,  122  mm. 
chez  les  ^  ;  la  largeur  de  98  (a")  et  102  ($),  la  hauteur  de  84  [(f)  et 
81  (9).  Indice  céphalique  80,6  [cf)  avec  variations  de  75,6  à  83,3; 
83,9  (9)  avec  variations  de  82  à  85,5.  Indice  de  hauteur-longueur 
69,5  (a^)  et  66,4  (9).  La  tête  la  plus  courte  est  en  même  temps  la  plus 
étroite;  c'est  elle  qui  a  l'indice  de  75,6:  mais  elle  est  par  compensa- 
tion très  haute.  A  part  cet  indice  aberrant,  la  série  est  très  homogène  : 
4  o^  ont  des  indices  compris  entre  81  et  81,8.  La  hauteur  de  la  face 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  715 

(racine  du  nez  au  menton)  est  de  76  mm.  (o^)   et  72  mm,  ($);  le  dia- 
mètre bizygomatique  est  de  91  (cf)  et  92  (  $  ). 

Dans  un  appendice  à  ce  mémoire,  M.  Toldt  décrit  un  crâne  guarani 
du  Musée  de  Vienne.  Il  a  pour  caractéristiques  :  longueur  maxima  165, 
largeur  142,  hauteur  sus-auriculaire  116;  indice  céphalique  86;  indice 
de  hauteur-longueur  79;  capacité  1355.  La  face  est  très  prognathe  ;  le 
plancher  des  fosses  nasales  se  prolonge  sans  démarcation  dans  la  face 
antérieure  du  maxillaire  supérieur;  ii  n  y  a  pas  trace  d'épine  nasale. 
Diamètre'bizygomatique  110;  hauteur  naso- alvéolaire  60.  Indice  facial 
54,5;  indice  orbitaire  81  à  gauche,  86  à  droite  ;  indice  nasal  45. 

D'  L.  Laloy. 

G.  Thilenius.  Die  Bedeutung  der  Meeresstrômungen  fur  die  Besiedelung  Mélané- 
siens (Le  rôle  des  courants  marins  pour  le  peuplement  de  la  Mélanésie).  Mittei- 
lunqen  der  anthropologischen  Gesellschaft  in  Wien,  t.  XXXVI,  1906  [Verhandl.), 
p.  122  (3  fig.). 

L'auteur  fait  ressortir  que  les  Mélanésiens  sont  de  mauvais  naviga- 
teurs et  que  toute  leur  civilisation  doit  provenir  de  Fextérieur.  Aujour- 
d'hui encore  des  éléments  étrangers  arrivent  sur  les  côtes  de  la  Méla- 
nésie, et  Ton  peut  déterminer  leur  lieu  d'origine.  On  constate  que  les 
trajets  du  sud  au  nord,  ou  réciproquement,  ne  constituent  que  17  0/0  du 
total,  tandis  que  83  0/0  des  trajets  ont  lieu  de  l'est  à  l'ouest  ou  vice 
versa.  Ceci  s'explique  par  la  direction  des  courants  marins.  De  mai  à 
octobre,  les  barques  sont  entraînées  de  Test  à  l'ouest,  de  novembre  à 
février,  en  sens  contraire.  Les  trajets  s'effectuent  de  l'ouest  à  l'est  dans 
la  proportion  de  ^9  0/0;  71  0/0  se  font  de  l'est  à  l'ouest,  c'est-à-dire  de 
la  Micronésie  et  de  la  Polynésie  vers  la  Mélanésie.  Cependant  à  la 
période  des  moussons  il  y  a  quelques  apports  des  Moluques  et  même 
des  Philippines.  On  a  constaté  des  cas  où  des  bateaux  micronésiensont 
parcouru  3.000  km.  ;  des  barques  polynésiennes  ont  pu  rester  trois  mois 
en  route.  Ces  indigènes  ne  s'embarquent  jamais  sans  provisions,  et  ils 
ont  toujours  avec  eux  des  instruments  de  pêche.  Les  lecteurs  de 
L'An^Aropo/o^ie  apprendront  sans  doute  avec  étonnement  qu'ils  renou- 
vellent leur  eau  potable  en  puisant  de  l'eau  de  mer  à  grande  profon- 
deur. J'ignorais  que  l'eau  des  couches  profondes  des  océans  fût  douce. 
Je  serais  heureux  de  savoir  ce  que  M.  Thilenius  a  voulu  dire  dans  cette 
phrase  énigmatique;  il  ne  paraît  pas  non  plus  se  rendre  compte 
que  puiser  de  l'eau  à  grande  profondeur  est  un  des  problèmes  les  plus 
délicats  de  l'océanographie. 

Dans  l'est  de  la  Mélanésie  on  observe  surtout  des  influences  poly- 
nésiennes, tandis  que  les  éléments  micronésiens  dominent  dans  le 
nord.  Il  est  difficile  de  déterminer  depuis  quand  existent  ces  échanges; 
en  tous  cas,  depuis  300  ans,  car  nous  savons  par  Tasman  que  dès  la 
découverte   de  ces  îles  la   distribution  des  formes  des   embarcations 


716  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

était  la  môme  qu'aujourd'hui.  11  faut  tenir  compte  enfin  des  voyages 

des  Malais,  dont  l'influence  se  fait  sentir  dans  l'ouest  de  l'archipel,  et 

de  ceux  des  Européens  qui  ont  souvent  transporté  des  indigènes  d'une 

île  à  l'autre.  Grâce  à  tous  ces  mélanges,  il  est  fort  difficile  de  se  rendre 

compte  de  ce  qu'était  le  Mélanésien  primitif. 

D'  L.  L. 

Ledouble.  Traité  des  variations  des  os  du  crâne  chez  Thomme.  Paris,  1903. 
Ledouble.  Traité  des  variations  des  os  de  la  face  chez  Ihomme.  Paris,  1906. 

M.  le  D'"  A.  F.  Ledouble  est  un  travailleur  infatigable.  En  1897  il  fit 
paraître  un  Traité  complet  des  variations  du  système  musculaire  de 
l'Homme,  mise  au  point  définitive  des  nombreux  documents  anatomiques 
recueillis  par  lui  depuis  de  longues  années  dans  les  salles  de  dissection 
de  rÉcole  de  Médecine  de  Tours.  Six  ans  plus  tard,  il  fit  imprimer  son 
Traité  des  variations  des  os  du  crâne  (1903),  et,  au  début  de  cette  année 
même,  son  Traité  des  variations  des  os  de  la  face  a  vu  le  jour.  Il  est 
vraisemblable  que  M.  Ledouble  ne  s'arrêtera  point  là  et  que  nous  ver- 
rons successivement  paraître  des  traités  des  variations  des  différentes 
parties  du  squelette,  dont  l'ensemble  constituera  un  monument  unique 
en  son  genre,  précieuse  source  de  renseignements  pour  les  anatomistes 
de  l'avenir. 

Avant  M.  Ledouble,  les  observations  de  variations  des  os  de  la  face  et 
du  crâne  de  l'homme  étaient  éparses  dans  les  périodiques  les  plus 
variés  d'Anatomie  ou  de  Médecine,  impossibles  à  trouver. 

M.  Ledouble  a  eu  le  mérite  de  rassembler  tous  ces  matériaux  dissé- 
minés et  y  ajoutant  le  fruit  de  ses  nombreuses  observations  person- 
nelles, d'en  faire  un  tout  homogène  dans  lequel  il  est  aujourd'hui  facile 
de  se  retrouver.  Comme  dans  son  livre  sur  les  variations  du  système 
musculaire,  M.  Ledouble,  rejetant  loin  de  lui  cette  idée  que  les  disposi- 
tions anatomiques  qui  s'écartent  de  l'habitude  sont  des  jeux  du  hasard, 
distingue  avec  soin  des  anomalies  réversives  ou  ataviques  tendant  à 
reproduire  chez  l'homme  les  dispositions  anatomiques  normales  chez 
un  autre  animal,  un  Anthropoïde  ou  un  Singe  quadrupède  par  exemple, 
les  anomalies  tératolgiques  et  surtout  les  anomalies  par  adaptation 
dues  à  une  modification  quelconque  survenue  dans  les  conditions  de 
fonctionnement  normal  des  organes.  Cette  façon  de  comprendre  les 
choses  est  aujourd'hui  admise  par  la  très  grande  majorité  des  anato- 
mistes qui  se  sont  occupés  des  variations  morphologiques  :  beaucoup 
d'entre  eux  entrevoient  maintenant,  presque  nettement  dirons-nous, 
les  lois  de  la  morphogénie  des  organes,  et  on  regarde  comme  chose  éta- 
blie et  prouvée  que  les  formes  organiques  sont  sous  l'exclusive  dépen- 
dance de  facteurs  matériels  mécaniques^  physiques  ou  chimiques.  Les 
recherches  de  morphogénie  expérimentale  faites  dans  ces  dernières 
années,  et  dont  Marey  peut  être  considéré  comme  un  des  principaux 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  717 

promoteurs,  ont  levé  sur  cette  question  tous  les  doutes.  Il  est  donc  bien 
rationnel  de  considérer,  comme  l'a  fait  M.  Ledouble,  les  variations  mor- 
phologiques en  rapport  surtout  avec  les  conditions  d'adaptation. 

Il  serait  fastidieux  et  peut-être  peu  profitable  pour  les  lecteurs  de 
L Anthropologie  de  nous  voir  suivre  pas  à  pas  M.  Ledouble  dans  ses  des- 
criptions des  variations  osseuses  du  crâne  et  de  la  face.  Nous  nous 
bornerons  à  donner  les  renseignements  suivants  :  le  plan  suivi  par 
l'auteur  est  celui  des  traités  d'anatomie  classiques.  Ils  passent  en  revue 
successivement  les  différents  os  :  occipital,  pariétal,  frontal,  etc.  pour 
le  crâne;  os  du  nez,  unguis,  vomer,  etc.  pour  la  face.  De  chacun  d'eux, 
il  énumère  les  différentes  parties  constitutives,  décrivant  successivement 
et  avec  les  plus  grands  détails  pour  chacune,  les  anomalies  de  nombre 
(absence  lorsqu'il  y  a  lieu)  ou  de  forme. 

Ces  descriptions  sont  accompagnées  de  considérations  d'anatomie 
comparée  sur  lesquelles  M.  Ledouble  se  base  en  très  grande  partie  pour 
séparer  les  variations  par  adaptation  des  anomalies  héréditaires  ou  ata- 
viques. Il  nous  faut  bien  le  dire,  ces  considérations  d'anatomie  comparée 
constituent  la  partie  la  plus  faible  des  ouvrages  de  M.  Ledouble.  Il  s'y 
est  malheureusement  glissé  quelques  erreurs  qu'on  aurait  mauvais  gré 
de  reprocher  à  un  auteur  ayant  assumé  une  tâche  aussi  considérable 
que  la  sienne.  Mais,  et  cela  est  peut-être  plus  grave,  les  considérations 
d'anatomie  comparée  sont  parfois  difficilement  compréhensibles  :  ce 
sont  des  amas  touffus  et  imprécis  de  renseignements  pris  un  peu  par- 
tout, soit  dans  des  traités  d'anatomie  comparée  souvent  anciens,  soit 
au  hasard  des  observations  recueillies  au  pied  levé  dans  des  Musées  de 
province  sur  des  animaux  isolés,  trop  peu  nombreux  et  absolument 
quelconques,  le  tout,  résumé,  insuffisamment  illustré  et  exposé  d'une 
façon  nécessairement  vague.  Il  en  résulte  un  amas  de  faits  que  rien  ne 
relie  et  dont  la  lecture  présente  souvent  peu  d'intérêt. 

Puisque  nous  sommes  au  moment  des  critiques,  M.  Ledouble  nous 
permettra-t-il  de  le  trouver  trop  indulgent  encore  en  faveur  des  théo- 
ries de  Lombroso  dont,  depuis  plusieurs  années  déjà,  L.  Manouvrier  a  si 
bien  fait  justice?  Après  avoir  montré,  en  ce  qui  concerne  le  squelette  du 
crâne  et  de  la  face,  le  peu  de  valeur  de  la  plupart  des  différents  stigmates 
de  la  criminalité  invoqués  par  Lombroso,  M.  Ledouble  lui  accorde  «que 
dans  la  race  blanche  tout  au  moins,  avec  un  poids  crânien  à  peu  près 
égal,  la  plupart  des  assassins  ont  un  maxillaire  inférieur  plus  fort  que 
les  honnêtes  gens  ».  N'est-ce  pas  bien  là  tout  ce  qu'il  fallait  à  Lombroso? 
Qu'un  seul  des  stigmates  invoqués  par  lui  soit  vérifié  et  sa  théorie  est 
démontrée.  Non,  de  même  que  Locke  et  Shakspeare  ont  eu  le  front 
étroit  et  fuyant^  de  même  il  a  certainement  existé  et  il  existe  encore  des 
hommes  possédant  avec  une  haute  valeur  morale  un  maxillaire  inférieur 
très  développé.  Le  prognathisme  inférieur,  qui  marque  un  développe- 
ment considérable  de  l'appareil  masticateur,  est  sans  doute  un  caractère 


71  s  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

rapprochant  anatomiquement  l'homme  des  formes  animales;  mais  est-il 
forcément  l'expression  d'instincts  grossiers  et  féroces;  voue-t-il  irrémé- 
diablement au  crime?  Le  criminel  n'est-il  pas  plutôt  la  victime  de  son 
milieu,  de  son  éducation  mauvaise,  de  ses  désirs,  de  ses  passions,  sou- 
vent même,  faut-il  le  dire,  de  ses  besoins,  auxquels  il  n'a  pas  la  possibi- 
lité de  résister,  plutôt  que  l'esclave  d'une  disposition  anatomique? 

Ces  quelques  critiques  faites,  qui  d'ailleurs  n'enlèvent  rien  à  la  valeur 
des  ou  vrages,  les  deux  traités  de  M.  Ledouble  sur  les  variations  des  os  du 
crâne  et  de  la  face  chez  l'Homme,  resteront  une  des  œuvres  d'anatomie 
humaine  les  plus  importantes  de  ces  dernières  années  et  leur  lecture 
est  à  conseiller  à  toutes  les  personnes  qui  s'intéressent  à  l'anatomie  phi- 
losophique. Quant  à  celles  qui,  par  métier,  s'occupent  au  point  de  vue 
spéculatif  d'anthropotomie,  elles  auront  sans  cesse  besoin  de  les  consul- 
ter. Il  n'est  pas  enfin  jusqu'aux  médecins  et  aux  chirurgiens,  pour  qui 
l'anatomie  reste  encore  Vancilla  cliirurgiœ  et  medicinœ^  qui  n*auront 
besoin  d'ouvrir  sans  cesse  les  livres  de  M.  Ledouble. 

R.  Anthony. 

Bêla  Rkvesz.  Der  Einfluss  des  Alters  der  Mutter  auf  die  Korperhôhe  (Influence  de 
l'âge  de  la  mère  sur  la  taille  de  l'enfant).  Archiv  fur  Anthropologie,  t.  IV,  1906, 
p.  160. 

La  taille  dépend  de  la  race,  de  l'hérédité,  de  l'état  de  nutrition  et,  par 
suite,  de  la  position  sociale,  enfin  de  la  constitution  géologique  du  sol. 
Un  autre  facteur  mis  en  lumière  par  l'auteur  est  l'âge  de  la  mère.  En 
effet,  plus  un  organisme  est  âgé,  tout  en  se  maintenant  à  l'intérieur  de 
certaines  limites  propres  à  chaque  espèce,  plus  sa  descendance  sera 
développée  et  de  grande  taille.  Les  chiffres  de  Duncan  cités  par  Topi- 
nard  [Anthropologie  générale)  et  ceux  de  Kezmarsky  sont  instructifs  à 
cet  égard,  pour  l'espèce  humaine.  Ce  dernier  a  trouvé  que  lorsque  l'âge 
de  la  mère  est  de  16  à  19  ans,  la  longueur  du  nouveau  né  est  de 
49  centimètres  ;  elle  est  de  49,5  de  20  à  24  ans;  de  49,9  de  25  à  29  ans  ; 
de  50,2  de  30  à  34  ans;  et  de  50,3  de  35  à  47  ans.  On  admet  en  général 
que  la  croissance  de  la  femme  n'est  terminée  qu'à  25  ans  ;  il  est  dès 
lors  naturel  de  penser  qu'au-dessous  de  cet  âge  l'organisme  maternel 
ne  peut  fournir  autant  de  substance  au  fœtus  que  lorsque  sa  croissance 
est  achevée.  Des  mères  de  15  à  16  ans  ont  des  enfants  faibles  et  petits, 
les  suivants  sont  plus  robustes. 

Dans  les  peuples  où  les  femmes  se  marient  très  jeunes,  leurs  enfants 
sont  petits  et  ne  peuvent  à  leur  tour  engendrer  que  des  individus  de 
petite  taille.  La  petitesse  de  la  taille  tend  chez  ces  peuples  à  devenir  un 
caractère  de  race.  A  l'inverse,  dans  les  peuples  oij  les  mariages  sont 
tardifs,  la  taille  tend  à  augmenter.  Il  est  probable  que  les  mères 
seront,  dans  un  pays  donné,  d'autant  plus  jeunes  que  la  nuptialité 
sera  plus  forte,  parce  que  plus  il  y  a  de  mariages  dans  une  année,  plus 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  719 

les  jeunes  femmes  ont  chance  de  se  marier.  Les  chiffres  que  fournit 
l'auteur  pour  un  certain  nombre  de  pays  d'Europe  n'apportent  cepen- 
dant pas  la  preuve  de  cette  relation  entre  la  nuptialité  et  la  taille.  C'est 
qu'en  réalité  lesfacteurs  qui  entrent  enjeu  sont  extrêmement  complexes. 
Il  est  hors  de  doute  que  l'influence  de  la  race  est  bien  plus  considérable 
que  celle  de  l'âge  de  la  mère;  elle  agit  tantôt  dans  le  même  sens,  tantôt 
en  sens  contraire.  11  en  est  de  même  de  la  situation  sociale.  Chez  les 
nations  où,  dans  les  classes  civilisées,  la  tendance  au  mariage  est  plus 
faible  que  dans  les  groupements  à  demi  barbares,  la  taille  tend  à 
s'élever.  Mais  quelle  part  faut-il  attribuer  dans  ce  phénomène  à  la  pros- 
périté économique  et  à  Tàge  plus  avancé  des  mères  qui  est  la  consé- 
quence de  celle-ci  t  Les  peuples  du  nord  de  l'Europe  sont  de  haute 
taille  et  se  marient  tard,  ce  qui  semble  confirmer  la  règle.  Mais  il  y  a 
dans  le  sud  de  l'Europe  le  groupe  dalmate  et  serbe,  où  la  taille  est 
encore  plus  élevée  malgré  une  forte  nuptialité.  Les  juifs  polonais  sont 
de  très  petite  taille  et  se  marient  de  bonne  heure.  Mais  chez  d'autres 
peuples  orientaux  on  trouve  des  mères  tout  aussi  jeunes,  sans  constater 
un  abaissement  de  la  taille.  Enfin,  si  l'âge  de  la  mère  exerçait  une  action 
réellement  marquée  sur  la  taille,  on  observerait,  chez  les  peuples  où 
les  filles  se  marient  très  jeunes,  un  abaissement  progressif  et  illimité  de 
celle-ci.  En  effet,  leurs  enfants  étant  petits  ne  pourraient  procréer  que 
des  enfants  encore  plus  petits,  puisque  l'influence  de  l'hérédité  vien- 
drait, à  chaque  génération,  se  surajouter  à  celle  de  Tâge  de  la  mère.  En 
résumé,  si  l'âge  de  la  mère  paraît  avoir  une  influence  indéniable  sur  la 
taille,  cette  influence  est  certainement  assez  faible  et  contrebalancée  par 
les  autres  facteurs  tels  que  la  race  et  l'hérédité,  du  milieu  desquels  il 

est  difficile  de  la  dégager. 

D""  L.  Laloy. 


J.  Salmon.  Description  d'un  fœtus  achondroplase.  Bull.  Soc.  Anthrop.,  n*  4. 

Ce  court  travail,  dont  l'auteur  a  nom  Julien  Salmon  et  non  Paul 
Salmon  comme  il  a  été  imprimé  par  erreur  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  d'Anthropologie,  est  une  note  préliminaire  à  un  travail  plus  con- 
sidérable sur  la  phocomélie,  que  cet  auteur  vient  de  faire  paraître  tout 
récemment. 

M.  Julien  Salmon,  qui  est  conservateur-adjoint  du  Muséum  d'Histoire 
naturelle  de  Lille,  y  a  fait  l'étude  d*un  fœtus  humain  presque  à  terme 
appartenant  à  la  collection  Dareste  et  portant  l'étiquette  de  Phocornèle. 
L'étude  anatomique  approfondie  qu'il  a  faite  de  ce  sujet  lui  a  montré 
qu'il  présentait  en  réalité  tous  les  caractères  d'un  fœtus  achondroplase 
typique.  Il  était,  en  effet,  caractérisé  :  i^  par  une  tendance  à  la  réduc- 
tion de  la  diaphyse  des  os  longs;  2°  par  une  tendance  à  la  localisation 
des  malformations  sur  les  segments  supérieurs  des  membres. 


120  ^MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Si  l'on  se  rapporte  maintenant  à  la  définition  classique  de  la  Phoco- 
mélie  et  aux  descriptions  publiées  (elles  sont  malheureusement  bien 
rares)  des  phocomèles  les  plus  typiques  décrits,  on  s'aperçoit  que  ces 
monstres  sont  tout  justement  caractérisés  par  l'avortement  plus  ou 
moins  complet  des  segments  intermédiaires  entre  les  extrémités  et  le 
tronc.  Cet  avortement  porte  uniquement  sur  les  diaphyses  osseuses 
laissant  les  épiphyses  intactes. 

Il  y  a  donc  un  rapport  extrêmement  étroit  entre  l'une  des  manifesta- 
tions les  plus  essentielles  de  l'achondroplasie  et  la  caractéristique  de  la 
phocomélie.  De  là  à  considérer  la  phocomélie,  non  plus  comme  un  simple 
arrêt  de  développement,  mais  comme  une  forme,  une  manifestation  en 
quelque  sorte  de  l'achondroplasie,  il  n'y  a  qu'un  pas. 

M.  Julien  Salmon  espère,  lorsqu'il  aura  pu  faire  l'examen  histolo- 
gique  des  os  de  phocomèle  qu'il  a  eus  à  sa  disposition  et  lorsqu'il  aura 
pu  les  comparer  à  des  os  d'achondroplases,  pouvoir  le  franchir. 

Virchow,  d'ailleurs,  en  1898,  en  s'appuyant  sur  des  considérations  un 
peu  différentes^  avait  déjà  entrevu  l'intérêt  de  cette  question. 

La  note  de  M.  J.  Salmon  est  extrêmement  intéressante,  la  méthode 
qu'il  a  adoptée  est  vraiment  la  bonne,  et  la  voie  qu'il  poursuit  ne  peut 
manquer  de  lui  donner  des  résultats  de  tout  premier  ordre  sur  l'origine 
encore  complètement  inconnue  des  monstres  phocomèles. 

R.  Anthony. 

F.  VON  LuscHAN.  Ueber  ein  rachitisches  Schimpansenskelett  (Un  squelette  de 
chimpaazé  rachilique).  Zeitschritft  fur  Ethnologie,  t.  XXXVIII,  1906,  p.  115 
(4  PI.). 

Ce  chimpanzé  mâle  est  mort  de  tuberculose  au  jardin  zoologique  de 
Dresde,  où  il  avait  vécu  8  ans.  Il  était  âgé  de  15  ans  environ; son  crâne 
est  énorme  et  pèse  970  gr.  au  lieu  de  350  gr.,  poids  du  crâne  d'un  ani- 
mal sain  de  même  taille.  Toute  sa  face  externe  est  rugueuse  et  poreuse  ; 
il  y  a  un  épaississement  considérable  des  os,  surtout  près  de  la  ligne 
temporale,  où  l'épaisseur  de  la  paroi  atteint  0'",031,  tandis  qu'elle  n'est 
que  de  0°^,003  sur  l'écaillé  du  temporal.  La  suture  sphéno-basilaire  est 
encore  ouverte,  il  en  est  de  même  de  la  majeure  partie  des  sutures  de 
la  face  supérieure  du  crâne.  Aux  maxillaires,  on  n'observe  que  la  den- 
tition de  lait;  les  dents  définitives  sont  les  unes  entièrement  cachées, 
les  autres  visibles  très  loin  de  la  surface  de  mastication.  L'intérieur  du 
crâne  est  normal  :  son  augmentation  de  volume  a  eu  lieu  seulement 
par  apposition  de  couches  osseuses  à  l'extérieur. 

Au  squelette,  les  épiphyses  ne  sont  en  général  pas  soudées  aux 
diaphyses.  C'est  le  bassin  qui  présente  les  déformations  les  plus  remar- 
quables ;  les  os  iliaques  sont  coudés  à  angle  droit,  de  sorte  que  le  bord 
supérieur  de  la  symphyse  n'est  qu'à  G™, 087  du  promontoire,  au  lieu 
de  sa  distance  normale  de  0'",154.  L'humérus  est  courbé  en  S  et  épaissi  j 


MOUVEMENT  SGIÉNTIFIQtJE.  "Ï2l 

il  en  est  de  même  du  radius.  Les  fémurs  sont  peu  modifiés,  les  os  de  la 
jambe  sont  légèrement  courbés  et  poreux.  Les  os  de  la  main  et  du  pied 
sont  à  peu  près  normaux. 

Df"  L.  Laloy. 

R.  Lehmann-Nitschk.  —  f  orschungsmethode  einer  wissenschaftlichen  Ethnologie 

(Méthode  de  recherches  de  l'ethnologie  scientifique),  Rapport  présenté  au  Congrès 
international  d'expansion  économique  mondiale.  Mons,  1905. 

La  question  à  laquelle  répond  ce  rapport  était  formulée  de  la  façon 
suivante  :  «  Quels  sont,  dans  les  pays  neufs,  les  meilleurs  modes  de 
faire  des  observations  ethnographiques  et  sociologiques  en  vue  d'arri- 
ver à  une  connaissance  scientifique  de  l'état  social,  des  mœurs  et  des 
coutumes  des  indigènes  et  de  les  élever  à  une  civilisation  supérieure  ?  » 

M.  Lehmann-Nitsche  fait  observer  qu'on  a  réuni  dans  cette  formule 
deux  problèmes  distincts  :  l'étude  scientifique  des  indigènes  d'une  part 
et  leur  civilisation  de  l'autre.  En  ce  qui  concerne  le  premier,  le  monde 
est  assez  bien  connu  maintenant  pour  qu'il  n'y  ait  plus  rien  de  réelle- 
ment nouv.eau  à  découvrir.  Aussi  les  voyageurs  non  spécialisés  ne 
peuvent-ils  augmenter  d'une  façon  sérieuse  nos  connaissances.  Ce  qu'il 
convient  de  favoriser,  ce  sont  des  expéditions  systématisées  comprenant 
des  hommes  qui  ont  reçu  d'avance  une  éducation  très  complète.  Les 
observations  rapides  faites  par  un  touriste  ou  par  un  voyageur  spécia- 
lisé dans  une  autre  branche  n'ont  qu'une  valeur  restreinte.  Il  faut  au 
contraire  un  séjour  prolongé  parmi  les  indigènes  pour  bien  se  pénétrer 
de  leurs  mœurs  et  de  leur  manière  de  penser.  C'est  surtout  pour  les 
idées  religieuses  des  peuples  primitifs  que  la  nécessité  d'une  instruc- 
tion solide  se  fait  sentir.  C'est  le  rôle  des  ethnologistes  actuels  de 
donner  cette  instruction  à  la  fois  théorique  et  pratique  et  de  former  le 
personnel  de  ces  expéditions. 

Il  me  semble  également  qu'il  y  aurait  lieu  d'organiser  l'étude  de 
l'ethnologie  et  de  l'anthropologie  dans  les  écoles  de  santé  de  la  marine 
et  des  colonies.  Cet  enseignement  n'existe  pour  ainsi  dire  pas.  Or  les 
médecins  des  colonies,  qui  résident  longtemps  sur  place  et  en  contact 
permanent  avec  les  indigènes,  seraient  à  même  de  recueillir  des  obser- 
vations intéressantes.  Si  quelques-uns  d'entre  eux  l'ont  fait  avec  succès, 
cela  ne  peut  que  nous  faire  regretter  qu'un  plus  grand  nombre  de  nos 
confrères  ne  s'intéressent  pas  à  l'ethnologie. 

Quant  à  la  seconde  question,  celle  de  Télévalion  des  indigènes  à  une 

civilisation  supérieure,  M.  Lehmann-Nitsche   fait  ressortir  avec  raison 

qu'elle  ne  comporte  pas  de  solution  générale,  mais  doit  être  étudiée 

spécialement  dans  chaque  cas  particulier.  Si  par  culture  supérieure  on 

entend  la  civilisation  européenne,  il  est  très  douteux  qu'inoculée   à 

d'autre  races  elle  puisse  élever  leur  niveau. 

Dr  L.  L. 

l'anthropologie.  —  T.  XVII.  —  190G.  46 


722  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

Paul  Siîuillot.  La  folk-Iore  de  France.  Tome  III.  La  faune  el  la  flore. 
E.  Guilmoto,  1906.  1  vol.  in-8e. 

Après  les  deux  précédents  volumes  de  son  grand  travail  sur  le  folk-lore 
de  France,  consacrés  l'un  au  ciel  et  à  la  terre,  l'autre  à  la  mer  et 
aux  eaux  douces,  M.  Paul  Sébillot  continue  sa  belle  publication  par 
la  faune  et  la  flore.  L'éloge  de  l'ouvrage  de  M.  Sébillot  n'est  plus  à  faire. 
On  retrouvera,  dans  cette  dernière  partie,  la  clarté,  la  sûreté  d'informa- 
tion et  la  vie  qui  rendaient  si  intéressantes  les  premières  et  qui  ne  sont 
pas  diminuées  ici. 

Centrairementà  ce  quia  été  fait  par  la  plupart  des  divers  auteurs  qui 
se  sont  occupés  de  sujets  analogues,  celui-ci  n'a  pas  cru  devoir  grouper 
autour  d'un  même  type  d'animal  ou  de  plante  tout  ce  qui  se  rapporte 
à  ce  type,  en  le  présentant  isolé  de  ceux  qui  l'entourent  dans  la  nature. 
Sans  appliquer,  d'autre  part,  une  méthode  géographique  surperficielle,  il 
a  divisé  son  exposé  en  grandes  coupures  où  il  réunit  sucessivement  tout 
ce  qui  retire  aux  mammifères  sauvages,  aux  mammifères  domestiques, 
aux  oiseaux  sauvages,  aux  oiseaux  domestiques,  aux  reptiles,  aux  in- 
sectes, aux  poissons,  aux  arbres  et  aux  plantes. 

Danschacundesgrandschapitresainsiformés,  il  examine  à  tour  de  rôle 
tout  ce  qui  a  trait  aux  origines,  aux  métamorphoses  ou  aux  modifications 
des  principaux  types,  puis  la  collection  d'erreurs  bizarres  ou  de  préjugés 
dont  ils  sont  l'objet,  les  présages,  maléfices,  pouvoirs  magiques  et  autres 
merveilleuses  qualités  dont  ils  sont  doués,  les  rapports  qui  s'établisent 
entre  eux  et  les  hommes,  les  personnages  fantastiques  qui  prennent  la 
forme  animale  et  végétale  ;  viennent  ensuite,  lorsqu'il  y  a  lieu,  l'indica- 
tion de  leur  rôle  dans  la  médecine,  la  sorcellerie,  les  jeux,  et  cou- 
tumes, et  enfin  les  légendes  de  métamorphoses,  d'incarnations  d'esprits, 
et  les  épisodes  des  contes  où  il  jouent  un  rôle  principal  ou  accessoire. 
Ce  plan  systématique  permet  très  facilement  l'utilisation  des  renseigne- 
ments accumulés  par  M.  Sébillot  et  le  rapprochement  des  parties  ana- 
logues des  divers  chapitres.  Nous  ne  pouvons  suivre  fauteur  parmi  la 
profusion  de  faits  et  de  citations  qu'il  a  accumulés  et  su  ranger  avec 
une  parfaite  méthode.  Nous  analyserons  cependant  brièvement  le  chapi- 
tre consacré  aux  mammifères  sauvages;  l'uniformité  du  plan  permettra 
de  se  faire  ainsi  une  idée  concrète  de  tous  les  autres,  auxquels  nous  ne 
manquerons  pas  de  faire  allusion  en  plusieurs  points. 

Les  mythes  sur  l'origine  des  mammifères  sauvages  et,  d'ailleurs^  de 
tous  les  animaux  et  des  plantes,  ne  sont  ni  très  répandus  ni  très  subtils. 
On  trouve  cependant,  surtout  en  Bretagne  et  à  un  moindre  degré  dans 
les  diverses  régions,  F  idée  d'une  création  dualiste,  les  êtres  bons,  beaux, 
ou  utiles  étant  des  créations  de  Dieu  ;  les  mauvais,  les  laids,  des  créations 
du  Diable.  Les  deux  créateurs  opèrent  souvent  par  couple  et  pour  se 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  723 

faire  pièce  :  si  Dieu  a  créé  le  mouton,  le  Diable  s'empresse  de  créer  le 
loup,  etc.  On  trouve  ainsi  opposés  l'homme  et  le  singe,  l'aigle  et  le 
chat-huant,  l'hirondelle  et  la  chauve-souris,  l'anguille  et  le  serpent, 
l'abeille  et  la  guêpe,  etc.  Parfois,  comme  dans  le  Roman  du  Renard, 
Dieu  et  le  Diable  ont  pour  suppléants  Adam  et  Eve.  A  côté  de  ces 
histoires  d'origines,  il  faut  ranger  les  récits  de  métamorphoses  ou  ceux 
de  génération  :  ainsi  les  onrs  dans  les  Pyrénées  sont  souvent  des 
hommes  transformés  ;  la  chauve-souris  et  la  taupe  ont  fréquemment 
eu  la  forme  humaine,  autrefois;  les  serpents  sont  des  cheveux  trans- 
formés_,  etc. 

Les  particularités  réelles  ou  imaginaires  des  bêtes  ont  suscité  grand 
nombre  d'explications  et  grossi  le  dossier  des  préjugés  et  des  erreurs 
dont  elles  sont  l'objet.  Sur  le  sexe,  les  amours,  la  naissance  de  ceux 
qui  nous  occupent,  la  tradition  est  pauvre  et  se  réduit  presque  aux 
idées  d'un  changement  de  sexe  périodique  chez  les  lièvres  et  de  la 
paillardise  des  louves.  Parmi  les  particularités  physiques,  on  peut  citer 
que  certains  animaux  passent  pour  dépourvus  d'un  sens,  par  exemple 
la  taupe  «  qui  goûte  ne  voit  >\  la  chauve  souris  aveugle  aussi.  L'obser- 
vation des  animaux  hibernants  a  été  utilisée  pour  des  fables  qui  repré- 
sentent ce  sommeil  comme  prolongé  sept  ans  de  suite,  ou  six  mois,  ou 
comme  lié  à  des  conditions  climatériques,  que  par  contre  il  conditionne 
à  son  tour  en  partie.  La  nuisance  des  bêtes  est  variable  dans  ses 
effets  suivant  les  types  et  les  pays  :  la  chauve-souris  donne  la  teigne 
ou  rend  aveugle  par  son  seul  contact,  la  belette  paralyse  les  porcs 
qu'elle  approche,  le  hérisson  provoque  la  grossesse  des  femmes  qui  le 
touchent  par  mégarde,  rend  malades  les  vaches,  les  fait  crever  ou  avor- 
ter; la  belette  mange  les  œufs,  la  chauve-souris  la  poudre  et  l'huile  des 
lampes.  L'attribution  d'étonnantes  qualités  psychiques  est  également 
fréquente  :  intelligence  du  renard  et  de  l'écureuil,  sociétés  formées 
par  les  blaireaux,  les  marmottes,  parlement  tenu  par  les  loups;  c'est 
surtout  à  propos  des  oiseaux  que  sont  nombreuses  les  légendes  d'organi- 
sation sociale  ;  c'est  une  véritable  sociologie  ornithologique.  Dans  le 
même  ordre  d'idées,  signalons  le  langage  prêté  aux  bêtes.  Viennent 
ensuite  des  propriétés  magiques  plus  singulières  :  il  sera  dangereux  de 
nommer  tel  animal  par  son  nom,  et,  par  crainte  de  maléfice,  on  par- 
lera par  périphrase  du  loup,  du  lièvre,  de  la  belette. 

Les  religions  naturalistes  qui  existaient  en  Gaule  avant  le  christia- 
nisme ont  laissé  derrière  elles  un  véritable  culte  des  arbres,  séculaire- 
ment  combattu  et  toujours  vivace  dans  de  nombreuses  régions.  Les 
offrandes  aux  arbres  sont  restées  fréquentes,  surtout  de  la  part  des 
jeunes  filles  à  marier.  Clous  fichés  dans  les  troncs  par  les  ouvriers,  les 
conscrits,  les  voyageurs,  habitude  des  garçons  ou  des  filles  d'IUe-et- 
Vilaine  de  se  frotter  à  un  chêne  ou  à  un  châtaignier  dont  une  branche 
brisée  présente  un  aspect  de  phallus,  ces  quelques  faits  et  bien  d'autres 


724  MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE. 

montrent  la  persistance  de  pratiques  religieuses  très  anciennes,  d'ail- 
leurs beaucoup  plus  répandues  encore  sous  la  forme  de  culte  des 
pierres,  des  fontaines,  etc.  Le  monde  animal  ne  donne  à  peu  près  rien 
de  comparable.  Cependant,  en  surplus  des  propriétés  magiques  signa- 
lées plus  haut,  il  y  a  encore  lieu  de  lui  tenir  compte  du  rôle  qu'il 
joue  dans  les  rencontres  et  des  présages  qu'il  peut  fournir.  Le  rôle 
augurai,  si  considérable  dans  l'antiquité,  a  survécu  d'une  façon  très 
apparente.  En  général  les  animaux  de  bon  augure  sont  de  gros  mammi- 
fères, les  autres  étant  de  petite  taille;  d'ailleurs  il  y  a  des  exceptions 
et  des  différences  suivant  les  circonstances.  Le  lièvre  et  la  belette  sont 
presque  toujours  de  mauvaise  rencontre;  cependant  on  peut  détour- 
ner leur  fâcheux  effet  par  des  paroles  conventionnelles  ou  par  des 
signes.  Le  loup,  le  plus  redouté  des  mammifères  sauvages  et  le  plus 
chargé  de  légendes  dérisoires  ou  de  superstitions  apeurées,  est  natu- 
rellement à  éviter  :  son  regard  notamment  est  à  craindre  à  cause  de 
son  pouvoir  de  fascination.  Cet  ordre  de  croyances  est  aussi  très  déve- 
loppé en  ce  qui  concerne  les  oiseaux,  les  reptiles  et  les  batraciens. 

Les  rapports  que  les  hommes  et  les  animaux  peuvent  avoir  ensemble 
sont  souvent  déterminés  par  la  connaissance  des  particularités  signa- 
lées ci-dessus.  Il  y  a  ainsi  des  bêtes  qu'il  faut  respecter,  parce  qu'elles 
sont  utiles  ou  que,  nuisibles,  elles  procurent  néanmoins  la  chance  par 
leur   présence,    d'autres    que    l'on   extermine    sans   pitié.   Beaucoup 
d'hommes  possèdent  d'autre  part,  par  retour,  un  pouvoir  mystérieux, 
sur  les  animaux  :  les  meneurs  de  loups,   de  rats,  de  taupes.  Quelque- 
fois on  se  conciliera  les  bonnes  grâces  des  plus  dangereux,  du  loup  par 
exemple,  par  des  offrandes  en   nature  ou  bien  on  rendra  tabou,  pour 
le  renard,  un  poulailler  ou  un  enclos,  par  des  sortilèges  divers  ou  en 
arrosant  les  alentours  avec  du  bouillon  d'andouilles.  D'ailleurs,  il  y  a 
eu  longtemps,  et  il  y  a  encore  en  quelques  endroits,  de  véritables  sor- 
ciers, puissants  contre  ces  mêmes  animaux,  ou  des  saints  protecteurs. 
En  même  temps  que  ces  dernières  croyances,  disparaissent  aussi  les 
coutumes  autrefois  répandues  de  processions  et  de  rites  plus  ou  moins 
compliqués  dirigés  contre  les  rats  ;   mais  il   reste  de    très  nombreux 
procédés  individuels  de  conjurations  des  rongeurs,  procédés  qui  con- 
sistent à  faire  fuir  ces  animaux  d'une  façon  magique  et  à  les  envoyer 
chez  le   voisin.    On   pourrait   aussi   signaler   la   croyance    aux    bêtes 
enchantées,  très  fréquente  pour  le  règne  animal,  mais  particulière- 
ment développée  dans  le  monde  des  insectes  et  dans  celui  des  plantes. 
Les  animaux  comme  les  plantes,   par  leurs  particularités  magiques, 
étaient  appelés  à  jouer  un  grand  rôle  en   médecine,  et  à   servir  de 
charmes.   Les  parties  les  plus  diverses  de  leurs  corps  sont  employées 
à  cet  effet  :  cœur  d'une  belette  mangé  saignant  rend  somnambule; 
amulette  de  corne  de  cerf  met  la  bonne  intelligence  entre  femme  et 
mari  ;  dent  de  loup  rend  le  cheval  prompt  à  la  course;  en  Lauraguais, 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE.  725 

la  cendre  de  chauve-souris  est  un  sortilège  d*amour;  se  promener  à 
dos  d'ours  préserve  contre  tous  les  maux  à  venir;  manger  la  tête  d'un 
lièvre  fait  que  les  enfants  ont  la  lèvre  fendue  ;  la  viande  de  lapin  ou  de 
lièvre  en  rut  donne  la  syphilis;  le  nombre  des  produits  dangereux  ou 
utiles,  graines,  poudres  d'os,  cervelle,  gencive,  dents,  sang,  etc.,  est  aussi 
illimité  que  celui  de  leurs  applications.  On  retrouverait  d'aussi  merveil- 
leuses propriétés  dans  tous  les  recoins  du  monde  vivant,  sans  compter 
celles  que  l'on  a  prêtées  à  des  animaux  imaginaires,  tels  que  le  basilic^ 
et  sans  parler  des  plantes  ni  des  herbes. 

Même  richesse  et  même  variété  dans  la  légende  et  dans  le  conte. 
Un  de  leurs  ressorts  favoris  est  la  métamorphose  ;  celle-ci  s'applique 
à  des  individus  et  non  à  des  espèces  ;  elle  est  produite  par  la  puissance 
des  fées  et  des  sorcières  et  pour  un  temps  limité.  D'ailleurs,  des  talis- 
mans ou  des  circonstances  imprévus  peuvent  très  souvent  rompre  le 
charme  et  ramener  l'être  transformé  à  sa  première  forme.  Si  beaucoup 
de  ces  récits  de  métamorphose  sont  des  artifices  littéraires  dont  n'était 
nullement  dupe  leur  auteur,  on  a  cru  pendant  longtemps  sérieusement, 
et  l'on  croit  encore  en  maint  endroit,  à  la  possibilité  pour  l'homme 
d'être  changé  en  bête,  soit  qu'un  sorcier  prenne  l'aspect  d'un  loup  ou 
d'un  lièvre  pour  se  rendre  au  sabbat,  soit  que  des  revenants  ne  puissent 
se  manifester  sous  une  autre  apparence,  soit  qu'un  châtiment  ait 
déterminé  cette  transformation. 

Jean  Lafitte. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE 


Souscription  internationale  pour  élever  une  statue  à  Lamarck. 

Les  Professeurs  du  Muséum  national  d'Histoire  naturelle  adressent  aux  natu- 
ralistes du  monde  entier  l'appel  suivant  : 

«  L'homme  qui  a  été  le  véritable  créateur  de  la  doctrine  transformiste,  qui,  le 
premier,  a  posé  sur  le  terrain  physiologique  le  problème  de  l'origine  des  formes 
organiques,  c'est  l'illustre  naturaliste  et  philosophe  Lamarck,  membre  de  l'A- 
cadémie des  Sciences  et  professeur  au  Muséum  d'Histoire  naturelle. 

«  Tandis  que  Darwin  cherchait  à  expliquer  pourquoi  la  chaîne  des  êtres  était 
discontinue  et  brisée  en  espèces,  Lamarck  montrait  comment  il  était  possible 
d'expliquer  les  procédés  par  lesquels  les  formes  organiques  s'étaient  constituées 
et  continuaient  à  se  transformer. 

«  Darwin  repose  à  Westminster.  Lamarck  n'a  pas  encore  de  statue. 

«  Les  Professeurs  du  Muséum,  estimant  que  le  moment  est  venu  de  réparer  cet 
injuste  oubli,  se  proposent  d'élever  dans  le  Jardin  des  Plantes,  où  toute  sa  vie 
scientifique  s'est  passée  et  oij  il  a  élaboré  ses  immortels  travaux,  un  monument 
à  la  gloire  de  l'auteur  de  la  Philosophie  zoologique,  du  Système  des  Animaux 
sans  vertèbres,  de  la  Flore  française,  des  Fossiles  des  environs  de  Paris,  du  Système 
des  connaissances  positives,  de  VHydréologie  et  de  tant  d'autres  ouvrages.  Avec 
l'approbation  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique,  ils  prennent  l'initiative 
d'une  souscription  universelle  et  viennent  vous  prier  de  leur  donner  votre 
concours  pour  honorer  celui  que,  dans  tous  les  pays,  l'on  considère  comme  le 
père  de  la  conception  moderne  de  l'évolution  du  monde.  » 

Les  Professeurs  du  Muséum  national  d'Histoire  naturelle  : 
Ed.  Perrier,   directeur;    L.    Vaillant,  assesseur;   A    Mangin,  secrétaire  ; 
Arnaud;  H.  Becquerel;  Boule;  Bouvier  ;  Bureau,  professeur  honoraire  ; 
Chauveau  ;  Constantin  ;  Gaudry,  professeur  honoraire,  Gréhant  ;  Hamy; 
JouBLX  ;    Lacroix;    Lecomte  ;    Maquenne  ;    S.    Meunier;    Van    Tieghem  ; 
Trouessart. 
Nous  recommandons  vivement  cette  œuvre  patriotique  à  tous  nos  lecteurs. 
Adresser  les  souscriptions  à  M.  Joubin,  professeur  au  Muséum,  secrétaire  du 
Comité,  55,  rue  de  Buffon,  à  Paris. 

Une  heureuse  initiative. 

La  Faculté  des  Lettres  de  Toulouse  ayant  décidé  la  création  d'un  cours  com- 
plémentaire d'archéologie  préhistorique  a  demandé  que  ce  cours  soit  confié  à 
notre  éminent  collaborateur  et  ami  M.  Cartailhac. 

Le  Ministère  a  ratifié  cette  double  proposition  et  le  nouveau  professeur  a 
inauguré  son  enseignement  le  19  janvier  1907. 

Cette  nouvelle  nous  réjouit  doublement.  D'abord  parce  qu'elle  témoigne  d'un 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  727 

acte  de  justice  envers  un  savant  indépendant,  quia  consacré  sa  vie  et  une  partie 
de  sa  fortune  à  la  science  et  qui  a  fait,  à  diverses  reprises,  pendant  sept  ans, 
soit  à  la  Faculté  des  Lettres,  soit  à  la  Faculté  des  Sciences,  un  cours  libre 
dont  le  succès  est  resté,  à  Toulouse,  dans  !e  souvenir  de  toutes  les  personnes 
éclairées.  Ensuite  parce  que  nous  y  voyons  la  preuve  que  l'Université,  si  long- 
temps réfractaire  à  nos  études,  en  a  enfin  compris  l'importance  et  la  valeur. 

Nous  savions,  de  source  certaine,  que  M.  Bayet,  Directeur  de  l'Enseignement 
supérieur,  était  tout  disposé  à  favoriser  des  créations  du  genre  de  celle  que  nous 
sommes  heureux  de  signaler  aujourd'hui.  Nous  devons  le  remercier  de  l'appui 
qu'il  n'a  pas  manqu'^  de  donner  au  projet  présenté  par  l'Université  de  Tou- 
louse. C'est  d'un  bon  augure  pour  l'avenir. 

L'archéologie  préhistorique,  comme  toutes  les  sciences  nouvelles,  jette  un 
pont  entre  deux  ordres  d'études  au  premier  abord  assez  diftérents  :  la  Paléon- 
tologie humaine,  qui  est  du  ressort  des  sciences  naturelles  et  l'archéologie  clas- 
sique, d'un  caractère  plus  littéraire. 

Par  son  éducation  première,  par  ses  études  et  par  ses  travaux  originaux, 
M.  Cartailhac  devait  plutôt  trouver  sa  place  à  la  Faculté  des  Lettres.  11  serait 
à  souhaiter  que  les  Facultés  des  sciences  ouvrissent  aussi  leurs  portes  à  des 
anthropologistes  et  des  archéologues  plutôt  préparés,  parleurs  études  scienti- 
fiques, à  traiter  de  l'histoire  naturelle  de  l'Homme  dans  le  présent  et  dans  le 
passé. 

M.  R. 
Une  nouvelle  chaire  officielle  d'anthropolog^ie. 

Nous  apprenons  avec  une  satisfaction  qui  sera  partagée  par  tous  nos  lecteurs 
que  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  vient  de  décider  la  création  d'une 
chaire  d'Anthropologie  à  la  Faculté  des  sciences.  Le  Conseil  supérieur  de  l'Ins- 
truction publique  a  d'abord  été  consulté  et  il  a  émis  un  avis  favorable.  Nous 
sommes  fier  de  constater  que,  dans  les  sphères  officielles,  on  ait  tenu  compte 
du  vœu  émis  à  l'unanimité  par  le  Congrès  de  Monaco;  nous  aimons  à  croire 
qu'on  ne  s'arrêtera  pas  en  si  beau  chemin  et  qu'après  avoir  créé  des  chaires 
d'anthropologie  dans  les  Facultés  des  sciences,  on  en  créera  dans  tous  les 
établissements  de  Hautes-Études,  conformément  au  vœu  auquel  je  viens  de 
faire  allusion. 

La  création  d'une  chaire  dans  une  Faculté  implique,  pour  les  étudiants,  l'obli- 
gation de  connaître  les  sujets  qu'on  y  traite  et,  pour  le  professeur,  le  droit  ■— 
et  même  le  devoir  —  de  s'assurer,  aux  examens,  que  les  élèves  ont  profilé  de 
son  enseignement.  Aussi  nous  attendons-nous  h  voir  prochainement  les  ques- 
tions anthropologiques  figurer  au  programme  des  connaissances  exigées  des 
candidats  de  l'ordre  scientifique,  ainsi  que  cela  se  passe  déjà  en  divers  pays.  On 
exigera  enfin  de  ces  candidats  qu'ils  aient  sur  l'Homme  des  notions  aussi  pré- 
cises que  sur  la  souris,  la  grenouille,  le  hanneton  ou  l'escargot. 

Que  le  lecteur  me  pardonne  de  l'avoir  un  instant  mystifié  et  de  lui  avoir  donné 
l'illusion  qu'une  réforme  aussi  importante  ait  pu  se  faire  chez  nous  sans  que 
les  bases  de  la  société  en  aient  été  ébranlées  !  Ce  n'est  pas  en  France  qu'on  a 
eu  l'audace  de  créer  une  chaire  d'anthropologie  dans  une  Faculté  des  sciences, 
c'est  en  Italie,  à  l'Université  de  Pavie.  Le  titulaire  de   la  chaire  nouvelle  est 


728  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

M.  Giuiïrida-Huggeri,  dont  j'ai  eu  plus  d'une  fois  l'occasion  d'analyser  ici  les 

les  travaux,  et  à  qui  j'adresse  toutes  mes  félicitations. 

Dopuis  quelques  années,  nous  avons  eu  maintes  fois  l'occasion  de  signaler  des 

créations  analogues  dans  la  vieille  Europe  et  même  dans  le  Nouveau-Monde.  11 

est  à  espérer  que  le  jour  viendra  où   on  estimera  qu'une  science   qui  a  pris 

naissance  chez  nous  et  que  les  élèves  de  Broca  et  de  Quatrefages  ont  répandue 

dans  tous  les  pays  civilisés,  mérite  bien  une  petite  place  dans  nos  Universités  (1). 

Mais  nous  n'en  sommes  pas  là,  et  il  nous  faudra  sans  doute  attendre  encore  de 

longues  années  avant  qu'on  ne  reconnaisse  en  France  l'importance  d'études  qui 

ont  contribué  dans  une  large  mesure  à  détruire  [les  superstitions  que  nous  ont 

léguées  nos  pères. 

R.  V. 


Cours  d'Antiquités   américaines  au  Collègue  de  France. 

(Fondation  du  Duc  de  Loubat.) 

M.  L.  Lejeal  a  repris  ce  cours  le  samedi  8  décembre  1906,  salle  n°  3.  Les 
leçons  ont  lieu  les  mercredis  et  samedis  à  3  heures. 

Cette  année,  le  professeur  expose  les  Éléments  de  la  grammaire  mexicaine^ 
avec  explications  de  textes  historiques  et  religieux  (cours  du  mercredi);  il  étudie 
la  Magie,  la  Sorcellerie  et  C Astrologie  dans  Vancienne  Amérique,  spécialement  au 
Mexique  et  au  Pérou  (cours  du  samedi). 

R.  V. 

L'exposition  anthropologique  et  ethnog^raphique  du  D""  Rivet. 

A  l'heure  où  paraîtra  ce  fascicule,  une  exposition  du  plus  haut  intérêt  pour 
les  anthropologistes  et  les  ethnographes  sera  ouverte  au  Muséum  d'histoire 
naturelle  de  Paris  ;  je  veux  parler  de  l'exposition  des  immenses  collections  rap- 
portées de  rÉquateur  par  le  W  Rivet,  attaché  à  la  mission  géodésique. 

Pendant  son  séjour  sur  les  hauts  plateaux  de  la  région  interandine,  notre 
sympathique  confrère  s'est  attaché  à  recueillir  des  documents  de  toute  nature 
sur  les  Indiens  anciens  et  modernes.  Il  a  récolté  plus  de  300  crânes,  tous  pré- 
colombiens, à  l'exception  de  deux  crânes  d'Indiens  Colorados,  d'innombrables 
os  longs,  une  série  céramique  unique  en  son  genre,  descasse-tètes,  des  haches, 

(1)  Ainsi  que  ranaonce  ci-dessus  M.  Boule,  la  Faculté  des  Lettres  de  Toulouse 
vient  de  douner  le  bon  exemple  en  créant  un  cours  «  complémentaire  »  d'archéologie 
préhistorique,  qu'elle  a  confié  à  notre  ami  Emile  Carlailhac.  Le  choix  ne  pouvait 
être  plus  heureux;  aussi  félicitons-nous  cordialement  le  titulaire  de  la  nouvelle 
chaire  tt  ceux  qui  l'ont  nommé. 

Toutefois,  ou  ne  s'explique  guère  qu'un  cours  d'archéologie  préhistorique  ne  soit 
pas  rattaclié  a  la  Faculté  de  Sciences.  M.  Cartailhac  est  un  lettré,  personne  ne  le 
conteste;  mais  il  est  également  un  savant  distingué.  Son  enseignement  reposera 
tout  entier  sur  des  bases  scientifiques,  nous  en  avons  la  certitude,  et  quoi  qu'on  en 
puisse  penser  à  Toulouse,  nous  estimons  qu'en  l'an  de  grâce  1907,  c'est  dans  les 
Facultés  des  Sciences  que  l'archéologie  préhistorique  a  sa  place  marquée,  comme 
les  autres  branches  de  l'anthropologie. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  729 

un  siège  et  une  idole  en  pierre,  des  objets  en  os,  en  or,  en  argent,  en  cuivre,  etc. 
Il  a  recueilli  également  quelques  collections  à  la  côle  et  dans  la  région  orientale. 
Les  documents  qu'il  rapporte  sur  les  Jivaros  vont  lui  permettre  d'écrire  une 
monographie  complète  de  ces  Indiens,  encore  si  mal  connus;  nos  lecteurs 
en  auront  la  primeur,  car  le  D'  Rivet  a  bien  voulu  nous  promettre  de  réserver 
ce  travail  pour  notre  revue. 

Je  me  propose  de  consacrer,  dans  le  prochain  numéro  de  L'Anthropologie,  un 
article  détaillé  à  l'exposition  de  mon  collègue.  Pour  le  moment,  je  me  conten- 
terai d'ajouter  aux  quelques  mots  que  je  viens  d'en  dire,  qu'elle  comprend  une 
collection  de  costumes  des  Indiens  de  toutes  les  provinces  de  l'Equateur. 

Nous  engageons  vivement  ceux  qui  s'intéressent  à  nos  études  à  profiter  de 
l'occasion  qui  leur  est  offerte  de  s'initier  à  l'anthropologie  et  à  l'ethnographie 
d'une  région  sur  laquelle  nous  ne  possédions  encore  que  des  renseignements 
forts  clairsemés. 

R.  V. 

Le  Congrès  colonial  français. 

Le  Congrès  colonial  français,  que  préside  M.  François  Deloncle,  député  de  la 
Cochinchine,  se  réunit  chaque  année  à  Paris,  au  mois  de  juin,  pour  discuter 
l'ensemble  des  questions  intéressant  notre  domaine  colonial.  I!  comprend  entre 
autres  une  section  de  Sociologie  et  d'Ethnographie,  dont  M.  le  D""  Hamy,  de 
l'Institut,  a  bien  voulu  accepter  d'être  le  président  d'honneur,  et  dont  la  prési- 
dence effective  a  été  confiée  à  M.  René  Worms.  En  1905,  cette  section  avait  à 
son  programme  l'étude  des  populations  indigènes  de  Madagascar,  el  elle  a  reçu 
sur  ce  sujet  des  mémoires  approfondis  de  MM.  le  D"^  G.  Papillault,  Adrien  de 
Mortillet,  Alfred  Durand. 

En  1907,  au  mois  de  juin,  le  Congrès  se  tiendra  de  nouveau  à  Paris  et,  celte 
fois,  la  section  de  Sociologie  et  d'Ethnographie  aura  à  son  ordre  du  jour  l'étude 
des  populations  indigènes  du  Cambodge  et  du  Laos.  Tous  les  anthropologistes 
sont  invités  à  assister  aux  réunions  et  à  y  envoyer  des  mémoires  ou  des  docu- 
ments. 

Ceux  de  nos  lecteurs  qui  désireraient  des  renseignements  plus  circonstanciés 
sont  priés  de  s'adresser  à  M.  René  Worms,  115,  boulevard  Saint-Germain,  à 
Paris. 

R.  V. 

Nouvelles  entrées  dans  les  collections  de  paléontologie  du  Muséum. 

Parmi  les  entrées  récentes  dans  les  collections  de  paléontologie  du  Muséum, 
les  suivantes,  énumérées  dans  l'ordre  des  dates,  sont  de  nature  à  intéresser 
particulièrement  nos  lecteurs  : 

1905.  —  M.  le  D''  Capitan  nous  a  remis  un  morceau  de  peau  du  Neomylodon  de 
la  Cueva  Eberhart  (Patagonie). 

M.  GiiAY,  voyageur  du  Muséum,  nous  a  rapporte  un  certain  nombre  d'osse- 
ments de  Lémuriens,  d'Hippopotames,  de  grands  Oiseaux  et  de  Crocodile  sub- 
fossiles d'Ambolisaro  (Madagascar). 


730  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

(irâce  à  l'obligeance  de  M.  Cartailhac,  j'ai  pu  faire  exécuter  dans  nos  ateliers 
un  moulag-edu  beau  crâne  de  Panthère  de  la  caverne  de  Malarnaud  (Ariège), 
dont  rorii,nnal  a  éià  cédé  par  M.  Félix  Uegnault  au  Musée  do  Toulouse. 

M.  le  professeur  St.  Mkunikr  a  bien  voulu  nous  offrir  quelques  fossiles  marins 
des  plages  quaternaires  de  Chypre  recueillis  par  M.  Albert  Gaudry  et  déposés 
au  Service  de  géologie. 

1906.  — J'ai  reçu  de  M.  Berriat  Saint-Prix  à  Thuret,  par  Aigueperse  (Puy-de- 
Dôme),  un  arrière-crâne  de  Bison  nriscus  des  alluvions  quaternaires  de  Gressen- 
ville  (Puy-de-Dôme). 

Nous  avons  placé  dans  la  galerie,  à  côté  du  squelette  de  Mégaceros  mâle  d'Ir- 
lande une  jolie  statuette  représentant  cet  animal  à  l'état  de  vie  et  due  au  talent 
de  M""=  Alers-Abran. 

M.  le  D'  Martin  nous  a  gracieusement  ofTert  quelques  silex  taillés  et  quelques 
ossements  portant  [des  traces  de  percussion  provenant  de  la  station  de  La 
Quina  (Charente). 

Les  fouilles  pratiquées  par  le  Laboratoire  de  Paléontologie  au  Moustier  et  à 
la  Micoque,  lors  de  notre  excursion  publique  dans  la  vallée  de  la  Vézère,  ont 
enrichi  nos  collections  d'un  grand  nombre  d'ossements  d'animaux  et  de  silex 
aillés. 

M.  Guillaume  Grandidier  nous  a  généreusement  fait  cadeau  des  matériaux 
recueillis  dans  des  grottes  et  des  marais  de  Madagascar  et  notamment  les  échan- 
tillons types  qui  lui  ont  servi  à  rédiger  son  beau  mémoire  sur  les  Lémuriens 
disparus. 

D'un  autre  côté,  le  Service  de  la  Mammalogie  du  Muséum  nous  a  transmis  un 
grand  nombre  d'ossements  d'jEpyornis  et  d'Hippopotames  de  la  même  région. 
Nous  avons  acquis  en  outre  un  œuï  à'jEpyornis  absolument  intact,  trouvé  dans 
le  sable  d'une  dune  aux  environs  du  cap  Sainte-Marie. 

Ces  diverses  entrées  de  fossiles  quaternaires  malgaches  constituent  un  ensembid 
qui  sera  complété  très  prochainement  par  l'envoi  d'une  belle  série  de  crânes 
de  Lémuriens  recueillis  par  l'Académie  malgache  et  offerts  par  elle  au  Muséum. 
Ces  pièces  ont  figuré  à  l'Exposition  coloniale  de  Marseille. 

Parmi  les  documents  transmis  à  mon  service  par  M.  Trouessart,  professeur  de 
Mammalogie,  je  dois  signaler  d'une  façon  toute  particulière  la  petite  mais  très 
précieuse  collection  d'ossements  d'oiseaux  fossiles  quaternaires  qui  ont  servi  aux 
travaux  de  A.  Milne-Edwards.  J'ai  pu  retrouver  la  plupart  des  échantillons 
décrits  et  figurés  soit  dans  le  grand  ouvrage  de  notre  éminent  et  toujours 
regretté  confrère  :  Recherches  sur  les  Oiseaux  fossiles  de  France,  soit  dans  la 
note  qu'il  publia  plus  tard  (1875)  dans  les  Matériaux  de  M.  Cartailhac. 

Enfin  il  me  reste  encore  à  mentionner  le  don  fait  par  M.  Commont,  d'Amiens, 
d'une  belle  tète  de  Canis  famitiaris  trouvée  dans  la  tourbière  de  Proyart 
(Somme).  ^  M.  B. 

Muséum  d'archéologie  projeté  à  Cambridg^e. 

Cambridge,  la  splendide  rivale  d'Oxford,  possède  aux  environs  de  ses  col- 
lèges Corpus  Christy  et  Pembroke,  un  quartier  où  abondent  les  laboratoires, 
les  bibliothèques,  les  Musées,  quelques-uns,  tel  «  Sedgwick  Mémorial  Muséum 
of  Géologie  »,  inaugurés  en  1904.  Là,  dans  un  terrain  fort  ample,  l'université 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  731 

veut  élever  un  Musée  d'archéologie  et  d'ethnologie.  La  construction  coûtera 
500.000  francs.  Un  comité,  qui  comprend  une  foule  de  notabilités  du  Royaume 
et  de  savants  illustres,  adresse  un  appel  aux  souscripteurs  et  ceux-ci  déjrà 
répondent  avec  empressement.  La  liste  des  collections  qui  trouveront  de  suite 
place  dans  le  prochain  Musée  est  publiée,  elle  est  magnifique.  Le  Préhistorique 
en  particulier  y  figure  largement.  Il  y  a  surtout  de  nombreuses  séries  des 
populations  primitives  les  plus  diverses. 

E.  G. 

Les  fouilles  de  Délos. 

Les  résultats  des  fouilles  qui  se  poursuivent  à  Délos,  grâce  aux  subventions 
du  duc  de  Loubat,  ontété  fort  importants  cette  année,  à  en  juger  par  le  résumé 
qu'en  a  présenté,  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  M.  Holleaux» 
directeur  de  l'École  d'Athènes.  Le  grand  portique  du  nord,  qu'une  inscription 
de  l'architrave  paraît  attribuer  au  roi  de  Macédoine,  Anligone  Gonatas,  a  été 
complètement  dégagé,  et  on  a  déblayé  également  deux  nouveaux  îlots  du  quar- 
tier du  théâtre,  qui  a  été  édifié  deux  siècles  avant  notre  ère. 

Parmi  les  découvertes  les  plus  intéressantes,  signalons  celles  d'un  tombeau 
mycénien,  de  nombreux  débris  de  vases,  de  quelques  statues  —  entre  autres, 
celle  de  la  muse  Polymnie  —,  de  cinq  énormes  lions  en  marbre  de  Naxos,  etc. 
Une  stèle,  sur  laquelle  sont  énumérés  tous  les  sacerdoces  de  Délos  à  l'époque 
de  la  seconde  domination  athénienne,  constitue  un  document  de  premier  ordre 
pour  l'histoire  des  religions  de  l'antiquité. 

Les  archéologues  classiques  doivent  savoir  gré  au  duc  de  Loubat  de  sa  géné- 
rosité et  féliciter  les  chercheurs  du  parti  qu'ils  ont  su  tirer  des  fonds  mis  à  leur 
disposition. 

R.  V. 

Découverte  de  ruines  au   Guatemala. 

Dans  La  ISature  du  3  novembre  dernier,  M.  Maurice  de  Périgny  signale  l'exis- 
tence d'une  ville  ruinée  à  Nacun,  dans  le  district  guatémalien  de  Peten.  Les 
monuments  de  cette  ville,  aujourd'hui  enfouie  sous  les  arbres,  comprennent 
des  maisons  d'habitation,  des  temples,  une  forteresse,  qui,  comme  les  monu- 
ments de  Ghichen  itza  ou  d'Uxmal,  sont  construits  au  sommet  de  grandes  pyra- 
mides mesurant  de  3o  à  5o  mètres  de  hauteur. 

Faute  de  temps  et  d'ouvriers,  le  voyageur  n'a  pu  fouiller  la  vieille  cité,  dont 
les  édifices  sont  généralement  sans  aucun  ornement,  mais  offrent  des  propor- 
tions imposantes.  Il  a  déblayé  néanmoins  deux  temples,  auxquels  on  accède  par 
un  large  escalier  très  raide,  et  il  a  rencontré  au  pied  de  chaque  escalier  un 
bloc  de  pierre  décoré,  planté  en  terre  et  atteignant  2  à  3  mètres  de  hauteur. 
Sur  l'un  d'eux  est  représenté  un  guerrier;  sur  l'autre  sont  gravés  des  hiéro- 
glyphes. C'était  la  première  fois  que  M.  de  Périgny  rencontrait  de  tels  piliers 
dans  des  ruines  mayas. 

11  est  à  espérer  que  les  ruines  de  Nacun  seront  bientôt  explorées  sur  une 
plus  vaste  échelle,  car  elles  peuvent  fournir  d'intéressants  renseignements  sur 
le  peuple  qui  a  construit  les  monuments  entrevus  par  notre  compatriote. 

R.  V. 


732  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Une  ville  polyglotte. 

C'est  de  la  villej  d'Épcrlcs]  qu'il  s'agit.  Située  en  Hongrie,  sur  les  confins  de 
la  Galicie,  elle  compte  15.000  habitants,  qui  parlent  six  langues  difTérenles  et 
un  grand  nombre  de  dialectes.  Tout  le  monde,  d'ailleurs,  s'entend  parfaitement, 
car  tout  le  monde  est  polyglotte. 

La  raison  de  ce  phénomène  est  fort  simple  :  la  ville  d'Épertes  est  peuplée  de 
Hongrois,  d'Autrichiens,  de  Russes,  d'IUyriens,  etc.  ;  elle  est  en  outre  visitée 
continuellement  par  des  touristes  de  tous  les  pays,  de  sorte  que,  d'après  La 
Nature,  «  dans  un  même  établissement  public,  on  peut  entendre  en  même 
temps  six  ou  sept  langues  parlées  par  les  différentes  personnes  qui  s'y  trouvent  ». 

A  Épertes,  il  n'est  venu  à  l'idée  de  personne  de  créer  une  langue  unique. 
Chacun  préfère  apprendre  la  langue  de  son  voisin  que  d'amalgamer  d'une 
façon  plus  ou  moins  harmonieuse  des  syllabes  empruntées  à  tous  les  idiomes 
et  d'en  faire  un  espéranto  que  bien  peu  de  gens  arriveront  à  comprendre. 

R.  V. 

La  dégénérescence  des  peuples  latins. 

M.  P.  Nâcke  (1)  reconnaît  que  les  peuples  latins  et  la  France  en  particulier 
ne  sont  pas  en  voie  de  dégénérescence.  Cet  aveu  nous  est  d'autant  plus  pré- 
cieux qu'il  vient  d'un  Allemand  et  que  l'auteur  déclare  que,  même  au  point  de 
vue  de  la  morale  sexuelle,  nous  ne  sommes  pas  inférieurs  aux  peuples  germa- 
niques. Les  seuls  points  noirs  sont  le  développement  de  l'alcoolisme  et  la  dimi- 
nution de  la  natalité.  Mais  le  remède  est  tout  trouvé  :  une  nouvelle  infusion  de 
sang  germanique  ne  peut  que  nous  être  profitable.  En  revanche  M.  Nacke 
déconseille  absolument  le  mélange  des  «  Ariens  »  avec  des  races  tout  à  fait 
différentes,  dont  il  ne  peut  rien  sortir  de  bon.  Les  «  mariages  de  Loti  »  ne  sont 
pas  son  fait.  11  a  d'ailleurs  parfaitement  raison  lorsqu'il  affirme  qu'aucun 
peuple  n'a  disparu  de  la  scène  du  monde  par  dégénérescence,  mais  que  tous 
ont  été  absorbés  par  des  conquérants  ou  des  immigrants  étrangers.  La  dégéné- 
rescence de  certaines  (classes  d'une  population  est  d'ordinaire  contrebalancée 
par  des  phénomènes  progressifs  dans  d'autres  classes.  Elle  n'a  jamais  pu  ame- 
ner l'anéantissement  d'un  grand  peuple,  mais  seulement  celui  de  quelques 
hordes  sans  valeur. 

D'  L.  Laloy. 

Une  secte  féminine  en  Chine. 

Un  mandarin  chinois,  Ly-Chao-Pee,  publie  dans  la  Revue  de  curieux  détails 
sur  la  secte  féminine  dite  des  «  Abstinentes  »,  qui  prend  une  véritable  impor- 
tance dans  la  Chine  méridionale. 

Les  adeptes  de  cette  société  font  le  vœu  de  ne  pas  jamais  manger  la  chair 
d'aucun  animal,  ni  même  des  œufs  parce  qu'ils  contiennent  un  germe  de  vie. 

(1)  Archiv  fur  Rassen  und  Gesellschaft-Biologie,  1. 111,  1906,  p.  373. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  733 

C'est  en  réalité  une  secte  végétarienne  qu'ont  formée  les  femmes  du  Céleste 
Empire. 

11  n'y  aurait  dans  le  fait  rien  qui  méritât  d'être  particulièrement  signalé  si  les 
«  Abstinentes  »  n'avaient  des  idées  spéciales  sur  les  vertus  de  l'alimentation 
exclusivement  végétale.  Elles  ont  la  conviction  que  si  elles  observent  fidèlement 
leur  vœu,  leur  âme  transmigrera  dans  un  autre  corps  et  qu'elles  auront  le  bon- 
heur de  renaître  hommes. 

Devenir  homme,  quel  beau  rêve  pour  une  Chinoise  !  Aussi  les  «  Abstinentes  » 
supportent-elles  vaillamment  la  privation  d'alimentation  animale  et  toutes  les 
peines  que  le  sexe  fort  leur  fait  endurer.  Elles  se  promettent  évidemment  un 
ample  dédommagement  après  leur  métamorphose,  et  sans  doute  n'est-il  pas 
téméraire  de  supposer  «  que  quelques-unes  d'entre  elles  savourent  déjà,  par 
avance,  un  petit  avant-goût  de  vengeance  dans  le  cas  où  elles  viendraient  à 
retrouver  leur  mari  transformé  en  femme  ». 

R.  V. 

IVèg^res  en  Allemag-ne. 

Le  rôle  des  anthropologisles  de  l'avenir  sera  bien  difficile  :  partout  ils  ne 
rencontreront  que  les  mélanges  de  races  les  plus  hétéroclites.  Maigre  son  sur- 
peuplement, l'Allemagne  a  recours  a  la  main-d'œuvre  étrangère.  Des  Polonais 
viennent  remplacer,  dans  le  Hanovre,  les  paysans  émigrés  :  le  village  de  Misburg 
compte  3.000  Polonais.  Pour  les  travaux  des  canaux  on  emploie  des  Galiciens, 
des  Serbes,  des  Croates,  dont  une  partie  s'établit  définitivement  dans  le  pays. 
Voici  que,  d'après  le  Berliner  Tagehlatt,  des  agents  de  Hambourg  et  de  Brème 
offrent  pour  l'agriculture  des  travailleurs  nègres  des  deux  sexes.  C'est  surtout 
dans  le  district  de  Luneburg,  dans  la  Hesse  et  le  Hanovre  que  ces  collaborateurs 
sont  appréciés. 

D'  L.  Laloy. 

Les  IVèg^res  aux  Etats-Unis. 

En  1750  le  nombre  des  Nègres  du  territoire  actuel  des  États-Unis  ne  paraît 
pas  avoir  dépassé  220.000;  ils  sont  aujourd'hui  9  millions.  En  18\0,  9  0/0  seule- 
ment des  Nègres  âgés  de  plus  de  10  ans  savaient  lire  et  écrire;  55,5  0/0  sont 
actuellement  dans  ce  cas,  et  3.000  Nègres  ont  fait  des  études  supérieures.  Il  y  a 
746.717  fermes  aux  mains  des  Nègres;  leur  surface  équivaut  à  peu  près  à  la 
moitié  de  celle  du  royaume  de  Prusse,  et  leur  valeur  dépasse  1  milliard  de 
francs.  Les  Nègres  dirigent  plus  de  5.000  établissements  de  commerce,  surtout 
des  épiceries,  des  merceries,  des  imprimeries,  des  drogueries,  avec  un  capital 
de  45  millions  de  francs.  Il  y  a  en  outre  3  banques  et  de  nombreuses  coopéra- 
tives, des  établissements  de  bienfaisance, 7  hôpitaux,  20  orphelinats  et  au  moins 
100  caisses  d'assurances  contre  les  accidents  et  la  maladie.  Si  l'on  se  rappelle 
que  CCS  résultats  ont  été  obtenus  au  cours  d'une  seule  génération  par  les  des- 
cendants des  anciens  esclaves,  on  conviendra  avec  M.  liurghard  du  Bois  (1), 


(1)  Arcliiv  fur  Sozialwissenschaft  und  Sozialpolili/c,  1906,  p.  31. 


13»  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

que  la  race  nègre  est  éminemment  perfectible  et  ne  mérite  pas  l'ostracisme  et 
les  persécutions  dont  elle  est  l'objet  de  la  part  des  Américains. 

Dr  L.  Laloy. 

La  résurrection  du  peuple  Maori. 

Comme  tant  d'autres  peuples  primitifs,  les  Maoris  de  la  Nouvelle-Zélande  ont 
rec!ilé  devant  la  civilisation  européenne,  qui  leur  a  apporté  trois  fléaux  princi- 
paux, la  tuberculose,  les  maladies  vénériennes  et  l'alcoolisme.  Relégués  dans 
les  parties  les  plus  malsaines  et  les  moins  fertiles  des  deux  îles,  ils  étaient  voués 
à  une  extinction  rapide,  lorsque  le  gouvernement  de  la  Nouvelle-Zélande,  qui, 
à  tant  d'autres  égards,  se  distingue  par  son  esprit  progressif,  décida  de  sauver 
ce  peuple.  L'agent  de  cette  résurrection  fut  un  Maori,  nommé  Mauri  Pomare, 
qui  avait  étudié  la  médecine  en  Angleterre  et  qui,  pourvu  de  toutes  les  connais- 
sances modernes,  aidé  de  l'appui  du  gouvernement,  se  proposa  d'inculquer  à 
ses  compatriotes  les  principes  de  l'hygiène.  Il  parcourut  les  villages  des  deux 
îles,  y  prêcha  la  rénovation,  soit  de  vive  voix,  soit  par  ses  écrits.  Chose  extra- 
ordinaire, il  réussit  :  on  vit  des  Maoris  détruire  de  leur  plein  gré  leurs  masures 
sordides  et  les  remplacer  par  des  maisons  modernes  pourvues  de  planchers,  de 
fenêtres,  de  cheminées,  de  chambres  distinctes  et  de  cabinets  d'aisance.  Il  y  a 
maintenant  des  villages  entiers  reconstruits  de  la  sorte.  Le  pittoresque  y  perd, 
mais,  comme  le  dit  le  D""  Mauri  Pomare  (1),  il  est  plus  intéressant  de  sauver  la 
vie  et  la  santé  de  nombreux  êtres  humains  que  de  satisfaire  la  curiosité  des 
globe-trotters. 

Pour  les  médecins  européens  qui  connaissent  la  quasi-impossibilité  de  guérir 
les  gens  du  peuple  de  leur  saleté  et  de  leur  alcoolisme,  ce  résultat  est  vraiment 
surprenant  et  prouve  que  les  Maoris  ont  beaucoup  plus  de  ressort  moral  qu'on 
ne  le  supposait.  Leur  nombre,  qui  était  tombé  progressivement  à  39.000  en 
1896,  a  maintenant  tendance  à  se  relever  :  43.000  en  1901.  Mais  il  y  a  encore 
beaucoup  à  faire.  Il  faudrait  interdire  aux  traitants  d'importer  des  alcools  de 
mauvaise  qualité,  il  faudrait  isoler  les  tuberculeux  dans  des  sanatoriums,  il 
faudrait  enseigner  aux  mères  à  donner  des  soins  rationnels  à  leurs  enfants  :  la 
mortalité  de  0  à  1  an  est  de  50  0/0.  Il  conviendrait  d'empêcher  les  sorciers 
d'exercer  la  médecine,  et  les  femmes  d'adopter  les  modes  européennes  :  Pomare 
a  rencontré  un  cas  de  rein  flottant  occasionné  par  le  corset  ! 

Il  a  déjà  pu  éduquer  quelques-uns  de  ses  compatriotes  et  en  faire  des  inspec- 
teurs sanitaires.  Le  désir  de  ce  peuple  de  sertir  de  son  état  d'abjection  est  si 
grand  qu'on  peut  espérer  un  succès  complet  de  celte  tentative  de  relèvement, 
qui  n'a  qu'un  tort,  c'est  d'être  un  peu  tardive  et  de  succéder  à  une  longue 
période  de  refoulement  et  de  persécution  des  indigènes.  Sans  établir  de  compa- 
raison entre  les  Maoris,  qui  en  sont  presque  à  l'âge  de  la  pierre,  et  les  demi-civi- 
lisés de  Madagascar,  on  me  permettra  cependant  de  rappeler  que  l'école  de 
médecine  de  ïananarivc  ne  peut  manquer  d'exercer  la  plus  salutaire  influence  sur 
les  Malgaches.  C'est  au  médecin  à  remplacer  le  missionnaire  dans  l'œuvre  de 
relèvement  des  indigènes  de  nos  colonies.  D""  L.  Laloy. 

(1)  Cité  par  M.  Grober,  Archiv  fiir  Rassen  mid  Gesellschafts-Biologie,  III,  1906, 
p.  704. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  53^ 

Les  singles   chirarj[îens.   —  Un  anthropoïde  inventeur. 

Nous  trouvons  dans  un  journal  médical  l'entrefilet  suivant  : 

«  Les  alouates  de  la  Guyane  sont  peut-être  les  plus  intelligents,  les  plus 
étranges  et  les  plus  curieux  des  singes.  Orateurs  infatigables  et  chanteurs  dis- 
tingués, ces  «  ténors  des  bois  »  seraient  aussi  des  chirurgiens  émérites. 

«  Lorsqu'un  alouate  est  blessé,  tous  ses  petits  camarades  accourent,  Ten- 
tourent,  s'empressent,  le  plaignent  et,  ce  qui  vaut  mieux,  le  secourent.  Ceux-ci 
plongent  leurs  doigts  dans  la  plaie  comme  pour  en  sonder  la  profondeur, 
tandis  que  ceux-là  vont  chercher  des  feuilles  d'arbres  qu'ils  insinuent  dans  la 
blessure  pour  arrêter  le  flux  du  sang.  D'autres  enfin,  s'en  vont  à  la  recherche 
de  plantes  bienfaisantes  qu'ils  appliquent  sur  la  plaie  pour  en  activer  la 
guérison.  » 

Que  nos  lecteurs  n'aillent  pas  croire  que  nous  avons  découpé  ces  lignes  dans 
un  de  ces  journaux  d'outre-mer  habitués  à  lancer  des  nouvelles  sensationnelles  ; 
c'est  à  la  vénérable  Gazette  médicale  de  Faris,  âgée  aujourd'hui  de  78  ans,  voire 
de  134  ans,  si  l'on  tient  compte  des  années  pendant  lesquelles  elle  s'est  appelée 
La  Gazette  de  Santéy  que  nous  les  empruntons.  Elle-même  les  avait  extraites  de 
la  Chronique  médicale. 

D'ailleurs,  à  tous  ceux  qui  ont  étudié  les  singes  d'un  peu  près,  le  fait  cité 
par  notre  confrère  ne  semblera  pas  invraisemblable.  Darwin  a  signalé  bien  des 
exemples  d'intelligence,  de  sentiments  affectifs  et  même  de  raisonnement  chez 
des  anthropoïdes,  des  pithéciens  ou  des  cébiens.  Le  fameux  Chimpanzé  Edgar, 
que  les  Parisiens  ont  admiré  au  Jardin  des  Plantes,  a  donné  maintes  preuves 
d'intelligence  avant  d'être  amené  en  Europe.  Dans  une  vieille  casserole,  il 
conservait  des  objets  qui  lui  étaient  précieux,  notamment  deux  ou  trois  cailloux 
qui  lui  servaient  de  percuteurs  pour  casser  les  noyaux,  un  fragment  de  bou- 
teille et  un  chiffon  noir.  L'usage  qu'il  faisait  de  la  bouteille  cassée  et  du  chiffon 
est  vraiment  bien  extraordinaire  :  en  plaçant  le  chiffon  derrière  le  verre,  il 
obtenait  un  miroir  dans  lequel  il  aimait  à  contempler  ses  traits.  C'est,  du 
moins,  ce  que  nous  a  formellement  affirmé  son  ancien  maître.  Malheureuse- 
ment, il  s'habitua,  chez  nous,  à  boire  à  la  régalade  des  boissons  alcooliques,  et, 
comme  à  un  vulgaire  bipède,  celte  passion  lui  fut  fatale. 

L'invention  du  miroir  par  un  anthropoïde  est  un  fait  qui  dénote  une  intelligence 
autrement  développée  que  celle  que  montrent  les  cébiens  de  la  Guyane  lorsqu'ils 
secourent  leurs  semblables  blesses.  Quelques-uns  prétendront  sans  doute  que  les 
alouates  ne  font,  en  la  circonstance,  qu'accomplir  un  acte  instinctif.  Ce  serait  le 
cas  de  citer  le  passage  où  Voltaire  raille  si  agréablement  les  philosophes  du 
xviii^  siècle  discutant  sur  l'instinct  et  la  raison,  et  de  rappeler,  avec  Broca,  ces 
vers  traduits  de  Prior  : 

Avez-vous  mesuré  cette  mince  cloison 

Qui  semble  séparer  l'instinct  delà  raison?... 

Toutes  les  dissertations  auxquelles  on  pourra  se  livrer  n'empêcheront  pas 
que  les  alouates  ne  fassent  preuve  d'intelligence  quand  ils  tamponnent  une 
plaie  pour  arrêter  une  hémorragie  et  lorsqu'ils  appliquent  sur  une  blessure 
des  plantes  dont  ils  ont  reconnu  les  propriétés  bienfaisantes. 

R.  V. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 

(avec  notes  analytiques.) 


a)  Travaux  publiés  dans  les  recueils  anthropologiques. 

Balletias  et  mémoires  de  la  Société  d'Anthropologie   de  Paris, 
5e  série,  t.  VJI,  1906. 

iV/o  2.  —  DucHEMiN,  Tumulus  de  la  Gambie  {suite  et  fin,  fig.).  —  Zaborowski,  Les 
Gaulois;  l'industrie  dite  de  La  Tène  est  purement  gauloise.  Les  Bastarnes.  (A  propos 
de  la  communication  de  M.  Volkov.Les  Houzoules  sont  des  descendants  des  Gaulois- 
Bastarnes.)  Discussion  :  M.  Manouvrier.  —  Variot  et  Gbaumet,  Tables  de  croissance 
des  enfants  parisiens  de  1  à  16  ans  d'après  les  mensurations  sur  4.400  enfants,  gar- 
çons et  filles  ;  graphiques).  Discussion  :  MM.  Papill\ud,  Manouvrier,  Bloch.  —  Capitan, 
Une  couche  de  silex  taillés,  usés,  sur  la  terrasse  moyenne  du  Moustier,  au  milieu 
des  outils  intacts.  Explication.  —  Papillallt,  Mon  opinion  vraie  sur  un  point  de 
morphogénie  osseuse  (relatif  à  l'action  bio-chimique  du  muscle  dans  la  production 
des  excavations  aux  points  d'insertion  ;  à  propos  de  la  discussion  de  cette  opinion 
par  Antbony  et  F.  Regnault).  —  Hervé,  Contribution  à  l'histoire  des  mégalithes  (pra- 
tiques magiques  et  sorcellerie  autour  du  menhir  près  Machecoul  sur  l'ordre  de  Gilles  de 
Laval  vers  1440).  Discussion:  MM.  Baudouin,  Sébillot,  Hervé. —  Desplagnes,  Le  plateau 
central  nigérien  dominant  la  grande  boucle  du  fleuve.  Monographie  des  Habès  qui 
habitent  ce  plateau  et  des  «  Sorkos»  réfugiés  dans  les  îles.  Régime  théocralique  électif.  Re- 
ligion. Mariage.  Funérailles,  etc.,  7  p/.).  —  P.d'Enjoy,  Le  Spiritisme  en  Chine  (croyances, 
superstitions,  sorciers,  etc.).  —  Hamy,  Pierres  levées  et  figures  rupestres  du  Tagant 
(Mauritanie),  (découvertes  et  photographiées  par  R.  Arnaud.  Limite  extrême  au  S.-E. 
des  pictographies  ;  alignements  des  mégalithes  ;  fig.).  —  Hébert,  Survivances  ethno- 
graphiques. L'écorçoir  (en  os  de  cheval)  dans  les  Ardennes,  l'Indre  et  l'Yonne  {fig.)^ 

Revue  de  l'École  d'Anthropologie  de  Paris,  16^  année,  1906. 

N"  8.  —  L.  Manouvrier,  Conclusions  générales  sur  l'anthropologie  des  sexes  et  ap- 
plications sociales  (importance  de  la  science  dans  l'art  médical,  etc.).  —  L.  Capitan, 
Le  congrès  international  d'anthropologie  préhistorique  de  Monaco  (1906j  (résumé  des 
communications).  —  A.  deMortillet,  La  pierre  folle  de  Bournaud  et  lesdolmens  du 
département  de  la  Vienne  (2  fig.).  —  L.  Jacquot,  Dessins  rupestres  de  Mog'ar  (Sud- 
Orauais),  (signalés  par  le  D^"  F.  Jacquot  en  1847  ;  fig).  —  E.  Rabaud,  Anomalies  de  la 
deuxième  circonvolution  pariétale,  fig.  (sorte  de  fosse  pariétale,  considérée  par  l'au- 
teur comme  un  stigmate  de  dégénérescence).  —  ZAïiOROwsKr,  Pour  le  nom  d'«  Aryen  » 
(contre  celui  d'Indo-Germain).  Rappel  de  l'inscription  de  Behistoun  où  Darius  est 
qualifié  d'Aryen). 

A'o  9.  — De  Mortillet  (A.),  Cours  de  technologie  ethnographique.  L'allée  couverte 
de  Coppière  (Seine-et-Oise).  (Revue  descriptive.  Description  des  fouilles:  objets  néo- 
lithiques de  l'âge  du  bronze  et  romains  ;  fig.).  —  Giuffrida-Ruggeri  (V.),  Crânes  eu- 
ropéens déformés  (à  propos  du  travail  de  Schliz  sur  la  déformation  «  reihengrâbé- 
rienne  ».  La  déformation  à  l'aide  de  bandes  a  dû  exister  partout  en  Europe  au 
moyen-âge).  —  Fourdrignier,  L'éclairage  des  grottes  paléolithiques  devant  la  tradi- 
tion  des  monuments  anciens  ;  fig.  (Cet    éclairage  a   pu  avoir  des  analogies  avec  la 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  731 

réflexion  de  la  lumière  du  jour  à  l'aide  de  plaques  en  étain  usitée  dans   les  églises 
mérovingiennes  [d'après  Fortuna]  et  dans  les  caves  modernes.) 

Zeitschrft  f.  Ethnologie,  Berlin,   iu-8. 

Supplément  zu  i90o.  — P.  Ehrenreigh,  Die  Mythenund  Legenden  der  Sudamerkanis- 
chen  Urvôlker,  etc.  {Mythe.^  et  le'rjendes  des  peuples  primitifs  de  l'Amérique  du  Sud, 
et  leurs  rapports  avec  les  mythes  et  les  légendes  de  l'Amérique  du  Nord  et  du  Vieux 
Monde.  Etude  originale  :  Légendes  et  mythes  des  Indiens  du  centre  de  l'Amérique 
du  Sud;  leur  ressemblance  avec  les  mythes  Indiens  du  Nord-Ouest,  et  des  Paléasia- 
tiques,  etc.). 

Année  1906  (t.  XXXVIII),  N"^  1  et  2. 

a)  Abliandlungen. 

Wilke-Grimma,  Zur  Entstehung,  etc.  {L'origine  delà  décoration  en  spirale;  ^(7. Com- 
binaisons des  segments  des  cercles  concentriques.  Les  ornements  encercles  concen- 
triques ont  été  connus  dans  le  sud  de  l'Europe  centrale  3.000  ans  avant  J.-C).  — 
BiNETSCH,  Berichte  der  Missionare,  etc.  [Rapport  des  missionnaire.';  G.  Binelchs  et  G. 
Hàrtter  sur  les  Ewés,  principalement  sur  des  Ewés  anglo.  1.  Réponse  à  plusieurs  ques- 
tions sur  le  peuple  ewé  et  sur  sa  mentalité.  2.  Mœurs  et  coutumes  des  Anglo  (Gui- 
née super.).  3.  La  pêche  dans  le  pays  ewé  (avec  un  vocabulaire  se  rapportant  aux 
poissons  et  à  la  pêche).  —  Fritsch,  Die  Buschmauner  der  Kalahari,  etc.  {Les  Bas- 
chimans  du  Kalahari,  Analyse  du  mémoire  de  S.  Passarge.  Critique  assez  sévère  et 
réponse  aux  observations).  —  Nordenskiôld,  Ethnographische  und  archiiologische 
Forschungen,  tic. {Recherches  ethnographiques  et  archéologiques  dans  le  pays -frontière 
entre  le  Pérou  et  la  Bolivie,  1904-5  ;  fig.  Etude  ethnographique  des  Quitchuas  du 
versant  est  des  Andes,  leur  distribution;  limite  nord  des  «  chulpar  »  c'est-à-dire  de 
sortes  de  dolmens  que  l'on  attribue  aux  Aymara,  vivant  actuellement  au  sud  du  lac 
Titicaca.  Tribus  des  familles  linguistiques  pano  ou  tacana,  en  partie  quitchuanisées  : 
les  Lecam,  les  Lapatchu,  etc.;  en  partie  ayant  conservé  leur  langue  et  les  noms  pri- 
mitifs, vivant  encore  eu  plein  âge  de  la  pierre  :  les  Guarayo  de  la  rivière  de  Tambo- 
pata  (parlant  tacana),  les  Yamiaca  (30  à  40  individus),  elles  Atsahuaca  (23  individus).  — 
P.  Traegeu,  Die  Troglodyten,  etc.  {Les  Troglodytes  du  Matmata,  Tunisie.  Habitations. 
Type  physique.  Droit  de  propriété,etc.  ;  ^gr.).  Dz5ci/5S2on  :  MM.Mag^us,Traeger,Mielke, 
ScHWEiNFURTH,  Oppkrt,  Giebeler,  V.  Luschan,  Staudinger,  Blanckenhorn.  (Le  troglody- 
lisme  répond  au  besoin  d'avoir  un  abri  frais  et  facilement  défendable).  —  F.  vois 
LusciiAN,  Ueber  ein  rachitisches,  etc.  {Un  squelette  rachitique  de  chimpanzé  tubercw- 
leux,  av.  4  pi.  Mensurations).  —  Seler  (E.),  Das  Dorfbuch,  etc.  [Le  livre  de  village 
de  Santiago  Guêvea,  Tehuantepec.  —  Un  manuscrit  mexicain  zapotèque  du  milieu  du 
seizième  siècle  (1540),  fig.] 

b)   Verhandlungen. 

VoN  Luschan,  Die  ethnologische  Stellung,  etc.  {Jm  position  ethnologique  des  «  Abys- 
sins »  exposés  au  Castan's  Panopticum  de  Berlin.  Ce  sont  probablement  des  Somalis 
et  des  Gallas).  —  Opppert,  Ein  indischer  Pilgerstab  {Un  bâton  de  pèlerin  hindou  ou 
«  ashada  ».  Présentation).  — -  P.  Kupka,  Neolitische  Funde,  etc.  {Pièces  néolithiques 
trouvées  à  Arneburg;  fig.  2.  Le  cimetière  wende  de  Wahrburg]  fig.  Poterie,  silex 
taillés,  etc.).  —  Th.  Koch  Grunberg,  Die  Indianerstamme  am  oberen  Rio-Negro,  etc. 
{Les  tribus  Indiennes  dans  le  Haut  Rio-Negro  et  le  Yapura  et  leurs  affinités  linguis' 
tiques;  1  pi.  h.  t;  fig.  Types,  distribution  géographique  et  vocabulaires  comparés 
avec  ceux  des  auteurs  antérieurs.  Carte  ethnographique  (réduction  de  celle  du 
«  Globus  »).  —  Wessing,  Ueber  den  Gebrauch,etc.  [Usage  de  V opium  chez  les  Chinois. 
Cartes.  Culture   (av.    cartes);    commerce,    usage,    conséquences,    etc.)]  Discussion. 

l'anthropologif.  —  T.  xvit.  —  1906.  47 


Vis  BULLETIN  BinLIOGRAPIIIQUE. 

MM.  Sthauch,  Stai'dinger).  —  V.  Majewski,  Neuentdeckte  poloische,  etc.  {Groupe 
polonais,  nouvellement  découvert,  de  céramique  avec  orjiementalion  en  rubans 
ondulés^  d'après  les  fouilles  faites  dans  la  prov.  de  Kiele].  —  Kupk^,  Eiu  inkrustiertes 
Ton»efa?8,  etc.  {Un  vase  incrusté  de  réporpie  de  La  Téne  au  sud  d' AenrjUngen  ;  fi'!.)  — 
Stal'dinoer  (P.),  Glassachen,  nainentlich  Armriage,  etc.  {Objets  en  verre,  notamment 
les  bracelets,  que  l'on  rencontre  chez  les  Nupé,  de  la  région  Niger-Benué,  fabriqués 
sur  place). 

Journal  (The)  of  tho  Anthropological  Instituts  of  Great  Britain   and  Ireland, 

t.  35  (jaavier-juin  1905). 

Presidential  adress  {Discou7's  du  président  sortant,  IL  Balfour).  —  D.  Randal- 
Mc  Iver,  The  manufacture,  etc.  [La  fabrication  des  poteries  dans  la  haute  Egypte  à 
l'heure  actuelle  :  poterie  colorée  en  rouge  à  l'aide  de  l'hématite  rouge  (probablem. 
originaire  de  Nubie)  ;  poterie  peinte  (entre  Assouan  et  Keneh)  ;  poterie  ordinaire,  non 
peinte  (au  nord  d'Assouan,  inconnue  dans  la  Nubie;  6  pi.].  —  F.  S.  Parsons  et 
C.  R.  Box,  The  relation  of  the  crauial  sutures,  etc.  {Rapport  entre  les  sutures  du 
crâne  et  Vdge.  Étude  approfondie  sur  une  série  de  87  crânes  d'âge  déterminé.  Les 
sutures  commencent  à  se  fermer  du  côté  de  l'endocrâne.  A  l'ectocrâne,  la  suture  la 
plus  précoce  est.  au  voisinage  du  stéphanion,  puis  celle  de  la  région  de  robélion,mais 
en  général  il  n'y  a  aucune  correspondance  avec  l'âge.  A  ce  dernier  point  de  vue,  les 
sutures  endocrânieunes  seules  donnent  des  indications  nettes;  avant  30  ans  elles  sont 
toutes  encore  ouvertes;  puis,  la  coronale  et  la  sagittale  commencent  à  se  fermer; 
ordinairement,  passé  50  ans,  et  parfois  60  ans  toutes  les  sutures  endocrânieunes  sont 
soudées).  —  Franlkin  Whitk,  Notes  on  the  great  Zimbabwe,  etc.  {Notes  sur  la 
grande  ruine  elliptique  de  Zimbabwe,  dans  le  sud  de  la  Rhodésie,  20°  16'  lat.  S., 
31°  T  longit.  E.  Greenw.  Description  détaillée;  2  pi.  et  1  plan).  —  R.  E.  Dennet, 
Notes  on  the  philosophy,  etc.  [Notes  sur  la  philosophie  des  nègres  Ra-vili,  Loango; 
titres  du  roi  Ba-vili  ;  idées  cosmologiques  (principes  mâle  actif  et  femelle  passif, 
p.  ex.,  mer  et  son  dérivé  la  pluie  et  la  terre);  idées  sur  le  temps  :  saisons,  etc,)J.  — 
N.  W.  Thomas,  Australian  canoës  \Les  canots  australiens  :  monographies  du  canot 
en  écorce,  du  canot  avec  balancier  (côte  N.-E.,  importation  papoue)  et  du  radeau 
(répandu  un  peu  partout).  Les  noms  indigènes  des  canots.  Bibliographie.  Fig.,  3  pi. 
et  1  carte.  Sur  presque  toute  la  côte  ouest  et  sur  la  cô*^^e  sud,  à  l'ouest  de  l'embou- 
chure du  Murray,  la  navigation  et  même  la  natation  sont  inconnues].—  Gh.  S.  Myers, 
Contributions  to  egyptian  anthropométrie  {Contribution  à  V anthropométrie  égyptienne. 
II.  Anthropométrie  comparée  des  habitants  actuels  et  des  habitants  les  plus  anciens 
de  l'Egypte.  Comparaison  des  mesures  et  des  indices,  comparaison  de»  variabilités, 
des  corrélations,  etc.,  d'après  la  série  de  138  crânes  de  Nagada,  mesurés  par 
K.  Pearson  et  une  série  de  136  tètes  de  vivants,  soldats  nés  dans  les  environs  de 
Nagada.  11  n'y  a  pas  de  différence  entre  les  deux  séries,  quant  à  l'indice  céphalique  et 
les  deux  sont  très  homogènes).  —  R.  N.  Hall,  Stone  fort,  etc.  {Ruines  d'un  fort 
en  pierre  et  les  puits  dans  Vélat  dlnyanga,  dans  le  sud-est  de  la  Zambésie,  à  400  kil. 
environ  au  N.  des  ruines  de  Zimbabwe.  Huttes  circulaires  à  l'intérieur  des  enceintes 
elliptiques,  qui  se  touchent  et  dont  l'ensemble  constitue  le  fort;  plans  et  2  planches) 

—  T.  W.  Gann,  The  ancient  monuments,  etc.  {Les  monuments  anciens  du  nord  de 
Honduras  britannique,  et  des  parties  adjacentes  de  Yucatan  et  de  Guatemala.  Civili- 
sation primitive  de  ces  j^égions  et  caractéristique  des  races  qui  V habitent  aujourd'hui  : 
les  Maya,  petits  et  brachycéphales.  Visite  des  ruines  de  Rio  Grande  :  mounds,  etc.  Pla?i), 

—  E.  B.  Haudon,  The  dog-motive,  etc.  {Le  motif  «  chien  »  dans  l'art  graphique  de 
Bornéo.  Stylisation  et  conventionnalisme  démontrés  par  les  formes  de  passage, 
d*après  l'étude  des  tatouages,  des  bois  sculptés.  Nombr.  fig.).  —  Gh.  Hill  Tout, 
Report  on  the  ethnology,  etc.  [Étude  ethnologique  des  Indiens  Silatlumh  ou  Lillooets 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  739 

(souche  Salich),  Colombie  Britannique.  Origines  de  tribus;  origine  et  signification  des 
noms  personnels  et  des  noms  de  groupes  ;  nature  des  totems;  cérémonies  magiques 
analogues  à  1'  «  Intichiuma  »  des  Australiens  Aruuta;  coutumes  mortuaires; 
mariage,  etc.  Abrégé  de  grammaire;  vocabulaire;  textes  et  traduction  interlinéaire 
et  libre  des  mythes  et  légendes]. 

Internationales  Archiv  fur  Ethnographie.  Leyde,  in-4o. 

T,  XVII  (1905),  n^^  5  e^  6.  —  S.  W.  baron  van  Hôevell,  Het  Paard,  etc.  (Le  cheval 
dans  le  pays  de  Gorontalo,  Célèbes  septentrional.  Introduction  du  cheval,  vers  le 
xvie  siècle;  harnachement,  selle,  etc.;  1  pL).  —  0.  Sierich,  Samoauische  Mârchen 
[Les  légendes  des  Samoans  (suite  et  fin)  :  «  Aventure  guerrière  extraordinaire  »  ;  «  puni- 
tion d'une  mauvaise  femme  »,  etc.],  —  H.  Chevalier,  Les  charrues  des  Indes  Néer- 
landaises [mode  d'attelage  du  bufile  au  moyen  d'un  collier  à  fourche  emmanché  sur 
deux  brancards  est  tout-à-fait  particulier  aux  îles  de  la  Sonde  ;  la  charrue  d'Atjet 
a  un  type  particulier;  types  de  Java,  Sumatra,  Célèbes  et  Philippines  (d'après  les 
objets  et  modèles  des  musées  de  Leydes,  de  Hambourg  et  de  Paris);  2  pi.].  —  J.  D. 
E.  ScHMELTZ,  Beitràge,  etc.  (Co7i^n'6'u^io;25  à  l'etlmo graphie  de  la  Nouvelle-Guinée,  &  pi. 
Note  n°  10.  Les  tribus  de  la  région  du  fleuve  Merauke,  Nouvelle-Guinée  méridionale  : 
habitations,  vêtements,  canots,  armes,  etc.  ;  n°  11  :  deux  objets  du  bord  de  la  Guinée 
Néerlandaise:  arc  orné  de  gravures  et  statuette. Ff^. et  (î  pi.).  —  Noies  :  V.  d.  Hoevel, 
Statue  de  Ravaua  sur  un  Rahsasa  ailé  (probablement  de  Bali;  1  fig.). 

T.  XVIII  (1906).  No  i  el  2.  —  Levinstein  (D>-  Phil.  S.),  Die  Malereien  der  Busch- 
mânner  etc.  {Les  peintures  des  Boschimans  dans  l'Afrique  méridionale  ;  l  fig., '6  pi.  colov.). 
Monographie  détaillée  du  D^  0.  Moszkik,  qui  a  étudié  les  peintures  sur  place.  Com- 
mentaires de  M.  Levenstein.  Technique;  sujets;  but,  etc.).  —  J.  Alb.  R.  Schwakz, 
Ethnographica  uit  de  Minahassa  {Notes  ethnographiques  de  Miyiahassa;  fig.,  3  pi.  :  La 
pierre,  portant  des  gravures  appelée  Watu  Pinewetengan  ou  «  pierre  auprès  de 
laquelle  a  eu  lieu  le  partage  »  de  Minhassa  entre  les  différentes  tribus.  Danses. 
Costumes.  Tissage.  Objets  religieux).  —  G.  W.  W.  C.  van  Hoewell),  Der  Kris  von 
Sud-Celebes  {Le  criss  dans  le  sud  de  Célèbes;  fig.,  dont  la  poignée  représente  le  pénis 
du  chien  stylisé  et  dont  la  partie  supérieure  du  fourreau  est  plus  quadrangulaire 
que  dans  les  criss  de  Java  et  de  Bali;  fig.).  —  Bibliographie.  Nouvelles  (Musée  de 
Leipzig,  etc.). 

Izviestia,  etc.  {Bulletin  de  la  Soc,  des  Amis  des  se.  nat.  d'anthropol.  et  d'ethnogr.  de 

Moscou),  Moscou,  in-4o  (en  russe). 

T.  CIX  (formant  le  t.  XXIV,  des  «  Troudy  »  {Travaux  de  la  Section  anthropolo- 
gique), 1905.  Ce  volume  de  142 -|-n  p.,  av.  fig.  est  consacré  au  Mémoire  de  P.  L. 
Veinberg  :  Mozg  Poliakov,  etc.  [Le  cerceau  des  Polonais.  Étude  d'anatomie  des  races. 
Aperçu  sur  le  type  somatique  des  Polonais  d'après  les  travaux  de  Kopornicki, 
Olechnowicz,  Elkind,  etc.  Aperçu  sur  le  poids  du  cerveau  des  Polonais  d'après  les 
pesées  de  Biroulia-Bialynitski.  Exposé  des  recherches  personnelles  de  l'auteur  sur 
15  cerveaux  de  Polonais  et  10  cerveaux  de  Polonaises  morts  à  l'hôpital  de  Varsovie. 
Confirmation  du  poids  considérable  du  cerveau  polonais  (moy.  1366  chez  15  hommes 
après  maladie  ou  vieillesse).  Présence  très  fréquente  de  la  forme  simple,  non 
ramifiée  de  la  partie  postérieure  ou  pariétale  de  la  scissure  de  Sylvius;  développe- 
ment fréquent  des  anastomoses  de  l'extrémité  externe  (occipitale)  de  la  scissure 
occipilo-temporale  avec  l'interpariétale.  Description  individuelle  et  détaillée,  avec 
dessins,  de  chacun  dés  25  cerveaux.  —  Bibliographie]. 

T.  CXI  (formant   le   t.  XXV  des  «  Troudy  »,  etc.  {Travaux  de  la  Sec.  d'Anthropo- 
logie, 1905).  Ce  volume  de  278  colonnes  -f  1  p.  av.  fig.^  est  consacré  au  travail  de  Ia. 


"740  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

D.  Galaïh,  intitulé  :  Aatropologhitcheskiia  danuyia,  etc.  {Données  anthropologiques 
sur  les  Grands-Russiens  du  dislr.  de  Slarissa,  prov.  de  Tver  :  roeusuations  et 
observatious  nombreuses  sur  200  hommes,  100  femmes,  100  garçons  et  100  filles. 
Pigmentation  :  les  bruns  forment  11  0/0  parmi  les  garçons  et  52  parmi  les  hommes 
adultes;  la  proportion  des  yeux  foncés  reste  presque  la  même  chez  les  j,'arçons 
(28  0/0)  et  chez  les  adultes  (25).  Taille  moyenne  des  hommes  :  1660  mm.,  des  femmes  : 
1539  mm.  Ind.  ccph.  moy.  :  83  pour  les  hommes,  83,3  pour  les  femmes;  il  varie 
de  82,8  à  83,7  chez  les  enfants,  suivant  le  sexe  et  la  pigmentation.  Dans  les  deux 
sexes  les  grands  bruns  ont  l'ind.  céph.  plus  élevé  que  les  petits  blonds.  Tableaux 
des  mesures  individuelles]. 

b)  Travaux  anthropologiques  publiés  dans  différents  recueils. 
Bulletin  de  géographie  historique  et  descriptive,  1905,  n°  2,  Paris,  8». 

P.  267.  Flamand  et  de  Laquièue,  Nouvelles  recherches  sur  le  préhistorique  dans  le 
Sahara.  (Description  d'une  collection.  Formes  d'ornements  néolithiques  beaucoup 
plus  fines  dans  le  sud  que  dans  le  nord.)  —  P.  275.  Flamand,  Notes  sur  quelques 
stations  nouvelles  ou  peu  connues  de  pierres  écrites  du  Sahara  (archipel  Touatien, 
Tadmait,  Mouydir  et  région  de  la  Saoura;  13  pi.)  :  inscriptions  et  pictographies. 

Annales  du  Musée  Guimet. 

Bibliothèque  d'études,  t.  XII,  Paris,  1906,  in-8°.  Ce  volume  de  304  p.,  av.  pi.  et  fîg. 
est  consacré  au  travail  de  L.  de  Milloué,  Bod-youlou  Tibet  (Le  paradis  des  moines). 
Le  pays.  Le  peuple,  éducation,  métiers,  histoire.  La  religion  :  Bon  ou  religion, 
primitive.  Bouddhisme.  Panthéon  bouddhiste.  Le  Clergé.  Le  Culte,  les  Monuments. 
Bibliographie.  La  plupart  des  planches  proviennent  de  l'album  Tsibikof-Nargounot). 
—  Bibliothèque  de  vulgarisation,  t.  XIX.  Paris,  1906,  iu-16°.  —  Conférences  faites  au 
Musée  Guimet  :  Sylvain  Lévi.  Les  Jàtakas;  étapes  du  Bouddha  sur  la  voie  des  trans- 
migrations. —  R.  Cagnat,  Les  vestales  et  leur  couvent  sur  le  forum  romain.  — 
Salomon  ReinauCh,  Actéon  (restitution  du  mythe  d'après  les  monuments  et  les  écrits 
de  l'antiquité;  fig.).  —  V.  Lobet,  L'Egypte  au  temps  du  totémisme  (Enseignes  des 
clans.  Armoiries;  fig.  Bibliographie^.  —  E.  Pottier,  La  collection  Louis  de  Clercq. 
Documents  sur  l'histoire  des  religions  dans  l'Orient  antique. 

Globus,  t.  XC,  1906. 

A'°  1.  — Koch-Grûnberg  (D»"  Th.),  Kreuz  undquer  durchNordwestbrasilien  (-E'a;cMr- 
sions  à  travers  le  nord-ouest  du  Brésil  [suite  ;y^^.  :  types  de  Toukano;  gravures 
rupestres  stylisées.  Carte  ethnographique  de  la  région  entre  les  hauts  Rio  Yapura 
au  S.,  Rio  Negro  à  l'E.  ;  les  Makou  au  S.-E.;  les  Arovak  (Konati,  Koroutona,  etc.) 
au  N.-E.;  les  Betoyo  (Toukano,  Bara,  Tokouna,  etc  )  au  Centre;  les  Karaïbes, 
(Oumaona,  Corigona,  etc.]  au  S.-O.].  —  Kr/emer  (Dr),  Anthropologische  Notizen  etc. 
Notes  anthropologiques  sur  la  population  de  Sierra- Leone;  fig.  mesures  de  4 Mandés 
2Timné,  6  Lokkoh,  2  FouUah,  2  Mandingues  et  2  Krous.  Tatouages). 

N^  2.  —  MAURi!:R(Dr  F.),lsraelitisches  Asylrecht  {Droit d'asile  israélite,da.us,  les  temps 
anciens).  —  Martin  (D^  R.),  Zur  Frage  des  anthropometrischen  etc.  {A  propos  des 
principes  et  des  méthodes  anthi'opomé triques.  Réponse  aux  critiques  de  M.  Weis- 
senberg). 

N°  3.  —  LoHMANN,  Durch  Sophene  und  Kataonien  {A  travers  le  Sophène  et  la 
Cataonie,  bassin  du  haut  Euphrate;  carte  et  fig.  :  les  tamaga  des  Tcherkess,  ins- 
criptions, etc. 


BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE.  741 

No  4.  —  LoHMANN,  Durch  Sophene  und  Kataonieo  [A  travers  le  Sophène  et  la 
Cataonie)  (suite).  Ruines  de  l'époque  grecque  et  romaine  ;  fig.].  —  Lohmann  (N.),  Die 
Mexikanische  GriJnsteinBgur  etc.  La  figure  mexicaine  en  piéride  verte,  dont  la 
composition  minéralogique  n'a  pas  été  déterminée,  du  musée  Guimet  à  Paris  ;  fig. 
Probablement  le  Tezcatlipoca,  dieu  des  ténèbres,  seulement  avec  l'image  d'un 
oiseau  dans  le  dos). —  W.  v.  Bulov,  Die  Bemuhuugen  um  die  Fesststellung  etc.  (Les 
essais  de  la  détermination  du  pays  d'origine  des  Polynésiens.  Esquisse  bistorico-lin- 
guistique  surtout  d'après  les  travaux  de  Percy  Smith). 

iVo  4.  —  Preuss  (K.  Th.),  Der  Mitotetauz  der  Coraindianer  {La  danse  propitiatoire 
Mitoté  des  Indiens  Cora,  Mexique;  fig.  Autel,  danse,  instruments  de  musique,  chan- 
sons qui  se  rapportent  à  cette  cérémonie).  —  Buchner  (Max),  Der  Bogenschiessen 
(Le  tira  l'arc;  fig.  Manière  de  bander  l'arc  chez  les  Anglais,  chez  les  Chinois,  chez  les 
Grecs  de  l'antiquité,  etc:). 

No  6.  —  Buchner  (Max.)  Der  Bogenschiessen  [Le  tir  à  Varc  (fin);  fig.  Arc  japonais 
asymétrique,  manière  de  décocher  la  flèche,  etc.). 

A^°  7.  —  KocH-GRiiisBEHG  (Th.),  Kreuz  imd  quer  durch  Nordwestbrasilieo  {Excursions  à 
travers  le  Nord-ouest  du  Brésil  :  les  Tounoutis;  les  sparteries  des  Arovaques,  etc.). 

—  D"*  H.  TEN  Kate,  Aus  dem  japanischeu,  etc.  {Croyances  populaires  des  Japonais. 
Introduction.  1.  Magie,  prédictions,  rêves). 

N°  8.  —  KocH-GRiJiNBiiRG  (Th.),  Kreuz  u.  quer  durch  Nordwestbrasilien  {Excursions 
à  travers  le  Nord-ouest  du  Brésil;  fig.  Maisons  communes  (malora)  chez  certains 
Indiens  Tapouya.  —  Hinrichchsen.  Die  Landverteilung  auf  den  Halligen  {Les  divi- 
sions des  terres  dans  l'île  de  Halligen.  Description  du  système  de  propriété  foncière. 

—  H.  TEN  Kate,  Aus  den  japauischen  etc.  [Croyances  populaires  des  Japonais  (fin). 
2.  Astrologie  et  choses  similaires.  3.  Mythologie  et  service  divin.  4.  Médecine  popu- 
laire et  l'art  de  la  beauté  artificielle).  —  Forschungen  uber  die  Hyksos  {Recherches 
sur  les  Hyksos  d'après  l'article  de  Fiinders  Pétrie  dans  Man. 

N»  9.  —  F.  Maurer  (DO,  Das  Tabu  im  Alten  Testament  {Le  Tabou  dans  r Ancien 
Testament).  —  Tetzner  (D'  F.),  Zur  Volkskunde,  etc.  {Contribution  à  Vélude  du  Folk- 
lore des  Bulgares  en  Hoiigrie  ;  fig.). 

iV»  10.  —  H.  Muller-Braukl,  Die  Besiedelung  der  Gegend,  etc.  {L'occupation  de  la 
contrée  entre  l'Elbe  et  la  Weser  à  l'époque  préhistorique.  Étude  descriptive  ;  fig.).  — 
Prowe,  Das  Wissen  der  Quiché-Indianer,  etc.  {La  science  des  Indiens-Quiché  de 
Guatemala.,  sous  sa  forme  mythique,  d'après  «  Popol  Vuh  »  et  autres  livres  indigènes). 

Journal  of  the  North-China  Branch  of  the  R.  Asiatic  Society,  t.  37,  Changbai, 

1906. 

P.  1.  W.  A.  P.  Martin,  The  jewish  monument,  etc.  {Le  monument  juif  ou  stèle 
relatant  les  événements  de  la  communauté  juive  de  Kaï-foung-fou.  État  délabré  du 
monument,  traduction  des  inscriptions).  —  P.  21.  W.  Kingsmill,  Ancient  Tibet,  etc. 
{Le  Tibet  ancien  et  ses  frontières.  Étude  historico-linguistique  d'après  les  anciens 
écrits  chinois).  —  P.  83.  E.  Alaraster,  Notes  ou  chinese  law,  etc.  {Notes  sur  la  loi 
chinoise  et  sur  la  procédure  pour  obtenir  la  révision  d'une  affaircYÀnàQ  détaillée  des 
six  parties  composant  le  code  {lu)  et  des  «  lois  supplémentaires  {li),  etc.).—  P.  150. 
Isaac  Taylor  Hkadland,  Chinese  children's  Games  {Les  jeux  des  enfants  chinois;  des- 
cription méthodique  et  détaillée  d'après  de  nombreuses  observations). 

Annual  Report...  of  the  Smithsonian  Institution,  for  the  year,  1904.  Washington, 

1905,  in-8o. 

P.  389.  IIuGO  DE  Vries,  The  Evidence  of  Evolution  (Le  témoignage  de  l'évolution. 
Conférence  lue  à  l'Université  de  Chicago  en  1904.  Court  exposé  de  ses  travaux  sur 


742  BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE. 

la  mutation  des  espècesj.  —  P.  397.  O.  F.  Gook,  The  evolutionary  significance  of 
species  (Sif/ziificalion  évolulionnelle  des  espèces).  —  .1.  Cossak  Ewart,  The  multiple 
orijçme,  etc.  {L'origine  muUiple  des  chevaux  et  poneys.  Réimprimé  de  «  Nature  »  du 
21  avril  190i.  A  l'époque  quateruaire,  il  existait  plusieurs  espèces  de  chevaux. 
Aujourd'hui,  il  y  a  au  moin^  3  espèces  :  Equus  Prjevalskii,  le  poney  [E.  cahallus 
cellicus)  et  le  cheval  nordique  {E.  c.  lypicus),  sans  compter  certains  Equidés  de 
l'Asie  et  de  l'Afrique.  3  pi.  et  fig.).  —  P.  457.  E.  Pkisse  d'Avennes,  Egyptiau,  etc. 
{Les  chevaux  égyptiens  et  assyriens.  Traduit  du  '<  Cosmos  ",  2  avril  1904).  —P.  5i7. 
A.  Dastrk,  The  stature  of  Man  {La  taille  chez  Vhomme,  trad.  d'un  article  publié  dans 
la  «  Revue  des  Deux  Mondes  »  du  1er  sept.  1904).  —  P.  551.  \V.  Il  Holmes,  Contribu- 
tions, etc.  {Contributions  de  V archéologie  américaine  à  Vliistuire  de  Vhumanilé.  Note 
lue  au  Congrès  des  Américanistes  à  Stuttgart  en  août  1904).  —  Harriet  A.  Boyd, 
Excavations,  etc.  {Fouilles  à  Gournia,  Crète,  faites  aux  frais  de  l'American  Explo- 
ration Society  ;  fig.  et  pL).  —  E.  von  Rosen,  Archeological  researches,  etc.  {Recherches 
archéologiques  dans  la  région  frontière  entre  VArgentine  et  la  Bolivie  en  1901-2,  avec 
lexpéditiou  E.  Nordeuskiold.  Les  habitants  dont  l'auteur  a  trouvé  les  restes  à  Ojo 
de  Agna  et  à  Casabindo,  tout  en  différant  de  ceux  de  la  vallée  de  Tarija  en  ce  qu'ils 
enterraient  leurs  enfants  dans  des  urnes  et  leur  déformaient  la  tête,  sont  probable- 
ment les  ancêtres  des  Indiens  Pouna  qui  occupent  actuellement  la  région;  4  pL).  — 
Edg.  L.  IIewett,  a  gênerai  view,  etc.  [Coup  d'œil  général  sur  ^archéologie  de  la 
région  des  Puehlo,  comprenant  l'Arizona,  le  Nouveau-Mexique,  le  sud-ouest  du 
Colorado  et  le  sud-est  de  Utah,  ainsi  que  les  provinces  de  Sonora  et  de  Chihuahua 
du  Mexique.  Distribution  géographique.  État  de  conservation.  Mesures  à  prendre 
pour  empêcher  leur  détérioration  ;  plus,  planches).  —  A.  IIhdlicka,  The  painting, 
etc.  Peintures  sur  les  ossements  humains  chez  les  Indiens.  Aperçu  sur  cet  usage 
répandu  dans  d'autres  pays  :  Océanie,  Europe,  surtout  Tyrol,  etc.  La  plupart  des 
ossements  indiens  sont  coloriés,  accidentellemeni  ou  intentionnellement  en  rouge 
(ocre)  ou  en  vert  (cuivre);  les  ossements  peints  à  la  main  ou  portant  des  dessins 
sont  rares.  L'usage  est  peut-être  le  prolongement  post  mortem  de  la  coutume  de 
peindre  le  corps,  car  dans  certaines  ^ribus  on  peint  encore  le  cadavre.  Peut-être 
ainsi  est-ce  un  moyen  de  préserver  les  os,  comme  étant  le  récipient  de  l'àme  ou 
encore  une  façon  de  témoigner  le  deuil  ;  pi.  planches  coloynées).  —  F.  Krause,  Sling 
contrivances,  etc.  {Combinaisons  pour  le  lancement  à  l'aide  des  armes  à  propulsion. 
Résumé  du  mémoire  paru  in  :  «  Internat.  Arch.  f.  Ethnogr.  »,  t.  XV,  1902).  —  P.  639. 
A.  Maire,  Materials  used  to  write,  etc.  {Matériaux  ayant  servi  à  Vécinture  avant 
l'invention  de  l'imprimerie  :  bois,  pierre,  métaux,  peaux,  os,  papyrus,  papier,  etc. 
Fig.  et  pi.).  —  P.  659.  W.  W.  Rockhill,  An  inquiry,  etc.  {Recherches  sur  la  popula- 
tion de  la  Chine,  historique.  Données  des  recensements  de  1761  à  1885.  Discussion 
des  chiffres.  Population  probable  actuelle  de  la  Chine  proprement  dite  :  275  millions). 
—  Steph.  w.  Buschell,  Chinese  architecture  {L'architecture  chiiioise,  nombr.  pi.  et 

fig-)- 

J.  Deniker. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU  TOME  DIX-SEPTIÈME  DE  L'ANTHROPOLOGIE 


MÉMOIRES  ORIGINAUX 

Pages, 

BoDLE  (Marcellin).  —  Les  grottes  de  Grimaldi.  Résumé  et  conclusions 

des  études  géologiques ?.57 

Garrette-Bouyet  (Pierre).  —  Divisions  des  Somalis  Issas 877 

—  et  Neuville  (Henri).  —  Les  pierres  gravées 

de  Siaro  et  de  Daga  Beid  (Somal)    .     .     .        383 

Chevrter  (A.).  —  Note  relative  aux  coutumes  des  adeptes  de  la  société 

secrète  des  Scymos,  indigènes  fétichistes  du  littoral  de  la  Guinée.        869 

Cotte  (C.  et  J.).  —  Recherches  sur  quelques  blés  anciens 5i3 

Déchelette  (Jules).  —  Les  sépultures  de  l'âge  du  bronze  en  France.     .         32o 

Decorse  (D"").  —  Recherches  archéologiques  dans  le  Soudan  ....        66t) 

Desplagnes  (Lieutenant) ,  —  Notes  sur  les  origines  des  populations  nigé- 
riennes         525 

Hamy  (E.  T.) .  —  Les  premiers  Gaulois i 

Mayet  (Lucien).  —  La  question  de  l'Homme  tertiaire.  Note  sur  les  allu- 
vions  à  Hipparion  gracile  de  la  région  d'Aurillac  et  les  gisements 
d'éolithes  du  Cantal  (Puy  de  Boudieu,  PuyCourny). 64» 

Neuville  (Henri).  —  Voy.  Garrette- Bouvet  (Pierre). 

Obermaier  (Hugues).  —  Les  restes  humains  quaternaires  dans  TEurope 

centrale 55 

Papilalult  (D'  G.).  —  Entente  internationale  pour  l'unification  des  me- 
sures craniométriques  et  céphalométriques .        559 

PiETTE  (Edouard).  —  Le  chevètre  et  la  semi-domestication  des  animaux 

aux  temps  pléistocènes 27 

PiTTARD  (Eugène).  —  Deux  nouveaux  crânes  humains  de  cités  lacustres 

(âge  de  la  pierre  polie  et  âge  du  bronze)  en  Suisse 547 

Reinach  (Salomon).  —  L'épée  de  Brennus 343 

Rivet  (D').  —  Le  christianisme  et  les  Indiens   de   la  République   de 

l'Equateur 81 

Verneau  (D^'R.).  —  Les  grottes  de  Grimaldi.  Résumé  et  conclusions  des 

études  anthropologiques 291 


LISTE  DES  FIGURES,  CARTES  ET  PLANCHES 


FIGURES 

Pages. 

I.  Crâne  du  tumulus  de  Magny-Lambert,  vu  d'en  haut .     ...  i4 

1.  Crâne  du  tumulus  de  Ma^^ny-Lambert,  vu  de  profil    ....  i5 

3,4.  Tête  d'équidé  enchevêtrée.  Saint-Michel  d'Arudy 29 

5,6.  Tête  d'équidé  enchevêtrée.  Rrassempouy 3r 

7,8.  Tête  déquidé enchevêtrée.  Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes.  Sa 

9.  Têtes  d'équidés  enchevêtrées,  Mas  d'Azil 33 

io-i3.  Têtes  d'équidés  enchevêtrées.  Mas  d'Azil 34 

14-16.  Tête  d'animal  enchevêtrée.  Mas  d'Azil 35 

17,18.  Partie  antérieure  d'une  tête  d'équidé  enchevêtrée.  Laugerie- 

Basse.     . 36 

19,20,  Tête  d'équidé  enchevêtrée,  Mas  d'Azil 37 

21,22.  Tête  de  cheval  enchevêtrée.  Mas  d'Azil 38 

23.   Pièce  rigide  de  chevêtre.  Caverne  du  Placard  ......  39 

24,25.  Tête  d'équidé  enchevêtrée.  Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes.  40 

26,27.  Tète  d'équidé  enchevêtrée.  Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes.  4i 

28.  Tête  d'équidé  écorchée  et  enchevêtrée.  Mas  d'Azil 43 

29.  Tète  d'équidé  enchevêtrée,  sculptée.   Abri  de  Raymonden  à 

Chancelade 43 

30.  Os  utilisé  pour  faire  des  représentations  de  tête  d'équidé  en- 

chevêtrée       44 

3 1,32.  Os  destinés  à  recevoir  la  gravure  d'une  tète  d'équidé  enchevê- 
trée     45 

33 .  Os  destiné  à  recevoir  une  gravure  de  tête  d'équidé  enchevêtrée.  46 

34-37.  Têtes  d'équidé  enchevêtrées 47 

38,39.  Tête  d'équidé  enchevêtrée. 48 

40-43.  Têtes  d'équidé  enchevêtrées 49 

44,45,  Tête  d'équidé  enchevêtrée 5o 

46-49.  Têtes  d'équidé  enchevêtrées 5i 

5o.  Asiné  enchevêtré  ?  Caverne  des  Espélugues  à  Lourdes  ...  5i 
5i,52.  Bois  de  renne  ornementé,  rapporté  par  M.  Pigorini  à  une  pièce 

rigide  de  chevêtre 52 

53.  Indiens  danseurs  de  la  Fête-Dieu  à  Latacuaga  (Equateur)  .     .  90 

54.  Indiens  «  danzantes  «  de  la  province  de  l'Azuay  (Equateur)  '.  91 

55.  Un  «  turbante  »  à  une  procession,  en  Equateur 96 

56.  «  Aima  Santa  »  à  une  procession,  en  Equateur     .....  97 

57.  Un  «  Saint  Homme»  à  une  procession,  en  Equateur.     ...  98 

58.  Chanteur  à  une  procession,  en  Equateur 98 

59.  Chef  des  soldats  romains  à  une  procession,  en  Equateur   .     .  99 

60.  Commissaire  à  une  procession,  en  Equateur 99 


LISTE  DES  FIGURES,  CARTES  ET  PLANCHES.  745 

Pages. 

6r.  Vase  en  or  incasique loo 

62.  Pointe  à  cran  typique  des  couches  inférieures  de  la  caverne 

d'Altamira  (Espagne) 143 

63.  Gravure  sur  os  plat  des  couches  supérieures  de  la  caverne 

d'Altamira  (Espagne) : i44 

64.  Figures  peintes  en  rouge  de  la  caverne  de  Castello  (Espagne).  i45 

65.  Harpons  barbelés  des  couches  paléolithiques  supérieures  de 

Castello  (Espagne) i46 

66.  Portrait  d'Edouard  Piette  en  1886 214 

67.  Portrait  d'Edouard  Piette  en  1901 2i5 

68.  Coupe  longitudinale  de  la  Grotte  du  Prince,  à  Grimaldi  .     .     .  'iSg 

69.  Coupes  longitudinale  et  transversale  de  la  Grotte  des  Enfants, 

à  Grimaldi 267 

70.  Profil  des  Alpes  et  de  la  Méditerranée  passant  par  les  Baoussé- 

Roussé 271 

71.  Graphique  des  périodes  glaciaires  et  interglaciaires  ....  286 

72.  Graphique  des  changements  des  lignes  de  rivages  de  ,1a  Médi- 

terranée pendant  les  dernières  époques  géologiques  .     .     .  286 

73.  Bassin  du  grand  sujet  masculin  de  la  Grotte  des  Enfants,  vu 

de  face 298 

74.  Bassin  du  grand  sujet  masculin  de  la  Grottes  des  Enfants,  vu 

d'en  haut    .     • 299 

75.  Crâne  de  la  vieille  femme  ^négroïde  de  la  Grotte  des  Enfants, 

vu  de  face 3o4 

76.  Crâne  de  la  vieille  femme  négroïde  de  la  Grotte  des  Enfants,  vu 

de  profil.     . 3o5 

77.  Crâne  du  jeune  Négroïde  de  la  Grotte  des  Enfants,  vu  de  face.  3o6 

78.  Crâne  du  jeune  Négroïde  de  la  Grotte  des  Enfants,  vu  de  profil.  307 

79.  Crâne  d'une  femme  moderne  de  Bologne  (Italie)  à  type  négroïde.  3i2 

80.  Crâne  d'une  femme  moderne  de  Bologne  (Italie)  à  type  négroïde.  3i3 

8r-83.  Sépultures  de  l'âge  du  bronze.  Finistère 323 

84-93.  Poteries  de  l'âge  du  bronze  I  et  II 325 

94-97.  Objets  de  la  sépulture  de  Singleyrac  (Dordogne) 327 

98-102.  Sépulture  de  l'âge  du  bronze,  à  Courtavant  (Aube)     ....  329 

103-107.  Objets  de  la  sépulture  tumulaire  de  Staadorf  (Haut-Palatinat)  .  33i 
108-110,  Objets  de  la  sépulture  tumulaire  de  la  Combe-Bernard  (Côte- 

d'Or) •     .     .     .     .  332 

1 1  i-i  i3.  Objets  en  bronze  d'une  sépulture  tumulaire  du  Jura  de  Souabe.  333 

114-118.   Poteries  des  tumulus  de  l'Alsace.  Age  du  bronze  Il-III  .     .     .  337 

119-127.   Poteries  ornées  de  cannelures.  Age  du  bronze  IV 338 

128-132.  Poteries  mamelonnées.  Age  du  bronze  IV 339 

i33-i45.  Poteries  à  sillons  horizontaux  et  vases  unis.  Age  du  bronze  IV.  340 

147.  Tambour  taillé  dans  un  seul  bloc  de  bois  de  fromager,  d'un 

grand  dignitaire  de  la  Société  secrète  des  Scymos  (Guinée).  362 

i48.  Pierre  gravée  de  Siaro  (Somal) 385 

149,  i5o.  Faces  Nord  et  Sud  des  pierres  gravées  de  Daga-Beid  (Somal).  386 

i5i.  Chameau  gravé  sur  une  pierre  de  Daga-Beid  (Somal).     .     .     .  387 

i52.  Girafe  gravée  sur  une  des  Pierres  des  Serpents  (Somal) .     .     .  387 


746  LISTE  DES  FIGURES,  CARTES  ET  PLANCHES. 

Pages. 

i53-i54.  Signes  gravés  sur  des  pierres,  au  Somal 388 

155-156.  Signes  gravés    sur   la  Pierre  de  Siaro  et  sur  les  Pierres  des 

Serpents  (Somal) 389 

157.  Signes  gravés  sur  la  face  sud  des  Pierres  des  Serpents  (Somal).  390 
i58.  Tableau  des  divisions  généalogiques  principales  des  Somalis 

Issas 391 

iSq.  Coupe  du  rempart  de  la  Steinburg 394 

160.  Coupe  schématique  d'un  mur  triplé 394 

161.  Grains  de  blé  de  stations  préhistoriques 5i5 

162.  Grains  de  blé  de  stations  préhistoriques 5 16 

i63.  Grains  de  blé  de  stations  préhistoriques 5i7 

164.   Grains  de  blé  de  l'abri  préhistorique  de  la  Font-des  Pigeons  .  52o 

i()5.  Grains  de  blé  de  l'abri  préhistorique  de  la  Font-des-Pigeons  .  52i 

166.  Grains  de  blé  de  stations  préhistoriques 622 

167.  Grains  de  blé  de  stations  préhistoriques 5^3 

168.  Grains  de  blé  de  stations  préhistoriques .624 

169,170.  Face  et  profil  d'un  crâne  de  la  station  lacustre  de  Concise, 

dans  le  lac  de  Neuchâlel  (âge  de  bronze) 548 

171.  Mesure  de  la  hauteur  auriculo-bregmatique  sur  le  crâne   .     .  563 

172.  Mesure  du  diamètre  bimastoïdien  maximum  sur  le  crâne  .  564 

173.  Mesure  de  la  hauteur  du  nez 565 

174.  Mesure  de  la  longueur  de  la  voûte  palatine 566 

175.  Mesure  delà  longueur  de  la  branche  montante  de  la  mandibule.  568 

176.  Mesure  de  la  largeur  de  la  branche  montante  de  la  mandibule.  569 

177.  Mesure  de  la  saillie  de  la  base  du  nez  sur  le  vivant ....  570 

178.  Mesure  de  la  largeur  bipalpébrale  sur  le  vivant 671 

179.  Mesure  de  la  longueur  maxima  de  l'oreille  sur  le  vivant    .     .  572 

180.  Le  puy  de  Boudieu  (Cantal),  vu  de  Caillac 646 

181.  Coupe  du  puy  de  Boudieu 646 

182-184 .  Trois  coupes  du  puy  de  Boudieu,  intéressant  les  sables  pontiens 

à  éolithes 647 

i85.   Plaque  de  silex  avec  éclats  détachés  sur  toutes  ses  faces  laté- 
rales.  Puy  de  Boudieu 65o 

186.  Face  latérale  d'une  «  enclume  »  ou  d'un  «  nucléus  »   très 

spécial  en  silex  noir.  Puy  de  Boudieu 65i 

187,  188.  Grattoir  avec  encoche  en  silex  noir.  Puy  de  Boudieu     ...  65i 

189.  Silex  noir.  Puy  de  Boudieu 65 1 

190,191.  Objets  en  silex.  Puy  de  Boudieu 652 

192-198.   Pointes  et  éclats  de  silex.  Puy  de  Boudieu .  653 

199.  Outil  en  silex  pour  fendre  ou  creuser.  Puy  de  Boudieu  .     .     .  654 

200.  Coupe  du  puy  Courny  (Cantal) 656 

201.  Coupe  delà  fouille  faite  par  le  D""  L.  Mayet  au  Puy  Courny  .  658 
9.02.  Molaire  d'Hipparion  gracile.  Puy  Courny 659 

203,204.  Molaires  d'Hipparion  gracile.  Puy  Courny 660 

205.  Molaire  de  Tragocerus  almaltheus.  Puy  Courny 660 

206.  Outil  en  silex  noir.  Puy  Courny. 661 

207-209.  Racloir-pointe  en  silex  noir.  Puy  Courny 662 

2io-2i3.  Outils  en  silex.  Puy  Courny •  663 


LISTE  DES  FIGURES,  CARTES  ET  PLANCHES.  747 

Pages. 

2i4,2i5.  Outils  en  silex.  Puy  Courny 664 

216,217.  Grattoirs  en  silex.  Puy  Courny 665 

218,219.  Outils  en  silex.  Puy  Courny 666 

220.  Aspect  d'un  coin  dun  monument  de  Tondidaro  (Soudan)  .     .  673 

221.  Pierres  taillées  d'un  monument  de  Tondidaro  (Soudan)  .     .     .  674 


CARTES 

Carte  de  l'Europe  centrale  avec  l'indication  des  localités  où  ont  été 

trouvés  des  restes  humains  sûrement  quaternaires    ...  5Q 

Carte  de  la  région  du  Puy  de  Boudieu  (Cantal) 645 

Carte  de  la  région  du  Puy  Courny  et  de  Belbès  (Cantal) 655 

Carte   indiquant   la  répartition   des  gisements  préhistoriques  dans   le 

Soudan 670 


PLANCHES    HORS  TEXTE 

I.  —  Processions  des  Indiens  chrétiens  de  l'Equateur. 
II.  —  Monuments  anciens  et  modernes  du  Soudan. 
ni.  —  Autel  à  sacrifices,  dessins  rupestres  et  types  ethniques  du  Soudan 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE 


(f) 


Abri  sous  roche  à\i  Cap  Roux,  114.  —  du  Mamaaouth,  à  Métreville  (Eure),  127.  — 
fouilles  d'un  —  à  Bougie,  598. 

Abydos,  crânes  d' — ,  698. 

Aciiondroplasie  chez  un  fœtus,  719. 

Adachi  (Buntaro).  Le  cartilage  du  repli  semilunaire  de  la  conjonctive  des  Japonais,  700. 

Afrique,  les  industries  de  la  pierre  en  — ,  131;  inscriptions  rupestres  du  nord  de 
r  — ,  137  ;  troglodytes  modernes  du  nord  de  1'  —,  138  ;  caractères  physiques  des 
Juifs  de  r  —  du  Nord,  178  ;  l'âge  de  la  pierre  dans  le  sud  de  1'  — ,  418  ;  les  ruines 
de  r  —  australe,  431  ;  superstition,  magie  et  sorcellerie  en  —,  607. 

Age  du  bronze^  Voy.  Bronze. 

Age  du  cuiure,  Voy.  Cuivre. 

Age  du  fer,  Voy.  Fer. 

Age  de  la  pierre^  Voy,  Pierre. 

Age  glyptique^  représentations  des  chevêtres  à  1'—,  27. 

Age  du  renne,  station  de  1'  —  près  de  Fribourg  en  Brisgau,  153  ;  une  grotte  du  vieil 
—  à  Saint-Pierre  de  Maillé  (Vienne),  410;  la  dégénérescence  des  figures  d'animaux 
en  motifs  ornementaux  à  V  — ,  411. 

Agriculture,  Y  —  en  Guinée,  368. 

Akkhas,  ethnographie  des  —  du  Yunnan,  452. 

Albert  I^r  (Prince).  Discours  d'ouverture  du  Congrès  international  d'Anthropologie 
et  d'Archéologie  préhistoriques  de  Monaco,  104. 

Allée  couverte  de  Bois-rAbbé,  en  Lorraine,  422. 

Allemagne,  les  restes  humains  quaternaires  de  1'  — ,  55. 

Alfourous,  ethnographie  des  —  de  Célèbes,  488. 

Algérie,  station  quaternaire  en  — ,  124;  lepréhistoriquedela  province  d'Oran, — ,  165. 

Alpes-Maritimes,  une  plateforme  néolithique  dans  les  —,  114. 

Alsace,  âge  des  restes  humains  préhistoriques  découverts  en — ,  66, 

Amérique,  les  industries  de  la  pierre  en  — ,  131;  art,  mythes  et  légendes  des  Indiens 
de  r—  du  Nord,  182,  183,  185,  186;  langue  hupa  de  I'  —  du  Nord,  188;  dates 
fournies  par  les  monuments  ruinés  de  1'  —  centrale,  189  ;  crânes  de  1'  —  du  Sud, 
189;  ethnographie  des  Indiens  de  P  —  du  Sud,  191;  contribution  à  l'anthro- 
pologie de  1'  —,  470;  les  jeux  des  Zuùis  de  1' — ,  470;  les  traditions  des  Indiens 
Hopis  d'  — ,  472;  coutumes  des  Indiens  d'  —,  475-488. 

Andernach,  âge  du  gisement  d' — ,  58. 

Animaux,  origine  des  —  domestiques  en  Europe,  420. 

Annales  de  Glaciologie,  231. 

Annam,  les  cultes  en  —,  463. 

Anthropoides,  comparaison  anatomique  entre  les  —  et  les  races  humaines  fossiles, 
315,  316,  317;  un  —  inventeur,  734. 

Anthropologie,  V—  en  Amérique,  232;!' —  à  l'Université  de  Californie  et  le  crâne  de 
Galaveras,  233. 

(1)  Les  noms  d'auteurs  sont  en  petites  capitales;  ceux  de  peuples  et  les  noms  géo- 
graphiques, en  égyptiennes;  les  sujets  traités,  en  italiques. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  "749 

Arapahos,  traditions  des  Indiens  — ,  183. 

Arbois  de  JuBAiNviLLK  (d').  Le  culte  des  menhirs  dans  le  monde  celtique,  688. 

Archéologie  du  Pérou  et  de  la  Bolivie,  484;  1'—  à  l'Université  de  Peosylvanie,  621  ; 
r—  du  Soudan,  669  ;  1'—  du  Niger,  691. 

Argentine  (République),  contes  des  Indiens  de  la  —,  610. 

Ah.naud  d'Agnel  (abbé),  Voy.  Capitan. 

Arnon  (V.)  Pointes  de  flèches  et  de  lances  en  pierre  du  Sahara,  132. 

Aroutinov  (A.).  Les  Oudi,  176. 

Art,  documents  nouveaux  sur  1' —  des  cavernes,  124;  1'—  des  cavernes,  140;  —  de 
la  décoration  chez  les  Indiens  Huichols,  182;  1'—  à  l'âge  du  Renne,  411  ;  l'—  à  ses 
débuts,  l'Enfant,  les  Primitifs.  412. 

Arudy,  tête  d'équidé  enchevêtrée  d'— ,  28. 

Aryen,  1'—  et  l'Anthroposociologie,  698. 

Asie,  les  industries  de  la  pierre  en  — ,  131. 

Atelier  de  taille  paléolithique  aucien  à  Saint-Acheul,  403. 

Atgier  (D').  La  Vienne  aux  temps  préhistoriques,  406. 

Australie,  empreintes  fossiles  problématiques  de  pas  humains  en  —,  399. 

Australien,  le  type  —  et  sa  répartition,  "706. 

Aymara,  mœurs  des  — ,  484. 

Bab  (H.).  Vie  sexuelle,  naissance  et  monstruosité  dans  la  mythologie  asiatique,  704. 

Bade,  âge  des  restes  humains  des  stations  préhistoriques  du  duché  de  — ,  63. 

Baessler.  Légendes  tahitieunes,  611.  La  pêche  à  Tahiti,  611. 

Bagas,  organisation  sociale  des  —,  367;  genre  de  vie  des  —,  369;  mœurs  des  — , 
370. 

Banda,  les  —  du  Haut-Oubanghi,  606. 

Baoussé-Roussé,  la  question  des  grottes  des  —  devant  le  Congrès  de  Monaco,  107; 
excursion  aux  —,  107;  les  grottes  des  —,  237,  291;  formations  marines  aux  —, 
269  ;  les  sépultures  des—,  291;  les  squelettes  humains  des  —,  295  ;  le  type  de 
Cro-Magnon  aux  —,  297;  les  problèmes  des  —devant  le  Congrès  de  Monaco,  407. 

Bardon  (L.),  Voy.  Bouyssonie. 

Bassin,  le  —  dans  la  race  de  Cro-Magnon,  299  ;  le  — ,  chez  les  Négroïdes  de  Gri- 
maldi,  304. 

Bateaux,  la  construction  des  —  dans  les  îles  Marshall,  206. 

Bavière,  âge  des  gisements  préhistoriques  de  la  — ,  58. 

Baye  (J.  de).  Les  sépultures  à  ossements  colorés  en  rouge  dans  le  pourtour  de  la 
Méditerranée,  111. 

Beaune,  tumulus  des  environs  de  — ,  3. 

Bbaupré  (Comte  J.).  La  station  funéraire  du  Bois-l'Abbé,  421. 

Bêla  Révesz.  Influence  de  Tàge  de  la  mère  sur  la  taille  de  l'enfant,  718. 

Belgique,  l'âge  du  bronze  en  —,  133. 

Bémahd.  Découverte  et  fouilles  d'un  dolmen  à  Champignolles,  593. 

Bedchat  (H.),  Voy.  Mauss  (M.). 

Bidault  de  Gkésigny.  Recherches  préhistoriques  dans  la  vallée  de  la  Saône,  134. 

BLAISKE^H0RN  (D.  M.).  L'àgc  de  la  pierre  et  les  instruments  de  silex  en  Syrie-Pales- 
tine, 158. 

Blés,  recherches  sur  quelques  —  anciens   provenant  de  stations  préhistoriques,  513. 

Bloch  (Dr  a.).  L'origine  des  Russes,  139. 

Bochimans,  observations  anthropologiques,  ethnologiques  et  ethnographiques  sur 
les  —,  710. 

Bohatta  (H.).  Le  drame  javanais,  704. 

Bolivie,  ethnographie  et  archéologie  de  la  — ,  484. 

BoîsiFACY  (A.).  Travaux  sur  les  Mans,  454. 

BouDY,  Voy.  Capitan. 


■ÎM)  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Bougie,  la  station  quaternaire  d'Ali-Baciia,  à  —,  124;  compte  rendu  des  fouilles 
faitos  à  —  en  1U04,  598. 

Boughis,  ethnographie  des  —  de  Célèbes,  488. 

BouLK  (Marcelliû).  Stratigraphie  et  paléontologie  des  grottes  de  Grimaldi,  108.  A 
propos  des  éolithes,  118.  Les  grottes  de  Grimaldi.  Résumés  et  conclusions  des 
éludes  géologiques,  257.  L'âge  des  derniers  volcans  de  la  France,  396.  Les  grands 
Chats  des  Cavernes,  583.  —  lauréat  du  concours  Alhumbert  à  l'Académie  des  Scien- 
ces, 226. 

Bourgogne,  ossements  des  tumulus  de  la  —,  3. 

BouRLON  (Lient.).  Nouvelles  fouilles  au  Moustier,  121. 

BouYssoNiE  (J.),  BouYssoisiE  (A.)  et  Bardon  (L.).  La  Grotte  de  la  Font-Robert,  près 
Brive  (Gorrèze),  123. 

Box  (C.  R.),  Vou.  Parsons  (F.  G.). 

BoYD  (Ilarriet  A.).  L'exploration  de  la  Société  américaine  des  fouilles  à  Gournia 
(Crète)  en  1904,  694. 

Brachycéphalie,  origine  de  la  —  par  des  actions  intentionnelles  sur  le  crâne  infan- 
tile, 209. 

Bra.nco  (W.).  Sur  les  empreintes  fossiles  problématiques  de  pas  humains  de  Var- 
nambool  et  autres  prétendues  traces  de  l'Homme  fossile  en  Austtalie,  399.  Restes 
et  empreintes  de  pas  problématiques  de  l'Homme  tertiaire,  399. 

Brassempouy,  les  représentations  de  chevêtres  découvertes  à  — ,  30. 

Bri-nnus,  l'épée  de  — ,  343. 

Brésil,  les  tribus  indiennes  du  nord-ouest  du  —,  482;  les  Indiens  Guaranis  du  rio 
Itariri,  au  — ,  714. 

Breuil  (abbé).  A  propos  des  éolithes,  120.  L'époque  prèsolutréenne,  122.  L'évolution 
de  la  peinture  et  de  la  gravure  murales,  124.  Stylisation  des  dessins  à  l'âge  du 
renne,  125.  Nouvelles  découvertes  dans  les  cavernes  de  la  province  de  Santauder, 
143.  Les  Cottes,  grotte  du  vieil  âge  du  Renne  à  Saint-Pierre-de-Maillé  (Vienne), 
410.  La  dégénérescence  des  figures  d'animaux  eu  motifs  ornementaux  à  l'époque 
du  Renne,  411.  L'art  à  ses  débuts,  l'Enfant,  les  Primitifs,  412.  —  Voij.  Capitan  et 
Cartailhac. 

Britanniques  (Iles),  les  dépôts  superficiels  des  —  et  le  problème  interglaciaire.  677. 

Bronze,  objets  en  —  du  tumulus  de  Monceau-Laurent,  15;  rasoir  en —  du  tumulus 
de  la  Vie  de  Bagneux,  16;  bracelet  en  —  du  tumulus  des  Vendues  de  Verroilles, 
20;  les  débuts  de  l'âge  du  —  en  Espagne,  135  ;  l'âge  du  —  en  Belgique,  135;  inven- 
taire des  objets  de  l'âge  du  —  découverts  en  Normandie,  136  ;  distribution  géo- 
graphique des  cachettes  de  —  en  France,  136  ;  sphéroïdes  de  l'âge  du—  136;  l'âge 
du  —  en  Suède,  140;  l'âge  du  —  en  Syrie,  160;  le  —  à  la  période  de  Hallstatt, 
167;  les  sépultures  de  l'âge  du  —  en  France,  321  ;  les  sépultures  de  l'âge  du  —  I 
et  H,  322  ;  les  sépultures  de  l'âge  du  —  HI,  330;  les  sépultures  de  Tâge  du  —  IV, 
334;  objets  en  —  d'une  sépulture  de  la  DorJogne,  327  ;  le  mobilier  en  —  du  dol- 
men-tumulus  de  Courtavant,  330;  l'âge  du  —  en  Allemagne,  340;  sépultures  de 
l'âge  du  —  en  Suisse,  341  ;  carte  de  la  répartition  des  haches  en  — ,  422;'  épingles 
en  —  trouvées  à  Vers  (Gard),  435;  crâne  d'une  cité  lacustre  suisse  de  l'âge  du  — 
547;  deux  trouvailles  d'objets  de  l'âge  du  —  récent,  597;  objets  en  —  d'un  cran- 
nog  d'Irlande,  598  ;  cachettes  de  —  en  Seine-Inférieure,  629. 

BuciiET  (Gaston).  Découverte  dans  un  dolmen  des  environs  de  Tanger  d'ossements 
colorés  en  rouge,  112. 

BuGGE  (Alexander).  Les  Vikings,  444. 

Bulletin  bibliographique,  242,  504,  634,  736. 

Cabanes,  foûds  de  —  néolithiques  en  Normandie,  594. 

Cabanons  en  pierres  sèches  regardés  comme  un  exemple  de  survivance  préhisto- 
rique, 117. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  751 

Cailloux  peinlSf  les  —  du  «  Bôhl  »  près  Neustadt,  424. 

Californie,  nouveaux  mammifères  quateruaires  des  cavernes  de  —,  592  ;  nouvel 
ongulé  de  la  caverne  Samwel  en  —,  592. 

Cambodge,  fêtes  et  rites  au  —,  462;  fêtes  au  —,  701-T03. 

Canaries  (Iles),  les  lésions  bregmatiques  des  crânes  des  — ,  180. 

Cannstatt,  âge  du  crâne  de  —,  63. 

Cantal,  industrie  archéolitbique  des  couches  à  Hipparion  du  —,  579;  les  gisements 
d'éolithesdu  —,  641. 

Capacité  crânienne  chez  les  criminels  portugais,  209.  —  Voy.  Crâne. 

Capacité  vitale^  la  —  suivant  le  sexe  et  suivant  certaines  dimensions  du  corps,  612. 

Gapitan.  Photographie  d'une  défense  de  mammouth  ouvrée,  125.  L'art  des  cavernes, 
140. 

Capitan  (Dr)  et  Abnaud  d'Agnel  (abbé).  Rapports  de  l'Egypte  et  de  la  Gaule  à  l'époque 
néolithique,  426. 

Capitan  et  Boudy.  Instruments  eu  pierre  des  environs  de  Gafsa,  131. 

Capitan,  Breuil,  Clehgeau  et  Peyrony.  Gravures  sur  os  et  sur  pierre,  126. 

Capitan,  Breuil  et  Peyrony.  Dessins  de  félins,  de  proboscidiens  et  d'ursidés  sur  les 
parois  de  grottes  préhistoriques,  124. 

Capitan  (L.)  et  Papillault  (G.).  L'identification  du  cadavre  de  Paul  Jones  et  son 
autopsie  113  ans  après  sa  mort,  171.  —  Voy.  Cartailhac. 

Capri,  découverte  de  restes  quaternaires  à  —,  121,  586. 

Cardon  (abbé).  L'abri  sous  roche  du  cap  Roux,  114. 

Carrtte-Bouvet  (Pierre).  Division  des  Somalis  Issas,  377. 

Cakette-Bouvet  (Pierre)  et  Neuville  (Henri).  Les  pierres  gravées  de  Siaro  et  de  Daga 
Beid  (Somal),  383. 

Carrière  (G.).  Explorations  dans  les  Cévennes,  134.  Instruments  en  fer  d'usage 
inconnu  trouvés  dans  l'oppidum  du  mont  Menu,  137. 

Cartailhac  (E.).  Industrie  des  grottes  de  Grimaldi,  111.  Le  décharnement  des  ca- 
davres avant  l'inhumation,  113.  Le  Périgord  préhistorique,  407. —  est  chargé  d'un 
cours  complémentaire  d'archéologie  préhistorique  à  la  Faculté  des  Letttres  de 
Toulouse,  726. 

Cartailhac,  Capitan,  Breuil  et  Peyrony.  Figurations  humaines  sur  les  parois  des 
grottes  ornées,  126. 

Cartes  de  types  préhistoriques,  422. 

Cartes  postales  ayant  trait  à  l'archéologie,  631. 

Cavernes^  âge  des  restes  humains  trouvés  dans  les  —  de  Bavière,  60  ;  —  du  Wur- 
temberg, 61;  —  de  l'Alsace,  66;  — du  Rhin,  6S;  —  de  (a  Suisse,  77;  passage  du 
Paléolithique  au  Néolithique  dans  les  —  du  Schweizersbild  et  du  Kesslerloch,  126; 
nouvelles  découvertes  dans  les  —  de  la  province  de  Santander,  143  ;  les  —  des 
Toala  de  Lamontjoug  dans  l'île  de  Célèbes,  195;  les  grands  chats  des  —,583; 
exploration  des  — du  comté  de  Ciare,  588;  nouveaux  mammifères  quaternaires 
des  —  de  Californie,  592;  nouvel  ongulé  de  la—  Samwel  en  Californie,  592;  — 
espagnoles  peintes  et  gravées,  625.  —  Voy.  Grottes. 

Célèbes,  anthropologie  de  l'île  de  — ,  195  ;  les  populations  de  l'île  — ,  488. 

Celtique,  le  —  flamboyant,  632. 

Cép/ialométrie,  technique  à  employer  en  —,  569. 

Céramique,  la  —  néolithique  est  d'origine  orientale,  127  ;  —  à  cordon  de  la  Pologne, 
429.  —  Voy.  Poteries. 

Chaires,  création  de  —  d'Anthropologie  dans  la  République  Argentine,  501  ;  une 
nouvelle  —  d'Anthropologie  préhistorique,  621  ;  création  d'une  nouvelle  —  offi- 
cielle d'Anthropologie  à  l'Université  de  Pavie,  727. 

Ghancelade,  tête  d^équidc  enchevêtrée  de  l'abri  sous  roche  de  —,  43. 

Chants  des  Monumbo  de  la  Nouvelle-Guinée,  610. 


752  INDEX  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Charme  pour  obtenir  la  pluie,  633. 

Chais,  les  grands  —  des  Cavernes,  o83. 

CheUéen,    le  —   en   Syrie,    159  ;  instrument   —  accompagné  de  l'Elephas  autiquus 

découvert  à  Créteil  (Seine),  o86. 
Cherokees,  les  mythes  des  —,  186. 

(^Jieval,  origine  et  rôle  du  —  de  sang,  150  ;  les  ancêtres  du  — ,  583. 
Chevêtre,  le  —  et  la  semi-domestication  des  animaux  aux  temps  pléistocènes,  27. 
Cheveux,  coloration   des   —  en    Russie,   173  ;    coloration   des  —  chez  les  Juifs  de 

rAfrique  du  Nord,  179. 
Chevriek  (A.).  Note  relative  aux    coutumes   des  adeptes  de  la  Société  secrète  des 

Scymos,  indigènes  fétichistes  du  littoral  de  la  Guinée,  3o9. 
Chimpanzé,  squelette  de  —  rachitique,  720. 
Chine,  une  secte  féminine  en  — ,  732. 

Christianisme,  le  —  et  les  Indiens  de  la  République  de  TÉquateur,  81. 
Chronologie  des  monuments  ruinés  de  l'Amérique  centrale,  189. 
Classification   anthropologique   de  la  population  de  la  Russie,    175  ;  —  des  temps 

quaternaires,  261  ;  —  des  époques  de  la  civilisation  minoenne,  440. 
Climat,  le  —  des  époques  géologiques,  679. 
Cnémides  àe  lépoque  de  Ilallstatt,  131. 
CoFFREY  (George).  Deux  trouvailles  d'objets  de  l'âge  du  bronze  récent,  o97.  Le  «  cran- 

nog  »  de  Craigywarren,  597. 
CoLE  (Grenville  A.),  Voy.  Schabff  (R.F.). 
Collection  du  Ghatellier^31  ;  —  Benjamin  Tournier,  631  ;  nouvelles  entrées  dans  les 

—  de  paléontologie  du  Muséum,  729. 
Coloration,  sur  la  —  des  squelettes,  594. 

GoMMONT.  Gontribution  à  l'étude  des  silex  taillés  de  Saint-Acheul  et  de  Moutières,  403. 
Découverte  d'une  atelier  do  taille  paléolithique  ancien  à  Saint-Acheul,  403. 

Congo,  les  populations  du  —  au  lac  Tchad,  603. 

Congrès,  compte  rendu  du  —  international  d'Anthropologie  et  d'Archéologie  préhis- 
toriques de  Monaco,  103;  —  préhistorique  de  France,  230  ;  —  international  d'An- 
thropologie et  d'Archéologie  de  Monaco,  410;  —  international  d'Anthropologie  et 
d'Archéologie  préhistoriques  de  Monaco.  Rectifications  au  compte  rendu,  498  ;  — 
colonial  français,  729. 

Contes  des  Indiens  Arapahos,  183;  —  des  Indiens  de  l'Argentine,  610. 

GosTA  DE  Beauregard  (0.).  La  distribution  des  objets  d'or  préromains  sur  le  sol  de 
la  Gaule,  130.  Cuirasses  et  cnémides  de  l'époque  de  Hallstatt,  131. 

Costume,  le  —  chez  les  Bayas,  369. 

GoTTE  (Gh.).  Les  enceintes  dites  ligures,  113.  Exploration  de  la  Provence  centrale  et 
occidentale,  134. 

Cotte  (G.  et  J.).  Recherches  sur  quelques  blés  anciens,  513. 

Cours  de  palethnologie  à  Bruxelles,  621;  —  de  l'École  d'Anthropologie,  622;  — com- 
plémentaire d'archéologie  préhistorique  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Toulouse,  726; 

—  d'anthropologie  à  l'Université  de  Pavie,  727;  —  d'antiquités  américaines  au  CoU 
lège  de  Fiance,  728. 

Coutil  (Léon).  Inventaire  des  objets  de  l'âge  du  cuivre  et  du  bronze  découverts  en 
Normandie,  136. 

Crdnés  des  tumulus  d'Auvenay,  4;  mesures  de  quelques —  des  tumulus  de  la  Haute- 
Bourgogne,  6  ;  —  du  tumulus  de  Méloisey,  11;  —  du  tumulus  de  Monceau-MiJon, 
13;  —  du  tumulus  de  Monceau-Laurent,  15;  — du  tumulus  de  la  Vie  de  Bagneux, 
16;  —  du  tumulus  de  Banges,  17;  —  du   tumulus   des  Vendues  de  Verroilles,  20  ; 

—  du  tumulus  des  Vendues  de  Montmorot,  21  ;  —  du  tumulus  de  Savoisy,  22;  — 
des  tumulus  de  la  grande  forêt  de  Ghâtillon,  23  ;  mesures  des  —  des  tumulus  du 
Châtillonnais,  24  ;  âge  des  —  des  cavernes  de  la  Bavière,  59  ;  âge  des  —  des  cavernes 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  753 

du  Wurtemberg,  61  ;  âge  du  —  de  Cannstatt,  63;  âge  des  —  préhistoriques  de 
Bade  et  de  la  Hesse,  65  ;  âge  du  —  d'Eguisheim,  66;  âge  du  —  de  Néauderthal, 
69;  âge  des  —  des  cavernes  du  Rhiu  et  de  Westphalie,  74;  âge  du  —  de  Rixdorf, 
76  ;  —  quaternaires  de  la  station  d'Ali -Bâcha,  à  Bougie,  124  :  —  précolombiens  de 
Cuba,  132;  —  de  Krapina  en  Croatie,  156;  —  de  l'époque  mérovingienne,  171; 
caractères  du  —  chez  les  populations  de  la  Russie,  174;  le  —  chez  les  Oudi,  177; 
caractères  du  —  chez  les  Juifs  de  l'Afrique  du  Nord,  179;  lésions  bregmatiques  des 

-  des  îles  Canaries,  180  ;  —  péruviens,  189  ;  caractères  du  —  chez  les  habitants 
des  îles  Mentawei,  194;  étude  sur  les  formes  du  —  humain,  207;  rapport  entre  les 
sutures  du  —  et  l'âge,  207;  capacité  du  —  chez  les  criminels  portugais,  209;  bra- 
chycéphalie  et  dolichocéphalie  produites  par  des  actions  intentionnelles  sur  le  — 
infantile,  209;  le  —  de  Calaveras,  233;  caractères  du  —  chez  les  Cro-Magnons  de 
Grimaldi,300  ;  caractères  du  —  chez  les  Négroïdes  de  Grimaldi,  303;  —  trouvés  dans 
des  tombes  chrétiennes  auprès  de  Niksii,  444;  deux  nouveaux —  humains  de 
cités  lacustres  suisses,  547;  —  deBrux,  684;  —  anciens  du  Latium,  697;  —  d'Aby- 
dos,  698;  —  de  Guaranis,  714;  variations  des  os  du  —,  716. 

Craniectomie  et  régénération  osseuse,  212. 

Craniométrie,  technique  à  employer  en  — ,  563. 

Crannog^  le  —  de  Craigywarren,  en  Irlande,  397. 

Crète,  les  civilisations  anciennes  de  la  —,  128;  fouilles  en  —  pendant  l'année  1904, 

694  ;  poteries  peintes  de  la  — ,  694  ;  récentes  découvertes  en  —,  696. 
Criminels^  la  capacité  crânienne  chez  les  —  portugais,  209. 
Cro-Magnon,  le  type  de  —  aux  Baoussé-Roussé,  297  ;  le  bassin  dans  la  race  de  — , 

299. 
Crows,  traditions  des  —,  478. 
CuAZ  (Mer  jos.).  Le  jugement  de  Dieu,  701. 
Cuba,  objets  précolombiens  de  l'île  de  — ,  132. 
Cuirasses  de  l'époque  de  Hallstatt,  131. 
Cuivre,  armes  de  —  des  tumulus  bretons,  325  ;   haches  de  —  du  district  de  Kônig- 

grâtz,  435  ;  les  haches  doubles  de  l'âge  du  —  en  Europe  occidentale,  436  ;  la  hache 

double  en  —  de  Pyrmont,  436  ;  hache  double  en  —  de  Hanovre,  437  ;  haches  de 

—  des  mounds  américains,  444. 

Culte  phallique  au  Laos,  240  ;  les  —  annamites,  463  ;  —  astral  chez  les  popula- 
tions primitives  du  Soudan,  531  ;  —  mythes  et  religions,  600;  le  —  des  menhirs 
dans  le  monde  celtique,  688. 

Cupules  snr  les  pierres  des  tombeaux  des  tumulus  bretons,  326. 

Gyclades,  fouilles  récentes  dans  les  —,  696. 

Da  Costa  Ferreira.  La  capacité  crânienne  chez  les  criminels  portugais,  209. 

Daga  Beid,  les  pierres  gravées  de  —  (Somal),  388. 

Daleau  (F.)  et  Maufras  (E.).  Le  dolmen  du  Terrier  de  Cabut,  421. 

Danemark,  îles  flottantes  artificielles  du  —,  126. 

Danses  des  Monumbo  de  la  Nouvelle-Guinée,  610;  —  des  Bochimans,  711. 

Danseurs  indiens  aux  processions  de  la  Fête-Dieu  eu  Equateur,  89. 

Debruge.  La  station  quaternaire  d'Ali-Bacha,  à  Bougie,  124.  Bougie  ;  compte  rendu 
des  fouilles  faites  en  1904,  598. 

Décharnement  des  cadavres  avant  l'inhumation,  112. 

Déchelktte  (J.).  Distribution  géographique  des  cachettes  de  l'âge  du  bronze  en 
France,  136.  Les  sépultures  de  l'âge  du  bronze  en  France,  321.  Murs  d'enceintes 
à  parements  internes,  393. 

Décoration,  origine  de  la  —  en  spirale,  433. 

Decorse  (Df  J.).  Du  Congo  au  lac  Tchad,  605.  Recherches  archéologiques  dans  le 
Soudan,  669. 

Dégénérescence  des  peuples  latins,  732. 

l'anthropologie.  —  T.  xvir. —  1906.  48 


•Î;i4  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Délos,  les  fouilles  de  —,  731. 

Demonet  (E.).  Recherches  sur  la  capacité  vitale  absolue  et  relative  suivant  le  sexe  et 
suivant  certaines  dimensions  du  corps,  612. 

Denise,  l'homme  fossile  de  — ,  397. 

Dentition  de  la  race  négroïde  de  Grimaldi,  306. 

Descendance,  la  —  de  l'Homme,  683. 

Desplagnes  (Lieutenant).  Notes  sur  les  origines  des  populations  nigériennes,  523.  Le 
plateau  central  nigérien,  691.  Une  mission  archéologique  dans  la  vallée  du  Niger, 
691. 

Dessins  sur  os  de  la  station  néolithique  de  Sierentz  (Haute-Alsace),  420. 

Distinctions  honorifiques,  225,  632. 

Divinités,  les  —  annamites,  465. 

DixoN  (François),  Voy.  Schaf.ff  (R.  F.). 

Dolichocéphalie,  origine  de  la  —  par  des  actions  intentionnelles  sur  le  crâne  infan- 
tile, 209. 

Dolmen  de  Marchais  (Aisne),  133;  —  de  l'âge  du  bronze  en  Gironde,  326  ;  —  tumulus 
de  Gourtavant,  330  ;  le  —  du  Terrier  de  Gabut,  421  ;  fouilles  d'un  —  à  Champi- 
gnoUes,  593  ;  fouille  d'un  nouveau  —  près  Grasse,  687.  —  Voy.  Mégalithes. 

Domestication,  la  semi  —  des  animaux  aux  temps  pléistocènes,  27. 

DoRSEY  (Geo.  A.).  Traditions  des  Indiens  Skidi  Pawnee,  475. 

DoRSEY  (G.  A.)  et  Kroeber  (A.  L.).  Les  traditions  des  Indiens  Arapahos,  183. 

DouMERGUE  (F.).  Nouvelles  contributions  au  Préhistorique  de  la  province  d'Oran,  165. 

Drame,  le  — javanais,  704. 

DuBUs  (A.).  Fonds  de  cabanes  néolithiques  à  Lucy,  près  de  Neufchâtel-en-Bray,  594. 

Dumas  (Ulysse).  La  grotte  des  Fées,  à  Thasaux  (Gard),  135. 

DuMOUTiBR  (G.).  Les  cultes  annamites,  463. 

DussAUD  (René).  Questions  mycéniennes,  696.  La  Troie  homérique  et  les  récentes 
découvertes  en  Crète,  696.  La  civilisation  préhellénique  dans  les  Gyclades,  696. 
Fouilles  récentes  dans  les  Gyclades  et  en  Crète,  696.  La  matérialisation  de  la 
prière  en  Orient,  696. 

Ecosse,,  les  tourbières  d'—  et  leurs  relations  avec  la  période  glaciaire,  589;  les 
dernières  formations  quaternaires  d'— ,  589. 

Eqéen,  V —  ne  correspond  pas  à  une  civilisation  homogène,  128. 

Eguisheim,  âge  du  crâne  d' — ,  66. 

Egypte,  rapports  de  V—  et  de  la  Gaule  à  l'époque  néolithique,  426  ;  observations 
sur  le  Préhistorique  en  — ,  427;  l'âge  de  la  pierre  en  Haute  —,429;  la  faune 
momifiée  de  l'ancienne  — ,  437;  silex  taillés  d' — ,  627;  crânes  anciens  d' — ,  698. 

Ehrenreich  (Dr  P.).  Les  mythes  et  les  légendes  des  peuples  primitifs  de  l'Amérique 
du  Sud  et  leurs  rapports  avec  ceux  de  l'Amérique  du  Nord  et  de  l'ancien  conti- 
nent, 480. 

Empreintes  problématiques  de  pas  de  l'Homme  tertiaire,  399  ;  les  —  murales  de 
Knossos,  443. 

Enceintes,  les  —  dites  ligures,  115  ;  —  à  gros  blocs  des  environs  de  Grasse,  115;  — 
en  pierres  sèches  du  Gard,  116  ;  inventaire  des  —  préhistoriques  du  Var,  693. 

Enseignement,  vœu  relatif  à  V —  de  l'anthropologie,  140  ;  V —  de  l'anthropologie 
dans  la  République  Argentine,  501. 

Eolithes,  les  —  devant  le  Congrès  de  Monaco,  117;  faux  —  dans  les  marnes  de 
l'Allemagne  du  Nord,  415;  les  —  du  Cantal,  580;  les  gisements  d' —  du  Cantal, 
641;  l'origine  naturelle  des  —  de  l'Allemagne  du  Nord,  676;  les  —  de  France  et 
de  Portugal,  677. 

Epées  boïennes  des  environs  de  Nevers,  131  ;  1' —  de  Brennus,  343;  la  torsion  des 
—  est  un  rite  gaulois,  353. 

Epingles  en  bronze  trouvées  à  Vers  (Gard),  435. 


I 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  755 

Equateur,  le  christianisme  et  les  Indiens  de  la  République  de  F—,  81  ;  orographie 

de  r — ,  84  ;  climats  de  1' — ,  85. 
Errata,  503,  633. 
Eskimos,  arrivée  des  —  au  Groenland,  180;  les  variations  saisonnières  des  sociétés 

—,  711. 
Espagne,  le  Néolithique  en  — ,  134;  les  premiers  âges  du  métal  dans  le  Sud-Est  de 

r — ,  135  ;  nouvelles  découvertes  dans   les  cavernes  de  la  province  de  Santander, 

en  — ,  143. 
Espélugues,  tête  d'équidé  enchevêtrée  découverte  dans  la  caverne  des  —,  à  Lourdes, 

32,  40;  asiné  enchevêtré  de  la  caverne  des  —,  51. 
Etain,  Y—  des  Cassitérides,  235  ;  1'—  dans  l'île  d'Ictis,  596. 
Ethnograp /lie,  études    à' —  préhistorique,  27;  —  ancienne  de   l'île  de   Gélèbes,  196; 

—  des  Vikings,  444;  —  des  comitats  de  Kronstadt  et  de  Fogaras  en  Transylvanie, 
446;  —  du  Pérou  et  de  la  Bolivie,  484. 

Evans  (Arthur).  Les  civilisations  egéenne,  minoenne  et  mycénienne,  128.  Essai  de 
classification  des  époques  de  la  civilisation  minoenne,  440. 

Evans  (Sir  John).  A  propos  des  éolithes,  120. 

EwART  (,T.  C).  Le  Tarpan  et  sa  parenté  avec  les  chevaux  sauvages  et  domestiques,  583. 

Exposition  anthropologique  et  ethnographique  du  D^  Rivet,  728. 

Eyzies,  gravures  sur  os  et  sur  pierre  delà  grotte  des  —,  126;  excursion  scientifique 
aux  —,  227. 

Famille,  la  —  chez  les  Bagas,  370. 

Faune  de  la  station  de  Taubach,  57  ;  —  de  la  station  d'Andernach,  58  ;  —  de  la 
«  Rauberhoehle  »,  en  Bavière,  59;  —  des  cavernes  de  Gailenreuth  et  d'Ofnet,  en 
Bavière,  60;  —  des  cavernes  du  Wurtemberg,  61;  —  de  Cannstatt,  63;  —  du 
loess  de  Lahr,  65;  —  du  loess  d'P^guisheim,  66;  —  des  cavernes  du  Rhin  et  de 
Westphalie,  68  ;  —  des  stations  préhistoriques  de  la  Thuringe,  75  ;  —  de  la 
caverne  de  Freudental,  77;  —  de  la  caverne  de  Kesslerloch,  77  ;  —  des  grottes  de 
Grimaldi,  108;  —  de  la  station  paléolithique  de  Munziugen,  153;  —  de  Krapiua, 
156;  —  paléolithique  de  Syrie,  159  ;  —  de  la  grotte  du  Prince,  à  Grimaldi,  258;  — 
de  la  grotte  des  Enfants,  à  Grimaldi,  268;  ressemblances  entre  les  — fossiles  de 
l'Europe,  des  îles  de  la  Méditerranée  et  de  l'Afrique,  279;  — 'continentale  pliocène, 
280  ;  ■—  malacologique  de  Saint-Acheul,  405  ;  —  de  la  grotte  de  la  Roche-au-Loup 
(Yonne),  413;  la  —  momifiée  de  l'ancienne  Egypte.  437;  —  des  couches  à  Hippa- 
rion  dans  le  Cantal,  580  ;  —  quaternaire  de  l'île  de  Capri,  587  ;  —  quaternaire  des 
cavernes  de  Californie,  592;  —  du   Puy   Courny,  659;  causes  de  l'extinction  des 

—  préhistoriques,  680;  la  —  dans  le  folk-lore  de  France,  722. 

Fémur,  le  —  dans  la  race  de  Cro-Magnon,  300;  le  —  dans  la  race  de  Grimaldi,  304. 

Fer,  épée  de  —  du  tumulus  de  Monceau-Laurent,  15;  épée  de  —  du  tumulus  de  la 
Vie  de  Bagneux,  16;  objets  en  —  du  tumulus  des  Vendues  de  Verroilles,  20;  bra- 
celet en  —  du  tumulus  des  Vendues  de  Moutmorot,  21  ;  répartition  des  objets  de 

—  en  Hongrie,  129;  instruments  en  —  d'usage  inconnu  trouvé  dans  l'oppidum 
du  mont  Menu,  136;  l'âge  du  —  en  Syrie,  161  ;  le  —  à  la  période  de  Hallstatt, 
167  ;  la  coutume  de  ramasser  du  —,  235;  objets  en  —  d'un  crannog  d'Irlande,  598. 

Fête  religieuse  d'une  société  féminine  à  Oraibi,  185. 

Figurations  humaines  sur  les  parois  des  grottes  ornées,  126  ;  —  sur  un  vase  de  terre 

néolithique  de  Russie,  163. 
FiscHKR  (E.).  Etude  anatomique  des  parties  molles  de  la  tête  chez  deux  Papous,  200. 
FisHBERG  (M.).  Contribution   à  l'anthropologie   physique   des  Juifs  de  l'Afrique   v!u 

Nord,  178. 
Fletcher  (Alice  C.)-  La  cérémonie  Pawnee  du  Hako,  475. 
Flore  préhistorique  de  l'Europe  centrale,  414  ;  —  des  tourbières  d'Ecosse,  589;  la  — * 

dans  le  fofk-lore  de  France,  722. 


756  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Folk-lore  de  France  ;  la  faune  et  la  dore,  122. 
Fosse  liypo  troc  haute  rienne  dans  la  race  de  Gro-Magnon,  300. 
Fouilles,  les  —  de  Dôlos,  731. 
Franc  (Louis).  De  l'origine  des  Pahouins,  604. 
Fhassrtto  (Fabio).  Étude  sur  les  formes  du  crâne  humain,  207. 
Fhech  (Fr.j.  Etudes  sur  le  climat  des  époques  géologiques,  679.  Causes  de  l'extinc- 
tion des  faunes  préhistoriques,  680. 
Fkitsch  (G.).  Les  problèmes  ethnographiques  de  l'Orient  tropical,  706. 
Frgehligiier  (D"^).  Quelques  monuments  néolithiques  et  gallo-romains  de  la  partie  de 

l'Aisne  située  entre  Sissoune  et  Marchais,  133. 
Fuchs  (K.),  Notes  d'ethnographie   sur  les  comitats  de  Kronstadt  et  de  Fogaras  en 

Transylvanie,  446. 
Funérailles,  pratiques  en  usage  lors  des  —  chez  les  Paléolithiques  de  Grimaldi,  293. 
Gaide  (D"").  Notice  ethnographique  sur  les  principales  races  indigènes  du  Yunnan  et 

du  nord  de  l'Indo-Chiue,  450. 
Galie.n-Miisgaud.  Épingles  en  bronze  trouvées  à  Vers  (Gard),  435. 
Gallo-romains,  monuments  —  de  l'Aisne,  133. 

Gaudry  (Albert).  A  propos  du  décharnement  des  cadavres  avant  l'inhumation,  113. 
Le  berceau  de  l'Humanité,  114.  Le  prognathisme  inférieur,  139.  —  Le  nom  d'  —  est 
donné  à  une  rue  d'Amiens,  226. 
Gaule,  distribution  en  —  des  objets  d'or  préromains,  130;  rapports  de  l'Egypte  et 

de  la  —  à  Tépoque  néolithique,  426. 
Gaulois,  les  premiers  —,  1  ;  les  épées  des  —,  343. 
Geikie  (James).  Les  dernières   formations  quaternaires  d'Ecosse,  589.  De  l'époque 

glaciaire  aux  temps  actuels,  589. 
Gérin-Ricard  (H.  de).  Silex  importés  d'Asie-Mineure,  132. 
Gisements,  vœu  relatif  aux  —  préhistoriques,  230. 

GiUFFRiDA-KuoGERi  (V.).  Catalogue  des  matériaux  squelettiques  préhistoriques  et  pro- 
tohistoriques du  Latium,  697. 
Glaciaire,  découvertes  paléolithiques  dans  Tinter—  de  Huudisburg,  416;  la  période 
—  dans  la  vallée  du  Rhin,  416;  théories  relatives  à  l'époque  —,  574;  le  problème 
inter  —,  577  ;  relation  des  tourbières  d'Ecosse  avec  la  période  —,  589  ;  de  l'époque  — 
aux  temps  actuels,  589;  la  période  —  dans  l'Allemagne  du  Nord,  676;  invasion  — 
unique  à  l'époque  quaternaire,  679;  les  formations  inter  —  des  environs  de  Ber- 
lin, 682. 
GoBY  (Paul).  Les  enceintes  à  gros  blocs  de  la  région  de  Grasse,  115.  Description  et 

fouille  d'un  nouveau  dolmen  près  Cabris,  près  Grasse,  687. 
GoDDARD  (P.  Earle).  La  morphologie  de  la  langue  hupa,  188. 
Gordon  (G.  Byron).  La  continuité  des  dates  fournies  par  les  monuments  ruinés  de 

l'Amérique  centrale,  189. 
Gorjanovic-Kramberger  (K.).  L'Homme  paléolithique  et  ses  contemporains  du  dilu- 

vium  de  Krapina  en  Croatie,  156. 
Gravure,  évolution  de  la  —  dans  les  cavernes,  124;  —  sur  os  et  sur  pierre,  126;  — 
des  cavernes  de  la  province  de  Santander,  144;  —  dans  des  cavernes  espagnoles, 
625. 

Grimaldi,  stratigraphie  et  paléontologie  des  grottes  de  —,  108;  anthropologie  des 
grottes  de  —,  110;  archéologie  des  grottes  de  —,  111;  les  grottes  de  —,  257,  291  ; 
la  race  négroïde  de  —,  302;  les  survivances  de  la  race  de  —  aux  époques  préhis- 
toriques, 307  ;  les  survivances  de  la  race  de  —  à  l'époque  actuelle,  310. 

Grottes,  étude  stratigraphique,  paléontologique,  anthropologique  et  archéologique 
des  —  de  Grimaldi,  108-111 ,  la  —  de  la  Font-Robert  (Corrèze),  123;  les  —  à  parois 
décorées,  124;  gravures  sur  os  et  sur  pierre  de  la  —  des  Eyzies,  126;  figurations 
humaines  sur  les  parois  des  —  ornées,  126;  la  —  de  Remonchamps,  126;  la  — 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  757 

des  Fées,  à  Tharaux  (Gard),  135;  les  —  de  Grimaldi;  résumé  et  conclusions  des 
études  géologiques,  257;  la  —  du  Prince,  à  Grimaldi,  257;  la  —  des  Enfants,  à 
Grimaldi,  266;  les  —  de  Grimaldi,  résumé  et  conclusions  des  études  anthropolo- 
giques, 291  ;  —  naturelles  utilisées  pour  les  sépultures  à  l'âge  du  bronze,  327  ;  —  arti- 
ficielles de  l'âge  du  bronze,  328;  une  —  du  vieil  âge  du  reane  dans  la  Vienne,  410; 
les  —  de  la  vallée  de  l'Yonne;  la  —  de  la  Roche-au-Loup,  413;  peintures  dans 
une  —  de  l'Ariège,  623;  peintures  dans  la  —  de  Gargas,  624;  —  espagnoles  peintes 
et  gravées,  625.  —  Vo}'.  Cavernes. 

Guaranis,  les  Indiens  —  du  rio  Itariri,  714. 

Guatemala,  découverte  de  ruines  au  —,  731. 

GuEBHARD  (D'A.).  Essai  d'inventaire  des  enceintes  préhistoriques  (Castélars)  du  dépar- 
tement du  Var,  693. 

Guinée,  les  Scymos,  indigènes  fétichistes  du  littoral  de  la  —,  359. 

Haberek.  Les  races  humaines  de  l'empire  japonais,  447. 

Habitation,  ï  —  chez  les  Bagas,  369;  1'  —  d'hiver  et  d'été  chez  les  Eskimos,  712. 

Haguet  (H.).  Les  Mois  de  la  région  de  Quang-Ngai,  453. 

Hall  (Edith  H.).  Quelques  poteries  peintes  de  Gournia,  694. 

Hallstatt,  géographie  de  la  civilisation  de  —,  129;  la  nécropole  de  —,  130;  pénétra- 
tion de  la  civilisation  de  —  en  Gôte-d'Or,  131  ;  la  période  de  — ,  165. 

Hampel  (J.).  Antiquités  du  commencement  du  moyen  âge  en  Hongrie,  169. 

Hamy  (D'  E.-T,).  Les  premiers  Gaulois,  1.  A  propos  des  éolithes,  119.  La  vie  rurale 
au  xviiie  siècle,  dans  le  pays  reoonquis.  Étude  de  sociologie  et  d'ethnographie, 
603.  Matériaux  pour  l'histoire  de  Parchéologie  préhistorique,  686.  Pierres  levées  et 
figures  rupestres  du  Tagant,  690. 

Herman  (0.).  Le  Solutréen  de  Miskolcz,  418. 

IIermet  (Abbé).  Statues-menhirs  de  l'Aveyron  et  du  Tarn,  135. 

Hervé  (G.).  Contribution  à  l'histoire  des  mégalithes,  687. 

HoERNES  (M.).  Classification  des  poteries  néolithiques,  128.  La  nécropole  de  Hallstatt, 
130.  La  période  de  Hallstatt,  165. 

HôFLKR  (M.).  Pâtisseries  rappelant  le  sacrifice  des  cheveux,  213. 

Hongrie,  répartition  des  objets  de  fer  en  — ,  129;  antiquités  du  commencement  du 
moyen  âge  en  — ,  169. 

Hopis,  les  traditions  des  Indiens  —,  472.  Les  noms  propres  des  —,  608. 

Hounis,  ethnographie  des  —  du  Yunnan,  451. 

HouzÉ  (Dr  E.).  L'Aryen  et  l'Anthroposociologie,  étude  critique,  698. 

HowoRTH  (Sir  Henri  H.).  Glace  ou  Eau,  573. 

Hubert  (H.).  Étude  sommaire  de  la  représentation  du  temps  dans  la  religion  et  la 
magie,  616. 

HuGUET  (Di"  J.).  Superstition,  magie  et  sorcellerie  en  Afrique,  607. 

Huichols,  l'art  de  la  décoration  chez  les  Indiens  — ,  182. 

Hupas,  morphologie  de  la  langue  des  — ,  188. 

Incas  ;  religion  des  — ,  82  ;  les  instruments  de  musique  des  — ,  486. 

Incinération,  la  nécropole  à —  de  Timmari,  136;  —  à  l'époque  paléolithique,  294;  — 
dans  les  tumulus  bretons,  326;  — dans  les  sépultures  de  l'âge  du  bronze,  IV,  335. 

Inde,  les  Parias  de  1'  —,  177. 

Indice  céphalique  en  Russie,  174  ;  —  chez  les  Juifs  de  l'Afrique  du  Nord,  179  ;  essai 
de  caractérisation  systématique  de  1'  — ,  210.  —   Voy.  Crâne. 

Indice  crâniens  des  Gaulois  de  la  Haute-Bourgogne,  6;  —  des  Gaulois  du  Châtillon- 
nais,  24.  —  Voy.  Crâne. 

Indice  facial  en  Russie,  174;  —  chez  les  Juifs  de  l'Afrique  'lu  Nord,  179.  —  Voy. 
Crâne. 

Indice  nasal  en  Russie,  174; —  chez  les  Juifs  de  l'Afrique  du  Nord,  179.  —  Voy. 
Crâne. 


75S  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Indiens,  le  christianisme  chez  les  —  de  la  République  de  l'Equateur,  81. 

Indo-Chine,  notes  sur  les  populations  de  1'  —,  448-469;  aperçu  sur  les  races  peu- 
plant le  1"  territoire  militaire  de  I'  —,  458;  coutumes  de  1'  —,  701-703. 

InscripUons  rupesLres  du  Nord  de  l'Afrique,  137;  —  du  Somal,  383. 

Jnterçjlaciaire,  les  trouvailles  paléolithiques  de  1'  —  de  Hundisburg,  416, 

Issas,  division  des  Somalis  — ,  377. 

IséEL  (A.).  A  propos  des  ossements  préhistoriques  peints  en  rouge,  112.  Un  exemple 
(le  survivance  préhistorique,  117.  Les  problèmes  des  Baoussé-Roussé  devant  le 
Congrès  de  Monaco,  407. 

IvANOWKi  (A.).  Sur  les  éléments  constitutifs  de  la  population  de  la  Russie,  172. 

Jacquot  (L.).  Peuples  troglodytes  modernes  du  Djebel-Aurès,  138. 

Japon,  les  races  humaines  du  —,  447. 

Japonais,  le  cartilage  du  repli  semilunaire  de  la  conjonctive  des — ,  700. 

Jassen  (A.),  Voy.  Thomsen  (Th.). 

Java,  le  drame  à — ,  704. 

Jeux  des  Zuùis,  470. 

Johnston-Lavjs.  Une  plateforme  néolithique  à  Beaulieu  (Alpes-Maritimes),  114. 

Jones  (Paul),  ideotification  du  cadavre  de  —  et  son  autopsie  113  ans  après  sa 
mort,  171. 

Jugement  de  Dieu,  le  —  au  Siam,  701. 

Juifs,  anthropologie  physique  des  —de  Russie,  175;  caractères  physiques  des  —  de 
l'Afrique  du  Nord,  178. 

Kaiseb  (A.).  Biologie  ethnique  des  Masaï,  708, 

Khas,  les  —  du  Tranninh,  449;  les  —  ou  Akkhas  du  Yunnau,  452. 

Kjellmark  (K.).  Une  station  de  l'âge  de  pierre  dans  la  falaise  de  Jâren,  près  Lim- 
hamn,  425. 

Knossos,  la  céramique  de  —,  441;  les  empreintes  murales  de  —,  443. 

KocH  (Theodor).  Les  tribus  indiennes  du  Rio  Negro  supérieur  et  du  Rio  Yapura,  et 
leurs  relations  linguistiques,  482. 

Kouang-Si,  race  indigène  du  — ,  700. 

KocLAKOvsKi  (Julien).  Sur  la  question  des  squelettes  colorés,  594. 

Kraemer  (A.).  La  construction  des  maisons  et  des  bateaux  dans  les  îles  Marshall,  206. 

Kf.oeber  (A.  L.),  Voy.  Dorsey  (G.  A.). 

Krone  (R.).  Les  Indiens  Guarani  du  rio  Itariri,  dans  l'Etat  brésilien  de  Sao  Paulo, 
714. 

Lacustres,  deux  nouveaux  crânes  humains  de  cités  —  suisses,  547. 

Lahr,  âge  du  squelette  du  loess  de  — ,  65. 

Lalanne  (Dr  G.).  Contribution  à  l'étude  des  populatioas  néolithiques  du  Bas-Médoc, 
134. 

Lamarck,  souscription  internationale  pour  l'érection  d'une  statue  à  — ,  726. 

Lamplugh  (G.  W.).  Sur  les  dépôts  superficiels  des  lies  Britanniques  et  le  problème 
interglaciaire,  577- 

Langue  hupa  de  l'Amérique  de  Nord,  188;  Indiens  parlant  la  —  quichua  sur  le  ver- 
sant oriental  des  Andes,  193;  —  des  Monumbo  de  la  Nouvelle-Guinée,  610;  inter- 
dictions de  vocabulaire  dans  les  —  indo-européennes,  619. 

Laos,  le  culte  phallique  au  — ,  240. 

Lapons,  caractères  physiques  des  — ,  175. 

Latins,  dégénérescence  des  peuples  — ,  732. 

Latium,  ossements  préhistoriques  et  protohistoriques  du  —,  697. 

Laugerie-Basse,  tête  d'équidé  enchevêtrée  de  —,  36. 

Lavest  (Mer).  Race  indigène  ou  tou-jen  du  Kouang-Si,  700. 

La  VILLE  (A.).  Le  Megaceros  hibernicus  aux  environs  de  Paris  dans  les  dépôts  infra- 
néolithiques,  420.  Amande  chelloise  accompagnée  de  l'Elephas  antiquus  à  Gréteil 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  759 

(Seine),  586.  Le  Pliocène  à  Elephas  meridionalis  dans  le  département  de  la  Seine, 

586. 
Leclère   (Adhémard).  Le  Cambodge.  Le  thvoeu-bon  Kant-boent,  462;  Cambodge  : 

Thvoeu-bon  Sdach  Meakh,  701.   Cambodge  :  Le  Thvoeu-bon  chaul   prah    vossa, 

702.  Cambodge  :  la  fête  du  salut  à  la  lune,   703.  Cambodge  :  la  fête  du  don  des 

robes,  703. 
Ledouble.  Traité  des  variations  des  os  du  crâne  chez  l'homme,  716.  Traité  des  varia- 
tions des  os  de  la  face  chez  l'homme,  716. 
Légendes  tahitiennes,  611. 
Lehmann-Nitsche  (R.).  Les  lésions  bregmatiques  des  crânes  des  îles  Canaries,  180. 

Contes  des  Indiens  de  l'Argentine,  610.   Méthode  de   recherches   de  l'ethnologie 

scientifique,  721. 
Leite  de  Vasgoncellos  (J.).  Les  religions  de  la  Lusitanie,  602. 
Lewis  (Francis  J.).  La  flore  des  tourbières  d'Ecosse,  589.  L'histoire  des  tourbières 

d'Ecosse  et  leurs  relations  avec  la  période  glaciaire,  589. 
LissAUER  (A.).  Second  rapport  sur  l'activité  de  la  commission  chargée  par  la  Société 

allemande   d'Anthropologie  d'établir  des  cartes  de  types  préhistoriques,  422.  Les 

haches  doubles  de  l'âge  du  cuivre  en  Europe  occidentale,  436.  La  hache  double  en 

cuivre  de  Pyrmont,  436.  Hache  double  en  cuivre  d'EUiérode,  Hanovre,  437. 
Loë  (de).  La  grotte  de  Remonchamps,  126.  L'âge   du  bronze  en  Belgique,  135.  Un 

objet  en  or  trouvé  récemment  à  Arlon,  136. 
Lolos,  ethnographie  des  —  du  Yunnan,  451, 
Lortet  et  Gaillard.  La  faune  momifiée  de  l'ancienne  Egypte,  437. 
LuMHOLTz  (Cari).  L'art  de  la  décoration  chez  les  Indiens  Huichols,  182. 
LuscHAN  (F.  von).  Uu  squelette  de  chimpanzé  rachitique,  720. 
Lusitanie,  les  religions  de  la  —,  602. 
Lûtes,  les  —  du  Gribinghi,  606. 
Magdalénien,  le  —  en  Syrie,  160. 

Magie  chez  les  tribus  des  îles  du  détroit  de  Torres,  202;  la  —  Afrique,  607. 
Main,  les  lignes  papillaires  de  la  paume  de  la  —  chez  les  Primates,  496. 
Maisons,  la  construction  des  —  chez  les  Jabim  de  la  Nouvelle-Guinée  allemande, 

201  ;  la  construction  des  —  dans  les  îles  Marshall,  206.  —  Voy.  Habitation. 
Majewski  (E.  V.).  Groupe  céramique  à  cordon  trouvé  en  Pologne,  429. 
Makassars,  ethnographie  des  —  de  Gélèbes,  488. 

MammouLh,  défense  de  —  ouvrée,  125;  le  régime  alimentaire  du  — ,  234. 
Mandibules  des  tumulus  de  la  Haute-Bourgogne,  8,  11;  —  des  tumulus  de  Châtillon- 

nais,  16,  18,  19,  23. 
Manouvriër  (L.).  Crânes  de  répoque  mérovingienne,  171. 
Manuel  de  recherches  préhistoriques,  152. 
Mans,  ethnographie  des   —  du  Yunnan,  452  ;  travaux  sur  les  —,  454  ;  les   —  du 

l«r  territoire  militaire,  460. 
Maori,  la  résurrection  du  peuple  —,  733. 

Marie  et  Pelleiier.  Crauiectomie  et  régénération  osseuse,  212. 
Marshall,  la  construction  des  maisons  et  des  bateaux  dans  les  îles — ,  206. 
Martin  (Df  H.).  Superposition  de  deux  tailles  sur  un  môme  silex,  137. 
Marton  (L.  de).  Répartition  des  objets  de  fer  en  Hongrie,  129. 
Masaï,  biologie  ethnique  des  — ,  708. 

Mas-d'Azil,  représentations  de  chevêtres  de  la  grotte  du    - ,  33,  43. 
Maufras  (E.).  Voy.  Daleau  (F.). 
Maoss  (M.)  et  Beuchat  (H.).   Essai  sur  les  variations  saisonnières  des  sociétés  eski- 

mos.  Étude  de  morphologie  sociale,  711. 
Mayet  (D'  Lucien).  La  question  de  l'Homme  tertiaire.  Note  sur  les  alluvions  à  Hip- 

parion  gracile  de  la  région  d'Aurillac  et  les  gisements  d'éolithes  du  Cantal,  641, 


760  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Mead  (Cliarles  W.).  Les  iustruments  de  musique  des  Incas,  486. 

Megaceros  hibernicus,  le  —  aux  euvirous  de  Paris  daos  les  dépôts  infra-iiéoli- 
thiques,  420. 

Mégalithes,  les  —  de  la  Vendée,  501  ;  —  du  Soudan,  673  ,  contribution  à  l'histoire 
des  —,  687  ;  les  —  du  Niger,  691.  —  Voy.  Dolmens  et  Menhirs. 

Mehlis  (C).  Nouvelles  trouvailles  néolithiques  dans  la  région  du  Rhin  moyen,  161. 
Les  cailloux  peints  du  «  Bohl  »  près  Neustadt,  424. 

Meillkt  (A.).  Quelques  hypothèses  sur  des  interdictions  de  vocabulaire  dans  les 
langues  indo-européennes,  619. 

Mélanésie,  le  rôle  des  courants  marins  pour  le  peuplement  de  la  —,715. 

Membres,  proportions  des  —  dans  la  race  de  Cro-Maguon,  298  ;  proportions  des  — 
dans  la  race  de  Grimaldi,  303,  315. 

Membre  inférieur,  os  du  —  provenant  des  tumulus  de  la  Haute-Bourgogne,  10. 

Membre  supérieur,  os  du  —  provenant  des  tumulus  de  la  Haute-Bourgogne,  10. 

Menhirs,  le  culte  des  —  dans  le  monde  celtique,  688  ;  —  du  Tagant,  690  ;  —  du 
Niger,  691. 

Mentawei,  les  habitants  des  îles  —,  193. 

Méos,  les  —  du  Tranninh,  449. 

Mérovingiens,  crânes  —,  171. 

Mesures,  entente  internationale  pour  l'unification  des  —  craniométriques  et  cépha- 
lométriques, 140,  559. 

Miao-tse,  ethnographie  des  —  du  Yunnan,  453. 

Microcéphales,  exhibition  de  jeunes  —  américaines,  503. 

MiEG  (Mathieu).  Dessins  représentatifs  sur  os  de  la  station  préhistorique  de  Sierentz 
(Haute-Alsace),  420. 

Migrations  des  populations  de  la  Guinée,  365  ;  —  aryennes,  420  ;  les  —  en  Méla- 
nésie, 715. 

Mimétisme  dans  le  Kurdistan,  632. 

Minoen,  classification  du  — ,  440. 

MoDESTOv,  Les  Osques  sont-ils  des  Aryens?,  138. 

Mois,  les  —  de  la  région  de  Quang-Ngai,  453, 

Momies  australiennes,  241. 

MoNTANÉ  (Dr  L.).  Objets  précolombiens  de  l'île  de  Cuba,  132. 

MoNTELius  (Oscar).  L'âge  du  bronze  en  Suède,  140, 

Montières,  étude  des  silex  taillés  de  — ,  403. 

Monuments  du  Soudan,  534. 

MooNEY  (James).  Les  mythes  des  Cherokees,  186. 

MoGRE  (Clarence  B.).  Restes  aborigènes  des  États-Unis,  443. 

MoRTiLLET  (G,  de),  le  nom  de  —  est  donné  à  une  rue  d'Amiens,  226. 

Mounds,  haches  de  cuivre  des  —  américains,  444. 

Mouslérien,  le  —  en  Syrie,  159  ;  le  —  dans  les  grottes  de  Grimaldi,  265. 

Moustier,  les  fouilles  du  lieutenant  Bourlon  au  —,  121. 

Ml'ller.  Recherches  préhistoriques  dans  la  région  de  Grenoble,  133. 

Murs  d'enceintes  à  parements  internes,  393. 

Musées,  les  —  d'histoire  naturelle  en  Europe  et  eu  Amérique,  231  ;  catalogue  géné- 
ral du  —  de  Figueira  da  Foz,  693. 

Muséum,  nouvelles  entrées  dans  les  collections  de  paléontologie  du  —  729  ;  — 
d'archéologie  projeté  à  Cambridge,  730, 

Musique,  les  instruments  de  —  des  Incas,  486. 

Mutilations  dentaires  des  habitants  des  îles  Mentawei,  195. 

Mythes  des  Indiens  Arapahos,  183  ;  les  —  des  Cherokees,  186  ;  cultes^  —  et  religions, 
600. 

Mythologie   des  Indiens  Pawnee,  476  ;  —  des  peuples  primitifs  de  l'Amérique  du 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  761 

Sud,  480  ;   vie  sexuelle,   naissance  et   monstruosité    dans    la  —  asiatique,  704. 

Naissance,  les  cérémonies  et  les  coutumes  relatives  à  la  —  à  Oraibi,  608. 

Nanisme,  cas  de  —  chez  les  Kai  de  la  Nouvelle-Guinée,  201. 

Navigation,  la  —  primitive  en  Europe,  139. 

Néanderthal,  âge  du  squelette  de  —  69. 

Nécropole  à  incinération  de  Timmari,  136  ;  —  préromaine  découverte  à  Gênes,  137. 

Nègres  blancs,  236  ;  les  —  aux  États-Unis,  236  ;  les  —  en  Allemagne,  733  ;  les  — 
aux  États-Unis,  733. 

Regritos,  la  répartition  des  — ,  707. 

Négroïdes,  gisement  des  —  de  Grimaldi,  268  ;  la  race  —  de  Grimaldi  est  plus 
ancienne  que  la  race  de  Cro-Magnon,  292  ;  caractères  de  la  race  —  de  Grimaldi, 
308;  à  propos  des  —  de  Grimaldi,  410. 

Néolithique,  l'époque  —  dans  la  région  de  Monaco,  114;  passage  du  Paléolithique 
au  —,  126;  origine  de  la  civilisation  —,  127;  le  —  en  Crète,  128;  monuments  — 
de  l'Aisne,  133;  crânes  —  des  Cévennes,  134;  populations  —  du  Bas-Médoc,  134; 
industrie  —  ancienne  de  la  Provence,  134  ;  chronologie  du  —  espagnol,  134  ;  le  — 
eu  Syrie,  160  ;  nouvelles  trouvailles  —  dans  la  région  du  Rhin  moyen,  161  ; 
poteries  et  silex  —  du  gouvernement  de  Perm,  163  ;  vase  —  avec  figuration 
humaine  trouvé  en  Russie,  163;  instruments  —  du  Sud  de  l'Afrique,  419  ;  dessins 
sur  os  d'une  station  —  de  la  Haute-Alsace,  420  ;  station  funéraire  — à  Bois-l'Abbé, 
en  Lorraine,  421  ;  cailloux  peints  — ,  424  ;  rapports  de  l'Egypte  et  de  la  Gaule  à 
l'époque  — ,  426;  le  —  dans  la  région  du  Niger,  526;  les  descendants  des  —  sou- 
danais, 529  ;  crâne  d'une  cité  lacustre  —  de  la  Suisse,  547  ;  fonds  de  cabanes  — 
en  Normandie,  594  ;  instruments  —  du  Soudan,  671. 

Neuville  (Henri),  Voy.  Carette- Bouvet  (Pierre). 

Neuweiler  (E.).  Les  restes  végétaux  préhistoriques  de  l'Europe  centrale,  avec  réfé- 
rence spéciale  aux  découvertes  suisses,  414. 

Newton  (E.  T.),  Voy.  Schabff  (R.  F.). 

Nez,  le  —  dans  la  race  de  Grimaldi,  303,  308,  311. 

Niger,  les  origines  des  populations  du  — ,  525;  archéologie  du  — ,  691. 

NoRDENSKiôLD  (E.).  Contribution  à  l'étude  de  quelques  tribus  indiennes  du  rio  Madré 
de  Dios,  191.  Exploration  scientifique  au  Pérou  et  eu  Bolivie,  191.  Des  Indienspar- 
laot  le  quichua  sur  le  versant  oriental  des  Andes,  entre  le  Pérou  et  la  Bolivie,  193. 
Recherches  ethnographiques  et  archéologiques  a  la  frontière  du  Pérou  et  de  la 
Bolivie,  484. 

Nouvelle-Guinée,  cas  de  nanisme  chez  les  Kai  de  la  —,  201;  la  construction  des 
maisons  chez  les  Jabim  de  la  — ,  201;  langue,  chants  et  danses  des  Monumbo  de 
la  —,  610. 

NuEscH  (J.).  La  transition  du  Paléolithique  au  Néolithique  dans  les  cavernes  du 
Schweizersbild  et  du  Kesslerloch,  126.  Le  Kesslerloch,  près  de  Thayngen,  canton 
de  Schafi"house.  Nouvelles  fouilles  et  découvertes,  685. 

Mùng,  les  —  du  ler  territoire  militaire  de  l'Indo-Chine,  459. 

Oaqôl,  cérémonie  religieuse  d'  —  à  Oraibi,  185. 

Obermaier  (Hugues).  Les  restes  humains  quaternaires  dans  l'Europe  centrale,  55. 
Squelette  de  Briinn  peint  en  rouge,  112.  A  propos  des  éolithes,  118. 

Obole,  V  —  de  Charon  dans  les  temps  préhistoriques,  629. 

Oppert  (G.).  Les  Parias  de  l'Inde,  177. 

Or,  distribution  en  Gaule  des  objets  d'  —  préromains,  130;  objet  en  —  récemment 
découvert  à  Arlon,  136. 

Orbite,  détermination  de  l'inclinaison  de  1'  — ,  615. 

Os,  objets  en  —  paléolithiques  des  cavernes  de  la  province  de  Santander,  146;  ins- 
truments en  —  des  Toalade  l'île  de  Célèbes,  197  ;  industrie  de  V  —  dans  la  grotte 
des  Cottes,  410;  dessins  sur —  de  la  station  préhistorique  de  Siereutz,  420. 


162  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Osques,  les  —sont-ils  des  Aryens  ?,  138. 

Osaelels,  les  —  meutonniers  et  leur  signification,  493. 

Ossements  peints  dans  des  sépultures  préhistoriques,  111. 

Oudi,  les  caractères  physiques  des  —  du  Caucase,  176. 

Pachundaki.  Observations  sur  le  Préhistorique  en  Egypte,  427. 

Pahouins,  origine  des—,  604. 

Paléogéoqraphie  des  Baoussé-Roussé,  269. 

Paléolithique,  instrument  de  type  —  rencontrés  à  Andernach,  58  ;  passage  du  —  au 
Néolithique,  126;  le  —  dans  la  province  de  Santander,  144;  station  —  de  l'âge  du 
renne  de  Munzingen,  près  de  Fribourg  en  Brisgau,  153  ;  l'Homme  —  de  Krapina, 
156;  le  —  en  Syrie,  159  :  le  —  de  l'île  de  Célèbes,  199;  gisements  —  dans  les  grottes 
de  Grimaldi,  265;  sépultures  —  de  Grimaldi,  291;  coutumes  funéraires  à  l'époque 
—,  293  ;  incinération  à  l'époque  — ,  294,  les  silex  —  de  Saint-Acheul  et  de  Mon- 
tières,  403;  atelier  de  taille  — ,  404;  les  trouvailles  —  de  l'interglaciaire  de  Hun- 
disburg,  416;  instruments  —  du  sud  de  l'Afrique,  418;  le  —  de  France  et  de  Por- 
tugal, 677.  —  Voy.  Pléistocene  et  Quaternaire. 

Papillallt(Di'  g.).  Unification  des  mesures  anthropométriques,  140,559.  Entente  in- 
ternationale pour  l'unification  des  mesures  craniométriques  et  céphalométriques, 
559.  Crânes  d'Abydos,  698. 

Papous,  étude  anatomique  des  parties  molles  de  la  tête  chez  deux  — ,  200. 

Pabat  (abbé).  La  méthode  employée  pour  dater  les  restes  trouvés  dans  des  couches 
antérieures  à  la  période  actuelle,  121.  Les  grottes  de  la  vallée  de  l'Yonne.  La  grotte 
de  la  Roche-au-Loup,  413. 

Parias,  le  —  de  l'Inde,  177. 

Pakibeni  (R.).  Nécropole  préromaine  découverte  à  Gênes,  137. 

Parsons  (F.  G.)  et  Box  (C.  R.)   Rapport  entre  les  sutures  crâniennes  et  l'âge,  207. 

Pas,  empreintes  fossiles  problématiques  de  —  humains,  399. 

Pawnee,  traditions  et  cérémonies  des  Indiens  — ,  475. 

Pêche,  la  —  à  Tahiti,  611. 

Peinture,  évolution  de  la  —  dans  les  cavernes,  124  ;  —  des  cavernes  de  la  province  de 
Santander,  145;  —  de  cailloux  néolithiques,  424  ;  —  dans  une  grotte  de  l'Ariège, 
623;  —  dans  la  grotte  de  Gargas,  624;  —  et  gravures  dans  des  cavernes  espa- 
gnoles, 625. 

Pelletier,   Voy.  Marie. 

Pekbdolski  (W.).  Figuration  de  l'homme  sur  un  vase  de  terre  néolithique,  163. 

Périgord,  le  —  préhistorique,  407. 

Peri\guey  (L.).  L'âge  de  la  pierre  dans  le  sud  de  l'Afrique,  418. 

Pérou,  crânes  du  —,  189;  exploration  scientifique  au  — ,  191  ;  recherches  ethnogra- 
phiques et  archéologiques  au  — ,  484. 

Peyrony,   Voy.  Capitan  et  Cahtailhac. 

PiDANCE  (R.).  Notes  sur  le  Tranninh,  448. 

Pied,  relief  de  la  plante  du  —  chez  les  Primates  et  l'Homme,  495  ;  les  lignes  papil- 
laires  de  la  plante  du  —  chez  les  Primates,  496. 

Pierres  dites  utilisées  ou  travaillées  aux  temps  préquaternaires,  117  ;  les  industries  de 
la  —  en  Asie,  en  Afrique  et  en  Amérique,  131  ;  pointes  de  flèches  et  de  lances  en 

—  du  Sahara,  132;  les  instruments  en  —  de  la  station  paléolithique  de  Munzin- 
gen, 154;  l'âge  de  la  —  en  Syrie-Palestine,  158;  instruments  de  —  de  Tasmanie, 
161;  instruments  néolithiques  en  —  de  la  région  du  Rhin  moyen,  162;  instru- 
ments en  —  des  Toala  de  l'île  ds  Célèbes,  196;  instruments  en  —  des  tumulus 
bretons,  324;  l'âge  de  la  —  dans  le  Sud  de  l'Afrique,  418  ;  une  station  de  l'âge  de 

—  en  Scanie,  425;  l'âge  de  la  —  en  Haute  Egypte,  429  ;  l'âge  de  —  dans  la  vallée 
du  Zambèze,  500  ;  l'âge  de  la  —  polie  dans  la  région  du  Niger,  526  ;  instruments 
quaternaires  en  —   de  l'île  de  Capri,  587;  instruments   en  —   du   Soudan,  671; 


INDEX  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE.  763 

objets  en  —  d'un  ancien  gisement  du  Jutland,  689;  instruments  en  —  du  Niger, 
691. 

Pierres  gravées  de  Siaro  et  de  Daga  Beid  (Somal),  883. 

PiETTE  (Edouard),  Le  chevêlre  et  la  semi-domestication  des  animaux  aux  temps  pléis- 
tocènes,  27.  Mort  de  — ,  214;  publications  de — ,  219. 

PiGORiNi  (L.).  A  propos  des  squelettes  préhistoriques  peints  en  rouge,  112.  Fouilles 
récentes  à  Capri,  121.  Nécropole  à  incinération  deTimmari,  136.  Matériel  palethno- 
logique  de  l'île  de  Capri,  586. 

Pillard  d'Arkaï.  Synchronismes  archéologiques  sur  les  enceintes  dites  ligures,  116. 

PiTTARD  (Eugène).  Deux  nouveaux  crânes  humains  de  cités  lacustres  (âge  de  la  pierre 
polie  et  âge  du  bronze)  en  Suisse,  547.  Influence  de  la  taille  sur  l'indice  céphalique 
dans  un  groupe  ethnique  relativement  pur,  615. 

Placard,  chevêtre  de  la  caverne  du  — ,  39. 

Plages  mariyies,  formation  et  âge  des  —  sur  le  pourtour  de  la  Méditerranée,  269-289. 

Platymérie  à  l'époque  quaternaire,  296,  300. 

Pléislocène,  la  semi-domestication  des  animaux  à  l'époque  — ,  27  ;  les  dépôts  —  des 
grottes  de  Grimaldi,  109  ;  caractéristiques  du  —  inférieur  et  du  —  moyen,  262  ; 
caractéristiques  du  —  supérieur,  263  ;  les  couches  de  la  grotte  du  Prince  et  de  la 
grotte  des  Enfants  à  Grimaldi,  datent  du  — ,  264,  268  ;  les  plages  quaternaires  sont, 
pour  la  plupart,  du  —  inférieur,  275  ;  les  mouvements  de  la  Méditerranée  pendant 
le  — ,  276.  —  Voy.  Paléolithique  et  Quaternaire. 

Pliocène^  le  —  à  Elephas  meridionalis  dans  le  département  de  la  Seine,  586. 

PôCH  (R.).  Cas  de  nanisme  chez  les  Kaï  de  la  Nouvelle-Guinée  allemande,  201.  La 
construction  des  maisons  chez  les  Jabim  de  la  côte  orientale  de  la  Nouvelle-Guinée 
allemande,  201.  Observations  sur  la  langue,  les  chants  et  les  danses  des  Mooumbo 
de  la  Nouvelle-Guinée  allemande,  exécutées  au  moyen  du  phonographe,  610. 

PoHLiG  (H.).  La  période  glaciaire  dans  la  vallée  du  Rhin,  416. 

Pologne,  groupe  céramique  à  cordon  trouvé  en  — ,  429. 

Polyglotte,  une  ville — ,  731. 

Portugal,  les  silex  tertiaires  de  — ,  677. 

Poteries  d'Eguisheim  et  de  BoUweiler,  67  ;  —  des  gisements  de  Togolsheim  et  de 
Steeten-sur-Lahn,  68  ;  —  néolithiques  des  Alpes-Maritimes,  115;  —  des  enceintes 
en  pierres  sèches  du  Gard,  116;  classification  des  —  néolithiques,  128;  les  — 
ibéro-  mycéniennes,  129  ;  —  provençales,  grecques  et  indigènes,  137  ;  —  peintes 
de  Suse  et  de  Tépé-Moussian  (Perse),  137  ;  les  types  de  —  néolithiques  dans  la 
région  du  Rhin  moyen,  162;  —  néolithiques  du  type  permo-livonien,  163;  — 
néolithique  avec  figure  humaine  trouvée  en  Russie,  163  ;  —  anciennes  db  l'île  de 
Célèbes,  198  ;  —  bretonnes  de  l'âge  du  bronze,  325  ;  —  de  l'âge  du  bronze  IV,  336; 
minoeones,  440  ;  —  anciennes  du  Niger,  526  ;  les  —  poussées  du  Somal,  du  Sahara 
et  du  Niger,  527  ;  —  d'un  abri  sous  roche  à  Bougie,  599  ;  —  anciennes  du  pays 
narbonnais,  599  ;  —  d'un  ancien  gisement  du  Jutland,  689  ;  —  peintes  de  Gournia, 
en  Crète,  694.  —  Voy.  Céramique. 

Pou-Eunes,  les  —  du  Tranninh  sont  des  Laotiens,  448. 

Poulain  (G.).  L'abri  du  Mammouth,  à  Métreville  (Eure),  127. 

Pou  Taïs  du  Tranninh,  449. 

Pou  Tengs,  les  —  ou  Khas  du  Tranninh,  449. 

Préhistoire,  la  —  chez  les  classiques,  500  ;  —  tunisienne,  632. 

Préhistorique,  études  d'ethnographie  —,  27  ;  le  —  dans  la  région  de  Monaco,  107  ; 
le  —  dans  la  région  de  Cannes,  115  ;  recherches  —  dans  la  région  de  Grenoble 
133  ;  recherches  —  dans  la  vallée  de  la  Saône,  134;  manuel  de  recherches  —,  152; 
le  —  de  la  province  d'Oran,  165  ;  catalogue  de  la  collection  —  du  D»"  Sturge,  401  • 
la  Vienne  aux  temps  —,  406;  le  Périgord  —,  407;.  les  végétaux  —  de  l'Europe 
centrale,  414  ;  dessins  sur  os  de   la  station  —  de  Sierentz,  420  ;  cartes  de  types 


764  INDEX  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

— ,  422  ;  observatious  sur  le  —  eu  Egypte,  427  ;  le  cabinet  —  du  Musée  de  Bàle, 
682  ;  ossemeuls  —  du  Latium,  697. 

Prière,  la  matérialisatiou  de  la  —  en  Orient,  696. 

Processions  des  Indiens  chrétiens  de  l'Equateur,  96. 

Prognathisme,  le  —  inférieur,  139  ;  —  de  la  race  de  Grimaldi,  303,  308,  3H.  —  Vuy. 
Crâne. 

Proportions  du  corps  chez  les  populations  de  la  Russie,  175  ;  —  dans  la  race  de  Cro- 
Maguon,  298  ;  —  dans  la  race  de  Grimaldi,  303,  315. 

Prolotiis toriques,  les  civilisations  —  dans  les  deux  bassins  de  la  Méditerranée,  128. 

Puy-Courny,  géologie  du  —,  655  ;  faune  du  —,  659;  éolithes  du  —,  660. 

Puy  de  Boudieu,  le  gisement  d'éolithes  du  —,  dans  la  Cantal,  644. 

Quaternaire,  les  restes  humains  de  l'époque  —  dans  l'Europe  centrale,  55  ;  les 
dépôts  de  Grimaldi  appartiennent  au  —,  108  ;  classification  des  temps  —,  121  ; 
découverte  de  restes  —  à  Capri,  121  ;  la  grotte  —  de  la  Font-Robert,  123  ;  la  sta- 
tion —  d'Ali-Bacha,  à  Bougie,  124  ;  le  —  en  Syrie,  159  ;  classiûcation  des  temps 
—,  261  ;  dépôts  —  des  grottes  de  Grimaldi,  264,  267  ;  les  rivages  méditerranéens 
aux  temps  — ,  273  ;  les  sépultures  des  grottes  de  Grimaldi  remontent  au  —,  292  ; 
faune  et  instruments  —  de  l'île  de  Capri,  587  ;  les  dernières  formations  —  d'Ecosse  ; 
589  ;  mammifères  —  des  cavernes  de  Californie,  592.  ^-  Voy.  Paléolithique  et 
Pléistocène. 

Quartzite,  instruments  en  —  d'Andernach,  58. 

Quichua,  mœurs  des  — ,  484. 

Rachitisme  chez  un  chimpanzé,  720. 

Randall-Maciver  (David).  La  Rhodesia  au  moyen  âge,  430. 

Rapports  de  l'expédition  anthropologique  de  Cambridge  au  détroit  de  Torres,  202. 

Ray  Lankester.  A  propos  des  éolithes,  120. 

Reid  (Clément).  L'île  d'Ictis,  596. 

Reinach  (Adolphe-J.).  A  propos  des  empreintes  murales  de  Knossos,  443. 

Reinach  (Salomon).  Découverte  à  Milan  de  squelettes  peints  en  rouge,  112.  L'épée  de 
de  Brennus,  343.  Cultes,  mythes  et  religions,  600. 

Religioji  primitive  des  Incas,  82  ;  —  des  insulaires  du  détroit  de  Torres,  204  ;  —  des 
Scymos  de  la  Guinée,  361  ;  —  des  Mans  de  l'Indo-Chine,  456  ;  —  des  Indiens 
Pawnee,  476;  —  des  populations  de  l'île  Célèbes,  4S9  ;  le  culte  de  la  nature  dans 
les  —  des  anciens  Sémites,  496  ;  —  chez  les  populations  primitives  du  Soudan,  530  ; 
—  animiste  au  Soudan,  535  ;  —  fétichiste  chez  les  Noirs  soudanais,  542  ;  cultes, 
mythes  et  —,  600  ;  les  —  de  la  Lusitanie,  602. 

RÉvÉRoNY  (Commandant).  Aperçu  sur  les  races  peuplant  le  l^r  territoire  militaire  de 
rindo-Chine,  458. 

Revue  préhistorique  illustrée  de  l'Est  de  la  France,  230. 

Rey  (Ferdinand),  Pénétrations  de  Hallstatt  et  de  la  Tène  en  Côte-d'Or,  131. 

Rhin,  la  période  glaciaire  dans  la  vallée  du  — ,  416. 

Rhodesia,  la  —  au  moyen  âge,  430  ;  les  monuments  ruinés  de  la  ■ — ,  431. 

Ridgeway  (W.).  L'origine  et  le  rôle  du  Cheval  de  sang,  150. 

Rites  cambodgiens,  462  ;  —  annamites,  463. 

Rivages,  déplacement  des  —  méditerranéens  pendant  les  dernières  époques  géologi- 
ques, 273  ;  abaissement  progressif  des  lignes  de  —  depuis  le  début  du  Pliocène,  274. 

Rivet  ij)'^).  Le  christianisme  et  les  Indiens  de  la  République  de  l'Equateur,  81. 
Exposition  anthropologique  du  — ,  728. 

Rouges,  les  —  du  Niger  sont  les  descendants  de  peuplades  anciennes,  533. 

Roumains,  ethnographie  des  —  de  Transylvanie,  446. 

RouzAUD  (H.).  Notes  et  observations  sur  le  pays  narbonnais,  599. 

Rupestres,  inscriptions  —  du  nord  de  l'Afrique,  137  ;  les  inscriptions  —  du  Somal, 
383  ;  figures  —  du  Tagant,  690  ;  dessins  —  du  Niger,  692. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  765 

Russes,  origine  des  —,  139. 

Russie,  découvertes  des  poteries   et  d'instruments  néolithiques  en  pierre  dans  la 

—,  163;  les  éléments  constitutifs  de  la  population  de  la  — ,  172. 
RuTOT.  A  propos  des  éolithes,  118,  120. 

Sahara,  pointes  de  flèches  et  de  lances  en  pierre  du  — ,  132. 
Saint-Acheul,  étude  des  silex  taillés  de  — ,  403  ;  atelier  de  taille  paléolithique  ancien 

à  —,  403. 
Saint-Venant  (J.  de).  Les  enceintes  eu  pierres  sèches  du  Gard,  116.  Épées  boïennes 

trouvées  aux  environs  de  Nevers,  131.  Sphéroïdes  de  l'âge  du  bronze,  136. 
Salmon  (J.).  Description  d'un  fœtus  achondroplase,  719. 
Santos-Rocha  (A.  dos).  Le  musée  municipal  de  Figueira  da  Foz;  catalogue  général, 

693. 
Saras,  les  —  de  fort  l'Archambault,  606. 

Sarasin  (Paul).  Introduction  à  l'étude  du  cabinet  préhistorique  du  Musée  de  Bâle,  682. 
Sarasin  (Paul  et  Fritz).  Anthropologie  de  l'île  de  Célèbes.  I.  Les  cavernes  des  Toala 

de  Lamontjong,  195.  Voyage  dans  l'île  Célèbes.  488. 
Sabauw.  Les  îles  flottantes  préhistoriques  du  Danemark,  126. 
Scanie,  station  de  l'âge  de  pierre  en  — ,  425. 
ScHARFF  (R.  F.J,  UssHKR  (S.  J.),  GoLE  (Greuville  A.),  Newton  (E.  T.),  Dixon  (Francis) 

et  Westropp  (T.).  Exploration  des  cavernes  du  comté  de  Clare,  588. 
ScHLAGiNHAUFEN  (0.).  Étudc  du  relief  de  la  plante  des  pieds  chez  les  Primates  et  les 

races  humaines,  495.  Les  lignes  papillaires  de  la  plante  du  pied  et  de  la  paume  de 

la  main  chez  les  Primates,  496. 
Schneider  (L.).  Haches  de  cuivre  du  district  de  Kôniggrâtz,  435. 
ScHOETENSACK   (0.).  Instruments  de  pierre   de  Tasmanie,  161.  Tessons  de  poteries 

néolithiques  du  type  permo-livonien  et  instruments  de  silex  de  Palkino,  gouver- 
nement de  Perm,  163. 
ScHULTz-LoRENTZEN.  L' arrivée  des  Eskimos  au  Groenland,  180. 
ScHWALBE  (G.).  Contributions  à  la  préhistoire  de  l'Homme,  682. 
ScHWEiNFURTH  (G.).   Faux  éolithes    dans   les  marnes  de  l'Allemagne  du  Nord,   415. 

L'âge  de  la  pierre  en  Haute  Egypte,  429. 
Schweizersbild,  âge  des  ossements  humains  du  — ,  79  ;  le  passage  du  Paléolithique 

au  Néolithique  dans  le  caverne  du  — ,  126. 
Sculptures  en  bois  des  Scymos  de  la  Guinée,  362;  —  sur  rochers  au-dessus  du  col 

de  Tende,  627. 
Scymos,  coutumes  des  —  du  littoral  de  la  Guinée,  359. 
Seager  (Richard  B.).  Fouilles  à  Vasiliki,  694. 

Sébillot  (Paul).  Le  folk-lore  de  France.  T.  III,  La  faune  et  la  flore,  722. 
Secte  féminine  en  Chine,  732. 
Sémites,  le  totémisme  chez  les  anciens  — ,  496. 
Sépultures,  divers  types  de  —  dans  la  nécropole  de  Hallstatt,  130;  —  quaternaires 

des  grottes  de  Grimaldi,  291  ;  les  —  de  l'âge  du  bronze  en  France,  321. 
Sergi.  Contribution  à  l'anthropologie  de  l'Amérique,  470. 
Siam,  le  jugement  de  Dieu  au  — ,  701. 
Siaro,  pierre  gravée  de  —  (Somal),  385. 
Silex  néolithiques  des  Alpes-Maritimes,  114;  —  du  Moustier,  121;  ■—  du  Laos,  132; 

—  taillés  importés  d'Asie-Mineure,  132; —  dans  des  tombes  mérovingiennes,  134; 

—  néolithiques  du  Bas-Médoc,  134  ;  superposition  de  deux  tailles  sur  un  même 
— ,  137;  —  taillés  des  cavernes  de  Santander,  143;  —  du  gouvernement  de  Perm, 
163;  étude  des—  taillés  de  Saint-Acheul  et  de  Montières,  403;  outillage  de  — de 
la  grotte  des  Cottes,  411  ;  les  —  taillés  d'Egypte,  428,  627;  —  taillés  des  couches  à 
Hipparion  du  Cantal,  581;  —  taillés  d'un  cranuog  d'Irlande,  598;  les  —  tertiaires 
de  Portugal,  677:  —  du  Kesslerloch,  canton  de  Schaffhouse,  685.  —  Voy.  Pierre. 


766  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

SiMMS  (S.  C).  Traditions  des  Crows,  478. 

Sinclair  (VVlUiam  J.).  Nouveaux  mammifères  quaternaires  des  cavernes  de  Califor- 
nie, 592. 

Siiifjes,  les  —  chirurgiens,  734. 

SiRET  (L.).  Origine  de  la  civilisation  néolithique,  127.  Comparaison  entre  la  civilisa- 
tion néolithique  du  sud  de  l'Espagne  et  l'ancienne  civilisation  égéenne,  129. 
Chronologie  du  Néolithique  espagnol,  l.'U. 

SiKET  (H.  et  L.).  Les  premiers  âges  du  métal  dans  le  Sud-Est  de  l'Espagne,  135. 

Société  secrète  des  Scymos,  en  Guinée,  359;  organisation  de  la  —  chez  les  Bagas, 
367. 

Sociologie  des  tribus  des  îles  du  détroit  de  Torres,  202. 

SoLDi  (Emile),  mort  de  — ,  225. 

Soleil,  le  culte  du  —  chez  les  Incas,  82. 

Solutréen,  existence  d'un  niveau  pré  — ,  122;  station  de  l'âge  du  renne  appartenant 
au  —  moyen,  154;  le  —  en  Syrie,  159;  le  —  de  Miskolcz,  418;  un  gisement  — 
dans  la  province  de  Namur,  627. 

Somalis,  division  des  —  Issas,  377;  les  pierres  gravées  des  —,  383. 

Sorcellerie,  la  —  en  Afrique,  607. 

Sorcières  italiennes,  502. 

Soudan,  recherches  archéologiques  dans  le  — ,  669. 

Spéléologie,  la  —  au  xx«  siècle,  502. 

Spy,  âge  des  squelettes  de  — ,  72. 

Squelettes,  caractères  des  —  humains  quaternaires  des  grottes  de  Grimaldi,  295-310. 

Statistique  de  la  [)Opulation  de  la  Tripolitaine,  237  ;  —  de  la  population  blanche  dans 
les  colonies  allemandes,  239;  —  des  Nègres  des  États-Unis,  733. 

Statues-menhirs,  nouvelles  —  de  l'Aveyron  et  du  Tarn,  135;  nouvelle  —  du  Gard,  628. 

Statuettes  en  bois  des  Scymos  de  la  Guinée,  362;  —  préhistoriques  découvertes  au 
Kesslerloch,  canton  de  Schaffhouse,  685. 

Staddinger  (P.).  Objets  de  verre  du  pays  de  Nupé,  469. 

STEiNMA?iN  (G.).  La  statiou  paléolithique  de  l'âge  du  renne  de  Munzingen,  près  de 
Fribourg  en  Brisgau,  153. 

Stevenson  (Matilda  Coxe).  Jeux  des  Zuîiis,  470. 

Stolyhwo  (Casimir).  Crânes  péruviens,  189. 

Stonehenge,  un  procès  à  propos  de  — ,  233. 

Stratigraphie  de  la  grotte  du  Prince,  à  Grimaldi,  258;  —  de  la  grotte  des  Enfants, 
à  Grimaldi,  267. 

Sturge  (D'  Allen].  Catalogue  descriptif  de  sa  collection  préhistorique,  401. 

Suisse,  les  gisements  paléolithiques  de  la  — ,  76;  flore  préhistorique  de  la  —,  414; 
crânes  de  cités  lacustres  de  la  — ,  547. 

Superstitions  des  Indiens  chrétiens  de  l'Equateur,  90;  —  des  Scymos  de  la  Guinée, 
361  ;  —  magie  et  sorcellerie  en  Afrique,  607. 

Sutures,  rapport  entre  les  —  crâniennes  et  l'âge,  207. 

Syrie,  l'âge  de  la  pierre  en  —  Palestine,  158. 

Tabariès  de  Grandsaignes.  La  navigation  primitive  en  Europe,  139. 

Taches  lombaires,  à  propos  des  — ,  240. 

Taille  des  Gaulois  de  la  Haute-Bourgogne,  10,  11;  —  des  Gaulois  du  Châtillonnais, 
16,  19,  20,  23;  —  des  squelettes  néolithiques  d'Eguisheim,  67;  —  des  sujets  de  l'abri 
du  Schweizersbild,  78;  la  —  en  Russie,  173;  la  —  des  Oudi  du  Caucase,  177;  — 
des  habitants  des  îles  Mentawei,  194;  —  des  Toala  de  l'île  de  Célèbes,  199;  —  des 
Saras  de  Fort  l'Archambault,  606;  influence  de  la  —  sur  Findice  céphalique, 
615;  —  des  Bochimans,  710;  —  des  Guaranis  du  Brésil,  714;  influence  de  l'âge  de 
la  mère  sur  la  —  de  l'enfant,  718. 

Taïti,  les  légendes  de  —,  611  ;  la  pêche  à  —,  611. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE.  167 

Talon,  saillie  du  —  chez  les  Gro-Maguons  de  Grimaldi,  300  ;  saillie  du  —  chez  les 

Négroïdes  de  Grimaldi,  305. 
Tambours  des  fétichistes  de  la  Guinée,  359. 

Tarpan,  le  —  et  sa  parenté  avec  les  chevaux  sauvages  et  domestiques,  585. 
Tasmanie,  instruments  de  pierre  de  —,  161. 

Tatouage  des  habitants  des  îles  Mentawei,  195;  le  —  chez  les  Bochimans,  710. 
Taubach,  âge  du  gisement  de  — ,  37. 

Tavares  de  Proença  (F.).  Notice  sur  deux  monuments  épigraphiques,  693. 

Temps,  la  représentation  du  —  dans  la  religion  et  la  magie,  616. 

Téne,  géographie  de  la  civilisation  de  La  —,  129;  épées  de  La  —,  344,  349. 

Terpen,  les  —  de  Hollande,  234. 

Tertiawe,  empreintes  problématiques  de  pas  de  l'Homme  —,  399;  industrie  —  dans 
le  Cantal,  581;  la  question  de  l'Homme  —,  641. 

Thaï,  les  —  du  Yunnan,  450  ;  les  —  du  l^--  territoire  militaire,  458. 

Thilenius  (G.).  Le  rôle  des  courants  marins  pour  le  peuplement  de  la  Mélanésie,  715. 

Thomsen  (Th.)  et  Jassen  (A.).  Une  nouvelle  trouvaille  de  l'ancien  âge  de  la  pierre,  la 
trouvaille  de  Braband,  689. 

Tibia,  le  —  dans  la  race  négroïde  de  Grimaldi,  304. 

ToLDT  (C).  Les  osselets  mentouniers  et  leur  signification  pour  la  formation  du 
menton,  493. 

Toradjas,  mœurs  et  coutumes  des  —  de  Gélèbes,  490. 

TôRÔK  (Aurel  von).  Essai  de  caractérisation  systématique  de  l'indice  céphalique,  210. 

Torres,  ethnographie  des  tribus  des  îles  du  détroit  de  —,  202. 

Totémisme,  le  —  chez  les  anciens  Sémites,  496. 

Tourbières,  les  —  d'Ecosse  et  leurs  relations  avec  l'époque  glaciaire,  589. 

Tours  du  silence  dans  l'Inde,  240. 

Traditions  des  Indiens  Arapahos,  183;  les  —  des  Indiens  Hopis,  472;  —  des  Indiens 
Skidi  Pawnee,  475;  —  des  Crows,  478. 

Tranninh,  les  populations  du  — ,  448. 

Transition  entre  le  Paléolithique  et  le  Néolithique,  126. 

Transylvanie,  ethnographie  des  Roumains  de  —,  446. 

Tripolitaine,  statistique  de  la  population  de  la — ,  237. 

Troglodytes  modernes  du  Djebel  Aurès,  138. 

Tbutat  (Eug.).  Le  Congrès  international  d'Anthropologie  et  d'Archéologie  préhisto- 
riques de  Monaco,  409. 

Tumulus  d'Auvenay,  3  ;  —  de  Méloisey,  11  ;  —  de  Magny-Lambert,  13  ;  —  de  la  Vie  de 
Bagneux,  16;  —  de  Minot,  17;  —  des  Vendues  de  Verroilles,  20;  —  des  Vendues 
de  Montmorot,  21;  —  de  Savoisy,  22;—  de  la  grande  forêt  de  Chàtillon,  23;  — 
bretons  de  l'âge  du  bronze,  323  ;  —  de  l'Allier  avec  objets  en  bronze,  329  ;  dolmen  — 
de  Courtavant,  330  ;  —  de  la  Combe-Bernard,  332  ;  —  du  Rhin,  333;  —  de  Veux- 
hauUes,  334  ;  un  —  berbère  à  Bougie,  599;  —  du  Soudan,  672. 

Ugo-Vram.  Fragments  de  squelettes  trouvés  dans  des  tombes  chrétiennes  auprès  de 
Niksii,  444.  Méthode  pour  déterminer  l'inclinaison  de  l'orbite,  615. 

Unification  des  mesures  craniométriques  et  céphalométriques,  140,  559. 

Urnes  cinéraires  des  nécropoles  de  la  France  centrale  à  l'âge  du  bronze,  335. 

USSHER  (R.  J),   Vog.  SCHARFF   (R.   F.). 

Variation  des  os  du  crâne  et  de  la  face  chez  l'homme,  716. 

Vase  en  or  incasique  à  personnage  coiffé  du  «  turhanle  »,  100, 

Vasseur  (G.).  Les  poteries  ibéro-mycéniennes,  129.  Poteries  provençales,  grecques 
et  indigènes,  137. 

Vendée,  les  monuments  mégalithiques  de  la  — ,  501. 

Verneau  (Dr  R.).  La  XIII»  session  du  Congrès  international  d'Anthropologie  et  d'Ar- 
chéologie préhistoriques,    103.  Les  sépultures  et  les  restes  humains  des  grottes  de 


768  INDEX  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE. 

Grimaldi,  HO.  A  propos  du  décbarûement  des  cadavres  avaot  leur  inhumation, 

H2.  Les  grottes  de  Grimaldi.  Résumé  et  conclusions  des  études  anthropologiques, 

291.  —  est  nommé  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  225. 
]'erre,  objet  de  —  du  Soudan  occidental,  469. 
Verworn  (Max).  L'industrie  archéolithique  dans  les  couches  à  Hipparion  d'Aurillac, 

Cantal,  579,  Etudes  archéolithiques  et  paléolithiques  en  France  et  en  Portugal, 

677. 
Vienne,  la  —  aux  temps  préhistoriques,  406;  la  grotte  des  Gottés,  dans  la  —,  410. 
Vikings,  ethnographie  des  —,  444. 

Ville  d'Avray  (Thierry  de).  Découvertes  préhistoriques  de  la  région  de  Cannes,  115. 
Villeneuve  (Chanoine  L.   de).  Rapports  entre  les  squelettes  des  Baoussé-Roussé  et 

les  foyers,  113.  L'obole  de  Charon  dans  les  temps  préhistoriques,  629. 
Volcans,  l'âge  des  derniers  —  de  la  France,  396. 
VoLD  (K.).  Le  culte  de  la  nature  (totémisme)  dans  les  religions  des  anciens  Sémites, 

496. 
VoLz  (W.).  Les  habitants  des  îles  Mentawei,  193. 
VoTH  (H.  R.).  La  cérémonie  d'Oaqôl  à  Oraibi,  185,  Les  traditions  des  Indiens  Hopis, 

472.  Les  cérémonies  et  les  coutumes  relatives  à  la  naissance  à  Oraibi,  608.  Les 

noms  propres  des  Hopis,  608. 
Wahnschaffr  (F  ).  Les  formations  iuterglaciaires  des  environs  de  Berlin,  682. 
Walcher   (G.).   L'origine   de  la  brachycéphalie  et   de   la   dolichocéphalie  par   des 

actions  intentionnelles  sur  le  crâne  infantile,  209. 
Weddas,  les  —  et  leurs  congénères  orientaux,  706. 
Werner  (H.).  Observations  anthropologiques,  ethnologiques  et  ethnographiques  sur 

les  Bochimans  Heikum  et  Kung,  710. 
Westropp  (T.),  Voy.  Scharff  (R.  F.). 
Wiegers  (Fr.).  Les  trouvailles  paléolithiques  de  l'interglaciaire  de  Hundisburg  près 

Neuhaldensleben,  416.  L'origine  naturelle  des  éolithes  de  l'Allemagne  du  Nord, 

676. 
WiLKE  (A.  G.).  L'origine  de  la  décoration  en  spirale,  433. 
WiiRTH  (Dr).  La  race  alpine,  138. 

Wurtemberg,  âge  des  restes  humains  des  cavernes  du  — ,  61. 
Yeux,  coloration  des  —  en  Russie,  173;  coloration  des  —  chez  les  Juifs  de  l'Afrique 

du  Nord,  179. 
Yonne,  les  grottes  de  la  vallée  de  1'  —,  413. 
Yunnan,  les  principales  races  indigènes  du  —,  450. 
Zaborowski.    L'origine    des    animaux    domestiques   en   Europe    et   les    migrations 

aryennes,  420. 
Zambèze,  l'âge  de  pierre  dans  la  vallée  du  —,  500. 
Zuùis,  les  jeux  des  —,  470. 


L'Anthropologie. 


Tome  XVII.  PI.  I 

(Mciuoirv  Rivet). 


Fiu.  1 


V\o.  2 


L'Anthropologi«=?. 


T.  XVII.  PI.  II 


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Fig.  1 


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Fig.  3 


Fig.  4 


Fig.  5  Fig.  6 

Monuments  anciens  et  modernes  du  Soudan. 


L'Anthropologie , 


T.  XVII.  PI.  III 


Fia.  1 


Fia.  2 


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Fig.  3 


Fig.  4 


Fig.  f) 


Fig.  G 


Autel  à  sacrifices. 
Dessins  rupestres  et  types  ethniques  du  Soudan. 


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